Rubrique ‘Discours 2006’

Inauguration de l’orgue de l’église Notre Dame d’Auvers-sur-Oise

14 mai 2006

Madame,

Monseigneur,

Madame la Ministre,

Messieurs les Ministres,

Monsieur le Président du Conseil régional,

Monsieur le Président du Conseil général du Val d’Oise,

Monsieur le Préfet,

Monsieur le Directeur régional des affaires culturelles,

Monsieur le Maire,

Monsieur le Président du Festival d’Auvers-sur-Oise,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Il est des moments forts, des moments d’émotion, des moments uniques, comme celui que
nous partageons aujourd’hui en l’église Notre-Dame d’Auvers-sur-Oise.

Auvers-sur-Oise, parée des couleurs chatoyantes que les génies impressionnistes ont mises
en lumière dans la mémoire du monde. Vincent Van Gogh, qui repose aujourd’hui, avec son
frère Théo, dans le petit cimetière d’Auvers, lui assura sa renommée internationale, avec la
toile mondialement connue, exposée au Musée d’Orsay, qui inspira au Père Michel Demissy,
dans les années soixante-dix, cette mission accomplie aujourd’hui : construire un orgue à
tuyaux à la hauteur de la réputation de l’église.

L’arrivée d’un nouvel instrument, comme l’ouverture d’un nouveau lieu de culture, est
toujours une très belle promesse. Une promesse de nouveaux horizons, de nouveaux liens
entre les générations, de nouvelles pratiques artistiques, de nouvelles rencontres, de
nouvelles découvertes, d’autant que, comme l’écrivit Balzac (dans La Duchesse de
Langeais) : « l’orgue est certes le plus grand, le plus audacieux, le plus magnifique de tous
les instrument créés par le génie humain. Il est un orchestre entier, auquel une main habile
peut tout demander, il peut tout exprimer ».

Le festival d’Auvers-sur-Oise mit en musique, il y a maintenant plus de 25 ans, l’esprit qui
animait le mouvement pictural symbolique de votre ville : variété, vivacité, curiosité et liberté
furent les maîtres mots d’une programmation exceptionnelle, Auvers-sur-Oise devint
rapidement l’un des plus prestigieux festivals de musique en France. Un festival au
rayonnement européen, qui s’est imposé comme une étape nécessaire dans le parcours des
plus grands interprètes du monde entier. Radu Lupu, Barbara Hendricks, Mstislav
Rostropovich, Hélène Grimaud, Ivo Pogorelich, Maxim Venguerov, Cecilia Bartoli et tant
d’autres ont écrit les plus belles pages de l’histoire de ce festival qui a fait de votre ville de
peinture, une ville de musique.

Aujourd’hui, le festival a atteint son objectif premier. Dans quelques minutes retentiront les
premières notes du concert inaugural de cet instrument « parmi les plus colorés, les plus
dynamiques, les plus puissamment expressifs », pour reprendre les mots de celui qui le fera
résonner, son parrain Thierry Escaich, que je salue chaleureusement.

Oui, c’est un grand
moment d’émotion, un moment solennel et, j’ose le dire ici, un moment de communion.

Voué à la liturgie, votre orgue sera également au coeur du projet musical porté par
l’enthousiasme, le talent et l’engagement de toute l’équipe du festival, que je tiens à féliciter,
et en particulier son président, Monsieur Denis Antoine et son directeur artistique, Monsieur
Pascal Escande.

Ce n’est pas seulement un nouvel orgue qui naît sous nos yeux, c’est une Académie,
tournée vers l’apprentissage de l’improvisation et de l’interprétation au service de la liturgie ;
c’est l’activité et l’attractivité du festival qui s’enrichissent, grâce à de nouveaux rendez-vous,
« Les Grandes Heures » de l’orgue de Notre Dame d’Auvers-sur-Oise ; c’est une
Manécanterie d’où s’élèveront les voix pures et cristallines des choeurs d’enfants ; c’est une
ouverture au répertoire contemporain, par une politique de commandes à des compositeurs
– le premier sera, bien évidemment, le parrain de l’orgue, Thierry Escaich – qui renouvellera
la tradition du livre d’orgue et de chant sacré, héritée de François Couperin le Grand ; c’est,
enfin, la promesse d’un rayonnement plus vaste, dans tout le département, dans l’ensemble
de l’Ile-de-France, grâce aux liens que vous avez tissés avec des institutions telles que le
Conservatoire National de Région de Cergy-Pontoise, la Fondation Royaumont, mais aussi
dans le monde entier, grâce au concours international inédit de composition musicale en
liaison avec la peinture, qui permettra, sans doute, de faire revivre les correspondances,
chères aux symbolistes.

Ponts jetés entre les disciplines artistiques, dialogues entre les répertoires passés et les
Grandes Heures contemporaines, ouvertures régionale et internationale : ce sont de belles
perspectives, qui apporteront de nouvelles preuves du rôle essentiel de la culture dans notre
vie et de sa contribution au développement et au rayonnement de nos territoires.

La culture n’est pas un « supplément d’âme », un simple « plus », un bel accessoire. Elle est
une sève qui nourrit et irrigue les territoires et rapproche chaque jour un peu plus les
hommes. Elle joue un rôle de tout premier plan en faveur du dynamisme et de l’attractivité de
nos régions, mais aussi de la cohésion de notre société, grâce aux liens qu’elle permet de
tisser, aux dialogues qu’elle permet de nouer, au fil des émotions qu’elle permet de partager.

Je vous remercie.

Rencontre avec les artistes de la tournée D’une seule voix

14 mai 2006

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Mesdames, Messieurs,

Cher Daniel Rondeau,

Chers Amis,

Je suis très heureux de vous accueillir et de vous retrouver en France, où vos
voix unies vont porter, le temps de quatorze représentations, ce message de
paix qui m’avait si profondément touché et ému lors de ma visite à Jérusalem,
en novembre 2004.

Oui, par-delà la beauté, l’harmonie, le souffle spirituel que votre choeur
exhalent, c’est bien un message de paix, un message urgent, un appel
impérieux au respect, à la tolérance et à l’humanité que vous êtes venus nous
faire partager.

Oui, par-delà le chaos du monde, par-delà ces différences dont on fait trop
souvent croire qu’elles sont irrémédiables, vous vous êtes confiés une mission,
la plus belle qui soit, celle de parler, de témoigner, de chanter « d’une seule
voix », la voix de la paix.

Votre polyphonie plonge aux sources de nos racines culturelles et spirituelles
communes, au fil des sons et des chants des trois religions du Livre présentes
sur la Terre Sainte, Juifs, Musulmans, Chrétiens – Melkites, Romains,
Orthodoxes, Arméniens. Elle fait résonner en grec, en latin, en arménien, cette
voix unique venue du fond des âges, qui s’adresse directement à notre qualité
d’homme. Comme le disait le créateur du ministère de la culture, mon illustre
prédécesseur André Malraux, « l’art, c’est le plus court chemin de l’homme à
l’homme. » Vous nous prouvez qu’il relie le coeur à l’esprit.

Dans cette quête de l’homme, de tous les hommes, dans ce combat contre la
barbarie, l’intolérance, dans cette guerre contre la guerre, quelles plus belles
armes que le chant, que la musique, que l’art, langages universels ?

Vos voix claires, pleines d’espoirs, chantent avant tout la foi. La foi en un Dieu
unique qui est aussi la foi en l’homme. Ce chant s’est élevé depuis Jérusalem,
berceau sacré de ces trois religions, en un appel vibrant, à l’espérance, au
respect et à la paix. Je suis heureux de vous dire que cet appel qui m’avait
bouleversé dans l’auditorium de l’église Notre-Dame, va résonner aujourd’hui
dans ces murs historiques et bientôt dans toute la France. Et je forme le voeu
que les échos se répercutent ensuite très vite dans le monde entier.

Je tiens à remercier et à saluer chaleureusement et sincèrement tous les
artistes, ainsi que les organisateurs de ces concerts exceptionnels, Anne
Dieumegard et Jean-Yves Labat de Rossi, à l’origine de ce projet et Daniel
Rondeau. Je me réjouis que des institutions françaises représentatives de
toutes les confessions concernées – la Fondation du Judaïsme français,
l’Institut Musulman de la Mosquée de Paris et le Secours Catholique – se
soient unies à votre démarche. Une démarche qui s’adresse à l’humanité dans
son ensemble.

Je vous remercie.

13ème Congrès national des radios associatives à Rochefort-sur-Mer, Charente-Maritime

13 mai 2006

Monsieur le Président

Mesdames, Messieurs,

Je tiens tout d’abord à vous remercier de m’avoir convié à votre 13e
Congrès annuel, en cette année 2006 qui est un peu particulière ;
particulière, tout d’abord, parce qu’elle coïncide à la fois avec le 25e
anniversaire des radios libres et le 20e anniversaire de la loi relative à la
liberté de communication ; particulière aussi, parce que nous savons
tous que l’année 2005 a été pour les radios associatives une année
difficile, et je tiens à vous dire, à la veille d’une réforme réglementaire
destinée à pérenniser et à améliorer l’efficacité du fonds de soutien à
l’expression radiophonique, ma détermination à tout mettre en oeuvre
pour que l’Etat soit à vos côtés, sur le chemin de la liberté.

Oui, vos radios ont ouvert et continuent d’ouvrir de formidables espaces
de liberté, « ce bien qui fait jouir des autres biens ». Oui, la liberté est
une valeur, un bien commun, pour reprendre l’admirable formule de
Montesquieu, à laquelle nous sommes tous très attachés. La liberté
d’expression, la liberté de communication, sont aujourd’hui au coeur de
la vie de notre société.

Le développement des modes de communication, amplifié ces vingt
dernières années par une accélération technologique sans précédent –
avec Internet, la téléphonie mobile et la télévision numérique terrestre –
n’a pas réussi à démoder la radio pour une raison très simple : la radio
reste le média le plus proche des Français. Et pour cette raison, son rôle
est primordial : dans la société de l’information qui est désormais la nôtre
– plus que jamais ouverte sur le monde, mais aussi plus que jamais
offerte aux crispations identitaires et aux conflits de toute sorte – la
diversité des expressions est le meilleur rempart contre les tentations de
radicalisation.

Dans ce contexte, les radios associatives, par la mission de
communication sociale de proximité qui est la leur, occupent une place
importante dans le paysage radiophonique français. Une place qui ne
saurait se mesurer sur la seule base de sondages d’audience. Dans les
zones les plus isolées, dans les quartiers les plus difficiles, sur
l’ensemble de notre territoire, par leur action quotidienne, notamment
éducative et culturelle, en collaboration avec les acteurs locaux, elles
créent du lien social, elles rompent l’isolement et invitent au dialogue et
au partage.

C’est cette mission de communication sociale de proximité et cette
contribution au pluralisme des courants d’expression socio-culturels que
l’Etat s’est engagé à soutenir, pour toutes les radios associatives qui,
autorisées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, ont un recours
modéré au financement publicitaire. Et cette volonté politique a porté ses
fruits, puisque le nombre de radios qui bénéficient du fonds de soutien à
l’expression radiophonique a presque doublé en quinze ans, avec 562
radios subventionnées en 2005, pour un montant total de 24,2 M- et une
aide moyenne de 41 700 -.

Je tiens à dire ici solennellement qu’à aucun moment l’Etat n’a envisagé
de remettre en cause son soutien aux radios associatives, dont le
caractère automatique résulte des termes mêmes de la loi de 1986 sur la
liberté de communication. Tout au contraire, la réforme que j’ai souhaitée
et qui entrera en vigueur en février 2007 n’a d’autre but que de stabiliser
et de pérenniser un système d’aide qui a fait ses preuves.

Avant d’en venir à cette réforme, je tiens à vous dire combien je suis
personnellement attaché à votre rôle irremplaçable, à votre rôle culturel,
social, civique. Je suis l’élu d’une ville, Tours, où je soutiens et je suis
l’auditeur passionné de deux radios associatives : Radio Béton, qui émet
depuis vingt ans, et qui est notamment associée à un festival rock d’une
grande qualité et d’une grande diversité ; et Génération FM, plus
récemment venue sur les ondes, et qui est notamment associée au
développement des arts vivants et des arts de la rue.

Depuis plus de vingt ans, le Fonds de soutien à l’expression
radiophonique (FSER) accompagne le développement des radios de
proximité. Ses dépenses n’ont cessé de croître en raison de
l’augmentation du nombre des radios éligibles (442 en 1993 à 562 en
2005). Ainsi, le total des subventions versées aux radios est passé de 14
M- en 1993 à 24,2 M- en 2005, soit une hausse de 72 %.

Parallèlement,
les recettes n’ont pas évolué aussi rapidement et ont même connu une
stagnation depuis 2001.

Je souhaite vous rassurer tous et toutes pleinement sur l’engagement du
gouvernement à vos côtés. Je comprends que certaines prises de
positions récentes ou certaines préconisations aient pu jeter le trouble
dans les esprits.

Je tiens à rappeler solennellement au nom du Gouvernement, que le droit
au soutien public que la loi vous garantit ne sera pas remis en cause.

Je sais les difficultés que vous avez rencontrées en 2005 et je tiens à
vous exposer les mesures que j’ai décidées pour 2006.

A cause d’une suite d’évènements – à titre principal, le départ de plusieurs
agents affectés au secrétariat de la commission du fonds de soutien, mais
également l’entrée en vigueur de la loi organique du 1er août 2001 relative
aux lois de finances, la mise en place d’un nouveau système informatique
et le déménagement du secrétariat de la commission – vous avez subi, je
le sais, des retards dans l’instruction des demandes et, par voie de conséquence, dans le paiement des subventions 2005. Ces retards, je
tiens à vous le dire, ne sont pas acceptables. J’ai bien conscience qu’ils
ont mis certaines radios en difficulté et il n’est pas question qu’ils se
reproduisent.

Sur le premier point, j’ai demandé que des mesures énergiques soient
prises et elles l’ont été : les 147 subventions de fonctionnement et les 40
aides à l’équipement qui, au 15 mars dernier, restaient encore à payer
l’ont été. Les 421 majorations accordées ont toutes été notifiées.

Comme
je m’y suis engagé, elles seront toutes payées d’ici le mois de juin
prochain.

Sur le second point, j’ai demandé à l’administration de réfléchir à la
meilleure méthode pour que cette année les subventions de
fonctionnement soient payées au plus vite, c’est à dire de nouveau au fur
et à mesure de la perception de la taxe sur les recettes des régies
publicitaires qui alimente le fonds de soutien.

La commission du fonds de soutien qui s’est réunie avant hier, a estimé,
en accord avec l’ensemble des représentants des radios, que dès lors que
les effectifs du secrétariat de la commission étaient à nouveau au
complet, avec l’arrivée le 2 mai dernier d’un nouveau secrétaire général,
et qu’ils avaient été renforcés, la meilleure solution était de reprendre le
mode de fonctionnement habituel, parfaitement rôdé, qui permettra à la
commission de délibérer sur l’ensemble des demandes de subvention
2006, dans leur ordre d’arrivée, d’ici le 31 décembre prochain, de notifier
et de payer les subventions de fonctionnement, d’installation et
d’équipement au fur et à mesure de la disponibilité des crédits, de notifier
et de payer les dernières subventions de fonctionnement délibérées–
environ une quarantaine sur presque 600 – ainsi que l’ensemble des
majorations dans les premières semaines de février 2007, dès que le
produit du dernier trimestre de la taxe aura été encaissé.

Je connais et je respecte la compétence et l’expérience des membres de
la commission, et tout particulièrement de vos représentants, dont je tiens
à saluer la qualité du travail qu’ils accomplissent avec une régularité sans
faille. C’est cette méthode qui sera mise en oeuvre dès la semaine
prochaine. Pour ma part, j’ai donné instruction à l’administration de revenir
au rythme d’instruction des demandes (une quarantaine tous les quinze
jours) et les délais de paiement (5 à 6 semaines à compter de la
notification) qui étaient ceux de 2004.

J’ai également entendu le souhait de vos représentants de disposer, pour
continuer de bien préparer les réunions de la commission et de jouer
pleinement leur rôle, dans une parfaite transparence, du dossier de
séance dans sa version papier. J’ai donné les instructions nécessaires.

J’en viens naturellement à la mise en oeuvre des téléprocédures qui,
comme vous le savez, s’inscrit dans le cadre de la réforme de l’Etat et de
la construction de la société d’information. J’ai demandé qu’un groupe de
travail, dès le mois prochain, associe le président de la commission et vos
représentants, pour étudier avec l’administration dans quelles conditions
les radios associatives pourraient, à compter de 2007, si elles le
souhaitent, présenter leur demandes d’aide financière sous une forme
dématérialisée. Un audit est en cours, confié au conseil général des
technologies de l’information du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie. Ses conclusions seront prochainement rendues publiques et
nous permettront d’avancer sur ce sujet important dans les meilleures
conditions.

Sur l’ensemble de ces points, sachez que tous nous travaillons ensemble
dans le même sens : vous-même, le président de la commission et les
équipes de la Direction du développement des médias qui depuis des
années se mobilisent et ont travaillé sans relâche pour rattraper les
retards. Je veux les saluer et les en remercier.

Venons-en à l’essentiel : la réforme réglementaire dont l’objet est – je le
rappelle – de consolider, d’améliorer le fonctionnement et l’efficacité de
l’outil exceptionnel que constitue le FSER – dont il faut souligner qu’il a
permis au secteur des radios associatives de catégorie A de se structurer
en une vingtaine d’années – tout en préservant la nécessaire maîtrise de
la dépense publique. Le relèvement du barème de la taxe que j’ai soutenu
dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2004, a permis une
augmentation des recettes de 2,5 M-, en 2005. –Mais vous comprendrez
que cette mesure doit rester exceptionnelle.

Vous le savez, la taxe parafiscale prélevée sur les régies publicitaires qui
alimente le fonds de soutien a été transformée, en 2003, pour des raisons
juridiques tenant principalement à l’entrée en vigueur de la LOLF, en une
taxe fiscale. Cette réforme a eu plusieurs conséquences. La commission
a perdu son rôle décisionnaire pour devenir consultative. Toutes les
modifications réglementaires qui résultaient de ce changement n’avaient
pas été faites et il était temps, pour des raisons de bonne administration,
de mettre à jour le décret qui régit notamment le mode de fonctionnement
de la commission. Je pense notamment aux subventions de
fonctionnement, pour lesquelles la compétence du ministre chargé de la
communication – comme disent les juristes, chère Isabelle Lemesle – est
liée : c’est-à-dire qu’il n’a d’autre choix – et c’est d’ailleurs une bonne
chose – que d’attribuer le montant qui résulte de l’application du barème
de subvention annuel pris sur proposition de la commission. La marge de
manoeuvre étant inexistante, l’avis de la commission n’est pas nécessaire.

A l’inverse, en matière de majoration, il faut porter une appréciation
qualitative sur l’action de la radio, au regard des cinq critères posés par le
décret et pour se faire, j’ai naturellement besoin d’être éclairé par la
commission et notamment par vos représentants. J’observe d’ailleurs
qu’aujourd’hui les travaux de la commission sont, pour l’essentiel,
consacrés à l’examen des majorations.

Ensuite, il était indispensable d’inscrire dans les textes certaines
méthodes résultant de la seule doctrine de la commission : je pense, par
exemple, à l’attribution en deux tranches de la subvention d’équipement.

Enfin, il était souhaitable de faire évoluer le fonctionnement de la
commission et les modalités d’attribution de l’aide pour les rendre plus
efficaces sans, naturellement – j’y insiste – remettre en cause ni son
caractère automatique, ni l’architecture globale du système qui doit rester
d’une parfaite transparence.

Sur la méthode, j’ai souhaité que cette réforme se fasse en pleine
concertation avec tous les acteurs concernés, au premier rang desquels
les radios. C’est pourquoi, dès mai 2005 et tout au long du processus
d’élaboration du texte, les présidents des fédérations nationales et les membres de la commission ont été associés pour aboutir à la réforme la
plus consensuelle possible.

Le texte qui a été transmis cette semaine au Conseil d’Etat tient compte
de la majeure partie des demandes qui ont été formulées par les radios.

J’en résume les grandes lignes :

– Les subventions d’installation, d’équipement et de fonctionnement sont
regroupées sous le vocable « subventions automatiques ». L’actuelle
majoration, rebaptisée « aide sélective » sera désormais fondée non plus
sur cinq mais sur six critères, incluant la proportion de programmes
propres produits par la radio. Sur ce critère, je tiens à préciser qu’il n’est,
c’est évident, pas question d’obérer votre indépendance éditoriale. Dans
une démocratie comme la nôtre, la liberté d’expression est une valeur
sacrée. Vous incarnez cette liberté. Le mode de calcul de la subvention
est renvoyé à un arrêté mais, en tout état de cause, les crédits consacrés
à l’aide sélective ne peuvent excéder 25% du total des crédits consacrés
aux subventions de fonctionnement ;

– Les plafonds des subventions d’installation et d’équipement sont portés de 15
250 euros, respectivement à 16 000 et 18 000 euros ;

– Les radios ont désormais la faculté de présenter deux demandes de
subvention d’équipement par période de cinq ans dans la limite du plafond
précité ;

– La commission ne délibérera plus sur les subventions à caractère
automatique mais, en revanche, elle acquiert une compétence
consultative générale et je pourrai la saisir de toute question concernant le
secteur des radios associatives. Je tiens à ce qu’elle devienne plus
encore un lieu de dialogue et de concertation.

Cette réforme n’entrera en vigueur que le 15 février 2007, de sorte que les
radios aient le temps de se familiariser avec ces nouvelles dispositions qui
ne devraient avoir que peu de conséquences sur la présentation des
demandes de subvention.

Tels sont les principaux points que je souhaitais évoquer devant vous
aujourd’hui.

Mon attachement aux radios associatives ne s’est jamais démenti. Ma
présence parmi vous aujourd’hui en est le témoignage renouvelé.

Conseil national des professions du spectacle, (CNPS)

12 mai 2006

Mesdames et Messieurs,

A plusieurs reprises, devant le Conseil national des professions du
spectacle, j’ai dit que le Gouvernement prendrait toutes ses
responsabilités afin de construire un système pérenne et équitable de
soutien à l’emploi et d’assurance chômage adapté aux spécificités du
secteur du spectacle.

Je comptais même – et on me l’a assez rappelé ! – que ce système
puisse être mis en place au 1er janvier 2006.

Il est, à mes yeux, le volet indissociable de l’action artistique, des plans
que j’ai présentés à l’automne pour le théâtre, la musique, la danse, le
court-métrage. Le soutien à l’emploi, la préoccupation de la condition
des artistes et des techniciens, cela fait partie de la conception que je
me fais du rôle d’un Ministre de la Culture et de la Communication. Et
tant pis pour ceux qui voudront moquer l’emploi culturel comme une des
missions du ministère de la Culture et de la Communication. J’assume
d’être aussi le « Ministre de l’emploi culturel ».

Vous le savez, la négociation de la convention pour le régime général
d’assurance chômage a été plus longue que prévu ; les décisions des
confédérations pour signer ou non cette convention pour le régime
général sont intervenues jusqu’à la mi-janvier ; et, concernant les
annexes 8 et 10, relatives à l’assurance chômage des artistes et des
techniciens du spectacle, pour ne pas précipiter la conclusion d’une
négociation qui n’avait pas eu le temps de prendre en compte tous les
travaux et propositions intervenus depuis deux ans, qui aurait pu, ce que
j’avais redouté, se li miter la reconduction du protocole de 2003,
plusieurs organisations ont souhaité – et je les en remercie – prolonger le
régime actuel des annexes 8 et 10 jusqu’à la conclusion d’un nouveau
protocole.

Pour qu’il n’y ait ni vide juridique ni incertitude quant à la couverture
sociale et professionnelle des artistes et des techniciens, pour laisser
aux partenaires sociaux le temps nécessaire à une vraie négociation, à
caractère professionnel, le Gouvernement a décidé d’agréer cette
prorogation – et de maintenir en vigueur le Fonds transitoire qui permet
de réintégrer dans leurs droits les artistes et les techniciens qui
effectuent 507 heures en 12 mois, mais n’y parviennent pas dans les
délais fixés par le protocole du 26 juin 2003.

Les partenaires sociaux ont fixé un calendrier de négociations et de
travail, qui a commencé le 14 février et qui devait s’achever le 8 mars.

Au delà
du point d’équilibre économique auquel ils étaient parvenus le 8
mars, après des travaux d’expertise et de vérifications techniques qui ont
nécessité le report de la réunion de conclusion de leur négociation, les
partenaires sociaux ont finalement défini, le 18 avril dernier, dans un
nouveau protocole, ce que devaient être, à leurs yeux, le niveau et le
contenu de la solidarité interprofessionnelle que recouvre le régime
spécifique d'assurance chômage des artistes et techniciens – même si ce
nouveau protocole fait l’objet d’appréciations contrastées de la part des
différentes confédérations.

C’est leur responsabilité – et le Gouvernement entend la respecter.

Je relève que les mêmes qui nous reprochaient, en décembre dernier, de
n’avoir pas obligé les partenaires sociaux à conclure leur négociation dans
les délais prévus regrettent aujourd’hui que nous ne fassions pas pression
sur eux pour qu’ils prolongent leur discussion et aillent au-delà des
avancées significatives qui figurent dans le nouveau protocole du 18 avril !

Je le répète : le gouvernement entend respecter les prérogatives et les
calendriers du dialogue social.

Avant de définir en quoi ce protocole, renforcé par l’expression de la
solidarité nationale, peut contribuer à créer un système équitable et
pérenne de soutien à l’emploi dans le spectacle, je voudrais souligner
plusieurs éléments novateurs, par rapport aux négociations des
protocoles précédents.

Au plan de la méthode, tout d’abord.

Cette fois-ci, de nombreuses réunions de négociations et de travail
ont eu lieu, officielles ou officieuses, en tous sens et en tous formats,
allant au-delà des canons habituels de la négociation sociale
interprofessionnelle sur les annexes 8 et 10.

Je voudrais relever le souci qui a été celui des organisations confédérales
d’employeurs comme de salariés d’associer étroitement à leurs travaux
les employeurs et les fédérations de salariés du secteur, témoignant
ainsi de leur volonté de donner un caractère pleinement professionnel à
leur négociation. Des propositions importantes, émanant des employeurs
regroupés au sein de la FESAC comme des fédérations de salariés qui
ont participé aux négociations, ont été prises en compte dans le protocole
du 18 avril.

Des rencontres ont été organisées avec les parlementaires, notamment
ceux du Comité de suivi, dont je veux, une nouvelle fois devant vous,
saluer le rôle et le travail depuis plus de deux ans, eux qui ont su, avec les
Commissions des affaires culturelles des deux Assemblées, susciter une
exceptionnelle mobilisation parlementaire en faveur des artistes et des
techniciens du spectacle, en faveur de l’activité culturelle et artistique sur
tout notre territoire.

Des rencontres bilatérales ont eu lieu entre certaines confédérations et
la Coordination des intermittents et précaires d’Ile de France, marquant
ainsi une attention particulière et nouvelle à des contributions émanant
d’artistes et de techniciens qui ont choisi de se regrouper en dehors des
organisations syndicales – mais soulignant aussi, dans le même temps,
que seule l’expression des organisations syndicales doit être prise en
compte dans un dialogue social institutionnel et organisé.

Enfin, les confédérations d’employeurs et de salariés ont tenu à ce que
leur négociation soit éclairée par un travail d’expertise d’une intensité
exceptionnelle, mené en pleine coopération et transparence, tant de la
part de Jean-Paul Guillot, l’expert indépendant désigné par le
Gouvernement et qui a travaillé pour tous les partenaires sociaux qui l’ont
sollicité, que de la part des services techniques de l’UNEDIC. Vous me
permettrez d’exprimer devant vous une gratitude particulière à Jean-Paul
Guillot pour l’intelligence, la rigueur et la constance avec lesquelles il a
accompagné, depuis maintenant près de deux ans, l’élaboration d’un
système pérenne de soutien à l’emploi dans le spectacle.

On peut toujours aller plus loin dans la concertation et la conduite des
négociations. On peut approfondir encore les travaux techniques ; je ne
crois pas qu’une négociation pour définir les annexes 8 et 10 ait jamais
été précédée de tant d’expertises, de chiffrages, de tant de minutie, de
tant de précautions, pour que ceux des partenaires sociaux qui vont
engager leur signature soient bien certains des effets des dispositions du
protocole sur la situation des artistes et des techniciens. Tout ce travail a
été et sera utile, j’en suis convaincu.

Au plan de son contenu, ensuite. Je voudrais m’en tenir à quelques
observations essentielles.

En tant que Ministre de la culture et de la communication, responsable
d’un secteur d’activité essentiel pour le rayonnement de notre pays et
pour sa vitalité économique, je me réjouis très profondément que les
partenaires sociaux aient confirmé l'engagement qu'ils avaient pris
lorsqu'ils se sont réunis à deux reprises, rue de Valois, de maintenir le
régime spécifique d'assurance chômage des artistes et techniciens
au sein de la solidarité interprofessionnelle. Au nom du
Gouvernement, mais aussi, si vous m’y autorisez, au nom des
professionnels du spectacle que ce Conseil représente, je veux
publiquement les en remercier.

Au terme de leur négociation, les partenaires sociaux garantissent aux
artistes et aux techniciens la prise en compte des spécificités de leurs
pratiques d’emploi et un niveau d’indemnisation élevé, de 51 – en
moyenne par jour pour les artistes et de 60 – pour les techniciens (quand
ce niveau est, en moyenne, dans le régime général, de 33 – – même s’il
faut, pour être tout à fait juste, rappeler que le taux de cotisation est
double – mais plafonné ! -pour les employeurs comme pour les salariés
du secteur). Le coût, pour l’UNEDIC, est de l’ordre du milliard d’euros par
an, pour un peu plus de 100 000 artistes et techniciens indemnisés.

Ce protocole prend en compte le rythme d’activité et la saisonnalité
spécifiques au secteur du spectacle. Il permet aux artistes et aux techniciens de retrouver, pour la recherche de leurs droits, la période de
référence annuelle qui correspond au rythme de l’immense majorité
d’entre eux, même si c’est au terme d’un mécanisme un peu complexe.

Le protocole du 18 avril définit une formule de calcul de l’allocation qui
encourage à déclarer toutes les heures travaillées, et qui, avec
l’abandon du salaire journalier de référence, prévoit des montants
d’indemnisation proportionnels à la fois à la rémunération et à la durée du
travail effectué et déclaré, de manière à ce qu’un artiste et un
technicien ait toujours intérêt à choisir de travailler et à déclarer tout
son travail plutôt que d’être indemnisé par l’assurance chômage. Ce
n’était le cas ni dans le système de 2003 – ni dans les systèmes qui l’ont
précédé. Et c’est un système équitable, au sens où deux salariés placés
dans des situations comparables de durée de travail et de rémunération
auront un niveau d’indemnisation comparable. Ce n’était pas le cas avant.

La nouvelle formule de calcul est aussi plus juste, et corrige des défauts
du système antérieur : elle améliore le niveau d’indemnisation de ceux
dont les revenus sont les plus faibles et limite le niveau
d’indemnisation de ceux qui tirent déjà de leur travail des revenus
très substantiels. Dans un système d’intermittence, les allocations de
chômage ne doivent pas être un revenu de complément pour des salaires
déjà élevés. Permettez-moi d’insister sur ce point, car il s’agit d’un aspect
essentiel pour la politique de l’emploi – c’est bien la clef de voûte d’un
nouveau système, bien plus encore que tous les curseurs et seuils, qui
peuvent parfois prendre valeur de slogan !

Avec le système de décalage retenu, le nouveau protocole encourage les
employeurs comme les salariés, lorsqu’ils en ont la possibilité, à choisir
des contrats plus longs, voire, pour un travail permanent, un contrat
à durée indéterminée plutôt que de recourir à l’intermittence. Il
concourt ainsi à faire jouer à l’assurance chômage son rôle de revenu de
remplacement et non plus de revenu de complément.

Le protocole du 18 avril prévoit enfin d’importantes améliorations de
protection sociale par rapport au protocole de 2003 : la prise en compte
consolidée des congés de maternité ou d’adoption, la prise en compte
nouvelle des congés liés aux accidents du travail ; la garantie du
maintien de leurs allocations jusqu’à l’âge de la retraite pour les
artistes et techniciens qui ont dépassé 60 ans et demi.

Au-delà du point d’équilibre auquel sont parvenus les partenaires sociaux,

le Premier Ministre a indiqué, le 12 décembre dernier, que l'Etat
prendrait, lui aussi, ses responsabilités, et que, dès lors qu’il existera
un accord, la création d’un Fonds permanent de professionnalisation
et de solidarité pour les artistes et les techniciens manifestera que la
solidarité nationale prend le relais de la solidarité
interprofessionnelle.

L’Etat prendra donc sa part, aux côtés des partenaires sociaux, pour
construire un système pérenne et équitable de protection sociale et
professionnelle pour le soutien à l’emploi des artistes et des
techniciens du spectacle.

On peut débattre, et c’est légitime, de ce qui relève de la solidarité
interprofessionnelle et de ce qui relève de la solidarité nationale, de ce qui
relève des interventions publiques ou des conventions collectives. Au
total, c’est l’appréciation qui sera portée sur l’ensemble qui importe.

C’est
sur l’ensemble qui sera constitué par l’accord d’assurance chômage
– s’il recueille les signatures nécessaires – et le Fonds mis en place par
l’Etat que je revendique que soit jugé le système pérenne et
équitable auquel je me suis engagé au nom du Gouvernement.

Au terme de la concertation qui a été menée, ces derniers jours, avec les
partenaires sociaux, je confirme que l’intervention de l’Etat vient renforcer
la protection assurée par le régime d’assurance chômage et s’articule
avec lui. En aucun cas elle n’aboutit, comme la crainte en est parfois
exprimée, à ce que la solidarité nationale se substitue à la solidarité
interprofessionnelle. Et elle respecte les prérogatives et les
responsabilités qui sont celles des partenaires sociaux dans la définition
d’un régime paritaire – spécifique – d’assurance chômage.

Le Fonds exercera six missions principales, sans aucun empiètement
sur le rôle des organismes sociaux et professionnels actuellement en
place dans le secteur.

1. Le Fonds apportera un soutien financier lorsque les artistes et
techniciens arrivent au terme de leurs droits à indemnisation et qu’ils
ne peuvent pas bénéficier de l’allocation spécifique de solidarité.

Cette allocation de fin de droits, d’un montant de 30 – par jour, sera versée
selon une durée modulable en fonction de l’ancienneté des artistes et des
techniciens dans le régime d’assurance chômage : 2 mois pour ceux qui
ont moins de 5 ans d’ancienneté ; 3 mois pour ceux qui ont entre 5 et 10
ans d’ancienneté ; 6 mois pour ceux qui ont plus de 10 ans d’ancienneté.
Cette allocation sera versée une fois dès lors qu’il s’agit de professionnels
qui ont effectué 507 heures dans les 12 derniers mois.

Ainsi sera remplie une des fonctions essentielles de la « date
anniversaire », qui correspond à une des demandes principales des
artistes et des techniciens, à savoir une protection pour tous les artistes et
les techniciens, quelle que soit leur ancienneté dans le régime, d’une
durée, au minimum, d’une année entière, en combinant le temps consacré
à leur activité professionnelle, la durée d’indemnisation (243 jours) et
l’allocation de fin de droits.

C’est un niveau de protection qui marque une valeur ajoutée spécifique de
la solidarité nationale par rapport à la solidarité interprofessionnelle – et
supérieur à tout ce qui a existé avant 2003.

2. Le Fonds assurera une mission d’action sociale

Pour les artistes et techniciens atteints par des maladies remboursées à
100 % par l’Assurance Maladie, le Fonds prendra en charge le coût
correspondant à l’assimilation des périodes de congé de maladie à des
périodes d’activité à raison de 5 heures par jour pour le calcul des heures
ouvrant droit au régime spécifique d’assurance chômage.

Plus généralement, pour les artistes et techniciens qui ne sont pas
couverts par les dispositifs d’action sociale de leur caisse de retraite et qui
ne bénéficient pas d’autres dispositifs d’action sociale, le fonds pourra
assurer, au cas par cas, des aides ponctuelles d’urgence et des secours
individuels prolongés qui permettent de répondre aux situations de grave
détresse ou de risque de désocialisation du demandeur. Les décisions en
la matière devront être prises de manière collégiale et transparente

3. Le Fonds encouragera à dispenser des formations (éducation artistique
et formation professionnelle)

Vous savez tout l’attachement qui est celui du Gouvernement à
développer l’éducation artistique, à encourager les artistes à intervenir
dans les écoles, les établissements scolaires et universitaires. Je
considère, je l’ai dit, que la transmission fait partie intégrante des métiers
des artistes et des techniciens.

Pour encourager les artistes et les techniciens qui le souhaitent à
transmettre leur savoir, leur savoir-faire et leur expérience, le Fonds
prendra en charge le coût correspondant à l’intégration, dans le calcul des
heures ouvrant droit au régime spécifique d’assurance chômage, des
heures de formation dispensées dans un certain nombre de structures
agréées à hauteur de 120 heures par an, comme cela avait été prévu
dans le Fonds transitoire, en complément des dispositions prévues par le
protocole d’accord du 18 avril 2006.

4. Le Fonds soutiendra les actions d’aide à la pérennisation des emplois
En accompagnement des expérimentations lancées par l’Etat, avec le
concours de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de
travail (ANACT), en matière d’aide à la structuration du secteur, et dans la
perspective de leur généralisation, le Fonds pourra apporter un soutien
financier aux structures en vue de l’aide à la pérennisation des emplois,
soit directement, soit par une démarche de mutualisation.

L’UNEDIC pourra être associée à cet effort en signant des conventions
d’aides actives à la création d’emplois permanents.

5. Le Fonds permettra de détecter les artistes et techniciens en situation de
vulnérabilité professionnelle et, sur la base du volontariat de leur part,
de leur proposer un soutien professionnel adapté.

Sur la base des données recueillies par Audiens (le groupe de
prévoyance du secteur), pourront être détectés, de manière systématique
et exhaustive, les artistes et techniciens qui, dans les cinq dernières
années, sans que ce soit obligatoirement le signe d’une fragilité
professionnelle de leur part, sont sortis au moins une fois du régime
d’assurance-chômage, ont eu un volume d’activité qui reste durablement
fixé autour du seuil minimum d’affiliation ou qui perçoivent des revenus
durablement faibles de leur activité.

En complément de la mise en oeuvre de l’accompagnement personnalisé
prévu par le protocole d’accord du 18 avril 2006, grâce à une coopération
étroite avec le réseau ANPE spectacle, l’AFDAS (organisme de formation
du secteur) ou l’AFPA, ces personnes, si elles répondent volontairement à
l’invitation qui leur sera faite à un entretien, pourront se voir proposer un
soutien en terme d’appui professionnel, de formation dans le secteur ou
de formation en vue d’une aide à la reconversion.

Cette démarche pourra être renouvelée tous les cinq ans et apportera
ainsi aux artistes et techniciens un suivi de leur carrière sur la durée.
Ce repérage systématique n’est pas exclusif de démarches individuelles
volontaires d’artistes ou de techniciens qui voudraient bénéficier d’un
soutien professionnel adapté.

De manière plus spécifique, mais également systématique, un
accueil sera prévu pour les femmes enceintes, pour les informer très
précisément de tous les droits qui leur sont ouverts – et que, bien
souvent, au-delà de ceux dont elles sont informées par leur caisse
primaire d’assurance maladie ou leur caisse d’allocations familiales,
elles ne connaissent pas – et pour les aider à préparer leur reprise
d’emploi, au terme de leur congé de maternité.

6. Le Fonds accompagnera la mise en oeuvre progressive de l’accord.
Pour tenir compte des premiers effets attendus des conventions
collectives, il prendra en charge au plus tard jusqu’à la fin de l’année
2007, le coût de l’indemnisation des artistes et des techniciens qui
ne remplissent pas les conditions de réadmission dans les annexes
mais qui réalisent 507 heures sur 12 mois.

Par rapport à la situation de 2005, où, grâce au Fonds transitoire, les
artistes et les techniciens pouvaient bénéficier des annexes dès lors
qu’ils avaient effectué 507 heures sur 12 mois, le protocole du 18
avril reprend les conditions d’entrée plus exigeantes fixées par le
protocole de 2003.

Les nouveaux seuils d’affiliation prévus pourront très certainement
être atteints, comme le montre l’analyse fine des premiers chiffres
disponibles du Fonds transitoire, au terme d’une période
d’adaptation et par l’effet des conventions collectives en cours de
négociation.

Pour aider les professionnels à s’adapter aux nouvelles conditions
de réadmission, le Fonds comprendra, en accompagnement des
dispositions transitoires déjà prévues par les partenaires sociaux
dans le protocole du 18 avril, des mesures qui permettront aux
artistes et aux techniciens de conserver, jusqu’aux premiers effets
des conventions collectives, au plus tard jusqu’au 31 décembre
2007, un seuil de 507 heures sur 12 mois pour bénéficier de
l’indemnisation correspondant aux annexes 8 et 10 – et d’avoir ainsi,
pendant cette période, des conditions d’indemnisation plus
favorables que celles qui sont prévues avec l’allocation de fin de
droits.

C’est le signe de la confiance que le Gouvernement place dans le
bon aboutissement des conventions collectives, sur lesquelles
Gérard Larcher interviendra dans un instant, pour structurer l’activité
dans le secteur. C’est aussi le signe de la détermination avec
laquelle nous entendons accompagner la négociation de ces
conventions !

Tirant les enseignements du fonctionnement du Fonds transitoire en
2005 (plus des trois quarts des artistes et des techniciens ont
bénéficié de l’allocation du Fonds transitoire pour une durée de
moins de 3 mois, pour un montant moyen d’allocation journalière de
45 euros), les mesures transitoires du Fonds prévoient un
plafonnement de l’allocation à 45 euros par jour, et une limitation de
durée de 3 mois. Il s’agit de concentrer l’aide de la solidarité
nationale sur les artistes et les techniciens qui sont placés dans les
situations d’activité ou de revenu les plus fragiles.

Telles sont les fonctions que le Fonds de professionnalisation et de
solidarité assurera pour les artistes et les techniciens du spectacle. Elles
feront l’objet, en fonction de la nature des prestations, de conventions de
délégation de gestion passées avec l’UNEDIC et avec Audiens, le Groupe
de prévoyance du secteur du spectacle.

Un comité d’orientation associera, aux côtés de l’Etat, les partenaires
sociaux du secteur. Il sera consulté sur les missions de
professionnalisation et jouera un rôle de suivi et de conseil. Un bilan
périodique des actions lui sera présenté, et un rapport d’activité du Fonds
sera présenté, en fin d’exercice, au Conseil national des professions du
spectacle.

Telle est, Mesdames et Messieurs, l’économie générale d’un système
pérenne et équitable de soutien à l’emploi, de protection sociale et
professionnelle pour les artistes et les techniciens du spectacle, où
l’assurance chômage joue pleinement son rôle, mais seulement son rôle –
et non plus, comme cela a été trop longtemps le cas, celui de financeur
indu et de régulateur quasi exclusif du secteur !

J’ai demandé à Jean-Paul Guillot d’établir, à partir de quelques situationstypes
d’artistes ou de techniciens, une comparaison du niveau de
protection assuré par le nouveau système par rapport aux systèmes
antérieurs, de manière à ce que chacun puisse objectivement apprécier
son effet concret sur la situation des artistes et des techniciens – dont je
sais bien qu’elle demeurera difficile et incertaine ! Ce document vous sera
remis en annexe du texte de nos interventions, avant d’être mis en ligne
sur le site du Ministère.

C’est l’exemple des informations concrètes qui devront figurer sur le site
du Fonds de professionnalisation et de solidarité, qui devra constituer, en
liaison avec tous les autres sites (de l’UNEDIC, des organismes sociaux
du spectacle, des différentes institutions et ministères) un portail
professionnel pour les artistes et les techniciens.

Au-delà des informations, les améliorations concrètes et très attendues à
apporter dans le fonctionnement des systèmes informatiques et la
constitution des dossiers par les ASSEDIC, devraient faciliter l’accès des
artistes et des techniciens aux prestations auxquelles ils ont droit.

Est-ce à dire que le nouveau système est parfait ? Evidemment non ! Il
devra être amélioré, aménagé, au fur et à mesure que seront conclues les
conventions collectives et qu’elles produiront leurs effets, au fur et à
mesure que le renforcement des contrôles dissuadera les abus qui ont
trop longtemps marqué le secteur – et qui sont encore loin d’avoir disparu.

Je vais, dans un bref instant, laisser la parole à Gérard Larcher qui vous
décrira l’engagement de son département ministériel sur ces deux sujets.

Mais au moins, ce nouveau système reposera sur des bases saines. Et il
a, à mes yeux, quels que soient ses défauts ou ses imperfections,
l’incomparable mérite d’être le fruit de la négociation entre les partenaires
sociaux interprofessionnels, de leur volonté de maintenir au sein de la
solidarité interprofessionnelle un régime spécifique d’assurance chômage
pour les artistes et les techniciens du spectacle et d’assurer, à leurs côtés,
l’engagement durable et déterminé de l’Etat. Et ce mérite-là lui donne une
supériorité absolue sur toute autre solution !

Ma conviction est que, sur la base du protocole du 18 avril, s’il est signé et
renforcé par le Fonds de professionnalisation et de solidarité, il est
possible de bâtir le système équitable et pérenne que nous appelons tous
de nos voeux sans recourir à la loi, et de le rendre effectivement
opérationnel dans des délais et dans une sécurité juridique qu’une
démarche législative ne permettrait pas de garantir.

On ne va pas nous reprocher, maintenant, de préférer le respect dû au
dialogue et à la responsabilité des partenaires sociaux à une démarche
législative qui consisterait à se substituer à eux – et dont les résultats
concrets seraient incertains et tardifs et, pour tout dire, aventureux, car
aucune loi ne pourra définir tout le contenu d’une négociation conduite par
les partenaires sociaux !

Plutôt qu’à une loi, je préfère que nous consacrions, tous ensemble, notre
énergie à la construction d’une politique de l’emploi dans le secteur du
spectacle, à la négociation des conventions collectives, à la vigilance
quant à leur application. Je souhaite que la mobilisation exceptionnelle
des parlementaires, que je voudrais une nouvelle fois saluer, encourage
l’Etat comme les collectivités territoriales, qui ont des responsabilités
essentielles en la matière, à jouer pleinement leur rôle, ainsi que le
rapport d’Alain Auclaire nous y a invités.

Il y a, en effet, et je ne veux pas manquer de le rappeler en terminant, au delà
de l’assurance chômage, tant d’actions à conduire pour organiser
l’activité dans le secteur du spectacle !

Le plan pour l’emploi dans le spectacle vivant, qui se décline dans
chaque région ; les crédits d’impôt pour le cinéma et l’audiovisuel, qui
ont permis la relocalisation des productions et une augmentation, en
2005, de 35 % du nombre de semaines de tournage sur notre territoire ;
demain, j’espère, les crédits d’impôt pour l’édition phonographique et le jeu vidéo, ce sont des volets aussi importants que l’assurance
chômage pour la construction d’un système pérenne de soutien à l’emploi.

La négociation des conventions collectives, la lutte contre les abus, un
cadre juridique mieux adapté pour les pratiques amateurs, qui doivent
être encouragées, mais qui ne doivent pas constituer, en particulier dans
le secteur musical, une concurrence déloyale pour les professionnels, la
régularisation engagée du recours à l’intermittence ou aux contrats
précaires dans l’audiovisuel public, qui devra se traduire dans le
« volet emploi » des contrats d’objectifs et de moyens que l’Etat va passer
avec chaque société du secteur public de l’audiovisuel, ce sont de grands
chantiers, essentiels, pour lesquels toute notre énergie commune doit être
mobilisée.

Je veux vous dire, enfin, combien je sais pouvoir compter sur le Conseil
national des professions du spectacle, dont j’ai pu apprécier le soutien,
tout au long des deux années écoulées, pour accompagner la mise en
oeuvre d’un système pérenne et équitable de soutien à l’emploi dans le
secteur du spectacle – et vous en exprimer, par avance, toute ma
reconnaissance.

Soyez assurés que vous pouvez, aussi, en retour, pleinement compter sur
notre engagement et notre détermination.

Je vous remercie.

Soirée poésie franco-arabe

10 mai 2006

Madame, [Marie-Laure de Villepin]

Madame l’Ambassadeur du Royaume de Jordanie, chère Dina Kawar,

Messieurs les Ambassadeurs,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis très heureux de vous accueillir rue de Valois pour cette soirée placée sous le double
signe de la poésie et de l’amitié franco-arabe, de la magie enchanteresse du verbe et des
chants qui, dans toutes les langues, toutes les cultures, expriment le meilleur des créations
de l’homme.

Je louais, il y a une dizaine de jours, lors des Rencontres européennes de Grenade, la
beauté et le charme uniques de la rencontre entre les civilisations arabe et latine, du
dialogue entre deux mondes qui ont, tout au long des siècles, davantage échangé qu’ils ne
se sont affrontés. Et ce soir, je ne doute pas que nous ressentirons, en vous écoutant,
Mesdames et Messieurs les poètes et les artistes, avec toute la force de vos talents, de votre
inspiration, de votre imagination, la puissance de cette alliance féconde, qui évoque autant
les senteurs envoûtantes des jardins de l’Alhambra que les harmonies, les symétries, les
rythmes de la poésie.

C’est cet échange, essentiel et profond, que nous célébrons ce soir grâce à vous. Oui, ce
sont des ponts que nos poètes jettent entre nos cultures, des ponts faits des mots, des sons
et des vibrations de la poésie, langage universel. La poésie est bien le souffle de tous les
hommes, comme le disait Victor Hugo : « Quelques peuples seulement ont une littérature,
tous ont une poésie. » Langue du coeur, chant intérieur, la poésie mêle ce soir, pour notre
plus grand plaisir, les âmes de nos deux civilisations.

Avant de céder la parole à Mme l’Ambassadeur de Jordanie, avant de laisser les voix de nos
poètes charmer notre assemblée, je souhaite vous lire ces quelques mots du poète Adonis
[le saluer s’il est présent, à confirmer], qui expriment si bien cette vocation universelle du
verbe poétique :
« Quand la philosophie hésite, improvisant des réponses incertaines et se défiant de tout
sens,
Quand l'ensemble des connaissances disparaît sous le vacarme des marchands, ou étouffe
en silence,
La poésie reste le lieu,
Le lieu où l'homme peut tenter un dialogue de reconnaissance et de renaissance.

Un dialogue qui, d'un même mouvement, s'affirme découverte de l'univers et découverte de
l'autre.

Car la poésie est le plus profond des moyens d'expression enraciné dans la conscience
humaine. Elle n'est pas seulement l'esthétique des mots ; elle est aussi la vie et son
esthétique. »

Je vous remercie.

Journée de l’Europe, soirée pour les étudiants Erasmus

9 mai 2006

Madame la Ministre, chère Catherine,

Monsieur le Président, cher Jean-François,

Chers étudiants, chères étudiantes Erasmus,

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

Je tiens tout d’abord, cher Jean-François Hébert, à vous remercier de
nous accueillir ici, pour cette belle soirée de la fête de l’Europe, au coeur
de la Cité des sciences et de l’industrie, haut lieu de culture, de savoir,
de connaissance, de découverte et d’ouverture : des objectifs et des
valeurs emblématiques de l’Europe. Des valeurs qui font de la Cité un
musée pas comme les autres, entièrement dédié aux sciences, aux
techniques, à l’industrie, qu’il a pour mission de rendre accessibles à
tous les publics. La Cité a ouvert ses portes au public il y a vingt ans.

La
fête de l’Europe a, elle aussi, comme tu viens de le rappeler, chère
Catherine, vingt ans. Une très belle fête, célébrée il y a une heure par
toutes les chorales d’Europe, qui ont entonné en même temps, d’une
même voix et dans un même élan, l’hymne européen. Vingt ans, c’est
l’âge de beaucoup d’entre vous, qui êtes la génération Erasmus, la force
montante de l’Europe en train de se faire, l’Europe du savoir et de la
connaissance, l’Europe des hommes et des femmes, l’Europe de la
jeunesse, l’Europe de la culture, des arts et des lettres, l’Europe des
repères et du sens, l’Europe des échanges et des réseaux, l’Europe de
la mobilité et de l’action, l’Europe des compétences et de l’emploi,
l’Europe de la recherche et des sciences, l’Europe des projets et de
l’éthique, l’Europe des citoyens du XXIe siècle.

Oui, l’Europe, notre Europe, pour vous, n’est plus cette aventure, ce
risque ou ce pari, qui étaient loin d’aller de soi il y a encore vingt ans.

Elle est cette réalité et cette chance que vous n’avez pas hésité à saisir
et à mettre en oeuvre, pour partir étudier avec Erasmus, dans la fidélité à
l’esprit du grand humaniste qui, des Pays-Bas à la France, en passant
par l’Angleterre, l’Italie et la Suisse, construisit sa pensée par le voyage,
en exprimant la quintessence de la culture européenne de la
Renaissance, empreinte de mesure et de sagesse, mais avant tout du
partage du savoir et des expériences, qui sont, aujourd’hui comme hier,
le sel de la vie. Comme Erasme il y a cinq siècles, vous savez que les
contacts que vous entretenez avec les autres pays d'Europe sont à
même de vous apporter les connaissances, les expériences et les idées
qui constituent l’objet de vos recherches et les projets de votre vie.

A travers vous qui en bénéficiez, je tiens à saluer les mesures prises par
l’Union européenne pour soutenir les activités européennes des
établissements d’enseignement supérieur et promouvoir la mobilité et les
échanges des étudiants et des enseignants de ces établissements. Plus
d’un million d’étudiants de plus de deux mille universités européennes ont
bénéficié de ce programme et je m’en réjouis. La France est au premier
rang des pays qui participent à Erasmus, et plus de vingt mille étudiants
européens ont été accueillis dans notre pays dans le cadre de ce
programme. Vous partez à la découverte de l‘Europe et je tiens à vous en
féliciter.

L’Europe doit aussi venir à la rencontre de tous les étudiants,
qu’ils participent, comme vous, aux programmes de mobilité permis par
Erasmus, ou non. Je tiens donc à encourager tous les efforts réalisés afin
que les universités et les établissements d’enseignement supérieur soient
incités à ajouter à l’ensemble de leurs enseignements une dimension
européenne. En tant que ministre, en charge de plusieurs établissements
d’enseignement supérieur réputés dans les domaines de la culture et de
la communication, je tiens à montrer l’exemple, en mettant en oeuvre, par
exemple, la réforme qui permet à nos écoles d’architecture d’entrer de
plain-pied dans le système européen du L-M-D, ou encore, en ouvrant,
dans le domaine de l'architecture et du paysage, les Nouveaux Albums
des jeunes architectes et les Nouveaux Albums des Jeunes Paysagistes –
que j'ai créés – à tous les Européens de moins de 35 ans ; je souhaite en
effet que les jeunes talents puissent étendre leur carrière hors de leur
pays d'origine.

Il y a presque un an, jour pour jour, les Rencontres pour l'Europe de la
culture ont réuni à Paris, à la Comédie-française, des artistes, des
créateurs, des intellectuels, des responsables culturels et politiques des
25 pays de l'Union. Ces rencontres, celles de Budapest qui les ont suivies
et celles de Grenade, il y a dix jours, ont posé des jalons pour l'Europe de
demain, pour cette Europe qu'il vous appartiendra à votre tour de faire
vivre, vous qui incarnez son avenir et ses espoirs, mais aussi sa
magnifique diversité !

Car la culture, j’en suis convaincu, est le moteur de l’avenir de l'Europe,
comme elle figure au coeur de son histoire. Nous venons tous ensemble,
nous Européens, de remporter une grande bataille avec l'adoption à une
très large majorité de la convention sur la diversité culturelle à l'UNESCO,
le 20 octobre dernier. En affirmant que les oeuvres d'art et de l'esprit ne
sont pas des marchandises comme les autres, que les Etats sont fondés à
soutenir des politiques culturelles, et en régissant de façon positive les
rapports entre commerce international et culture, cette convention fait
entrer dans le droit international les fondements sur lesquels nous
pouvons à présent développer une véritable stratégie européenne au
service de la culture. Je tiens ici à saluer l'unité exemplaire des Européens
dans l'action et l'efficacité de la Commission européenne conduite dans
cette affaire par M. Jan Figel.

Parmi les projets ambitieux qui sont portés par la France et par mes
collègues européens, nous avons deux grands projets culturels : la
Bibliothèque numérique européenne et le classement du patrimoine
européen.

Six chefs d'Etat et de gouvernement, dont le Président de la République
française, ont proposé au Président de la Commission européenne que
les Européens unissent leurs efforts afin de créer une bibliothèque
numérique européenne, c'est-à-dire un instrument et des données
communes pour accéder par l'Internet aux fonds des plus grandes bibliothèques d'Europe. C'est un enjeu essentiel pour que l'Europe occupe
toute sa place dans la future géographie de la connaissance.

Autre chantier fondamental dans le monde d'aujourd'hui : la mise en
valeur et la prise de conscience du patrimoine historique européen.

Parce
que les Européens vivront d'autant mieux ensemble qu'ils auront pris
conscience que les sites, les monuments, les quartiers de leurs villes qui
font leur fierté nationale ont aussi des racines européennes. A cette fin,
avec plusieurs de mes collègues, je propose de créer un classement du
patrimoine européen sur le modèle du patrimoine mondial de l'humanité,
classé par l'UNESCO. Je suis convaincu que cette inscription au
"Patrimoine de l'Europe" renforcera le sentiment d'appartenance des
citoyens à l'Europe et je suis heureux que les rencontres de Grenade, il y
a dix jours, aient permis de faire avancer ce très beau projet.

Parce que l’Europe de la culture se construit chaque jour sur l’alliance
féconde du patrimoine et de la création, je vous donne rendez-vous,
jusqu’au 25 juin, sous la grande nef du Grand Palais, pour « La Force de
l’Art », la grande exposition, le nouveau grand rendez-vous triennal qui
rend hommage à la diversité de la création artistique contemporaine en
France, que je suis heureux d’avoir inauguré aujourd’hui.

Ce soir, je suis aussi très heureux de mettre à l’honneur les pratiques
culturelles en amateurs et de vous annoncer le lancement de trois
nouveaux projets, trois jeunes prix de la culture européenne 2006, qui
seront remis au ministère de la culture et de la communication en
décembre. Ils concernent trois domaines emblématiques des pratiques
culturelles des étudiants européens d’aujourd’hui.

Le Jeune Prix de la Culture Européenne – catégorie « travaux photos » est
parrainé par Bernard FAUCON représenté ce soir par Franck von
LENNEP que je remercie. Les étudiants intéressés par ce prix sont invités
à transmettre leurs photos et images au plus tard le 20 octobre 2006.

Le Jeune Prix de la Culture Européenne – catégorie « pratique musicale»
est parrainé par Jean-Claude CASADESUS, qui n’a pu être présent parmi
nous ce soir mais que je tiens également à remercier. Ce Jeune Prix,
ouvert à toutes les musiques et à toutes les pratiques, récompensera la
qualité, quel que soit le genre choisi, de vos pratiques musicales, et les
auditions seront organisées à Lille, ville européenne par excellence, dans
la 2nde quinzaine de novembre, par l'Orchestre national de Lille dirigé par
Jean-Claude CASADESUS. Les étudiants intéressés par cette catégorie
devront se faire connaître au plus tard le 31 octobre 2006. Nous aurons
dans un instant un avant-goût de cet enthousiasme musical grâce à
l’association Euro-Fil, présidée par Marielle BEZY, dont les choristes nous
chanteront une chanson de leur pays puis une chanson composée par
Alexandra DUFEU.

Le Jeune Prix de la Culture Européenne – catégorie « poésie, textes»
parrainé par Michel DEGUY, ici présent, que je salue, récompensera les
essais brefs, fictions brèves, textes, poésies, slams, toutes les formes
d’écriture et de créativité que vous lui transmettrez au plus tard le 15
novembre 2006.

Parmis les nombreuses initiatives qui marquent l’importance de la
diversité culturelle pour cette fête de l’Europe, je tiens à saluer celle du circuit de salles UGC qui fait partager en ce moment même aux
spectateurs de Bruxelles, Madrid, Paris, Rome et Strasbourg, la richesse
et l’originalité des cinémas d’Europe.

Avant de laisser toute sa place à la fête et aux échanges directs avec
vous autour du verre de l’amitié, je tiens à vous adresser à tous et
particulièrement à celles et ceux qui ont oeuvré pour la réussite de cette
soirée et des jeunes prix de la culture européenne mes remerciements les
plus chaleureux et les plus sincères : je pense en particulier à l’équipe
d’International desk/Erasmus-party, plate-forme de services pour
étudiants Erasmus, Jean-Eudes BERNARD, Christian KAMAYOU, Yann
de la BEDOYERE et Olivier DEBIENNE ; mais aussi aux écoles
partenaires, en particulier l’Institut d’études supérieures des arts (IESA),
qui prépare aux métiers de la culture, qui sont des métiers d’avenir,
représenté ce soir par Pierre-Edouard SCHMITT et l’Alliance Française,
qui apporte une contribution éminente au rayonnement de la langue et de
la culture françaises en France et dans le monde, et je salue ce soir Mme
Pascale FABRE, directrice de l’école de Paris.

A tous un grand merci et une très belle fête de l’Europe !

Discussion générale du projet de loi de transposition de la directive sur les droits d’auteur et droits voisins dans la société de l’information au Sénat

4 mai 2006

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs les Sénateurs,

Le projet de loi relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de
l’information que je soumets aujourd’hui au nom du gouvernement à la Haute
Assemblée, est au coeur d’un véritable débat de société sur l’accès aux
oeuvres et à la culture, et sur le financement de la création à l’ère d’Internet.

Sa
discussion longue, vive et passionnée à l’Assemblée nationale a ouvert ce
débat utile, au fort retentissement, parce qu’il concerne la vie quotidienne de
nos concitoyens, et en particulier des plus jeunes. L’enjeu est majeur, car plus
d’un Français sur deux est internaute aujourd’hui et, à terme, la plupart d’entre
nous le deviendront, grâce à la politique résolue menée, en particulier par ce
gouvernement, pour résorber la fracture numérique et développer l’usage des
nouvelles technologies, pour étendre la couverture de notre territoire.

Garantir l’avenir de la création dans l’univers numérique constitue un défi
difficile à relever et tel est bien l’objectif du projet de loi qui vous est soumis.

Tout au long du débat à l’Assemblée nationale, j’ai défendu avec force et
conviction une juste rémunération du travail des créateurs. Le travail
remarquable réalisé par votre commission des affaires culturelles, Monsieur le
Président, propose de suivre cette voie en la consolidant.

Deux principes essentiels fondent le texte adopté par l’Assemblée nationale. Ils
sont au coeur de ma mission de ministre de la culture et de la communication.

Le premier est le respect du droit d’auteur, droit fondamental et intangible.

Sans remonter jusqu’à Platon ou Vitruve, comme vous le faites, Monsieur le
Rapporteur, dans votre remarquable rapport écrit, avec beaucoup de science
et de sagesse, en montrant son élaboration progressive au cours de l’histoire,
ce droit, tel que nous l’aménageons aujourd’hui, est pour l’essentiel l’héritier
des Lumières. Vous illustrez combien il a su s’adapter aux innovations
technologiques, des plus anciennes aux plus récentes, comme l’invention du
disque et de la vidéo. Il est de notre responsabilité aujourd’hui, de notre
responsabilité à tous, et particulièrement de votre responsabilité de
législateurs, de réussir son adaptation à l’ère d’Internet.

Le deuxième principe fondamental est l’accès le plus large aux oeuvres.

Il
s’agit de la préservation d’une liberté qui, dans l’univers numérique, doit
permettre d’accéder à l’offre la plus diversifiée. Cette liberté de communication
nécessite aussi, bien sûr, de préserver le respect de la vie privée des
internautes.

L’enjeu central du projet de loi soumis à votre examen est de construire, sur le
fondement de ces deux principes, un Internet équitable.

Tout le monde n’a pas les mêmes attentes et chacun doit trouver sur
Internet l’offre qui lui convient. L’objectif premier de ce texte est aujourd’hui
mieux compris : il s’agit de développer les offres culturelles en ligne, avec
des modèles innovants et différenciés, pour satisfaire les attentes de
chacun. Je pense notamment, à titre d’exemples : à « l’écoute en ligne »
pour un concert en direct ; à la location en ligne, qui permet de télécharger
un film de chez soi, pour le regarder pendant 24 heures ; aux offres de
découverte, qui permettront d’écouter un artiste gratuitement, pendant une
certaine durée, ou de le faire écouter à d’autres. Je pense également à
l’offre lancée la semaine dernière par l’Institut National de l’Audiovisuel, qui
rend accessible à tous nos concitoyens près de 100 000 émissions issues
de notre mémoire audiovisuelle. Le projet de loi crée précisément les
conditions pour que se multiplient ces offres de qualité, sécurisées,
diversifiées, à des prix raisonnables et lisibles sur tous les supports.

Ce projet de loi est un texte d’avenir : Internet sera bientôt utilisé
quotidiennement par tous les Français. Aussi l’enjeu n’est-il pas d’inventer
un financement supplémentaire pour la création, mais de préparer, dans les
meilleures conditions juridiques possibles, le passage d’un modèle culturel,
économique et social à un autre, à un modèle nouveau, où les internautes
font appel à cette offre légale de musique et de films sur Internet. C’est
dans cette perspective qu’a été bâti l’équilibre du projet de loi : ce nouveau
modèle préservera le droit d’auteur et sera appelé à devenir un élément clef
du financement de la création.

J’ajoute que l’accès aux oeuvres est l’un des facteurs clefs qui incitent les
Français à devenir internautes et participent de manière décisive à l’essor
des fournisseurs d’accès. C’est pourquoi les acteurs de la distribution des
oeuvres par Internet ou sur d’autres réseaux numériques seront appelés à
participer davantage à l’effort de contribution à la création. C’est le sens de
l’accord pour la vidéo à la demande, qui a été signé, en décembre 2005, au
ministère de la culture et de la communication, avec l’ensemble des
organisations professionnelles du cinéma, des fournisseurs d’accès et des
diffuseurs. Un tel accord sert la diversité culturelle et préfigure l’application
de ce que la France a obtenu dans le cadre de la renégociation de la
directive télévision sans frontières.

Bâtir la loi sur la primauté du droit d’auteur et la volonté de l’accès le plus
large aux oeuvres, entraîne trois conséquences directes : elle doit mettre en
valeur les oeuvres en leur offrant un cadre clair, elle doit garantir le droit à la
copie privée et elle doit affirmer l’interopérabilité.

Mettre en valeur les oeuvres en leur offrant un cadre clair, c’est d’abord
inscrire dans la loi un principe simple qui doit être rappelé à l’ère
numérique : l’auteur est libre de mettre gratuitement ses oeuvres à la
disposition du public. Ce principe s’entend, bien sûr, sous réserve des droits
des tiers, des droits des éventuels coauteurs et dans le respect des
conventions qu’il a conclues. Il apparaît ensuite nécessaire de créer un
registre des oeuvres disponibles : ainsi, chaque internaute pourra se référer
à ce registre afin de savoir s’il acquiert une oeuvre protégée ou libre de
droit. La création d’un tel registre sera un élément clef pour développer
l’usage de logiciel d’échange pair-à-pair en toute légalité.

Troisièmement, je
suis attaché à ce qu’une réflexion soit engagée pour la mise en place d’une
plate-forme publique de téléchargement de musique, visant la diffusion
notamment des oeuvres des jeunes créateurs dont les oeuvres ne sont pas
disponibles à la vente sur les plates-formes légales de téléchargement. A
cet égard, des initiatives existent. Je veux les encourager. Je souhaite
qu’elles s’épanouissent et se multiplient. Parmi les plus récentes, je citerai
celles du Centre national des variétés et du Hall de la chanson qui viennent
de lancer une plate-forme du patrimoine de la chanson.

Elément fondamental du texte, le droit à l’exception pour copie privée est
garanti, tout en préservant l’équilibre économique et l’avenir de la création
française. La copie privée permet de réaliser, en fonction du type de
support, pour son usage personnel ou celui de ses proches, un nombre
limité et raisonnable de copies des oeuvres auxquelles on a accédé
légalement. Elle se distingue du partage illicite, qui dépasse le cercle de
famille pour s’adresser à tous les internautes.

Le projet de loi affirme le principe de l’interopérabilité, c’est-à-dire la liberté
pour l’internaute de lire une oeuvre acquise légalement sur tout type de
support. En encadrant les mesures techniques de protection, le projet de loi
crée les conditions pour que se développe davantage l’offre légale.

Puisque
plus d’un Français sur deux est internaute, tous les acteurs qui contribuent
à ces offres musicales ont intérêt à rester présents sur un marché qui va se
développer. L’encadrement des mesures techniques de protection implique
en effet de pouvoir lire sur tous les supports l’oeuvre achetée. Si un
internaute est prêt à payer un morceau de musique, il est compréhensible
qu’il puisse écouter ce morceau de musique sans être prisonnier d’un seul
système qui correspondrait à la gamme de produits d’une seule société.

L’ensemble des Etats sera confronté à cette question qui devra être portée
au niveau européen. Avec le projet de loi, la France est la première à
l’affronter, dans l’intérêt du consommateur, des artistes, du rayonnement de
leurs oeuvres et de la diversité culturelle. Je tiens à souligner que
l’interopérabilité n’est d’aucune manière une voie pour la piraterie : rendre
des mesures techniques compatibles afin qu’elles soient adaptées aux
différents supports ne peut être possible que si les droits des créateurs sont
respectés. Cette interopérabilité devra également permettre d’établir des
conditions de saine concurrence et favoriser l’innovation, parce que nous
disposons, en Europe, de compétences fortes, notamment dans le domaine
de la téléphonie mobile. Un parlementaire en mission sera nommé afin de
travailler, avec toutes les parties concernées, à aboutir à des propositions
équilibrées qui pourront ensuite être examinées au niveau européen.

Une difficulté centrale d’Internet est le risque pour l’Etat d’être en retard,
voire déconnecté, de l’évolution technologique qui est rapide et constante,
largement diffusée dans la société. Cette évolution technologique crée des
comportements nouveaux qui s’imposent vite comme des habitudes. La loi,
sitôt adoptée, ne doit pas être obsolète. Pour que ce ne soit pas le cas, il
faut qu’elle fixe des principes et que l’application de ces principes soit
assurée en tenant compte d’un contexte technologique en mutation
permanente. Le projet de loi qui vous est soumis crée donc un collège de
médiateurs, que votre commission des affaires culturelles propose de
consolider en une autorité des mesures techniques, pour garantir et
concilier à la fois le droit d’auteur, la copie privée et l’interopérabilité, tout en
étant en phase avec l’innovation technologique et avec la modification des
pratiques des internautes. Je tiens à saluer, une fois encore, le travail
remarquable accompli par votre commission des affaires culturelles et votre
Rapporteur, pour donner à l’autorité de régulation l’ampleur que nécessitait
le problème de société auquel nous sommes confrontés. L’autorité de
régulation, qui pourrait être composée de cinq membres, aura notamment
pour mission de déterminer les modalités de copie en fonction du type de
support et sera un élément clef pour assurer l’interopérabilité, car elle
pourra imposer sous astreinte aux ayants droit de modifier les protections
techniques.

Monsieur le Rapporteur, comme vous le soulignez justement
dans votre rapport écrit, l’autorité de régulation a vocation à être un
« dispositif souple, capable de répondre à la diversité et à la complexité des
situations, ainsi qu’à l’évolution technologique et économique rapide d’un
secteur en pleine métamorphose : celui de la diffusion des oeuvres
culturelles à l’ère numérique ». L’extension de sa mission aux questions d’intéropérabilité ne saurait constituer un recul quant à la portée de ce
principe, dont je viens de redire combien il est essentiel. C’est la raison pour
laquelle je vous propose d’instaurer une procédure de saisine réciproque de
l’Autorité et du Conseil de la Concurrence. Une telle procédure permet
d’instaurer une articulation cohérente et claire entre les deux instances
concernées.

Pouvoir mettre en ligne et télécharger des oeuvres protégées ne peut se
réaliser que si d’une part chaque internaute est responsabilisé et d’autre
part si la petite minorité de ceux qui sont à l’origine des systèmes de
piratage sont empêchés d’agir.

Le texte met donc en place tout d’abord une politique de prévention vis-àvis
des internautes, dont la mise en oeuvre sera précisée par un décret. Les
fournisseurs d'accès à Internet transmettront à leurs abonnés des
messages électroniques généraux de sensibilisation aux dangers du
piratage pour la création artistique, dans le respect absolu de la personne et
de la vie privée.

Le projet de loi différencie clairement les responsabilités et instaure une
véritable gradation proportionnée des sanctions, adaptée aux fautes
commises, pour créer un régime dérogatoire au délit de contrefaçon. Un
internaute qui télécharge illégalement de la musique ou un film sur Internet
pour son usage personnel ne risquera plus la prison !

La recherche des infractions consistera à surveiller les échanges illégaux
d’oeuvres protégées. Je dis bien les oeuvres, et non pas les internautes. Les
constatations ne sont pas nominatives : les agents des services enquêteurs
de la police ou de la gendarmerie relèveront des numéros d’adresse
Internet. Cette recherche n’entraîne aucune surveillance des
communications privées et préserve l’anonymat des internautes.

La contravention sera de première classe pour un téléchargement seul, soit
38 euros maximum ; de deuxième classe si le téléchargement
s’accompagne de mise à disposition, soit 150 euros maximum. Un décret
en Conseil d’Etat, prévu par le projet de loi, fixera et encadrera ces
contraventions ; il précisera notamment les critères pour lesquels
s’appliquera une contravention. Un groupe de travail interministériel
associant le ministère de la Justice, le ministère de l’Intérieur, le ministère
de l’Industrie et le ministère de la Culture et de la Communication est d’ores
et déjà chargé d’évaluer et de déterminer les modalités des sanctions, et de
préparer les circulaires d’application.

Je sais que certains d’entre vous s’interrogent sur la nécessité de
responsabiliser les titulaires de l’abonnement à Internet. Je pense comme
vous qu’il est nécessaire de les responsabiliser davantage afin de diffuser
et de faire partager une culture de la responsabilité sur Internet, afin, aussi
d’ éviter des enquêtes intrusives dans la vie privée des internautes. Je sais
que certains d’entre vous ont déposé un amendement sur ce point
important, aussi aurons-nous l’occasion d’y revenir au cours de notre
discussion.

Les sanctions concernant le téléchargement illégal, accompagné ou non
d’une mise à disposition, ont été conçues pour être adaptées et elles seront
effectives. Et parce qu’elles seront appliquées, ces sanctions seront
proportionnées et responsabiliseront les internautes. Mais surtout ces
sanctions sont indissociables du dispositif général que met en place le texte.

Elles sont d’un montant peu élevé, car – et c’est ma priorité – les sanctions
pour ceux qui organisent le piratage de la musique et du cinéma seront
lourdes, qu’il s’agisse d’abord de ceux qui conçoivent et donnent les moyens
de casser les mesures techniques de protection, et plus encore de ceux qui éditent des logiciels manifestement destinés à la mise à disposition non
autorisée d’oeuvres protégées.

Le texte garantit ainsi la neutralité technologique et préserve l’avenir du
logiciel libre. Il faut préserver le logiciel libre, mais je serai clair : un éditeur
de logiciel dont l’objectif délibéré est de porter atteinte aux oeuvres
protégées, avec pour ambition d’attirer ainsi un grand nombre d’utilisateurs,
doit être sanctionné, car il détruit ainsi sciemment l’économie de la musique
et du cinéma, et l’avenir de la création dans ces domaines. Je suis
particulièrement sensible à l’effort constructif de clarification et de
pédagogie mené par votre commission. Sans anticiper sur l’exposé de vos
amendements, Monsieur le Rapporteur, permettez-moi dès à présent de
donner un avis favorable à votre proposition tendant à ce que, au-delà des
cas où l’on pourra prouver l’intention coupable, lorsqu’un logiciel est utilisé à
des fins illicites, et que cette utilisation est principale ou prépondérante,
donc dans des cas bien ciblés, le président du tribunal de grande instance
puisse ordonner à l’éditeur d’un tel logiciel de prendre des mesures pour en
empêcher ou en limiter l’usage illicite. Ces mesures pourront s’appuyer sur
un registre des oeuvres afin d’identifier les droits.

L’auteur est donc au centre de ce texte. Cela fonde certains choix. Je pense
en particulier à l’exception pédagogique : le Gouvernement a privilégié la
voie de la négociation contractuelle, particulièrement appropriée à la fois
aux besoins et aux usages connus de l’enseignement, sur un modèle
proche de celui qui a déjà fait ses preuves en matière de photocopie ou de
panoramas de presse. Cette négociation a abouti en mars dernier à la
signature d’accords entre le ministère de l’éducation nationale et l’ensemble
des titulaires de droit. Il faut nous en féliciter. Elle permettra en outre des
adaptations plus faciles aux évolutions techniques rapides dans ces
domaines. Je pense aussi à l’exception en faveur des personnes
handicapées, cause incontestable, qui exige de trouver le juste équilibre
entre l’accès légitime aux fichiers numériques pour les associations de
personnes handicapées et les risques réels d’abus entraînant une violation
du droit des auteurs.

Enfin, ce projet de loi est l'occasion de transposer une autre directive
européenne relative au droit d'auteur, la directive sur le droit de suite.

Nous
avions la date butoir du 31 décembre 2005 pour ce faire. Le droit de suite
est un pourcentage versé aux artistes plasticiens et à leurs héritiers lors de
chacune des ventes successives de leurs oeuvres sur le marché.

Comme vous l’exposez dans votre excellent rapport, la directive
européenne du 27 septembre 2001 uniformise le droit de suite et les taux
applicables à l'ensemble des pays de l'Union. Cette directive permettra à
nos professionnels, à terme, de travailler dans des conditions de
concurrence égales par rapport à Londres et par rapport au reste du
marché intérieur. J’approuve l’amendement rédactionnel déposé par votre
Commission.

Au total, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, ce
texte, qui fera l’objet d’un rapport au Parlement sur son application tous les
dix-huit mois, afin de s’assurer de son adéquation à un contexte
technologique en rapide mutation, est un texte d’équilibre, d’équité et
d’efficacité. Un texte de liberté et de responsabilité. Un texte qui donne un
avenir à la diversité culturelle, entrée dans le droit international en octobre
2005, avec l’adoption, à la quasi-unanimité de la communauté
internationale, de la convention de l’Unesco. Un texte de législation
moderne, en phase avec les défis de notre temps, qui respecte à la fois,
d’une part l’émergence d’une société d’internautes, où l’offre et la demande
d’oeuvres et de produits culturels ne cessent de croître et de se diversifier,
et d’autre part, ce droit fondamental nécessaire à l’éclosion et à la pérennité des créations et des talents, ce droit d’auteur que personne n’a su mieux
résumer que Beaumarchais : « rendre à chacun ce qui lui est dû ».

Remise des insignes de Commandeur dans l’ordre des arts et lettres à Lucien Attoun

27 avril 2006

Cher Lucien Attoun,

Je suis très heureux de vous accueillir rue de Valois. Vous avez
largement contribué à écrire les plus belles pages de notre théâtre
contemporain en consacrant votre vie à la découverte et à la
reconnaissance de ses auteurs. Vous êtes un artisan exemplaire, un
« passeur » inspiré, et un précurseur engagé de l’art dramatique.

Comment d'ailleurs dénouer le fil de votre vie de celui du texte théâtral
contemporain ? Vous le dites vous-même : « Aussi loin que je me
souvienne, je suis né dans le théâtre ».

Né à La Goulette, en Tunisie, vous suivez les traces de votre père, luimême
musicien, compositeur et homme de théâtre, fondateur d’une
troupe animée de la noble ambition de rapprocher les communautés
juives et musulmanes, de faire dialoguer leurs expressions artistiques et
de faire entendre l'arabe dialectal, le luth et les chants traditionnels au
sein des manifestations de la langue et de la culture françaises.

Tout jeune homme, vous arrivez à Paris, un certificat d’études littéraires
générales en poche, et si vous devenez tout d’abord professeur de
lettres – et quel professeur deviez-vous être, alliant la fougue de la
jeunesse à ce don incomparable pour la transmission qui est le vôtre ! –
c'est le théâtre qui, très vite, vous accapare tout entier.

Vos premiers terrains d'action sont le Groupe de Théâtre Antique de la
Sorbonne, puis, sous l'égide du Théâtre des Nations, le Cercle
International de la Jeune Critique, dont vous êtes successivement cofondateur,
secrétaire général et président.

Critique dramatique, vous écrivez à la revue Europe, aux Nouvelles
Littéraires, à Témoignage Chrétien, à La Quinzaine Littéraire.

Vous publiez, dans la revue Tréteaux 67, dont vous êtes co-fondateur,
des articles marquants sur le jeune théâtre. Claire Jordan, séduite par
l'acuité de votre regard, vous invite, dès cette année 1967, à participer
aux matinées qu'elle anime sur France Culture, pour y parler, justement,
des nouvelles plumes. C'est pour vous le début de 36 années de
passion radiophonique et d'un brillant et fructueux compagnonnage avec
France Culture, que vous enrichissez de votre personnalité et de vos
choix.

Le théâtre et la radio sont, dès lors, les axes majeurs de votre parcours
exemplaire.

Pour vous, la parenté entre les deux disciplines est évidente. Vous êtes, je
crois, le seul dans notre vaste paysage radiophonique et dramatique à en
avoir, avec une intuition et une créativité non pareilles, à ce point exploré
les ressources et repoussé les limites, avec la minutie d'un artisan et le
brio d'un conteur. N’avez-vous pas un jour déclaré : « Je crois que le
théâtre, et la radio plus encore, c'est raconter des histoires » ?

A la radio en réalité, cher Lucien Attoun, bien plus que « raconter des
histoires », vous n’avez cessé d’écrire de nouvelles pages de l'histoire du
théâtre contemporain.

Vous produisez, créez et collaborez en effet à de nombreuses émissions,
parmi lesquelles La Matinée des Arts du Spectacle, Les Chemins de la
Connaissance, Le Panorama Culturel de la France, Le Nouveau
Répertoire Dramatique, On commence, Mégaphonie, Profession
Spectateur, Passage du témoin. Vous apportez également votre
concours à France Inter en produisant et présentant l’émission Spot, et à
Antenne 2 pour l'émission Théâtre, théâtres.

Défricheur et découvreur dans l'âme, vous êtes sur les ondes le premier à
consacrer de longues interviews à celles et ceux qui deviendront les plus
grands noms de la scène de notre pays : Patrice Chéreau, Antoine Vitez,
Jean-Pierre Vincent, Ariane Mnouchkine et bien d’autres.

En 1970, Jean Vilar fait appel à vous pour faire entendre la voix des
auteurs contemporains au Festival d'Avignon. C'est d'abord « Le
Gueuloir », où vous inventez la notion de « mise en espace », dont on sait
combien, depuis, elle a fait école. Tous les amoureux et fidèles d'Avignon
gardent le souvenir ému de cette tentative expérimentale, dans la petite
Chapelle des Pénitents Blancs mise à votre disposition, à l'entrée de la
rue des Teinturiers, que l'animation du Festival n'avait pas encore gagnée.

C'est que, véritablement, cher Lucien Attoun, vous êtes bien l'homme des
limites à franchir et des territoires à conquérir ! D'abord ponctuelle, en
Avignon, puis itinérante à partir de 1976 et enfin permanente dès 1980 au
Jardin d'Hiver à Paris, l'aventure du « Théâtre Ouvert » que vous avez
menée, depuis le début, avec votre épouse Micheline, que je tiens
aujourd’hui à associer à l’hommage que je vous rends, n'a, depuis lors,
jamais cessé d'interroger et de nourrir la création dramatique
contemporaine. Le 1er janvier 1988, « Théâtre Ouvert » devient le premier
Centre Dramatique National installé à Paris, avec pour vocation : les
auteurs.

Depuis votre entrée en théâtre, vous avez su poser la question essentielle
: « Que peut-on faire pour la nouvelle création dramatique et les auteurs
contemporains ? ». Vous avez su inventer de nouvelles façons d’y
répondre : « Théâtre ouvert », c’est aussi cette collection que vous créez
puis dirigez chez Stock à partir de 1970, et qui porte haut la bannière de la
nouvelle aventure que vous poursuivez en 1980 avec les « Tapuscrits ».

Une aventure, ou plutôt une exploration qui vous a permis de révéler les
plus puissantes et les plus neuves des écritures dramatiques de la fin du
XXe et du début du XXIe siècles, celles de Bernard-Marie Koltès, Louis
Calaferte, Serge Rezvani, Jean-Luc Lagarce, Jean-Claude Grumberg,
Jean-Paul Wenzel, Philippe Minyana, Michel Vinaver, Eugène Durif, Christine Angot, François Bon, Laurent Gaudé, Daniel Danis et tant
d’autres encore.

Oui, vous êtes un découvreur passionné, un visionnaire inspiré et un
amoureux de la plume et de la scène. Votre engagement exemplaire aux
côtés de nos plus grands auteurs contemporains, votre enthousiasme et
votre courage dans la défense des nouvelles écritures, des nouveaux
génies du verbe que vous avez su déceler et révéler, ont largement
contribué à écrire l’histoire du théâtre de notre temps.

Cher Lucien Attoun, au nom de la République, nous vous faisons
Commandeur dans l'Ordre des Arts et des Lettres.

Remise des insignes de Commandeur de l’ordre des arts et lettres à Georges Buisson

27 avril 2006

Cher Georges Buisson,

Je suis très heureux de vous distinguer ce soir rue de Valois, puisque
c’est l’union réussie entre le spectacle vivant et le patrimoine que nous
célébrons ici grâce à vous. Une union faite d’un dévouement exemplaire
à la culture et aux arts, dans toute leur richesse et leur diversité, une
union faite d’enthousiasme, de détermination, et d’une grande volonté
d’ouverture et de partage, qui vous honorent.

Dès la fin de vos études secondaires, vous choisissez, en plein essor
des maisons de la culture, de vous former aux métiers de la médiation
culturelle, puis au métier de la direction de structure culturelle, par le
biais de l’Association Technique pour l’Action Culturelle.

Cette formation vous conduit à co-diriger, puis à diriger, pendant près de
trente années, des structures consacrées au spectacle vivant. Vous
débutez votre carrière au Centre culturel municipal de Bobigny, de 1973
à 1977, en tant que co-directeur, avant de devenir co-directeur du
Centre éducatif et culturel de Yerres, dans l’Essonne, jusqu’en 1981.

Vous rejoignez ensuite, pendant cinq ans, le Théâtre de l’Est parisien,
où vous exercez les fonctions d’adjoint de direction.

Tout au long de ce brillant parcours, vous faites preuve de
l’enthousiasme, de la curiosité et de l’ingéniosité d’un véritable homme
orchestre : outre vos tâches d’administration et de gestion, vous
endossez l’habit de metteur en scène et vous concevez de très
nombreux projets d’émissions vidéo autour des spectacles créés ou
produits par les structures que vous dirigez. Vous mettez l’action
éducative au coeur de votre politique de développement, avec une
volonté d’agir au plus près des habitants de votre territoire : à Bobigny,
vous réalisez des émissions vidéo sur les jeunes de banlieue, les
retraités de la ville, des Histoires des voisins d’ascenseur ; au Théâtre
de l’Est parisien, vous portez des projets tels que Histoires de quartiers,
Histoires de famille, vous réalisez une émission sur la vie d’un jeune
rocker du 20e arrondissement, Gino.

Convaincu qu’on ne doit jamais abaisser la culture pour la rendre
accessible à tous, vous réussissez à concilier l’exigence des projets et la
proximité avec les habitants, en créant une nouvelle forme de lien
artistique. Lorsque le ministère de la Culture vous propose en 1986 de
prendre la tête, avec Alain Grasset, de La Coupole, scène nationale de
Sénart, ville nouvelle, vous y voyez un nouveau territoire à explorer et de
nouveaux publics à toucher.

Vous relevez le défi avec succès, en imposant une programmation de
haut niveau, et en multipliant les contacts directs avec les habitants : vous
créez des liens avec les écoles, les associations, les comités d’entreprise.

Votre ambition – un comble ! – est, en quelque sorte, de « dédramatiser »
le théâtre, de le faire entrer dans les maisons, dans les appartements,
dans les vies de ceux qu’il peut impressionner, parce qu’on le croit
souvent réservé à une élite, à un petit cercle d’initiés. Avec Alain Grasset,
vous réalisez des entretiens avec les habitants, puis vous vous en inspirez
pour écrire une pièce que vous faites jouer à domicile. Vous en profitez
pour échanger avec les habitants sur le théâtre et sur vos ambitions pour
La Coupole.

Il ne s’agit pas pour vous de toucher une hypothétique « masse » – dont
on se fait souvent une fausse idée, aimez-vous à rappeler en soulignant
que les spectateurs, comme les acteurs de théâtre sont bien plus
nombreux, en France, que les spectateurs et les joueurs de football –
mais plutôt d’amener chacun de vos spectateurs, chaque individu, à
découvrir et à aimer l’art dramatique.

Votre direction marque une étape dans la constitution, aux lisières de la
région parisienne, d’une identité culturelle propre, ciment d’une véritable
identité de la ville nouvelle. Vous prouvez vos talents de passeur
exceptionnel, exigeant, à l’engagement exemplaire. Vous jetez des ponts
et créez des liens forts entre les hommes, des liens faits de culture, de
mots et d’émotions.

Mais, je le disais tout à l’heure, vous êtes un homme engagé en faveur du
théâtre comme du patrimoine. Vous choisissez en effet en 2001 de
rejoindre le Centre des monuments nationaux pour occuper les fonctions
d’administrateur du Palais Jacques Coeur, des tours et de la crypte de la
cathédrale de Bourges, et du Domaine de George Sand à Nohant. Vous
convainquez rapidement vos partenaires et vos équipes de la nécessité
d’ouvrir les monuments à d’autres formes d’art, en préservant leur histoire.

Sous votre impulsion, le Palais Jacques Coeur connaît de nouvelles mises
en valeur, et notamment la mise en lumière de la salle des Festins.

Je souhaite souligner la qualité et l’originalité du projet que vous
conduisez à Nohant pour le Domaine de George Sand qui aussi, de son
temps, abrite un théâtre. Pour servir la mémoire, la vie et l’oeuvre de « la
Dame de Nohant », vous imaginez, au delà d’une simple évocation de la
vie de l’écrivain dans ses murs, une mise en perspective de l’actualité du
message de George Sand. Projections cinématographiques, concerts,
valorisation du jardin, sont au coeur de votre projet et aujourd’hui au coeur
du monument. Vous faites revivre les salons de lecture dans le Domaine
et lancez le prix George Sand du carnet de voyages réels ou imaginaires,
afin de prolonger l’oeuvre de la romancière, en sollicitant des jeunes
talents. Vous avez été en 2004 la cheville ouvrière des célébrations
commémorant le bicentenaire de sa naissance, auxquelles j’eus le plaisir
et l’honneur de participer, aux côtés du Président de la République.

Faire vivre le patrimoine, pour en favoriser la connaissance et en
développer la fréquentation, c’est l’ouvrir aux autres sources de culture,
en respectant son histoire, ses symboles, sa mémoire. C’est précisément
ce que vous réussissez à Nohant et à Bourges, parce que vous êtes un
homme de culture, un homme de toutes les cultures, désireux de les
partager avec le plus grand nombre, soucieux d’en préserver les beautés
et les richesses.

Cher Georges Buisson, au nom de la République, nous vous faisons
Commandeur des Arts et des Lettres.

Remise des insignes d'officier dans l'ordre national de la légion d'honneur à Gabriel Monnet

27 avril 2006

Cher Gabriel Monnet,

Je suis très heureux de vous recevoir ce soir dans les salons du
ministère de la Culture et de la Communication, un ministère dont vous
avez été un pionnier, un artisan de la première heure, en vous lançant,
au tout début des années soixante, dans l’aventure de la
décentralisation théâtrale, dont vous êtes, aujourd’hui, je peux le dire,
une figure historique !

Oui, cher Gabriel Monnet, vous êtes un grand témoin et une mémoire
vive, – une grande conscience, devrais-je dire, de ces années
fondatrices, qui ont lancé le mouvement.

Votre parcours sans concession est celui d'un acteur passionné, d’un
militant, d'un homme engagé, généreux, servant avec panache un art
auquel vous vous sentez lié par une véritable mission. Les jalons que
vous avez posés ont ouvert une nouvelle voie, ont tracé un chemin qui
nous guide encore aujourd'hui.

Diffuser et faire rayonner le théâtre sur tout le territoire, aller au-devant
de tous les publics, s'adresser à la population ouvrière, ouvrir la
rencontre entre les spectateurs et la création, favoriser une large palette
d'expressions artistiques, tels sont les grands principes que vous ne
cessez de défendre, avec une flamme et une conviction non dénuées de
cette impétuosité que, cher Gabriel Monnet, nous aimons tant chez vous
et que vous héritez sans doute de votre amour des planches !

Votre engagement pour la cause de la culture, c'est dans le cadre de la
Direction départementale de la Jeunesse et des Sports que vous
l'exprimez tout d'abord, à Annecy, dès 1946. Vous y êtes à l'origine de la
fondation de « Peuple et Culture », et vous animez notamment, avec
succès, les premières Nuits Théâtrales d'Annecy. Vous témoignez déjà
de cet esprit entier et courageux qui vous pousse à partir plutôt qu'à
renoncer de monter Les Coréens, la première pièce de Michel Vinaver,
qui a raconté comment votre rencontre a été à l’origine de son écriture.

Vous rejoignez alors la Comédie de Saint-Etienne où vous resterez de
1957 à 1961, comme acteur et metteur en scène, chez Jean Dasté, l'un
des pères de la décentralisation dramatique, auprès de qui vous
confortez certainement encore ce sens aigu de l'action théâtrale qui vous
anime et que lui-même tenait en précieux héritage de Jacques Copeau.

L'année 1961, où vous êtes nommé à Bourges, est une étape décisive
de votre parcours, qui, dès lors, rejoint et contribue à construire l'histoire
du théâtre dans notre pays.

Le 5 avril 1961, vous y créez La Comédie de Bourges, centre d'art
dramatique, qui en 1963 s'installe dans la première Maison de la Culture
créée en France à l'initiative d'André Malraux, dont vous élaborez avec
Jean Rouvet les plans et le projet, – ce qui fait de vous le premier
Directeur d'une Maison de la Culture, que vous faites visiter au général De
Gaulle, en compagnie d’André Malraux.

Vous montez des spectacles qui font date, tels Timon d'Athènes, La
Mouette, Macbeth, La Tempête, Dialogues d'Exilés, et, tout en illustrant
ainsi brillamment le répertoire, vous n'avez de cesse de donner la parole
aux jeunes créateurs, dans un dialogue constant et parfois difficile avec
tous ceux qui sont heurtés par la force provocatrice de l’art.

Aussi Mai 68 vous conduit à tourner la page de six années fondatrices, et
c'est en 1969 que vous êtes nommé à Nice où vous vous installez avec
vos compagnons de « la Comédie de Bourges » pour une nouvelle
aventure.

Vous y fondez le Théâtre de Nice, Centre Dramatique National, et on peut
véritablement affirmer que cette époque fut, pour toute une génération de
spectateurs de cette ville et de cette région, celle de l'avènement et de la
découverte d’un univers théâtral, et de l'essence même du spectacle,
dans ce qu'il a de plus authentique et de plus créateur.

Vous y inventez ce magnifique concept de « Théâtre aux mains vides »,
pour accueillir les troupes d'amateurs de Nice et des environs, et pour
faire progresser votre idéal, – je vous cite – « d'un théâtre dépouillé de
tous ses artifices où les êtres humains pourraient se rencontrer
réellement, […] d’une scène qui serait le tréteau de l’existence. »

Grenoble est votre étape suivante, le troisième lieu majeur de votre
parcours. En 1975, vous y êtes nommé Directeur du Centre Dramatique
des Alpes.

C'est aussi le lieu de votre rencontre avec Georges Lavaudant, dont vous
admirez le travail, et que nous aurons la joie de retrouver tout à l’heure
pour la première de son Hamlet à l’Odéon restauré.

Vous décidez alors d'associer ce jeune metteur en scène et son équipe du
Théâtre Partisan à la direction du Centre Dramatique des Alpes, avant de
lui en laisser totalement les rênes, en pleine confiance et en véritable
osmose artistique, en 1981.

Certains disent que, depuis 1982, vous vous êtes « retiré » dans le
Languedoc, et que La Cerisaie que vous avez montée en 1980 est votre
dernière mise en scène « officielle ».

« Retiré », quel mot abominable pour un personnage de votre trempe !
Il n'en est rien, bien entendu, puisque « pour le plaisir », vous jouez,
tournez et continuez d'enseigner le théâtre. Vous parrainez des opérations, participez à des colloques, rencontrez des étudiants, et
demeurez une force vive, une forte et belle voix de notre vie théâtrale.

En 2001, vous avez reçu un Molière d'Honneur, venant à juste titre saluer
votre place et votre rôle sur la scène de notre pays.

Car vous êtes également un adaptateur et un auteur dramatique
talentueux. En 2005, vous avez proposé une pièce originale, La conquête
du Pôle sud par la face Nord, et je n'oublie pas certains de vos ouvrages
plus anciens, tel Comédie de Bourges, au coeur de la ville, au coeur du
temps, où vous affirmez avec force votre idéal de création dans la liberté
et le respect.

Vous ne manquez pas, du reste, d'exprimer avec éclat votre point de vue
dans la presse sur les événements et les grands enjeux de notre vie
artistique, et je dois dire que j'avais été impressionné, et très ému, à la
lecture d'un fort beau texte que vous avez signé en 2003, prenant fait et
cause pour l'artiste, « l'être rare, fragile, éphémère, l'artiste véritable qui,
depuis toujours, donne forme et langage aux énigmes de nos
existences. »

Dans la préparation du soixantième anniversaire de la décentralisation
dramatique, votre concours nous est précieux, pour mettre en lumière et
faire partager la raison d'être de ce grand et généreux mouvement né au
sortir de la guerre et d'années d'épreuves, où vous vous êtes illustré par
votre courage, votre détermination, votre imagination et votre talent.

Cher Gabriel Monnet, au nom du Président de la République et en vertu
des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons officier de la
Légion d’Honneur.