Rubrique ‘Discours 2004’

Remise des insignes d'Officier dans l'Ordre national de la Légion d'Honneur à Claude Berri

2 novembre 2004

Monsieur le Président,

Cher Claude Berri,

Je suis très heureux d’avoir ce soir, entouré de vos amis,
l’occasion de vous dire mon admiration personnelle, mais aussi et
surtout de vous témoigner la reconnaissance de la République
pour ce que vous apportez au patrimoine cinématographique
français et international.

Avec constance, depuis de nombreuses années, comme metteur en
scène, comme producteur, comme acteur, et depuis peu comme
Président d’une institution patrimoniale ô combien prestigieuse, la
Cinémathèque française, artiste vous-mêmes, vous avez aussi mis
votre talent au service du talent des autres.

Rares sont les professionnels du cinéma qui, comme vous, sont de
manière aussi complète, à la fois de véritables hommes de l’art, et
de grands entrepreneurs.

Homme de l’art, Homme des arts devrais-je dire, car aucun art ne
vous est étranger. Vous aimez l’écriture et le théâtre, la peinture contemporaine et le cinéma : vous avez choisi d’exprimer votre
talent dans le 7e art, mais vous auriez aussi bien pu exceller dans
les autres.

Votre oeuvre s’inscrit dans l’histoire comme un modèle de diversité
et de courage. C’est sans doute cela qui vous a permis de devenir
un producteur et un auteur populaire, soucieux de toucher le public
le plus large en lui parlant avec sensibilité et talent des choses de
la vie. Vous n’aimez pas le cinéma confidentiel. Vous pensez qu’on
peut être un auteur et s’adresser au plus grand nombre et vous
avez prouvé que vous aviez raison.

J’ai plaisir à énumérer ici quelques titres de vos films : comme
réalisateur, Le vieil homme et l’enfant, Tchao Pantin, Jean de
Florette, Manon des sources, Germinal et, nous l’espérons tous
bientôt, L’un reste, l’autre part, votre prochain film; comme
producteur : L’ours, L’amant, les deux Astérix et Obélix, Gazon
maudit, Didier, La reine Margot, Ma femme est une actrice, on
pourrait allonger la liste à l’infini.

Tout cela vous a valu des jalousies, des relations difficiles avec
une certaine critique, mais cela vous a valu surtout le respect et
l’admiration de vos pairs, des amitiés indéfectibles et un statut
unique dans le cinéma français : le film qui vous a été récemment
consacré ne s’intitulait-il pas « Le dernier Nabab ».

Animé par des convictions fortes et un jugement hors pair, vous
pouvez vous investir avec la même passion pour un cinéaste
inconnu que pour un projet pharaonique. L’argent n’entre jamais en
compte quand il s’agit de le mettre au service du talent. Pour
produire Tess de Roman Polanski vous n’avez pas hésité à mettre
votre société en péril.

Le film a reçu six nominations aux Oscar et en a gagné trois.
Votre ami François Truffaut parlait de votre instinct. Vous préférez
parler de votre inconscient : un inconscient que vous suivez et qui,
pour vous, ne peut se tromper. Un inconscient qui vous dirige
aujourd’hui vers de jeunes talents tel Yvan Attal ou bientôt Abdel
Kéchiche dont vous avez, comme nous, admiré L’esquive.

Vous laissez une grande liberté à vos metteurs en scène sur leurs
tournages. Peut-être, tout comme on ne dirige pas un comédien –
vous aviez appris avec Michel Simon dans Le vieil homme et
l’enfant « qu’un acteur, ça ne se dirige pas, ça se choisit » – de la
même façon, ne dirige-t-on pas un metteur en scène quand on est
producteur, on le choisit.

Il vous est arrivé de trembler en devant laisser faire certains d’entre
eux. Votre jugement – pardon, votre inconscient – vous a cependant
rarement trompé !

Et puis je crois que, créateur vous-même, vous avez tout
simplement un profond respect pour le processus de création.

Vous faites donc confiance à vos metteurs en scène.

Récemment, vous avez été élu Président de la Cinémathèque
française. Vous avez ainsi souhaité exprimer votre attachement à
cette institution et votre désir de la voir s’ouvrir aux publics les
plus larges. Vous vous êtes investi dans cette tâche avec la
passion qui vous caractérise. Je sais que vous saurez
accompagner son installation rue de Bercy à l’automne prochain.

Je ne voudrais pas finir sans parler de l’homme le plus important
de votre vie : votre père. « Pour moi, mon père c’était une star »,
dites-vous. Vous avez écrit ensemble Le cinéma de papa que vous
avez réalisé en 1970 et qu’il aurait dû interpréter ; cette expérience
partagée a été le grand bonheur de votre vie.

Ce père disparu trop tôt vous a fait un premier cadeau en vous
faisant naître à une adresse prédestinée : « Passage du Désir » !
Et de désirs, nous n’en avez jamais manqué ! Et surtout, il n’a
jamais douté de vous, même dans les moments les plus difficiles,
jamais douté de votre réussite et de votre talent. « Il faut, à tout
prix, que tu leur donnes les cartes » vous disait-il sans cesse. Je
crois que vous y avez réussi au delà de toutes ses espérances.

Ces citations, je les tiens de la lecture de votre Autoportrait, qui est
plus qu’une autobiographie, plus qu’un journal. Je dois vous dire
que j’ai été très ému à la lecture de ce livre magnifique, par votre
qualité d’écriture, par votre franchise, que certains ont pu même
qualifier d’impudeur. C’est le livre d’un homme à vif, d’un homme
qui se livre, d’un homme qui se met à nu avec une sincérité rare.

Une sincérité qui me fait penser à ces mots, à ces conseils de
Cocteau, que votre vie me paraît illustrer : « la sincérité de chaque
minute, même lorsqu’elle offre une suite de contradictions
apparentes, trace une ligne plus droite, plus profonde que toutes
les lignes théoriques auxquelles on est si souvent tenu de sacrifier
le meilleur de soi ».

Cher Claude Berri, au nom du Président de la République et en
vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons
officier dans l’ordre de la Légion d’Honneur.

15e Rencontres cinématographiques de Beaune

22 octobre 2004

Mesdames, Messieurs,

chers amis,

Je me réjouis d'être ici, pour la première fois, à vos côtés. Et je tiens à remercier l'ARP et les
organisateurs de ces Rencontres de m'avoir invité à y participer.

Je sais que de Beaune jaillissent, dans le dialogue et les débats que nous allons avoir, non
seulement les idées nouvelles, mais aussi et surtout, les propositions de réforme.

C'est dans cet esprit que je veux avec vous relever les défis de l'avenir.
Et je me réjouis que nous commencions par la diversité culturelle en Europe et dans le
monde.

La diversité culturelle, dont le cinéma est l'expression même.

La diversité culturelle qui est, non seulement une ambition française, mais aussi une
ambition européenne.

Une ambition à proposer au monde, dans le dialogue, pour affirmer avec force l'égale dignité
de toutes les cultures et le rayonnement des valeurs qui nous sont chères. Des valeurs que
je crois profondément européennes et qui sont à partager avec le monde entier : au premier
rang de ces valeurs, la création, la liberté – liberté de créer, liberté de rêver, le respect de
l'autre – l'accès de tous à la culture.

Ces valeurs sont autant d'enjeux économiques pour cet art qui est aussi une industrie, le
cinéma, dans une mondialisation où ne peuvent régner les seules règles du marché. Car il
n'y a rien de plus étranger au génie humain que l'évolution vers une civilisation uniforme qui
ne respecterait pas la diversité des cultures.

Je me réjouis aussi que les débats de ce matin soient prolongés, lors de ces Rencontres, par
une réflexion stimulante sur les nouvelles technologies.

Des technologies qui sont lourdes, nous le savons, de menaces pour la création et pour la
diversité culturelle. Mais j'ajoute aussitôt que je suis convaincu que l'ère du numérique qui
s'ouvre devant nous est aussi riche de perspectives de croissance passionnantes pour
l'industrie cinématographique, comme pour tous les amoureux du cinéma que nous sommes.

Je compte beaucoup sur nos débats, sur vos propositions, sur nos échanges.

Et je souhaite que ces 14èmes Rencontres, résolument ouvertes sur l'Europe et sur le
monde, qui sont notre horizon commun, nous permettent de jeter les bases d'une "nouvelle
alliance" que j'appelle de mes voeux, entre le cinéma, la diversité culturelle et les nouvelles
technologies.

Enfin je me félicite que ces rencontres soient l'occasion pour nous tous d'allier travail et
plaisir. Le charme de Beaune tient aussi à ces événement conviviaux qui nous sont
proposés ici. Je pense notamment au dîner dans les Hospices et aux projections, bien sûr,
comme celles du Silence d'Orso Miret, d'Holy Lola de Bertrand Tavernier, ou encore de
L'équipier de Philippe Lioret.

Je vous remercie.

ANNONCES POUR LA REGULATION DU MARCHE DE LA VIDEO (SUITE DU RAPPORT
FRIES)

Je sais qu'ici l'an dernier vous aviez mis l'accent à juste titre sur les problèmes de régulation
du marché de la vidéo.

Lors des Rencontres professionnelles de Beaune 2003, les auteurs et réalisateurs du
cinéma avaient souhaité que des mesures soient prises par les pouvoirs publics pour une
meilleure régulation du marché de la vidéo. La contribution du secteur de la vidéo au cinéma
leur semble insuffisante. En particulier, ils reprochent aux éditeurs vidéo le manque de
transparence du marché, le développement d'opération à prix bas, et l'insuffisance de la
remontée de recettes pour les films français. Par ailleurs, les auteurs et réalisateurs estiment
que le principe de rémunération proportionnelle au prix payé par le public prévu par la loi
n'est pas respecté.

Je sais la grande attente des professionnels sur ce sujet, comme en témoignent les
différentes plateformes que je viens de recevoir. Le groupe de travail mis en place par le
CNC va faire des propositions dans des délais rapides notamment sur l'accord global
possible entre les ayant droits et les éditeurs ainsi que sur les améliorations à apporter au
compte de soutien.

D'ores et déjà, des mesures doivent sans tarder être prises. Je souhaite en préciser les
contours.

1. Je vous annonce La création d'un baromètre de la vidéo, permettant de disposer
régulièrement d'une batterie de chiffres fiables, comme il en existe pour le cinéma ou la
télévision. Cette mesure fait l'objet d'un très large consensus. Ce baromètre, qui sera géré
par le CNC et permettra de disposer de données statistiques périodiques et transparentes
sur l'état du marché. Je crois que cela répondra à un réel besoin et à une demande de
l'ensemble du secteur.

2. Plusieurs groupes de travail vont prochainement se mettre en place entre le CNC et
les professionnels pour évoquer un certain nombre de mesures qui ont reçu un accueil de
principe favorable mais dont il faut mettre au point les modalités et arbitrer la répartition des
efforts. Il s'agit notamment : – de rendre plus lisible la grille des prix du DVD pour le
consommateur. Le développement de certaines opérations de braderie, sur internet par
exemple, et d'opérations de promotion dans lesquelles le DVD joue un rôle de " produit
d'appel " pour certains grands journaux mais aussi pour des produits alimentaires,
contribuent à brouiller gravement pour le grand public la compréhension de la valeur d'un
DVD. Je souhaite saisir le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (et
plus précisément la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la
répression des fraudes (DGCCRF) de ce problème, pour évoquer la notion de prix
abusivement bas et de vente à perte. Une prochaine modification de la loi Galland, suite
au rapport Canivet, offre peut-être une occasion de clarifier les règles du jeu, sachant qu'il ne
s'agit en aucun cas de s'opposer à la baisse normale du prix d'un DVD au cours de sa
carrière commerciale.

– d'entreprendre la normalisation et la standardisation de certaines clauses
contractuelles entre les éditeurs et les ayants droit, telle que l'obligation d'obtenir
l'accord explicite de l'auteur pour pouvoir procéder au déclassement d'une oeuvre.

– de rapprocher les modes de rémunération des auteurs des dispositions légales. Cela
suppose d'identifier strictement le chiffre d'affaires exact réalisé par un titre, ce qui se heurte
aux pratiques des fameuses " marges arrière ".

– d'instaurer un dialogue permanent avec les distributeurs détaillants, qui sont
demandeurs, et peuvent aussi devenir partenaires.

3. Dans un troisième temps, et selon le cheminement des accords professionnels, les
pouvoirs publics pourront toujours en liaison avec les professionnels, faire évoluer
les règles d'accès au compte de soutien, tant automatique que sélectif, dans le sens,
notamment, de :

– conditionner l'accès aux aides du CNC (automatique et sélective), à un comportement
vertueux ;

– renforcer les sanctions contre les éditeurs qui ne déclarent pas leur activité ;

– augmenter le nombre d'éditeurs et de producteurs qui bénéficient de l'automatique ;

– réduire de 5 à 3 ans le délai de mobilisation des crédits disponibles ;

– encourager l'utilisation de l'aide automatique au préfinancement des films, au moment du
tour de table des producteurs et non plus seulement par l'acquisition tardive de minimum
garantis (MG) une fois le film terminé.

Ces actions devront être menées en accompagnement des efforts des professionnels et non
pas isolément. Tel est le sens du travail que j'ai souhaité entreprendre, avec le concours de
tous.

LA CONVENTION SUR LA DIVERSITE CULTURELLE A L'UNESCO
(calendrier et procédure)

1. Lors des deux précédentes éditions des Rencontres, je sais que vos débats avaient porté
sur l'opportunité d'élaboer, à l'UNESCO, une Convention mondiale sur la diversité culturelle.

J'ai aujourd'hui le plaisir de vous indiquer que les travaux gouvernementaux ont été
officiellement lancés le 20 septembre dernier à Paris. La présence de près de 600 délégués,
représentant 132 pays, à Paris a montré l'intérêt que suscite cette Convention. Les débats
animés, qui m'ont été rapportés, ont permis de souligner que tous s'accordaient sur la
nécessité de préserver et promouvoir la diversité culturelle par un nouvel instrument, qui
comblait un vide du droit international. Il y a à peine deux ans que le Président de la
République a, pour la première fois, à Johannesburg en septembre 2002, émis le souhait de
voir adoptée une telle Convention à l'UNESCO, ou que les ministres de la culture du RIPC
produisaient la première ébauche d'" instrument international " sur la diversité culturelle.

C'est dire combien les choses ont avancé vite, et nous devons tous nous en réjouir.

2. L'objectif de l'adoption de ce texte en 2005 reste d'actualité. Deux réunions d'experts
gouvernementaux à Paris nous séparent de cette échéance, elles se tiendront à l'UNESCO
en janvier-février 2005 puis en mai-juin 2005. Au terme de ces travaux, une version finale du
projet de texte sera transmise aux Etats pour que la Conférence générale de l'automne 2005
puisse l'adopter.

(enjeux)

1. Les enjeux de ce futur texte sont considérables. Il s'agit de faire reconnaître sur la scène
internationale :

– le droit plein et entier des Etats à soutenir la création ;

– la spécificité des biens et services culturels, qui ne sont pas des marchandises comme les
autres ;

– la nécessité de la coopération et de la solidarité internationale. En effet, la diversité
culturelle ne saurait justifier un repli sur notre identité culturelle. Elle implique, par définition,
une ouverture aux autres cultures.

2. Pour que ce travail ait toute son utilité, il faut aussi veiller à ce que que la Convention soit
effective, c'est-à-dire qu'elle trouve sa place dans l'ordre juridique international au côté des
autres traités existants. Elle ne saurait être subordonnée aux traités commerciaux, comme
ceux de l'OMC. Elle doit pouvoir y être opposable. C'est tout l'enjeu de la définition d'une
articulation convenable entre cette Convention et les autres traités internationaux et
beaucoup d'efforts sont encore à fournir pour y parvenir.

(position américaine)

1. Je voudrais terminer ce point sur la Convention UNESCO en soulignant l'évolution de
l'attitude américaine. Leur position me semble avoir évolué et je crois que nous devons nous
en féliciter. J'ai noté que, contrairement aux craintes de certains, ils avaient abordé la
négociation UNESCO de manière positive et constructive.

2. Il ne s'agit pas ici d'être naïf, de nier les divergences qui caractérisent nos approches de la
diversité culturelle mais de bien comprendre que seul le consensus international permettra à
la Convention d'être ratifiée, donc effective. C'est pourquoi je souhaite renouer le dialogue
avec nos partenaires américains, sans renoncer en rien à nos objectifs, mais pour éviter
qu'une opposition stérile entre nos deux pays ne prive la future Convention de toute
effectivité.

(mobilisation des professionnels)

1. Je sais que je peux compter sur vous pour soutenir ces efforts. Au travers de la Coalition
pour la diversité culturelle, dont l'ARP est un membre actif, vous avez accompagné toutes
les étapes de ce processus. Vous m'avez régulièrement fait part de vos commentaires, de
vos attentes, voire de vos inquiétudes et je vous remercie de cette collaboration. Les
dernières Rencontres internationales des organisations professionnelles de la culture à
Séoul (1-4 juin 2004) ont fourni une caisse de résonance à l'avancée des travaux à
l'UNESCO, tout comme la réunion organisée à l'UNESCO par les professionnels associant
tous les Ambassadeurs.

2. Je souhaite pour ma part que l'ensemble des professionnels, notamment ceux du cinéma
ici présents, continuent à se mobiliser sur ces discussions essentielles.
Transition : la France se réjouit du soutien très large de nombreux pays européens à
l'élaboration d'une Convention à l'UNESCO, dont l'Espagne, qui permettra l'émergence d'une
position communautaire solide. En tant qu'européens convaincus, nous pensons que
l'Europe, riche de sa propre diversité, doit peser dans les négociations. Nous souhaitons une
coordination, ce qui ne doit pas empêcher les Etats membres de faire valoir leur diversité.

L'EUROPE DE LA CULTURE ET LE PROJET DE TRAITE CONSTITUTIONNEL

1. L'évolution du cadre international doit s'accompagner d'une évolution parallèle au niveau
communautaire. Une meilleure reconnaissance des enjeux liés à la diversité culturelle à
l'UNESCO portera ses fruits si, au niveau communautaire, elle est mieux prise en compte.

2. C'est pourquoi nous devons nous rejouir que la place de la culture dans le projet de traité
constitutionnel soit améliorée :

– la diversité culturelle est élevée au rang des objectifs et des valeurs de l'Union.

– le projet d'article 181-5 (ex article 151-5), qui fonde les actions de l'Union en matière
culturelle, prévoit le passage à la majorité qualifiée du processus de décision. Ainsi, la durée
de négociation d'un programme culturel sera réduite et de véritables priorités pourront lui
être imprimées.

– Les accords relatifs au commerce des services culturels et audiovisuels continueront à
relever de l'unanimité " lorsque ceux-ci risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et
linguistique de l'Union ". Le projet maintient donc notre droit de véto et confirme le principe
de la préservation de la diversité culturelle, y compris en matière de politique commerciale.

L'ambition européenne en matière audiovisuelle et de cinéma :

– le programme MEDIA. La négociation du programme qui succédera à MEDIA+ en 2007
s'ouvre à peine, et durera sans doute jusqu'à 2006. J'aurai l'occasion de faire part de nos
premiers commentaires au prochain Conseil des Ministres. Je sais que le projet de la
Commission, qui reprend les principaux mécanismes, a été bien accueilli par les Etats
membres. Les propositions nouvelles répondent d'ailleurs assez largement aux demandes
de la France, telles qu'exprimées par les professionnels lors des consultations organisées
par le CNC.

– Diversité culturelle et aides d'Etat : à cet égard, je crois qu'on ne peut pas à la fois défendre
la diversité culturelle et interdire les aides aux industries culturelles : ce serait une
incohérence. Je souhaite sensibiliser rapidement la nouvelle Commission sur ce dossier, et
j'ai prévu de rencontrer les Commissaires concernés dès novembre, dans le cadre de la
discussion en cours sur le renouvellement du système français.

LA DIRECTIVE " TELEVISION SANS FRONTIERES "

Afin de favoriser la promotion de la diversité culturelle et d'encourager la compétitivité de
l'industrie européenne de programmes, la directive " télévision sans frontières " (TVSF) fixe
des obligations de diffusion des oeuvres européennes et de soutien aux oeuvres émanant de
producteurs indépendants. Les services de radiodiffusion télévisuelle doivent réserver une
proportion majoritaire de leur temps de diffusion à des oeuvres européennes (article 4) et au
moins 10 % de leur temps d'antenne ou de leur budget de programmation à des oeuvres
européennes émanant de producteurs indépendants (article 5).

I. – Les quotas de la directive TVSF sont globalement bien respectés

Le 28 juillet 2004, la Commission a adopté son 6ème rapport sur l'application des quotas,
dans lequel elle conclut que, globalement, les articles 4 et 5 de la directive TVSF sont bien
appliqués. Les proportions observées sont largement supérieures à celles fixées par la
directive TVSF. Ainsi, en 2002, dans les quinze États membres, le temps de diffusion moyen
réservé à des oeuvres européennes s'élevait à 66,10 % et la proportion des oeuvres de
producteurs indépendants diffusées sur l'ensemble des chaînes européennes était de 34,03
%.

Les quotas sont efficaces.

II. – L'avenir des quotas dans le contexte de la révision de la directive TVSF

Lors du réexamen de la directive " télévision sans frontières " mené courant 2003, la
question de la modification du système des quotas a été posée. A l'issue de la consultation
publique de l'ensemble des acteurs concernés, la Commission a pris position pour le statu
quo, à ce stade. Elle entendait ainsi se réserver le droit de modifier sa position en fonction
des résultats de l'étude sur l'impact des quotas, confiée au cabinet britannique David
Graham.

Cette étude, qui est en cours de réalisation, a fait l'objet d'une présentation d'étape par le
cabinet David Graham, le 14 octobre dernier à Bruxelles. La présentation a été relativement
neutre, le consultant ayant indiqué qu'il se contenterait de rassembler des données
factuelles, notamment sur les effets spécifiques des articles 4 et 5, et laisserait à la
Commission le soin de tirer des conclusions sur l'impact des quotas, et a fortiori de formuler
des recommandations. Les réactions des professionnels ou représentants des États
membres présents ont surtout porté sur les choix méthodologiques. Les résultats définitifs de
l'étude devraient être connus au premier trimestre 2005.

En conséquence, il convient de rester vigilant quant aux résultats de l'étude et aux
réactions de la Commission qui pourrait proposer des évolutions du dispositif des
quotas lors de la révision de la directive TVSF, qui débutera au plus tôt fin 2005. Le
maintien des quotas dans leur forme actuelle doit être défendu car il constitue
incontestablement un moyen propre à garantir l'objectif fondamental de promotion de
la diversité culturelle.

L'engagement de la France pour la diversité culturelle au sein de l'Union européenne
se traduit à minima par une défense de la notion d'oeuvre (déjà très large dans le texte
de la directive) et des quotas de diffusion et de production ainsi que la défense de la
définition de la production indépendante (nous sommes attaqués sur ce sujet à
Bruxelles sur les liens capitalistiques qui peuvent unir en France les diffuseurs et les
producteurs). La diversité culturelle n'est pas seulement la juxtaposition des oeuvres
nationales mais aussi l'émergence de plus d'oeuvres européennes (coproductions), ce
qui est lié à Media Plus.

Media 2007

La proposition de la commission, qui va à présent être discutée et amendée au Conseil
comme au Parlement européen sur l'année à venir, est une bonne proposition. Elle reconduit
les grands objectifs et axes de MEDIA Plus, qui se sont révélés efficaces, et introduit des
mesures innovatrices importantes (prise en compte du numérique, instrument financier pour
faciliter le crédit bancaire…)

La proposition budgétaire, sur laquelle nous n'avons pas à nous prononcer formellement à
ce stade, nous semble satisfaisante aussi. Elle nous paraît compatible avec la position
française générale sur le prochain budget de l'Union Européenne.

Nous mènerons cette négociation qui ne fait que s'ouvrir, en concertation étroite avec vous,
car je sais combien ce programme a pris d'importance pour le secteur en France. Le CNC
entamera d'ailleurs dans les semaines à venir la consultation des organismes professionnels
sur le projet de texte.

Piraterie

Promouvoir la diversité culturelle c'est, avant tout, soutenir et garantir la création. Or, la
création est en danger lorsque les oeuvres de l'esprit sont pillées. Selon une étude récente
du CNC, un million de films sont échangés chaque jour sur Internet, soit le double des
entrées en salles et cinq fois plus que les ventes de DVD.

C'est pour assurer le respect de la création, la juste rémunération des artistes et la garantie
d'une offre culturelle diversifiée que j'ai annoncé en juin dernier (à l'occasion du Colloque sur
le piratage et les industries culturelles), un plan d'action gouvernemental. Cet ensemble de
mesures témoigne de l'engagement du gouvernement tout entier. Il consiste notamment à
améliorer la sensibilisation du public et à accroître la coordination des actions de l'Etat avec
les initiatives des professionnels. Je souhaite qu'il aboutisse à la mise en place d'un véritable
plan européen de lutte contre la piraterie, comme je l'ai dit à mes homologues européens.

Je me réjouis à cet égard que les " CNC européens " aient prévu d'organiser, en janvier
prochain, à l'initiative du UK Film Council, une rencontre autour de l'ALPA et de ses
homologues européens.

Favoriser le dialogue entre les acteurs sur la mise en place d'une offre légale et payante sur
les réseaux est une priorité. A cet effet, et en ma présence, ainsi que de celle de M. Nicolas
Sarkozy, Ministre d'Etat, Ministre de l'Economie et des Finances, et de M. Patrick Devedjian,
Ministre délégué à l'Industrie, une Charte d'engagements entre les fournisseurs d'accès à
Internet et les auteurs et producteurs de musique a été signée le 28 juillet 2004 à l'Olympia.

Elle participe à la " la nouvelle alliance entre les fournisseurs d'accès Internet et l'industrie
cinématographique", qui est aussi le thème de votre table ronde cet après-midi, et que
j'appelle de mes voeux.

Collection de 130 dessins italiens de la Renaissance et du Premier Âge

21 octobre 2004

Monsieur le Ministre, cher Dominique,

Monsieur le Président (Daniel Bernard)

Mesdames, Messieurs,

Nous célébrons aujourd’hui un événement exceptionnel.

L’acquisition par l’Etat de 130 dessins italiens de la Renaissance et du Premier Âge baroque,
réalisée grâce au mécénat d’une entreprise devenue partenaire de notre politique culturelle
nationale, le groupe Carrefour, marque un temps fort dans la vie des musées de France, tout
autant qu’un enrichissement majeur de nos collections publiques.

Avant de céder la parole à M. BERNARD, Président du Groupe Carrefour, je voudrais rendre
hommage au collectionneur qui a rassemblé les dessins que nous avons le privilège de
découvrir ce soir, constituant un remarquable panorama de la création graphique du XVe au
début du XVIIe siècle, dans le respect de l’anonymat qu’il a souhaité.

Ses achats successifs, réalisés en une trentaine d’années, à Paris, à Londres ou sur
d’autres places étrangères, ont permis de maintenir en France des oeuvres qui, sans cela,
auraient quitté l’Europe.

Cette collection constitue en elle-même un véritable cabinet de dessins, guidé par un goût
très sûr et riche de chefs-d’oeuvre et de raretés qui feraient la gloire des grands musées du
monde.

On doit tout particulièrement y remarquer les pages des plus grands maîtres de l’école de
Parme, de l’école vénitienne, de l’école romaine, de l’école florentine, de l’école siennoise et
de l’école bolonaise. Les Italiens actifs en France au XVIe siècle et qui ont fondé l’Ecole de
Fontainebleau sont aussi brillamment représentés.

A côté de ces grands noms (Corrège, Lotto, Tintoret, Véronèse, Caravage, Vasari, les
Carrache, Primatice, pour n’en citer que quelques uns), la collection comprend aussi des
pièces précieuses par leur rareté autant que par leur qualité. Il s’agit de dessins de maîtres
moins connus mais dont les oeuvres, devenues pratiquement introuvables, ne figurent que
dans très peu de collections graphiques dans le monde.

On peut donc aisément comprendre l’émotion éprouvée, il y a quelques mois, par Mme
Françoise VIATTE, conservateur général, alors responsable du département des arts
graphiques du Louvre, et M. Dominique CORDELLIER, conservateur en chef, spécialiste de
l’Italie de la Renaissance, lorsqu’ils apprirent la probable dispersion de cette collection en
plusieurs ventes publiques à Londres et à New York. Monsieur Carel van TUYLL, qui a
succédé à Mme VIATTE au début du mois de septembre, et qui est lui-même un spécialiste
internationalement reconnu du dessin de la Renaissance, nous éclairera plus complètement
tout à l’heure sur la qualité de ces oeuvres.

Cet événement marque une double première.

A mon sens, cette acquisition n’était concevable qu’à la condition de bénéficier non
seulement aux collections nationales mais aussi à celles de grands musées en région.

Ce qui explique la répartition que j’ai retenue, sur la proposition du département des arts
graphiques du Louvre et de la direction des musées de France pour ces 130 oeuvres, en six
lots cohérents, correspondant aux différentes écoles italiennes.

Elles sont attribuées au Louvre pour une partie. Mais j’ai tenu à ce que la majorité d’entre
elles soient attribuées à cinq grands musées de région : ceux de Lille, Marseille, Orléans,
Rennes et Toulouse.

Et j’ai souhaité que ces dépôts soient bientôt transformés en affectation de pleine propriété.

Ce sera fait bientôt, après la prochaine consultation du Haut Conseil des Musées de France,
conformément aux dispositions nouvelles de la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de
France, qui est ainsi appliquée pour la première fois.

C’est la décentralisation culturelle telle que je la conçois : elle est un enrichissement. Elle
apporte un « plus » au rayonnement de nos territoires.

C’est dans le même esprit que je compte mener à bien les projets importants désormais
engagés, qu’ils concernent la création d’antennes régionales des grands établissements – le
Centre Pompidou aujourd’hui à Metz, et demain le Louvre – mais aussi l’ouverture du fonds
du patrimoine en faveur des musées décentralisés, et la poursuite d’une politique de dépôts,
active et audacieuse, pour les musées territoriaux.

Nous voyons aussi ce soir la première application, pour une opération de cette envergure,
des nouvelles dispositions fiscales de la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France
et de la loi du 1er août 2003, qui ont grandement facilité le recours au mécénat d’une
entreprise, déjà partenaire du Ministère de la culture et de la communication à travers les
Journées européennes du patrimoine et les présentations de reproductions d’oeuvres des
collections publiques, organisées dans les magasins du groupe, en collaboration avec la
Réunion des musées nationaux.

Avec les services de la direction des musées de France, le Louvre s’est tourné vers le
collectionneur, bien sûr, mais aussi vers les responsables de Sotheby’s, en particulier Mme
de BEAUVAU-CRAON, qui ont consenti un délai, avant que les ventes ne soient organisées,
et qui ont finalement accepté de renoncer à ces ventes pour participer au maintien en France
d’un ensemble patrimonial aussi important. Car très vite, les responsables du groupe
Carrefour, M. Daniel BERNARD, et M. Philippe RABIT, son conseiller, avaient accepté avec
enthousiasme de financer cette acquisition exceptionnelle.

Je veux enfin insister sur l’apport de cette collection au rayonnement culturel international de
la France. J’étais il y a encore quelques jours en Chine, dans la foulée de la visite d’Etat du
Président de la République, pour lancer l’année de la France dans ce pays où la demande
adressée à notre culture est considérable, à la mesure de la soif de connaissances et de
découvertes de son immense population.

Je me réjouis que le président Bernard ait souhaité montrer une sélection de ces dessins en
Chine, dans le cadre de l’année de la France, afin de permettre à un très large public de
mieux connaître ces trésors artistiques. Cet itinéraire devrait connaître une autre étape à
Rome, avant que l’ensemble des dessins ne soient présentés au public au Louvre durant
l’été 2005, puis définitivement affectés aux différents musées bénéficiaires.

Soyez assuré, Monsieur le Président, de toute notre gratitude pour cette contribution
importante au rayonnement de notre patrimoine et de notre culture.

Je vous remercie.

Inauguration de l’exposition Culture Design, au Palais de la Porte Dorée

19 octobre 2004

Messieurs les Présidents,

Mesdames les directrices,

Messieurs les directeurs,

Mesdames, Messieurs,

C’est pour moi un bonheur tout particulier que d’inaugurer, aujourd’hui,
en présence de tant de professionnels et d’amateurs, « Culture
design ».

Le design, dans la diversité de ses modes d’expression et de
production, occupe un espace considérable dans la création
contemporaine. Le dynamisme et la qualité des designers qui vivent et
travaillent dans notre pays, la vitalité de ceux qui, éditeurs, entreprises,
marchands, oeuvrent à sa diffusion et à sa rencontre avec le public,
confèrent à la France une position de choix sur la scène internationale.

Cet événement est conçu comme un diptyque. D’une part, il présente
quelque 2000 pièces des collections du Fonds national d’art
contemporain (FNAC) ; d’autre part, vous avez accès ici à un choix de
réalisations marquantes de l’Atelier de recherche et de création du
Mobilier national, qui réunit l’une des plus grandes expositions de
design jamais présentées en France.

Je tiens à remercier les commissaires des deux expositions, les
scénographes, ainsi que toutes les équipes du Centre national des arts
plastiques, du Mobilier national, de la Cité de l’architecture et du
patrimoine et de l’Institut français d’architecture.

Je tiens enfin à remercier toutes les personnalités qui ont participé aux
commissions et tous les conservateurs français et étrangers qui nous
ont aidé à faire découvrir la richesse de ces collections.

J’ai décidé de donner à cette action une nouvelle dynamique. Elle
passe par l’union centrale des Arts décoratifs, dont les collections
seront, à partir de l’an prochain, rendues au public dans le cadre des
réaménagements des espaces de la rue de Rivoli.

L’exposition montre que la création française s’inscrit dans une
perspective internationale, suivant en cela l’exemple des designers
français eux-mêmes qui sont, aujourd’hui, on peut être fiers de
l’affirmer, appréciés et reconnus non seulement en Europe mais
également dans le monde entier.

Design en stock s’inscrit dans le cadre du vaste programme
d’expositions, de la Chine à Saint-Etienne en passant par la Corée,
lancé par le Ministère de la culture et de la communication pour mieux
faire connaître, au-delà des prêts et dépôts consentis aux musées
français et étrangers, les différentes collections du Fonds national d’art
contemporain.

Certains Fonds régionaux d’art contemporain ont acquis, eux aussi, des
objets design, en particulier le Frac Nord-Pas-de-Calais qui a constitué un
ensemble exemplaire présenté, pour la première fois, au Tri postal, à Lille,
jusqu’en novembre 2004. Je tiens à ce que le Ministère se distingue dans
l’encouragement à l’innovation et le soutien apporté aux créateurs qui vivent
dans notre pays. J’insiste à ce propos sur le rôle de la commande publique,
qui doit permettre la réalisation de nombreux projets.

L’ Atelier de recherche et de création du Mobilier national est aussi l’un de
ces outils dynamiques de soutien à la création. Depuis 1964, il fabrique des
prototypes de mobilier contemporain à partir de projets conçus par des
designers, des artistes et des architectes. En mettant au service des
nouveaux créateurs le savoir-faire de l’atelier, le mobilier national contribue
à perpétuer la tradition d’excellence du meuble français tout en lui offrant les
conditions d’un brillant renouvellement.

Je tiens aujourd’hui à rendre un hommage tout particulier à la mémoire de
Jean Coural, son fondateur. Je salue la présence parmi nous de son épouse
mais aussi l’ensemble des créateurs qui ont collaboré à l’atelier.

Je tiens à ce que le ministère de la culture et de la communication s’engage
puissamment dans l’appui à la formation des créateurs grâce au réseau des
quelques trente écoles d’art qui dispensent en France un enseignement
supérieur du design, tels l’Ecole nationale supérieure de création industrielle
(ENSCI), ou encore l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs
(ENSAD), qui retrouvera en novembre 2004 son implantation historique de
la rue d’Ulm, au terme de travaux, auxquels Philippe Starck a été associé,
qui la dotent enfin des équipements à la hauteur de son ambition.

Je peux citer aussi des écoles comme Bordeaux, Brest, Reims, Strasbourg,
Nancy, Limoges-Aubusson ou encore les Beaux-arts de Saint-Etienne qui
proposera, pour la quatrième édition de la Biennale internationale dont les
portes s’ouvriront le 6 novembre 2004, un état des lieux de la prospective
sur les 5 continents.

Cette Biennale sera pour moi l’occasion de réaffirmer le soutien de mon
ministère à la création du Centre du design, sur le site Carnot, qui
rassemblera tous les acteurs du design, de la formation à la recherche, en
passant par la création industrielle.

Ainsi, Culture design est l’occasion de réaffirmer ma volonté d’associer
secteur privé et pouvoirs publics au rayonnement de différents secteurs,
comme le design ou encore la mode.

C’est bien de vitalité de la création qu’il s’agit. Une vitalité et une créativité
que le monde entier nous envie.

Je vous remercie.

Spectacle vivant à Saint-Denis

18 octobre 2004

Monsieur le Député-Maire de Saint-Denis,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Monsieur le Directeur de I'Ecole nationale du Cirque Annie
Fratellini,

Mesdames, Messieurs,

J'ai voulu qu'en introduction à cette journée, des artistes,
des techniciens et un poète s'expriment les premiers.

II me revient maintenant de vous accueillir, de les remercier
et de remercier aussi de leur présence tous ceux qui sont
ici pour partager cette journée que je souhaite être, pour
paraphraser Ettore Scola, " une journée particulière".

Car ce 18 octobre prolonge d'autres journées, très
nombreuses depuis le mois d'avril 2004, consacrées aux
rencontres et aux discussions que j'ai menées avec les
acteurs culturels, en particulier avec ceux qui, durant l'été,
ont fait vivre les festivals de théâtre, de musique, de danse,
de chanson, de rue ou de cirque, du nord au sud et de l'est
à l'ouest de la France.

Et cette journée précède aussi trois moments importants
pour nous tous qui sommes rassemblés aujourd'hui :

– la remise, au début du mois de novembre, du rapport
que j'ai demandé à Jean-Paul Guillot pour proposer les
principes et l'organisation du financement de l'emploi et
de l'indemnisation du chômage des artistes et
techniciens du spectacle vivant, comme du cinéma et de
l'audiovisuel ;

– le débat parlementaire qui se tiendra à l'Assemblée
Nationale et au Sénat dans les premiers jours du mois de
décembre, débat à l'issue duquel c'est la Nation tout
entière, je n'en doute pas, qui manifestera son
attachement à la culture, au développement culturel et à
ceux qui en sont les inventeurs et les animateurs ;

– enfin, en troisième lieu, les décisions que je prendrai en
faveur du spectacle vivant, après que l'ensemble des
organisations professionnelles aura commenté les
propositions faites en ce sens par le Directeur de la
Musique, de la Danse, du Théâtre et des Spectacles.

Pour autant, cette journée n'est pas singulière par la seule
place qu'elle occupe dans le calendrier du Ministère de la
Culture et de la Communication.

Elle est aussi et surtout placée sous le signe de l'union et
de l'écoute :

Union de tous ceux, artistes, techniciens, professionnels et
élus de la culture, parlementaires, responsables politiques,
économiques et administratifs pour qui le spectacle vivant
fait partie de notre patrimoine collectif et qui s'en sentent
tous les dépositaires et les garants ;

Ecoute des artistes et techniciens qui, sur le devant de la
scène ou dans les coulisses, dans la rue ou sous
chapiteau, dans les théâtres, les lieux de danse, les salles
de concert ou dans les espaces intermédiaires préparent,
fabriquent et présentent des spectacles et travaillent à leur
rencontre avec tous les publics.

Ce 18 octobre, cette union et cette écoute feront date, j'en
suis intimement convaincu. Et les trois tables rondes qui
vont maintenant se succeder frapperont les trois coups du
projet que mon Ministère va mettre en oeuvre à partir des
prochaines semaines.

Vous l'avez lu dans le programme qui vous a été remis :
nous entamons maintenant une longue seance de travail
durant laquelle nous allons parler, ce matin, de la formation
et de la transmission, et cet après midi, de la création et
des publics puis de l'institution et des réseaux. Nos
échanges formels dans cette magnifique salle « Altaïr » ne
seront interrompus que par un déjeuner, une pause café
puis un dîner qui nous offriront aussi l'occasion
d'échanges informels … c'est à dire essentiels !

Je veux, pour conclure, remercier de son accueil Laurent
Gachet et son équipe : leur Ecole nationale du cirque porte
le nom d'une grande dame, Annie Fratellini, dont je salue la
mémoire et qui, là où elle est, pose certainement un sourire
attentif et fraternel sur tous nos débats.

Je cède la parole, et le micro, à Arnaud Laporte. Merci de
votre attention.

7e réunion annuelle du RIPC (Réseau international sur la politique culturelle) à Shanghai

15 octobre 2004

Permettez-moi tout d’abord de remercier mon collègue, M.Sun Jiazheng, de son invitation
qui nous permet de nous réunir à un moment historique, puisque viennent de s’ouvrir à
l’UNESCO, le 20 septembre dernier, les négociations gouvernementales en vue de
l’élaboration d’une Convention sur la protection de la diversité des contenus culturels et des
expressions artistiques.

Analyse de l’avant-projet

Le texte proposé par les experts indépendants nous semble constituer une bonne base de
travail. J’ai noté que cette appréciation était partagée par la grande majorité des délégations
présentes à l’UNESCO notamment par les représentants de la Chine. Il répond en effet aux
principaux objectifs que nous nous sommes fixés. Il peut toutefois être amélioré et je crois
que notre réunion d’aujourd’hui doit nous conduire à proposer des améliorations.

– Il affirme le droit souverain des Etats à se doter de politiques culturelles. Je m’associe
pleinement à mes collègues (canadiens, finlandais norvégiens, portugais, et tous les autres
pays) qui ont pris la parole à l’UNESCO pour s’en féliciter.

– Ce texte reconnaît la spécificité des biens et services culturels, c’est une de nos priorités et
la raison d’être de la convention.

– Il reconnaît la primauté des Droits de l’homme internationalement garantis.

– Il encourage les Etats à renforcer la coopération et la nécessaire solidarité en faveur des
pays en développement.

– C’est un texte normatif qui vient combler le vide juridique existant dans le domaine de la
protection et de la promotion de la diversité culturelle.

Débat communautaire

En tant que Ministre d’un des Etats membres de l’Union européenne, il me paraît utile de
vous informer des débats en cours au niveau communautaire concernant la Convention. Mes
collègues estonien ou portugais souhaiteront peut-être compléter mes propos.

Les travaux en cours à l’UNESCO peuvent, à mon avis, donner à l’Union européenne une
nouvelle occasion de réaffirmer son engagement en faveur de la diversité culturelle – un
engagement qui est aussi une obligation inscrite dans l’actuel Traité de l’Union et qui est
élevé dans le projet de Constitution européenne au rang des valeurs et des objectifs de
l’Union. L’ambition européenne étant d’unir les peuples de ses 25 Etats membres, et pas
seulement de bâtir une zone de libre-échange, le respect de la diversité culturelle et
linguistique à l’intérieur de l’Union est un principe fondamental. C’est notamment pourquoi le
projet d’article de la Constitution européenne sur la politique commerciale commune, prévoit
que les Etats membres peuvent s’opposer à tout accord commercial qui porterait atteinte à la
diversité culturelle.

Nous nous réjouissons que les 25 Etats membres de l’Union, soutenus activement par la
Commission, puissent tous ensemble peser dans cette négociation en vue de son succès.

Déroulé de la négociation

Je voudrais conclure en rappelant que pour la France l’objectif est d’aboutir à l’adoption d’un
texte en 2005. Cela ne veut bien sûr pas dire un texte “ bâclé ”. Les membres du RIPC
peuvent continuer d’être une force vive de propositions et travailler activement avec leurs
délégations permanentes auprès de l’UNESCO pour continuer à améliorer ce texte et aboutir
à un projet que nous pourrions adopter à la prochaine Conférence générale à l’automne
2005.

Rôle du RIPC – déclaration finale

Le Réseau international sur la politique culturelle doit continuer, en relation avec l’UNESCO,
à faire entendre sa voix. Certains parmi vous sont membres du comité de rédaction qui vient
d’être créé et qui est ouvert à tous. Nous pouvons donc tous faire entendre notre voix. Les
Ambassadeurs auprès de l’UNESCO de nos pays pourront se rassembler pour défendre nos
positions, ainsi qu’ils l’ont déjà fait par le passé. Un autre groupe, celui des pays
francophones, auquel je suis très attaché et dont plusieurs membres sont présents
aujourd'hui, a lui aussi un rôle de coordination et de proposition à jouer à l’UNESCO.

Je vous propose, si vous en êtes d’accord, de rappeler avec force, dans la déclaration finale,
les principes directeurs de ce projet de convention auxquels nous tenons et que nous
voulons voir clairement indiqués. Je vous invite également à reprendre dans les contributions
écrites que nos Etats doivent faire parvenir à l’UNESCO d’ici le 15 novembre, ces éléments
que nous partageons tous au sein du RIPC :

– la reconnaissance de la spécificité des biens et services culturels

– l’affirmation sans aucune ambiguïté du droit des Etats à développer des politiques
culturelles

– la nécessité de développer la solidarité culturelle internationale afin de contribuer à un
rééquilibrage des échanges de biens et services culturels et de favoriser le pluralisme des
expressions culturelles

– l’obligation de conformité des dispositions de la future convention au régime applicable aux
droits de l’homme internationalement garantis

– l’affirmation de la non subordination de la convention aux autres traités existants.

Avant de terminer je voudrais évoquer une difficulté que nous rencontrons pour que cette
convention soit effective. Il s’agit de la rédaction de l’Article 19 : cet article a, me semble-t-il,
fait beaucoup parler de lui. C’est celui qui traite de la relation de la convention en cours de
négociation à l’UNESCO avec les autres instruments juridiques existants.

Il me semble que
subordonner cette convention aux autres instruments la viderait de son sens et lui ôterait
toute efficacité. Nous sommes tous ici, convaincus de l’importance de la diversité culturelle
et de la nécessité de cette convention, nous devons donc inscrire cette convention sur un
pied d’égalité avec les autres textes et lui donner une chance, en cas d’atteinte aux principes
de la diversité culturelle, de dire le droit et protéger les Etats qui s’en réclameraient.

Autre point que je voudrais rapidement évoquer, celui des Mécanismes de suivi et règlement
des différends : ils ont suscité également de nombreuses réactions lors de la première
réunion des experts gouvernementaux à l’UNESCO. J’en retiens qu’il faut effectivement
veiller à ce que les mécanismes ne soient pas inutilement lourds et onéreux mais je pense
que, si nous souhaitons une application juste et équilibrée de cette convention, un suivi
efficace est nécessaire. Essayons de l’améliorer ensemble. De la même façon le mécanisme
de règlement des différends est nécessaire à une convention contraignante et je me félicite
de la mention de la Cour internationale de justice comme organe suprême de recours.

En conclusion je voudrais chaleureusement féliciter ici le rapporteur de ces journées (Artur
Wilczynski, président du groupe de travail sur la diversité culturelle au sein du RIPC) qui, m’a
t-on dit, et j’ai pu le constater en lisant son rapport, a fait un travail remarquable avec un
professionnalisme et une rigueur que nous pouvons tous apprécier ici.

Je vous remercie

Inauguration du festival f2004@shanghai et de l'ouverture de "La culture française à Shanghai" " LA FABRIQUE "

14 octobre 2004

Monsieur le Vice-Ministre de la Culture,

Monsieur le Vice-Maire de Shanghai,

Chers Amis,

Permettez-moi tout d'abord de vous dire le plaisir que j'ai à venir à votre rencontre à
Shanghai, pour le lancement de l'Année de la France dans la plus grande métropole
chinoise. En ce lieu, les artistes réunis ici incarnent l'un des projets les plus originaux de
cette Année, imaginé par une équipe imaginative qui a su convaincre la mairie du district de
Luwan, que je tiens à remercier en tout premier lieu.

C'est un véritable festival du XXIe siècle, qui vous est proposé ici. Il rassemble certains des
artistes français les plus novateurs de notre pays, pendant dix semaines dans ces lieux
rénovés. Le grand portail totem est signé Fabrice Hybert, plasticien réputé en France et dans
le monde entier. Le design de la " Ruche des Arts " vient d'être créé par Matali Crasset,
designer dont l'oeuvre se développe bien au-delà de nos frontières. D'autres artistes, telle la
photographe Valérie Jouve, interviendront tout au long de ces dix semaines, aussi bien que
de jeunes champions de l'art numérique, animateurs de soirée qui viendront enflammer les
nuits shanghaiennes. De plus, le lieu que nous inaugurons aujourd'hui reste en contact avec
d'autres manifestations qui se déroulent actuellement en France comme le festival
numérique de la Villette.

Ce lieu unique offrira surtout un formidable terrain d'échanges avec les artistes shanghaiens
qui pourront venir participer à des ateliers et intervenir eux-mêmes, de concert avec leurs
homologues français. Et puis, cela va de soi, The Bridge, le Pont, deviendra j'en suis certain
le rendez-vous obligé de tous ceux et de toutes celles qui participeront à l'Année de la
France en Chine. Un pont entre nos deux peuples, entre nos cultures, entre nos créations,
entre nos audaces et nos rêves.

Plus d'une cinquantaine d'évènements seront proposés au Shanghaiens à partir de demain
avec le fameux Groupe F, qui vient de faire l'ouverture de Jeux Olympiques d'Athènes…
jusqu'au Ballet de l'Opéra de Paris en septembre 2005, en passant par un opéra sublime,
Les Paladins de Jean-Philippe Rameau, l'Orchestre de Paris et la grande exposition sur les
Trésors des Impressionnistes que nous venons d'inaugurer avec le Président Hu Jintao et le
Président Jacques Chirac, à Pékin.

L'art contemporain sera aussi à l'honneur avec une exposition du Centre Georges Pompidou.

Mais aussi celle de Richard Texier. Vous découvrez ce soir une oeuvre géante destinée au
futur centre du groupe K.WAH que je salue et que je remercie d'avoir choisi un artiste
français. Cinq grandes toiles et une sculpture de bronze seront donc présentés à partir de
mars prochain sur la rue Huai Hai, l'un des grands axes de Shanghai. Le groupe K.Wah est
membre du Comité d' Honneur qui rassemble une cinquantaine d'entreprises françaises,
hong-kongaises et chinoises sans lesquelles cette Année de la France en Chine ne serait
pas ce qu'elle est, comme peut en témoigner Alain Lombard, commissaire général des
Années France-Chine.

Je voudrais aussi remercier le Festival International des Arts de Shanghai qui a ouvert avec
générosité ses portes à la France, au point d'accueillir douze manifestations durant un mois
et même au-delà puisque plusieurs concerts accompagneront l'exposition des
Impressionnistes présentée à partir du 8 décembre au Musée des Beaux-Arts de Shanghai.

Enfin, je suis très reconnaissant aux autorités shanghaiennes, et tout particulièrement à
l'équipe du Bureau de la Culture dirigé par Madame Ma Bo Min, des efforts qu'elles ont
déployés pour soutenir avec tant d'ardeur les multiples projets proposés par le comité mixte
franco-chinois des années croisées. Je ne doute pas un instant que non seulement ces
efforts seront récompensés, mais qu'ils porteront leurs fruits bien au-delà des manifestations
passées et à venir.

Merci à tous et que cette Année soit une fête. Une fête de la culture et de la création.

Déplacement à Francfort pour la 56ème foire internationale du livre

7 octobre 2004

[Monsieur l’Ambassadeur],

Monsieur le Président Eyrolles,

Monsieur le Président Ehling, Chers amis,

Je suis très heureux de vous retrouver à Francfort. Je remercie le Président
Eyrolles de son invitation à ce rendez-vous à la fois studieux et convivial. Les
stands des éditeurs français et du Bureau international de l’édition française
(BIEF), que j’ai parcourus ce matin, sont l’expression même de la richesse et
de la diversité de la production éditoriale française et de sa force d’attraction
auprès de nos partenaires étrangers.

Notre présence en Allemagne souligne aussi l’importance du partenariat
culturel, économique et politique franco-allemand dans l’Europe à 25.
Je suis ravi que ce soit l’un de vous, un éditeur, en la personne d’Alain Gründ,
également Président du Bureau international de l’édition française (BIEF), qui
préside aux destinées du Haut-Conseil culturel franco-allemand.

Nous sommes ainsi dans une configuration idéale pour amplifier nos
coopérations avec l’Allemagne, y compris à travers des initiatives communes
en dehors de notre continent. Et je me réjouis que cette édition de la Foire de
Francfort, en mettant à l’honneur la littérature du monde arabe, soit placée
sous le signe du dialogue des cultures.

Le livre est l’outil par excellence d’un tel dialogue.

Il est en particulier un pont entre les deux rives du Rhin, dans une Europe qui
est le fruit d’un dessein et d’un destin communs entre la France et l’Allemagne
L’Allemagne est le quatrième partenaire économique de l’édition française et le
premier parmi les pays non francophones. Le français est la deuxième langue
traduite en Allemagne derrière l’anglais.

Ces liens particuliers sont le fruit de l’histoire, certes, mais aussi et surtout de
l’engagement de tous les acteurs de la coopération franco-allemande. Et je
tiens à vous dire que la France est disposée à coopérer avec nos amis
allemands pour la reconstitution des fonds exceptionnels de la prestigieuse
bibliothèque Anna-Amalia de Weimar qui, comme vous le savez, ont en grande
partie disparu dans les flammes il y a un peu plus d’un mois.

L’Allemagne est notre partenaire naturel au sein de l’Europe, lorsqu’il s’agit de
défendre la diversité culturelle. Je pense en particulier à l’application du prix
unique du livre. Dans la nouvelle Europe à 25, nous devons promouvoir auprès
des nouveaux Etats membres la spécificité culturelle et économique du livre et
la possibilité d’en réguler le marché, afin d’éviter la standardisation qui menace
aujourd’hui d’autres secteurs culturels.

Je salue l’initiative du syndicat national de l’édition tendant à marquer les 25 ans du Salon du livre de Paris par l’invitation
des responsables publics et privés du livre des 25 Etats membres. Je m’associerai pleinement et naturellement à cette
opération qui doit être un temps fort de la mobilisation européenne pour le livre et la culture.

Cette défense de la diversité ne va pas sans heurt, parfois. La question de la publicité pour le livre à la télévision en est une
illustration. Nous venons de répondre à l’avis motivé que nous a adressé la Commission européenne sur ce sujet en plaidant
pour le caractère équilibré du compromis qu’ensemble nous avons élaboré.

Plutôt que de menacer des équilibres, somme toute fragiles, par une ouverture aux effets très incertains, je crois plus urgent
de nous concentrer sur un enjeu plus important à mes yeux : celui de la présence accrue du livre dans les émissions de
télévision, et particulièrement la télévision publique, où nous aurons, en la personne de David Kessler, un avocat attentif,
convaincu, efficace.

C’est dans cette perspective du resserrement des liens entre le livre et la télévision, afin que les téléspectateurs soient aussi,
de plus en plus, des lecteurs, que je tiens à saluer devant vous l’arrivée de Bernard Pivot à l’Académie Goncourt.
Le développement de l’édition et de la diffusion du livre, en France comme à l’étranger, est pour moi un enjeu de premier
plan.

Vous savez que, dans le budget 2005 du ministère de la culture, tel que je le présenterai au Parlement, le secteur du livre
bénéficie d’une augmentation de près de 3 %. J’y ai personnellement tenu, et j’ai souhaité que cet effort très conséquent
dans un contexte budgétaire tendu bénéficie en premier lieu au secteur de l’économie du livre, grâce au financement à plein
régime de la rémunération des éditeurs et des auteurs pour le droit de prêt en bibliothèque. Ce dossier est aujourd’hui sur
les rails. Je souhaite agréer au plus vite, c’est-à-dire avant la fin de l’année, une société de gestion que me proposeront les
éditeurs et les auteurs.

Un autre enjeu crucial est celui de la mutation des industries culturelles dans la société de l’information. Je pense en
particulier à la directive européenne sur le droit d’auteur. Je m’emploie à accélérer l’examen du projet de loi de transposition
au Parlement. Je souhaite qu’aboutissent parallèlement les discussions entre ayants droit et utilisateurs sur l’usage du
numérique dans le monde de l’enseignement, de la recherche et dans les bibliothèques.

En ce qui concerne les bibliothèques, le travail d’analyse entrepris par François Stasse a permis d’instaurer les bases d’un
dialogue. Les discussions avec l’Education Nationale ont repris de manière constructive et de nouveaux rendez-vous doivent
se tenir prochainement.

Le budget 2005 de la direction du livre et de la lecture reflète l’importance de notre soutien à l’exportation du livre français,
aux secteurs les plus fragiles de l’édition, et à la librairie. J’ai souhaité qu’il permette d’accompagner des initiatives nouvelles
correspondant à ces priorités. Je suis ouvert à vos propositions.

Nous devons soutenir le développement de l’édition et celui de l’industrie du livre dans un souci constant de promotion de la
diversité culturelle. C’est le sens de notre action et de notre rayonnement, en France comme hors de nos frontières. Au
moment où le monde de l’édition sort de grands bouleversements, pour connaître de nouveaux équilibres, et de nouveaux
défis, je crois nécessaire de réaffirmer la force et le sens de ce partenariat.

Le livre est un merveilleux moyen de connaissance, de découverte, de conquête, d’échange et de dialogue. Parce que le
livre français est ouvert sur le monde et ouvert au monde, je tiens à en faire un atout majeur du rayonnement culturel de
notre pays. Tel est le sens de l'action que je vous propose de mener et d’écrire ensemble !

Je vous remercie.

Remise des insignes d’Officier dans l’Ordre des arts et des lettres à Jean-Pierre Léaud, au Centre Georges Pompidou

4 octobre 2004

Cher Jean-Pierre Léaud,

Je veux d’abord vous remercier d’être venu célébrer avec nous tous,
sans nostalgie, la mémoire vivante de François Truffaut.

Parce que vous incarnez son double intime, parce que vous êtes, selon
l’expression de Serge Toubiana, son alter ego, parce que vous tenez
une place unique, au coeur de cette mémoire, j’ai souhaité vous rendre
un hommage particulier ce soir.

Sans nostalgie, mais non sans une extraordinaire émotion, perceptible
sur chacune des images que nous venons de voir.

Elles montrent à quel point François Truffaut a su saisir votre
spontanéité, votre liberté, votre densité, votre intelligence, votre
sensibilité et votre sincérité.

Aujourd’hui, à la lumière de l’ensemble de vos rôles, qui font de vous
une personnalité unique de notre cinéma, ces traits de votre
personnalité d’acteur éclatent comme une évidence.

Tout comme cette autre évidence : aux yeux de François Truffaut, dès
votre première rencontre, vous êtes Antoine Doinel.

« Je crois qu’au départ, écrit-il, il y avait beaucoup de moi-même dans
le personnage d’Antoine. Mais dès que Jean-Piere Léaud est arrivé, sa
personnalité qui était très forte m’a amené à modifier souvent le
scénario. » Il définit ce personnage imaginaire comme « la synthèse de
deux personnes réelles, Jean-Pierre Léaud et moi » .

Le coup d’essai que nous venons de voir, le premier des Quatre cents
coups, fut, à coup sûr, un coup de maître. Cette scène, est un acte de
naissance : le vôtre en tant qu’acteur, et celui du cinéma de Truffaut.

Elle Illustre ce propos de Jean Renoir, que François Truffaut admirait, et
qui paraît fixer l’étincelle de votre rencontre : « Le metteur en scène
n’est pas un créateur, il est une sage-femme. Son métier est
d’accoucher l’acteur d’un enfant dont celui-ci ne soupçonnait pas la
présence dans son ventre. »

Antoine Doinel est cet enfant. Il a grandi. Ses Aventures ont marqué
vingt ans de votre vie. Elles ont laissé une empreinte profonde dans
l’histoire du cinéma. Elle font partie de notre histoire, de notre culture.

En cet instant, je pense à son monologue, devant le miroir, au début de
Baisers volés, où il répète son nom, de plus en plus fort, comme une
quête d’identité, d’une intensité croissante. Ou à ces parois de verre qui
se multiplient autour de lui dans Domicile conjugal.

L’intensité de ce personnage a révolutionné le cinéma.

Il a fait de vous le symbole de la Nouvelle Vague, puisque vous avez
élargi le chemin ouvert par François Truffaut avec Jean-Luc Godard,
mais aussi Jacques Rivette, et Jean Eustache.

François Truffaut l’a dit mieux que personne, dans cette citation :
« Jean-Pierre Léaud est un acteur anti-documentaire, même quand il dit
bonjour, nous basculons dans la fiction, pour ne pas dire dans la
science-fiction. Avant la guerre, le public, dont l’oreille n’était pas encore
banalisée par la télévision, appréciait les acteurs spéciaux, les dictions
singulières : on aimait l'accent roumain de Popesco, la saccade
asthmatique de Louis Jouvet, la véhémence hallucinée de Robert Le
Vigan. Halluciné, le mot est lâché. Jean-Pierre, fils naturel de Goupi
Tonkin, secrète lui aussi de la plausibilité et de la vraisemblance mais
son réalisme est celui des rêves ».

Vous êtes l’un de ces très rares acteurs dont l’on peut dire qu’ils sont
« mythiques », c’est-à-dire qu’ils repoussent les frontières de
l’imaginaire, pour aller plus loin que les oeuvres qui donnent corps à nos
rêves.

Parce que vous avez joué pour les plus grands, en France et dans le
monde, pour Pasolini, pour Bertolucci, pour Kaurismaki, pour Tsai Ming
Liang.

Votre grande exigence dans le choix de vos rôles, votre immense talent,
votre charisme qui crée autour de vous comme un champ magnétique,
vous les avez mis au service de nombreux premiers films. Je pense par
exemple à ceux de Lucas Belvaux et de Bertrand Bonello.

Cette générosité, cet engagement au service de votre art, cette façon
d’être, constamment habitée par vos rôles, dans leur extraordinaire
diversité , des plus graves aux plus facétieux, forment une grande
continuité tout au long d’une carrière qu’il faut appeler un destin.

Un destin lumineux , qui éclaire les paysages traversés par ces « trains
dans la nuit », selon l’expression de Ferrand, les films que nous aimons.
Cher Jean-Pierre Léaud, au nom de la République, je vous fais officier
dans l’ordre des Arts et des Lettres.

Hommage à François Truffaut

4 octobre 2004

Chers Amis,

Il y a bientôt vingt ans, François Truffaut nous quittait. Il avait cinquante-deux ans.

Nous sommes ici pour lui rendre hommage et je vous remercie d’être venus si nombreux ce
soir, vous qui l’avez connu, vous qui avez travaillé avec lui, vous qui l’aimez.

Voici donc vingt ans que nous sommes tous orphelins de François Truffaut.

Et vous êtes sa famille, ses proches, celles et ceux qu’il aimait. Merci d’être venus célébrer
sa mémoire, son talent, son humanité, son génie, son actualité.

Vous êtes ses fidèles. François Truffaut a marqué vos carrières, vos destins, vos vies.

Ses oeuvres ont changé tous ceux qui les ont vues. Elles font évidemment partie de l’histoire
du cinéma. De notre histoire.

Le critique, l’auteur, le cinéaste, reconnu par ses pairs en France et dans le monde,
s’interrogeait parfois sur la place qu’il tiendrait dans cette histoire. Nous savons aujourd’hui
qu’il figure parmi les plus grands.

Il a dit que « les films sont plus harmonieux que la vie ». Et à la question « à quoi sert le
cinéma ? », il répondait, « je reprendrai la définition de Cocteau pour la poésie : c’est
indispensable mais je ne sais pas exactement à quoi ».

Sans doute pouvons nous ajouter aujourd’hui que le cinéma, s’il n’est pas plus important que
la vie, lui est indispensable. François Truffaut vivait pour le cinéma. Et le cinéma de François
Truffaut est un roman de la vie.

C’est pourquoi il reste si proche de nous.

C’est pourquoi je vous invite à faire, sans mélancolie, sans tristesse, de cet hommage qui lui
est dû, un hommage à la vie.

La vie où beaucoup, sinon tout, se joue lors de l’enfance, lors de l’adolescence, où il s’est
éveillé à l’existence et au cinéma. Ce moment, ce passage, que Les Quatre cents coups ont
rendu inoubliable.

C’est pourquoi j’ai tenu à associer Jean-Pierre Léaud, son acteur et son double, à cette
soirée. Je le remercie de sa présence.

Nous sommes tous particulièrement sensibles à la présence de Madeleine Morgenstern et
de sa fille, Eva Truffaut. Je tiens à les remercier.

Je remercie également Marin Karmitz, qui nous a prêté la copie que vous allez voir dans un
instant, qui a restauré le film, et dont je tiens à souligner l’engagement pour la préservation
de notre patrimoine cinématographique. J’associe à ces remerciements la Fondation GAN,
qui a participé à cette restauration.

Vous pourrez voir, exposés dans l’entrée de la salle des documents particulièrement
émouvants. Je remercie la Bibliothèque du Film (BIFI) et son directeur Marc Vernet de nous
les avoir prêtés.

Je remercie enfin tout particulièrement Jeanne Moreau, son admirable interprète, son amie,
sa confidente, ainsi que tous les acteurs, chers à François Truffaut, qui sont présents ce soir
et qu’elle va appeler dans un instant à nous rejoindre, après le message que je vais lire, et
qui nous est adressé par le Président de la République.