Monsieur le Président,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le budget que j’ai l’honneur de vous présenter ce soir, par delà sa présentation
modifiée, traduit d’abord une politique, assigne des objectifs et prévoit des
moyens répondant aux nombreux défis que traversent les médias aujourd’hui.
Cette politique exprime une vision du rôle de la culture et de la communication
aujourd’hui dans notre pays. Un rôle déterminant pour son identité, son
attractivité et son rayonnement. Mais aussi, et je le dis avec une certaine
gravité, pour la compréhension et la cohésion de notre société, pour faire
prévaloir le dialogue, la citoyenneté, les valeurs de la République sur les
fractures, les violences, les incompréhensions, les haines qui la menacent.
Et
enfin, au sein de cette société, pour favoriser l’épanouissement personnel de
chacun. Dans le monde d’aujourd’hui, la responsabilité de l’audiovisuel public
et de la presse écrite me paraît donc extraordinairement importante. Les
médias de masse ont pour mission de rendre les flux croissants d’informations
et d’images qui circulent de plus en plus vite, lisibles accessibles à nos
concitoyens. Dans un monde complexe, où les frontières sont de plus en plus
floues entre le virtuel et le réel, l’information et la communication, nous avons
de plus en plus besoin des médias, non seulement pour nous montrer et
interroger ce monde, mais aussi pour fournir des repères, et nourrir les
échanges, les débats, les dialogues, qui permettent d’apporter des réponses.
Pour répondre à ces besoins, les professionnels des médias doivent
aujourd’hui relever des défis sans précédent. Des défis éthiques,
économiques, sociaux, technologiques, humains, à la mesure des attentes et
des exigences croissantes à l’égard de l’information. D’autant que les médias
font désormais partie de notre cadre de vie : ils accompagnent la vie des
Français, du matin au soir, chaque jour, dans leurs moments de loisirs, comme
au travail.
Dans cette perspective, l’action de l’Etat est confrontée à de nouvelles
ambitions. Ces ambitions ont à mes yeux une tonalité particulière dans notre
pays, compte tenu de la place tout à fait singulière qu’y occupe le service
public de l’audiovisuel. Conforter l’audiovisuel public dans son périmètre et ses
missions demeure pour moi un véritable enjeu, qui demande une mobilisation
de tous les instants.
Les défis sont multiples : il s’agit d’accroître la spécificité
et l’identité des programmes et des missions de l’audiovisuel public. En effet,
les programmes de la télévision et de la radio publiques doivent se traduire par
une couleur, une tonalité, une identité différentes, par la place particulière
donnée à la culture, à l’information et à la création audiovisuelle française. Ils
doivent fédérer le public le plus large et donc le plus divers. C’est ce lien
solide, spécifique et fidèle avec les Français, qui est le fondement même de la
pérennité de la redevance, ressource propre et directement affectée au
service public de l’audiovisuel. C’est un objectif fort de ma politique depuis ma
prise de fonction.
Je veux aussi, et ce budget en est la traduction, que l’audiovisuel public, tout
en renforçant son identité, s’adapte aux mutations provoquées par les
nouveaux supports, notamment numériques.
Le démarrage de la télévision numérique de terre (TNT) a ainsi été conduit,
comme vous l’avez relevé, Monsieur le Rapporteur spécial, avec succès. « Un
succès à confirmer » : je m’y emploie et je reprends volontiers votre appréciation
à mon compte. Alors, je le sais, il existe des critiques concernant les programmes
offerts sur la TNT mais ne l’oublions pas, il y a à peine un an 70% de nos
concitoyens ne recevaient que cinq chaînes. C’est donc un progrès formidable
auquel le service public participe pleinement. Je souhaite que les étapes
suivantes de son déploiement soient menées au plus tôt et que la télévision haute
définition et la télévision mobile bénéficient d’un cadre qui permette leur
développement. J’y travaille.
Dans cette perspective, comme vous le soulignez, Messieurs les Rapporteurs, la
LOLF peut et doit être un outil efficace. C’est la logique de la LOLF, de cette loi
fondamentale que nous appliquons cette année pour la première fois, et qui
entraîne une présentation nouvelle du budget, structuré en deux missions. Une
présentation sans doute perfectible, Monsieur le Rapporteur spécial, qui nous
incitez à « aller jusqu’au bout de la logique de la LOLF », tout en nous accordant
votre « satisfecit général » sur la lisibilité de cette présentation que vous qualifiez,
pour votre part, Monsieur le Rapporteur pour avis, « d’éclatée ». Je souhaite en
tout cas, comme vous tous, que la LOLF permette de redonner à l’autorisation
budgétaire, qui est au fondement même de la démocratie parlementaire, et à
notre débat, pour tous les acteurs du secteur comme pour nos concitoyens, tout
son sens.
Chantier prioritaire de l’audiovisuel public, les contrats d’objectifs et de moyens
ont d’ailleurs, dans le domaine des médias, mis en oeuvre la LOLF avant la LOLF.
Le bilan des contrats souscrits est largement positif. Le secteur des médias a été
précurseur que ce soit pour l’AFP, France Télévisions ou Arte France et bien sûr
l’Institut national de l’Audiovisuel. Je m’en félicite. La négociation des contrats
d’objectifs et de moyens, que vous appelez de deuxième génération, doit non
seulement fixer des objectifs stratégiques pluriannuels aux
entreprises, dans un souci de performance et de résultats, mais donner aussi les
moyens d’évaluer précisément leur réalisation.
L’action des pouvoirs publics, dans le domaine des médias vise bien sûr aussi à
soutenir la presse face aux défis nombreux qu’elle doit relever pour assurer son
avenir. Il s’agit là, j’y reviendrai, d’un enjeu majeur. La presse française doit être
forte et rayonnante.
Le projet de budget qui vous est soumis prévoit que les ressources du compte de
la redevance augmentent de près de 3 % ou 77 millions d’euros HT par rapport à
la loi de finances initiale pour 2005. Plus des trois quarts du budget de
l’audiovisuel public sont ainsi financés par des ressources publiques.
En 2006, la réforme de la redevance audiovisuelle entrera pleinement et
définitivement en vigueur. Cette nouvelle organisation du recouvrement permet
une collecte plus performante d’une taxe plus juste et plus simple.
Cette réforme réussie permet à la fois :
– une augmentation de la ressource publique pour les organismes du service
public de l’audiovisuel ;
– une stabilisation de la charge fiscale sur les ménages ; pour la deuxième année
consécutive, le gouvernement vous propose de maintenir le taux de la redevance
audiovisuelle 116 euros pour la France métropolitaine et à 74 euros pour les
départements d’outre-mer ;
– une stabilisation de la contribution du budget de l’État au financement du service
public de l’audiovisuel en 2006.
Au total, le budget du service public de l’audiovisuel qui vous est soumis
augmentera de 109 millions d’euros en 2006, soit 3,1%.
Je souhaite que l’évolution dynamique du financement du secteur audiovisuel
public s’inscrive dans la logique pluriannuelle des contrats d’objectifs et de
moyens qui seront conclus et négociés en
2006. Il s’agit là d’une modernisation certaine des rapports entre l’Etat et les
sociétés de l’audiovisuel public, responsabilisant chacun. Le contrat d’objectifs et
de moyens de l’Institut national de l’Audiovisuel est sur le point d’être signé et
ceux des autres sociétés le seront dès les premiers mois de 2006. Les
discussions avec France Télévisions ont d’ores et déjà commencé. Elles sont
également en cours avec Radio France.
Ces contrats seront en pleine cohérence avec la logique de la LOLF, que nous
avons tous à coeur de mettre en oeuvre, dans un souci partagé de transparence
et d’efficacité. Outre leur utilité pour le contrôle de la performance, les contrats
d’objectifs et de moyens seront les garants de l’identité du service public.
C’est pourquoi je tiens à ce que le budget que je vous demande d’adopter
permette de renforcer la qualité et la diversité des programmes, et de financer la
modernisation indispensable des sociétés de l’audiovisuel public.
– France Télévisions consacrera la majeure partie de ses moyens
supplémentaires, soit 53 millions d’euros HT, résultant de l’augmentation de 3 %
de la dotation publique du groupe et des économies réalisées, à l’amélioration de
l’offre de programmes.
Les priorités pour 2006 sont :
– la consolidation des missions de service public de France 2 et France 3 ;
– le renforcement de l’attractivité de France 4 et de France 5 dans la
perspective d’un élargissement de la couverture de la TNT à 85 % de la
population au printemps 2007 et, au-delà, d’une large accessibilité de ses
services sur l’ensemble des moyens de diffusion de la télévision ;
– l’affirmation pour RFO de son identité de diffuseur public de proximité,
notamment par le développement de la production locale, et le renforcement de la
visibilité de l’outre-mer sur les antennes métropolitaines. L’adossement de RFO
au groupe France télévisions lui en donne désormais les moyens ;
– la participation au développement des nouveaux modes de consommation
audiovisuels avec notamment la haute définition et la télévision mobile ;
– un engagement encore accru dans la création, et dans la production
audiovisuelle et cinématographique. Ainsi, France Télévisions accroîtra sa
contribution à la création d’oeuvres françaises originales, son président ayant
annoncé son intention d’y consacrer 20 M- supplémentaires par an pendant 5
ans, soit 100 M- ;
– Arte France, qui bénéficiera d’une augmentation de 3,1% de sa dotation
publique par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2005, s’attachera à
consolider sa grille de programmes. Elle maintiendra son effort en faveur de la
création d’oeuvres audiovisuelles innovantes, dans le contexte de l’élargissement
de sa diffusion grâce à la TNT.
L’adaptation des programmes aux personnes sourdes et malentendantes
constitue également un objectif prioritaire du Gouvernement. France Télévisions
et Arte France ont engagé un plan
progressif de sous-titrage qui concernera 50% des programmes dès 2006.
– Radio France renforcera sa capacité d’innovation et se rapprochera de tous les
auditeurs.
Le contrat d’objectifs et de moyens (COM) de Radio France est en cours de
négociation.
Dans l’attente de sa conclusion, Radio France poursuivra en 2006 ses principaux
projets, notamment le développement de la diversité et l’attractivité de ses
programmes, grâce à l’ouverture des antennes à de nouveaux talents et à une
attention particulière portée aux attentes et aux nouveaux usages des auditeurs.
Radio France voit ainsi ses ressources publiques pour 2006 progresser de 13,12
M-, soit de 2,7 % par rapport à la LFI pour 2005.
Vous avez évoqué, Monsieur le Rapporteur spécial, le chantier que vous avez
qualifié de « gigantesque » dans votre rapport écrit, engagé par Radio France
dès cette année pour mettre en sécurité l’ensemble de la Maison de la Radio. Les
travaux de réhabilitation de grande ampleur débuteront dès 2006 et seront
l’occasion d’une totale modernisation de la Maison de la Radio. La dotation de 7,4
millions d’euros allouée à Radio France en 2004 et 2005 est renouvelée, afin que
la société puisse assumer les charges de fonctionnement liées à l’évacuation des
parties centrales et au déménagement de France Inter. De surcroît, la dotation de
redevance d’équipement affectée au financement des investissements liés aux
travaux de sécurisation atteint 5,8 millions d’euros en 2006. Elle permet de
financer l’intégralité des coûts d’investissement 2006 associés à ce projet
ambitieux.
– La sauvegarde et la mise en valeur de notre patrimoine audiovisuel par l’Institut
national de l’Audiovisuel constituent un chantier d’ampleur que j’ai souhaité
inscrire dans le long terme. Il y va de la mémoire audiovisuelle. La poursuite de
l’accélération du « plan de sauvegarde et de numérisation » qui permettra de
numériser à l’horizon 2015 l’intégralité des fonds audiovisuels en fonction de leur
état de dégradation, est l’une des priorités du budget de l’audiovisuel public pour
2006, justifiant une dotation en progression de 4,1 % avec une hausse de
3 millions d’euros HT.
Cet objectif prioritaire constitue l’ossature du contrat d’objectifs et de moyens de
l’Institut, qui détermine précisément les moyens mis à la disposition de l’INA sur
la période 2005-2009, afin d’assurer la sauvegarde la plus complète des fonds
audiovisuels et radiophoniques menacés. Les autres objectifs prioritaires
concernent la mise à disposition du public et l’exploitation commerciale des fonds,
ainsi que l'extension, puis la stabilisation, du périmètre du dépôt légal.
– Radio France Internationale devra consolider sa place de média de référence.
Dans l’attente de la signature du premier contrat d’objectifs et de moyens entre
RFI et l’État, ce projet de budget lui permet de poursuivre la numérisation de sa
production, engagée depuis 2003. RFI s’attachera également à développer ses
sites Internet.
Enfin, les négociations du contrat d’objectifs et de moyens seront pour RFI
l’occasion de faire aboutir sa réflexion sur ses priorités géographiques, son
audience et sa politique des langues étrangères.
Dans cette perspective, la redevance affectée à RFI en 2006 progresse de 4 %
par rapport à la LFI pour 2005, pour s’établir à 55,86 millions d’euros. La dotation
du ministère des affaires étrangères demeure stable à 72,13 millions d’euros, ce
qui porte le total des ressources publiques à 128 millions d’euros.
Je souhaite tout particulièrement que le renforcement des moyens de France
Télévisions et des autres sociétés de l’audiovisuel public leur permette de
favoriser l’emploi des professionnels de l’audiovisuel. Cela implique de poursuivre
et d’amplifier le mouvement de relocalisation des tournages en France et
d’améliorer les conditions d’emploi des artistes et techniciens du spectacle. Vous
le savez le Gouvernement procède, par ailleurs, en concertation avec les
partenaires sociaux, à une restructuration du champ conventionnel du spectacle
autour de huit conventions collectives.
Enfin, les crédits d’impôt pour l’audiovisuel et le cinéma que vous avez adoptés
pour 2004 et 2005 ont permis de créer ou de préserver plus de 3000 emplois
dans le secteur de la production cinématographique et audiovisuelle.
La France entre de plain-pied dans la télévision numérique pour tous. Troisquarts
des Français ne recevaient jusqu’à présent que six chaînes gratuites. Six
mois à peine après son lancement, la TNT permet désormais à un Français sur
deux de recevoir seize chaînes gratuites et bientôt dix-huit. Les ventes des
adaptateurs numériques se poursuivent à un rythme rapide. 800 000 adaptateurs
ont été vendus entre mars et novembre et le cap du million sera dépassé d’ici la
fin de l’année.
L’arrivée des chaînes payantes donnera une assise supplémentaire à la TNT et
contribuera aussi à son succès. L’enjeu est considérable, et il ne vous a pas
échappé : la richesse et la diversité des programmes des chaînes de la TNT
modifient en profondeur l’offre et la manière de regarder la télévision pour un très
large public.
C’est pourquoi la priorité est maintenant de généraliser l’accès à la télévision
numérique gratuite pour tous.
Le 16 octobre dernier, à l’occasion de la mise en service de 15 nouveaux
émetteurs pour la TNT, le Premier ministre a demandé d’accélérer le déploiement
de la TNT pour que 85% des Français puissent y avoir accès dès le printemps
2007.
Il a annoncé une série de mesures permettant de répondre à cet objectif.
Afin de régler les questions spécifiques aux zones frontalières, mon collègue
chargé de l’industrie a été chargé d’engager des discussions avec nos voisins sur
les fréquences utilisables ; le Gouvernement a décidé la mise en place d’un
« fonds d’accompagnement du numérique » doté de 15 millions d’euros en 2006.
Ce fonds permettra l’extinction de l’analogique, nécessaire dans les zones
frontalières pour lancer la TNT.
Mais il faut encore aller plus loin, pour les 15 % de la population non couverte par
la TNT. C’est pourquoi le Premier ministre a appelé les acteurs de la télévision
numérique à se rassembler pour que l’ensemble des Français puisse recevoir les
18 chaînes gratuites de la TNT.
A terme, et pour l’Outre-mer, je demande à France Télévisions d’étudier pour
RFO la pertinence d’une diffusion de ce type.
Sur le plan technique, la solution de l’offre de satellite gratuite permet la
disponibilité immédiate la plus large des services de télévision numérique. Je
souhaite que l’ensemble des chaînes de service public financées par la
redevance, c’est à dire France 2, France 3, France 4, France 5 et Arte, puissent
mettre en place cette diffusion satellitaire au plus tard à l’été 2006.
Le service public, au service de l’ensemble de nos concitoyens, bénéficiera ainsi
de ce budget, conforté par la réforme de la redevance, les contrats d’objectifs et
de moyens, l’essor de la TNT et des nouveaux services.
C’est particulièrement important, à l’heure où le monde de l’audiovisuel connaît
des bouleversements technologiques majeurs, avec notamment l’arrivée de
nouveaux acteurs, comme les opérateurs de télécommunications, et la mise en
place de nouveaux modes de transmissions des signaux. Ces mutations ne
doivent pas être subies, mais anticipées, au service du développement de la
création et de sa diversité. Sur le plan national et européen, je souhaite que le
cadre législatif et réglementaire nous permette de nous adapter et d’organiser les
nouveaux services en tenant compte de ces objectifs. C’est dans cet esprit que je
vous proposerai de modifier la loi relative à la liberté de communication, afin de
l’adapter au développement des modes de télévision du futur, la haute définition
et la télévision mobile.
Telles sont les priorités de la politique audiovisuelle publique que traduit ce
budget. Je vous propose également d’adopter, dans le cadre de la mission
« médias », un budget offensif et persévérant pour soutenir la presse écrite, pilier
vivant de notre démocratie, dans « la continuité de l’effort » soulignée par le
Rapporteur pour avis. C’est cette continuité qui apporte une réponse à la question
que vous posez dans votre rapport écrit, Monsieur le Rapporteur spécial :
« comment aider la presse ? »
Vous parlez de « crise grave ». Je suis prêt à vous suivre, mais en revenant au
sens étymologique du mot « crise », celui d’un moment décisif, je dirai que la
presse écrite en France est aujourd’hui à la croisée des chemins.
Comme le
disait Gramsci, « la crise naît lorsque l’ancien meurt et que le nouveau n’est pas
encore né ». [c’est pourquoi, ajoutait-il, « il faut marier le pessimisme de
l’intelligence et l’optimisme de la volonté ». Et j’ajouterai, de l’action.]
Oui, la
presse doit se régénérer pour assurer son avenir et faire face à l’émergence de
nouvelles habitudes de consommation, à l’essor toujours accéléré des nouvelles
technologies, au développement d’une culture de la gratuité, et à l’ensemble des
évolutions structurelles qui bousculent les repères anciens. La presse française
dispose d’un capital humain précieux : ses journalistes, qui sont les meilleurs
garants de son indépendance et de la libre circulation des idées.
Je suis sur l’ensemble de ces sujets très attaché au rôle régulateur que doit jouer
l’Etat.
L’année dernière, je vous ai convaincus d’adopter pour la presse un budget
exceptionnel par son ampleur, en progression (à périmètre constant) de près de
30 % par rapport à l’exercice précédent, tandis que les seules aides directes à la
presse faisaient plus que doubler.
Vous écrivez dans votre rapport que le projet de budget que je vous présente
pour 2006 « stabilise » l’effort sans précédent consenti en 2005. Je dirai qu’il
le consolide à la hausse : il atteint en effet un montant total de 280 millions
d’euros, soit 2 millions de plus que cette année.
Cette constance dans le soutien à la presse écrite marque la cohérence de
l’action du Gouvernement en même temps que notre volonté de préparer
efficacement l’avenir.
Ce projet de budget traduit en effet les trois priorités de notre politique en faveur
de la presse dont l’objectif est clair : contribuer à la diffusion la plus large de la
presse écrite ; soutenir la modernisation du secteur ; respecter les engagements
de l’État, avec le souci de la plus grande efficacité ; enfin, favoriser le développement à long terme du lectorat, en menant une action spécifique en
direction des jeunes lecteurs. L’objectif est clair : contribuer à la diffusion la plus
large de la presse écrite française.
Plus de 60 millions d’euros seront mobilisés en 2006 pour accompagner la
modernisation du secteur, afin de soutenir les initiatives dites structurantes ou
innovantes.
31 millions d’euros seront consacrés à l’accompagnement de la modernisation
sociale de la fabrication de la presse quotidienne, qu’elle soit nationale, régionale
ou départementale. Ce dossier a connu d’importantes avancées au cours de
l’année, au rythme du dialogue social. Pour la presse quotidienne nationale, les
accords du 30 novembre 2004 ont été complétés, afin de préciser les contours
du processus de modernisation sociale. Une fois le cap déterminé, le cadre
juridique nécessaire à la mise en oeuvre du soutien de l’État a pu être posé. Le
décret du 2 septembre 2005 détermine les caractéristiques du dispositif
spécifique de cessation d’activité mis en place pour les salariés de la presse
parisienne. La convention cadre précisant les conditions d’âge des personnels
éligibles, formalisant l’engagement de non-embauche des entreprises et
déterminant la clé de répartition du dispositif entre l’État et la branche a été
signée le 30 septembre 2005. Les premières conventions entre l’État et chacune
des entreprises du secteur seront signées dans les tout prochains jours.
Les choses avancent aussi, pour la presse quotidienne en régions. Les
négociations entre les syndicats professionnels et les organisations
représentatives de salariés devraient aboutir dans les prochains jours et le
décret étendant à la presse en régions le dispositif de modernisation sociale est
en cours de finalisation et pourra être pris avant la fin de l’année. Une fois cette
étape franchie, le dispositif de soutien public, calqué sur le modèle défini pour la
presse parisienne, pourra être rapidement mis en oeuvre.
L’effort en faveur de la modernisation du réseau des diffuseurs sera renforcé,
afin de prendre en compte notamment les besoins liés à l’informatisation des
points de ventes ; les crédits correspondants seront portés à 4 millions d’euros,
soit près de 15 % de plus qu’en 2005.
Les crédits du fonds d'aide à la modernisation de la presse, destinés aux projets
de modernisation des entreprises augmentent, dans ce projet de budget, de près
de 20 %, pour atteindre 23 millions d’euros. La budgétisation du compte
d’affectation spéciale, que vous aviez souhaitée, améliore la lisibilité chère à
votre commission des finances.
Enfin, de nouvelles mesures, et c’est tout à fait essentiel, sont destinées à
améliorer l’autonomie financière et la capacité d’investir des entreprises de
presse, afin de remédier au défaut de fonds propres qui les caractérise.
La création d’un fonds de garantie dédié aux entreprises de presse au sein de
l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC)
facilitera leur accès aux prêts bancaires nécessaires au financement de leurs
investissements. Il sera mis en oeuvre d’ici au 1er janvier 2006.
Tout en mettant l’accent sur des actions innovantes et structurantes, destinées à
préparer et garantir l’avenir de la presse, l’État entend honorer l’ensemble des
engagements pris auprès de ses partenaires ou à l’égard de ses objectifs
essentiels que sont la défense du pluralisme et le soutien à la diffusion.
Ainsi la dotation prévue pour les abonnements de l’État à l’Agence France-
Presse, soit 107,8 millions d’euros, est conforme à la norme de progression de
2 % par an fixée dans le contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’Agence.
L’aide au transport postal de la presse d’information politique et générale, dotée
de 71,5 millions d’euros, évolue aussi conformément aux engagements pris dans
le cadre de l’accord signé le 22 juillet 2004 entre l’État, la presse et La Poste.
L’aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d’information politique
et générale, créée en 2002, est maintenue. Il est indispensable, pour préserver
l’équilibre du système coopératif de distribution de la presse, que les efforts
engagés par les Nouvelles messageries de la presse parisienne afin de réduire
le surcoût lié à la distribution des quotidiens soient poursuivis. Comme les
années précédentes, l’aide publique permettra aux quotidiens bénéficiaires de
contribuer à financer la modernisation du circuit de distribution et à réduire le
déficit supporté à ce titre par les NMPP. Les bons résultats récemment dégagés
par la société de messageries permettent cependant de redimensionner cette
aide, qui s’élèvera à 8 millions d’euros en 2006.
L’engagement traditionnel de l’État en faveur du pluralisme est poursuivi et
renforcé. Ainsi, l’aide aux quotidiens nationaux d'information politique et générale
à faibles ressources publicitaires, qui est au coeur de notre action, verra sa
dotation progresser de 7,5 %, pour atteindre un montant total de plus de 7
millions d’euros.
Les aides à la diffusion sont globalement stabilisées, qu’il s’agisse de l’aide au
transport de la presse par la SNCF, de l’aide à la distribution et à la promotion de
la presse française à l’étranger, de l’aide à la presse hebdomadaire régionale ou
encore de l’aide au portage.
Enfin, l’effort spécifique en direction des jeunes lecteurs, amorcé en 2005, sera
prolongé et amplifié en 2006.
C’est une priorité stratégique et un enjeu démocratique et éducatif majeur. Des
études récentes montrent que les habitudes de lecture s’acquièrent et se fixent
avant l’âge de 18 ans : les jeunes lecteurs que la presse conquiert aujourd’hui
forment le vivier de lectorat de demain.
Une première série de projets innovants a été mise en route dans le cadre de
l’enveloppe de 3,5 millions débloquée cette année au titre du fonds d'aide à la
modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et
générale. et je m’en félicite.
Il est essentiel que ces premières expériences soient menées à leur terme et
évaluées avec soin, pour éventuellement être généralisées par la suite, et que
d’autres actions du même type soient encouragées. Je suis à l’écoute des projets des professionnels, et aussi, bien sûr, des idées des élus dans ce
domaine, où l’effort des pouvoirs publics sera renouvelé et amplifié en 2006,
avec une enveloppe de 4 millions d’euros, en progression de près de 15 %.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, ce projet de budget
en faveur de la presse est offensif, parce qu’il investit sur l’avenir et la
modernisation du secteur, et persévérant, parce que l’État se donne les moyens
de garantir la cohérence de son action, de respecter ses engagements, et de
maintenir le cap d’une politique dédiée à la défense du pluralisme, de l’ouverture,
de la diversité si essentielle à notre vie démocratique.
Je veux terminer cette présentation du budget 2006 pour la communication par la
chaîne d’information internationale. Cette chaîne sera dotée de 65 millions
d’euros pour 2006. Je l’ai répété à maintes reprises, il s’agit là d’une nécessité
stratégique. Il y va de notre vision du monde et de l’influence de nos idées. C’est
la raison pour laquelle cette chaîne devra être très vite diffusée en anglais, en
arabe, puis en espagnol. Financée par l’argent public, il est légitime, comme
beaucoup d’entre vous l’ont souligné, ainsi que le Président de France-
Télévisions, qu’elle soit diffusée en France et qu’elle participe à ce titre au
pluralisme de l’information. Pour cet enjeu national et international majeur, il fallait
rassembler les talents, les expériences et les énergies, unir des sociétés dont le
rôle est fondamental en matière d’information. Je vous confirme donc que, dans
les tout prochains jours, la société réunissant à parité France Télévisions et TF1
va être constituée, et que le contrat de subvention entre l’Etat et la chaîne va être
signé. Cette chaîne pourra donc démarrer avant la fin de l’année 2006.
Cette
chaîne n’est pas une mosaïque : c’est une société indépendante dotée d’une
rédaction autonome. France Télévisions y jouera nécessairement un rôle moteur
et au-delà de France Télévisions, les autres entreprises concourrant au
rayonnement audiovisuel de la France, que sont notamment RFI et l’AFP, par des
conventions de partenariats ou d’association. France Télévisions est un élément
moteur, je le répète, de ce dispositif. En soi, et par ses participations dans TV5,
CFI, Arte et Euronews, France Télévisions constitue un élément central de
l’audiovisuel extérieur. Je donne d’ailleurs mon accord sans réserve pour le
regroupement des participations de France Télévisions dans l’audiovisuel
extérieur au sein d’une holding qui sera aussi l’illustration d’une rationalisation
légitimement souhaitée de l’audiovisuel extérieur. Je veux sur ce point rassurer
pleinement Emmanuel Hamelin qui a beaucoup contribué à la réflexion sur ce
sujet.
Cette chaîne est un élément-clé de la diversité culturelle.
Et, pour conclure, je veux souligner que l’ensemble de notre action sur le plan
international va dans ce sens, avec l’adoption de la convention sur la diversité
culturelle par la conférence générale de l’Unesco le 20 octobre dernier, et
l’échange fructueux que nous avons avec la Commission européenne, à propos
de la révision de la directive télévision sans frontières.
Ce sont des acquis essentiels pour l’avenir.
Je vous remercie.