Rubrique ‘Discours 2006’

Ouverture de la séance du Conseil supérieur des musiques actuelles (CSMA)

19 juin 2006

Monsieur le Président, Cher David Kessler,

Mesdames, Messieurs, Chers Amis,

Je suis heureux de vous retrouver aujourd'hui, pour cette troisième séance de travail du
Conseil Supérieur des Musiques Actuelles, et la deuxième à laquelle j'ai tenu à participer
personnellement.

Je remercie chaleureusement Geneviève Girard et Gilles Castagnac, ainsi que toute leur
équipe, de leur accueil dans les bureaux originaux et colorés de l'IRMA [Centre d'information
et de ressources pour les musiques actuelles] que nous venons de visiter ensemble. Je
salue le travail utile et remarquable d'information et de formation qu'accomplit votre
association auprès de publics larges et variés, conformément à l'esprit des pratiques
artistiques et des lieux de musiques actuelles qui, parce qu'ils s'adressent à des publics
nombreux et divers, contribuent à faire vivre les liens entre les générations et la cohésion de
notre société, si nécessaires aujourd'hui.

Je suis heureux de le souligner, à l'avant-veille de la Fête de la musique, dont nous
célèbrerons mercredi les vingt-cinq ans.

Et pour marquer ce vingt-cinquième anniversaire, à la veille de la saison des festivals, mais
surtout pour faire un point d'étape de ma politique en faveur de la musique, je présenterai au
conseil des ministres après-demain une communication sur la vie musicale dans notre pays,
où je ferai référence au développement de l'action en faveur des musiques actuelles et en
particulier à l'action de votre conseil pour favoriser la vitalité artistique et la structuration
économique, sociale, et territoriale de ce secteur.

Avant d'en venir précisément à notre ordre du jour, je tiens à répondre à l'invitation du
président du CNV [Centre national de la chanson, des variétés et du jazz], Daniel Colling : je
viendrai vous rendre visite et rencontrer toute l'équipe du CNV le 13 septembre prochain.

Notre réunion d'aujourd'hui marque une étape importante.

Nous allons en effet signer ensemble le plan national et territorial en faveur des musiques
actuelles, fruit de deux années de travail et de concertation. Puis Anita Weber et Michel
Berthod nous présenteront leur rapport sur le soutien de l'Etat aux musiques actuelles. Enfin,
Daniel Colling nous exposera les principaux résultats de l'étude très complète qu'il vient de
publier sur la diffusion des spectacles de variétés et de musiques actuelles, à partir des
données recueillies à l'occasion de la perception de la taxe que le CNV collecte sur la
billetterie des spectacle organisés en 2005. En réalisant et en publiant pour la première fois
une telle étude, permettant de dresser une photographie précise de la diffusion des
spectacles entrant dans le champ de la taxe, et en s'engageant désormais à suivre
annuellement son évolution, le CNV remplit de façon exemplaire son rôle de centre de
ressources pour l'ensemble du secteur, dont il incarne une vision solidaire, au-delà de la
diversité de ses acteurs et de ses métiers.

C'est dans cet esprit que j'ai également demandé à Philippe Chantepie, chef du département
des études, de la prospective et des statistiques, d'établir avec vous et en collaboration avec
le centre de ressources du CNV, un programme d'études qui alimentera vos travaux.

Cette réunion, je l'ai dit, marque une étape importante, parce que nous allons signer un texte
fondateur : le plan pour une politique nationale et territoriale des musiques actuelles. Je
mesure tout l'enjeu de ce plan et je sais l'engagement et le travail important qui ont été
nécessaires pour le faire advenir : il marque l'aboutissement de deux années de concertation
nationale. Je tiens à saluer ce travail remarquable, qui porte ses fruits aujourd'hui.

Cette concertation nationale a regroupé les représentants des réseaux, des fédérations
professionnelles, des organismes professionnels, des syndicats d'employeurs et de salariés,
au côté des représentants de l'Etat et des collectivités territoriales.

Cette démarche originale
est unique en son genre dans le champ des politiques publiques de la culture.

Mais nous sommes tous conscients que ce point d'arrivée est aussi et surtout un point de
départ, un signal fort, une incitation à poursuivre, structurer et démultiplier cette démarche
dans l'ensemble de notre territoire. En effet, à partir de constats partagés sur l'état des lieux,
les enjeux et les objectifs, ainsi que sur les moyens à mettre en oeuvre pour le
développement d'une politique nationale et territoriale des musiques actuelles, ce plan est
aussi, plus qu'un document-ressource, un véritable guide méthodologique de la concertation
territoriale, à la disposition des collectivités, des services déconcentrés – vous pouvez
compter sur moi pour mobiliser les DRAC – et tous les acteurs du secteur pour leur permettre
de mettre en oeuvre des politiques concertées et adaptées au développement des musiques
actuelles dans chacune des collectivités concernées.

Je tiens à remercier les élus qui, par leur présence et leur contribution, marquent leur
implication dans le développement du secteur, en partenariat étroit avec l'Etat.

Dans le secteur des musiques actuelles, comme dans les autres domaines du spectacle
vivant et comme pour l'ensemble des politiques culturelles, le dialogue et l'addition des
énergies portent leurs fruits.

Je tiens à vous annoncer, pour répondre à votre souhait, que j'ai demandé à Jérôme Bouët
de préparer la modification de l'arrêté de création du conseil afin de permettre la nomination
d'un second vice-président issu des professionnels.

Avant, si votre président le permet, de signer ensemble cet acte fondateur, je souhaite
répondre enfin à une autre question, tout aussi légitime. Comme je vous l'avais dit lors de
votre séance d'installation, le 16 janvier dernier, je tiens à ce que vous puissiez disposer des
moyens nécessaires à votre travail : j'ai donc demandé à Jérôme Bouët, en accord avec
votre président, de procéder à la nomination d'un secrétaire général, pour mieux coordonner
l'ensemble des missions que le CSMA est appelé à remplir, et veiller à son fonctionnement.

Je vous remercie.

Lancement de la télévision numérique terrestre, la TNT, en Indre-et-Loire

17 juin 2006

Messieurs les Députés, Cher Patrice Martin-Lalande,

Monsieur le Maire de Chissay, Cher Jean-Marie Janssens,

Messieurs les Maires,

Mesdames, Messieurs les élus,

Monsieur le Préfet,

Mesdames les Conseillers du Conseil supérieur de l’audiovisuel,

Monsieur le Président de France Télévisions,

Monsieur le Président de Télédiffusion De France,

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

Je suis très heureux de vous retrouver ici à Chissay, pour vivre ensemble une
véritable révolution : depuis deux jours, les habitants de Chissay, de Tours,
d’une grande partie de l’Indre-et-Loire, du Loir-et-Cher et de la région Centre
ont accès à la télévision numérique terrestre.

Dès le démarrage de la TNT, j’ai souhaité que vous puissiez bénéficier de cette
innovation technologique majeure le plus tôt possible. C’est aujourd’hui chose
faite et, en saluant la présence de Marie-Laure Denis et de Michèle Reiser, je
tiens à rendre hommage au Conseil supérieur de l’audiovisuel, pour le travail
qu’il a fourni et qui rend possible ce moment fort que nous partageons
ensemble.

Depuis jeudi 15 juin, cet émetteur est l’un des dix-neuf nouveaux
émetteurs qui permettent à 58 % de la population de recevoir une offre
complètement nouvelle, élargie et renouvelée. La télévision numérique
terrestre est une révolution car pour chacun des Français qui peut la recevoir
elle multiplie par trois l’offre de chaînes diffusées gratuitement : chacun aura la
possibilité de regarder dix-huit chaînes là où il n’avait le choix qu’entre six
chaînes. Aujourd’hui encore, on considère que l’audience des six canaux
principaux constitue 86 % de l’audience ! Le passage de la télévision
analogique à la télévision numérique est un enjeu de société majeur, qui
change la vie quotidienne des Français en donnant une dimension nouvelle à
l’offre de programmes proposés.

Ce passage de la télévision analogique à la télévision numérique renforcera le
pluralisme de l’information ainsi que la création française. La place et l’identité
de la télévision publique seront plus fortes : France 2, France 3, France 4,
France 5, Arte, la Chaîne parlementaire et Public Sénat sont des chaînes qui
ensemble apportent davantage d’informations et de connaissances à
l’ensemble des Français. France Ô les rejoindra bientôt, et permettra de mieux
faire connaître la richesse des cultures et de la vie d’outre-mer. D’ores et déjà
France 4, nouvelle chaîne du service public, apporte davantage de culture, de
spectacles et de fictions aux téléspectateurs tourangeaux et je veillerai à ce
que son identité soit confortée par le contrat d’objectifs et de moyens de
France Télévisions, actuellement en cours de négociation.

La télévision
publique doit continuer à fédérer largement les téléspectateurs par ses
programmes différents de la télévision privée et c’est ce qui rend la redevance
légitime auprès des Français. Je tiens à saluer un des principaux acteurs de la
réforme de la redevance et grand connaisseur du monde des médias, cher
Patrice Martin-Lalande : grâce à votre action déterminante, cette réforme a
simplifié la vie de nos concitoyens tout en garantissant à l’audiovisuel public
une ressource stable et pérenne.

Le succès auprès du grand public de la diffusion en direct des travaux de la
mission parlementaire sur le procès d’Outreau par la chaîne parlementaire
témoigne de l’attente des Français d’une télévision citoyenne. Cet événement
témoigne aussi que les rapports entre les médias et la justice sont un enjeu
majeur : sur ce sujet je mettrai en place dans les semaines qui viennent un
groupe de travail qui sera composé de professionnels. Enfin, la télévision
numérique terrestre permet aux Français de disposer, en plus de l’information
sur les grandes chaînes généralistes de deux chaînes d’information continue :
la TNT renforce le pluralisme de l’information en France.

Avec dix-huit chaînes de télévision, l’offre est riche et diversifiée. Tous les
publics peuvent s’y retrouver. Cette offre est aussi équilibrée entre les chaînes
généralistes, et les chaînes qui proposent davantage de culture, davantage de
musique, davantage de programmes pour enfants, davantage de fictions, de
documentaires et de films, ainsi que des émissions de divertissement.

Cette offre plurielle s’ajoute à celle qui est diffusée depuis le 24 mars avec la
chaîne TV TOURS. Cette chaîne aujourd’hui diffusée en analogique pourra
prochainement être diffusée en numérique, une fois que le CSA aura achevé la
mise en oeuvre des procédures nécessaires. En effet, je lui ai donné mon
accord pour transférer une des chaînes de service public du multiplexe dit R1,
qui est le seul permettant sur un plan technique la diffusion de chaînes locales,
vers un autre multiplexe. La place ainsi libérée permettra la diffusion de TV
TOURS en TNT. Cette chaîne, vous le savez, me tient particulièrement à coeur,
puisqu’elle diffuse des programmes exclusivement consacrés à l’information de
notre ville et de l’agglomération tourangelle sur tous les aspects de la vie locale.

La télévision numérique terrestre est un formidable succès dont je n’ai pour ma
part jamais douté : plus d’un an après son lancement, 2 800 000 récepteurs
TNT se sont vendus ou loués. Le choix de la norme MPEG 2, que j’ai
privilégiée, a été déterminant dans ce plébiscite des téléspectateurs.

Ce succès a des conséquences majeures. L’attente est si forte dans la
population qu’il faut achever le plus rapidement possible la couverture la plus
complète de l’ensemble du territoire.

Pour les chaînes de télévision, pour les producteurs, cette mutation du paysage
audiovisuel aura aussi des conséquences importantes. Deux principes
fondamentaux doivent nous guider : premièrement, le basculement inéluctable
de l’analogique vers le numérique ne peut avoir lieu que si pour chacun des
Français les conditions, c’est-à-dire tant la couverture que l’équipement, sont
réunies pour qu’il reçoive la télévision numérique. Deuxièmement, le passage
au numérique sous toutes ses formes doit préserver les grands équilibres
économiques du monde de l’audiovisuel : la télévision numérique terrestre,
Internet et la télévision mobile personnelle doivent en particulier participer au
développement de la création audiovisuelle et cinématographique.

Afin d’organiser le passage de l’analogique au numérique, qu’il a annoncé en
janvier dernier, le Président de la République m’a demandé de présenter dès
cet été au Conseil des ministres un projet de loi sur l’audiovisuel. J’y travaille
activement. Ce projet sera discuté au Parlement à l’automne. Il encadrera
l’extinction de la diffusion analogique qui aura lieu en 2011.

Ce basculement complet de l’analogique au numérique implique de résoudre un
certain nombre de difficultés. Tout d’abord, des procédés de substitution à la
diffusion analogique devront être assurés : dans certaines zones, la diffusion
par satellite garantira que les téléspectateurs pourront regarder les chaînes
qu’ils souhaitent. Ensuite, il faudra que l’ensemble des Français soient équipés.

Aujourd’hui, le taux d’équipement est de 18 % dans les zones couvertes par la
TNT, un après son lancement. C’est un chiffre très élevé. Le DVD, dont on
considère que les Français s’étaient rapidement équipés, avait mis trois ans pour atteindre 4,5 %. Je tiens à saluer la société HF Company dont la filiale
Metronic implantée à Reignac est l’un des acteurs importants de cette réussite.

Les événements sportifs, qui nous permettent de partager de grands moments
d’émotion, comme la Coupe du monde de football en ce moment, contribuent à
accélérer ces évolutions. Le renouvellement des postes de télévision est en
marche très rapide puisque désormais la télévision numérique est intégrée
dans les postes de télévision proposés à la vente. C’est dire si l’enjeu est
important en termes industriels et d’emplois.

Je serai particulièrement attentif à ce qu’il n’y ait pas de fracture numérique
entre des citoyens qui n’ont pas les mêmes revenus. Tous les citoyens doivent
pouvoir recevoir la télévision numérique. Cette exigence légitime impliquera un
soutien financier modulé au bénéfice des téléspectateurs les plus démunis, qui
n’auraient pas pu s’équiper seuls par manque de moyens financiers.

Les chaînes de la télévision numérique terrestre peuvent être aussi regardées
sur les ordinateurs et pour les plus jeunes, en particulier, cette manière nouvelle
de regarder la télévision est adaptée à leurs habitudes. Cette convergence
entre les supports nécessite de nouvelles règles. Aujourd’hui, plus de la moitié
des Français est internaute et plus de huit internautes sur dix sont connectés à
domicile en haut débit. L’attente et les enjeux du développement d’une offre
légale et diversifiée de programmes de télévision sur Internet sont donc
considérables.

J’ai annoncé lundi dernier (le 12 juin 2006) que j’étais prêt à
accueillir rue de Valois les représentants des professionnels pour signer un
accord sur la VOD de fiction française, semblable à celui que j’ai paraphé en
décembre dernier pour le cinéma. Au-delà de la fiction française, ce sont toutes
les oeuvres audiovisuelles qui sont concernées par la vidéo à la demande sur
Internet. Je propose le même type d’accords pour le documentaire et
l’animation, parce qu’il est essentiel pour l’avenir de notre industrie et de notre
création audiovisuelle que ces offres se développent sur Internet. La loi sur le
droit d’auteur, qui doit être adoptée définitivement par le Parlement avant la fin
du mois établira le cadre indispensable pour que ces offres nouvelles prennent
pleinement leur essor.

Je suis heureux de créer les conditions du développement de tous ces
nouveaux services.

Le projet de loi que je présenterai en conseil des ministres à la fin du mois de
juillet créera le cadre juridique permettant de fixer les conditions du
développement de la télévision du futur en France, la haute définition et la
télévision mobile personnelle. C’est un enjeu majeur : un enjeu en termes de
création d’emplois, un enjeu industriel et un défi, pour le ministre de la culture et
de la communication que je suis, afin que cette offre élargie le soit au service
de la diversité culturelle et de la création. C’est aussi pour les consommateurs
une amélioration inégalée de la qualité d’images et de son offerte par la
télévision. Quant à la télévision mobile personnelle, elle va être une mutation
très importante, modifiant radicalement les habitudes de consommation de la
télévision.

Je suis heureux et fier d’annoncer ici les grandes lignes de ce texte d’avenir .

Tout d’abord, le principe d’une redevance domaniale pour tenir compte de la
rareté des fréquences n’a pas été retenu. Il fait en effet craindre l’amorce d’un
démantèlement des obligations d’investissement et de diffusion qui,
traditionnellement dans la régulation audiovisuelle, compensent la gratuité des
fréquences. Toutefois, ces nouveaux moyens de diffusion des programmes
doivent contribuer à la création. Je propose donc une majoration de la taxe
acquittée par les chaînes de télévision et assise sur leurs recettes publicitaires.

La majoration de cette taxe affectée au compte de soutien à l’industrie des
programmes (COSIP), permettra notamment d’aider la production audiovisuelle
pour la télévision haute définition et la télévision mobile.

S’agissant de la télévision mobile personnelle, il ne faut en aucun cas préjuger
du modèle final. Les attributions de fréquences se feront aux éditeurs, mais
pour que le projet ne rigidifie pas à l’excès les choses, je proposerai que, avant
le 31 mars 2010, le Gouvernement dépose devant le Parlement, un rapport sur
la possibilité de compléter la procédure d'attribution aux éditeurs, par
l'attribution des fréquences à des distributeurs commerciaux. Par ailleurs, il est
clair que le public souhaitera retrouver sur la télévision mobile ses chaînes
habituelles, mais il faut aussi laisser la place aux nouveaux services. Le CSA
devra donc consacrer une part de la ressource à ces services.

S’agissant de la haute définition qui fait en ce moment l’objet d’une
expérimentation, la ressource demeure rare, le projet de loi fixe donc les
critères qui devront guider le CSA en termes de qualité de programmes et de
formats adaptés.

Cette modernisation créera un véritable « dividende numérique ». Elle ouvrira
des fréquences supplémentaires. Je veillerai personnellement, au sein du
comité stratégique installé par le Président de la République le 4 mai dernier, à
la meilleure utilisation possible de ces ressources nouvelles dans le domaine
audiovisuel, pour que les citoyens français bénéficient des programmes de
qualité qu’ils méritent.

Les mutations actuelles de la télévision sont complémentaires des
transformations des autres médias, journaux et radios, et créeront une
émulation qui doit profiter à tous, sans menacer, bien sûr, les équilibres
économiques du secteur. Ce sont des défis de premier plan pour le défenseur
de la liberté de communication que je suis. Ces changements portent en eux
des enjeux importants pour les industries culturelles de la production
audiovisuelle, cinématographique, musicale et multimédia, des enjeux
industriels, liés au déploiement de nouvelles infrastructures de réseaux et à
l’équipement des ménages en terminaux. Ces révolutions amélioreront de
manière considérable la qualité des services et provoqueront de nouvelles
habitudes de consommation ; elles changeront la vie quotidienne de nos
concitoyens, au bénéfice de la richesse de la diversité culturelle.

A Chissay, à Tours, comme sur l’ensemble de notre territoire, l’avenir se
prépare aujourd’hui. C’est une tâche exaltante, à réussir ensemble.

Je vous remercie.

Ouverture du séminaire « Attractivité Culturelle » à l’Institut National d’Histoire de l’Art

14 juin 2006

Monsieur le Président de la Commission des affaires culturelles du
Sénat, Cher Jacques Valade,

Messieurs les Parlementaires,

Madame la Présidente de l’établissement public du musée et du
domaine national de Versailles, Chère Christine Albanel,

Madame la Directrice générale du Centre national de la
cinématographie, Chère Véronique Cayla,

Madame la Préfète, Chère Bernadette Malgorn,

Messieurs les Directeurs,

Madame la Présidente, Messieurs les Présidents,

Messieurs les Professeurs,

Mesdames, Messieurs,

Tout d’abord, je tiens à vous dire combien je vous suis reconnaissant
d’avoir bien voulu répondre à mon invitation à travailler, à réfléchir
ensemble ce matin, à frotter nos cervelles pour un exercice de remueméninges,
comme l’on dit en français, en croisant la diversité de vos
expériences, de vos parcours, de vos horizons, de vos pensées, de vos
idées.

Même s’il y a un certain nombre d’universitaires parmi vous, et si je
tiens d’emblée à remercier Xavier Greffe, professeur à l’Université de
Paris I, où il dirige l’Ecole doctorale d’économie, pour le remarquable
travail préparatoire qu’il a réalisé et qui vous a été distribué, sous le titre
La mobilisation des actifs culturels de la France, j’ai conçu cette
matinée de travail, avec l’aide du Département des études, de la
prospective et des statistiques du ministère, non pas comme un
colloque universitaire, mais comme un atelier, un laboratoire d’idées, de
libres réflexions, de libres propositions, pour passer en revue
l’ensemble des aspects de l’attractivité culturelle aujourd’hui, et, je
l’espère, et je vous fais confiance pour cela, faire émerger des idées,
des pistes de réflexion nouvelles.

Ce thème de l’attractivité culturelle de la France, vous savez qu’il me
tient particulièrement à coeur. Non pas parce qu’il s’agirait d’une
« marotte », mais parce que j’y vois un axe essentiel de politique
culturelle et sans doute au-delà, de politique économique et sociale. Un
axe sans doute aussi fort et complémentaire que celui de la diversité
culturelle, qui, après l’adoption, l’an dernier, de la convention de
l’UNESCO, constitue non seulement une valeur et un nouvel élément
du droit international, mais aussi une richesse et un principe d’action
dans la mondialisation, un principe qui se décline au plan interne
comme au plan international.

C’est bien la mondialisation et le rôle de la culture dans la mondialisation
qui forment la toile de fond et la matière de notre réflexion d’aujourd’hui,
qui réunit artistes, créateurs, administrateurs d’équipements culturels,
dirigeants d’institutions, de lieux et d’associations, chefs d’entreprises,
hauts fonctionnaires, enseignants-chercheurs, responsables politiques et
élus, et je tiens à remercier tout particulièrement les trois sénateurs qui
ont accepté de présider trois des quatre tables rondes de cette matinée, le
Président Jacques Valade, Président de la commission des affaires
culturelles du Sénat, le Président Daniel Percheron, Président du Conseil
régional du Nord Pas-de-Calais, qui est l’une des régions de France qui a
fait résolument le pari de la culture pour assurer son développement et
son rayonnement, et le Président Louis Duvernois, sénateur représentant
les Français établis hors de France et auteur d’un remarquable rapport
d’information de la commission des affaires culturelles du Sénat sur la
stratégie d’action culturelle de la France à l’étranger.

Je remercie également Sophie Boissard, Directrice générale du Centre
d’analyse stratégique, qui a gentiment accepté de suppléer Alain Lambert.

Nous allons relever ensemble ce matin un grand défi : celui de la
créativité, celui de l’amour de la culture, de sa diversité, du rôle que la
France peut et doit jouer dans le monde et des relations que je crois
mutuellement fécondes entre la culture et l’économie.

C’est dans cet esprit que je voudrais évoquer l’un des axes de mon action,
l’affirmation du rôle de la culture, qui ne se limite pas à ce que l’on appelle
d’ordinaire les « retombées » sur l’économie, mais qui porte en elle-même
cette force de rayonnement, de créativité, et d’entraînement de l’ensemble
de l’économie et de la société.

J’inscris mon travail dans la succession des ministres de la culture depuis
André Malraux, quel que soit leur engagement politique, car l’élaboration
de notre politique culturelle résulte d’un large consensus. L’une des
inflexions toutefois que je me suis fait un devoir d’apporter, c’est d’aider à
dépasser totalement ce vieux débat, qui consiste à opposer la culture, qui
relèverait d’une vie de l’âme, pure et désintéressée, et l’économie. Je
crois que ce vieux débat est totalement dépassé.

Je suis convaincu au contraire que notre société comprend de mieux en
mieux ce que le monde de la culture et le monde de l’économie peuvent
s’apporter mutuellement.

Car je tiens à le rappeler, l’activité culturelle contribue à la croissance et à
l’emploi. Si la culture coûte de l’argent au contribuable, elle en rapporte
bien plus à notre pays.

L’emploi culturel représente en France près de 470 000 actifs, soit 2% des
emplois totaux. Comparaison bien sûr n’est pas raison, mais c’est une
part équivalente à celle du commerce de l’automobile et qui représente
deux fois la part du secteur des assurances.

Plus de la moitié de ces 470 000 actifs travaillent dans les industries
culturelles.

Encore cette estimation ne tient-elle pas compte des emplois indirects du
secteur du tourisme et de l’hôtellerie, ni des industries du luxe, dont
certains métiers sont éminemment et évidemment artistiques.

Je citerai un exemple : le Palais des festivals de Cannes estime à près de
un milliard d’euros et 16 000 emplois les activités induites par sa
programmation.

Dans l’Union européenne à 25, on recense 4,2 millions d’actifs dans la
culture, dont la moitié dans les industries culturelles.

L’industrie du cinéma est historiquement pour les Etats-Unis et pour la
France, une industrie aussi ancienne, aussi enracinée dans notre modèle
économique et social, que l’aéronautique ou l’automobile : c’est en France
que le cinéma est né.

L’économie de la culture est aujourd’hui un segment moderne dans le
processus de création de richesse. Ainsi, l’emploi culturel en France a
progressé deux fois plus vite que le reste de l’emploi depuis 1990. C’est
particulièrement frappant dans les industries culturelles : dans le secteur
de l’audiovisuel, le nombre d’entreprises a augmenté de 42% dans la
même période, quand la création d’entreprises augmentait de 10% dans
le reste de l’économie. Le crédit d’impôt cinéma, dans sa version adoptée
en 2005, a non seulement permis de renforcer le financement de la
production en France, puisque 117 films en ont bénéficié en 2005, mais il
a également eu des effets très importants sur l’emploi, puisque plus de
2000 emplois ont été créés. Aux Etats-Unis comme en France, certains
secteurs comme celui des jeux vidéo font appel à des talents
particulièrement créatifs, tant sur le plan artistique que technologique.

Quels sont les principaux enjeux, remarquablement mis en relief et en
perspective par le rapport foisonnant de Xavier Greffe, riche d’une
multitude de données, de sources, d’approches scientifiques et
empiriques ? C’est sur ces enjeux que je vous invite à réfléchir, à
échanger, à inventer, à proposer librement.

Il s’agit :

– d’apprécier et de renforcer le rôle de la culture comme facteur
d’attractivité des talents, des entreprises, des capitaux, des activités ;

– de maîtriser les flux et les échanges culturels, qu’il concernent le
tourisme culturel ou les oeuvres d’arts ou les oeuvres audiovisuelles ;

– il s’agit enfin, d’évaluer pleinement l’évolution et l’impact de l’emploi
culturel.

Prendre la mesure de ces enjeux, au sens tout autant quantitatif que
qualitatif, c’est percevoir que la stratégie d’attractivité culturelle de la
France à laquelle je vous invite à réfléchir doit être mise en oeuvre sur
l’ensemble des territoires. Une telle stratégie ne met pas les territoires en
concurrence. Elle leur permet en revanche de renforcer le développement
culturel, facteur d’attractivité, les conditions de déploiement du tourisme
culturel, les échanges avec le monde au profit de la diversité, en
particulier à travers l’accueil des étudiants et des créateurs étrangers,
ainsi que le développement des industries culturelles en France et les
exportations de leurs produits.

C’est autour de quatre thèmes cardinaux qu’une telle politique peut se
penser et être mise en oeuvre.

Ce sont ces thèmes qui structureront votre réflexion en autant de tables
rondes :

– le développement culturel, l’attractivité et le dynamisme
économique ;

– la culture au coeur de l’ attractivité touristique ;

– la France, terre d’accueil des créateurs ;

– l’attractivité et la compétitivité des activités et des industries
culturelles.

Ainsi, vos expériences et vos regards croisés pourront mettre en
perspective le tableau brossé par le professeur Xavier Greffe, en passant
au crible nos atouts et nos faiblesses, et en dégageant les lignes de force
d’un horizon fondé sur l’attractivité culturelle de la France.

Cet horizon que Xavier Greffe désigne comme celui d’une “ nation
culturellement créative ” est déjà celui d’une compétition internationale
très vive, qui concerne l’ensemble de l’économie, des produits, des
services, et des marques, et qui porte sur la créativité au sens large, mais
aussi sur la diversité culturelle.

Dans cette compétition, la culture doit jouer tout son rôle. Elle doit
assumer son importance économique ; elle doit pouvoir servir de point
d’appui, de centre historique et spécifique de l’économie de la créativité
qui va au-delà de la culture, mais imprègne le reste de l’économie
industrielle et de services. Elle doit le faire sans rien perdre du rôle
éminent qu’elle joue en faveur de la cohésion sociale, de la diversité, de
l’échange avec l’autre, du sens qu’elle procure.

Voici en quelques mots, ce que peut recouvrir la question de l’attractivité
culturelle que ce séminaire de réflexion collective, fondé sur l’ouverture,
l’échange, le décloisonnement, nous permettra d’explorer en toute liberté.

Je vous rejoins tout à l’heure, à l’issue du conseil des ministres, pour la
restitution des travaux de vos tables rondes, auxquelles je regrette
sincèrement de ne pouvoir participer personnellement.

Je suis certain qu’elles seront fructueuses.

Je vous remercie.

Remise des insignes de Chevalier dans l’Ordre national de la Légion d’Honneur à Jean-Pierre Jeunet

14 juin 2006

Cher Jean-Pierre Jeunet,

Je suis heureux de vous recevoir aujourd’hui rue de Valois, pour vous
témoigner non seulement toute mon admiration, mais aussi la
reconnaissance de la République pour la contribution tout à fait
exceptionnelle que votre talent apporte au rayonnement de la culture
française à travers le monde. Vous êtes un réalisateur atypique, hors
normes, qui a fait naître, plus qu’un style, un véritable univers.

Cet univers, vous l’ébauchez dès l’âge de 9 ans, lorsque vous bricolez
des décors et des costumes pour mettre en scène vos marionnettes, et
réinventez les dessins animés Disney, en changeant l’ordre des
vignettes dans votre stéréoscope. Votre destin est scellé : il se passera
derrière une caméra.

La première sera une super-8, que vous vous offrez à 17 ans pour
réaliser des films d’animation, dont vous étudiez les techniques auprès
des studios Cinémation. C’est au Festival d’animation d’Annecy que
vous faites la rencontre de Marc Caro, alors auteur de bandes
dessinées noires dans des revues telles que Métal hurlant, Fluide
glacial, ou encore L’Echo des savanes, dont nous sommes nombreux à
avoir apprécié l’esprit corrosif ! Qui aurait pu imaginer que naissait alors
l’un des duos de réalisateurs les plus inventifs, les plus inspirés, les plus
talentueux de leur génération ?

Du choc fécond de vos deux univers, naissent tout d’abord deux courts
métrages d’animation, L’Evasion, en 1978, et Le Manège, deux ans
plus tard, récompensé, déjà, par le César du meilleur court-métrage.

Dans vos deux films suivants, Le Bunker de la dernière rafale, en 1981,
et Pas de repos pour Billy Brakko, trois ans plus tard, vous quittez
l’univers de l’animation pour faire appel à des comédiens.

En 1991, vous recevez le César du meilleur court métrage de fiction,
parmi une foule d’autres prix, pour Foutaises, une oeuvre
programmatique, puisqu’elle marque votre rencontre avec l’un de vos
acteurs fétiches dont je salue la présence, Dominique Pinon, qui y
dévoile toute l’étendue de son talent et de l’élasticité de son visage en
faisant naître ces grimaces si burlesques devenues cultes aujourd’hui.

En construisant votre narration sur le mode de l’énumération jubilatoire
« j’aime, j’aime pas », vous mettez en scène un Paris empreint d’une
poésie de ces choses que l’on ne dit petites que parce que nous
échappe cette tendresse enfantine du quotidien que vous savez
restituer, et que le public retrouvera avec délectation dans Le fabuleux
destin d’Amélie Poulain. On y trouve surtout ce jeu subtil entre la voix
de la narration, la musique qui l’illustre, et l’image qui la renforce, que
vous faites coïncider avec l’apparente simplicité d’un enfant qui mime
en même temps qu’il raconte, avec l’art du décalage subtil, qui crée
cette distance propice aux situations cocasses.

Vous vous lancez ensuite dans votre premier long métrage avec Marc
Caro, qui marque le début d’une très belle série de succès. Delicatessen
emporte en effet en 1991 l’adhésion du public comme de la critique. Vous
y campez un univers radicalement original, intemporel, à mi-chemin entre
la boucherie de quartier et le chaos post-apocalyptique, un univers peuplé
d’être étranges, aux moeurs inquiétantes, qui vivent aux rythmes des
grincements de sommier du charcutier lubrique, magistralement incarné
par Jean-Claude Dreyfus. Vous retrouvez Dominique Pinon, entouré de la
pulpeuse Karin Viard, qui fait alors ses débuts, aux côtés de la fébrile
Marie-Laure Dougnac et de Rufus, qui restera un acteur fidèle.

Vous faites
preuve d’une virtuosité et d’une maîtrise techniques incomparables, et
faites naître une beauté insoupçonnée de ce conte amoral et noir, qui
vous vaudra une nouvelle pluie de récompenses, aux États-Unis, en
Suède, en Italie, au Portugal, en Espagne, au Japon, et bien sûr en
France, où vous remportez pas moins de quatre César.

En 1995, vous retrouvez Marc Caro pour votre deuxième long-métrage,
La Cité des enfants perdus, chef d’oeuvre d’inventions visuelles et
techniques, fable poétique campée dans un nouvel univers, tout aussi
étrange et onirique, qui mêle conte de fées et science fiction, où gravitent
des personnages insolites, dans ces décors extraordinaires, sombres,
cuivrés, brumeux, humides, et labyrinthiques, qui ont valu un César à
Jean Rabasse. On y retrouve votre humour unique, grinçant, noir et
tendre à la fois.

Votre succès est tel qu’il vous emporte, en solitaire cette fois, jusqu’à
Hollywood, où la Fox vous confie la réalisation du quatrième volet de la
saga Alien : Alien la résurrection. Ron Perlman et Dominique Pinon
viennent rejoindre le casting prestigieux qui réunit également Sigourney
Weaver et Winona Ryder. On y retrouve cette lumière et cette atmosphère
uniques qui ont bercé tous vos films, créées par Darius Khondji, votre
directeur de la photographie, qui par la suite a fait une très belle carrière
aux États-Unis.

Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas, aurait prophétisé mon illustre
prédécesseur André Malraux. Il s’est ouvert en tout cas avec le sourire
mutin d’Amélie, votre héroïne montmartroise, dont le fabuleux destin a
attiré presque 9 millions de Français dans les salles de cinéma, auxquels
il faut ajouter les dizaines de millions de spectateurs du monde entier,
bouleversés par le charme de la fée discrète incarnée par Audrey Tautou.

Que dire de ce conte drôle et poétique, qui révèle une nouvelle fois votre
fantastique maîtrise visuelle, solidement appuyée sur une musique qui a,
elle aussi, fait le tour du monde, et sur des acteurs d’exception, qui
incarnent merveilleusement vos personnages pittoresques, aux répliques
mémorables ? Que dire de ce film espiègle, malicieux, qui déploie des
perles d’inventivité et d’humour ? Que dire enfin de ce superbe tableau de
l’un des quartiers les plus emblématiques de Paris, qui a attiré tant de
visiteurs du monde entier rue Lepic, dans le café des Deux Moulins et
l’épicerie de la rue des Trois-Frères, et a conquis les jurys des prix les
plus prestigieux du septième art, partout dans le monde ?

Que dire, si ce n’est qu’après ce véritable phénomène de société, le public
attendait votre prochain chef d’oeuvre avec une grande impatience, que
vous n’avez pas déçue. Vous retrouvez en 2004 Audrey Tautou, mais aussi, à nouveau, Dominique Pinon, Jean-Claude Dreyfus, Rufus, André
Dussolier, le narrateur du Fabuleux Destin, et, pour la première fois,
Gaspard Ulliel, Clovis Cornillac, Marion Cotillard, Jean-Paul Rouve, Albert
Dupontel, et, parmi ce casting prestigieux, Jodie Foster, pour le tournage
d’Un long dimanche de fiançailles, adapté du roman de Sébastien
Japrisot.

Vous convainquez la Warner de travailler en France, avec nos
artistes, nos techniciens et nos industries, pour nous livrer une histoire
d’amour, de mort et d’espoir, nourrie par une intrigue aux nombreux
ressorts, qui vous permet de brosser une galerie de personnages hauts
en couleurs, de la veuve corse vengeresse au facteur obsédé par ses
dérapages contrôlés sur gravier, de Germain Pire, le limier pas si fin, à
Célestin Poux, la terreur des cantines. La plongée dans les tranchées
meurtrières de la Première guerre mondiale est aussi saisissante que les
images de la gare d’Orsay et des Halles ressuscitées pour l’occasion sont
sublimes. Le film remporte, une nouvelle fois, un succès immense et vous
vaut deux nominations aux Oscars et cinq aux Césars.

Je sais que vous vous êtes attelé, avec votre complice Guillaume Laurant,
qui a co-écrit avec vous le scénario d’Un long dimanche de fiançailles, à
l’adaptation de L’Histoire de Pi, best-seller du Québécois Yann Martel.
Vous le savez, le public du monde entier est, aujourd’hui, à nouveau
suspendu à votre plume, et à votre génie.

Votre exigence, la puissance de votre imagination, votre créativité,
l’univers si particulier dans lequel vous plongez vos spectateurs ont fait de
vous l’un des réalisateurs préférés des Français, l’un de nos réalisateurs
français plébiscités sur tous les continents, et un ambassadeur fabuleux
de l’excellence des artistes, des techniciens et des créateurs français à
travers le monde.

Jean-Pierre Jeunet, au nom du Président de la République et en vertu des
pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalier dans l’ordre
de la Légion d’honneur.

Installation du Comité du Patrimoine Cultuel

14 juin 2006

Monsieur le Président, Cher Bruno Foucart,

Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux de vous recevoir cet après-midi rue de Valois.
Chacun garde en mémoire la prophétie sans doute apocryphe attribuée
à mon illustre prédécesseur André Malraux, qualifiant notre XXIe siècle
de nécessairement “religieux”. Comment ne pas mesurer aujourd’hui la
justesse du propos ?

La foi et l’expression de l’aspiration au sacré nous laissent les
témoignages les plus marquants du génie de chaque génération. Dans
cette quête de l’absolu, les générations attachées à la préservation de
la foi de leurs ancêtres ont imposé leur vision renouvelée, au prix
parfois du sacrifice d’une partie de l’héritage. Ce sacrifice fut aussi le
résultat tragique de la folie des hommes et de leurs combats fratricides,
du fanatisme de l’intolérance et des malheurs de l’histoire. La
génération suivante s’est efforcée à son tour de relever l’héritage, avec
la volonté d’inventer des formes plus marquantes encore.

C’est ainsi que le patrimoine cultuel, sans cesse renouvelé, est devenue
l’une des composantes majeures de notre héritage commun, non
seulement français, ou européen, mais véritablement universel. Qu’il
s’agisse de nos cathédrales, ou de nos plus humbles sanctuaires
ruraux, restés les signes visibles des premières communautés, qu’il
s’agisse des abbayes, des temples ou des synagogues. Qu’il s’agisse
aussi de toutes les « images » proposées pour l’évocation de la
transcendance, empreintes du talent d’artistes virtuoses ou de l’émotion
des plus modestes artisans. Qu’il s’agisse enfin de la création des
fabuleux instruments destinés à favoriser la prière et magnifier la
liturgie.

Dans le patrimoine cultuel sont donc inscrits tous les témoignages de
notre vie artistique, intellectuelle et spirituelle, longtemps fondue dans
une vision unitaire de l’histoire du monde.

Malgré le lent déclin de la pratique religieuse institutionnelle, la création
contemporaine a été d’assez longue date sollicitée pour innover, et
ajouter à ce patrimoine les expressions d’aujourd’hui, au prix de
réflexions nouvelles, de débats, d’interrogations, lorsqu’il s’est agi de
transformer, d’adapter, ou d’intervenir avec force sur tel ou tel lieu
emblématique, sur ce qui, de cultuel, est devenu aussi culturel.

C’est à ces divers titres que le ministère de la culture et de la
communication est partie prenante au devenir de cet héritage, garant de
la pérennité de ce qu’il a officiellement protégé, garant également par
son engagement constant, de toute forme de soutien à la création
artistique.

Pour ne parler que du patrimoine architectural, le patrimoine cultuel
représente une part majeure du patrimoine monumental, avec bien sûr
nos 89 cathédrales, monuments majeurs de l’Etat, avec aussi, surtout
les plus de douze mille églises, chapelles, abbayes, jusqu’aux simples
croix de chemin. Ce patrimoine a été heureusement étendu, au prix de
campagnes de protection thématique, aux témoignages des autres
confessions, plus modestement représentées il est vrai.

L’Etat, qui a distingué les éléments de ce patrimoine au titre de leur
intérêt artistique et historique, ne saurait ignorer les fondements de leur
création, ni les contraintes de leur usage. Il doit tenir compte de leur
évolution, conformément aux exigences de la foi de leurs affectataires.

Quant au patrimoine mobilier religieux classé parmi les Monuments
historiques, il faut savoir qu’il représente l’immense majorité de
l’ensemble des protections.

L’Etat s’implique donc largement dans cette sauvegarde, par ses
moyens techniques et financiers, et j’observe que les collectivités
locales s’associent largement et volontiers à cette tâche considérable. Il
s’implique également, notamment pour les cathédrales, dans la
commande de nouvelles oeuvres d’art. C’est ainsi que j’ai eu l’occasion
d’annoncer lors de mon récent déplacement à Reims la commande de
vitraux passée à Gérhard Richter, dans la continuité de l’oeuvre de
Chagall.

Comment toutefois ne pas s’interroger sur les bouleversements actuels
? Le phénomène religieux fait une irruption nouvelle dans nos sociétés
menacées par les fractures entre communautés. Le monde
contemporain semble trop souvent réintégrer les religions par
l’affrontement et la discorde. La notion d’une laïcité apaisée peine à
s’imposer. Quelle peut être notre rôle de responsables, à des titres
divers, du patrimoine cultuel, pour faire valoir une autre conception de
l’expression religieuse, telle qu’héritée du passé, telle qu’elle doit s’offrir
à notre interprétation, telle qu’elle doit continuer à s’apprécier comme
mode privilégié de l’expression artistique ?

Le patrimoine offre sans nul doute un terrain de réconciliation avec notre
histoire et notre identité. Nos églises constituent, pour certaines d’entre
elles, les musées les plus riches, les plus ouverts qui soient jamais
offerts à nos concitoyens. Leur caractère spirituel leur donne,
indépendament des convictions de chacun, une dimension
supplémentaire dont témoignent tous les visiteurs. Comment rendre
accessible ce patrimoine dont la simple conservation est quelquefois
remise en cause ? Comment promouvoir la grande idée d’une
appropriation, par l’ensemble de nos concitoyens, de ce bien commun
hérité de notre histoire ? De nouvelles problématiques voient le jour.

Dans le même temps, l’acculturation qui accompagne l’évolution de la
pratique et de l’enseignement des religions nous oblige, pour être
simplement intelligible, a élaborer de nouveaux vocabulaires
d’interprétation, destinés à des générations privées des moyens de
lecture et d’iconographie élementaires.

C’est ainsi que l’avenir de ce patrimoine est menacé à divers titres. Le
caractère sacré, qui lui était naturellement conféré et reconnu, ne
s’impose plus à tous. Le patrimoine mobilier est devenu objet de convoitise, l’objet d’art l’emportant sur l’objet sacré, désormais exposé à
la rapacité de trafiquants sans scrupules. Quelles mesures prendre ? A
quels transferts de sécurité faut-il se résigner ? Les monuments eux-mêmes
sont confrontés à la diminution des effectifs du clergé
desservant et au regroupement, en de nouvelles paroisses qui comptent
aujourd'hui une ou deux dizaines de clochers…

Mon prédécesseur Jean-Philippe Lecat avait pris la mesure des enjeux
de ce patrimoine, en créant en 1980 la “Commission pour la sauvegarde
et l’enrichissement du patrimoine cultuel”. Il avait souhaité créer un
espace où pourraient se rencontrer, de manière informelle, tous ceux qui
se sentaient concernés par le devenir du patrimoine religieux ou
d’origine religieuse, mais aussi par le développement de la création
artistique dans ce domaine, réunissant à la fois membres du clergé,
représentants des fidèles, scientifiques, historiens, architectes et
archéologues, responsables administratifs, artistes et interprètes.

Je voudrais rendre hommage à tous ceux, et ils sont nombreux (près
d’une soixantaine), qui ont contribué aux travaux de cette commission
tout au long de ces années, autour de son président Dominique Ponnau
et de son secrétaire général Jean Fosseyeux, dont je salue la présence
et à qui je veux rendre un hommage sincère et amical. Ils ont traité
d’innombrables sujets, de l’entretien, de l’utilisation, du régime
d’affectation des lieux et objets du culte, jusqu’aux moyens de favoriser
les contacts entre l’art, la pensée, la culture et la religion.

Il était devenu nécessaire de donner à cette Commission une forme plus
appropriée : c’est ainsi qu’a été créé, par arrêté du 24 juin 2002, le
Comité du patrimoine cultuel, toujours placé sous la présidence de
Dominique Ponnau, et auquel revenait la mission de conseiller le
ministre dans le domaine de la conservation, de l’enrichissement et de la
présentation du patrimoine religieux ou d’origine religieuse. Cette
mission a été élargie à des actions concernant la connaissance du
patrimoine cultuel, par la mise en place de groupes de travail,
l’organisation et la publication de travaux de colloques et de rencontres
sur ces thèmes, et à la promotion de toutes actions en direction des
administrations, des usagers et des publics.

Un travail important a aussi été accompli par les groupes de travail, et
individuellement par plusieurs membres du comité, plus d’une centaine
de fiches sur les sujets les plus divers ont été rédigées, mettant ainsi
une abondante matière à notre disposition. Il vous revient, Monsieur le
Président, Mesdames et Messieurs, de poursuivre ce travail et de
l’étendre à des champs nouveaux, en rapport avec les réalités nouvelles
de ce début du XXIe siècle.

Telle est la mission qui vous incombe aujourd'hui, au sein d’un Comité
du patrimoine cultuel renouvelé. Je vous remercie de la contribution que
vous apporterez, par vos travaux, aux grands sujets qui vous sont
confiés. Je vous adresse, cher Bruno Foucart, tous mes voeux pour
votre mission de Président, certain que votre immense connaissance du
patrimoine, votre grande curiosité intellectuelle, votre liberté de ton et de
pensée feront merveille pour animer les travaux de cette assemblée, à
la mesure des enjeux qui lui sont confiés.

Je vous remercie.

Présentation de la Réforme de la Direction de la Musique, de la Danse, du Théâtre et des Spectacles

13 juin 2006

Monsieur le Directeur, Cher Jérôme Bouët,

Mesdames, Messieurs,

J’ai tenu à vous réunir et à m’adresser à vous aujourd’hui pour vous présenter les enjeux de
la réorganisation de votre direction, que j’ai annoncée à plusieurs reprises depuis l’an
dernier, notamment à l’occasion de chacune des conférences de presse que j’ai consacrées
à l’action que nous menons ensemble en faveur de la musique, de la danse et du théâtre, en
faveur du spectacle vivant, ou encore lors de la présentation des voeux au personnel du
ministère.

Depuis, la réflexion et la concertation, le dialogue avec les professionnels et avec
vous tous, le travail mené par l’inspection et les propositions de votre directeur, m’ont permis
d’élaborer un schéma assez précis que j’ai tenu à vous présenter, dans l’esprit de dialogue,
de concertation et de transparence, avec lequel j’aborde l’ensemble des défis de ce
ministère.

Et le défi de la DMDTS est au coeur des missions de ce ministère en faveur du
développement du spectacle vivant, dont vous savez tous l’importance, le caractère
stratégique pour la politique culturelle, qui me paraît arrivée à un tournant de son histoire.

Relever ce défi, c’est d’abord, pour moi, et pour moi c’est très important, rendre hommage à
la somme de compétences, de connaissances, d’expériences, de talents et de savoir-faire
que vous représentez, individuellement et collectivement. Je sais que vous avez bâti cette
expertise personnelle et institutionnelle au cours du temps. Et si je me réfère souvent, pour
l’adapter à la société d’aujourd’hui, à l’ambition de Malraux d’ouvrir le plus largement
possible l’accès à la culture, je sais la part prise par le professionnalisme et le dévouement
de la DMDTS et de ses agents dans la réalisation de cette ambition.

Le temps est bien révolu, où Jeanne Laurent, à laquelle nous rendrons hommage le 17 juillet
prochain en Avignon, dessinait les contours de la décentralisation théâtrale, depuis son
bureau de la sous-direction de la musique et des spectacles de la direction générale des Arts
et Lettres. Le temps n’est plus où Pierre Moinot témoignait de l’épopée de ce ministère qui
fut construit, disait-il, « à partir de presque rien contre presque tous », où il déplorait le fait
que « les conditions étaient épouvantables : une quasi-inexistence de moyens, un
dénuement qu’on a peine à imaginer, un entourage administratif totalement sceptique et
souvent hostile, qui guettait la fin de l’expérience, une clientèle de créateurs, soit furieux de
ne plus être sollicités, soit méfiants d’être sollicités ». Et d’ajouter, dans André Malraux
Ministre, « nous étions sûr que là où tout aurait normalement dû échouer, sa magie réussirait
». Et la magie a réussi.

J’ai déjà dit, en prenant mes fonctions, que je n’étais pas un
magicien. Parce que nous ne sommes plus au temps de la magie. J’ai aussi dit que je ne
serais pas un chaînon manquant. Et je sais ce que la réussite de ce ministère et de votre
direction en particulier, dans l’accompagnement, le soutien et la structuration du secteur du
spectacle vivant dont vous connaissez l’extraordinaire développement depuis trente ans,
doit, non seulement aux ministres qui se sont succédé, mais aussi à l’ensemble des
directeurs et des responsables de structures que vous avez encouragés, soutenus,
accompagnés. Je pense par exemple, puisque mercredi prochain, nous célèbrerons les vingt
cinq ans de la Fête, dans le domaine de la musique, à l’action de Marcel Landowski et de
Maurice Fleuret, dans le domaine du théâtre à celle de Robert Abirached, dans le domaine
de la danse, à l’action de Brigitte Lefèvre, à la tête de la Délégation à la danse.

Sans doute cette histoire et cette énergie doivent-elles continuer à nous inspirer aujourd’hui.

Mais l’action publique et les défis posés, à la fois par l’explosion de l’offre et de la demande
de culture dans notre société, sont bien plus complexes aujourd’hui qu’hier.

Votre direction et celles qui l’ont précédée ont connu une organisation par discipline
artistique. Je n’ignore pas les raisons de la réforme de 1998, issues du constat d’un
cloisonnement excessif au moment où :

– l'émergence artistique ne se fonde plus uniquement sur les disciplines (exemple des arts
de la rue qui mêlent le théâtre, la musique, les arts plastiques) ;

– l'existence d'outils de production et de diffusion communs à l'ensemble du secteur du
spectacle pose le problème de la transdisciplinarité, en particulier dans les scènes nationales
;

– les enjeux économiques et sociaux ont évolué de façon significative.

Cette réforme, nous devons, je dois vous le dire, en conserver et mettre en valeur les acquis.

Ils sont importants et je tiens à en rappeler quelques uns :

– le progrès de la musique et de la danse dans les réseaux de diffusion ;

– une meilleure place pour l'enseignement du théâtre dans les conservatoires ;

– la définition d’un cadre nouveau pour l'enseignement supérieur ;

– la définition d'une politique de l'emploi qui est devenue, vous le savez, une priorité
essentielle depuis 2003.

I
l nous faut préserver ces acquis, qui vous ont permis en particulier de prendre en compte
les problématiques liées aux métiers et aux formations, et de construire une véritable
pluridisciplinarité à la fois légitime et nécessaire. Il ne s’agit donc surtout pas de revenir au «
tout vertical » car il y a encore, de toute évidence, de nombreux enjeux transversaux :

– la formation, comme voie de la professionnalisation ;

– la structuration de l'emploi, car les conditions d’emploi sont communes aux artistes et
techniciens du théâtre, de la musique et de la danse ;

– le développement des publics, de l’éducation artistique, de la TV, des industries culturelles,
de la place des amateurs ;

– toutes les démarches liées à l’interministérialité ;

– enfin et surtout, ce qui représente pour moi un enjeu majeur, la redéfinition globale des
politiques artistiques.

Mais il nous faut refonder l’organisation de votre direction et tel est le sens du nouvel
organigramme que je vous propose aujourd’hui. Il n’est pas figé, il n’est pas une fin en soi, et
il peut évidemment, j’y reviendrai, laisser place à quelques ajustements.

Mais il est issu,
vous l’avez compris, d’une mûre et solide réflexion, et je tiens à rendre hommage aux
inspecteurs Anne Chiffert et Dominique Chavigny, pour le travail préparatoire et les
consultations individuelles qu’ils ont menés à bien. La réforme que je vous propose est avant
tout inspirée par le souci que j’ai du rôle de l’Etat, au service de l’art et de la culture
aujourd’hui. Cette nouvelle organisation a pour objet de vous donner les moyens de mettre
encore mieux vos savoir-faire, votre expertise, votre technicité administrative, nécessaires et
précieuses, au service des artistes et de l’aménagement, du développement et du
rayonnement culturels. Il ne s’agit, ni de revenir en arrière, ni de faire du passé table rase,
mais de mieux prendre en compte les évolutions des secteurs et les besoins des
professionnels dont vous avez la charge, dans leur extraordinaire diversité et dans la
multiplicité d’exigences, que je sais parfois contradictoire, mais que nous devons savoir
concilier, dans le souci constant de l’intérêt général.

C’est une réforme ambitieuse. Mais c’est une ambition réaliste. J’ai d’autant plus besoin de
vous tous pour la mener à bien qu’elle n’a d’autre objet, je le répète, que de mieux tirer parti
de l’extraordinaire richesse de vos compétences, et de l’intérêt de vos fonctions.

C’est une réforme équilibrée, qui consiste à créer, sous l’autorité du directeur quatre
délégations : trois délégations verticales, respectivement chargées de la musique, du théâtre
et de la danse, et pour les missions transversales, une délégation à l’emploi des professions
du spectacle et un secrétariat général.

Le directeur est, je le rappelle, au sein du ministère, le pilote du programme 2 « création » au
titre de la LOLF. Le secrétaire général, assisté d’un secrétaire général adjoint, est chargé
d’assister le directeur dans cette mission de pilotage, en plus des attributions traditionnelles
en matière de moyens budgétaires et matériels, et de ressources humaines.

Quant aux quatre délégations, elles permettent d’homogénéiser, sous l’autorité du directeur,
les quatre grands métiers qui, tous ensemble, concourent aux objectifs et à la bonne marche
de votre direction.

Chaque délégation sera dirigée par un délégué, assisté d’un adjoint. Un conseiller pour les
musiques actuelles sera placé auprès du délégué à la musique et de son adjoint. Un
conseiller pour les arts du cirque et de la rue sera placé auprès du délégué au théâtre et de
son adjoint.

Chaque délégué aura vocation à devenir, sous l’autorité du directeur, l’interlocuteur privilégié
des DRAC, je pense aux directeurs comme aux conseillers et, naturellement, des
professionnels de son secteur.

Je n’ai pas besoin d’insister sur l’importance des missions de la délégation à l’emploi des
professions du spectacle, qui reprendra et développera l’expertise de la sous-direction
actuelle, en particulier dans le domaine de l’emploi et du suivi des activités de cette instance
devenue capitale pour le secteur, le CNPS.

J’attire en particulier votre attention sur l’importance des attributions de cette délégation en
matière de formation professionnelle supérieure et d’accompagnement des carrières.

Quant aux trois délégués chargés de la musique, du théâtre et de la danse, ils devront
développer et optimiser la proximité de votre direction avec les artistes, les professionnels,
les responsables de lieux et des réseaux qui sont les interlocuteurs naturels de la DMDTS. Il
auront aussi à poursuivre les efforts déployés avec succès au cours des dernières années
pour renouveler et élargir les publics du spectacle vivant, et en démocratiser l’accès.

La création de ces délégations m’a paru indispensable, au terme de la réflexion et de la
concertation, que j’ai tenu à mener pour préparer cette réforme :

– parce que les professionnels se plaignent souvent que leurs interlocuteurs ne soient pas en
position de décider, or il faut éviter que tout remonte au Directeur ou au Cabinet, voire au
Ministre ;

– parce que demeurent de fortes spécificités des secteurs de la musique, de la danse et du
théâtre : par exemple du point de vue des parcours professionnels ;
? parce qu’il y a un fort besoin d'expertise technique de haut niveau sur des sujets majeurs

– parce que la DMDTS donne des avis sur un grand nombre de
nominations et que la force du ministère tient dans sa connaissance des milieux
professionnels : c'est bien le rôle d'une direction centrale d'avoir une connaissance très fine
du milieu professionnel au plan national, d'entretenir avec lui des relations régulières et de
pouvoir faire au ministre des propositions utiles à cet égard ;

– parce qu'il faut retrouver des objectifs d'excellence, de rayonnement, de qualité, fondés sur
des analyses artistiques, et que la rigueur budgétaire, fût-elle atténuée par la levée du gel
que j’ai obtenue rendra des choix nécessaires ; je peux en effet vous confirmer aujourd’hui le
dégel des crédits centraux de la DMDTS ;

– parce que, comme toute administration publique, notre organisation a besoin d'être mieux
comprise, plus lisible, de l'extérieur, et que nos partenaires relèvent en majorité de chacun
des 3 grands domaines : ils sont souvent très exigeants et demandent à juste titre à entrer
en relation avec des interlocuteurs de haut niveau, fortement spécialisés et ayant une
capacité d'agir ;

– parce que, enfin, on a besoin en permanence de réactualiser la définition de politiques
nationales artistiques qui soient un repère pour le public, la presse, les professionnels et nos
services déconcentrés.

Tels sont les grands traits de la réforme qui est schématisée dans l’organigramme que j’ai
tenu à vous remettre aujourd’hui. Mais je l’ai dit, pour moi, les structures sont au service de
vos missions et il vous reviendra de les faire vivre, de les animer, pour mener à bien vos
missions. L’organigramme que je vous propose est, je l’ai dit, susceptible d’ajustements.

Je tiens à ce que Jérôme Bouët, que je remercie pour son implication dans la préparation de
cette réforme, et Cécile Favarel–Garrigues, examinent avec vous, vos souhaits, à la lumière
de votre expérience et de la connaissance qu’ils ont de chacun de vous, afin que vous
puissiez leur faire part de vos observations et trouver toute votre place, pour vous épanouir
au sein d’une direction rénovée et réformée dans son organisation, mais fidèle à son esprit
et à son engagement de toujours en faveur du spectacle vivant.

Jérôme Bouët et Cécile Favarel-Garrigues rendront compte de ces consultations, dont je
souhaite qu’elles soient intenses et régulières, dans les semaines qui viennent, à Henri Paul
et Didier Deschamps, lequel sera également disponible pour vous recevoir. Je souhaite
qu’un point hebdomadaire soit fait à mon cabinet de l’évolution de ce travail qui commence
aujourd’hui et qui n’est pas moins important que celui que nous avons mené ces derniers
mois pour élaborer ce nouvel organigramme.

Je souhaite qu’une fois ce travail mené à bien, la réforme soit soumise au CTP de la DMDTS
avant la fin du mois de juillet, puis au premier CTPM que je réunirai à la rentrée, afin que la
réforme entre pleinement en vigueur et soit opérationnelle dès cet automne.

J’attache autant d’importance à la méthodologie que je viens de vous exposer, qui permettra
de piloter cette réforme, dans le souci de faire des propositions afin que chacun puisse
trouver sa place et déployer ses talents dans une direction rénovée, qu’à la mise en oeuvre
de la réforme elle-même.

L’une ne va pas sans l’autre. Et je tiens à vous dire que cette réforme n’est aucunement
dictée par des considérations de personnes. Il ne s’agit pas pour moi de constituer une
nouvelle équipe. Il s’agit de rendre hommage à votre travail, de faire en sorte qu’il porte
pleinement ses fruits, en accompagnant les profondes mutations du secteur dont vous avez
la charge. Je respecterai les souhaits et les choix de chacun. Et je suis persuadé que vous
montrerez combien ce ministère sait s’adapter et innover pour imaginer, proposer, construire
et mettre en oeuvre des réponses adaptées aux défis que nous avons à relever ensemble.

Enfin, je sais que vous êtes inquiets des perspectives de déménagement de l’Hôtel Kinski,
ouvertes par le souci de ce gouvernement de mieux gérer le patrimoine immobilier de l’Etat.

Ne vivez pas ces perspectives comme je ne sais quels exil ou délocalisation. Je suis
déterminé à transformer cette contrainte qui nous est imposée en chance à saisir, pour vous
rapprocher géographiquement des autres directions de l’administration centrale et du
ministre. Cela va de soi pour moi, mais je tenais à vous le dire, tant vos missions sont au
coeur de l’action de ce ministère. Et tel est aussi le sens de la réforme que nous mènerons à
bien ensemble.

Je vous remercie.

Cérémonie de remise du prix d’architecture, Palmarès 2006, de l’Académie d’architecture

13 juin 2006

[Monsieur le Ministre, Cher Antoine Rufenacht,]

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Je suis particulièrement heureux d'être parmi vous aujourd’hui et je
tiens, cher Benjamin Mouton, à vous remercier très sincèrement pour
votre invitation à récompenser, à vos côtés, les talents de l'architecture.
Fidèle aux missions de l'ancienne Société centrale des architectes,
l'Académie d'architecture poursuit son oeuvre de promotion de la qualité
architecturale et de l'aménagement de l'espace.

L'acte d'architecture est un acte complexe, mais essentiel, qui engage,
ensemble, de multiples partenaires. C’est aussi un jeu de relations,
tantôt harmonieuses, tantôt moins. Je salue l’ouverture de votre
académie, qui, bien loin de toute frilosité corporatiste, veille à accueillir
en son sein des personnalités venant d'horizons professionnels très
variés, à l’image de ce palmarès qui met à l'honneur les professionnels
du cadre de vie dans toute leur diversité.

En raison de sa détermination en faveur de l'architecture et des
architectes, tant à la Ville de Paris qu'au service de la politique publique
de l'architecture mise en oeuvre par le ministère, vous allez installer
prochainement Ann-José Arlot en votre sein. A la reconnaissance de
l'académie, je veux ajouter mes plus vifs et chaleureux remerciements
pour l'action qu’elle a accomplie, en faveur des architectes et de
l'architecture.

Aux architectes que vous allez récompenser et à tous ceux qui espèrent
un jour recevoir l'un de vos prix, je veux exprimer toute mes félicitations,
toute la reconnaissance de leur ministère de tutelle, mais aussi les
attentes de notre société dans son ensemble. Le ministre de la culture,
en charge de l’architecture, mais également l'élu local que je suis, se
réjouit de l'effort croissant des collectivités territoriales et de l’intérêt
grandissant de nos concitoyens pour l’amélioration de leur cadre de vie.
L'attractivité de nos territoires, notre capacité, non seulement à
conserver et à restaurer, mais aussi à adapter notre patrimoine, sans le
défigurer, la rénovation durable de nos quartiers déshérités, le
développement raisonné de nos villes sont des enjeux essentiels et
actuels, pour notre cohésion sociale, notre rayonnement culturel, nos
projets collectifs, dont vous êtes des acteurs de tout premier plan.

En distinguant dans la même soirée ceux qui pensent l'architecture et
ceux qui la façonnent, vous montrez bien que l'architecture se déploie,
depuis les idées, les dessins et les concepts, jusqu’à leur mise en
oeuvre effective, et aux échanges fructueux établis au cours des
chantiers, entre les équipes de maîtrise d'oeuvre et les entreprises. Je
me réjouis donc que certains de vos prix et récompenses soient
attribués à des artisans et des entrepreneurs, à des compagnons et des
ouvriers aux savoir-faire si précieux.

En relevant tout particulièrement dans votre palmarès la Grande
médaille d’argent décernée à la Ville du Havre, en raison de son projet
urbain, je ne peux m'empêcher de penser aux frères Perret, car ce nom
même suffit à évoquer le lien indissociable entre l'entrepreneur et
l'architecte, lorsque la conception et la réalisation s'épaulent l'une l'autre
pour accomplir un même dessein. Je serai au Havre vendredi prochain
23 juin, pour célébrer, auprès d’Antoine Rufenacht et de tous les
Havrais, la fierté de voir leur ville inscrite sur la liste du patrimoine
mondial de l’humanité de l’Unesco.

L'architecture est un acte de culture, qui s'inscrit dans l'histoire et les
évolutions de nos villes, de nos paysages, de notre société. C’est à la
fois une discipline qui se transmet, une démarche qui tisse des liens
avec l'art et le paysage, une élaboration raisonnée qui s’enrichit des
savoirs de l'ingénieur et du conseil, un processus à l’oeuvre dans la cité,
qui requiert l'attention précise et constante du commanditaire.

Reflétant la diversité des aptitudes et des métiers de l'architecture,
comme la pluralité de tous ceux qui animent et éclairent vos débats, le
palmarès de votre académie embrasse ainsi l'ensemble des champs de
l'enseignement de l'architecture. Il exprime l'engagement de votre
académie à défendre la qualité de cette formation, enfin entrée et
reconnue dans le droit commun de l'enseignement supérieur et de la
recherche, en France et en Europe.

Les savoirs techniques, culturels et professionnels qui structurent la
science de l'architecte se nourrissent des échanges internationaux,
comme le montrent les parcours de formation poursuivis par certains de
nos talents, des plus jeunes aux plus expérimentés, révélés par exemple
à l'occasion des Nouveaux albums des jeunes architectes et
paysagistes. Votre palmarès, reconnaissant la valeur de professionnels
du monde entier, affirme l'importance et la valeur de cette véritable
communauté intellectuelle.

Dans cette ouverture faite au monde et à sa diversité culturelle, je me
réjouis d'honorer tout à l'heure, avec vous, le talent si raffiné de Kazuyo
Sejima. J’ai découvert avec un très grand plaisir le projet qu'elle a
proposé pour le Louvre-Lens, juste avant la proclamation du résultat du
concours d'architecture en septembre dernier.

Retenir une signature aussi subtile et prestigieuse à Lens est une
grande récompense et une très belle réponse faites à l'attente des
habitants de cette région minière, qui m’avaient témoigné à plusieurs
reprises, lors de mes déplacements, l'espoir d'une reconnaissance et
d'une attention exceptionnelles. Elles sont venues et j’en suis fier. La
délicatesse avec laquelle l'architecture de l'agence SANAA dialogue avec le site, est une réponse très juste à cet espoir légitime d’un
renouveau où la culture et l’architecture jouent ensemble un rôle majeur.

Sans rien retrancher à la radicalité de son expression, les formes
fluides, franches, élégantes et savamment articulées qu’elle a données
au projet du Louvre-Lens ont profondément marqué tous ceux qui les
ont vues, parce qu’elles réunissent l’histoire, le présent et l’avenir de ce
site et de cette région. Dans ce site fait du noir sombre des déchets de
mine, les bâtiments se posent dans un mouvement de grande attention
à l’environnement, respectueux de la végétation qui s'y agrippe, sans
grand bouleversement de terrain, appelant tous les abords du carreau
de mine à se refléter dans le métal et le verre, pour contraster avec la
blancheur de ses parois.

L'exigence qui est la vôtre, Kazuyo Sejima, et celle de vos
collaborateurs, celle de vos associés, nous touchent profondément, à
Lens comme ailleurs. Dans leur diversité, vos projets traduisent d’abord
l'équilibre que vos bâtiments trouvent en eux-mêmes ; ensuite le
rayonnement de votre maîtrise technique et la force de votre art ; enfin,
la clarté et la lisibilité de vos partis pris.

Chacun de vos projets sait, en outre, et au-delà de son équilibre propre,
établir avec son environnement un rapport élégant, sans mimétisme ni
opposition, dont l'architecture et le paysage urbain ressortent grandis.

C'est, me semble-t-il, à chaque fois, une grande leçon que vous
proposez, comme une façon, à la fois traditionnelle et japonaise, et
toujours actualisée et moderne, donc universelle, d'être au monde.

Aux yeux de l’amateur d'architecture que je suis, au sens le plus fort de
ce terme, toutes ces qualités justifient pleinement l’attribution de la
Grande médaille d’Or que j’ai l’honneur de vous décerner ce soir.

Je vous remercie.

Remise des insignes de Commandeur dans l’ordre des Arts et Lettres à Léon Fleisher

13 juin 2006

Cher Léon Fleisher,

Je suis très heureux de vous accueillir dans ces salons de la rue de
Valois. Vous êtes l’un des plus éminents pianistes de notre époque, un
interprète inspiré et respectueux, passionné, déterminé et courageux.

Votre carrière a été aussi brillante que votre génie fut précoce. Vous
naissez à San Francisco, où votre mère est professeur de chant. Elle
vous ouvre très tôt le chemin de la musique, que vous empruntez dès
l’âge de 4 ans, par des cours de piano. A 8 ans, vous donnez votre
première récital en public. Un an plus tard, vous devenez l’un des rares
élèves du pianiste légendaire Arthur Schnabel, dans sa résidence aux
bords du Lac de Côme. A 16 ans, vous vous produisez déjà avec
l’Orchestre Philharmonique de New York, sous la direction de Pierre
Monteux.

En 1952, vous êtes le premier artiste américain à obtenir le Grand Prix
du Concours international de piano de la Reine Elisabeth de Belgique,
qui contribue à développer votre carrière internationale, en Europe,
mais aussi en Amérique du Sud et, évidemment, aux Etats-Unis, votre
terre natale.

Votre carrière est lancée, ponctuée d’enregistrements qui témoignent
de votre virtuosité et deviennent rapidement des versions de référence.
Je pense aux concertos pour piano de Beethoven et de Brahms,
réalisés en 1958 avec le Cleveland Orchestra, sous la direction de
George Szell, qui restent encore à ce jour des interprétations
canoniques pour tous les pianistes.

Cette ascension fulgurante est brutalement interrompue au milieu des
années 60 par des problèmes à la main droite, mais votre passion
infinie pour la musique et votre grande détermination à la servir, par
tous les moyens, sont plus fortes que tout. Vous vous lancez dans la
direction d'orchestre et vous fondez en 1967 le Theater Chamber
Players au Kennedy Center de New York. En 1970, vous devenez
directeur musical du Annapolis Symphony et, en 1973, chef associé du
Baltimore Symphony. Vous dirigez les plus grands orchestres
américains, mais aussi des orchestres européens, et notamment ceux
de Lille, de Montpellier, de Lyon, ainsi que l’Orchestre de Chambre
d’Europe.

Vous ne cessez véritablement de jouer que pendant deux années, après
lesquelles vous choisissez d’explorer un nouveau répertoire, consacré à
la main gauche, dont vous faites rapidement le tour. Vous entreprenez
donc de découvrir de nouvelles oeuvres. En décembre 2004, vous êtes
le premier à interpréter, avec le Philharmonique de Berlin et Simon
Rattle, le Concerto pour la main gauche de Hindemith, dont le manuscrit
n’a été retrouvé qu’en 2003 dans les papiers laissés aux Etat-Unis par la
veuve de Paul Wittgenstein qui l’avait commandé, mais ne l’avait jamais
créé ! Je me réjouis que le public parisien puisse admirervotre
interprétation de cette pièce unique du grand compositeur allemand de
la génération de Ravel, dans trois jours, avec l’Orchestre National de
France au Théâtre des Champs-Elysées.

Vous êtes un grand pédagogue : vous tenez à transmettre votre
virtuosité exceptionnelle et votre flamme aux élèves du Peabody
Institute de Baltimore, du Curtis Institute de Philadelphie, mais aussi
dans les académies estivales et, depuis quelques années, à la Glenn
Gould School du Conservatoire royal de musique de Toronto. Aussi
humble que talentueux, vous affirmez que « les plus grands bienfaits de
l'enseignement sont avant tout pour le professeur, parce que c'est lui qui
apprend le plus. » C’est sans doute l’un des seuls points sur lequel vos
élèves, qui vous ont surnommé « l’Obi Wan Kenobi du piano », au
Peabody Institute, oseront vous contredire.

Pour vous, tout l’art du pianiste relève d’un jeu subtil entre trois
personnalités : « Le pianiste est en fait un schizophrène confirmé. Il doit
se séparer en trois à tout moment. La personne A doit entendre à
l'avance ce qui sera joué. La personne B aura le plaisir physique de
jouer, d'abaisser les touches. La personne C écoute et analyse le
résultat produit et propose des ajustements à B pour que A soit satisfait.
C'est un dialogue constant, qui n'arrête jamais ! » Instillant votre fougue
dans le jeu de vos élèves, vous avez formé les plus grands pianistes, et
notamment les Français Nicolas Angelich et Hélène Grimaud.

Je suis fier de rendre l’hommage de la France à un pianiste
exceptionnel, un « passeur » enthousiaste, qui inspire un très grand
respect chez ses élèves, et un homme de grand courage, qui puise son
énergie et sa force dans une très belle passion.

Cher Léon Fleisher, au nom de la République, nous vous remettons les
insignes de Commandeur dans l’Ordre des Arts et des Lettres.

Remise des insignes de Chevalier dans l’ordre des Arts et Lettres à Franck Ferrari

13 juin 2006

Cher Franck Ferrari,

Je suis très heureux de vous accueillir ce soir rue de Valois, pour
honorer en vous une voix exceptionnelle, retentissante, qui a servi les
plus grands répertoires, par-delà les frontières et les Océans, pour
gagner une reconnaissance internationale.

Et pourtant, c’est sous le signe du sport, au coeur du pays niçois, que
vous voyez le jour. Votre père, boxeur, et votre mère, capitaine de
l’équipe de basket de Nice, vous transmettent leur passion pour la
discipline physique, et c’est au football que vous vous destinez tout
d’abord, en devenant, en 1974, « premier buteur de la Côte d’Azur »,
dans la catégorie « minimes », à l’Olympique Gymnaste Club de Nice.

L’on m’a dit que vous avez exercé bien des métiers, que vous avez
notamment été pompier, puis tout de même, choriste. Car très tôt, votre
jeu de jambes n’a d’égal que la puissance de votre voix, et vous
préférez bientôt aux terrains de football les bancs du Conservatoire de
Nice, où vous apprenez l’art du chant et découvrez votre fabuleuse voix
de baryton.

Vous avez la chance de rencontrer et d’étudier avec deux fameux
ténors français qui s’illustrèrent, pendant de longues années, à l’Opéra
de Paris. Le premier, Albert Lance, d’origine australienne, se distingua
d’abord dans le répertoire de Puccini ; le second, Jean Giraudeau se fit
connaître dans le rôle de Tamino, dans La flûte enchantée. C’est sous
ces auspices prestigieuses que vous faites vos premiers pas, et
remportez le Grand Prix de chant de Paris, ainsi que le Grand Prix du
concours international de chant de Marseille.

Vous perfectionnez cette formation auprès de Dalton Baldwin, de
Lorraine Nubar et de la grande soprano roumaine Ileana [iléana]
Cotrubas.

Le rideau se lève alors sur une carrière brillante, puisque vous êtes
engagé pour interpréter les premiers rôles du répertoire mozartien :
vous incarnez Figaro et Don Giovanni avec une qualité de voix, une
diction et une musicalité impeccables, saluées par le public et les
critiques. Vous êtes très vite appelé à tenir les grands rôles de l’opéra
français et italien : vous êtes Malatesta dans le Don Pasquale de
Donizetti et Marcello dans La Bohème de Giacomo Puccini, rôle que j’ai
eu la grande joie de vous entendre chanter il y a presque un an, aux
Chorégies d’Orange. Vous incarnez Belcore dans L’Elixir d’amour, de
Donizetti, et Albert dans Werther de Massenet. Autant de rôles que
vous avez nourris de votre grand charisme, de votre chaleur, et de votre
voix hors du commun, qui enchante bientôt les publics des salles les
plus prestigieuses du monde.

Vous avez en effet chanté l’un de vos rôles fétiches, le toreador Escamillo
de Carmen, et porté les habits de lumière sur les plus grandes scènes
lyriques internationales, parmi lesquelles le Hollywood Bowl de Los
Angeles, le Teatro Regio de Turin, et le Metropolitan Opera de New York.
Vous êtes aujourd’hui l’un des représentants les plus éminents et les plus
reconnus de l’art lyrique, dans un répertoire très vaste, puisque vous
pouvez incarner des personnages très différents, de Thoas, à la fois
barbare et vulnérable, dans Iphigénie en Tauride de Gluck, que vous
interprétez en ce moment au Palais Garnier, à l’abject Lescault du Manon
de Massenet, en passant par le muletier Ramiro, dans L’Heure espagnole
de Ravel dans lequel le public parisien a découvert votre incontestable
talent de comédien, pusique vous avez déjà deux fois chanté ce rôle à
l’Opéra de Paris, dont vous êtes l’un des invités très réguliers.

Sur d’autres scènes, vous avez contribué à faire renaître des oeuvres
lyriques méconnues, telles que L’Arlésienne de Cilea ou encore Etienne
Marcel de Saint-Saëns.

De Gênes à Washington, où vous avez reçu les félicitations personnelles
du Président George W. Bush, mais aussi du ténor Placido Domingo et de
l’acteur Al Pacino, en passant par le Japon, Milan, Monte Carlo, et les plus
grandes scènes françaises, vous avez porté haut les couleurs de l’opéra,
et conquis les publics du monde entier.

Cher Franck Ferrari, au nom de la République, nous vous faisons
chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres.

Troisième Journée de la fiction TV – Palais du Luxembourg

12 juin 2006

Monsieur le Président de l’Association pour la promotion de la
production audiovisuelle,
Cher Jean-François Boyer,

Monsieur le Président de France Télévisions,
Cher Patrick de Carolis,

Mesdames, Messieurs, Chers amis,

Je suis très heureux de vous retrouver au Palais du Luxembourg, et en
direct sur Public Sénat, pour la deuxième année consécutive, après
avoir inauguré à Versailles, il y a deux ans, la première journée de la
fiction qui est désormais un rendez-vous à la fois très attendu et
solidement installé dans le paysage audiovisuel français, une journée
de réflexion, d’échanges, d’expériences, de propositions, une journée
nécessaire, voire indispensable pour dresser le bilan de l’année écoulée
et tracer les perspectives de l’année qui vient.

Et cette année a été vous le savez particulièrement riche.

D’abord, parce que les Français se passionnent pour la fiction
française à la télévision, qui fait partie des programmes les plus
fédérateurs, rassemblant tous les publics.

La fiction française a atteint en 2005 un niveau de production sans
précédent : avec 918 heures, il se rapproche enfin de celui de nos
principaux partenaires européens. Je suis convaincu que nous pouvons
et que nous devons aller au-delà, et dépasser les autres pays
européens. Grâce à ses producteurs, aux artistes et techniciens, grâce
à tous les talents et à tous les métiers qui font sa force, sa créativité, et
sa diversité, la fiction française a les moyens d’atteindre cet objectif.

Bien sûr, je suis conscient qu’elle dépend aussi pour cela des diffuseurs
et de leurs commandes.

Le tissu d’entreprises de très grande qualité du secteur des industries
techniques de la création bénéficie directement de cette évolution
favorable. Cela est dû en grande partie aux outils de financement mis
en place par les pouvoirs publics et les collectivités locales : pour ma
part, le crédit d’impôt et les fonds régionaux.

L’impact du crédit d’impôt en 2005 sur les dépenses consacrées à la
production de fiction en France a été très positif ! Ainsi, les dépenses à
l’étranger ont globalement diminué de 39% alors même que le volume
produit a augmenté de 27%. Les récentes données publiées par les
organismes sociaux du secteur confirment cette tendance en matière
d’emploi.

Je me réjouis de constater que le genre évolue, d’abord dans sa forme :
de plus en plus de chaînes innovent en s’intéressant à des formats
nouveaux, mais aussi à des horaires de programmation différents. Les
téléspectateurs français sont de plus en plus nombreux à regarder les
fictions diffusées en première partie de soirée, qui ont atteint des
audiences élevées en 2005 et 2006. Les téléspectateurs sont aussi très
nombreux, lorsque la fiction est programmée en avant-première partie
de soirée, dans une forme nouvelle, comme l’illustre tous les jours avec
un succès sans cesse croissant le feuilleton de France 3.

Oui, il y a des publics pour s’enthousiasmer pour les fictions françaises à
tous les horaires de la journée et de la soirée.

Sur les sujets aussi, je me félicite de l’esprit d’innovation et de création
qui anime les auteurs, les producteurs et les diffuseurs qui
accompagnent les projets.

Des risques sont pris, des sujets nouveaux sont amenés
progressivement sur nos écrans, je pense tout d’abord au rôle de miroir
de la société dans toutes ses composantes. Je pense aussi aux sujets
politiques qui – ce n’est sans doute pas un hasard dans l’année qui vient
– tendent à s’épanouir en ce moment. Je connais et je salue ces
initiatives créatrices, et je tiens à rendre hommage à France Télévisions
et à Arte pour le service public, et bien sûr à TF1 et à M6, ainsi qu’à
Canal Plus, qui jouent un rôle important dans la production. L’innovation
est différente selon les diffuseurs, mais elle est un enjeu vital pour
chacun d’entre eux.

Les évolutions en cours dans le paysage audiovisuel doivent consolider,
voire renforcer la hauteur de leurs investissements.

Ainsi, de nouveaux formats et de nouvelles écritures arrivent sur les
antennes depuis quelques mois : cette diversité est fondamentale et
provoque un vrai renouvellement du genre. Les esprits, les mentalités
évoluent, les méthodes de travail également, et je crois que nous
devons tous nous en réjouir. Je tiens à saluer ici l’action menée par les
auteurs, les réalisateurs et les producteurs rassemblés avec bonheur au
sein du Trio.

Je sais que ces mutations de la fiction française ne se font pas sans
difficultés. Je pense notamment aux adaptations de formats étrangers,
qui ont suscité de nombreuses réserves ici et là. Nous avons la chance
de disposer en France de scénaristes de talents, à l’imagination au
moins aussi fertile que celle de leurs homologues nord-américains. Il
faut donner à ces talents la possibilité et les moyens de créer des
fictions innovantes et qui séduisent le public ! C’est fondamental. Je suis
profondément convaincu que c’est parce que la fiction française est
créative et novatrice qu’elle continuera, non seulement à être regardée,
mais encore à s’exporter davantage et à être appréciée des
téléspectateurs étrangers, comme elle l’est des téléspectateurs français.
Innover, c’est aussi prendre des risques, c’est pour cette raison que j’ai
souhaité mettre un place des soutiens nouveaux en faveur de
l’innovation.

Parmi les nouveaux outils qui ont été mis en place avec succès, je tiens
d’abord à saluer les formations dans le domaine de l’écriture comme le
Conservatoire européen des écritures audiovisuelles, pour favoriser le
développement des nouveaux talents.

J’ai mis en place l’an dernier, le fonds d’aide à l’innovation, appelé de
leurs voeux par les auteurs et notamment la SACD, fruit d’une vraie
concertation entre le Trio et les pouvoirs publics. J’ai obtenu son
autorisation par Bruxelles en novembre dernier. Ce fonds rencontre un
réel succès auprès des auteurs. Près de 400 projets de fiction ont déjà
été déposés et environ 35 projets ont été sélectionnés par le comité
d’experts, animé par Prune Berge que je tiens à saluer ici pour la qualité
de son travail. Ce succès témoigne de la remarquable vitalité de la
création française, riche des talents d’auteurs de tous horizons et de
tous âges, qui ouvrent de nouveaux espaces de liberté d’écriture.

J’engage vivement les producteurs et les chaînes de télévision à
s’intéresser de près aux projets soutenus par ce fonds.

A cet égard, la télévision publique doit jouer un rôle central pour soutenir
la créativité et le dynamisme de la fiction française. Les contrats
d’objectifs et de moyens qui lieront l’Etat à France Télévisions d’une
part, et à ARTE France d’autre part, seront l’occasion de préciser les
engagements de chacun en ce domaine.

Sera notamment décliné l’engagement du Président de France
Télévisions d’augmenter l’investissement du groupe dans les oeuvres de
création de 100 M- sur 5 ans.

Le contrat d’objectifs et de moyens qui sera négocié avec ARTE France
devra quant à lui consolider en valeur et en volume horaire
l’engagement d’ARTE France en faveur de la production, notamment de
fiction, en continuant de privilégier les genres et les productions à la
ligne éditoriale exigeante et en préservant la diversité des producteurs
avec lesquels ARTE France travaille. A cet égard, les efforts d’ARTE en
faveur de la promotion des jeunes talents devront être poursuivis.

Le défi de l’innovation, de la création, de la qualité, du renouvellement,
est en train d’être relevé avec succès. Il est un autre défi de taille qui est
devant nous. Dans les années qui viennent, la fiction française va devoir
s’adapter et se développer à l’ère numérique, où nous sommes rentrés
désormais avec l’essor très rapide d’Internet, et qui verra le passage de
la télévision analogique à la télévision numérique pour tous les Français.

Aujourd’hui plus de la moitié des Français est internaute et plus de huit
internautes sur dix sont connectés à domicile en haut débit. L’attente et
les enjeux du développement d’une offre légale et diversifiée de fictions
sont donc considérables. La loi sur le droit d’auteur et les droits voisins
dans la société de l’information, que le Parlement doit adopter
définitivement dans les prochaines semaines, est une loi tournée vers
l’avenir, car elle crée les conditions pour que se multiplient les offres
légales d’oeuvres protégées, respectueuses du droits d’auteur. Le
public, qui aime regarder les fictions françaises à la télévision, sera de
plus en plus au rendez-vous pour les télécharger au fur et à mesure que
l’offre de vidéo à la demande se développera davantage.

Il s’agit là d’un point fondamental pour l’avenir de la fiction, puisque la
vidéo à la demande, qui se développe désormais d’une manière
significative, est promise à un essor considérable dans les années à
venir, au point qu’elle pourrait, à terme, se substituer au moins pour
partie à la consommation de télévision « classique ».

Je suis certain que vous percevez tous l’importance de ce
développement. Et vous pouvez compter sur moi, si vous l’estimez
nécessaire, pour vous accueillir rue de Valois pour signer un accord sur
la VOD de fiction française, semblable à celui que j’ai paraphé en
décembre dernier pour le cinéma.

C’est pourquoi nous devons préparer dès aujourd’hui les conditions –
notamment juridiques et réglementaires – dans lesquelles les nouveaux
services audiovisuels à la demande apporteront, comme la télévision le
fait aujourd’hui, leur contribution à la diversité culturelle des contenus
audiovisuels.

Je tiens à lancer une réflexion sur le COSIP qui doit contribuer à la
diversité de la fiction française à l’ère numérique, afin d’encourager
notamment la production de programmes en haute définition et de
formats nouveaux pour la télévision mobile.

Seule une approche ambitieuse et volontariste sera à même de
répondre aux défis soulevés par la convergence des réseaux et
l’apparition des nouveaux services à la demande, et d’en faire une
formidable opportunité pour la création européenne et française de
fictions, au bénéfice de l’ensemble de la chaîne de valeur.

En ce sens, il est fondamental que la révision de la directive « Télévision
sans frontières », actuellement en cours de négociation à Bruxelles,
intègre des mesures garantissant la contribution effective des services
audiovisuels non linéaires, quel que soit leur mode de diffusion (sur le
câble, l’ADSL, Internet), à la production et à la diffusion des fictions
européennes et françaises. La proposition formulée par la Commission
européenne fournit à cet égard une bonne base de travail, qu’il convient
de consolider – je m’emploie à en convaincre mes homologues
européens – en y inscrivant les modalités concrètes de cette
contribution, notamment au travers d’obligations d’investissement dans
la production de fictions.

Je voudrais également mentionner un autre enjeu d’importance pour la
fiction : je veux parler du placement de produit. Je sais votre
attachement à ce que soit ouverte la possibilité de recourir à cette
technique, qui pourrait offrir des perspectives nouvelles de financement
pour la fiction.

Dans cette optique, je suis favorable à la proposition de la Commission
européenne, qui consiste à autoriser explicitement le placement de
produit, tout en le soumettant à un encadrement adéquat pour prévenir
toute dérive (par exemple, il est clair que le placement de produit ne
saurait être autorisé dans les journaux télévisés). La France continuera
donc à soutenir cette approche, en proposant d’apporter des
améliorations et des clarifications au texte de la Commission.

D’ici quelques années, l’ensemble des Français, qui ont plébiscité la
TNT recevront tous dix-huit chaînes gratuitement alors qu’ils n’en
regardent aujourd’hui encore que six pour la majorité d’entre eux. Le
projet de loi que je suis en train d’élaborer et que je présenterai au
Conseil des ministres le mois prochain, établira les conditions dans
lesquelles aura lieu ce basculement complet dans la télévision
numérique. La multiplication par trois du nombre de chaînes produira
une dynamique formidable pour la production de fiction française. Le
numérique est un moyen extraordinaire au service de la diffusion de la
fiction française, elle ne doit en aucun cas la menacer, mais au contraire
participer à son développement.

Je terminerai en évoquant un sujet qui me tient à coeur, et que j’ai déjà
eu l’occasion d’évoquer devant vous, il s’agit de la question des
rediffusions. Ce sujet me semble très important au regard des
possibilités de développement de la fiction sur nos écrans. Il m’a semblé
important de chercher à faire évoluer la situation actuelle, marquée par
un nombre de rediffusions très limitées, d’abord pour permettre aux
nombreuses fictions de qualité une meilleure exposition, mais aussi pour
créer un appel d’air général pour un développement, à toute heure, de la
fiction.

C’est dans cet esprit que j’ai confié à Raphaël Hadas-Lebel en
septembre dernier une mission. Je suis heureux de vous annoncer que
le rapport qu’il m’a remis est en ligne sur le site du ministère
(culture.gouv.fr) dès ce matin. Le travail qu’il a mené, avec sa très haute
compétence et sa très riche expérience du secteur, et les conclusions
auxquelles il aboutit me semblent ouvrir des perspectives extrêmement
intéressantes pour débloquer une situation paradoxale, qui voit les
chaînes françaises contribuer à la production de fictions de qualité très
coûteuses, mais qu’elles ne rediffusent pas ou très peu, en leur
préférant des fictions étrangères.

Les propositions de Raphaël Hadas-Lebel visent à satisfaire trois
principes : la diminution du coût des rediffusions pour les diffuseurs, un
maintien, au moins, du montant global des droits voisins, et même une
augmentation, dans la perspective attendue du décollage souhaité des
rediffusions, une convergence accrue entre les modes de rémunération
utilisés sur les divers médias, actuels ou futurs, comme la TNT.

Je
souhaite inscrire ces objectifs dans le prochain contrat d’objectifs et de
moyens de France Télévisions. Cela passe aussi par la renégociation de
certains éléments de la convention collective de 1992 ; avec Gérard
Larcher, nous sommes prêts à soutenir et à accompagner une initiative
des partenaires sociaux du secteur, qui inscrirait cette révision dans les
travaux actuels des commissions mixtes paritaires de la production
audiovisuelle et de la télédiffusion, sous la forme, par exemple, d’un
groupe de travail commun à ces deux commissions.

Je souhaite que ce chantier important aboutisse rapidement.

Je suis conscient des fragilités permanentes du secteur de la fiction. Et
je suis bien décidé à l’aider à affronter les révolutions technologiques qui
l’attendent et les mutations du paysage audiovisuel en cours. Car par
son histoire, par sa richesse, par sa vitalité, la fiction télévisuelle
appartient à part entière à notre patrimoine culturel : oui, la fiction
française est un élément essentiel de la diversité culturelle, valeur
essentielle et principe fondamental de mon action, principe désormais inscrit dans le droit international, avec l’adoption l’an dernier de la
convention de l’UNESCO, dont le projet de loi de ratification vient d’être
adopté par l’Assemblée nationale, et sera dans les toutes prochaines
semaines, ici même, soumis au vote du Sénat.

Je vous remercie.