Archives de 2006

Hommage de Renaud Donnedieu de Vabres à Pierre Delanoë

27 décembre 2006

 Avec la disparition de Pierre Delanoë, nous perdons l’une des figures majeures de la chanson française de ces cinquante dernières années, un parolier d’une étonnante prolixité, qui aura écrit pour Gilbert Bécaud, une rencontre déterminante dans sa carrière, Michel Sardou, Johnny Hallyday, Gérard Lenorman, Joe Dassin, Michel Polnareff, Dalida, Claude François… mais aussi bien pour Tino Rossi, Georges Guétary ou encore Edith Piaf.

Il avait au plus haut point le sens des mots justes, ceux qui donnent toute sa force à une mélodie et qui offrent à l’interprète l’occasion d’exprimer la plénitude de son talent. C’est ce don rare qui lui aura permis de traverser les modes, en ne cessant jamais, au fil des ans, de séduire les publics les plus divers.

Ce grand travailleur, toujours prêt à se lancer dans une belle aventure, participa aussi à la création d’Europe 1. Il trouva encore le temps de se mettre au service de ses confrères, de défendre leurs intérêts au sein de la SACEM.

Ce poète, cet artiste qui nous aura offert bien des instants de bonheur était aussi un homme de cœur.

Nouvelle réunion des confédérations

22 décembre 2006

Jean-Paul Guillot va présenter ses conclusions. des pistes consensuelles semblent se dégager. Nous allons pouvoir avancer. La négociation va se présenter sous de bons auspices. Une soixantaine de membres de la Coordination font irruption dans le Grand Salon et interrompent les débats, qui étaient bien engagés. Les participants partent, écoeurés. Moins que moi ! Des mois de travail ruinés ! La crédibilité, la confiance, la réconcilation patiemment construites semblent s’effondrer sous mes yeux ! Il va falloir remonter la pente. Gérard Larcher me soutient, nous allons très vite reconvoquer la réunion ! Ce n’est pas perdu !

Annonce des lauréats des Prix Dan David 2007

21 décembre 2006

Monsieur le Président, Cher Dan David,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis particulièrement heureux et fier de vous accueillir ici, aujourd’hui, au
ministère de la culture et de la communication, pour vous annoncer les
lauréats 2007 des prix de la Fondation Dan David, du nom de son illustre
fondateur, que je tiens à saluer et à remercier chaleureusement pour sa
présence.

Oui, la France est très fière de vous accueillir. Votre Fondation a choisi, à
travers ces Prix, de récompenser des personnalités visionnaires, des
hommes et des femmes exceptionnels, dont le talent, l’intelligence,
l’excellence, l’imagination, et l’audace font faire des pas de géant à
l’humanité toute entière.

Embrassant tous les champs de la connaissance – les arts, la culture, les
sciences –, ces Prix recouvrent également toutes les dimensions du
devenir humain, le passé, le présent et le futur, pour mettre en lumière des
travaux dans les champs les plus divers.

En ces temps d’incertitudes, en cette période de violences, de déchirures,
de conflits sourds ou ouverts, qui secouent notre planète et menacent la
cohésion de nos sociétés, il me paraît essentiel d’accueillir cette initiative
remarquable de la Fondation Dan David, qui contribue, de façon éminente,
à nourrir l’idéal des Lumières.

Et cet idéal, je le crois profondément, reste d’une vibrante actualité.

Quand
on demandait à Kant si l’on habitait déjà l’époque des Lumières, une
époque vraiment éclairée, il répondait : « Non, mais dans une époque en
voie d’éclairement. »

C’est à cette noble tâche que contribue la Fondation Dan David, en
récompensant la connaissance, la science, mais aussi la marche vers un
monde meilleur, nourri par le coeur, l’intelligence et l’imagination, la
créativité des hommes.

La convention que nous avons signée en février dernier avec la Fondation
prévoit que les Prix seront remis alternativement, chaque année, à Tel
Aviv et à Paris.

La France partage donc désormais, avec Israël, et en étroite collaboration
avec l’université de Tel Aviv, l’honneur immense mais aussi la haute
responsabilité du soutien et de la mise en valeur de ces Prix.

Avant d’annoncer maintenant les lauréats 2007 des prix Dan David, je
tiens à rendre hommage à l’ensemble des membres du conseil
d’administration de la fondation et à toute son équipe pour son activité
exemplaire.

Je tiens à saluer particulièrement le jury et ses membres éminents, tels
Madame Hélène Carrère d'Encausse, Secrétaire perpétuelle de
l’Académie française, Monsieur Henry Kissinger, Prix Nobel de la Paix,
Monsieur Jean-Marie Lehn, Prix Nobel de Chimie. Je vous remercie de
m’avoir proposé de rejoindre ce brillant aréopage, et de m’avoir associé à
vos délibérations.

Mes remerciements s’adressent également à la Cité des sciences et de
l’industrie et à son président, M. Jean-François Hébert, qui sont associés
à la procédure de sélection des candidats, et à l’Opéra national de Paris
et son directeur, M.Gérard Mortier, qui accueilleront le 8 mars 2007 la
cérémonie officielle de remise des prix, lui offrant ainsi le cadre prestigieux
du Palais Garnier.

Je tiens enfin, cher Dan David, à vous redire, à titre personnel comme au
nom de la France, toute mon estime.

Je souhaite que le rayonnement culturel, artistique et scientifique de notre
pays, et le prestige de ses grandes institutions, mettent en lumière les Prix
de la Fondation Dan David, qui illustrent merveilleusement les valeurs
portées notamment par la France, patrie des Lumières, de la raison et des
droits de l’homme, terre de tolérance et d’ouverture à l’autre.

Le jury du Prix Dan David s’est réuni mardi pour désigner les lauréats.

Je suis très heureux de vous annoncer que le Prix de l’action dans le
présent a été décerné au compositeur français Pascal Dusapin, et au chef
d’orchestre indien Zubin Mehta.

Pascal Dusapin est un grand créateur contemporain, un esprit libre, qui
passe d’un format à l’autre avec la même virtuosité, et nourrit ses
compositions musicales de son immense curiosité pour la littérature et les
arts en général. Je suis très heureux que ce Prix récompense ce génie de
notre époque, qui ouvre des horizons nouveaux à la musique
contemporaine.

Zubin Mehta est aujourd’hui l’un des plus grands chefs d’orchestre au
monde, qui a dirigé les plus prestigieux ensembles, et notamment
l’Orchestre philharmonique de New York, pendant treize ans. C'est
d’ailleurs sous sa direction que fut interprété en 1978 par Vladimir
Horowitz, le troisième concerto pour piano et orchestre de Sergueï
Rachmaninov. Le Prix Dan David couronne son immense talent, et sa
direction flamboyante.

Le Prix Dan David de la connaissance du passé est décerné à l’historien
français Jacques Le Goff. Spécialiste du Moyen Âge, figure majeure de
« l’école » des Annales, ancien Directeur de l’Ecole des Hautes Etudes en
Sciences Sociales, il est un pionnier de l’anthropologie historique. Je me
réjouis que le Prix Dan David récompense l’oeuvre de cet esprit curieux,
érudit, passionné, de ce passeur extraordinaire, qui recule toujours plus
loin les frontières de notre connaissance de l’Occident médiéval, à bien
des égards fondateur de notre civilisation.

Le prix des promesses du futur porte sur la recherche d'énergies
renouvelables, enjeu mondial, qui engage l’avenir de la planète. Ce prix
est partagé entre :

– d'une part, le Dr James Hansen du GODDARD INSTITUTE OF
SPACE STUDIES (NEW YORK) pour ses travaux exceptionnels sur la
modélisation des changements climatiques, qui sont l’un des grands défis
de notre temps. Le docteur Hansen a joué un rôle essentiel, depuis vingtcinq
ans, en démultipliant ses recherches et ses interventions, tant en
direction des savants qu’en direction du grand public, pour alerter les
dirigeants et l’opinion du monde sur les défis du réchauffement climatique.

Si nous savons aujourd’hui qu’il y a urgence et que face à cette urgence, il
y a des solutions, c’est en grande partie grâce à lui ;

– S’agissant des solutions, le prix est également attribué à un binôme
constitué du Dr Jerry Erry Olson et du Dr Sarah Kurtz du National
Renewable Energy Laboratory, situé à Golden dans le Colorado, pour
leurs travaux exceptionnels dans l'étude de l'énergie solaire, qui ouvre
certainement des voies d’avenir pour conjuguer écologie et croissance.

Le jury a estimé que les apports du Dr Hansen et des Dr Erry Olson et
Kurtz étaient complémentaires et que leurs travaux pouvaient être
considérés comme un ensemble, même si leurs recherches ont été
effectuées séparément.

L’environnement, je l’ai dit, est un enjeu mondial. Vous savez le rôle que
joue notre pays, qui est aujourd’hui, on le sait peu, le premier producteur
d’énergie renouvelable d’Europe, dans ce combat en faveur de
l’environnement, sous l’impulsion du Président de la République. C’est
assurément un combat qu’il nous faut faire encore davantage partager
pour construire, dès aujourd’hui, le monde de demain.

C’est dans cet esprit que je vous donne rendez-vous le 8 mars prochain
au Palais Garnier pour la remise des prix de la Fondation Dan David.

Je vous remercie.

Conférence de presse avec Simone Veil, ancien Ministre, Présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, présentant L’hommage que le Président de la République rendra au nom de la Nation aux Justes de France le 18 janvier 2007, en présence d’Agnès Varda, cinéaste et créatrice de l’installation

21 décembre 2006

Madame le Ministre d’État, Madame la Présidente de la Fondation pour la
Mémoire de la Shoah, chère Simone Veil,

Chère Agnès Varda,

Mesdames, Messieurs,

C’est la mémoire qui nous rassemble aujourd’hui, dans ce ministère en charge du
patrimoine et des commémorations nationales, où je suis heureux de vous
accueillir, pour vous présenter, aux côtés de Mme Simone Veil, et au nom du
Président de la République, un événement tout à fait exceptionnel : l’hommage
que le Président de la République rendra au nom de la Nation aux Justes de
France, au Panthéon, le jeudi 18 janvier 2007, à 18 heures.

Cet hommage a été proposé au Président de la République par la Fondation pour
la Mémoire de la Shoah. Avant de céder la parole à Mme Simone Veil, qui, le 18
janvier, accueillera les participants à la cérémonie, et se recueillera, aux côtés du
Président de la République, devant l’inscription qui sera apposée dans la crypte,
afin que la mémoire des Justes de France puisse y être célébrée, au même titre
que celle des grands hommes dont les cendres y sont inhumées, permettez-moi
de rappeler la genèse et l’esprit de cet événement.

Notre histoire nationale est celle des heures sombres et des heures glorieuses. La
mémoire ne se divise pas. Elle forme un tout, avec ses zones d’ombres et de
lumières. Elle est donc plus qu’un devoir qui s’impose ; elle est un travail qu’il nous
revient de mener à bien, de façon continue, pour la perpétuer et la transmettre.

C’est ce qu’a rappelé le Président de la République, en reconnaissant
officiellement, dès le 16 juillet 1995, le rôle de l’État français, dans l’horreur de ces
heures noires qui « souillent à jamais notre histoire ».

Souvenons-nous de la voix de Malraux, lors du trentième anniversaire de la
Libération des camps, devant les rescapées : « là, pour la première fois, l’homme
a donné des leçons à l’enfer ».

Entendons aussi votre voix, Madame, lors du soixantième anniversaire, dans le
froid mordant d’Auschwitz : « ce que je sais, c’est que je pleure encore chaque fois
que je pense à tous ces enfants et que je ne pourrai jamais les oublier ». Nous
n’oublierons jamais qu’un quart des Juifs de France ont péri dans les trains et
dans les camps.

Et je pense à ces documents que m’a remis solennellement la
maison d’Izieu, l’an dernier, pour les conserver dans les collections nationales. Le
combat quotidien contre l’oubli, c’est, bien sûr, celui des archives pour la
transmission de la mémoire, qui donne tout leur sens aux travaux de conservation
et de commémoration dont la puissance publique et le ministère de la Culture et
de la Communication sont investis. C’est une oeuvre dont nous percevons chaque
jour la nécessité pour l’éducation des générations présentes et futures.

Mais, si les
archives sont tout, elles ne sont rien sans les hommes et les femmes, sans leurs
récits, sans leurs témoignages.

Et l’hommage du 18 janvier prochain est d’abord le témoignage de la France.

Comme l’avait déclaré le Président de la République, dès le 16 juillet 1995, lors
des cérémonies commémorant la grande rafle des 16 et 17 juillet 1942 au
Vélodrome d’hiver : « Certes, il y a les erreurs commises, il y a les fautes, il y a
une faute collective. Mais il y a aussi la France, une certaine idée de la France,
droite, généreuse, fidèle à ses traditions, à son génie. Cette France n'a jamais
été à Vichy. Elle n'est plus, et depuis longtemps, à Paris. Elle est dans les
sables libyens et partout où se battent des Français libres. Elle est à Londres,
incarnée par le Général de Gaulle. Elle est présente, une et indivisible, dans le
coeur de ces Français, ces "Justes parmi les nations" qui, au plus noir de la
tourmente, en sauvant au péril de leur vie, comme l'écrit Serge Klarsfeld, les
trois-quarts de la communauté juive résidant en France, ont donné vie à ce
qu'elle a de meilleur ».

A Thonon-les-Bains, en Haute-Savoie, le 2 novembre 1997, puis le 8 juillet
2004, au Chambon-sur-Lignon, en Haute-Loire, – cas exceptionnel de remise à
titre collectif d’une médaille des Justes – en ces lieux emblématiques de l’action
de celles et ceux qui, conformément à la maxime inscrite sur la médaille des
Justes, « en sauvant une vie, ont sauvé l’Univers tout entier », le Président de
la République a honoré ces hommes et ces femmes de France qui « ont fait le
choix de la tolérance, de la solidarité et de la fraternité ».

2725 Justes, de toutes régions, de tous milieux, de toutes convictions, ont été
identifiés en France, à ce jour, grâce aux témoignages de ceux qui leur doivent
la vie, et reconnus par le Mémorial de Yad Vashem. Comme l’a déclaré le
Premier Ministre, en inaugurant le « Mur des Justes » au Mémorial de la
Shoah, le 14 juin dernier, « leur souvenir constitue pour nous une consolation
mais aussi une exigence ».

La loi du 10 juillet 2000, votée à l’unanimité par le Parlement, a officialisé le
terme de Justes dans notre législation, en instituant une « journée nationale à
la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et
d’hommage aux Justes de France qui ont recueilli, protégé ou défendu, au péril
de leur propre vie et sans aucune contrepartie, une ou plusieurs personnes
menacées de génocide ».

Au Panthéon, haut lieu de mémoire de la Nation et de la République, dans la
grande nef qui sera à nouveau ouverte gratuitement au public dans les jours
qui suivront, grâce aux importants travaux qui y ont été réalisés, en présence
de nombreux Justes et des personnes que ces femmes et ces hommes de
coeur et de courage ont contribué à sauver, le Président de la République
rendra l’hommage solennel de la France.

Cet hommage éclairera ainsi la part de lumière qui brille en chacun de nous et
qui est tout simplement notre part d’humanité.

La cérémonie sera diffusée en direct sur France 2. Elle sera marquée par une
création d’Agnès Varda, commande publique du ministère de la Culture, dont
vous nous direz un mot tout à l’heure, Madame ; mais aussi par l’interprétation,
par le choeur de chambre Accentus, sous la direction de Laurence Equilbey, de
la cantate a capella « Figure humaine », composée en 1943 par Francis
Poulenc sur des poèmes de Paul Eluard, qui se termine sur le fameux
« Liberté ».

Cet événement sera accompagné d’une programmation exceptionnelle sur les
antennes de France Télévisions et de France Culture.

La scénographie et les écrans diffusant l’oeuvre d’Agnès Varda resteront en
place du vendredi 19 au dimanche 21 janvier pendant l’ouverture gratuite au
public du Panthéon.

Je suis ému et fier de passer à présent la parole à Mme Simone Veil.

Nouvel accord des confédérations de salariés

21 décembre 2006

Trois confédérations de salariés ont décidé de signer l’accord. Il n’est pas parfait, mais, complété par l’Etat, il permet une bonne couverture sociale et professionnelle – et, depuis quelques mois, les sujets sont ceux des conventions collectives, de vrais sujets d’emploi. Le seul centre d’intérêt et de polarisation n’est plus l’assurance chômage. Une page est tournée. Une politique de l’emploi se construit. Soulagement ! Sentiment d’épuisement, d’usure, autant que de victoire – et de fierté d’avoir construit quelque chose de nouveau, de durable – perfectible, certes – mais dont les bases sont désormais saines et solides, sur un sujet jusqu’alors inextricable et insoluble et qu’on me prédisait voué à l’échec.

Inauguration de l’exposition dans les vitrines du Ministère de la culture « Peinture et poésie : les métiers du livre »

20 décembre 2006

Monsieur le Président des Amis du Livre Contemporain,
Cher Yves-Benoit Cattin,

Madame la Présidente, Messieurs les Présidents des associations de
bibliophilie,

Mesdames, Messieurs, Chers Amis,

C’est une circonstance toute spéciale qui nous réunit ici, rue de Valois dans
les salons du ministère. C’est l’inauguration de l’exposition « Peinture et
Poésie : les métiers du livre ». C’est aussi le même amour du livre que
nous partageons tous. Et les quelques mots d’accueil que je souhaite
prononcer ce soir devant vous ont pour seule et unique vocation de mettre
en lumière le livre, sous sa forme la plus belle et la plus précieuse : le livre
d’artiste.

Les vitrines du ministère de la culture et de la communication sont un
espace que j’ai souhaité libre et apte à accueillir toutes les formes de la
création contemporaine. Et je suis particulièrement heureux ce soir de voir
les vitrines du ministère toutes entières investies par le livre d’artiste et par
tous les talents qui le font exister et rayonner : typographie, gravure,
lithographie, reliure, édition. Aucun des talents, aucune des énergies,
aucun des savoir-faire qui le font exister n’a été oublié ce soir dans cette
évocation et je m’en réjouis. Deux jeunes talents, Aline Defert et Aurélie
Rosey, ont admirablement su rendre au sein de ces vitrines la charge
émotionnelle qui se dégage de ces métiers et de ces oeuvres.

Car le livre d’artiste est parmi les objets culturels de notre civilisation, le
plus abouti, le plus complexe. Cet objet est au carrefour de deux créations,
de deux fantaisies, de deux imaginaires. Le texte et le trait, par delà les
techniques, viennent ensemble confluer en un objet unique et rare.

Et je ne résiste pas au plaisir et à la fierté de citer les noms de quelques-uns
des artistes présentés ce soir dans les vitrines du ministère, qu’il
s’agisse d’Olivier Debré, de Georges Braque, d’Ernest Pignon Ernest pour
les oeuvres graphiques, ou bien encore de ces formidables duos formés
d’André Malraux et de Velickovic, de François Cheng et de Francis Herth,
de Francis Ponge et de Mathieu Marie, de Federico Garcia Lorca et de
Claude Viallat, autour de textes aussi fameux que Les Noyers de
l’Altenburg, Instants d’accueil, Corps d’extase, Le Parti pris des choses,
Duendes.

Mais derrière les livres, derrière ces objets superbes dont l’exposition de
ce soir nous offre quelques brillants spécimens, nous ne devons pas
oublier les hommes et les femmes qui les font. Qu’il s’agisse des talents et
des savoir-faire des ateliers mis à l’honneur ce soir, ou bien encore de la
passion des sociétés de bibliophilie, sans qui rien ne serait possible non
plus, c’est grâce à ces hommes et à ces femmes que naissent et vivent
ces livres, qu’il nous appartient d’aimer et de transmettre.

Car, pour que vivent ces livres, il faut que vivent les ateliers qui les
réalisent. Je sais votre situation difficile aujourd’hui et je souhaite, en lien
avec mon collègue Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes
entreprises et de l’artisanat, tout mettre en oeuvre pour pérenniser votre
activité. Avec le concours actif de mon cabinet, je souhaite qu’une
concertation soit menée et que des propositions me soient faites. A ce
titre, je tiens à saluer la démarche de Monsieur Yves-Benoît Cattin,
président des Amis du livre contemporain qui défend et promeut les
intérêts d’une activité aussi précieuse que menacée. Il explore avec
détermination toutes les pistes ouverte pour la sauvegarde de ces métiers
et de ces entreprises, tout particulièrement celle du mécénat.

L’exposition de ce soir lui doit beaucoup. Elle est aussi l’occasion de faire
honneur aux animateurs et aux membres de sociétés de bibliophilie aussi
fameuses que les Francs-Bibliophiles, les Pharmaciens bibliophiles et les
Cent-Unes.

C’est une première étape dans une démarche de fond que je souhaite voir
aboutir. Je vous donne d’ores et déjà rendez-vous, tout début 2007, à la
Villa Arson, près de Nice, où j’assisterai à la présentation des oeuvres de
la Commande publique de bibliophilie lancée en 2004, par le ministère et
qui je le sais, a donné de l’ouvrage à certains de vos ateliers.

Au-delà, c’est à vous tous, amis du livre, artistes, artisans, libraires,
bibliothécaires, conservateurs, amateurs que je dédie la belle exposition
de ce soir. Je souhaite qu’elle constitue un signe de renouveau pour ce
métier si beau et qui nous apporte tant.

Je vous remercie.

Signature avec Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, de la convention relative aux édifices français d’intérêt historique situés à l’étranger, au Ministère des affaires étrangères

20 décembre 2006

Monsieur le Ministre, cher Philippe,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Le patrimoine français à l’étranger est emblématique du rayonnement de
notre pays, de la force de ses arts et de sa présence dans le monde.
Ce patrimoine, mobilier et immobilier, d’intérêt historique et culturel, est un
atout immense pour valoriser l’image de notre pays à l’étranger, mais aussi
pour mettre en lumière l’excellence de nos savoir-faire en matière de
restauration et de conservation. Il nous appartient aujourd’hui de mieux
l’identifier, et de mieux en assurer la promotion.

Cet arrangement poursuit et élargit la décision d’André Malraux d’aider la
Fondation des Pieux Etablissements à Rome et à Lorette à restaurer son
patrimoine. Les ministères de la Culture et de la Communication et des
Affaires étrangères s’engagent à établir une liste de monuments
emblématiques de notre patrimoine, liste qui sera ensuite examinée en
séance spéciale par la section protection de la commission nationale des
monuments historiques. C’est une véritable histoire de la présence
française à l’étranger que nous écrirons à travers ce recensement, une
histoire dont ces monuments sont les jalons, les symboles les plus
prestigieux.

En ce qui concerne la restauration, le ministère de la Culture et de la
Communication s’engage à mettre à disposition du ministère des Affaires
étrangères des spécialistes scientifiques et techniques auprès de la
maîtrise d’ouvrage. Des inspecteurs généraux de l’architecture et du
patrimoine, des conservateurs généraux, des conservateurs du patrimoine
et des architectes en chef des monuments historiques seront ainsi
mobilisés pour apporter leur expertise et leur connaissance.

Cette coopération ne serait pas complète, sans la proposition de formations
spécifiques aux agents du ministère des Affaires étrangères, auprès des
centres spécialisés, tels que l’Ecole de Chaillot ou encore l’Institut national
du Patrimoine. Les ingénieurs, les architectes et les techniciens seront ainsi
sensibilisés à la spécificité des interventions sur les monuments d’intérêt
patrimonial majeur.

Le ministère de la Culture et de la Communication prendra en charge
une partie du financement des études nécessaires aux travaux sur ces
édifices.

Mais, cher Philippe, quels que soient l’amour et le respect que nous
avons pour elles, vous n’êtes pas plus que moi le ministre des « vieilles
pierres », fussent-elles hors de nos frontières, et il nous importe, à tous
deux, de faire vivre ce patrimoine extraordinaire que la France nous a
légué au fil de son histoire. C’est pourquoi je suis très heureux que notre
collaboration porte également sur l’animation de ces monuments.

Une animation au sens étymologique, celui d’insuffler une âme, l’âme de
la France, dans chacun de ces lieux. Et cette âme, c’est notre culture, ce
sont nos valeurs, notre identité, notre histoire, nourries par des siècles
de création et de pensée. C’est cette âme que nous devons maintenant
mieux diffuser, et ces monuments représentent en cela une chance
formidable. Ouvrons leurs portes aux publics de tous les pays, pour faire
connaître les oeuvres françaises, faciliter la circulation des idées et
favoriser les échanges entre les artistes.

Soyons audacieux, également, et faisons des nouvelles implantations
diplomatiques les étendards du dynamisme de la création française, en
invitant nos artistes à en imaginer les écrins. Je me réjouis que
l’arrangement qui scelle la coopération entre nos deux ministères,
prévoie d’associer étroitement à ces nouvelles constructions les ateliers
de création du Mobilier National et des Manufactures, dépositaires d’un
riche savoir-faire et fers de lance de la création française, notamment
dans les domaines du design et de la tapisserie contemporaine.

Oui, ces monuments sont pour notre pays et nos artistes de véritables
vitrines, que nous devons préserver, valoriser, faire vivre, et ouvrir au
public le plus large.

Je vous remercie.

DIVERSITÉ CULTURELLE

19 décembre 2006

La France s’est engagée avec détermination pour enclencher le processus d’élaboration d’une Convention internationale sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles dans le cadre de l’UNESCO. Avec l’aide du Canada, elle a beaucoup œuvré pour convaincre un certain nombre d’États de la nécessité de lélaboration dune convention internationale qui puisse garantir la reconnaissance de la spécificité des biens et services culturels en droit international, dans le contexte des offres de libéralisation faites dans le cadre de lOMC.

La Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles servira de cadre juridique à l’ensemble des pays signataires pour la défense et la mise en valeur de leurs identités culturelles. Elle permettra notamment de confirmer le rôle vital des artistes et des créateurs, de réaffirmer la souveraineté culturelle des États, et de légitimer et promouvoir pour chacun dentre eux des politiques culturelles spécifiques. La Convention consacre le principe de non-subordination de la Convention aux autres Traités. Elle se pose donc en égale des autres traités internationaux (notamment ceux relatifs à l’OMC) dans la hiérarchie des normes. Elle permettra ainsi de développer une jurisprudence s’appuyant sur des considérations culturelles et pas seulement commerciales, en reconnaissant la spécificité des biens et services culturels et audiovisuels dans les négociations bilatérales et plurilatérales.

Il ne s’agit pas d’une attitude protectionniste : chaque pays sera incité à mettre en valeur le dialogue des identités culturelles en facilitant la mobilité des artistes et des œuvres et ainsi, dans le respect du principe d’ouverture et d’équilibre envers les autres cultures, à prendre les mesures nécessaires à la protection et à la mise en valeur de la création artistique. À titre dexemple, les accords de coproduction cinématographique et/ou audiovisuelle conclus par la France avec ses partenaires confèrent aux œuvres (audiovisuelles ou cinématographiques) coproduites, le traitement national dans chaque pays de la coproduction et, de ce fait, leur ouvre laccès aux aides nationales. Ceci leur permet également dentrer dans les quotas européens de diffusion définis par la directive "Télévision sans frontières" de lUnion européenne. À ce titre, les accords de coproduction audiovisuelle et/ou cinématographique constituent un instrument majeur de promotion de la diversité culturelle.

Le 18 décembre 2006, grâce au dépôt conjoint des instruments de ratification par la Communauté européenne et de 13 États membres, le seuil est dépassé puisque 34 pays ont désormais déposé leurs instruments de ratification auprès de l’UNESCO. La Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles entrera en vigueur le 18 mars 2007, soit trois mois après la date du 30e dépôt. Elle aura évidemment d’autant plus de poids qu’une masse importante de pays l’auront adoptée.

Rappel historique

Octobre 2001 :
la 31e session de la conférence générale de l’UNESCO adopte une « déclaration universelle sur la diversité culturelle ». Il s’agit de faire reconnaître la légitimité des politiques culturelles afin de préserver et promouvoir la diversité culturelle. C’est une première étape devant conduire à une réflexion plus large qui permettra d’aboutir à l’élaboration d’un instrument international contraignant légitimant le droit des États à élaborer leurs politiques culturelles. 14-16 octobre 2002 : les ministres de la culture de 21 pays se réunissent au Cap (Afrique du Sud) à l’occasion de la cinquième réunion annuelle du RIPC (Réseau International sur la Politique Culturelle)¹. Ils affirment que l’UNESCO est l’institution internationale appropriée pour accueillir et mettre en œuvre cet instrument sur la diversité culturelle. 5-6 février 2003 : seize ministres de la culture membres du RIPC se réunissent à Paris. Ils affinent un projet de convention sur la diversité culturelle et le soumettent à Monsieur Koïchiro Matsuura, directeur général de l’UNESCO. Cette convention est l’instrument international qui assure un fondement juridique au droit des États à établir leur politique culturelle. Octobre 2003 : l’UNESCO se saisit du projet de « Convention sur la protection de la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques ».

Novembre 2004 : les Vingt-cinq mandatent la Commission européenne pour les négociations à l’UNESCO

Mai 2005
: lors des Rencontres pour l’Europe de la culture de Paris, 15 ministres européens signent une charte pour l’Europe de la Culture

Juin 2005 : l’ASEM (Asia-Europe Meeting) se réunit à Paris autour du projet de convention
Juin 2005 : Dernière réunion intergouvernementale d’experts à l’Unesco recommandant l’adoption du projet de convention lors de la 33e Conférence générale

20 octobre 2005 : adoption de la « Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles » par 148 états sur 154 présents. Deux États ont voté contre (États-Unis et Israël), quatre se sont abstenus (Australie, Honduras, Libéria, Nicaragua).

28 novembre 2005
: le Canada est le premier pays à ratifier la convention.

8 juin 2006 : adoption par lAssemblée nationale du projet de loi autorisant l’adhésion à la convention.

27 juin 2006
: adoption par le Sénat.

6 juillet 2006 : promulgation par le Président de la République et publication au journal officiel du projet de loi autorisant l’adhésion de la France à la convention. La France est, après la Finlande, le deuxième pays de lUnion européenne à avoir achevé sa procédure interne de ratification.

18 décembre 2006 : dépôt à l’UNESCO des instruments de ratification de la Communauté européenne et des États membres de l’Union européenne ayant achevé leur procédure interne de ratification.

¹ Créé en 1998, le RIPC est une tribune internationale réunissant aujourd’hui 59 États membres. Les ministres de la culture de ces pays se concertent sur les nouveaux enjeux et les questions de politique culturelle. Leur objectif est de favoriser la diversité culturelle dans un contexte de plus en plus mondialisé.

La « convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles » a pour objet de consacrer en droit la légitimité des politiques en faveur de la protection et de la promotion de la diversité culturelle et a vocation à devenir un cadre de référence pour les États et les autres organisations internationales. Elle permet ainsi d’établir un équilibre entre les règles du commerce international et les normes culturelles qui ne peuvent être subordonnées aux accords internationaux et doivent bénéficier d’un règlement des différends efficace. Elle réaffirme la spécificité des biens et services culturels, souligne le droit des États à mettre en œuvre des politiques culturelles pour préserver la diversité de la production et de l’offre culturelle, renforce la coopération et la solidarité en faveur des pays en développement. En effet, la diversité culturelle ne saurait justifier un repli sur soi sur une identité fermée. Elle exige par nature l’ouverture aux autres cultures.

BOURSE « JEUNES REPORTERS » DE L’UNION DES CLUBS DE LA PRESSE DE FRANCE ET FRANCOPHONE

18 décembre 2006

Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,

Je suis très heureux d’être parmi vous aujourd’hui pour remettre leurs Prix aux lauréats de la Bourse Jeunes Reporters. Je tiens tout d’abord à remercier l’Union des Clubs de Presse de France et francophones, et plus particulièrement son Président, Philippe Tallois, pour son action au service des journalistes et des professionnels de la communication. Espaces de dialogue, de réflexion et de débats, les Clubs de la presse, présents dans toutes les régions de France, et dans certains pays francophones, remplissent une mission essentielle d’information, de diffusion et de relais pour les professionnels de ce secteur. Communauté professionnelle, mais aussi humaine, intellectuelle, et, pour ainsi dire, spirituelle, fortement engagée, aux côtés de Reporters sans Frontières, dans la défense de la liberté de la presse, ce réseau a également vocation à transmettre les valeurs fondamentales du métier de journaliste aux jeunes générations, et ces bourses en sont une très belle illustration.

Le concours organisé par l’UCPF, en rapprochant les générations de journalistes en activité depuis plusieurs années de leurs confrères ou futurs confrères, et en mettant résolument en avant les exigences éthiques et les règles déontologiques qui unissent la profession, contribue ainsi à renforcer cette communauté professionnelle, pilier de notre démocratie.

Je me réjouis que ces Bourses encouragent, stimulent et valorisent le travail de jeunes journalistes autour du thème particulièrement décisif de la francophonie, et de ses implications économiques, culturelles ou humanitaires hors de France.

Je tiens à féliciter très chaleureusement toutes celles et tous ceux qui ont participé à ce concours, apportant la preuve du talent et du dynamisme des jeunes journalistes qui prennent la relève aujourd’hui. Pour remporter cette Bourse proposée par vos aînés, vous avez dû présenter un projet ambitieux et complet sur le plan de l’information, mais aussi définir les moyens concrets nécessaires à la mise en œuvre de ce projet et les pistes envisageables pour diffuser votre reportage : vous avez ainsi montré, à la fin de votre période de formation, ou au tout début de votre vie professionnelle, que vous disposiez de toute la palette des talents qui font un journaliste sérieux et compétent.

Nous en sommes tous conscients, ce sérieux et cette compétence sont plus que jamais indispensables. Le journalisme ne s’improvise pas : il est un métier, qui suppose de la technique et de l’expérience. C’est pourquoi j’attache une très grande importance à la formation des futurs journalistes, à la fois en tant que Ministre de la Communication et comme élu de la ville de Tours, dont l’IUT de journalisme est l’une des écoles reconnues par la profession. J’ai eu l’occasion de le dire, à plusieurs reprises, on ne naît pas journaliste, on le devient !

Et cependant, au-delà d’un métier, le journalisme est également un engagement personnel. Vous en avez tous déjà fait l’expérience, comme en témoignent vos travaux et votre présence ici aujourd’hui.

Oui, le journalisme est un métier, une compétence, une passion. De votre professionnalisme et de votre engagement, notre pays et notre monde ont plus besoin que jamais. C’est à vous qu’appartient, dans un environnement marqué à la fois par de grands rapprochements et par une forte tentation de rejet et de repli, de faire vivre la diversité culturelle et le débat d’idées. Arthur Miller écrivait, en 1961 : « Un bon journal, c’est une nation qui se parle à elle-même. » A vous aujourd’hui d’entretenir le dialogue de la société française avec elle-même, de porter ce dialogue dans l’espace européen et au sein de la communauté internationale. Les Clubs de la Presse sont, selon votre charte, et je puis en témoigner pour celui de la Région Centre, que je connais bien, « des lieux ouverts par excellence » : à vous de susciter largement, par votre travail, et en mettant en œuvre un pluralisme authentique, cette même ouverture.

C’est précisément cette capacité d’ouverture qui m’a frappé à la lecture des travaux des deux journalistes auxquels est accordée aujourd’hui la Bourse Jeunes Reporters, et dont vous allez révéler les noms dans un instant.

Je tiens à les féliciter très chaleureusement et je leur souhaite d’assumer, tout au long de leur parcours professionnel, cette grande responsabilité, avec toujours autant de passion, de générosité et de talent.

Installation avec Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères et Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, du Comité d’honneur du 50e anniversaire de la signature du Traité de Rome

18 décembre 2006

Monsieur le Ministre d’Etat, cher Maurice Faure,

Monsieur le Ministre, cher Philippe Douste-Blazy,

Madame la Ministre, chère Catherine Colonna,

Messieurs les Ministres,

Mesdames les Présidentes, Messieurs les Présidents,

Mesdames, Messieurs,

Ma présence parmi vous est d’abord liée à cette conviction, que Milan Kundera a exprimée
de façon lapidaire : « l’ambition européenne est avant tout une ambition culturelle ». Et
d’ajouter cette définition – que je ferais volontiers mienne – de l’identité de l’Europe : « le
maximum de diversité dans le minimum d’espace ».

L’unité et la diversité sont depuis l’origine les deux fondements de la construction
européenne, et ce sont des fondements dont nous savons aujourd’hui qu’ils sont d’abord
culturels.

Pourtant, pour les experts des affaires communautaires que vous êtes, il peut sembler
paradoxal de vouloir mettre ainsi en avant la culture à l’occasion des cérémonies
commémoratives du Traité de Rome, alors qu’elle n’y figure en aucune façon. Mais le
ministre de la culture est aussi celui de la mémoire et la commémoration du Traité de Rome
est une célébration nationale.

Et si vous me permettez d’ajouter un mot plus personnel, vous
comprendrez que le fait que le ministre en fonction au moment de cette célébration, et au
moment où nous en sommes de l’histoire de l’Europe, soit aussi le fils de celui qui négocia le
Traité, aux côtés de vous-même, Monsieur le Ministre d’Etat, et avec vous, Messieurs les
Ministres, chers Jean-François Deniau et Jean François-Poncet, ainsi qu’avec Robert
Marjolin, disparu il y vingt ans, revêt une signification particulière, qui n’est pas que
symbolique. Car l’action accomplie alors par ces pionniers, par ces précurseurs, dans une
atmosphère de scepticisme quasi généralisé, après l’échec du traité relatif à la Communauté
européenne de défense, que certains d’entre vous ont racontée, comme l’action accomplie
depuis lors, est assurément un héritage commun. Un héritage qu’il nous appartient, non
seulement de faire vivre, mais aussi de conquérir, pour le transmettre à nouveau à nos
concitoyens.

Cet héritage est donc d’abord un projet. S’il est vrai qu’à l’époque où a été
signé le Traité de Rome il était clair que la culture ne pouvait être en aucun cas une
compétence de la future Europe à construire, tant était ancrée l’idée que la culture se
rapporte à l’identité de chaque nation ; s’il est vrai qu’il fallut attendre le Traité de Maastricht,
pour qu’une place soit officiellement dévolue à la culture dans la construction européenne,
avec l’introduction d’un article spécifique ; il est non moins vrai que la culture doit aujourd’hui
devenir une dimension essentielle du projet européen.

Cinquante ans après la signature du Traité de Rome, nous avons devant nous une nouvelle
étape de la construction européenne, une étape majeure, dont il appartient à notre
génération d’inventer les formes et de réaliser les solidarités concrètes.

Le référendum sur la constitution de 2005, en France comme aux Pays-Bas, a montré
combien nos concitoyens ont le sentiment de voir leur identité diluée dans la mondialisation.

Cela veut dire que pour aller de l’avant, pour s’ouvrir à l’autre, il faut que les peuples
européens se sentent rassurés dans leurs racines nationales et comprennent que l’Europe
peut les aider à conserver leur identité face aux risques de l’uniformisation du monde.

L’Europe est une force.

Il y a donc un lien direct entre cette nouvelle étape de la construction européenne et la
victoire que nous avons remportée grâce à la détermination de la France et à la mobilisation
de l’Europe, avec l’adoption, en moins de deux ans, à la quasi-unanimité de la communauté
internationale, de la Convention sur la diversité culturelle.

Je me rends demain à Bruxelles, accompagné de deux grands artistes, une Française, un
Européen, pour assister à la remise des instruments de ratification de la Communauté
européenne et de douze Etats membres – auxquels s’ajoutent la Roumanie et la Bulgarie,
soit un majorité de 14 Etats membres au 1er janvier 2007 – au Directeur général de
l’UNESCO. Cette cérémonie, qui se déroulera en présence du Président de la Commission
européenne marque une étape essentielle, et que je n’hésite pas à qualifier d’historique, du
point de vue du rôle de la culture dans les relations internationales : l’affirmation en droit
international du droit des Etats et de la Communauté européenne à soutenir les politiques
culturelles face aux règles nécessaires du libre-échange.

José-Manuel Barroso, par sa
présence, montre ce dont nous nous sommes à plusieurs reprises entretenus : c’est par la
culture que nous donnerons une âme à l’Europe, c’est par elle que nous cultiverons la
conscience partagée d’appartenir à une même communauté de destin.
Il s’agit bien de permettre à chacun, peuples et citoyens, de comprendre de façon intime que
notre solidarité politique repose sur des racines culturelles communes.

Nous ne sommes
heureusement plus à l’époque où l’enjeu central de la construction européenne était
d’assurer une paix durable sur notre continent. Nous ne sommes plus à l’époque
extraordinaire de l’unification économique et monétaire : ce sont des acquis aujourd’hui, qui
ont été magnifiquement réalisés et qu’il convient de faire vivre. Nous sommes à une époque
où nous devons donner à 500 millions d’Européens et 27 Etats membres des raisons de
penser qu’ils sont plus proches les uns des autres que de n’importe quelle autre
communauté humaine et que ces raisons ne reposent pas seulement sur l’intérêt bien
compris, mais sur une volonté partagée de vivre ensemble, sur un esprit de famille, qui sont
les conditions mêmes de l’existence d’une Nation.

Voilà pourquoi, en hommage à la mémoire des négociateurs du traité de Rome qui auront
laissé une trace incroyable dans l’histoire du continent européen, je souhaite ardemment, et
j’appelle tous les artistes et tous les homes et femmes de culture à soutenir cette idée, que la
Déclaration de Berlin, qui sera adoptée par le Conseil européen à l’occasion du
Cinquantième anniversaire du Traité de Rome, affirme haut et fort la volonté de donner au
projet politique européen une ambition culturelle.

Oui, vive l’Europe de la culture ! Mais ne nous y trompons pas : il ne s’agit évidemment pas
de suivre la voie de l’intégration communautaire, comme pour l’agriculture ou la monnaie. La
subsidiarité et la coopération ouverte doivent être les maîtres-mots de notre action culturelle
commune. C’est pourquoi je plaide pour des coopérations appuyées par la Commission
européenne autour de projets concrets : nous en avons lancés, comme la Bibliothèque
numérique européenne et comme le label européen du patrimoine, que je souhaite voir se
mettre en place en mars 2007, avec en tête de liste des monuments aussi prestigieux pour
l’histoire européenne que l’Acropole et le Capitole. C’est la France, avec André Malraux, qui
a lancé à l’UNESCO, avec le succès que l’on sait, l’idée du patrimoine mondial de
l’humanité.

C’est la France aujourd’hui qui doit faire réussir l’idée d’une liste commune du
patrimoine européen. Oui, une Europe des projets culturels est capable de parachever dans
les esprits et les coeurs l’unité de l’Europe. C’est grâce à la culture que nous pourrons
fédérer l’énergie des Européens, pour que rayonnent dans le monde nos valeurs de paix, de
démocratie et d’universalité.

Je vous remercie.