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Ouverture du séminaire « Attractivité Culturelle » à l’Institut National d’Histoire de l’Art

Monsieur le Président de la Commission des affaires culturelles du
Sénat, Cher Jacques Valade,

Messieurs les Parlementaires,

Madame la Présidente de l’établissement public du musée et du
domaine national de Versailles, Chère Christine Albanel,

Madame la Directrice générale du Centre national de la
cinématographie, Chère Véronique Cayla,

Madame la Préfète, Chère Bernadette Malgorn,

Messieurs les Directeurs,

Madame la Présidente, Messieurs les Présidents,

Messieurs les Professeurs,

Mesdames, Messieurs,

Tout d’abord, je tiens à vous dire combien je vous suis reconnaissant
d’avoir bien voulu répondre à mon invitation à travailler, à réfléchir
ensemble ce matin, à frotter nos cervelles pour un exercice de remueméninges,
comme l’on dit en français, en croisant la diversité de vos
expériences, de vos parcours, de vos horizons, de vos pensées, de vos
idées.

Même s’il y a un certain nombre d’universitaires parmi vous, et si je
tiens d’emblée à remercier Xavier Greffe, professeur à l’Université de
Paris I, où il dirige l’Ecole doctorale d’économie, pour le remarquable
travail préparatoire qu’il a réalisé et qui vous a été distribué, sous le titre
La mobilisation des actifs culturels de la France, j’ai conçu cette
matinée de travail, avec l’aide du Département des études, de la
prospective et des statistiques du ministère, non pas comme un
colloque universitaire, mais comme un atelier, un laboratoire d’idées, de
libres réflexions, de libres propositions, pour passer en revue
l’ensemble des aspects de l’attractivité culturelle aujourd’hui, et, je
l’espère, et je vous fais confiance pour cela, faire émerger des idées,
des pistes de réflexion nouvelles.

Ce thème de l’attractivité culturelle de la France, vous savez qu’il me
tient particulièrement à coeur. Non pas parce qu’il s’agirait d’une
« marotte », mais parce que j’y vois un axe essentiel de politique
culturelle et sans doute au-delà, de politique économique et sociale. Un
axe sans doute aussi fort et complémentaire que celui de la diversité
culturelle, qui, après l’adoption, l’an dernier, de la convention de
l’UNESCO, constitue non seulement une valeur et un nouvel élément
du droit international, mais aussi une richesse et un principe d’action
dans la mondialisation, un principe qui se décline au plan interne
comme au plan international.

C’est bien la mondialisation et le rôle de la culture dans la mondialisation
qui forment la toile de fond et la matière de notre réflexion d’aujourd’hui,
qui réunit artistes, créateurs, administrateurs d’équipements culturels,
dirigeants d’institutions, de lieux et d’associations, chefs d’entreprises,
hauts fonctionnaires, enseignants-chercheurs, responsables politiques et
élus, et je tiens à remercier tout particulièrement les trois sénateurs qui
ont accepté de présider trois des quatre tables rondes de cette matinée, le
Président Jacques Valade, Président de la commission des affaires
culturelles du Sénat, le Président Daniel Percheron, Président du Conseil
régional du Nord Pas-de-Calais, qui est l’une des régions de France qui a
fait résolument le pari de la culture pour assurer son développement et
son rayonnement, et le Président Louis Duvernois, sénateur représentant
les Français établis hors de France et auteur d’un remarquable rapport
d’information de la commission des affaires culturelles du Sénat sur la
stratégie d’action culturelle de la France à l’étranger.

Je remercie également Sophie Boissard, Directrice générale du Centre
d’analyse stratégique, qui a gentiment accepté de suppléer Alain Lambert.

Nous allons relever ensemble ce matin un grand défi : celui de la
créativité, celui de l’amour de la culture, de sa diversité, du rôle que la
France peut et doit jouer dans le monde et des relations que je crois
mutuellement fécondes entre la culture et l’économie.

C’est dans cet esprit que je voudrais évoquer l’un des axes de mon action,
l’affirmation du rôle de la culture, qui ne se limite pas à ce que l’on appelle
d’ordinaire les « retombées » sur l’économie, mais qui porte en elle-même
cette force de rayonnement, de créativité, et d’entraînement de l’ensemble
de l’économie et de la société.

J’inscris mon travail dans la succession des ministres de la culture depuis
André Malraux, quel que soit leur engagement politique, car l’élaboration
de notre politique culturelle résulte d’un large consensus. L’une des
inflexions toutefois que je me suis fait un devoir d’apporter, c’est d’aider à
dépasser totalement ce vieux débat, qui consiste à opposer la culture, qui
relèverait d’une vie de l’âme, pure et désintéressée, et l’économie. Je
crois que ce vieux débat est totalement dépassé.

Je suis convaincu au contraire que notre société comprend de mieux en
mieux ce que le monde de la culture et le monde de l’économie peuvent
s’apporter mutuellement.

Car je tiens à le rappeler, l’activité culturelle contribue à la croissance et à
l’emploi. Si la culture coûte de l’argent au contribuable, elle en rapporte
bien plus à notre pays.

L’emploi culturel représente en France près de 470 000 actifs, soit 2% des
emplois totaux. Comparaison bien sûr n’est pas raison, mais c’est une
part équivalente à celle du commerce de l’automobile et qui représente
deux fois la part du secteur des assurances.

Plus de la moitié de ces 470 000 actifs travaillent dans les industries
culturelles.

Encore cette estimation ne tient-elle pas compte des emplois indirects du
secteur du tourisme et de l’hôtellerie, ni des industries du luxe, dont
certains métiers sont éminemment et évidemment artistiques.

Je citerai un exemple : le Palais des festivals de Cannes estime à près de
un milliard d’euros et 16 000 emplois les activités induites par sa
programmation.

Dans l’Union européenne à 25, on recense 4,2 millions d’actifs dans la
culture, dont la moitié dans les industries culturelles.

L’industrie du cinéma est historiquement pour les Etats-Unis et pour la
France, une industrie aussi ancienne, aussi enracinée dans notre modèle
économique et social, que l’aéronautique ou l’automobile : c’est en France
que le cinéma est né.

L’économie de la culture est aujourd’hui un segment moderne dans le
processus de création de richesse. Ainsi, l’emploi culturel en France a
progressé deux fois plus vite que le reste de l’emploi depuis 1990. C’est
particulièrement frappant dans les industries culturelles : dans le secteur
de l’audiovisuel, le nombre d’entreprises a augmenté de 42% dans la
même période, quand la création d’entreprises augmentait de 10% dans
le reste de l’économie. Le crédit d’impôt cinéma, dans sa version adoptée
en 2005, a non seulement permis de renforcer le financement de la
production en France, puisque 117 films en ont bénéficié en 2005, mais il
a également eu des effets très importants sur l’emploi, puisque plus de
2000 emplois ont été créés. Aux Etats-Unis comme en France, certains
secteurs comme celui des jeux vidéo font appel à des talents
particulièrement créatifs, tant sur le plan artistique que technologique.

Quels sont les principaux enjeux, remarquablement mis en relief et en
perspective par le rapport foisonnant de Xavier Greffe, riche d’une
multitude de données, de sources, d’approches scientifiques et
empiriques ? C’est sur ces enjeux que je vous invite à réfléchir, à
échanger, à inventer, à proposer librement.

Il s’agit :

– d’apprécier et de renforcer le rôle de la culture comme facteur
d’attractivité des talents, des entreprises, des capitaux, des activités ;

– de maîtriser les flux et les échanges culturels, qu’il concernent le
tourisme culturel ou les oeuvres d’arts ou les oeuvres audiovisuelles ;

– il s’agit enfin, d’évaluer pleinement l’évolution et l’impact de l’emploi
culturel.

Prendre la mesure de ces enjeux, au sens tout autant quantitatif que
qualitatif, c’est percevoir que la stratégie d’attractivité culturelle de la
France à laquelle je vous invite à réfléchir doit être mise en oeuvre sur
l’ensemble des territoires. Une telle stratégie ne met pas les territoires en
concurrence. Elle leur permet en revanche de renforcer le développement
culturel, facteur d’attractivité, les conditions de déploiement du tourisme
culturel, les échanges avec le monde au profit de la diversité, en
particulier à travers l’accueil des étudiants et des créateurs étrangers,
ainsi que le développement des industries culturelles en France et les
exportations de leurs produits.

C’est autour de quatre thèmes cardinaux qu’une telle politique peut se
penser et être mise en oeuvre.

Ce sont ces thèmes qui structureront votre réflexion en autant de tables
rondes :

– le développement culturel, l’attractivité et le dynamisme
économique ;

– la culture au coeur de l’ attractivité touristique ;

– la France, terre d’accueil des créateurs ;

– l’attractivité et la compétitivité des activités et des industries
culturelles.

Ainsi, vos expériences et vos regards croisés pourront mettre en
perspective le tableau brossé par le professeur Xavier Greffe, en passant
au crible nos atouts et nos faiblesses, et en dégageant les lignes de force
d’un horizon fondé sur l’attractivité culturelle de la France.

Cet horizon que Xavier Greffe désigne comme celui d’une “ nation
culturellement créative ” est déjà celui d’une compétition internationale
très vive, qui concerne l’ensemble de l’économie, des produits, des
services, et des marques, et qui porte sur la créativité au sens large, mais
aussi sur la diversité culturelle.

Dans cette compétition, la culture doit jouer tout son rôle. Elle doit
assumer son importance économique ; elle doit pouvoir servir de point
d’appui, de centre historique et spécifique de l’économie de la créativité
qui va au-delà de la culture, mais imprègne le reste de l’économie
industrielle et de services. Elle doit le faire sans rien perdre du rôle
éminent qu’elle joue en faveur de la cohésion sociale, de la diversité, de
l’échange avec l’autre, du sens qu’elle procure.

Voici en quelques mots, ce que peut recouvrir la question de l’attractivité
culturelle que ce séminaire de réflexion collective, fondé sur l’ouverture,
l’échange, le décloisonnement, nous permettra d’explorer en toute liberté.

Je vous rejoins tout à l’heure, à l’issue du conseil des ministres, pour la
restitution des travaux de vos tables rondes, auxquelles je regrette
sincèrement de ne pouvoir participer personnellement.

Je suis certain qu’elles seront fructueuses.

Je vous remercie.

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