Monsieur le Président de la Fédération nationale de la presse d’information
spécialisée (FNPS), Cher Jacques Louvet,
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Tout d’abord, je tiens à vous remercier de votre invitation.
Mon attachement à votre famille de presse, qui accompagne chaque jour,
chaque semaine, chaque mois, la vie professionnelle et sociale, les
passions et les loisirs des Français, n’a pas varié depuis votre trentième
anniversaire, il y a dix-huit mois, qui avait mis en lumière votre rôle
essentiel dans le paysage des médias de notre pays.
Au-delà de l’information elle-même, vos titres, dans leur très grande
diversité, concourent aussi à la formation de nos concitoyens, dont la
presse spécialisée constitue l’un des outils indispensables. Elle permet de
fédérer les métiers, de créer des liens et d’entretenir un dialogue
permanent entre les lecteurs de vos publications.
Vous m’avez interpellé et j’ai bien entendu vos préoccupations.
Je sais que, en dépit du dynamisme de vos entreprises, dont vous avez
rappelé qu’elles emploient 15000 personnes et dont j’ajoute – ce que l’on
ne sait pas assez – qu’elles forment le secteur de la presse qui emploie le
plus de journalistes, en dépit de cette vitalité et de la compétence de vos
rédactions, la presse professionnelle, tout comme la presse quotidienne
d’information générale, connaît une baisse du lectorat.
Elle est confrontée aux mêmes défis que l’ensemble du secteur, liés au
développement de l’internet et de nouveaux modèles économiques, qui
prétendent s’appuyer sur la gratuité de la diffusion de l’information.
Cette crise, que vous décrivez et que vous analysez avec éloquence, vous
ne la subissez pas. Vous la vivez en réalité comme une mutation, aussi
riche de chances à saisir que lourdes de risques. Et vous ne manquez pas
d’audace. Je constate avec satisfaction que la presse spécialisée s’est
pleinement appropriée l’internet, sans doute parce que la Toile est un
vecteur particulièrement adéquat pour vous adresser à votre lectorat ciblé
et que par ailleurs, vous connaissez depuis plusieurs années la diffusion
qualifiée.
Comme je vous l’avais dit, lors des débats passionnants que vous aviez
organisés à l’occasion de votre trentième anniversaire, sur « la presse
d’information spécialisée aux sources de l’actualité », au sein d’un
environnement bouleversé par l’avènement des nouvelles technologies,
dans un monde où les sources d’information sont devenues quasiment
infinies, seules la mise en perspective de l’information, sa vérification et
son authentification scrupuleuse, sa lecture critique et sa hiérarchisation
permettent au lecteur de lui donner un sens et font la richesse
irremplaçable de l’information écrite spécialisée. Ce travail du journaliste
participe à la formation du citoyen, en lui offrant pleinement la possibilité
de s’inscrire dans la vie de la cité.
Ce travail, la presse spécialisée, dans son extraordinaire diversité, dans
son dynamisme, quelle soit médicale, sociale, culturelle, scientifique,
économique, agricole, juridique ou politique, est, j’en suis convaincu,
particulièrement bien placée pour le mener à bien aujourd’hui.
Vous avez évoqué en particulier la fiscalité de la presse en ligne.
Je sais que vous ne manquez ni d’audace ni d’initiative. Mais vous vous
préoccupez légitimement de votre environnement réglementaire, financier
et fiscal.
Vous savez que pour accompagner l’évolution de la presse vers le
numérique, la France a demandé à la Commission européenne
l’admission au taux réduit de TVA de la presse en ligne. Je rappelle que
l’extension du taux réduit de TVA à la presse électronique ne peut se faire
sans l’aval de l’Union européenne, et requiert de surcroît l’unanimité des
États membres. Sachez que la France est, pour l’instant, seule dans cette
démarche. Et c’est parce que notre demande n’a été soutenue par aucun
autre Etat, que nous n’avons encore pu obtenir satisfaction.
En revanche,
le texte de la directive sur les services en ligne n’a été reconduit que pour
une année, ce qui permettra à la France de renouveler sa demande
d’extension du taux réduit à la presse électronique dans un délai rapide,
après avoir sensibilisé, ce qui est essentiel, d’autres Etats membres à
cette question. Je sais que, compte tenu du caractère professionnel d’une
part non négligeable de vos abonnements, vous pouvez, plus que pour
d’autres catégories de presse, relativiser l’impact actuel de l’application du
taux de TVA de droit commun pour la presse électronique. Je sais aussi
que, la migration d’une partie de la distribution de vos contenus vers les
services en ligne peut contribuer à alléger vos charges. Mais l’enjeu est
très important et dans les jours qui viennent, avec Thierry Breton, nous
allons saisir la Commission européenne de ce sujet.
Vous entrez de plain pied dans la révolution Internet. Nous avons tous
conscience de l’ampleur des enjeux pour la presse dans son ensemble et
pour la presse spécialisée en particulier. C’est pourquoi je veillerai
particulièrement à ce qu’il ne soit pas porté atteinte aux intérêts du secteur
que vous représentez, dans le cadre de la discussion qui arrive à son
terme, de la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la
société de l’information. Vous m’avez fait part de vos inquiétudes relatives
au vote de deux nouvelles exceptions au droit d’auteur, l’une en faveur
des bibliothèques, la seconde dite à des fins pédagogiques.
Les intérêts de la presse ont été pris en considération au cours des
débats, tant à l’Assemblée qu’au Sénat, et je suis convaincu que le texte
qui sera définitivement adopté après la commission mixte paritaire,
s’inscrira dans cette logique. S’agissant de l’exception pédagogique, le
texte adopté au Sénat renvoie à des accords qui prendront la suite de
ceux qui ont déjà été négociés entre les titulaires de droits et le ministère
de l’Education nationale en préfiguration de la loi. Dès lors, la loi se borne
à consacrer la démarche contractuelle que vous avez entreprise à juste
titre et qui n’est pas vaine, mais au contraire renforcée par ce constat
législatif.
Quant à l’exception en faveur des bibliothèques, les conditions de
consultation prévues apparaissent vraiment à même de garantir son
innocuité.
J’ajoute qu’afin de favoriser la liberté d’expression à laquelle nous
sommes tous tant attachés, vous savez que j’ai défendu un amendement
qui permet de reproduire des oeuvres d’art dans un but d’information.
Tout en mettant tout en oeuvre et en mobilisant les services de l’Etat pour
accompagner les mutations profondes que vit le monde de la presse, je
n’oublie pas les préoccupations de la gestion quotidienne d’une entreprise
de presse. Vous avez évoqué l’acheminement postal de vos publications
à vos abonnés.
Je vous sais gré d’avoir souligné les efforts déployés par La Poste. Il est
essentiel qu’elle continue à dialoguer étroitement avec vous. Ainsi, la
réunion qui s’est tenue le 7 juin dernier sur la qualité du service offert
atteste de votre coopération permanente dans l’esprit des accords Etat-presse-
Poste signés le 22 juillet 2004. Il est clair que beaucoup a déjà été
fait. J’ai pris bonne note de votre perplexité critique. J’y vois une incitation,
pour chaque partenaire, à continuer à s’engager dans une démarche qui a
commencé à porter ses fruits.
Ainsi, conformément aux accords de 2004, une mesure nouvelle de la
qualité du service rendu par La Poste a été mise en place depuis mars
2006, qui nous permet de disposer d’une vision claire du délai
d’acheminement des publications chez les abonnés. Vous avez relevé les
progrès accomplis sur les publications non urgentes. Je note que
beaucoup reste à faire sur l’urgent.
Pour prolonger ce partenariat, je ne saurais trop vous conseiller de suivre
la voie tracée par quatre publications qui ont souscrit un engagement de
qualité de service avec La Poste. Dans l’attente d’une amélioration encore
accrue du service rendu, ces contrats permettent de bénéficier d’une
indemnisation en cas de défaillance du service postal.
Je sais, par ailleurs, la disponibilité de La Poste à répondre, par des
gestes commerciaux adaptés, aux éventuelles difficultés ponctuelles qui
pourraient se faire jour.
Enfin, s’agissant du tarif « mécanisable » que vous avez évoqué, je vous
engage à poursuivre l’examen paritaire des spécifications techniques
prévues par les accords de 2004. Ce tarif deviendra financièrement de plus en plus attractif pour les éditeurs. Je vous fais toute confiance pour
trouver, dans le dialogue, une solution aux difficultés que vous rencontrez.
Au total, près de deux ans après leur signature, la mise en oeuvre de ces
accords est plutôt satisfaisante. Bien sûr, cet engagement équilibré
impose un travail de coopération constant. Je ne doute pas de votre
volonté et de celle de La Poste de lui permettre de porter tous ses fruits.
Au-delà de vos relations avec la Poste et des défis de l’ère numérique, je
tiens, Monsieur le Président, à vous répondre sur le dispositif de soutien à
la presse dans son ensemble.
J’ai dit, au début de mon propos, les raisons pour lesquelles les efforts
des pouvoirs publics en faveur de la presse, essentiels au pluralisme, à la
diversité et à la vitalité de la démocratie, doivent être nourris et constants.
Je rappelle que la loi de finances pour 2006 a consolidé la croissance
sans précédent des aides publiques à la presse intervenue en 2005.
Dans
le contexte que vous connaissez, de forte contrainte sur les finances
publiques, le montant des crédits publics consacré au soutien du secteur
a ainsi augmenté de 30 % depuis 2004, pour atteindre 278 M-.
Cette croissance, cette persévérance et l’ampleur de ce soutien, marquent
la cohérence de l’action du Gouvernement et sa volonté d’accompagner
des activités structurantes, susceptibles d’orienter durablement le secteur
sur la voie du développement, de l’indépendance économique et de la
liberté éditoriale.
En ce qui concerne plus directement votre famille de presse, je tiens à
attirer votre attention sur le fait que, pour la première fois depuis 2002,
l’aide au développement des services en ligne des entreprises de presse
fait l’objet d’une dotation budgétaire. Le fonds que nous avons mis en
place permet notamment la mise en ligne des contenus de vos
publications, qui ont été pionnières et qui sont toujours très actives sur
Internet.
En outre, l’aide à la distribution et à la promotion de la presse française à
l’étranger a été réformée l’an dernier, afin de mieux aider l’acheminement
des titres et les efforts de prospection et de promotion engagés dans les
zones prioritaires. Pour cette année, cette aide est dotée de 3,1 M-.
Enfin, parce qu’il n’est pas de produit qui ne se vende sans réseau de
distribution performant, bien que cela ne concerne que 10 % de votre
diffusion, l’effort en faveur de la modernisation du réseau des diffuseurs
est renforcé, afin notamment de prendre en compte les besoins liés à
l’informatisation des points de ventes. Les crédits correspondants ont été
portés à 3,6 M- en 2006.
Comme vous le constatez, l’ensemble des besoins spécifiques de la
presse spécialisée sont pris en compte dans ce dispositif d’ensemble, qui
a bien pour objet de vous conforter dans vos métiers et dans vos projets.
Le système des aides à la presse n’est nullement remis en cause. Cibler
et s’assurer de l’efficacité des aides, ce n’est ni discriminer ni diviser, mais
garantir que vous pourrez vous appuyer sur ce socle solide pour asseoir
votre développement d’aujourd’hui et de demain.
Face aux défis majeurs que nous avons évoqués et que vous êtes prêts et
déterminés à relever avec succès, j’entends poursuivre l’adaptation des
dispositifs de soutien public au secteur, sans jamais méconnaître
l’impératif de solidarité qui doit continuer de prévaloir entre tous les
acteurs de la presse. Car cette exigence est le fondement d’un édifice
dont l’origine même ne cesse de nous rappeler qu’il est de notre devoir de
continuer à le construire jour après jour.
Je vous remercie.