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Troisième Journée de la fiction TV – Palais du Luxembourg

Monsieur le Président de l’Association pour la promotion de la
production audiovisuelle,
Cher Jean-François Boyer,

Monsieur le Président de France Télévisions,
Cher Patrick de Carolis,

Mesdames, Messieurs, Chers amis,

Je suis très heureux de vous retrouver au Palais du Luxembourg, et en
direct sur Public Sénat, pour la deuxième année consécutive, après
avoir inauguré à Versailles, il y a deux ans, la première journée de la
fiction qui est désormais un rendez-vous à la fois très attendu et
solidement installé dans le paysage audiovisuel français, une journée
de réflexion, d’échanges, d’expériences, de propositions, une journée
nécessaire, voire indispensable pour dresser le bilan de l’année écoulée
et tracer les perspectives de l’année qui vient.

Et cette année a été vous le savez particulièrement riche.

D’abord, parce que les Français se passionnent pour la fiction
française à la télévision, qui fait partie des programmes les plus
fédérateurs, rassemblant tous les publics.

La fiction française a atteint en 2005 un niveau de production sans
précédent : avec 918 heures, il se rapproche enfin de celui de nos
principaux partenaires européens. Je suis convaincu que nous pouvons
et que nous devons aller au-delà, et dépasser les autres pays
européens. Grâce à ses producteurs, aux artistes et techniciens, grâce
à tous les talents et à tous les métiers qui font sa force, sa créativité, et
sa diversité, la fiction française a les moyens d’atteindre cet objectif.

Bien sûr, je suis conscient qu’elle dépend aussi pour cela des diffuseurs
et de leurs commandes.

Le tissu d’entreprises de très grande qualité du secteur des industries
techniques de la création bénéficie directement de cette évolution
favorable. Cela est dû en grande partie aux outils de financement mis
en place par les pouvoirs publics et les collectivités locales : pour ma
part, le crédit d’impôt et les fonds régionaux.

L’impact du crédit d’impôt en 2005 sur les dépenses consacrées à la
production de fiction en France a été très positif ! Ainsi, les dépenses à
l’étranger ont globalement diminué de 39% alors même que le volume
produit a augmenté de 27%. Les récentes données publiées par les
organismes sociaux du secteur confirment cette tendance en matière
d’emploi.

Je me réjouis de constater que le genre évolue, d’abord dans sa forme :
de plus en plus de chaînes innovent en s’intéressant à des formats
nouveaux, mais aussi à des horaires de programmation différents. Les
téléspectateurs français sont de plus en plus nombreux à regarder les
fictions diffusées en première partie de soirée, qui ont atteint des
audiences élevées en 2005 et 2006. Les téléspectateurs sont aussi très
nombreux, lorsque la fiction est programmée en avant-première partie
de soirée, dans une forme nouvelle, comme l’illustre tous les jours avec
un succès sans cesse croissant le feuilleton de France 3.

Oui, il y a des publics pour s’enthousiasmer pour les fictions françaises à
tous les horaires de la journée et de la soirée.

Sur les sujets aussi, je me félicite de l’esprit d’innovation et de création
qui anime les auteurs, les producteurs et les diffuseurs qui
accompagnent les projets.

Des risques sont pris, des sujets nouveaux sont amenés
progressivement sur nos écrans, je pense tout d’abord au rôle de miroir
de la société dans toutes ses composantes. Je pense aussi aux sujets
politiques qui – ce n’est sans doute pas un hasard dans l’année qui vient
– tendent à s’épanouir en ce moment. Je connais et je salue ces
initiatives créatrices, et je tiens à rendre hommage à France Télévisions
et à Arte pour le service public, et bien sûr à TF1 et à M6, ainsi qu’à
Canal Plus, qui jouent un rôle important dans la production. L’innovation
est différente selon les diffuseurs, mais elle est un enjeu vital pour
chacun d’entre eux.

Les évolutions en cours dans le paysage audiovisuel doivent consolider,
voire renforcer la hauteur de leurs investissements.

Ainsi, de nouveaux formats et de nouvelles écritures arrivent sur les
antennes depuis quelques mois : cette diversité est fondamentale et
provoque un vrai renouvellement du genre. Les esprits, les mentalités
évoluent, les méthodes de travail également, et je crois que nous
devons tous nous en réjouir. Je tiens à saluer ici l’action menée par les
auteurs, les réalisateurs et les producteurs rassemblés avec bonheur au
sein du Trio.

Je sais que ces mutations de la fiction française ne se font pas sans
difficultés. Je pense notamment aux adaptations de formats étrangers,
qui ont suscité de nombreuses réserves ici et là. Nous avons la chance
de disposer en France de scénaristes de talents, à l’imagination au
moins aussi fertile que celle de leurs homologues nord-américains. Il
faut donner à ces talents la possibilité et les moyens de créer des
fictions innovantes et qui séduisent le public ! C’est fondamental. Je suis
profondément convaincu que c’est parce que la fiction française est
créative et novatrice qu’elle continuera, non seulement à être regardée,
mais encore à s’exporter davantage et à être appréciée des
téléspectateurs étrangers, comme elle l’est des téléspectateurs français.
Innover, c’est aussi prendre des risques, c’est pour cette raison que j’ai
souhaité mettre un place des soutiens nouveaux en faveur de
l’innovation.

Parmi les nouveaux outils qui ont été mis en place avec succès, je tiens
d’abord à saluer les formations dans le domaine de l’écriture comme le
Conservatoire européen des écritures audiovisuelles, pour favoriser le
développement des nouveaux talents.

J’ai mis en place l’an dernier, le fonds d’aide à l’innovation, appelé de
leurs voeux par les auteurs et notamment la SACD, fruit d’une vraie
concertation entre le Trio et les pouvoirs publics. J’ai obtenu son
autorisation par Bruxelles en novembre dernier. Ce fonds rencontre un
réel succès auprès des auteurs. Près de 400 projets de fiction ont déjà
été déposés et environ 35 projets ont été sélectionnés par le comité
d’experts, animé par Prune Berge que je tiens à saluer ici pour la qualité
de son travail. Ce succès témoigne de la remarquable vitalité de la
création française, riche des talents d’auteurs de tous horizons et de
tous âges, qui ouvrent de nouveaux espaces de liberté d’écriture.

J’engage vivement les producteurs et les chaînes de télévision à
s’intéresser de près aux projets soutenus par ce fonds.

A cet égard, la télévision publique doit jouer un rôle central pour soutenir
la créativité et le dynamisme de la fiction française. Les contrats
d’objectifs et de moyens qui lieront l’Etat à France Télévisions d’une
part, et à ARTE France d’autre part, seront l’occasion de préciser les
engagements de chacun en ce domaine.

Sera notamment décliné l’engagement du Président de France
Télévisions d’augmenter l’investissement du groupe dans les oeuvres de
création de 100 M- sur 5 ans.

Le contrat d’objectifs et de moyens qui sera négocié avec ARTE France
devra quant à lui consolider en valeur et en volume horaire
l’engagement d’ARTE France en faveur de la production, notamment de
fiction, en continuant de privilégier les genres et les productions à la
ligne éditoriale exigeante et en préservant la diversité des producteurs
avec lesquels ARTE France travaille. A cet égard, les efforts d’ARTE en
faveur de la promotion des jeunes talents devront être poursuivis.

Le défi de l’innovation, de la création, de la qualité, du renouvellement,
est en train d’être relevé avec succès. Il est un autre défi de taille qui est
devant nous. Dans les années qui viennent, la fiction française va devoir
s’adapter et se développer à l’ère numérique, où nous sommes rentrés
désormais avec l’essor très rapide d’Internet, et qui verra le passage de
la télévision analogique à la télévision numérique pour tous les Français.

Aujourd’hui plus de la moitié des Français est internaute et plus de huit
internautes sur dix sont connectés à domicile en haut débit. L’attente et
les enjeux du développement d’une offre légale et diversifiée de fictions
sont donc considérables. La loi sur le droit d’auteur et les droits voisins
dans la société de l’information, que le Parlement doit adopter
définitivement dans les prochaines semaines, est une loi tournée vers
l’avenir, car elle crée les conditions pour que se multiplient les offres
légales d’oeuvres protégées, respectueuses du droits d’auteur. Le
public, qui aime regarder les fictions françaises à la télévision, sera de
plus en plus au rendez-vous pour les télécharger au fur et à mesure que
l’offre de vidéo à la demande se développera davantage.

Il s’agit là d’un point fondamental pour l’avenir de la fiction, puisque la
vidéo à la demande, qui se développe désormais d’une manière
significative, est promise à un essor considérable dans les années à
venir, au point qu’elle pourrait, à terme, se substituer au moins pour
partie à la consommation de télévision « classique ».

Je suis certain que vous percevez tous l’importance de ce
développement. Et vous pouvez compter sur moi, si vous l’estimez
nécessaire, pour vous accueillir rue de Valois pour signer un accord sur
la VOD de fiction française, semblable à celui que j’ai paraphé en
décembre dernier pour le cinéma.

C’est pourquoi nous devons préparer dès aujourd’hui les conditions –
notamment juridiques et réglementaires – dans lesquelles les nouveaux
services audiovisuels à la demande apporteront, comme la télévision le
fait aujourd’hui, leur contribution à la diversité culturelle des contenus
audiovisuels.

Je tiens à lancer une réflexion sur le COSIP qui doit contribuer à la
diversité de la fiction française à l’ère numérique, afin d’encourager
notamment la production de programmes en haute définition et de
formats nouveaux pour la télévision mobile.

Seule une approche ambitieuse et volontariste sera à même de
répondre aux défis soulevés par la convergence des réseaux et
l’apparition des nouveaux services à la demande, et d’en faire une
formidable opportunité pour la création européenne et française de
fictions, au bénéfice de l’ensemble de la chaîne de valeur.

En ce sens, il est fondamental que la révision de la directive « Télévision
sans frontières », actuellement en cours de négociation à Bruxelles,
intègre des mesures garantissant la contribution effective des services
audiovisuels non linéaires, quel que soit leur mode de diffusion (sur le
câble, l’ADSL, Internet), à la production et à la diffusion des fictions
européennes et françaises. La proposition formulée par la Commission
européenne fournit à cet égard une bonne base de travail, qu’il convient
de consolider – je m’emploie à en convaincre mes homologues
européens – en y inscrivant les modalités concrètes de cette
contribution, notamment au travers d’obligations d’investissement dans
la production de fictions.

Je voudrais également mentionner un autre enjeu d’importance pour la
fiction : je veux parler du placement de produit. Je sais votre
attachement à ce que soit ouverte la possibilité de recourir à cette
technique, qui pourrait offrir des perspectives nouvelles de financement
pour la fiction.

Dans cette optique, je suis favorable à la proposition de la Commission
européenne, qui consiste à autoriser explicitement le placement de
produit, tout en le soumettant à un encadrement adéquat pour prévenir
toute dérive (par exemple, il est clair que le placement de produit ne
saurait être autorisé dans les journaux télévisés). La France continuera
donc à soutenir cette approche, en proposant d’apporter des
améliorations et des clarifications au texte de la Commission.

D’ici quelques années, l’ensemble des Français, qui ont plébiscité la
TNT recevront tous dix-huit chaînes gratuitement alors qu’ils n’en
regardent aujourd’hui encore que six pour la majorité d’entre eux. Le
projet de loi que je suis en train d’élaborer et que je présenterai au
Conseil des ministres le mois prochain, établira les conditions dans
lesquelles aura lieu ce basculement complet dans la télévision
numérique. La multiplication par trois du nombre de chaînes produira
une dynamique formidable pour la production de fiction française. Le
numérique est un moyen extraordinaire au service de la diffusion de la
fiction française, elle ne doit en aucun cas la menacer, mais au contraire
participer à son développement.

Je terminerai en évoquant un sujet qui me tient à coeur, et que j’ai déjà
eu l’occasion d’évoquer devant vous, il s’agit de la question des
rediffusions. Ce sujet me semble très important au regard des
possibilités de développement de la fiction sur nos écrans. Il m’a semblé
important de chercher à faire évoluer la situation actuelle, marquée par
un nombre de rediffusions très limitées, d’abord pour permettre aux
nombreuses fictions de qualité une meilleure exposition, mais aussi pour
créer un appel d’air général pour un développement, à toute heure, de la
fiction.

C’est dans cet esprit que j’ai confié à Raphaël Hadas-Lebel en
septembre dernier une mission. Je suis heureux de vous annoncer que
le rapport qu’il m’a remis est en ligne sur le site du ministère
(culture.gouv.fr) dès ce matin. Le travail qu’il a mené, avec sa très haute
compétence et sa très riche expérience du secteur, et les conclusions
auxquelles il aboutit me semblent ouvrir des perspectives extrêmement
intéressantes pour débloquer une situation paradoxale, qui voit les
chaînes françaises contribuer à la production de fictions de qualité très
coûteuses, mais qu’elles ne rediffusent pas ou très peu, en leur
préférant des fictions étrangères.

Les propositions de Raphaël Hadas-Lebel visent à satisfaire trois
principes : la diminution du coût des rediffusions pour les diffuseurs, un
maintien, au moins, du montant global des droits voisins, et même une
augmentation, dans la perspective attendue du décollage souhaité des
rediffusions, une convergence accrue entre les modes de rémunération
utilisés sur les divers médias, actuels ou futurs, comme la TNT.

Je
souhaite inscrire ces objectifs dans le prochain contrat d’objectifs et de
moyens de France Télévisions. Cela passe aussi par la renégociation de
certains éléments de la convention collective de 1992 ; avec Gérard
Larcher, nous sommes prêts à soutenir et à accompagner une initiative
des partenaires sociaux du secteur, qui inscrirait cette révision dans les
travaux actuels des commissions mixtes paritaires de la production
audiovisuelle et de la télédiffusion, sous la forme, par exemple, d’un
groupe de travail commun à ces deux commissions.

Je souhaite que ce chantier important aboutisse rapidement.

Je suis conscient des fragilités permanentes du secteur de la fiction. Et
je suis bien décidé à l’aider à affronter les révolutions technologiques qui
l’attendent et les mutations du paysage audiovisuel en cours. Car par
son histoire, par sa richesse, par sa vitalité, la fiction télévisuelle
appartient à part entière à notre patrimoine culturel : oui, la fiction
française est un élément essentiel de la diversité culturelle, valeur
essentielle et principe fondamental de mon action, principe désormais inscrit dans le droit international, avec l’adoption l’an dernier de la
convention de l’UNESCO, dont le projet de loi de ratification vient d’être
adopté par l’Assemblée nationale, et sera dans les toutes prochaines
semaines, ici même, soumis au vote du Sénat.

Je vous remercie.

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