Rubrique ‘Discours 2006’

Inauguration du centre chorégraphique national de Basse- Normandie la halle aux granges – Caen

23 juin 2006

Madame le Deputé-Maire, Chère Brigitte Le Brethon,

Madame, Monsieur les co-directeurs du Centre chorégraphique
national,

Chère Héla Fattoumi, Cher Eric Lamoureux,

Mesdames, Messieurs,

Ce matin, au château de Caen, et au musée de Normandie, j’ai souligné
l’atout que représente votre patrimoine pour le rayonnement de votre
ville et la qualité de la vie de ses habitants et de ses visiteurs, louée de
longue date par les poètes, les artistes, les créateurs qui choisirent de
s’y installer pour déployer leurs talents.

Ainsi, Jean Regnault de Segrais déclare, dans son chef-d’oeuvre,
Athys :
« Caen, par son assiette, et commode et plaisante,
Par son air toujours pur, sa demeure riante,
Par ses prés, par ses eaux et par mille beautés,
Justement le dispute aux plus nobles cités ».

Aujourd’hui, votre attachement à la valorisation de votre patrimoine,
mais aussi votre engagement en faveur du spectacle vivant et de ses
expressions artistiques les plus accomplies, participent pleinement de
ce rayonnement culturel et de cette qualité de vie, qui renforcent
l’attractivité de votre ville et de votre région.

La danse est à l’évidence l’une de ces expressions les plus exigeantes,
les plus passionnantes, les plus créatives, et les plus accessibles aussi,
aux publics d’aujourd’hui.

C’est pourquoi, je tiens à vous remercier de m’avoir invité à la Halle aux
Granges, rénovée, avec le concours de la ville, de l’Etat, de la région et
du département, dans ce lieu magnifique, aérien, où votre talent, chère
Héla Fattoumi, cher Eric Lamoureux, ainsi que celui des danseurs et
des artistes que vous invitez, peut pleinement s’exprimer, en pleine
lumière, sous cette haute verrière du début du XXe siècle, anciens
garages des Courriers normands, puis gymnase, avant d’accueillir le
centre chorégraphique national, où les aménagements qui ont été
réalisés permettent désormais d’accueillir un public pouvant aller
jusqu’à deux cents personnes.

La danse a ici une histoire et une présence prestigieuses, qui expliquent
la place éminente qu’elle tient aujourd’hui dans la politique culturelle de
la ville, du département et de la région. Caen fut l’un des tout premiers
centres chorégraphiques nationaux, longtemps illuminé par le talent de
Quentin Rouiller, puis de Karine Saporta, dont vous avez pris la
succession.

Votre projet artistique s’inscrit dans cette histoire et dans ce présent.

Vous l’avez relancé, en lui donnant un nouveau souffle, en réunissant,
selon vos propres termes, « l’ici et l’ailleurs », qui disent la force de
l’acte artistique et des rencontres qu’il provoque, fondées sur votre talent
et celui des danseurs qui travaillent avec vous, sur l’ouverture,
l’échange, le brassage, le partage et les liens que la danse permet de
créer dans le monde de la diversité culturelle qui est le nôtre.
Votre projet artistique s’articule autour de trois volets.

Vous menez une politique de création et de diffusion chorégraphique,
avec le Festival « Danse d’ailleurs » que vous avez créé en
collaboration avec le Centre dramatique national et en privilégiant les
esthétiques artistiques africaines. Je me réjouis de cette collaboration
avec le centre dramatique, initiée avec Eric Lacascade, et je ne doute
pas qu’elle se poursuivra avec Jean Lambert-Wild, qui lui succédera,
comme vous le savez, à compter du 1er janvier 2007.

Vous développez un programme d’accueil studio avec les compagnies
françaises et étrangères afin de favoriser la création et la recherche
chorégraphique.

– Vous assurez un programme de formation et de sensibilisation à
l’écriture contemporaine, en lien avec le département Danse du
Conservatoire national de région, l’Université de Caen et les dispositifs
des classes artistiques en partenariat avec l’Education nationale.
Ces trois missions prioritaires ont fait l’objet d’une convention triennale
artistique entre l’Etat, la région, la ville de Caen et les trois départements
du Calvados, de la Manche et de l’Orne, qui sera prochainement signée.

Si j’ajoute à ces axes forts le fait que vous ayez eu le souci de vous
ouvrir sur l’importante population étudiante de la ville et de rencontrer
tous les publics du département et de la région, en particulier dans les
zones rurales très étendues qu’évoquait le poème bucolique que j’ai cité
tout à l’heure, je tiens à vous féliciter, avec l’ensemble de vos équipes et
des élus qui vous soutiennent, pour la façon généreuse et dynamique
avec laquelle vous avez su mettre en oeuvre ce projet, en fédérant les
énergies et en faisant largement partager votre enthousiasme.

C’est une action exemplaire de celles que doivent mener les centres
chorégraphiques nationaux, sur l’ensemble de notre territoire. Vous avez
su tirer parti de la proximité du centre dramatique, du conservatoire,
mais aussi des gymnases voisins.

Depuis cette Halle de verre et d’acier, au coeur de la ville, au pied de
l’Abbaye aux Hommes, vous rendez possible les synergies entre les
institutions culturelles, les créations artistiques et les publics auxquels
elles s’adressent.

Je tiens à vous en féliciter, et disant cela, je sais que les Centres
chorégraphiques se trouvent dans des situations très inégales en termes
d’équipement et qu’en ce qui vous concerne, vous avez encore besoin,
pour accomplir vos missions, d’un second studio. Comme je l’ai dit en
octobre dernier, lors de ma conférence de presse sur l’action en faveur de la danse, il nous faut rester réalistes, nous ne réglerons pas toutes
les situations difficiles d’un seul coup, sur un seul exercice budgétaire !

Mais il est de notre responsabilité, ici à Caen, de lancer le mouvement,
de prendre l’initiative, et j’invite donc les collectivités locales partenaires,
ainsi que les services de l’Etat, à travailler ensemble, afin de trouver une
solution satisfaisante dans les meilleurs délais.

Je vous remercie.

Inauguration de l’exposition « les Normands en Sicile, XIe au XXIe siecles » au musée de Normandie à Caen

23 juin 2006

Madame le Député-Maire, Chère Brigitte Le Brethon,

Mesdames, Messieurs les élus,

Monsieur le Préfet de la Région Basse-Normandie,

Monsieur le Directeur régional des affaires culturelles,

Mesdames, Messieurs,

Je suis heureux de me retrouver ici parmi vous, sur le site chargé
d’histoire du Château de Caen. Nous venons de visiter les
nombreux chantiers que vous avez engagés. Ils sont à la mesure
de vos efforts et de votre énergie. Ainsi, grâce à vous tous, ce
monument emblématique retrouve progressivement son aspect
originel et toute sa signification.

Cette forteresse est d’abord celle de Guillaume le Conquérant,
héraut et symbole de votre région, bâtisseur remarquable et
unificateur de l’Occident médiéval, porteur d’un esprit de
conquête et de découverte, qui est au coeur de l’âme normande.

Telle qu’elle a été défendue et enrichie au cours des siècles, elle
rend compte, par son ampleur, du poids de votre histoire, du rôle
de votre cité dans l’identité et le rayonnement de votre région, et
de son apport dans la constitution progressive de notre nation.

C’est avec beaucoup de détermination et de constance que Caen
renoue aujourd’hui avec toute la richesse de son patrimoine, sous
tous ses aspects, depuis le moyen-âge qui l’a vu naître, jusqu’à
son histoire douloureuse durant le second conflit mondial.

Les musées sont à la fois des lieux de mémoire, d’éducation,
d’apprentissage, de compréhension et d’appropriation de notre
histoire. Ce sont aussi des lieux d’ouverture au monde et à l’autre.

Oui, aujourd’hui et c’est heureux, les musées bougent, se
transforment, pour répondre à de nouvelles attentes, tout en
assumant pleinement leurs missions de conservation et de
transmission aux générations présentes et futures.

Le Musée du Quai Branly, où j’ai accompagné il y a deux jours le
Président de la République, et qui ouvre aujourd’hui au public, est
tout à fait exemplaire de ce mouvement, de cette ouverture sur la
diversité culturelle du monde où nous vivons. Une diversité que
nous vivrons d’autant mieux dans le présent, que nous en
comprendrons l’histoire et la complexité.

Le patrimoine, c’est cela : ce sont à la fois nos racines, notre
présent et notre avenir. C’est pourquoi je suis très heureux de
célébrer avec vous cette année le 60è anniversaire du musée de
Normandie, musée de France, agrandi et restauré.

Il est frappant de constater que c’est au lendemain de la guerre et
des destructions considérables qu’elle a provoquées que s’ouvre
ce musée de Normandie, comme pour ancrer la reconstruction de
votre cité et de votre région dans le souvenir de votre histoire et la
richesse de votre passé.

Tel est en effet le rôle du patrimoine, conscience d’un héritage
partagé, fondement d’une identité, porteur d’une fierté, riche
d’enseignement, tourné vers l’avenir.

Votre musée est engagé de longue date dans une politique active
d’accueil des publics, de tous les publics, et je salue en particulier
les efforts que vous déployez en faveur des publics scolaires de
tous les quartiers.

Vous menez une politique ambitieuse d’expositions temporaires,
en partenariat avec les grandes institutions culturelles françaises
et étrangères, comme celle que nous venons de découvrir, sur les
« Normands en Sicile du XIe au XXIe siècles », qui a été conçue
en liaison avec l’Université de Palerme. Je tiens à saluer la
délégation sicilienne qui se trouve parmi nous et tout
particulièrement le Professeur Gabriella D’Agostino, commissaire
de l’exposition.

Cette remarquable exposition s’inscrit pleinement dans la vocation
de ce musée. Elle illustre à quel point l’histoire de la Normandie a,
tant de fois, rencontré et façonné l'histoire de l’Europe.

Cette grande aventure des seigneurs normands, engagés dans
des expéditions lointaines, comme mercenaires au service des
princes lombards ou byzantins, a pris la valeur d’une légende, qui
est ici mise en perspective et resituée dans sa vérité historique,
comme dans l’influence qu’elle a durablement exercé sur
l’imaginaire européen.

L’éphémère royaume normand a été pendant deux siècles, au
carrefour des civilisations, source de progrès, foyer de tolérance,
ferment de création artistique pour se prolonger dans la culture
savante, comme dans la culture populaire de notre continent.
Cette exposition montre enfin le rôle essentiel que les musées
peuvent et doivent jouer, par la coopération et les échanges
culturels, dans l’élaboration de perspectives nouvelles pour la
construction de l’Europe de demain, qui sera, j’en suis convaincu,
d’abord une Europe de la culture.

La France prend une part active à cette dimension essentielle de
la dynamique européenne, qui est ouverte sur le monde. Dois-je
rappeler son rôle, ainsi que celui de l’Union Européenne, dans
l’adoption, l’an dernier, de la convention de l’UNESCO sur la
diversité culturelle, qui sera dès mardi, après son passage au
Sénat, ratifiée par notre Parlement ?

Je vous remercie.

Remise des insignes de Chevalier dans l’Ordre du Mérite à Frederic Ebling

22 juin 2006

Cher Frédéric Ebling,

Je suis très heureux de vous accueillir aujourd’hui rue de Valois, pour
honorer en vous un homme d’action et de communication, un homme
de terrain et d’engagement, qui met aujourd’hui son expérience et son
talent au service de la grande cause de la cohésion sociale et de la
rénovation urbaine.

Après votre formation à l’Institut de Formation des Animateurs de
Collectivités, vous débutez votre carrière professionnelle dans le conseil
aux collectivités locales, en matière de gestion de ressources, de
programmation d’équipements socio-éducatifs et socio-culturels. En
1986, parallèlement à ces responsabilités, vous devenez l’assistant
parlementaire de Jean-Jacques Jégou, député du Val-de-Marne et
chargé de mission au conseil général du Val-de-Marne.

Trois ans plus tard, fort de cette première expérience, vous remplissez
la même fonction aux côtés d’André Santini, député des Hauts-de-Seine
et Maire d’Issy-les-Moulineaux. Directeur de cabinet à la mairie, vous
développez une grande expertise des problématiques locales, de la
gestion de proximité, des défis que représentent l’aménagement et le
développement d’une ville et d’un territoire, autant d’acquis qui vous
sont aujourd’hui extrêmement précieux dans votre engagement en
faveur de la rénovation urbaine.

En 1993, vous devenez conseiller du Président de la commission de la
production et des échanges à l’Assemblée nationale, André Santini.
Vous entrez dans nos murs deux ans plus tard, comme chef de cabinet
du Ministre de la Culture et de la Communication, Philippe Douste-
Blazy. Vous êtes ensuite chargé de mission, notamment pour la
coordination des actions des élus locaux dans le secteur culturel, et
pour la préfiguration de la Fondation du Patrimoine.

En 1997, vous êtes nommé à la Direction des affaires extérieures du
Groupe Canal Plus, en tant que chargé de mission. Vous gérez les
relations avec les institutions publiques régionales et locales, dans la
perspective des nouveaux services audiovisuels développés par la
chaîne en matière d’emploi, de formation et d’information. Vous êtes
notamment responsable du développement de la chaîne thématique
« Demain », consacrée à l’emploi. Avec le dynamisme et
l’enthousiasme qui vous caractérisent, vous développez un partenariat
avec l’Agence Nationale Pour l’Emploi, les collectivités locales et de
grandes entreprises, et créez ainsi un réseau solide, renforcé par les
reportages que vous commandez dans les régions en difficulté. Vous
devenez en 2002 adjoint au Directeur des relations extérieures de
Canal Plus, en charge des relations institutionnelles et parlementaires.

Après avoir été consultant auprès du Président-Directeur-général de
RTL en 2003 et 2004, vous êtes nommé Directeur des relations
extérieures de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, un
établissement public qui mène des actions exemplaires en faveur de
l’insertion, du cadre de vie, et de la cohésion sociale.

Qu’est-ce que la rénovation urbaine, si ce n’est la réflexion autour du
vivre mieux, ensemble ? En mobilisant, par des actions transversales,
les architectes et les professionnels du patrimoine, afin de repenser la
vie de nos cités, vous contribuez à en souder plus fortement les
habitants.

Au sein de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, vous
contribuez à faire de la culture une pièce maîtresse de cette action, en
vous fondant sur cette conviction, que nous partageons, que les arts
sont un langage fort, un moyen d’expression universel, capable de
restaurer ou de renforcer le lien social. Vous vous engagez en faveur de
l’installation d’ateliers d’artistes dans les zones urbaines sensibles, et
militez en faveur de l’implantation, dans ces mêmes quartiers,
d’établissements culturels de proximité. Ce travail, vous le menez en
concertation étroite avec le ministère de la Culture et de la
Communication, dont vous êtes aujourd’hui, avec l’Agence, l’un des
partenaires les plus déterminés, les plus efficaces, et les plus solides.

Frédéric Ebling, au nom du Président de la République et en vertu des
pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalier dans
l’ordre national du Mérite.

Remise des insignes de Chevalier dans l'ordre des Arts et des Lettres à Edith Robert

22 juin 2006

Chère Edith Robert,

Je suis très heureux de vous accueillir aujourd'hui rue de Valois, pour honorer en vous une
ambassadrice passionnée du patrimoine, qui a contribué à faire de la culture, un instrument
de développement, de rayonnement et de fierté pour votre cité, louée par Frédéric Mistral,
comme " la clef de la Provence ", tant elle symbolise à elle seule la richesse, la diversité, les
couleurs et la beauté de cette région.

C'est en effet à Sisteron, point de passage entre les Alpes, le Dauphiné et la Provence,
abrité par le roche dominant la cluse de la Durance, et protégé encore aujourd'hui par les
cinq tours d'enceinte que Prosper Mérimée parvint à préserver de la démolition, que vous
voyez le jour. Vous resterez toujours profondément attachée à ce patrimoine exceptionnel
qui a émerveillé votre enfance.

Après un cursus de sciences politiques et de droit public à la faculté de droit de Toulouse,
vous entamez en 1968 votre parcours professionnel à la commission des communautés
européennes à Bruxelles, comme chargée d'études. Deux ans plus tard, seulement, vous
enseignez déjà à l'université des sciences sociales de Toulouse en qualité de maître de
conférences.

De 1973 à 1974, vous êtes chargée d'études à la direction générale de l'ORTF, à Paris. Mais
c'est dans le secteur bancaire que vous accomplirez l'essentiel de votre carrière
professionnelle : à la Banque Française du Commerce Extérieur à Paris, tout d'abord, de
1975 à 1996, à la direction des études économiques et de la communication, avec le titre de
premier fondé de pouvoir de l'établissement ; au groupe NATEXIS Banque à Paris, ensuite,
de 1996 à 2001, en tant que responsable de la communication interne puis de la formation
des directeurs des ressources humaines du groupe.

Mais, je le disais à l'instant, vous êtes toujours restée profondément attachée à votre ville
natale, où vous décidez de vous investir en qualité d'adjointe au maire de Sisteron, déléguée
à la culture, de 1983 à 1985.

Vous menez des actions exemplaires en faveur de la culture, de la création d'une école
municipale de musique, à la création d'une biennale d'arts plastiques, en passant par
l'organisation de diverses expositions, concerts et colloques, l'acquisition d'oeuvres d'art pour
le musée de Sisteron (dont un tableau du peintre belge Iwan Cerf représentant Sisteron,
réalisé en 1920, et découvert par hasard chez un antiquaire parisien), et enfin l'organisation
du parrainage du village roumain d'Arini, menacé de destruction sous le régime de
Ceaucescu.

Je salue ce soir également votre engagement dans le domaine associatif. Vous assurez en
effet la présidence de l'association " Arts, Théâtre, Monuments " qui a pour objet la gestion,
l'organisation des " Nuits de la Citadelle ", l'un des plus anciens festivals de France, la
restauration et la mise en valeur de l'altière forteresse de la Citadelle de Sisteron, édifiée
entre le XIIIe et le XVIe siècles, que Henri IV aimait appeler " la plus puissante forteresse de
mon royaume ", mais qui fut bombardée en août 1944. Chaque année, depuis 1928, ce
symbole vivant de Sisteron, qui surplombe la ville et la Durance, en offrant une vue
imprenable sur la vallée, est pris d'assaut par les musiciens, les danseurs et les comédiens,
le temps d'une programmation exceptionnelle, qui réunit des spectateurs toujours plus
nombreux et fervents.

Vous avez fait de la culture, sous toutes ses formes, un atout maître du rayonnement et du
dynamisme de votre ville, qui est devenue une étape majeure dans le tour de France des
festivals d'été.

Edith Robert, au nom de la République, nous vous faisons chevalier dans l'ordre des Arts et
des Lettres.

Remise des insignes de Chevalier dans l'ordre des Arts et des Lettres à Christophe Berthonneau

22 juin 2006

Cher Christophe Berthonneau,

Je suis très heureux de vous recevoir aujourd'hui dans les salons de la rue de Valois.

Symbole de la nouvelle vague des artificiers à la fois artistes et génies de l'informatique,
vous avez enflammé les endroits mythiques de la planète, pour des spectacles grandioses et
hypnotiques, de la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de Barcelone, à
l'embrasement de la Tour Eiffel à l'occasion du nouveau millénaire, en passant par
Shanghaï, où j'ai partagé l'admiration de votre talent avec des millions de spectateurs et de
téléspectateurs chinois, mais aussi Wuhan et Chengdu, lors de l'année de la France en
Chine, pays du feu d'artifice s'il en est.

A 13 ans, déjà, vous remplacez le régisseur son et lumière du petit théâtre de la rue
Mouffetard, dans lequel jouait votre mère. Captivé par l'univers dramatique, vous vous
lancez dans le théâtre urbain, avec l'un de vos grands complices, Bruno Schnebelin, l'âme
de la troupe Ilotopie. Vous bricolez des effets spéciaux et des fumigènes, sur l'île du delta du
Rhône qui servait de base à la compagnie, enfermé dans un blockhaus de la seconde guerre
mondiale, dont vous ressortez régulièrement de toutes les couleurs. A cette époque, vous
travaillez également dans les aciéries de Fos-sur-Mer. Un jour, une coulée de fonte passe
juste à côté de vous, dégageant une vapeur terrible et allumant en vous le feu de la
pyrotechnie.

Vous travaillez pour plusieurs groupes d'artificiers, avant de devenir Directeur artistique du
Groupe F en 1990. Vous insufflez un style totalement nouveau, en faisant des explosifs des
matériaux de création à part entière, et de la combinaison des couleurs et des effets un
langage original. Profondément marqué par les arts de la rue, vous dégagez toute l'intensité
dramatique du feu, et cherchez sans cesse à en moduler la vitesse, la trajectoire, et la
progression, en véritable virtuose de la mise en scène.

Dès 1990, et pendant trois années de suite, vous réalisez les Grands feux de la Ville de
Lisbonne. En 1992, vous illuminez la Fête de la Saint-Jean à l'Exposition universelle de
Séville. La même année, vous montrez toute l'excellence de votre art lors de des Jeux
Olympiques de Barcelone, en concevant les décors de feu et les effets spéciaux du
spectacle pyromusical de clôture. Vous vous imposez rapidement comme l'artificier le plus
doué et le plus inventif de votre génération, comme un génie de l'art du feu, dont la créativité
et l'audace n'ont d'égale que la grande maîtrise technique.

Vous êtes très vite demandé aux quatre coins de la planète : vous mettez le feu aux poudres
pour l'ouverture du Festival des Arts de Wellington en 1996 et 1998, vous embrasez le ciel
de la cérémonie d'ouverture de la coupe du monde de cricket à Calcutta, en 1996, vous
faites exploser la joie des Français pour la clôture de la coupe du monde de football en 1998,
et vous enflammez le Stade de France pour le concert de Johnny Hallyday la même année.

Des lieux aussi divers que Dubaï, Cardiff, Londres, mais aussi le Futuroscope, le Puy-du-
Fou, les Champs-Elysées et le château de Chantilly vous doivent leurs plus belles
illuminations. La Dame de fer a subi plusieurs fois les assauts de vos hommes araignées, qui
l'ont escaladée pour tisser patiemment, méticuleusement, votre toile de lumière. Vous l'avez
faite scintiller pour le nouveau millénaire – les images ont fait le tour des télévisions du
monde – et danser la samba pour l'année du Brésil en France.

Véritable peintre de la nuit, vous réalisez des spectacles grand public, fédérateurs, qui
fascinent toutes les générations. Passeur de rêves, passeur de culture, également, pour
l'embrasement de la Tour Eiffel, le 14 juillet 2005, devant le Président Lula, vous avez mêlé
des airs de Peer Gynt, de Grieg, avec de la samba, une ambiance musette et un morceau de
Daft Punk.

Vous avez également créé, en collaboration avec Eric Noel, trois spectacles, Les Oiseaux de
feu, en 1994, Un peu plus de lumière, en 1997, et Joueurs de lumière, il y a deux ans, avec
Eric Travers.

Vos créations ont fait le tour du monde. Vous n'avez qu'un seul but – je vous cite – " rendre
les gens heureux. " Vous l'avez atteint.

Vous avez révolutionné l'univers de la pyrotechnie, en lui conférant une incontestable et
éclatante dimension artistique et culturelle. Vous avez donné corps aux créations les plus
audacieuses de votre imagination en inventant, avec votre équipe, des outils techniques et
artistiques uniques au monde.

Christophe Berthonneau, au nom de la République, nous vous faisons Chevalier dans l'ordre
des Arts et des Lettres.

Fête de la musique

21 juin 2006

Mesdames, Messieurs, chers Amis,

Il n'est bien sûr pas question d'un discours un jour comme celui-ci, mais
simplement de quelques mots d'amitié et de bienvenue : bienvenue et
bravo à vous, cher Charlie Miller.

Le grand musicien que vous êtes a aujourd'hui sa place parmi nous,
plus encore que de coutume, car vous avez été l'une des victimes du
terrible ouragan Katrina qui, l'été dernier, a ravagé la Louisiane et ruiné
tant de vies.

J'ai souhaité que l'ouverture de la 25ème fête de la Musique prenne les
couleurs du jazz et de La Nouvelle-Orléans, en témoignage de notre
solidarité. J'ai tenu, en novembre dernier, à me rendre personnellement
à La Nouvelle-Orléans, patrie de Louis Armstrong, pour annoncer les
mesures de soutien mises en oeuvre par le Ministère de la Culture.

C'est avec fierté que nous accueillons en résidence plusieurs musiciens
dans nos centres culturels de rencontre : Bruce Barnes, David Doucet
et Davis Rogan à Fontevraud, Al Johnson et Harry Butler au Château
de la Borie, Terence Blanchard à la Chartreuse de Villeneuve-lès-
Avignon, d'autres encore à l'Abbaye aux Dames de Saintes et à
l'Abbaye de Royaumont, et vous-même à l'Abbaye d'Ardenne. Sur un
autre plan, nous mettons en oeuvre une convention de partenariat entre
l'opéra national de Bordeaux et l'opéra de La Nouvelle-Orléans.

Votre présence ici auprès de Daniel Mille, Victoire du Jazz du Meilleur
artiste instrumental de l'année, illustre avec bonheur la complicité qui
unit les jazz américain et français. C'est pourquoi ce prélude dédié à la
musique bleue me semble somme toute bien adapté à une Fête de la
Musique placée cette années sous le signe…. de la francophonie.

Depuis 25 ans, la Fête de la Musique, qui réunit, en France, des
dizaines de milliers de personnes et, dans le monde entier, quelque
120 pays, offre l'écho du rythme et de l'enthousiasme au dialogue des
identités et des cultures. Je forme le voeux que la Fête de la Musique
reste toujours pour ceux qui aiment et font la musique ce rendez-vous
plein d'optimisme et de joie et je cède maintenant la parole à Patrick
Selmer qui, au nom de la maison qu'il dirige, l'une des plus anciennes et
des plus renommées de la facture instrumentale en France, a souhaité
offrir une trompette à Charlie Miller. Ce geste marque, de façon
évidente et symbolique, la solidarité des musiciens et professionnels de
la musique français avec leurs camarades de La Nouvelle-Orléans.

Je m’en réjouis et je vous en remercie, Cher Patrick Selmer.

Remise des insignes de Commandeur dans l’Ordre des Arts et des Lettres à Susan Graham

19 juin 2006

Madame, Chère Susan Graham,

Monsieur le Président des American Friends of the Louvre, Cher
Christopher Forbes,

Monsieur le Président-Directeur du Louvre, Cher Henri Loyrette,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis très heureux de vous accueillir aujourd’hui dans ces salons de la
rue de Valois, qui sont ceux de tous les amoureux du Louvre et de la
culture française.

Nous célébrons aujourd’hui l’amour de l’art et l’amitié
franco-américaine. Une amitié solide, profonde, forgée par l’histoire et la
culture, une amitié dont je salue aujourd’hui les représentants éminents
et passionnés que vous êtes. La fidélité, l’enthousiasme, le raffinement
avec lequel vous soutenez cette institution symbolique du prestige, de
l’histoire et des arts français, la générosité et la ferveur avec lesquelles
vous contribuez à leur rayonnement, de part et d’autre de l’Atlantique,
font de vous des ambassadeurs exceptionnels de la France aux Etats-
Unis, et je tiens, aujourd’hui, à vous témoigner toute la reconnaissance
de la République pour vos actions remarquables.

Vous jetez des ponts entre les deux rives de l’Océan, les ponts les plus
solides, puisqu’ils sont faits d’admiration et de respect mutuels. Ces
ponts, les visiteurs venus d’Amérique et du monde entier les
empruntent aujourd’hui après vous, plus aisément que jamais, puisque
grâce à vous, le musée du Louvre les accueille aujourd’hui avec le plus
grand confort, grâce notamment aux panneaux trilingues, réalisés avec
le soutien de la Fondation American Express. Je tiens aussi à citer en
exemple la traduction en anglais de la base Atlas sur le site Internet du
musée, et à l’installation d’un nouveau parc de micros et d’écouteurs
pour les visites conférences.

Votre générosité ne se limite pas à l’accueil des visiteurs et à la
logistique, pourtant essentiels. Vous avez également soutenu
l’exposition Girodet, qui voyage aujourd’hui aux Etats-Unis, avant de
s’offrir aux regards des Québécois, à Montréal, mais aussi l’installation
contemporaine de l’artiste Tunga sous la pyramide, symbole de ce
carrefour des civilisations, de ce lieu unique de rencontre entre les
siècles, les mondes, les langages, les civilisations, qu’est devenu
aujourd’hui, grâce à votre soutien, le musée du Louvre.

Je suis heureux de saluer devant vous l’action et l’engagement
exemplaires de Henri Loyrette, qui a su, avec toutes ses équipes,
relever le défi du nouveau contrat de performances passé avec le
Ministère de la Culture et de la Communication, pour en faire le point de
départ d’une politique ambitieuse et audacieuse de développement,
fondée sur une ouverture remarquable à l’autre, sur des collaborations,
sur des échanges et des amitiés solides, dont vous êtes les passeurs
enthousiastes.

Grâce à vous, grâce au soutien de la Florence Gould Foundation, et de
Ixis Capital Makets, le Louvre Leonardo School Exchange Program a
permis à une trentaine d’étudiants de la Frank Sinatra School of the
Arts, du Queens, de découvrir, à Paris, l’oeuvre de Léonard de Vinci.

L’année suivante, ce sont les étudiants du lycée Buffon, qui ont fait le
voyage dans l’autre sens, pour découvrir New York.

Oui, vous êtes des passeurs admirables, et je partage votre conviction
que l’art et la culture sont probablement les langues les plus propices au
dialogue entre les peuples.

La grande voix de Susan Graham, que nous avons l’honneur de
compter parmi nous aujourd’hui, et qui fait naître les émotions les plus
pures, aux quatre coins du monde, en est une preuve éclatante.

Chère Susan Graham,

Je suis particulièrement heureux et fier de rendre hommage aujourd’hui
à une interprète mondialement connue et reconnue, qui sert les plus
grandes partitions de la musique lyrique, avec une prédilection – qui me
réjouit énormément – pour le répertoire français.

Vous naissez au Nouveau-Mexique, dans la ville de Roswell, habituée,
dit-on, aux manifestations extraordinaires, mais c’est à la School of
Music de Manhattan que vous apprenez l’art du chant et perfectionnez
cette beauté du timbre, cette admirable maîtrise de la demi-teinte, et
cette diction parfaite, qui font de vous, aujourd’hui, l’une des plus
grandes artistes lyriques.

L’une des plus téméraires, également, et assurément l’une des plus
libres, capable de chanter le duo amoureux d’Idamante et d’Ilia sur un
cheval à bascule, dans Idoménée de Mozart, à l’Opéra de Paris que
vous honorez en ce moment en y incarnant une bouleversante
Iphigénie, dans l’oeuvre éponyme de Gluck.

Espiègle et comédienne, vous avez une prédilection pour les rôles
travestis, de Chérubin dans Les Noces de Figaro à Octavian dans Le
Chevalier à la Rose. Enflammée et envoûtante, vous préférez les
tableaux passionnés aux précisions de détail, l’expression à la fidélité
scolaire. C’est sans doute ce qui donne à vos interprétations ce souffle
magistral, en particulier dans les rôles complexes. La profondeur du
personnage de Sextus, dans la Clémence de Titus, de Mozart, emporté
par amour dans les affres de la trahison, vous a inspiré un jeu déchirant,
qui a bouleversé le public parisien. Vous avez également incarné deux
fois la légendaire Didon, dans Didon et Enée, de Purcell, et Les
Troyens, de Berlioz, livrant tour à tour une interprétation mélancolique et
tourmentée, puis rugissante et extravertie.

Vous avez servi aussi bien Gluck, Mozart, Haendel, Strauss, que Jake
Heggie, dans Dead Man Walking, en 2000 à San Francisco. Mais vous
ne cessez de revenir au répertoire français. Ainsi avez-vous enregistré,
dans votre dernier disque, des airs du Poème de l’amour et de la mer,
de Chausson, de Shéhérazade de Ravel, et de Cinq Poèmes de Baudelaire de Debussy. La France vous rend ce superbe amour que
vous lui vouez, puisque les ventes de vos enregistrements en France
vous placent au premier rang des artistes lyriques dans notre pays.

J’ai tenu devant vous tous à rendre hommage à une artiste
exceptionnelle, à une interprète libre et passionnée, mais aussi à une
ambassadrice éminente de la France à l’étranger. Car vous avez mis
votre immense talent au service d’une institution symbolique de l’identité
de la France, le musée du Louvre, en y donnant des concerts
prestigieux, auxquels ont été conviés les grands donateurs du musée.

Grâce à vous, le fameux ténor Paul Groves a également offert un récital
au Louvre aux principaux mécènes de l’établissement.

Votre voix donne une portée fabuleuse aux actions des American
Friends of the Louvre, auxquels vous offrez un soutien sans faille et le
prestige de votre nom. Je vous témoigne aujourd’hui toute la gratitude
de la France pour la contribution majeure que vous apportez au
rayonnement de ses arts.

Susan Graham, au nom de la République, nous vous remettons les
insignes de Commandeur dans l’ordre des Arts et des Lettres.

Obsèques de Raymond Devos – Saint-Rémy-lès-Chevreuse

19 juin 2006

C’est aujourd’hui au nom du Président de la République et du
Gouvernement que je rends hommage à Raymond Devos.

Ce merveilleux raconteur d’histoires était d’abord un comédien hors
pair, qui jouait avec une finesse et une expressivité surprenantes de la
présence et du mouvement incomparables de son corps, de la mobilité
de ses mimiques, de ses grands yeux qui roulaient à nous en donner le
vertige.

Si son talent l’a mené de cabaret en cabaret, depuis la Compagnie
Jacques-Fabbri, où il parfait son apprentissage, et des Trois Baudets
jusqu’aux plus grandes salles et sur les écrans de télévision, c’est qu’en
se risquant à l’écriture comme à la scène, il a magnifiquement illustré
cette grande tradition française et francophone, qui réunit le bateleur et
l’auteur, le joueur et l’artiste, le jongleur et le musicien.

Le verbe pantagruélique et jubilatoire de cet ogre de la langue française
jouait merveilleusement avec ses doubles, ses triples sens, ses nonsens
et ses contresens. Parce qu’il avait par dessus tout, comme l’a
écrit Bernard Pivot, « le don des mots », ce talent, ce génie de la
création poétique, il le mettait au service de cette injonction impérieuse :
« Protégeons le rire ! » Le rire subtil, le rire du comique, celui qui se
moque de soi et non des autres, le rire surgi au détour d’une phrase, le
rire qui libère les esprits et les coeurs.

A travers ses jeux de mots et de scène, le personnage principal de ses
sketches était en fin de compte toujours le langage, dont il avait fait la
matière même de son art. Il n’avait pas son pareil pour mettre en
évidence les quiproquos, les malentendus et les pièges auxquels nous
expose le simple fait, naturel, immédiat et quotidien, de parler. De
calembour en coq-à-l’âne, il tenait des publics de plus en plus
nombreux sous la force magique de son verbe : on riait, on riait, et avec
ses histoires inénarrables, cet homme de discrétion et de pudeur nous
tendait un miroir où se donnait à voir notre humaine condition.

Du Stentor homérique, Raymond Devos avait la voix et le corps, mais
aussi le courage, l’énergie et l’ardeur, dans ses performances
scéniques, athlétiques, où il se faisait tour à tour, ou tout à la fois, mime,
clown, comédien, musicien, équilibriste, et magicien. Un Stentor qui
n’aurait jamais trouvé de Mercure à sa démesure, capable de nous
laisser, comme lui, sans le souffle, comblés, rassasiés et ravis, Sens
dessus dessous.

Son art d’acrobate ou de funambule, son art de faire jaillir l’extraordinaire,
l’absurde et l’insolite, du banal et du convenu, d’être « pris en flagrant
délire » en construisant au fil des sketches un univers décalé, incongru,
suspendu aux étranges colliers de mots qui tombaient de ses lèvres, son
art unique a créé plus qu’un style, plus qu’une école, plus qu’une
génération. Il a créé un véritable esprit « Raymond Devos », qui lui assure
une place à part, une première place, au sein du Panthéon des grands du
rire et de la poésie. Cette trace indélébile, elle continue à marquer
profondément tous ceux qui se proposent, après lui, de faire rire sur
scène, tous les humoristes de notre temps, tous les amoureux des plis et
des replis de la langue, tous ceux qui grâce à lui, ont ri jusqu’à en pleurer.

C’est pour faire vivre cet esprit que le ministère de la culture et de la
communication a créé en 2003 le Grand Prix Raymond Devos, destiné à
récompenser le travail et le talent d’un artiste contribuant au rayonnement
et à la promotion de la langue française, dont il était le président
d’honneur. Il a reconnu le talent de Fellag en 2003, puis de Jean-Loup
Dabadie en 2004, des frères Taloche en 2005 et de Pierre Palmade cette
année.

Raymond Devos disait dans l’un de ses spectacles : « qui prête à rire
n’est jamais sûr d’être remboursé ». Qu’il soit rassuré : les publics
nombreux qui l’ont toujours suivi et applaudi, ne cesseront d’acquitter leur
dette.

Avec des millions de Français que vous avez fait rire, aujourd’hui
Raymond Devos, nous vous pleurons.

Assemblée générale de la fédération nationale de la presse spécialisée

19 juin 2006

Monsieur le Président de la Fédération nationale de la presse d’information
spécialisée (FNPS), Cher Jacques Louvet,

Messieurs les Présidents,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Tout d’abord, je tiens à vous remercier de votre invitation.

Mon attachement à votre famille de presse, qui accompagne chaque jour,
chaque semaine, chaque mois, la vie professionnelle et sociale, les
passions et les loisirs des Français, n’a pas varié depuis votre trentième
anniversaire, il y a dix-huit mois, qui avait mis en lumière votre rôle
essentiel dans le paysage des médias de notre pays.

Au-delà de l’information elle-même, vos titres, dans leur très grande
diversité, concourent aussi à la formation de nos concitoyens, dont la
presse spécialisée constitue l’un des outils indispensables. Elle permet de
fédérer les métiers, de créer des liens et d’entretenir un dialogue
permanent entre les lecteurs de vos publications.

Vous m’avez interpellé et j’ai bien entendu vos préoccupations.

Je sais que, en dépit du dynamisme de vos entreprises, dont vous avez
rappelé qu’elles emploient 15000 personnes et dont j’ajoute – ce que l’on
ne sait pas assez – qu’elles forment le secteur de la presse qui emploie le
plus de journalistes, en dépit de cette vitalité et de la compétence de vos
rédactions, la presse professionnelle, tout comme la presse quotidienne
d’information générale, connaît une baisse du lectorat.

Elle est confrontée aux mêmes défis que l’ensemble du secteur, liés au
développement de l’internet et de nouveaux modèles économiques, qui
prétendent s’appuyer sur la gratuité de la diffusion de l’information.

Cette crise, que vous décrivez et que vous analysez avec éloquence, vous
ne la subissez pas. Vous la vivez en réalité comme une mutation, aussi
riche de chances à saisir que lourdes de risques. Et vous ne manquez pas
d’audace. Je constate avec satisfaction que la presse spécialisée s’est
pleinement appropriée l’internet, sans doute parce que la Toile est un
vecteur particulièrement adéquat pour vous adresser à votre lectorat ciblé
et que par ailleurs, vous connaissez depuis plusieurs années la diffusion
qualifiée.

Comme je vous l’avais dit, lors des débats passionnants que vous aviez
organisés à l’occasion de votre trentième anniversaire, sur « la presse
d’information spécialisée aux sources de l’actualité », au sein d’un
environnement bouleversé par l’avènement des nouvelles technologies,
dans un monde où les sources d’information sont devenues quasiment
infinies, seules la mise en perspective de l’information, sa vérification et
son authentification scrupuleuse, sa lecture critique et sa hiérarchisation
permettent au lecteur de lui donner un sens et font la richesse
irremplaçable de l’information écrite spécialisée. Ce travail du journaliste
participe à la formation du citoyen, en lui offrant pleinement la possibilité
de s’inscrire dans la vie de la cité.

Ce travail, la presse spécialisée, dans son extraordinaire diversité, dans
son dynamisme, quelle soit médicale, sociale, culturelle, scientifique,
économique, agricole, juridique ou politique, est, j’en suis convaincu,
particulièrement bien placée pour le mener à bien aujourd’hui.

Vous avez évoqué en particulier la fiscalité de la presse en ligne.

Je sais que vous ne manquez ni d’audace ni d’initiative. Mais vous vous
préoccupez légitimement de votre environnement réglementaire, financier
et fiscal.

Vous savez que pour accompagner l’évolution de la presse vers le
numérique, la France a demandé à la Commission européenne
l’admission au taux réduit de TVA de la presse en ligne. Je rappelle que
l’extension du taux réduit de TVA à la presse électronique ne peut se faire
sans l’aval de l’Union européenne, et requiert de surcroît l’unanimité des
États membres. Sachez que la France est, pour l’instant, seule dans cette
démarche. Et c’est parce que notre demande n’a été soutenue par aucun
autre Etat, que nous n’avons encore pu obtenir satisfaction.

En revanche,
le texte de la directive sur les services en ligne n’a été reconduit que pour
une année, ce qui permettra à la France de renouveler sa demande
d’extension du taux réduit à la presse électronique dans un délai rapide,
après avoir sensibilisé, ce qui est essentiel, d’autres Etats membres à
cette question. Je sais que, compte tenu du caractère professionnel d’une
part non négligeable de vos abonnements, vous pouvez, plus que pour
d’autres catégories de presse, relativiser l’impact actuel de l’application du
taux de TVA de droit commun pour la presse électronique. Je sais aussi
que, la migration d’une partie de la distribution de vos contenus vers les
services en ligne peut contribuer à alléger vos charges. Mais l’enjeu est
très important et dans les jours qui viennent, avec Thierry Breton, nous
allons saisir la Commission européenne de ce sujet.

Vous entrez de plain pied dans la révolution Internet. Nous avons tous
conscience de l’ampleur des enjeux pour la presse dans son ensemble et
pour la presse spécialisée en particulier. C’est pourquoi je veillerai
particulièrement à ce qu’il ne soit pas porté atteinte aux intérêts du secteur
que vous représentez, dans le cadre de la discussion qui arrive à son
terme, de la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la
société de l’information. Vous m’avez fait part de vos inquiétudes relatives
au vote de deux nouvelles exceptions au droit d’auteur, l’une en faveur
des bibliothèques, la seconde dite à des fins pédagogiques.

Les intérêts de la presse ont été pris en considération au cours des
débats, tant à l’Assemblée qu’au Sénat, et je suis convaincu que le texte
qui sera définitivement adopté après la commission mixte paritaire,
s’inscrira dans cette logique. S’agissant de l’exception pédagogique, le
texte adopté au Sénat renvoie à des accords qui prendront la suite de
ceux qui ont déjà été négociés entre les titulaires de droits et le ministère
de l’Education nationale en préfiguration de la loi. Dès lors, la loi se borne
à consacrer la démarche contractuelle que vous avez entreprise à juste
titre et qui n’est pas vaine, mais au contraire renforcée par ce constat
législatif.

Quant à l’exception en faveur des bibliothèques, les conditions de
consultation prévues apparaissent vraiment à même de garantir son
innocuité.

J’ajoute qu’afin de favoriser la liberté d’expression à laquelle nous
sommes tous tant attachés, vous savez que j’ai défendu un amendement
qui permet de reproduire des oeuvres d’art dans un but d’information.

Tout en mettant tout en oeuvre et en mobilisant les services de l’Etat pour
accompagner les mutations profondes que vit le monde de la presse, je
n’oublie pas les préoccupations de la gestion quotidienne d’une entreprise
de presse. Vous avez évoqué l’acheminement postal de vos publications
à vos abonnés.

Je vous sais gré d’avoir souligné les efforts déployés par La Poste. Il est
essentiel qu’elle continue à dialoguer étroitement avec vous. Ainsi, la
réunion qui s’est tenue le 7 juin dernier sur la qualité du service offert
atteste de votre coopération permanente dans l’esprit des accords Etat-presse-
Poste signés le 22 juillet 2004. Il est clair que beaucoup a déjà été
fait. J’ai pris bonne note de votre perplexité critique. J’y vois une incitation,
pour chaque partenaire, à continuer à s’engager dans une démarche qui a
commencé à porter ses fruits.

Ainsi, conformément aux accords de 2004, une mesure nouvelle de la
qualité du service rendu par La Poste a été mise en place depuis mars
2006, qui nous permet de disposer d’une vision claire du délai
d’acheminement des publications chez les abonnés. Vous avez relevé les
progrès accomplis sur les publications non urgentes. Je note que
beaucoup reste à faire sur l’urgent.

Pour prolonger ce partenariat, je ne saurais trop vous conseiller de suivre
la voie tracée par quatre publications qui ont souscrit un engagement de
qualité de service avec La Poste. Dans l’attente d’une amélioration encore
accrue du service rendu, ces contrats permettent de bénéficier d’une
indemnisation en cas de défaillance du service postal.

Je sais, par ailleurs, la disponibilité de La Poste à répondre, par des
gestes commerciaux adaptés, aux éventuelles difficultés ponctuelles qui
pourraient se faire jour.

Enfin, s’agissant du tarif « mécanisable » que vous avez évoqué, je vous
engage à poursuivre l’examen paritaire des spécifications techniques
prévues par les accords de 2004. Ce tarif deviendra financièrement de plus en plus attractif pour les éditeurs. Je vous fais toute confiance pour
trouver, dans le dialogue, une solution aux difficultés que vous rencontrez.

Au total, près de deux ans après leur signature, la mise en oeuvre de ces
accords est plutôt satisfaisante. Bien sûr, cet engagement équilibré
impose un travail de coopération constant. Je ne doute pas de votre
volonté et de celle de La Poste de lui permettre de porter tous ses fruits.

Au-delà de vos relations avec la Poste et des défis de l’ère numérique, je
tiens, Monsieur le Président, à vous répondre sur le dispositif de soutien à
la presse dans son ensemble.

J’ai dit, au début de mon propos, les raisons pour lesquelles les efforts
des pouvoirs publics en faveur de la presse, essentiels au pluralisme, à la
diversité et à la vitalité de la démocratie, doivent être nourris et constants.

Je rappelle que la loi de finances pour 2006 a consolidé la croissance
sans précédent des aides publiques à la presse intervenue en 2005.

Dans
le contexte que vous connaissez, de forte contrainte sur les finances
publiques, le montant des crédits publics consacré au soutien du secteur
a ainsi augmenté de 30 % depuis 2004, pour atteindre 278 M-.

Cette croissance, cette persévérance et l’ampleur de ce soutien, marquent
la cohérence de l’action du Gouvernement et sa volonté d’accompagner
des activités structurantes, susceptibles d’orienter durablement le secteur
sur la voie du développement, de l’indépendance économique et de la
liberté éditoriale.

En ce qui concerne plus directement votre famille de presse, je tiens à
attirer votre attention sur le fait que, pour la première fois depuis 2002,
l’aide au développement des services en ligne des entreprises de presse
fait l’objet d’une dotation budgétaire. Le fonds que nous avons mis en
place permet notamment la mise en ligne des contenus de vos
publications, qui ont été pionnières et qui sont toujours très actives sur
Internet.

En outre, l’aide à la distribution et à la promotion de la presse française à
l’étranger a été réformée l’an dernier, afin de mieux aider l’acheminement
des titres et les efforts de prospection et de promotion engagés dans les
zones prioritaires. Pour cette année, cette aide est dotée de 3,1 M-.
Enfin, parce qu’il n’est pas de produit qui ne se vende sans réseau de
distribution performant, bien que cela ne concerne que 10 % de votre
diffusion, l’effort en faveur de la modernisation du réseau des diffuseurs
est renforcé, afin notamment de prendre en compte les besoins liés à
l’informatisation des points de ventes. Les crédits correspondants ont été
portés à 3,6 M- en 2006.

Comme vous le constatez, l’ensemble des besoins spécifiques de la
presse spécialisée sont pris en compte dans ce dispositif d’ensemble, qui
a bien pour objet de vous conforter dans vos métiers et dans vos projets.

Le système des aides à la presse n’est nullement remis en cause. Cibler
et s’assurer de l’efficacité des aides, ce n’est ni discriminer ni diviser, mais
garantir que vous pourrez vous appuyer sur ce socle solide pour asseoir
votre développement d’aujourd’hui et de demain.

Face aux défis majeurs que nous avons évoqués et que vous êtes prêts et
déterminés à relever avec succès, j’entends poursuivre l’adaptation des
dispositifs de soutien public au secteur, sans jamais méconnaître
l’impératif de solidarité qui doit continuer de prévaloir entre tous les
acteurs de la presse. Car cette exigence est le fondement d’un édifice
dont l’origine même ne cesse de nous rappeler qu’il est de notre devoir de
continuer à le construire jour après jour.

Je vous remercie.

Remise de la médaille d'or de Grand Mécène du ministère de la culture et de la communication à Pierre Berès – Fondation Pierre Bergé – Yves Saint-Laurent

19 juin 2006

Cher Pierre Berès,

Cher Pierre Bergé,

Mesdames, Messieurs,

" Monsieur, Il ne faut jamais retarder de faire plaisir à ceux qui nous ont donné du plaisir. La
Chartreuse est un grand et beau livre. Je vous le dis sans flatterie, sans envier, car je serais
incapable de le faire, et l'on peut louer franchement ce qui n'est pas de notre métier. Je fais
une fresque et vous avez fait des statues italiennes. Il y a progrès sur tout ce que nous vous
devons. "

Les Balzaciens, tout comme les Stendhaliens parmi nous, c'est-à-dire tous les amateurs de
littérature que nous sommes, car on ne peut sans doute l'aimer sans être soit l'un, soit
l'autre, soit les deux à la fois, auront reconnu la lettre d'éloges et d' " observations " écrite au
consul à Civita Vecchia, de seize ans son aîné, par l'auteur de la cinquantaine d'essais et de
nouvelles qui ne formaient encore que le prélude à La Comédie humaine, aussitôt après
avoir lu le texte imprimé dans les tout derniers jours de mars 1839, qui parut au début d'avril.

Soit plus d'un an avant le grand article publié dans la Revue de Paris, le 25 septembre 1840,
que Stendhal qualifia d' " étonnant, tel que jamais écrivain ne le reçut d'un autre ", où Balzac
déclarait : " M. Beyle a écrit un livre où le sublime éclate de chapitre en chapitre ".

Cette pièce maîtresse de notre littérature, ces cinq volumes dits interfoliés, où les grandes
feuilles vert d'eau couvertes de la main même de Stendhal d'encres et de crayon noirs,
intercalées avec les feuillets imprimés de la première édition, biffées, raturées, parcourues
de multiples renvois, striées de grands traits qui dardent leurs rayons sur le texte comme
ceux d'un soleil, cette " copie qui doit servir à la deuxième édition de la Chartreuse arrangé
par déférence pour les avis de M. de Balzac ", la voici.

Ce document est un véritable monument de notre patrimoine littéraire. Il n'a pas de prix, si ce
n'est celui, cher Pierre Berès, de votre immense générosité.

Vous faites par ce don – et est-ce un hasard du calendrier, le lendemain même de votre
anniversaire – un cadeau inestimable à la France, en lui permettant de conserver ce chef
d'oeuvre dans ses collections publiques. Ce geste est à la mesure de l'amour sans borne que
vous avez voué, toute votre vie, à la littérature et à nos grands auteurs. Un amour qui vous a
conduit à construire, patiemment, avec dévotion, votre Cabinet des Livres, cette bibliothèque
extraordinaire, dont chaque pièce est unique, et qui sera, comme l'on dit, dispersée et
surtout transmise demain.

Je suis particulièrement heureux et fier que votre collection constituée en France, votre vie
durant, soit vendue aujourd'hui en France par une maison française, sur la place de Paris.

Une telle vente marque, bien sûr, un événement exceptionnel. Elle témoigne aussi du
rayonnement international de notre marché de l'art.

L'Etat a bien sûr un rôle important à jouer, pour veiller au développement de ce marché,
comme pour assumer ses responsabilités dans le domaine patrimonial.

Mais, au-delà des
fonctions et des responsabilités que nous assumons pleinement, au titre de l'Etat, comme au
titre du marché, il y a d'abord ce soir une conversation, une rencontre, une émotion, une
énergie et une décision profondément personnelles et sincèrement humaines.

Ce soir, c'est d'abord cette rencontre entre le ministre de la République et le libraire, l'éditeur
passionné et prestigieux que vous êtes, qui porte ses fruits. Tel est aussi le sens de
l'hommage que je vous rends aujourd'hui. Je tiens à y associer ceux qui, autour de nous, y
ont contribué avec autant de discrétion que d'efficacité, et je veux tout particulièrement
remercier Pierre Bergé et Benoît Yvert.

Cher Pierre Berès, vous avez accumulé aussi religieusement que savamment, le long de 80
ans de passion, les traces de nos poètes " maudits ", de nos romanciers célèbres, de nos
orfèvres des mots, de nos dramaturges libres, constituant, plus qu'une simple collection, un
ensemble unique et bouleversant, reflet de l'âme et de la mémoire de notre nation.

Vous êtes l'ami de Picasso et de Colette, l'éditeur entre autres noms illustres de Roland
Barthes, de Louis Aragon, de Paul Morand, que vous avez tous connus, et bien connus, de
leur vivant.

Votre talent précoce, bientôt transformé en immense expertise, et votre instinct très sûr ont
fait de vous sans doute le plus grand libraire du monde. Vos mains ont caressé les
manuscrits les plus rares, suivi les lignes de nos plus grands auteurs, et tourné les pages les
plus illustres de notre littérature, pour les partager, parce que la transmission est au coeur de
votre métier, de votre passion.

Ces mêmes mains confient aujourd'hui aux miennes, qui les reçoivent au nom de l'Etat, les
précieux volumes de l'un des plus grands observateurs du coeur humain. La découverte des
pages noircies par un auteur que l'on aime est toujours un extraordinaire moment d'émotion,
comme si l'on pénétrait dans l'intimité et le recueillement de son écriture, dans les plis et les
replis de son imagination, dans les rouages de son génie créateur.

En ouvrant ces volumes, et tout particulièrement le premier, avec ses sept premières pages,
si abondamment corrigées et précédées de deux autres pages, plus petites et plus claires,
dictées et calligraphiées, et anciennement collées par deux petits morceaux de cire rouge,
nul doute que l'on pénètre plus profondément dans l'esprit de ce grand analyste des
caractères, que l'on saisit mieux la virtuosité avec laquelle ce grand maître de l'ironie
démonte l'héroïsme et la noblesse des sentiments de ses personnages, pour disséquer les
impulsions, les énergies, les volontés, les forces, qui les poussent à agir.

Nul doute que l'on s'imprègne mieux de son verbe allègre, de cette distance fine qu'il
instaurait avec ses personnages, pour y instiller sa dérision toujours subtile ou son mépris
parfois écrasant. Nul doute que l'on saisit mieux le labeur démiurgique de la création, en
parcourant les multiples ratures, les innombrables biffures, et les renvois en lettres
majuscules, qui s'entrechoquent et se complètent au fil des pages de cette oeuvre en train de
se faire sous nos yeux. Comme penchés par-dessus l'épaule de leur auteur, nous fouillons
avec lui les secrets des âmes de ses créatures. Plus, c'est sans doute la vérité de l'homme
Stendhal lui-même que nous approchons, avec la sincérité de la question posée par Fabrice
à Waterloo et surtout celle de la réponse de son interlocuteur :

– " Monsieur, c'est la première fois que j'assiste à la bataille, dit-il enfin au maréchal des logis
; mais ceci est-il une véritable bataille ?

– Un peu. Mais vous, qui êtes-vous ? "

C'est le pur génie à l'oeuvre, que vous nous offrez, que vous offrez à la France, avec ce
trésor.

" Hélas, rien n'annonce le génie, peut-être l'opiniâtreté est-elle un signe ", écrivait Stendhal
dans la Vie de Henry Brulard. Ces grands feuillets verts pâles ne le démentent pas.

Cher Pierre Berès, la France vous est profondément reconnaissante du geste que vous
faites ce soir.

Par ce don magnifique, vous faites entrer dans les collections publiques la quintessence de
la production littéraire française du XIXe siècle. C'est l'apothéose d'une carrière tout entière
consacrée aux livres et aux textes. Non content d'avoir porté jusqu'à nous ce document
inestimable, vous en assurez aujourd'hui la permanence et l'inscription définitive dans le
patrimoine national. Sa transmission aux générations futures est désormais garantie.

Ce trésor, dédié par son auteur aux seuls happy few, aux esprits supérieurs, aux
cognoscenti capables de l'apprécier, est aujourd'hui offert par vous à toute la nation
française.

Du fond du coeur, je vous remercie.

Pour ce don, qui vient s'ajouter à d'autres gestes, déjà réalisés par le passé, pour vous
témoigner la reconnaissance de la nation envers votre vie de travail et de talent consacrée
au patrimoine et à la création littéraire, je suis heureux et fier de vous remettre ce soir, cher
Pierre Berès, la médaille d'or de Grand Mécène du ministère de la culture et de la
communication.