Archives de 2005

Assemblée générale du SPPMO

23 novembre 2005

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

L’an dernier, nous avions célébré ensemble, et débattu des « 60 ans d’action
et de conviction » qu’incarne votre syndicat. Je me réjouis d’être à nouveau
parmi vous aujourd’hui pour rappeler notre attachement commun à la presse
d’opinion et souligner le rôle éminent qui est le sien dans la formation du débat
public.

La simple lecture de la liste des titres membres du Syndicat professionnel de la
presse magazine et d’opinion illustre ce qui me semble être la singularité
première de votre organisation professionnelle, Monsieur le Président : la
diversité des sensibilités, notamment culturelles et politiques, de vos
adhérents. Le pluralisme d’expression prend ici tout son sens et la référence
jusque dans l’appellation du syndicat à la presse d’opinion n’est pas le fait du
hasard.

Et pourtant, c’est cette diversité même qui vous rapproche sur bien des points.

Je sais votre attachement à la solidarité qui, depuis la Libération, a cimenté la
presse française et qui s’est manifesté à travers la création d’organismes
coopératifs tels que les Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne ou la
Société Professionnelle des Papiers de Presse.

Je sais aussi Monsieur le Président, que votre syndicat est composé
d’entreprises à la personnalité forte et soucieuses de leur indépendance.

Je sais également que, pour nombre de vos adhérents, la faiblesse des
recettes publicitaires – qui bien évidemment n’est pas sans lien avec le choix
courageux d’être une presse d’opinion – est une spécificité d’ensemble, parfois
voulue, mais le plus souvent subie.

Bien évidemment, depuis la création de votre syndicat, le paysage de la presse
s’est singulièrement transformé et lorsque l’on examine aujourd’hui
l’environnement économique dans lequel évolue la presse, on ne peut
manquer de constater combien l’équilibre des entreprises de presse s’est
fragilisé.

La presse dans son ensemble et plus particulièrement la presse d’opinion
traverse une période difficile, marquée par l’érosion du lectorat, une
conjoncture publicitaire dégradée, tandis que les charges ne cessent de
croître.

Conscient de cette fragilité, l’État consent actuellement, pour la
modernisation de la presse française, un effort sans précédent. J’avais
obtenu l’année dernière du Parlement que la loi de finances pour 2005
consacre à la presse des moyens exceptionnels par leur ampleur, à hauteur
de 278 millions d’euros, en progression, à périmètre constant, de près de
30 % par rapport à l'année précédente, tandis que les seules aides directes à
la presse faisaient plus que doubler.

Avec un budget total de 280 millions d’euros, le projet de loi de finances pour
2006, adopté le 7 novembre par l’Assemblée nationale, et que je défendrai
prochainement devant le Sénat, consolide à la hausse l’effort sans précédent
consenti cette année. Cette persévérance dans le soutien à la presse écrite,
dans un contexte où les finances publiques restent fortement contraintes,
marque la cohérence de l’action du Gouvernement et sa volonté
d’accompagner des initiatives structurantes, susceptibles d’orienter
durablement le secteur sur la voie du développement éditorial, de
l’indépendance économique et du redressement.

Notre conviction, c’est que ces moyens doivent aller en priorité à la
modernisation du secteur. Car c’est l’indépendance économique, la viabilité
financière de chaque titre qui sont les meilleures garanties du pluralisme et de
l’indépendance de la presse.

Cela vaut plus pour les quotidiens qui supportent des coûts de fabrication
particulièrement élevés, mais cela vaut aussi pour l’ensemble des familles de
presse.

J’avais tracé devant vous l’année dernière notre feuille de route pour 2005. Je
souhaite saisir l’occasion que vous m’offrez de faire un premier bilan de cette
action et de vous indiquer les pistes de travail que nous explorerons l’an
prochain.
2005 a été en effet la première année d’application de nouveaux dispositifs
d’aide.

Je sais l’importance que revêt, pour vous, la diffusion par abonnements.
Signés le 22 juillet 2004, les accords État-Presse-Poste ont jeté les bases
d’un nouveau mode de relations entre les éditeurs, La Poste et l’État.

Ils permettent d’assurer l’avenir du transport postal de la presse, de garantir
l’égal accès de tous les lecteurs aux publications sur l’ensemble du territoire,
de préserver les conditions du pluralisme, d’améliorer la qualité du service, de
tenir compte aussi des exigences de rationalité économique qui s’imposent à
tout opérateur.

Après une première année d’application, je me félicite que la première
réunion de l’Observatoire constitué pour leur suivi ait été l’occasion d’en
dresser un bilan globalement satisfaisant même si, à ce stade, un certain
nombre de points restent à aplanir, s’agissant notamment de la mécanisation
des envois de presse.

Outre les profondes mutations du dossier postal, où la presse d’opinion s’est
particulièrement impliquée, nous nous sommes attaqués cette année avec
vigueur aux difficultés du système de diffusion de la presse.

Nous avons créé une nouvelle aide à la modernisation du réseau des
diffuseurs de presse, pour laquelle 3,5 millions d’euros ont été dégagés, afin
d’accompagner la refondation lancée par le Conseil supérieur des
messageries de presse. Ce dispositif, qui vient renforcer le plan global de
consolidation du réseau mis en oeuvre par la filière elle-même, vise à soutenir
les diffuseurs de presse dans l’effort de modernisation qu’ils doivent
accomplir pour dynamiser leur performance commerciale, dont dépend
directement la diffusion de la presse vendue au numéro. En 2006, le champ
des investissements éligibles au titre de l’aide sera étendu à certaines
dépenses liées à l’informatisation des points de vente, nécessaire pour
améliorer la réactivité commerciale du réseau et la gestion des flux et des
stocks. A cet effet, les crédits dédiés à cette aide augmenteront de près de
15 % par rapport à ceux de cette année.

Parallèlement, les autres fonds d’aide, dont la presse d’opinion bénéficie plus
particulièrement, verront leur dotation globalement maintenue. Ils ont d’ores
et déjà fait l’objet d’une modernisation importante afin d’en accroître
l’efficacité. C’est le cas, notamment, du « fonds d’aide à la distribution et à la
promotion de la presse française à l’étranger » dont bénéficient nombre de
titres présents ici aujourd’hui. Les aides ont été recentrées et ciblées sur des
zones géographiques définies comme prioritaires.

C’est également le cas de l’ancien « fonds presse et multimédia » qui, sous
sa nouvelle dénomination de « fonds d’aide au développement des services
en ligne des entreprises de presse » doit continuer à aider les éditeurs, au
moyen d’avances partiellement remboursables, à mettre à la disposition du
public leur contenu éditorial sur support numérique. Le développement des
services en ligne constitue en effet un enjeu majeur pour les entreprises de
presse, à la fois pour diversifier leurs sources de revenus, mais aussi pour
inverser la tendance à la baisse du lectorat. Un premier comité de sélection
de ce fonds s’est tenu le 11 octobre dernier et les premières aides accordées
sont en cours de versement.

La reconquête du lectorat passe évidemment par un effort spécifique et
stratégique en direction des jeunes lecteurs.

Malheureusement, la presse française ne souffre pas que d’une désaffection
du lectorat. L’une de ses faiblesses traditionnelles réside dans ses difficultés
à mobiliser des capitaux suffisants pour développer des projets
d’investissements répondant à ses besoins. En particulier, le défaut de fonds
propres est une caractéristique récurrente des entreprises de presse.

C’est la raison pour laquelle j’ai décidé que plusieurs mesures nouvelles de
nature à renforcer les fonds propres des entreprises de presse soient mises
en oeuvre ou étudiées dès 2006, telles qu’une réduction d’impôt pour les
personnes physiques qui décideraient de prendre des parts dans le capital de
certaines entreprises de presse, ou l’application au secteur de la presse des
dispositions de la loi relative au mécénat, aux associations et aux fondations.

Par ailleurs, la création d’un fonds de garantie dédié aux entreprises de
presse au sein de l’Institut pour le financement du cinéma et des industries
culturelles (IFCIC) devrait faciliter l’accès de ces entreprises aux prêts
bancaires nécessaires au financement de leurs investissements.

Vous le voyez, plus que jamais, l’État accompagne les mutations que vit
actuellement le secteur de la presse. Il le fait avec détermination, conscient
d’oeuvrer pour le bien de la démocratie elle-même. Il fait beaucoup mais il ne
peut tout faire.

La question de l’avenir de la presse d’opinion se pose en effet d’abord à la
presse elle-même. C’est la question de la qualité de l’information, de
l’impératif de rigueur, de la satisfaction de lecteurs devenus plus exigeants en
même temps que plus versatiles. C’est finalement le défi commun qu’ont à
relever les politiques et les médias : convaincre jour après jour par l’action,
par l’engagement, par la vérité des convictions et la réalité des faits, des
citoyens qui ne s’en laissent plus compter.

Le défi à relever est grand, pour vous comme pour nous. Il n’en est que plus
passionnant.

Je vous remercie.

Remise des insignes de Chevalier dans l'ordre national de la Légion d'honneur à Régis Durand

22 novembre 2005

Cher Régis Durand,

De votre jeunesse périgourdine, permettez-moi de retenir que
vous avez fait de solides études classiques jusqu'à l'obtention de
l'agrégation d'Anglais en 1965 à Bordeaux.

Votre esprit curieux vous pousse à effectuer votre service national
au titre de la coopération auprès de l'Université de Toronto. Ce
sera le début d'une longue et fructueuse carrière dans
l'enseignement, tout d'abord comme assistant à l'Université de
Bordeaux III, où vous préparez dans le même temps votre
doctorat. Votre thèse porte sur David Herbert Lawrence. Très
attaché à votre vocation d'enseignant et de chercheur, qui se
manifeste avec la publication en 1980 de votre premier ouvrage
consacré à Herman Melville, Signes et métaphores, vous
poursuivez votre carrière comme maître de conférences puis
professeur d'Anglais à l'Université de Lille III, et ce jusqu'en 1992.

Mais vous n'êtes pas homme à vous contenter d'un seul terrain
de réflexion. Vous développez dans le même temps une activité
d'écriture, comme critique d'art théâtral, qui vous conduit à fonder
en 1985, avec Antoine Vitez, Art du théâtre, publication de
référence dans ce domaine. La revue Art Press remarque vos
écrits et vous sollicite d'abord pour publier vos analyses sur le
monde du théâtre, puis vous signez de nombreux articles sur l'art
américain, et sur l'art contemporain, avant de développer vos
réflexions sur la photographie.

En 1988, vous publiez votre premier essai théorique aux éditions
de la Différence, Le Regard pensif et, au cours de cette même
année, vous organisez votre première exposition sur la
photographie plasticienne à la chapelle de la Salpétrière, et ce
dans le cadre du mois de la photo.

Dès lors, vos ouvrages sur la photographie seront très attendus,
qu'il s'agisse en 1990 de La part de l'ombre aux éditions de la
Différence ou en 1994 Habiter l'image aux éditions Marval.

Auteur de nombreux articles et essais dans les revues les plus
prestigieuses, vous n'avez de cesse d'interroger la place de la
photographie dans la pensée contemporaine.

Votre arrivée à la Délégation aux arts plastiques en 1992, vous
conduit pendant trois ans à analyser le fonctionnement et les
collections des Fonds régionaux d'art contemporain, à un
moment où leur rôle a parfois été contesté, et l'on vous doit
d'avoir mis en relief les fonctions artistiques et sociales
essentielles que jouent ces institutions en région.

Toutefois votre intérêt pour la photographie ne se dément pas et
Marie-Thérèse Perrin vous confie la direction artistique du
Printemps de Cahors. Entre 1993 et 1997, vous aurez à coeur de
montrer, au travers de votre programme, votre recherche sur la
photographie plasticienne comme ouverture sur les nouvelles
formes de l'art contemporain.

Nous savons par ailleurs que la réflexion que vous avez menée
sur le rôle que joue la photographie, comme interface entre l'art
et les medias, a nourri votre programmation à Cahors, au Centre
national de la Photographie, que vous dirigez depuis 1996, mais
aussi au travers d'expositions remarquées, comme Le monde
après la photographie, présentée en 1995 au musée d'art
moderne de Villeneuve d'Ascq et Sans commune mesure,
proposée en 2002 au Fresnoy.

Vous dirigez et animez le Centre national de la Photographie
jusqu'en 2003, date à laquelle vous prenez en charge la
direction du nouveau Jeu de Paume. C’est une mission difficile.

Vous parvenez à mener à bien la transformation de
l’établissement, désormais dédié à la diffusion de la
photographie et de l’image. Avec votre immense culture et votre
aptitude à fédérer les compétences et les énergies, vous
développez l’approche transversale et ouverte qui est désormais
la marque de ce musée, tant sur le plan chronologique, du XIXe
au XXIe siècle, que sur celui du décloisonnement des disciplines
et des pratiques, que vous vous attachez à mettre en valeur, en
réunissant la photo, la vidéo, le cinéma, les installations. Dans
ce lieu où vous avez à coeur de d’inviter le public à de nouvelles
rencontres et de nouvelles découvertes, tout en continuant
aussi à développer votre propre pensée, vous croisez des
mondes, pour reprendre le titre d’une exposition en cours sur le
document, en nous proposant des regards multiples, sur les
images, sur le réel et sur l’art d’aujourd’hui.

Vous avez souhaité associer les jeunes artistes à votre action,
ce dont je tiens à vous féliciter, en créant et en programmant
l'Atelier, véritable pépinière, qui a permis de révéler au public
une jeune génération de talents, et vous avez su mettre en exergue le rôle déterminant des entreprises privées, en
présentant les prestigieuses collections d'entreprises telles que
celles de Lhoist ou de NSM Vie.

Cher Régis Durand, au nom du Président de la République et en
vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons
Chevalier de la Légion d’honneur.

Remise des insignes de Chevalier dans l'ordre national de la Légion d'honneur à Patrick Raynaud

22 novembre 2005

Cher Patrick Raynaud,

C’est un très grand plaisir d’honorer ce soir l’artiste aux multiples
facettes que vous êtes, mais aussi l’enseignant, toujours attaché
à la transmission de son savoir, de son savoir-faire et à faire
éclore de nouveaux talents, et le directeur de la prestigieuse
Ecole de la rue d’Ulm, l’Ecole nationale supérieure des arts
décoratifs, où vous avez été nommé il y a trois ans, et dont j’ai
inauguré, le 24 novembre dernier, les nouveaux locaux, sur son
site historique.

Vous avez vu le jour en 1946 à Carcassonne, et pendant 20 ans,
vous resterez fidèle à cette belle région (dont vous gardez une
petite pointe d’accent). C’est à la Faculté de lettres de Toulouse
que vous faites vos études, avant de « monter à Paris » pour
intégrer l’IDHEC (institut des hautes études cinématographiques),
devenu depuis la FEMIS.

Votre diplôme en poche, vous entrez naturellement dans le
monde du cinéma, en devenant, dès 1970, assistant, monteur,
monteur-son, puis chef monteur, auprès notamment de Serge
Leroy, pour Le Ciel est bleu, Jacques Tati pour Trafic et de Jean-
Pierre Melville pour Un flic, tout en vous consacrant à des travaux
graphiques. Vous réalisez notamment des mises en pages de
livres et des couvertures de revues.

En 1973, vous rencontrez Sonia Delaunay. Vous lui apportez
votre assistance pour plusieurs de ses réalisations plastiques.

Vous réalisez ainsi les costumes de la pièce de Pirandello Dix
personnages en quête d’auteur présentée à la Comédie
Française, en 1978, et dont elle signe la scénographie.

Vous lui consacrez également un court métrage, intitulé Prises
de vue pour une monographie et un livre Nous irons jusqu’au
soleil publié chez Robert Laffont en 1974 ; et la même année,
vous réalisez un moyen métrage sur l’oeuvre de Robert Delaunay.

Pendant cette période, votre pratique personnelle évolue et vous
vous révélez artiste-plasticien à part entière.

C’est en 1977 que le galeriste parisien Harry Jancovici organise
votre première exposition. Elle sera suivie de beaucoup
d’autres : plus de deux cents expositions personnelles,
notamment à la fondation Gulbenkian à Lisbonne, au musée des
Beaux-Arts de Rennes, au musée Ludwig d’Aix-la-Chapelle, au
musée national d’art moderne de Vienne, à la galerie Brigitte
March à Stuttgart et au musée de Tel Aviv ; et vous avez
participé à plus de trois cents expositions de groupe, en Europe,
en Amérique et en Asie.

A vos talents graphiques et cinématographiques vous ajoutez la
photographie, la sculpture, le ready-made, et naturellement
l’installation.

Grâce à votre travail, vous sillonnez la planète et devenez un
véritable globe-trotter en quête de visions nouvelles.

Vous intervenez dans l’espace urbain, de manière durable ou
provisoire, notamment à Thiers avec Rivière sans retour en
1985, au Forum des Halles à Paris avec le Sonnet des voyelles,
à Tarbes avec Belvédère en 1997, et en Israël.

Vous réalisez la scénographie de nombreux ballets, par exemple
Dance Power à l’opéra national de Paris.

Votre générosité naturelle vous conduit à faire bénéficier
l’Association nationale des directeurs d’écoles d’art (ANDEA),
que vous présidez un temps, du réseau des liens professionnels
et amicaux que vous avez noués dans le monde entier avec de
très nombreuses personnalités culturelles, mais aussi les écoles
supérieures d’art de Nantes et de Cergy, que vous dirigez tour
à tour, en leur conférant un rayonnement sans précédent, avant
de prendre en 2002 la tête de l’Ecole nationale supérieure des
arts décoratifs, où vous avez su mener à bien la réforme dite
LMD (licence-master-doctorat) et saisir cette occasion pour
accentuer l’interdisciplinarité, le décloisonnement, que votre
propre parcours illustre, et qui sont plus nécessaires que jamais
aujourd’hui. Vous avez organisé, avec vos équipes, plusieurs
expositions qui mettent en valeur la diversité culturelle, artistique
et scientifique des talents qui s'y déploient.

Pierre Restany écrivait que vos objets « n’existent qu’en tant que
prétexte à occuper l’espace, ils n’ont pas de présent, mais une
immense présence. Ils échappent à la durée, ils existent hors du
temps ».

C’est bien à l’artiste, auteur d’oeuvres intelligentes et fortes que
je rends hommage ce soir, mais également à l’infatigable
pédagogue que vous êtes.

Cher Patrick Raynaud, au nom du Président de la République, et
en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons
Chevalier dans l’Ordre National du Mérite.

Remise des insignes de Chevalier dans l'ordre national de la Légion d'honneur à Pierre Cornette de Saint-Cyr

22 novembre 2005

Cher Pierre Cornette de Saint-Cyr,

Je suis très heureux de rendre hommage à un très grand ami des
musées, des arts plastiques et de l’art contemporain.

Je suis particulièrement fier de vous distinguer au lendemain des
« journées marteau », premières journées nationales des ventes
aux enchères organisées par le syndicat des ventes volontaires,
dont vous êtes l’une des grandes figures. Une vente, c’est
d’abord une ambiance, une rencontre, qui doit beaucoup à
l’alchimie entre la curiosité, les passions, le désir et les objets que
le commissaire-priseur orchestre avec talent. Et il règne dans les
ventes que vous animez, une atmosphère unique, lumineuse, qui
doit beaucoup à votre sens de l’humour, à votre sourire éclatant,
à votre goût du soleil et des couleurs, qui vous vient sans doute
de votre Maroc natal, dont vous savez si bien parler.

Très jeune, vous vous intéressez aux dessins anciens, puis vous
vous tournez très rapidement vers l’art contemporain, qu’il soit
photographique, pictural ou multimédia. Vous défendez la place
de l’art contemporain en France, à travers les ventes de votre
étude, mais aussi grâce à vos talents de connaisseur, qui vous
ont fait élire au Conseil d’Administration du Palais de Tokyo, dont
vous êtes le vice-président. Vous savez tout mon attachement à
l’art contemporain, voilà quelques semaines à l’occasion de
l’inauguration de la FIAC, j’ai invité la commission du Fonds
national d’art contemporain a profiter de cette exceptionnelle
concentration d’oeuvres pour procéder à une série d’acquisitions
à hauteur de 420.000 euros. C’est là je pense une illustration de
ma volonté de soutien au marché de l’art contemporain en
France, à travers l’une de ses manifestations majeures. Vous
savez aussi que mon soutien à la FIAC passe par son site
historique du Grand Palais, pour une manifestation exceptionnelle
et festive, rassemblant à la fois des installations d’oeuvres et une
programmation de performances et de films d’artistes.

Avant d’entrer de plain pied dans l’art contemporain, vous vous
consacrez à la photographie, avec la collection de Man Ray, de
Brassaï et vous lancez les ventes du mois de la photo. Le
succès de cette opération, lancée voilà vingt-cinq ans, ne se
dément pas d’année en année. C’est une heureuse rencontre
entre les collections publiques et privées, et le marché de l’art au
niveau français, mais aussi européen.

Créée en 1973, votre étude acquiert au fil des ans une place de
premier rang sur le marché des tableaux modernes et
contemporains. Aujourd’hui avec vos deux fils, Arnaud et
Bertrand, votre étude garde une part importante de son activité
dans le domaine du mobilier et des tableaux anciens. Dans le
milieu des ventes publiques, vous avez toujours fait figure de
pionnier, en organisant, par exemple, les premières ventes
spécialisées de photographies, mais aussi d'objets publicitaires.

Vous mettez également tout votre art et votre savoir-faire au
service de grandes causes humanitaires, en animant de
multiples ventes au bénéfice de ces actions caritatives. C’est là
une parfaite illustration de votre manière de penser, que vous
avez exprimé dans votre livre : L’art, c’est la vie.

Vous êtes animé d’une certaine idée de la France, intimement
liée au rayonnement international de l’art. C’est cette idée que
vous portez à travers le monde ; qui ne vous a pas entendu
proférer : « il faut aimer les artistes français » ? Je sais ainsi,
sans révéler un secret, que parmi vos nombreux projets, vous
travaillez à une exposition à New-York, pour le Palais de Tokyo.

La distinction que j’ai le plaisir de vous décerner vient
reconnaître vos talents et votre engagement au service de l’art,
de la création et de la culture. Vous savez qu’elle a également
de ma part, valeur de reconnaissance et d’encouragement à
l’égard de tous les acteurs du marché de l’art, dont vous êtes
une figure particulièrement emblématique.

Pierre Cornette de Saint-Cyr, au nom du Président de la
République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés,
nous vous faisons Chevalier de la Légion d’honneur.

Inauguration du cycle cinématographique Martin Scorsese au Centre Georges Pompidou à Paris

22 novembre 2005

Monsieur le Président du Centre Pompidou, Cher Bruno Racine,

Cher Martin Scorsese,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis très heureux de vous retrouver ce soir. Après avoir eu la
chance d’inaugurer à vos côtés la nouvelle Cinémathèque
française, au 51 rue de Bercy, et découvert, grâce à vous et
grâce à l’action de la Film Foundation que vous avez créée, le
premier film en technicolor de Jean Renoir, Le Fleuve,
magnifiquement restauré.

Ce soir-là, vous aviez évoqué ces films qui vous ont
profondément marqués. « En regardant ces films » – avez-vous
dit – « j’ai réalisé que le cinéma était un langage international et
un art international pour tous ». Depuis, la communauté
internationale a adopté, le 20 octobre dernier, sous les auspices
de l’Unesco, à la quasi-unanimité, la convention qui inscrit pour la
première fois la diversité culturelle dans le droit international.
Depuis aussi, je me suis rendu aux Etats-Unis, pour la première
fois en tant que ministre de la culture, où je vous ai d’ailleurs
retrouvé à New York, cher Bruno Racine.

Et je tiens à vous dire combien le combat pour le respect des
droits des créateurs, pour la diversité culturelle, unit tous ceux
qui, de part et d’autre de l’Atlantique et sur tous les continents,
ont à coeur à défendre l’expression des identités et de la créativité
dans l’égale dignité de toutes les cultures. Ce combat qui est le
nôtre est aussi le vôtre, cher Martin Scorsese.

Je suis d’autant plus heureux de le souligner que c’est à
nouveau la passion du cinéma, votre passion, et la nôtre aussi,
la passion Scorsese, qui nous réunit ce soir, et jusqu’au mois de
mars prochain, ici, au Centre Pompidou, pour un moment
exceptionnel, une rétrospective intégrale, doublée d’une « carte
blanche », que vous a donnée le Centre Pompidou pour choisir,
parmi ceux que vous voulez nous faire partager, les films que
vous aimez.

Comme l’écrit Michael Henry Wilson, dans le livre d’entretiens
qui sort à l’occasion de cet événement, vous avez su canaliser
votre passion « dans une oeuvre qui continue de s’élargir,
jusqu’à embrasser toute la mémoire du monde ». Il est
particulièrement significatif de commencer cet hommage qui
vous est dédié et que vous dédiez à votre passion du cinéma par
Mean Streets, qui n’est bien évidemment pas votre premier film,
mais que l’on a pu décrire comme tel, parce que l’on peut y voir,
sans doute, la matrice, la trame de vos obsessions, de votre
regard sur « Little Italy », sur New York, sur l’Amérique, et sur la
confrontation entre :

– le rêve, par exemple celui de Charlie, joué par Harvey
Keitel, qui se voudrait le Saint-François d’Assise de son
quartier ;

– la violence et l’énergie de Johnny Boy, incarné par Robert
de Niro, qui commence ici son compagnonnage avec vous ;

– et l’aspiration à la rédemption qui gît au coeur de chacun de
vos personnages.

Cher Martin Scorsese, au nom de vos amis du cinéma français
et européens ici réunis, et au nom de tous les amoureux du
cinéma et de tous les Français qui vous aiment, vous le savez, je
vous remercie de nous donner l’occasion de voir et de revoir ce
film.

Remise des insignes d’Officier dans l’ordre national de la Légion d’honneur à Hubert Nyssen

22 novembre 2005

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Nous sommes rassemblés ce soir rue de Valois, pour rendre
hommage à quatre grands passeurs de culture, quatre
transmetteurs d’énergies, qui chacun dans leur domaine, l’édition,
le marché de l’art, l’enseignement artistique et la photographie,
sont des acteurs essentiels du rayonnement de notre culture.

Cher Hubert Nyssen,

Vous avez vécu plusieurs vies. Né à Bruxelles, mais élevé en
grande partie par votre grand-mère, qui était originaire de Tours,
et qui vous apprend à lire, dès votre plus jeune âge, dans Dickens
et Cervantès, vous avez acquis la nationalité française en 1976,
et vous êtes aussi aujourd’hui membre de l’Académie royale de
Belgique, où vous avez été élu, comme membre étranger, au
fauteuil d’Alain Bosquet qu’avaient occupé, entre autres, Colette
et Cocteau. Vous avez été apiculteur, publicitaire, homme
d’affaires, aventurier, écrivain, bien sûr, mais vous êtes avant tout
un très grand éditeur, au sens le plus fort et le plus actuel de ce
terme, au sens aussi, où, dans un ouvrage récent que vous avez
préfacé sur l’édition à l’âge romantique, apparaissent dès cette
époque ses fonctions essentielles de sélectionneur, conseiller,
agent, compagnon, accompagnateur.

Et s’il y a bien un homme qui a été, toute sa vie, au service des
Lettres, c'est bien vous, cher Hubert Nyssen. Vous l'avez été
avec une constance, une intelligence, une passion, une
générosité absolues. Et beaucoup de courage, ainsi qu'une belle
audace ! Oui, en 1977, quand vous avez fondé les éditions Actes
Sud, presque seul, sur la rive gauche…du Rhône, d’abord au
pied des Baux, avant de venir vous établir au coeur du « plat
pays » arlésien, qui aurait pu prédire qu’elles deviendraient l'une
des plus grandes maisons d'édition françaises, qui allient
l'exigence et l'ouverture, la rigueur et la liberté, donnent une telle
image de probité, de scrupule et d'indépendance ?

Vous incarnez l'honneur de ce métier, vous êtes, plus que
jamais, un exemple, non pas simplement de réussite, mais de
fidélité obstinée à vos goûts, à vos choix, à vous-même ; et c'est
pourquoi, quand on évoque votre nom, dans quelque milieu que
ce soit, il y a, chez chacun, de l'admiration, de la reconnaissance
et comme une tendresse secrète. Votre maison est une véritable
incarnation de la diversité culturelle et linguistique. Lorsque, vers
le milieu des années quatre-vingts, vous redécouvrez Nina
Berberova, qui, à 85 ans, n’a rien écrit depuis vingt ans, et Paul
Auster, dont la Cité de verre avait été refusée par tous les
éditeurs aux Etats-Unis, lorsque vous nous faites découvrir tant
de chefs d’oeuvre jusqu’alors inaccessibles en français, vous
êtes un pionnier, vous êtes non seulement un défenseur
exemplaire de la traduction, cette « langue de l’Europe » selon
Umberto Eco, vous êtes aussi un précurseur de ce combat pour
la diversité culturelle qui vient de réunir la communauté
internationale quasi-unanime.

Lorsque vous avez repris la
collection de théâtre « papiers », il y a vingt ans, on vous a dit :
« déjà, le théâtre, c’est difficile…alors des textes de théâtre, c’est
de la folie ! ». Aujourd’hui, « papiers » est devenue une véritable
mémoire du théâtre contemporain. De surcroît, Laurent Gaudé,
le prix Goncourt 2004, est entré chez vous par la porte de
« papiers ». La diversité, dont vous avez été le pionnier, c’est
aussi celle de votre groupe indépendant, où vous avez créé ou
repris des collections, comme celle dont je viens de parler, ou
comme Actes Sud Junior, Nature, Photo Poche, Babel et agrégé
de nouvelles maisons, comme par exemple, les éditions du
Rouergue, Jacqueline Chambon, Sindbad. Les livres, dont vous
êtes entouré, restent pour vous les "plus sûrs transbordeurs de
la création et de la pensée", les meilleures preuves de la dignité
de l'esprit humain, ceux qui s'opposent le mieux, avec la force de
leur rayonnement, à toutes les violences, au culte de la vitesse
et à l'empire du profit immédiat. Oui, comme vous l'avez souvent
déclaré, vous êtes pour l'exception culturelle. Vous êtes surtout
pour l'exception de la beauté. La beauté de tant d'oeuvres,
d'univers imaginaires et stylistiques, que vous avez découverts
vous-même, grâce à votre culture, à votre instinct si sûr, à votre
sens de l'originalité littéraire et de la profondeur esthétique.

Les
écrivains, et souvent les plus grands, que vous avez publiés,
vous aiment et vous demeurent résolument, passionnément
fidèles, car vous comprenez intimement leurs angoisses, la
succession de déceptions et de bonheurs qu'ils éprouvent au
cours de leur travail ; un simple signe, un simple sourire de vous
leur suffit pour continuer, pour achever. Mais si vous les
comprenez si bien, c'est parce que vous êtes vous-même
écrivain. Et un magnifique écrivain. Depuis Le Nom de l'arbre
jusqu'à, très récemment, Pavanes et Javas sur la tombe d'un
professeur, en passant par La Mer traversée et Le Bonheur de
l'imposture ou Eléonore à Dresde qui a remporté le prix Valéry
Larbaud, qui vous va si bien, vous avez écrit des romans qui conjuguent la force rêveuse et la vigueur réaliste, la délicatesse
psychologique et l'ampleur romanesque, la majesté du rythme,
celui d'un fleuve qui coule entre la lumière et l'ombre, et la
précision narrative. Des romans qui ont la gravité aérienne de la
musique. Cette musique que vous aimez tant, qui vous porte et
vous irrigue, vous stimule et vous apaise. A laquelle vous
participez vous-même en créant en Avignon, en 2000, un "opera
buffa" : Mille ans sont comme un jour dans le ciel. Et que vous
offrez aux autres au cours des soirées du Méjan, uniques par la
ferveur, la qualité d'harmonie partagées. Car rien ne vous
importe plus que la rencontre, l'union des êtres, de leurs coeurs
et de leurs esprits.

L'amour des lettres se conjugue toujours
chez vous avec la passion du monde que vous nourrissez par
vos voyages, vos rencontres avec les plus grandes
personnalités, vos engagements, la hardiesse, la clarté
combative de vos positions. Car vous ne vous êtes jamais
enfermé dans une citadelle de mots et de lectures, vous avez
été, et vous restez sensible à toutes les injustices sur terre, à
toutes les blessures humaines, à tout ce qui risque d'abîmer et
de détruire la dignité de l'être, de corrompre sa liberté, cette
liberté à laquelle vous tenez tant. Votre famille le sait. Une
famille qui est aussi une véritable équipe, soudée autour de
vous. Si elle est si unie, c'est qu’elle est davantage qu'un cercle,
un même et vaste coeur qui brille, là-bas, au Sud, où votre
maison est un modèle d'accueil, de cosmopolitisme littéraire : Un
endroit où aller, pour reprendre le si juste nom que vous avez
donné à la très belle collection que vous dirigez.

Et nous aussi,
si le monde s'assombrit et perd ses repères, nous avons un
endroit où aller : vers vous. Qui représentez l’expression d’une
« pensée de midi », pour reprendre le titre de la revue littéraire et
de débats d’idées que vous éditez. Un midi qui est d’abord un
point de vue sur le monde, et non plus un théâtre de villégiature.

Une lumière, celle de l'honneur des lettres, de la littérature tout
entière. Et je suis très heureux et fier de vous rendre hommage
aujourd’hui, à l’automne, en pleine saison littéraire, après avoir
distingué votre fille Françoise dans l’ordre des Arts et des
Lettres, ici même au printemps, à l’occasion du Salon du Livre.

Cher Hubert Nyssen, au nom du Président de la République, et
en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons
officier de la légion d'honneur.

Rencontres européennes de Budapest au Parlement Hongrois

17 novembre 2005

Madame la Présidente,

Monsieur le Premier Ministre,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Monsieur le Commissaire,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs,

Cher Alain Touraine,

Chers Amis,

Tout d’abord, je tiens, Madame la Présidente, Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Ministre, à vous remercier pour votre accueil chaleureux et à vous
dire l’émotion qui est la mienne de m’adresser à vous, au sein de ce
Parlement, qui est à la fois l’expression de la nation hongroise, le symbole de
la démocratie et l’un des joyaux du patrimoine européen. Notre patrimoine,
c’est d’abord notre mémoire. Et en cet instant, avant que cette conférence
dessine l’horizon de l’Europe en 2020, c’est-à-dire demain, je veux vous dire
un mot d’hier et vous parler d’aujourd’hui.

Hier, c’est d’abord le souvenir vivant de 1956 et de 1989. Et tous les
Européens savent qu’ils doivent la conquête de leur liberté au souffle qui a pris
naissance ici, pour déchirer le rideau de fer qui a longtemps divisé notre
continent.

Nous savons, nous, ministres de la culture européens, ce que l’action que
nous avons enclenchée, à Berlin d’abord, cher Volker Hassemer, et qui s’est
poursuivi à Paris, les 2 et 3 mai derniers, et maintenant à Budapest, avant
Grenade au printemps prochain, doit au levain que votre peuple, Monsieur le
Premier Ministre, Madame la Présidente du Parlement, a répandu ici, avec une
force inexorable et sereine, qui est celle du plus long fleuve de l’Europe.

Puisse cette force nous inspirer aujourd’hui ! Car, avant que ces trois jours de
session nous permettent de préciser notre vision de l’Europe de demain, je
suis venu avant tout, vous parler d’aujourd’hui.

Construire l’Europe de la culture est un défi majeur. Oui, le mot de Milan
Kundera, selon lequel « l’aspiration européenne correspond à une ambition
culturelle » est plus actuel que jamais. Telle est la conviction profonde que je
veux partager avec vous : si nous voulons que le projet politique européen
rencontre l’adhésion de nos concitoyens, il nous faut franchir un pas
supplémentaire, un pas décisif, pour la construction de l’Europe de la culture.

Car la question européenne est avant tout une question d’identité, c’est-à-dire
une question de culture.

Et l’adoption, à une très large majorité, de la convention sur la diversité
culturelle à l’Unesco, le 20 octobre dernier, est une première bataille gagnée
pour l’Europe de la culture que nous voulons construire. En affirmant que les
oeuvres d’art et de l’esprit ne sont pas des marchandises comme les autres,
que les Etats sont fondés à mener leurs propres politiques culturelles, la
communauté internationale n’a pas seulement fait en sorte que la culture ne
puisse se dissoudre dans le commerce international, elle a posé la première
pierre d’un véritable droit international de la culture.

Je tiens à saluer l’unité exemplaire des Européens et l’efficacité de l’action de
la Commission européenne, Cher Jan Figel.

Votre action éclaire les propositions que nous avons élaborées ensemble à
Paris, les 2 et 3 mai derniers, et que j’ai remises à la Commission
européenne. Il s’agit de créer un groupe de coopération avec les Etats
membres qui seraient disposés à apporter une contribution financière et
matérielle à nos actions communes. Les propositions que je vous soumets
aujourd’hui ont été mûrement réfléchies et débattues au sein des ateliers
préparatoires aux rencontres de Paris.

Elles sont issues de ces discussions entre des artistes et des professionnels
européens. Ce ne sont donc pas seulement les propositions de la France. Ce
sont des initiatives concrètes et complémentaires des programmes
européens. J’ajoute que leur coût est limité, afin que le plus grand nombre
d’Etats puissent s’y joindre.

Elles sont destinées à faciliter la circulation des oeuvres et des artistes au
sein de l’Europe, et à valoriser le patrimoine de notre « vieille Europe », le
patrimoine vivant qui s’enrichit chaque jour des créations d’aujourd’hui.

Ainsi, pour que les Européens voient davantage de films européens, et parce
que 70% des films projetés dans les salles de cinéma de l’Union européenne
sont américains, je vous propose de promouvoir les cinémas européens, en
Europe, sous la forme de « semaines du cinéma européen », notamment
dans les salles membres du réseau Europa Cinéma, dont les dixièmes
rencontres ont lieu en ce moment même à Budapest. Un label commun
pourrait être identifié et cette semaine du cinéma européen se déroulerait
simultanément dans les Etats membres participant à ce projet.

Parce que la diversité linguistique est au coeur de l’identité européenne, et je
suis heureux de le dire ici, sachant l’attachement si fort des Hongrois à leur
langue, si belle et unique, parce que, comme l’a dit Umberto Eco, la
traduction est la langue de l’Europe, parce que je n’aurais jamais pu vibrer
d’émotion devant le Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas si votre prix Nobel
de littérature n’avait été traduit, mais parce que cette diversité même ne doit
pas être un obstacle à la circulation des oeuvres, je vous propose, dans le
domaine des arts de la scène, de créer un fonds de sous-titrage des oeuvres
théâtrales et musicales. Cette aide permettrait de faciliter les coproductions
européennes, la mobilité des oeuvres et l’accès à un plus large public.

Une
autre mesure suggérée par les professionnels serait d’élaborer un guide des
tournées pour faciliter la circulation des artistes en Europe.

Dans le domaine du livre et de la traduction, pour ouvrir davantage l’accès
des Européens aux littératures des autres pays d’Europe, je vous propose de
mettre en place un réseau de librairies européennes sur le modèle d’Europa
Cinéma. L’idée est de labelliser les librairies dont le fonds est composé
d’oeuvres européennes traduites ou en langue originale.

Parce que l’Europe, tout au long de son histoire, a produit l’essentiel des
savoirs et n’a cessé de rester ouverte sur les nouveaux regards du monde,
elle ne peut rester à l’écart de la nouvelle géographie des connaissances sur les réseaux d’aujourd’hui. C’est pourquoi je tiens à attirer particulièrement
votre attention sur le projet de Bibliothèque numérique européenne, d’ores et
déjà soutenu par six chefs d’Etat et de gouvernement, qui ont écrit au
Président de la Commission européenne. C’est un grand projet pour l’Europe
d’aujourd’hui. Les ministres de la culture en ont débattu pour la première fois
à Bruxelles lundi dernier. Presque tous se sont exprimés. Tous ont soutenu
cette idée. La voie est ouverte pour aller de l’avant tous ensemble ou, si
certains veulent aller encore plus loin et encore plus vite au sein d’un groupe
de coopération.

Afin que les Européens puissent mieux connaître et s’approprier le patrimoine
commun de l’Europe, je vous propose la création d’un label « patrimoine de
l’Europe », sur le modèle du « patrimoine de l’humanité » qui est l’un des
grands succès de l’Unesco. Il s’agit aussi de créer un lien direct entre l’action
de l’Union européenne et le grand public, d’améliorer l’attractivité de nos
territoires en développant le tourisme culturel, et d’engager les gestionnaires
des sites dans une démarche de qualité d’accueil, de conservation et de
restauration, alors que l’Europe a de plus en plus de mal à faire labelliser de
nouveaux sites au titre de l’Unesco. Les sites labellisés pourraient faire l’objet
d’un examen prioritaire dans le cadre des fonds structurels.

Parce que notre patrimoine se nourrit de la vitalité de nos créations
contemporaines, je vous propose, dans le domaine des arts plastiques, de
mettre en place un système d’inter-prêts de longue durée (de l’ordre de cinq
ans) entre lieux de diffusion et de promotion de la création visuelle
contemporaine.

Parce que le cadre de vie des Européens, qui fait partie de leur identité et
dépasse les frontières, est modelé par les professionnels de l’architecture et
du paysage, je vous propose de créer un concours, dans l’esprit d’Erasmus,
destiné à promouvoir les architectes et les paysagistes de moins de 35 ans et
à leur permettre d’étendre leur carrière hors de leur pays d’origine.
Parce qu’il faut mieux assurer le rayonnement international de nos créations
et de nos industries musicales, je vous propose de créer une plate-forme de
promotion des musiques européennes, sur le modèle du bureau pilote que
nous avons lancé à New York.

L’Europe de la culture se construit aussi, et sans doute surtout, par
l’engagement personnel des créateurs et des artistes. Notre responsabilité
politique est de les aider et de les encourager. Les mesures concrètes que je
vous propose n’ont pas d’autre but. C’est ainsi que nous bâtirons l’Europe
des initiatives et des projets, à laquelle tous nos concitoyens aspirent. Et
permettez-moi, puisque la musique est au coeur de l’âme hongroise et de
l’âme européenne, de donner un coup de chapeau aux artistes qui font vivre
notre patrimoine et nos créations. Je pense, par exemple, à l’orchestre
philharmonique de Radio France, dirigé par Myung-Whun Chung, qui est
venu jouer la Huitième Symphonie de Mahler à Budapest, à l’invitation du
Muvesztek, mais aussi à Pascal Dusapin, qui m’accompagne aujourd’hui, et
qui met son immense talent au service du magnifique projet itinérant
d’académie européenne de composition musicale, que j’espère voir bientôt
aboutir.

Avec tous nos artistes, avec tous nos penseurs, tous nos créateurs, et
comme nous y invitait dans son si beau discours à Stockholm, Imre Kertèsz,
en apportant des réponses concrètes aux questions fondamentales de la
vitalité et de la créativité humaines, la construction de l’Europe de la culture
nous engage à dépasser les traumatismes de l’histoire et les fractures du
présent pour penser à l’avenir plutôt qu’au passé.

Je vous remercie.

Rencontres européennes de Budapest

17 novembre 2005

Ladoption, à une très large majorité, de la convention sur la diversité culturelle à l’Unesco, le 20 octobre dernier, est une première bataille gagnée pour l’Europe de la culture que nous voulons construire. En affirmant que les oeuvres d’art et de l’esprit ne sont pas des marchandises comme les autres, que les Etats sont fondés à mener leurs propres politiques culturelles… Madame la Présidente,
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Commissaire,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Cher Alain Touraine,
Chers Amis,

Tout d’abord, je tiens, Madame la Présidente, Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Ministre, à vous remercier pour votre accueil chaleureux et à vous dire l’émotion qui est la mienne de m’adresser à vous, au sein de ce Parlement, qui est à la fois l’expression de la nation hongroise, le symbole de la démocratie et l’un des joyaux du patrimoine européen. Notre patrimoine, c’est d’abord notre mémoire. Et en cet instant, avant que cette conférence dessine l’horizon de l’Europe en 2020, c’est-à-dire demain, je veux vous dire un mot d’hier et vous parler d’aujourd’hui.

Hier, c’est d’abord le souvenir vivant de 1956 et de 1989. Et tous les Européens savent qu’ils doivent la conquête de leur liberté au souffle qui a pris naissance ici, pour déchirer le rideau de fer qui a longtemps divisé notre continent.

Nous savons, nous, ministres de la culture européens, ce que l’action que nous avons enclenchée, à Berlin d’abord, cher Volker Hassemer, et qui s’est poursuivi à Paris, les 2 et 3 mai derniers, et maintenant à Budapest, avant Grenade au printemps prochain, doit au levain que votre peuple, Monsieur le Premier Ministre, Madame la Présidente du Parlement, a répandu ici, avec une force inexorable et sereine, qui est celle du plus long fleuve de l’Europe.

Puisse cette force nous inspirer aujourd’hui ! Car, avant que ces trois jours de session nous permettent de préciser notre vision de l’Europe de demain, je suis venu avant tout, vous parler d’aujourd’hui.

Construire l’Europe de la culture est un défi majeur. Oui, le mot de Milan Kundera, selon lequel « l’aspiration européenne correspond à une ambition culturelle » est plus actuel que jamais. Telle est la conviction profonde que je veux partager avec vous : si nous voulons que le projet politique européen rencontre l’adhésion de nos concitoyens, il nous faut franchir un pas supplémentaire, un pas décisif, pour la construction de l’Europe de la culture.

Car la question européenne est avant tout une question d’identité, c’est-à-dire une question de culture.
 
Et l’adoption, à une très large majorité, de la convention sur la diversité culturelle à l’Unesco, le 20 octobre dernier, est une première bataille gagnée pour l’Europe de la culture que nous voulons construire. En affirmant que les oeuvres d’art et de l’esprit ne sont pas des marchandises comme les autres, que les Etats sont fondés à mener leurs propres politiques culturelles, la communauté internationale n’a pas seulement fait en sorte que la culture ne puisse se dissoudre dans le commerce international, elle a posé la première pierre d’un véritable droit international de la culture.

Je tiens à saluer l’unité exemplaire des Européens et l’efficacité de l’action de la Commission européenne, Cher Jan Figel.

Votre action éclaire les propositions que nous avons élaborées ensemble à Paris, les 2 et 3 mai derniers, et que j’ai remises à la Commission européenne. Il s’agit de créer un groupe de coopération avec les Etats membres qui seraient disposés à apporter une contribution financière et matérielle à nos actions communes. Les propositions que je vous soumets aujourd’hui ont été mûrement réfléchies et débattues au sein des ateliers préparatoires aux rencontres de Paris.

Elles sont issues de ces discussions entre des artistes et des professionnels européens. Ce ne sont donc pas seulement les propositions de la France. Ce sont des initiatives concrètes et complémentaires des programmes européens. J’ajoute que leur coût est limité, afin que le plus grand nombre d’Etats puissent s’y joindre.

Elles sont destinées à faciliter la circulation des oeuvres et des artistes au sein de l’Europe, et à valoriser le patrimoine de notre « vieille Europe », le patrimoine vivant qui s’enrichit chaque jour des créations d’aujourd’hui.

Ainsi, pour que les Européens voient davantage de films européens, et parce que 70% des films projetés dans les salles de cinéma de l’Union européenne sont américains, je vous propose de promouvoir les cinémas européens, en Europe, sous la forme de « semaines du cinéma européen », notamment dans les salles membres du réseau Europa Cinéma, dont les dixièmes rencontres ont lieu en ce moment même à Budapest. Un label commun pourrait être identifié et cette semaine du cinéma européen se déroulerait simultanément dans les Etats membres participant à ce projet.

Parce que la diversité linguistique est au coeur de l’identité européenne, et je suis heureux de le dire ici, sachant l’attachement si fort des Hongrois à leur langue, si belle et unique, parce que, comme l’a dit Umberto Eco, la traduction est la langue de l’Europe, parce que je n’aurais jamais pu vibrer d’émotion devant le Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas si votre prix Nobel de littérature n’avait été traduit, mais parce que cette diversité même ne doit pas être un obstacle à la circulation des oeuvres, je vous propose, dans le domaine des arts de la scène, de créer un fonds de sous-titrage des oeuvres théâtrales et musicales. Cette aide permettrait de faciliter les coproductions européennes, la mobilité des oeuvres et l’accès à un plus large public. Une autre mesure suggérée par les professionnels serait d’élaborer un guide des tournées pour faciliter la circulation des artistes en Europe.

Dans le domaine du livre et de la traduction, pour ouvrir davantage l’accès des Européens aux littératures des autres pays d’Europe, je vous propose de mettre en place un réseau de librairies européennes sur le modèle d’Europa Cinéma. L’idée est de labelliser les librairies dont le fonds est composé d’oeuvres européennes traduites ou en langue originale.

Parce que l’Europe, tout au long de son histoire, a produit l’essentiel des savoirs et n’a cessé de rester ouverte sur les nouveaux regards du monde, elle ne peut rester à l’écart de la nouvelle géographie des connaissances sur les réseaux d’aujourd’hui. C’est pourquoi je tiens à attirer particulièrement votre attention sur le projet de Bibliothèque numérique européenne, d’ores et déjà soutenu par six chefs d’Etat et de gouvernement, qui ont écrit au Président de la Commission européenne. C’est un grand projet pour l’Europe d’aujourd’hui. Les ministres de la culture en ont débattu pour la première fois à Bruxelles lundi dernier. Presque tous se sont exprimés. Tous ont soutenu cette idée. La voie est ouverte pour aller de l’avant tous ensemble ou, si certains veulent aller encore plus loin et encore plus vite au sein d’un groupe de coopération.

Afin que les Européens puissent mieux connaître et s’approprier le patrimoine commun de l’Europe, je vous propose la création d’un label « patrimoine de l’Europe », sur le modèle du « patrimoine de l’humanité » qui est l’un des grands succès de l’Unesco. Il s’agit aussi de créer un lien direct entre l’action de l’Union européenne et le grand public, d’améliorer l’attractivité de nos territoires en développant le tourisme culturel, et d’engager les gestionnaires des sites dans une démarche de qualité d’accueil, de conservation et de restauration, alors que l’Europe a de plus en plus de mal à faire labelliser de nouveaux sites au titre de l’Unesco. Les sites labellisés pourraient faire l’objet d’un examen prioritaire dans le cadre des fonds structurels.

Parce que notre patrimoine se nourrit de la vitalité de nos créations contemporaines, je vous propose, dans le domaine des arts plastiques, de mettre en place un système d’inter-prêts de longue durée (de l’ordre de cinq ans) entre lieux de diffusion et de promotion de la création visuelle contemporaine.

Parce que le cadre de vie des Européens, qui fait partie de leur identité et dépasse les frontières, est modelé par les professionnels de l’architecture et du paysage, je vous propose de créer un concours, dans l’esprit d’Erasmus, destiné à promouvoir les architectes et les paysagistes de moins de 35 ans et à leur permettre d’étendre leur carrière hors de leur pays d’origine.

Parce qu’il faut mieux assurer le rayonnement international de nos créations et de nos industries musicales, je vous propose de créer une plate-forme de promotion des musiques européennes, sur le modèle du bureau pilote que nous avons lancé à New York.

L’Europe de la culture se construit aussi, et sans doute surtout, par l’engagement personnel des créateurs et des artistes. Notre responsabilité politique est de les aider et de les encourager. Les mesures concrètes que je vous propose n’ont pas d’autre but. C’est ainsi que nous bâtirons l’Europe des initiatives et des projets, à laquelle tous nos concitoyens aspirent. Et permettez-moi, puisque la musique est au coeur de l’âme hongroise et de l’âme européenne, de donner un coup de chapeau aux artistes qui font vivre notre patrimoine et nos créations. Je pense, par exemple, à l’orchestre philharmonique de Radio France, dirigé par Myung-Whun Chung, qui est venu jouer la Huitième Symphonie de Mahler à Budapest, à l’invitation du Muvesztek, mais aussi à Pascal Dusapin, qui m’accompagne aujourd’hui, et qui met son immense talent au service du magnifique projet itinérant d’académie européenne de composition musicale, que j’espère voir bientôt aboutir.

Avec tous nos artistes, avec tous nos penseurs, tous nos créateurs, et comme nous y invitait dans son si beau discours à Stockholm, Imre Kertèsz, en apportant des réponses concrètes aux questions fondamentales de la vitalité et de la créativité humaines, la construction de l’Europe de la culture nous engage à dépasser les traumatismes de l’histoire et les fractures du présent pour penser à l’avenir plutôt qu’au passé.

Conseil national des professions du spectacle – accueil

16 novembre 2005

Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de vous accueillir pour cette nouvelle séance du
Conseil national des professions du spectacle.

Je vous remercie d’avoir pu vous libérer pour participer à cette
réunion, dont la date et l’ordre du jour ont dû être modifiés par
rapport à ceux qui avaient été initialement prévus, pour s’adapter
au calendrier du dialogue social et à ses différentes péripéties.

Je vous rappelle, en effet, que dans le calendrier de travail que je
vous avais proposé au mois de décembre dernier, nous avions
prévu de consacrer notre séance de rentrée, en septembre, à
l’état d’avancement des conventions collectives et à la question
du périmètre du recours à l’intermittence. Sur ces deux sujets,
étroitement liés, vous avez, partenaires sociaux du secteur, avec
le concours très actif de Gérard Larcher et de son Directeur des
relations du travail, imprimé une accélération décisive depuis la
rentrée. J’aurai l’occasion d’y revenir en conclusion.

Il m’est apparu important, sur la proposition du bureau du CNPS,
de réunir notre Conseil pour recueillir officiellement vos avis et
réactions aux pistes et propositions contenues dans les rapports
de Jean-Paul Guillot et d’Alain Auclaire. En conséquence, j’ai
décidé de reporter la séance du Conseil prévue au mois de
décembre au mardi 21 février 2006. Nous y examinerons les
questions qui étaient initialement programmées : orientations en
matière de formation, bilan du fonctionnement et des travaux des
COREPS, analyse des initiatives en matière de mutualisation des
structures.

Exceptionnellement, nos interventions lors de cette séance
seront enregistrées, et leur transcription sera mise en ligne sur le
site du Ministère dans les meilleurs délais possibles – après que
le texte de vos interventions vous aura été soumis pour
relecture. Nous sommes à un moment où chacun de nos propos
doit nous engager.

Depuis ma prise de fonction, j’ai mis toute mon énergie à
défendre la spécificité d’un régime d’assurance chômage adapté
aux pratiques d’emploi des artistes et techniciens.

Je souhaite, au moment où vont commencer les négociations
sur ce régime, que les confédérations d’employeurs et de
salariés, qui ont paritairement la responsabilité de l’assurance
chômage dans notre pays, soient pleinement éclairées sur le
niveau et la nature de l’engagement des partenaires sociaux du
secteur, des collectivités territoriales et de l’Etat dans la politique
de l’emploi dans le spectacle. Elles doivent pouvoir mesurer que
le temps est révolu où chacun s’en remettait à l’assurance
chômage pour réguler et, en grande partie, financer l’emploi
dans ce secteur. Elles doivent pouvoir constater que, sans rien
céder sur les exigences d’une protection sociale et
professionnelle équitable, adaptée aux spécificités des pratiques
d’emploi des artistes et techniciens, le contexte dans lequel va
se dérouler la négociation des nouvelles annexes 8 et 10 qui
vont entrer en vigueur au 1er janvier 2006 est résolument
différent de celui qui prévalait lors des négociations précédentes.

A la demande de plusieurs d’entre vous, fédérations
d’employeurs ou de salariés, j’ai décidé de ne pas inviter la
Coordination des intermittents et précaires d’Ile de France à
cette séance du Conseil national des professions du spectacle.

Les conditions dans lesquelles a été interrompue la réunion des
confédérations d’employeurs et de salariés qui s’est tenue dans
ces locaux le 29 septembre dernier, la remise en cause de leur
représentativité et de leur légitimité pour négocier la future
convention d’assurance chômage et ses annexes, me
conduisent à prendre acte de ce que la Coordination porte, en
l’occurrence, des préoccupations et des enjeux qui ne sont plus
ceux de la protection sociale et professionnelle des artistes et
techniciens qui, seuls, doivent inspirer nos travaux, dans le
cadre de notre Conseil, à la veille d’une négociation décisive.

Je souhaite que puissent s’exprimer aujourd’hui ceux qui ont une
responsabilité directe dans la mise en oeuvre de la politique de
l’emploi dans le spectacle.

Cela ne m’empêche pas de demeurer à l’écoute attentive de
toutes les contributions, enquêtes ou expertises que peut
proposer ou diligenter la Coordination – comme toute autre
organisation ou personnalité, qu’elle soit ou non membre du
Conseil national des professions du spectacle – et qui permettent
d’améliorer notre connaissance de la situation et des attentes
des artistes et techniciens.

J’ai pris connaissance avec attention et intérêt des réactions que
certaines organisations ont déjà eues sur les rapports de Jean-
Paul Guillot et de Alain Auclaire. Elles appellent évidemment de
ma part des réponses – certaines m’interpellent directement.
Mais, avant de les exprimer, je souhaite vous laisser intervenir
d’abord, afin que soient clairement connues les positions de
chacun.

Je vous propose que puissent intervenir en premier lieu les
représentants des organisations d’employeurs, puis des
organisations de salariés, puis des associations de collectivités
territoriales. J’inviterai Jean-Paul Guillot et Alain Auclaire à
réagir, s’ils le souhaitent, aux différentes interventions, ou à
apporter des réponses aux demandes de précisions qui leur
seront faites. Je répondrai en conclusion, avec le concours des
représentants du Ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion
professionnelle des jeunes, sur les engagements qui concernent
l’Etat.

Je vous remercie de bien vouloir, compte tenu du grand nombre
de participants, concentrer vos interventions sur l’essentiel, afin
que chacun puisse s’exprimer.

Conseil national des professions du spectacle – conclusion

16 novembre 2005

Je vous remercie de toutes vos interventions. Elles marquent,
permettez-moi de le souligner pour m’en réjouir, que chacune de
vos organisations est prête, avec plus ou moins d’intensité, avec
certaines réserves et conditions, à s’engager dans la politique de
l’emploi dans le spectacle telle que les grandes orientations en
avaient été définies, au printemps dernier, dans la charte pour
l’emploi dans le spectacle.

Je voudrais associer mes remerciements à ceux que vous avez
exprimés à Jean-Paul Guillot pour le magnifique travail qu’il a
effectué, pour l’écoute inlassable qu’il a apportée à chacun
d’entre vous et pour avoir rassemblé vos propositions dans un
rapport où j’ai eu le sentiment que chacun d’entre vous – chacun
d’entre nous ! -pouvait se reconnaître.

Je souhaite également adresser tous mes remerciements à Alain
Auclaire, dont le rapport propose une feuille de route, attendue
par les partenaires sociaux du secteur, aux services centraux et
déconcentrés du Ministère de la culture et de la communication
et, s’ils veulent bien s’en emparer, à ceux des collectivités
territoriales. Les uns et les autres y trouveront des outils très
opérationnels pour que soit mieux pris en compte le lien
nécessaire, indispensable, entre les financements publics et les
conditions d’emploi dans le spectacle.

Je demande à Jérôme Bouët, Directeur de la musique, de la
danse, du théâtre et des spectacles, à Véronique Cayla,
Directrice générale du Centre national de la cinématographie, à
Patrick Raude, Directeur du développement des médias, de
préparer ensemble, en concertation avec vos organisations, une
circulaire à ma signature pour que dans chacun des secteurs de
responsabilité de mon Ministère, sur la base des propositions
d’Alain Auclaire, des mesures effectives, liant mieux les
financements publics et les conditions d’emploi, puissent
s’appliquer sans délai.

Je voudrais enfin exprimer une nouvelle fois devant vous ma
gratitude à Jean-Louis Borloo et à Gérard Larcher, à leurs
cabinets et à leurs services, pour la qualité de la coopération
entre nos ministères et pour leur total engagement à vos côtés
dans le difficile exercice de négociation des conventions
collectives. Grâce à eux, grâce à notre action commune, vous
mesurez la réalité de l’implication de l’Etat. Il ne s’agit pas
d’intentions ou d’incantation – mais de la mise en oeuvre
déterminée, par le gouvernement de Dominique de Villepin,
d’une politique de l’emploi dans le spectacle dans laquelle l’Etat
est prêt à prendre toute sa part.

J’ai bien entendu les diverses interpellations que vous m’avez
adressées, et je voudrais m’efforcer de répondre à chacune
d’entre elles.

La première – et il m’a semblé que c’était la plus consensuelle
parmi vous ! – concerne le soutien financier apporté par l’Etat au
secteur du spectacle.

Je dois rappeler d’abord que, dans l’ensemble du financement
de la politique culturelle, le financement privé, celui des
ménages et des entreprises, représente les deux tiers, les
financements publics représentant l’autre tiers – et qu’il s’agit
d’un secteur en croissance régulière et continue, ce qui
témoigne de l’attachement de nos concitoyens pour le
développement des activités culturelles et artistiques.

J’ai bien conscience que, si l’UNEDIC considère légitimement
qu’elle n’a pas à financer l’activité culturelle dans notre pays,
cette charge doit incomber aux pouvoirs publics, Etat et
collectivités territoriales, chacun pour les responsabilités qui lui
reviennent. C’est la raison pour laquelle, depuis plusieurs
années, le secteur du spectacle vivant représente une part
essentielle dans le budget du Ministère de la culture et de la
communication, en constante augmentation malgré le contexte
difficile de nos finances publiques. C’était le cas en 2005, ce le
sera encore en 2006.

A ce budget du Ministère en faveur du spectacle vivant, s’ajoute
le mécanisme du crédit d’impôt pour le cinéma et l’audiovisuel,
qui a permis une relocalisation des tournages et la création ou la
préservation, en 2005, de 2200 emplois dans le cinéma et de
900 emplois dans l’audiovisuel. Quant au crédit d’impôt en
faveur de l’industrie phonographique, je vous confirme qu’il a fait
l’objet d’un arbitrage favorable du Premier Ministre. Ce dernier a
demandé aux ministères concernés de présenter à la fin de ce
mois un projet qui puisse être notifié à la Commission
européenne.

Ce n’est, évidemment, jamais suffisant pour répondre à toutes
les demandes de soutien et de reconnaissance qui s’expriment –
et le budget du ministère de la culture n’augmentera pas, à
échéance visible, dans les proportions nécessaires pour
remplacer à l’identique le soutien financier que le régime
d’assurance chômage a apporté au secteur du spectacle.

A côté du soutien financier de l’Etat qui se poursuivra, il est
essentiel que le secteur du spectacle puisse conduire des efforts
d’organisation et d’amélioration de la diffusion. Ni les structures
du secteur ni les services de l’Etat qui les accompagnent ne sont
familiers de projets d’organisation et de négociations entre
partenaire sociaux en la matière. C’est la raison pour laquelle,
avec Gérard Larcher, nous voulons proposer le concours de
l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail et
de son réseau en région pour aider les structures qui le
souhaitent à mieux s’organiser.

J’ai demandé, en liaison avec Gérard Larcher, qu’un groupe de
travail soit constitué à cet effet, associant les services de nos
deux Ministères, en lien avec le CNPS, pour examiner, avec
l’ANACT, les voies d’une expérimentation dans deux ou trois
régions. Celle-ci visera à définir, dans le respect des priorités du
contrat de progrès signé entre le réseau ANACT et l’Etat, une
démarche et des outils pour répondre aux enjeux d’organisation
et pour optimiser les aides publiques mobilisables en matière
de soutien à l’emploi dans 4 types de situations qui devront être
précisément définies :

– les marges de manoeuvre dont peuvent disposer les institutions
permanentes,

– l’accueil de projets et la constitution de pôles de diffusion dans
les institutions permanentes,

– la coopération et la mutualisation de certains moyens,
administratifs ou logistiques, entre les petites structures,

– la responsabilisation des donneurs d’ordre dans la chaîne de
sous-traitance.

Si elles concernent l’ensemble des structures du secteur, les
questions d’organisation revêtent, pour les petites structures,
une importance particulière à mes yeux, et je souhaite qu’on y
porte toute l’attention nécessaire, parce que je sais combien
c’est sur les petites structures que repose, en grande partie, la
vitalité et l’originalité de notre politique de création, dans tous les
domaines du spectacle vivant.

Elles présentent souvent la double caractéristique de n’avoir pas
de salarié permanent et d’avoir des responsables qui sont à la
fois, dans les faits, employeurs et salariés. Raison de plus pour les aider à exercer, de manière rigoureuse, leurs responsabilités
d’employeur et assurer aux salariés le respect de tous leurs
droits. Dans cette période où la présomption de salariat des
artistes est contestée au niveau de la Cour de justice des
communautés européennes, rien ne doit conduire à faire
considérer les artistes comme des travailleurs indépendants et à
risquer de les priver des garanties qui s’attachent au statut de
salarié.

La politique de l’emploi dans le spectacle que je veux conduire
doit apporter le meilleur soutien aux petites structures, en les
aidant à s’organiser, en leur réservant des conditions de
financement et de diffusion favorables, en préservant, pour elles
plus que pour tout autre, la possibilité du recours à
l’intermittence. C’est le sens des mesures que j’ai inscrites dans
chacun des plans sectoriels pour le spectacle vivant, que j’ai
présentés au début de l’automne, et dont une présentation
synthétique figure dans vos dossiers.

Dans l’esprit des travaux actuellement conduits par Anne
Chiffert et Dominique Chavigny, visant à ce que l’organisation
de la DMDTS favorise la prise en compte des problèmes vécus
par les compagnies, je demande à Jérôme Bouët, dans le
prolongement du travail mené par les Observatoires des
compagnies, de constituer un groupe de travail, avec la
participation de Directeurs régionaux des affaires culturelles,
pour me faire des propositions sur les meilleures modalités de
financement et d’accompagnement des compagnies.

Dans le même esprit, toutes les actions de simplification et de
synergies administratives engagées par les organismes sociaux
du spectacle doivent retenir toute notre attention. Elles sont de
nature à apporter, notamment aux petites structures, les
allègements indispensables de coût des traitements
administratifs qui mobilisent des moyens qui pourraient être plus
utilement consacrés à leur activité artistique.

Dans l’immédiat, grâce au travail mené avec Jean-Louis Borloo
et son cabinet, le gouvernement est déterminé à ce que, dans
les 100 M- de crédits destinés aux associations pour relancer la
politique d’égalité des chances dans les banlieues, des moyens
forts soient dégagés pour que les acteurs du monde culturel
participent pleinement à cette politique d’intégration. Ces crédits
iront en priorité au soutien aux compagnies, dont nous
connaissons le travail de proximité irremplaçable qu’elles
effectuent dans les quartiers difficiles pour développer l’éveil et
l’intérêt des jeunes pour la création artistique, participant ainsi,
de manière emblématique, au renforcement de la cohésion
sociale.

Enfin, parce que c’est dans les petites structures que débutent
souvent les jeunes, je voudrais inviter les Commissions
paritaires nationales emploi formation (CPNE) dans le spectacle
vivant et l’audiovisuel, en liaison avec l’AFDAS, à orienter la
formation professionnelle continue dans leur secteur en priorité
vers l’aide à l’insertion professionnelle des jeunes entrant dans
le secteur du spectacle. Cela permettrait de stabiliser davantage
les artistes et techniciens, qui confirmeraient leur motivation
professionnelle en s’engageant dans une formation qualifiante.

Les contrats de professionnalisation constituent, dans cette
perspective, un dispositif qui pourrait être plus largement utilisé.

Au-delà des jeunes, dans la perspective de favoriser la
transmission entre les professionnels, des « contrats de
compagnonnage » entre compagnies conventionnées et jeunes
artistes pourraient être élaborés et mis en place.

J’ai relevé avec intérêt que, dans les politiques qu’elles
présentent actuellement, plusieurs régions ont d’ores et déjà pris
des initiatives en ce sens, en coopération étroite et en bonne
intelligence avec l’Etat, comme dans la Région Rhône-Alpes, par
une déclaration commune, que je veux saluer, avec les
présidents des CPNE du spectacle vivant et de l’audiovisuel, ou
même, vous me permettrez de la citer, dans ma propre région,
pas plus tard que ce lundi !

J’attacherais du prix à ce que des propositions puissent être
formulées dans ce sens à l’occasion de notre prochaine séance
du Conseil national des professions du spectacle, le 21 février
prochain.

J’en viens maintenant aux propos qui ont été tenus sur
l’assurance chômage et sur la prorogation du fonds transitoire.

N’en déplaise à certains, nul ne peut dire, à ce jour, que je n’ai
pas été, sur ce sujet, l’homme des engagements tenus.
A travers cette question, c’est aussi la question de l’intervention
financière de l’Etat qui est posée – et je veux y répondre très
précisément.

Il n’appartient pas à l’assurance chômage d’assurer la
structuration de l’emploi dans le secteur du spectacle – et de
supporter des charges qui relèvent de la politique culturelle de
l’Etat ou des collectivités territoriales ou de la politique salariale
qui incombe aux employeurs. Dans un contexte de crise, la
création, en 2004, du fonds spécifique provisoire, devenu, au 1er
janvier 2005, fonds transitoire, a marqué cette reconnaissance
des responsabilités indûment assumées par l’UNEDIC. Et je
comprends que la demande de prorogation du fonds transitoire marque légitimement le souhait de renouveler cette
reconnaissance.

L’effort principal et nécessaire de l’Etat porte, évidemment, sur la
mise en place de la politique de l’emploi dans le secteur du
spectacle. Celle-ci a de multiples facettes, fait intervenir
plusieurs acteurs. Elle produira des résultats progressivement et
dans la durée. Je vous ai indiqué avec quelle détermination le
gouvernement est engagé dans la mise en oeuvre de cette
politique.

Je vous ai dit, aussi, notre engagement pour que, au 1er janvier
2006, un nouveau système d’assurance chômage des artistes et
techniciens soit mis en place. Ici même, rue de Valois, les
confédérations d’employeurs et de salariés ont affirmé leur
intention de maintenir ce régime au sein de la solidarité
interprofessionnelle. Elles ont accueilli favorablement les
propositions, issues des partenaires sociaux du secteur et
présentées par Jean-Paul Guillot.

Toutes les conditions sont réunies pour que puisse se dérouler
avec succès, entre les confédérations, dans le calendrier
qu’elles ont fixé, avec tous les approfondissements techniques
nécessaires, la négociation sur le régime spécifique d’assurance
chômage des artistes et techniciens, qui doit entrer en vigueur
au 1er janvier 2006. Je suis en mesure de vous confirmer, avec
leur accord, que ce calendrier sera tenu et que les premiers
travaux techniques débuteront dans la dernière semaine du mois
de novembre.

Je souhaite comme chacun que la négociation concernant les
annexes 8 et 10 démarrent le plus rapidement possible en
prenant en compte, naturellement, la nécessaire articulation
avec la négociation de la convention générale d’assurance
chômage.

Avec Gérard Larcher, nous avons fait état de notre disponibilité
pour engager avec les confédérations, toutes les discussions
utiles, lorsque leur négociation aura suffisamment avancé, en
vue de parvenir à ce nouveau système.

D’ores et déjà, nous avons relevé que, dans le cadre du groupe
Audiens, vous avez proposé, vous, partenaires sociaux du
secteur, la mise en place d’un fonds spécifique pour les
accidents de carrière, qui concernerait les artistes et techniciens
reconnus qui, pour une raison ou pour une autre, n’ont plus droit
à l’assurance chômage.

Je suis prêt, comme certains d’entre vous me l’ont demandé – et
après m’être assuré de son accord ! – à vous proposer le concours de Michel Lagrave, pour animer un groupe de travail,
avec l’appui du groupe Audiens, chargé de mieux définir les
contours de ce fonds spécifique et de son financement. Michel
Lagrave pourrait rendre son rapport avant la fin de l’année.

En attendant, j’ai toute confiance dans les confédérations
d’employeurs et de salariés pour mener la négociation qui leur
appartient.

Il nous appartient à nous, Etat, collectivités territoriales,
partenaires sociaux du secteur, réunis au sein du Conseil
national des professions du spectacle, de définir notre
engagement dans la politique d’emploi dans le spectacle, dans
des conditions qui manifestent, aux yeux des confédérations,
que le temps est révolu où cette responsabilité était abandonnée
à l’assurance chômage.

C’est incontestablement le sens que nous pouvons donner à
notre séance d’aujourd’hui – et je vous en remercie très
chaleureusement.