Rubrique ‘Discours 2005’

Cérémonie de remise des insignes de Chevalier dans l’ordre national la Légion d’honneur à Renée Fleming

11 novembre 2005

Madame,

Avec le sens de l’humour que l’on vous connaît, vous avez souvent dit, en
parlant du terrible trac que connaissent bien les grands artistes, que vous
apparteniez à la catégorie évanouissante…

Je peux dire à mon tour que, comme tous ici, et comme le public toujours plus
nombreux qui vous acclame à travers le monde, vous appartenez
définitivement et irrémédiablement à la catégorie éblouissante…

Ce sont donc des paroles de gratitude et d’admiration que je souhaite avant
tout vous adresser.

Ce soir encore, vous nous avez charmés par votre timbre éblouissant et votre
ardente musicalité. Merci, Madame, pour cette superbe soirée. Avec la belle
complicité de Hartmut Höll, qui vous a accompagnée de son talent de pianiste
et de chambriste hors pair, vous nous avez permis de découvrir, dans le cadre
intime et exigeant du récital, d’autres facettes de votre personnalité artistique.

Vous êtes aujourd’hui la soprano emblématique d’un répertoire. Les héroïnes
mozartiennes et straussiennes sont votre apanage. Vous les offrez à votre
public dans leur grâce et leur splendeur comme dans la totale maîtrise de votre
sensibilité et de votre art. Mais, parce que vous avez su parler de cet art et de
votre parcours, nous savons ce qu’il en coûte de rigueur, d’efforts et
d’abnégation pour arriver à cette lumineuse perfection.

Votre chemin vers la scène lyrique internationale semble pourtant commencer
comme un chemin buissonnier.

Née à Indiana, en Pennsylvanie, vous êtes élevée à Rochester, dans l’Etat de
New-York, au milieu des chevaux et de la musique, par des parents euxmêmes
professeurs de musique qui ne songent pourtant pas à vous orienter
vers cette carrière. Votre don s’épanouit alors librement. Petite fille, à l’école,
où l’on vous surnomme, déjà, « Miss Perfection », vous vous piquez de
composition et l’une de vos chansons est vite promue à la dignité de tube
familial. A l’université, vous continuez à composer et à écrire des poèmes.

Mais c’est le jazz qui vous attire. Vous chantez dans les clubs et les salles qui
lui sont dédiés. Vous-même dites n’avoir commencé à apprendre le chant que
vers l’âge de dix-huit ans. Commence alors le long parcours pour que votre
don et votre art se rejoignent dans la plénitude que nous connaissons
aujourd’hui.

Après des études à la Juilliard School, vous obtenez une bourse pour venir
étudier à Francfort auprès de guides illustres : Renata Scotto, Arleen Auger [
OGÉ ] et plus particulièrement Elisabeth Schwarzkopf, dont l’enseignement
préfigurera l’émouvante communion qui vous réunit dans le monde lyrique à
travers le personnage de la Maréchale.

Salzbourg est le théâtre de vos véritables débuts professionnels, avec l’un
des rôles les plus difficiles du répertoire, Constance, de L’Enlèvement au
Sérail. Vous l’incarnez comme vous le ferez ensuite avec la même lumineuse
sensibilité pour les délicates héroïnes mozartiennes : Pamina, Fiordiligi,
ainsi que pour les deux grandes figures féminines de Don Giovanni, Donna
Anna et Donna Elvire, et bien sûr pour la Comtesse des Noces, l’un de vos
rôles fétiches. Vous l’avez chanté dans le monde entier dans près de vingt
productions, parmi lesquelles vous me permettrez de privilégier, avec fierté,
l’interprétation que vous en avez donnée, en 1996, sous la direction de Sir
Georg Solti [cholti], pour la réouverture de l’Opéra-Garnier, même s’il fut, en
1991, le rôle de vos débuts au Metropolitan Opera de New-York, ainsi que le
premier grand succès international d’une carrière qui, dès lors, ne devait plus
quitter le firmament.

Pour autant, votre répertoire, à l’image de votre curiosité artistique et
intellectuelle, et de votre généreux souci de faire partager les trésors de l’art
lyrique, ne cesse de s’élargir, couvrant une période de trois siècles de
Haendel à nos jours.

Ainsi a-t-on pu, récemment, vous applaudir au Met dans Rodelinda de
Haendel, dans une production bien faite pour attirer le public américain à ce
compositeur que vous servez admirablement.

Et, de même, garde-t-on en mémoire la création d’oeuvres contemporaines
auxquelles vous avez imprimé une puissante marque personnelle : The
Ghosts of Versailles de John Corigliano en 1991 au Met, Les Liaisons
Dangereuses de Conrad Suza en 1994 à San Francisco, et en particulier, en
1998 et toujours à San Francisco, Un tramway nommé désir composé par
André Previn d’après Tennessee Williams où votre intensité dramatique s’est
trouvée glorieusement confrontée au double mythe du personnage de
Blanche Dubois et de l’image cinématographique de Vivien Leigh.

Dvorak [DVORJAK], avec Rusalka en particulier, qui vous permet de
retrouver vos lointaines racines tchèques et que vous avez si magnifiquement
chantée sur la scène de l’Opéra Bastille, est aussi l’un de vos terrains
d’expression privilégiés, ainsi que toutes ces héroïnes qui vous permettent de
déployer l’irrésistible palette de votre voix de velours et d’or, de miel et de
noisette, comme beaucoup se plaisent à la qualifier, avec ses nuances et
surtout ses aigus incomparables : Desdémone dans Otello, Tatiana dans
Eugène Onéguine, Mimi dans La Bohême …..

Vous pratiquez couramment quelque six ou sept langues, car vous dites ne
pouvoir interpréter un rôle que si vous en possédez la plus intime
compréhension musicale et dramatique.

Votre goût pour le répertoire français, que vous revisitez avec une fraîcheur,
une clarté et une authenticité incomparables et vos interprétations de Thaïs,
Manon, Hérodiade, Louise, ne peuvent, Madame, que nous émouvoir et nous
combler.

C’est là un magnifique témoignage de votre attachement à notre langue,
notre culture et notre pays dont je vous suis, du fond du coeur, reconnaissant.

Je connais votre prédilection pour les longues promenades dans le quartier
du Marais et les flâneries aux terrasses des cafés qui font de vous,
définitivement, une authentique parisienne, que nous sommes si fiers
d’accueillir parmi nous ! Mais, au-delà, de vos habitudes heureuses dans
notre capitale, vous chantez l’opéra français sur les scènes lyriques du
monde entier, le faisant aimer et connaître de nombreux publics, et, en nous faisant l’amitié de vous produire dans nos théâtres et nos maisons d’opéra,
vous contribuez à leur rayonnement.

Je rends grâce à Hugues Gall, l’homme des choix avisés et des succès
certains, d’avoir fait appel à vous pour la dernière nouvelle production de son
mandat à la tête de l’Opéra National de Paris, ce Capriccio de Richard
Strauss qui, avec la complicité aussi de Robert Carsen, s’est, d’emblée, situé
parmi les manifestations à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire de
notre scène lyrique.

Vous avez su, Madame, déployer dans cette oeuvre subtile, qui parle de
l’opéra, de la musique et du texte, et de l’ambiguïté de toutes les sortes de
jeux et de faux-semblants, un éblouissant nuancier, et toutes ces qualités qui
appellent irrésistiblement sous la plume des critiques le vocabulaire de la
sensualité et de la gourmandise. Vous nous avez offert, comme jamais,
l’onctuosité de votre timbre, l’intensité de votre chant, la générosité de votre
jeu, vous affirmant comme la grande, troublante et incontestable straussienne
de votre génération.

Peut-être d’ailleurs avez-vous perçu dans cette oeuvre majeure, où il est
question de l’impossible et pourtant inévitable équilibre entre la parole et la
musique, quelque mystérieux écho du difficile équilibre qui préside à une vie
de diva ?

Dans un ouvrage remarquable paru en janvier, Une voix, vous faites mieux
que vous raconter.

Dépassant le ton de la simple autobiographie, sans rien cacher des difficultés
de votre parcours d’artiste et de femme, avec une franchise sans
concessions, vous entraînez le lecteur au coeur du plus difficile d’une vie
d’artiste et de ce qu’il faut bien appeler sa souffrance. L’étincelle de magie qui
se produit sur une scène résulte d’un parcours souvent laborieux et solitaire.

Grâce à votre livre, nous comprenons comme jamais la mystérieuse alchimie
de talent, d’effort et de lucidité qui fait un grand artiste.

Avec esprit, vous y décrivez la diva telle qu’elle n’existe pas, se désaltérant
d’eaux minérales précieuses dans du cristal de Baccarat au fond d’une
limousine, et l’artiste telle qu’elle se construit au jour le jour, dans le travail, la
vulnérabilité, la solitude et parfois même la dépression, attachée aussi à
préserver les valeurs de la vie et de la famille, comme vous savez si bien le
faire avec vos deux petites filles.

Merci, Madame, de ce témoignage, qui trace le portrait attachant et ô
combien séduisant d’une véritable diva, ce mythe sans cesse renouvelé, que,
à votre tour, vous incarnez aujourd’hui, ne lui apportant, par votre naturel,
votre simplicité, votre franchise, que plus de panache et d’élégance, et vous
affirmant comme une artiste moderne par excellence, attentive à tous les
moyens de faire connaître et aimer le répertoire lyrique, soucieuse du disque
comme de la scène. Vous êtes d’ailleurs actuellement la soprano au monde
qui a réalisé le plus d’enregistrements, ne négligeant pas non plus de graver
ces grands standards du jazz qui restent l’une de vos passions, en nous
faisant aussi ces cadeaux somptueux que sont vos enregistrements des
héroïnes de Strauss ou du répertoire haendelien.

De nombreuses distinctions prestigieuses vous ont été décernées de par le
monde. C’est un honneur pour la France de vous distinguer à son tour
aujourd’hui.

Renée Fleming, au nom du Président de la République et en vertu des
pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalier de la Légion
d’Honneur.

Proposition de loi emploi de la langue française au Sénat

10 novembre 2005

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs les Sénateurs,

Dans le contexte des violences qui ont déchiré notre tissu social urbain ces douze derniers
jours, votre proposition de loi porte sur un sujet que j'estime majeur pour nos valeurs, pour
notre pays : notre langue, ce bien commun, grâce auquel nous pouvons débattre, dialoguer,
argumenter, nous comprendre, le cas échéant nous opposer en toute liberté, en recourant à
ce « merveilleux outil » célébré par Léopold Sédar Senghor.

Oui, ce sont des liens profonds qui unissent la langue, la République et la démocratie,
inscrits dans notre droit, dans notre Constitution, dont l’article 2, proclame, comme vous
l’avez rappelé, depuis la loi constitutionnelle du 25 juin 1992, que « la langue de la
République est le français ».

Oui, notre langue nous aide à construire la cohésion sociale de notre nation. C’est par la
langue que se forment les citoyens de toutes origines, qu'ils acquièrent une histoire et une
culture, qu'ils éprouvent le sentiment de la communauté à laquelle ils appartiennent, qu’ils
forment leurs projets, qu’ils bâtissent l’avenir, qu’ils expriment leur volonté de vivre
ensemble. La langue est également le premier instrument d’insertion sociale et
professionnelle. C’est pourquoi la politique de la langue française a toute sa place dans la
politique culturelle de la France.

Elle porte assurément l’héritage d’une longue histoire. Je tiens à vous rendre hommage,
Monsieur le Rapporteur, pour la qualité et la précision du brillant panorama que vous
brossez dans votre rapport, où, sans remonter jusqu’aux serments de Strasbourg, qui
scellent, en 842, non plus en latin, mais dans chacune de leurs langues respectives,
l’alliance entre Charles le Chauve et Louis le Germanique, vous faîtes oeuvre remarquable
d’historien, autant que de législateur. Oui, en France, la langue est affaire d’Etat, parce
qu’elle symbolise et cimente son unité. Elle est affaire de droit et il y a un droit de la langue,
qui est aussi un « droit à la langue » – c’est à dire le droit pour tout citoyen de recevoir une
information et de s’exprimer dans sa langue. Elle est affaire de loi, parce que la France a
choisi d’affirmer ce droit dans un cadre législatif et réglementaire cohérent, dont vous
retracez l’histoire et l’architecture et dont la pierre angulaire est la loi du 4 août 1994, dite loi
Toubon.

Cette loi ne correspond en aucune manière à un réflexe de défense identitaire ; ce n'est pas
une machine de guerre contre les autres langues parlées sur notre territoire, et notamment
contre l'anglais, dont elle autorise l'emploi, mais à la condition que celui-ci s’accompagne
d’une formulation en langue française. Encore moins vise-t-elle à instaurer je ne sais quelle «
police de la langue », comme ses détracteurs, en la caricaturant, l'ont à tort prétendu.

Dès lors que « la langue de la République est le français » tout citoyen a un droit
imprescriptible à faire usage de la langue française, dans toutes les circonstances de la vie
sociale ; et il revient aux pouvoirs publics de créer les conditions d’exercice de ce droit, au
bénéfice de la communauté nationale dans son ensemble. Certes, notre langue elle-même
ne cesse d’évoluer, pour
décrire et interpréter notre monde, pour répondre aux demandes de nos concitoyens, pour
s’adapter à notre vie, aux évolutions technologiques liées à la société de l'information, aux
évolutions sociales liées au développement des échanges ou des flux migratoires dans la
mondialisation.

Et la diversité linguistique contribue assurément au rayonnement de la diversité culturelle,
que la communauté internationale vient de faire entrer dans le droit international en
adoptant, le 20 octobre dernier, la convention de l’UNESCO sur la promotion de la diversité
des contenus et expressions culturelles. Un monde monolingue serait un monde
irrémédiablement appauvri, sans racines et sans avenir.

Mon prédécesseur, Jean-Jacques Aillagon, avait fort justement ressenti, dix ans après son
adoption, le besoin d'évaluer la loi Toubon. Aussi avait-il confié à M. Hubert Astier,
inspecteur général de l'administration des affaires culturelles, le soin de dresser le bilan de
l'application de ce texte et de formuler des propositions visant à l'améliorer.

L’une des toutes premières décisions que je pris en arrivant à ce ministère fut de confirmer
cette mission, dont les conclusions me furent remises au début de cette année. Elles ont
contribué à orienter la communication que je fis le 17 mars dernier en conseil des ministres
sur la politique de la langue française, en lui assignant trois objectifs :

– sensibiliser le corps social aux enjeux de la langue française ;

– garantir le droit de nos concitoyens à faire usage du français, langue de la République, sur
le territoire national ;

– mettre la politique de la langue française au service de la cohésion sociale.

La proposition de loi déposée par M. Philippe Marini s’inscrit dans cette perspective, en
complétant la loi Toubon dans certains domaines où elle n'a pas produit tous ses effets.

Je tiens à saluer votre initiative, d’autant qu’elle a la sagesse de ne pas bousculer l'équilibre
de la loi Toubon, tout en lui apportant quelques ajustements. Elle la renforce en tirant d'utiles
enseignements du rapport sur l'emploi du français que le Gouvernement remet chaque
année aux Assemblées.

L'apparente diversité des dispositions contenues dans votre proposition – qui touchent à la
fois la communication électronique, le paysage de nos villes, les transports, la vie de
l'entreprise, la consommation – fait apparaître un fil conducteur : le souci de garantir à nos
compatriotes ce droit au français que j'évoquais à l'instant, et d'en améliorer le contrôle et
l'application.

Son article premier clarifie notre droit. En précisant que la publicité par voie électronique
n'échappe pas aux prescriptions de l'article 2 de la loi Toubon, vous prenez en compte les
dispositions de la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie numérique, qui
distingue la communication audiovisuelle et la communication au public par voie
électronique. Cette précision utile, à droit constant, n’élargit donc pas le champ d'application
de la loi, qu’elle maintient en l'état.

Je sais que le paysage de nos villes est un sujet auquel les élus que vous êtes sont
particulièrement sensibles. En prévoyant que les enseignes puissent, dans certains cas, être
accompagnées d'une traduction ou d'une explicitation en français, vous contribuez à la lutte
pour la cohésion sociale, voire contre la constitution véritables « ghettos linguistiques » au
coeur même de nos cités.

Les transports constituent un autre sujet sensible pour nos compatriotes. Permettre qu'une
information en langue française soit fournie dans les moyens de transports internationaux en
provenance ou à destination de notre pays, conformément d'ailleurs aux conventions
internationales sur le transport aérien, me paraît essentiel.

Pour les dénominations sociales des entreprises, votre rédaction prudente permet de lutter
contre certains usages qui desservent notre langue et ne contribuent pas à assurer
l'information du public, tout en respectant le libre établissement et la libre circulation des
prestataires de services.

Le droit à la langue s'étend également au monde du travail. Il est important que certains
documents clés pour l'information des salariés et des actionnaires, tels que l'ordre du jour et
les procès-verbaux des délibérations des comités d'entreprise, puissent être disponibles
dans une langue compréhensible par tous.

De son côté, l'obligation faite aux chefs d'entreprise de soumettre pour avis au comité
d'entreprise un rapport sur l'utilisation de la langue française les incitent à considérer la
politique linguistique comme faisant partie de la bonne marche de leur entreprise et du
dialogue social. Dans sa sagesse, votre commission a limité cette obligation aux seules
entreprises de plus de 500 salariés.

Enfin, la proposition soumise à votre Haute Assemblée, dans la rédaction adoptée par votre
commission, a également l'ambition de renforcer les conditions d'application de la loi Toubon
et ce, de deux manières. D'une part, en élargissant à des associations régulièrement
déclarées et agréées de défense des consommateurs, la possibilité d'exercer les droits
reconnus à la partie civile, c'est à dire d'ester en justice. D'autre part, en renforçant la
capacité du Gouvernement à informer le Parlement sur l'application de la loi. Je ne peux
évidemment qu'y être favorable, d'autant que c'est à mon ministère, comme vous le savez,
qu'il revient d'établir le rapport annuel sur l'emploi de la langue française.

C'est donc avec confiance que j'aborde cette discussion, persuadé que cette proposition de
loi, en l’état, répond à l'attente de nos concitoyens, qui sont très attachés à la loi Toubon –
comme vous venez de le rappeler, Monsieur le Rapporteur – parce qu’ils y voient l’une des
plus sûres garanties apportées à la diversité culturelle et à la démocratie.

Vous rappelez aussi, fort opportunément, dans votre rapport, les observations qu'a pu
formuler la Commission européenne sur la loi Toubon, et tout particulièrement sur son article
2 concernant l'information des consommateurs. Consciente de la nécessité de satisfaire aux
principes qui régissent le droit communautaire, la France, dans un dialogue constructif avec
la Commission, a trouvé un point d'équilibre, avec la publication d'une instruction de la
direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes,
permettant à ses services de contrôler l'application de la loi, en parfaite conformité avec la
jurisprudence communautaire.

Cet équilibre, dont je comprends qu’il ne satisfasse pas pleinement votre commission, qui le
juge « cependant acceptable à titre transitoire » dans votre rapport écrit, nous permet de
concilier le respect de nos engagements européens, et notamment la libre circulation des
biens et des services, avec la protection et l'information des consommateurs- qui sont en
France, comme ailleurs, de plus en plus exigeants- et l'emploi de la langue française sur le
territoire français, qui est au coeur même de la loi du 4 août 1994. Je relève que vous êtes
attaché au caractère intangible de ce principe posé par la loi, en particulier dans son article
2.

La réflexion me paraît donc devoir se poursuivre, d’autant que le Conseil d’Etat est saisi,
vous le savez, par les associations de défense de la langue française, de l’instruction du 26
avril 2005. Il me paraît utile d’attendre la décision de notre plus haute juridiction
administrative pour évaluer précisément notre situation juridique au regard de la conciliation
de la loi française, de la nécessaire protection des consommateurs et de nos engagements
européens. Dans un espace européen caractérisé par le plurilinguisme- Umberto Eco n’a t-il
pas écrit que la traduction est la langue commune de l’Europe ?- comment mieux
encourager nos concitoyens à s'ouvrir aux autres langues européennes, que de leur
permettre de se sentir en confiance dans leur propre langue ?

A cet égard, je suis heureux de saluer dans cet hémicycle, dominé par les figures de nos
plus grands législateurs, la belle initiative prise par le Secrétaire perpétuel honoraire de
l'Académie française, M. Maurice Druon, de créer un comité pour la langue du droit
européen, afin de conforter le droit romano-germanique en Europe. J'ai accepté avec
enthousiasme de siéger à ce comité.

La France n'est pas isolée dans la démarche qui vous est proposée. Votre initiative, à
laquelle je suis favorable, au nom du Gouvernement, sous le bénéfice des observations que
je viens de vous exposer, vient renforcer la place de notre pays parmi ceux, de plus en plus
nombreux, qui se donnent les moyens de défendre de promouvoir leur langue et leur culture.

Sur notre modèle, de nombreux pays en Europe se dotent de législations garantissant
l'emploi de leur langue nationale. Ces pays sont très attentifs aux évolutions que nous
apporterons au dispositif français, comme le seront les 63 Etats de l'Organisation
internationale de la Francophonie. En nous engageant, comme vous nous y incitez, dans la
voie d'une consolidation de notre politique de la langue, nous adressons à ces pays un
message de confiance en l’avenir du français et en sa capacité à décrire les visages
changeants du monde.

Mesdames et Messieurs les Sénateurs, à quatre mois du lancement du festival francophone
en France – qui permettra à nos compatriotes de découvrir les mille facettes de la création
dans les pays qui partagent notre langue, votre vote sera aussi un message de solidarité et
de confiance en l’avenir de la France.

Présentation à l’Assemblée nationale du projet de loi de finances 2006 pour les médias et l’audiovisuel public

7 novembre 2005

Monsieur le Président,

Messieurs les Rapporteurs,

Mesdames et Messieurs les Députés,

Le budget que j’ai l’honneur de vous présenter ce soir, par delà sa présentation
modifiée, traduit d’abord une politique, assigne des objectifs et prévoit des
moyens répondant aux nombreux défis que traversent les médias aujourd’hui.

Cette politique exprime une vision du rôle de la culture et de la communication
aujourd’hui dans notre pays. Un rôle déterminant pour son identité, son
attractivité et son rayonnement. Mais aussi, et je le dis avec une certaine
gravité, pour la compréhension et la cohésion de notre société, pour faire
prévaloir le dialogue, la citoyenneté, les valeurs de la République sur les
fractures, les violences, les incompréhensions, les haines qui la menacent.

Et
enfin, au sein de cette société, pour favoriser l’épanouissement personnel de
chacun. Dans le monde d’aujourd’hui, la responsabilité de l’audiovisuel public
et de la presse écrite me paraît donc extraordinairement importante. Les
médias de masse ont pour mission de rendre les flux croissants d’informations
et d’images qui circulent de plus en plus vite, lisibles accessibles à nos
concitoyens. Dans un monde complexe, où les frontières sont de plus en plus
floues entre le virtuel et le réel, l’information et la communication, nous avons
de plus en plus besoin des médias, non seulement pour nous montrer et
interroger ce monde, mais aussi pour fournir des repères, et nourrir les
échanges, les débats, les dialogues, qui permettent d’apporter des réponses.

Pour répondre à ces besoins, les professionnels des médias doivent
aujourd’hui relever des défis sans précédent. Des défis éthiques,
économiques, sociaux, technologiques, humains, à la mesure des attentes et
des exigences croissantes à l’égard de l’information. D’autant que les médias
font désormais partie de notre cadre de vie : ils accompagnent la vie des
Français, du matin au soir, chaque jour, dans leurs moments de loisirs, comme
au travail.

Dans cette perspective, l’action de l’Etat est confrontée à de nouvelles
ambitions. Ces ambitions ont à mes yeux une tonalité particulière dans notre
pays, compte tenu de la place tout à fait singulière qu’y occupe le service
public de l’audiovisuel. Conforter l’audiovisuel public dans son périmètre et ses
missions demeure pour moi un véritable enjeu, qui demande une mobilisation
de tous les instants.

Les défis sont multiples : il s’agit d’accroître la spécificité
et l’identité des programmes et des missions de l’audiovisuel public. En effet,
les programmes de la télévision et de la radio publiques doivent se traduire par
une couleur, une tonalité, une identité différentes, par la place particulière
donnée à la culture, à l’information et à la création audiovisuelle française. Ils
doivent fédérer le public le plus large et donc le plus divers. C’est ce lien
solide, spécifique et fidèle avec les Français, qui est le fondement même de la
pérennité de la redevance, ressource propre et directement affectée au
service public de l’audiovisuel. C’est un objectif fort de ma politique depuis ma
prise de fonction.

Je veux aussi, et ce budget en est la traduction, que l’audiovisuel public, tout
en renforçant son identité, s’adapte aux mutations provoquées par les
nouveaux supports, notamment numériques.

Le démarrage de la télévision numérique de terre (TNT) a ainsi été conduit,
comme vous l’avez relevé, Monsieur le Rapporteur spécial, avec succès. « Un
succès à confirmer » : je m’y emploie et je reprends volontiers votre appréciation
à mon compte. Alors, je le sais, il existe des critiques concernant les programmes
offerts sur la TNT mais ne l’oublions pas, il y a à peine un an 70% de nos
concitoyens ne recevaient que cinq chaînes. C’est donc un progrès formidable
auquel le service public participe pleinement. Je souhaite que les étapes
suivantes de son déploiement soient menées au plus tôt et que la télévision haute
définition et la télévision mobile bénéficient d’un cadre qui permette leur
développement. J’y travaille.

Dans cette perspective, comme vous le soulignez, Messieurs les Rapporteurs, la
LOLF peut et doit être un outil efficace. C’est la logique de la LOLF, de cette loi
fondamentale que nous appliquons cette année pour la première fois, et qui
entraîne une présentation nouvelle du budget, structuré en deux missions. Une
présentation sans doute perfectible, Monsieur le Rapporteur spécial, qui nous
incitez à « aller jusqu’au bout de la logique de la LOLF », tout en nous accordant
votre « satisfecit général » sur la lisibilité de cette présentation que vous qualifiez,
pour votre part, Monsieur le Rapporteur pour avis, « d’éclatée ». Je souhaite en
tout cas, comme vous tous, que la LOLF permette de redonner à l’autorisation
budgétaire, qui est au fondement même de la démocratie parlementaire, et à
notre débat, pour tous les acteurs du secteur comme pour nos concitoyens, tout
son sens.

Chantier prioritaire de l’audiovisuel public, les contrats d’objectifs et de moyens
ont d’ailleurs, dans le domaine des médias, mis en oeuvre la LOLF avant la LOLF.

Le bilan des contrats souscrits est largement positif. Le secteur des médias a été
précurseur que ce soit pour l’AFP, France Télévisions ou Arte France et bien sûr
l’Institut national de l’Audiovisuel. Je m’en félicite. La négociation des contrats
d’objectifs et de moyens, que vous appelez de deuxième génération, doit non
seulement fixer des objectifs stratégiques pluriannuels aux
entreprises, dans un souci de performance et de résultats, mais donner aussi les
moyens d’évaluer précisément leur réalisation.

L’action des pouvoirs publics, dans le domaine des médias vise bien sûr aussi à
soutenir la presse face aux défis nombreux qu’elle doit relever pour assurer son
avenir. Il s’agit là, j’y reviendrai, d’un enjeu majeur. La presse française doit être
forte et rayonnante.

Le projet de budget qui vous est soumis prévoit que les ressources du compte de
la redevance augmentent de près de 3 % ou 77 millions d’euros HT par rapport à
la loi de finances initiale pour 2005. Plus des trois quarts du budget de
l’audiovisuel public sont ainsi financés par des ressources publiques.
En 2006, la réforme de la redevance audiovisuelle entrera pleinement et
définitivement en vigueur. Cette nouvelle organisation du recouvrement permet
une collecte plus performante d’une taxe plus juste et plus simple.

Cette réforme réussie permet à la fois :

– une augmentation de la ressource publique pour les organismes du service
public de l’audiovisuel ;

– une stabilisation de la charge fiscale sur les ménages ; pour la deuxième année
consécutive, le gouvernement vous propose de maintenir le taux de la redevance
audiovisuelle 116 euros pour la France métropolitaine et à 74 euros pour les
départements d’outre-mer ;

– une stabilisation de la contribution du budget de l’État au financement du service
public de l’audiovisuel en 2006.

Au total, le budget du service public de l’audiovisuel qui vous est soumis
augmentera de 109 millions d’euros en 2006, soit 3,1%.

Je souhaite que l’évolution dynamique du financement du secteur audiovisuel
public s’inscrive dans la logique pluriannuelle des contrats d’objectifs et de
moyens qui seront conclus et négociés en
2006. Il s’agit là d’une modernisation certaine des rapports entre l’Etat et les
sociétés de l’audiovisuel public, responsabilisant chacun. Le contrat d’objectifs et
de moyens de l’Institut national de l’Audiovisuel est sur le point d’être signé et
ceux des autres sociétés le seront dès les premiers mois de 2006. Les
discussions avec France Télévisions ont d’ores et déjà commencé. Elles sont
également en cours avec Radio France.

Ces contrats seront en pleine cohérence avec la logique de la LOLF, que nous
avons tous à coeur de mettre en oeuvre, dans un souci partagé de transparence
et d’efficacité. Outre leur utilité pour le contrôle de la performance, les contrats
d’objectifs et de moyens seront les garants de l’identité du service public.

C’est pourquoi je tiens à ce que le budget que je vous demande d’adopter
permette de renforcer la qualité et la diversité des programmes, et de financer la
modernisation indispensable des sociétés de l’audiovisuel public.

– France Télévisions consacrera la majeure partie de ses moyens
supplémentaires, soit 53 millions d’euros HT, résultant de l’augmentation de 3 %
de la dotation publique du groupe et des économies réalisées, à l’amélioration de
l’offre de programmes.

Les priorités pour 2006 sont :

– la consolidation des missions de service public de France 2 et France 3 ;

– le renforcement de l’attractivité de France 4 et de France 5 dans la
perspective d’un élargissement de la couverture de la TNT à 85 % de la
population au printemps 2007 et, au-delà, d’une large accessibilité de ses
services sur l’ensemble des moyens de diffusion de la télévision ;

– l’affirmation pour RFO de son identité de diffuseur public de proximité,
notamment par le développement de la production locale, et le renforcement de la
visibilité de l’outre-mer sur les antennes métropolitaines. L’adossement de RFO
au groupe France télévisions lui en donne désormais les moyens ;

– la participation au développement des nouveaux modes de consommation
audiovisuels avec notamment la haute définition et la télévision mobile ;

– un engagement encore accru dans la création, et dans la production
audiovisuelle et cinématographique. Ainsi, France Télévisions accroîtra sa
contribution à la création d’oeuvres françaises originales, son président ayant
annoncé son intention d’y consacrer 20 M- supplémentaires par an pendant 5
ans, soit 100 M- ;

– Arte France, qui bénéficiera d’une augmentation de 3,1% de sa dotation
publique par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2005, s’attachera à
consolider sa grille de programmes. Elle maintiendra son effort en faveur de la
création d’oeuvres audiovisuelles innovantes, dans le contexte de l’élargissement
de sa diffusion grâce à la TNT.

L’adaptation des programmes aux personnes sourdes et malentendantes
constitue également un objectif prioritaire du Gouvernement. France Télévisions
et Arte France ont engagé un plan
progressif de sous-titrage qui concernera 50% des programmes dès 2006.

– Radio France renforcera sa capacité d’innovation et se rapprochera de tous les
auditeurs.

Le contrat d’objectifs et de moyens (COM) de Radio France est en cours de
négociation.

Dans l’attente de sa conclusion, Radio France poursuivra en 2006 ses principaux
projets, notamment le développement de la diversité et l’attractivité de ses
programmes, grâce à l’ouverture des antennes à de nouveaux talents et à une
attention particulière portée aux attentes et aux nouveaux usages des auditeurs.

Radio France voit ainsi ses ressources publiques pour 2006 progresser de 13,12
M-, soit de 2,7 % par rapport à la LFI pour 2005.

Vous avez évoqué, Monsieur le Rapporteur spécial, le chantier que vous avez
qualifié de « gigantesque » dans votre rapport écrit, engagé par Radio France
dès cette année pour mettre en sécurité l’ensemble de la Maison de la Radio. Les
travaux de réhabilitation de grande ampleur débuteront dès 2006 et seront
l’occasion d’une totale modernisation de la Maison de la Radio. La dotation de 7,4
millions d’euros allouée à Radio France en 2004 et 2005 est renouvelée, afin que
la société puisse assumer les charges de fonctionnement liées à l’évacuation des
parties centrales et au déménagement de France Inter. De surcroît, la dotation de
redevance d’équipement affectée au financement des investissements liés aux
travaux de sécurisation atteint 5,8 millions d’euros en 2006. Elle permet de
financer l’intégralité des coûts d’investissement 2006 associés à ce projet
ambitieux.

– La sauvegarde et la mise en valeur de notre patrimoine audiovisuel par l’Institut
national de l’Audiovisuel constituent un chantier d’ampleur que j’ai souhaité
inscrire dans le long terme. Il y va de la mémoire audiovisuelle. La poursuite de
l’accélération du « plan de sauvegarde et de numérisation » qui permettra de
numériser à l’horizon 2015 l’intégralité des fonds audiovisuels en fonction de leur
état de dégradation, est l’une des priorités du budget de l’audiovisuel public pour
2006, justifiant une dotation en progression de 4,1 % avec une hausse de
3 millions d’euros HT.

Cet objectif prioritaire constitue l’ossature du contrat d’objectifs et de moyens de
l’Institut, qui détermine précisément les moyens mis à la disposition de l’INA sur
la période 2005-2009, afin d’assurer la sauvegarde la plus complète des fonds
audiovisuels et radiophoniques menacés. Les autres objectifs prioritaires
concernent la mise à disposition du public et l’exploitation commerciale des fonds,
ainsi que l'extension, puis la stabilisation, du périmètre du dépôt légal.

– Radio France Internationale devra consolider sa place de média de référence.

Dans l’attente de la signature du premier contrat d’objectifs et de moyens entre
RFI et l’État, ce projet de budget lui permet de poursuivre la numérisation de sa
production, engagée depuis 2003. RFI s’attachera également à développer ses
sites Internet.

Enfin, les négociations du contrat d’objectifs et de moyens seront pour RFI
l’occasion de faire aboutir sa réflexion sur ses priorités géographiques, son
audience et sa politique des langues étrangères.

Dans cette perspective, la redevance affectée à RFI en 2006 progresse de 4 %
par rapport à la LFI pour 2005, pour s’établir à 55,86 millions d’euros. La dotation
du ministère des affaires étrangères demeure stable à 72,13 millions d’euros, ce
qui porte le total des ressources publiques à 128 millions d’euros.

Je souhaite tout particulièrement que le renforcement des moyens de France
Télévisions et des autres sociétés de l’audiovisuel public leur permette de
favoriser l’emploi des professionnels de l’audiovisuel. Cela implique de poursuivre
et d’amplifier le mouvement de relocalisation des tournages en France et
d’améliorer les conditions d’emploi des artistes et techniciens du spectacle. Vous
le savez le Gouvernement procède, par ailleurs, en concertation avec les
partenaires sociaux, à une restructuration du champ conventionnel du spectacle
autour de huit conventions collectives.

Enfin, les crédits d’impôt pour l’audiovisuel et le cinéma que vous avez adoptés
pour 2004 et 2005 ont permis de créer ou de préserver plus de 3000 emplois
dans le secteur de la production cinématographique et audiovisuelle.

La France entre de plain-pied dans la télévision numérique pour tous. Troisquarts
des Français ne recevaient jusqu’à présent que six chaînes gratuites. Six
mois à peine après son lancement, la TNT permet désormais à un Français sur
deux de recevoir seize chaînes gratuites et bientôt dix-huit. Les ventes des
adaptateurs numériques se poursuivent à un rythme rapide. 800 000 adaptateurs
ont été vendus entre mars et novembre et le cap du million sera dépassé d’ici la
fin de l’année.

L’arrivée des chaînes payantes donnera une assise supplémentaire à la TNT et
contribuera aussi à son succès. L’enjeu est considérable, et il ne vous a pas
échappé : la richesse et la diversité des programmes des chaînes de la TNT
modifient en profondeur l’offre et la manière de regarder la télévision pour un très
large public.

C’est pourquoi la priorité est maintenant de généraliser l’accès à la télévision
numérique gratuite pour tous.

Le 16 octobre dernier, à l’occasion de la mise en service de 15 nouveaux
émetteurs pour la TNT, le Premier ministre a demandé d’accélérer le déploiement
de la TNT pour que 85% des Français puissent y avoir accès dès le printemps
2007.

Il a annoncé une série de mesures permettant de répondre à cet objectif.

Afin de régler les questions spécifiques aux zones frontalières, mon collègue
chargé de l’industrie a été chargé d’engager des discussions avec nos voisins sur
les fréquences utilisables ; le Gouvernement a décidé la mise en place d’un
« fonds d’accompagnement du numérique » doté de 15 millions d’euros en 2006.

Ce fonds permettra l’extinction de l’analogique, nécessaire dans les zones
frontalières pour lancer la TNT.

Mais il faut encore aller plus loin, pour les 15 % de la population non couverte par
la TNT. C’est pourquoi le Premier ministre a appelé les acteurs de la télévision
numérique à se rassembler pour que l’ensemble des Français puisse recevoir les
18 chaînes gratuites de la TNT.

A terme, et pour l’Outre-mer, je demande à France Télévisions d’étudier pour
RFO la pertinence d’une diffusion de ce type.

Sur le plan technique, la solution de l’offre de satellite gratuite permet la
disponibilité immédiate la plus large des services de télévision numérique. Je
souhaite que l’ensemble des chaînes de service public financées par la
redevance, c’est à dire France 2, France 3, France 4, France 5 et Arte, puissent
mettre en place cette diffusion satellitaire au plus tard à l’été 2006.
Le service public, au service de l’ensemble de nos concitoyens, bénéficiera ainsi
de ce budget, conforté par la réforme de la redevance, les contrats d’objectifs et
de moyens, l’essor de la TNT et des nouveaux services.

C’est particulièrement important, à l’heure où le monde de l’audiovisuel connaît
des bouleversements technologiques majeurs, avec notamment l’arrivée de
nouveaux acteurs, comme les opérateurs de télécommunications, et la mise en
place de nouveaux modes de transmissions des signaux. Ces mutations ne
doivent pas être subies, mais anticipées, au service du développement de la
création et de sa diversité. Sur le plan national et européen, je souhaite que le
cadre législatif et réglementaire nous permette de nous adapter et d’organiser les
nouveaux services en tenant compte de ces objectifs. C’est dans cet esprit que je
vous proposerai de modifier la loi relative à la liberté de communication, afin de
l’adapter au développement des modes de télévision du futur, la haute définition
et la télévision mobile.

Telles sont les priorités de la politique audiovisuelle publique que traduit ce
budget. Je vous propose également d’adopter, dans le cadre de la mission
« médias », un budget offensif et persévérant pour soutenir la presse écrite, pilier
vivant de notre démocratie, dans « la continuité de l’effort » soulignée par le
Rapporteur pour avis. C’est cette continuité qui apporte une réponse à la question
que vous posez dans votre rapport écrit, Monsieur le Rapporteur spécial :
« comment aider la presse ? »

Vous parlez de « crise grave ». Je suis prêt à vous suivre, mais en revenant au
sens étymologique du mot « crise », celui d’un moment décisif, je dirai que la
presse écrite en France est aujourd’hui à la croisée des chemins.

Comme le
disait Gramsci, « la crise naît lorsque l’ancien meurt et que le nouveau n’est pas
encore né ». [c’est pourquoi, ajoutait-il, « il faut marier le pessimisme de
l’intelligence et l’optimisme de la volonté ». Et j’ajouterai, de l’action.]

Oui, la
presse doit se régénérer pour assurer son avenir et faire face à l’émergence de
nouvelles habitudes de consommation, à l’essor toujours accéléré des nouvelles
technologies, au développement d’une culture de la gratuité, et à l’ensemble des
évolutions structurelles qui bousculent les repères anciens. La presse française
dispose d’un capital humain précieux : ses journalistes, qui sont les meilleurs
garants de son indépendance et de la libre circulation des idées.

Je suis sur l’ensemble de ces sujets très attaché au rôle régulateur que doit jouer
l’Etat.

L’année dernière, je vous ai convaincus d’adopter pour la presse un budget
exceptionnel par son ampleur, en progression (à périmètre constant) de près de
30 % par rapport à l’exercice précédent, tandis que les seules aides directes à la
presse faisaient plus que doubler.

Vous écrivez dans votre rapport que le projet de budget que je vous présente
pour 2006 « stabilise » l’effort sans précédent consenti en 2005. Je dirai qu’il
le consolide à la hausse : il atteint en effet un montant total de 280 millions
d’euros, soit 2 millions de plus que cette année.

Cette constance dans le soutien à la presse écrite marque la cohérence de
l’action du Gouvernement en même temps que notre volonté de préparer
efficacement l’avenir.

Ce projet de budget traduit en effet les trois priorités de notre politique en faveur
de la presse dont l’objectif est clair : contribuer à la diffusion la plus large de la
presse écrite ; soutenir la modernisation du secteur ; respecter les engagements
de l’État, avec le souci de la plus grande efficacité ; enfin, favoriser le développement à long terme du lectorat, en menant une action spécifique en
direction des jeunes lecteurs. L’objectif est clair : contribuer à la diffusion la plus
large de la presse écrite française.

Plus de 60 millions d’euros seront mobilisés en 2006 pour accompagner la
modernisation du secteur, afin de soutenir les initiatives dites structurantes ou
innovantes.

31 millions d’euros seront consacrés à l’accompagnement de la modernisation
sociale de la fabrication de la presse quotidienne, qu’elle soit nationale, régionale
ou départementale. Ce dossier a connu d’importantes avancées au cours de
l’année, au rythme du dialogue social. Pour la presse quotidienne nationale, les
accords du 30 novembre 2004 ont été complétés, afin de préciser les contours
du processus de modernisation sociale. Une fois le cap déterminé, le cadre
juridique nécessaire à la mise en oeuvre du soutien de l’État a pu être posé. Le
décret du 2 septembre 2005 détermine les caractéristiques du dispositif
spécifique de cessation d’activité mis en place pour les salariés de la presse
parisienne. La convention cadre précisant les conditions d’âge des personnels
éligibles, formalisant l’engagement de non-embauche des entreprises et
déterminant la clé de répartition du dispositif entre l’État et la branche a été
signée le 30 septembre 2005. Les premières conventions entre l’État et chacune
des entreprises du secteur seront signées dans les tout prochains jours.

Les choses avancent aussi, pour la presse quotidienne en régions. Les
négociations entre les syndicats professionnels et les organisations
représentatives de salariés devraient aboutir dans les prochains jours et le
décret étendant à la presse en régions le dispositif de modernisation sociale est
en cours de finalisation et pourra être pris avant la fin de l’année. Une fois cette
étape franchie, le dispositif de soutien public, calqué sur le modèle défini pour la
presse parisienne, pourra être rapidement mis en oeuvre.

L’effort en faveur de la modernisation du réseau des diffuseurs sera renforcé,
afin de prendre en compte notamment les besoins liés à l’informatisation des
points de ventes ; les crédits correspondants seront portés à 4 millions d’euros,
soit près de 15 % de plus qu’en 2005.

Les crédits du fonds d'aide à la modernisation de la presse, destinés aux projets
de modernisation des entreprises augmentent, dans ce projet de budget, de près
de 20 %, pour atteindre 23 millions d’euros. La budgétisation du compte
d’affectation spéciale, que vous aviez souhaitée, améliore la lisibilité chère à
votre commission des finances.

Enfin, de nouvelles mesures, et c’est tout à fait essentiel, sont destinées à
améliorer l’autonomie financière et la capacité d’investir des entreprises de
presse, afin de remédier au défaut de fonds propres qui les caractérise.
La création d’un fonds de garantie dédié aux entreprises de presse au sein de
l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC)
facilitera leur accès aux prêts bancaires nécessaires au financement de leurs
investissements. Il sera mis en oeuvre d’ici au 1er janvier 2006.

Tout en mettant l’accent sur des actions innovantes et structurantes, destinées à
préparer et garantir l’avenir de la presse, l’État entend honorer l’ensemble des
engagements pris auprès de ses partenaires ou à l’égard de ses objectifs
essentiels que sont la défense du pluralisme et le soutien à la diffusion.
Ainsi la dotation prévue pour les abonnements de l’État à l’Agence France-
Presse, soit 107,8 millions d’euros, est conforme à la norme de progression de
2 % par an fixée dans le contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’Agence.

L’aide au transport postal de la presse d’information politique et générale, dotée
de 71,5 millions d’euros, évolue aussi conformément aux engagements pris dans
le cadre de l’accord signé le 22 juillet 2004 entre l’État, la presse et La Poste.

L’aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d’information politique
et générale, créée en 2002, est maintenue. Il est indispensable, pour préserver
l’équilibre du système coopératif de distribution de la presse, que les efforts
engagés par les Nouvelles messageries de la presse parisienne afin de réduire
le surcoût lié à la distribution des quotidiens soient poursuivis. Comme les
années précédentes, l’aide publique permettra aux quotidiens bénéficiaires de
contribuer à financer la modernisation du circuit de distribution et à réduire le
déficit supporté à ce titre par les NMPP. Les bons résultats récemment dégagés
par la société de messageries permettent cependant de redimensionner cette
aide, qui s’élèvera à 8 millions d’euros en 2006.

L’engagement traditionnel de l’État en faveur du pluralisme est poursuivi et
renforcé. Ainsi, l’aide aux quotidiens nationaux d'information politique et générale
à faibles ressources publicitaires, qui est au coeur de notre action, verra sa
dotation progresser de 7,5 %, pour atteindre un montant total de plus de 7
millions d’euros.

Les aides à la diffusion sont globalement stabilisées, qu’il s’agisse de l’aide au
transport de la presse par la SNCF, de l’aide à la distribution et à la promotion de
la presse française à l’étranger, de l’aide à la presse hebdomadaire régionale ou
encore de l’aide au portage.

Enfin, l’effort spécifique en direction des jeunes lecteurs, amorcé en 2005, sera
prolongé et amplifié en 2006.

C’est une priorité stratégique et un enjeu démocratique et éducatif majeur. Des
études récentes montrent que les habitudes de lecture s’acquièrent et se fixent
avant l’âge de 18 ans : les jeunes lecteurs que la presse conquiert aujourd’hui
forment le vivier de lectorat de demain.

Une première série de projets innovants a été mise en route dans le cadre de
l’enveloppe de 3,5 millions débloquée cette année au titre du fonds d'aide à la
modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et
générale. et je m’en félicite.

Il est essentiel que ces premières expériences soient menées à leur terme et
évaluées avec soin, pour éventuellement être généralisées par la suite, et que
d’autres actions du même type soient encouragées. Je suis à l’écoute des projets des professionnels, et aussi, bien sûr, des idées des élus dans ce
domaine, où l’effort des pouvoirs publics sera renouvelé et amplifié en 2006,
avec une enveloppe de 4 millions d’euros, en progression de près de 15 %.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, ce projet de budget
en faveur de la presse est offensif, parce qu’il investit sur l’avenir et la
modernisation du secteur, et persévérant, parce que l’État se donne les moyens
de garantir la cohérence de son action, de respecter ses engagements, et de
maintenir le cap d’une politique dédiée à la défense du pluralisme, de l’ouverture,
de la diversité si essentielle à notre vie démocratique.

Je veux terminer cette présentation du budget 2006 pour la communication par la
chaîne d’information internationale. Cette chaîne sera dotée de 65 millions
d’euros pour 2006. Je l’ai répété à maintes reprises, il s’agit là d’une nécessité
stratégique. Il y va de notre vision du monde et de l’influence de nos idées. C’est
la raison pour laquelle cette chaîne devra être très vite diffusée en anglais, en
arabe, puis en espagnol. Financée par l’argent public, il est légitime, comme
beaucoup d’entre vous l’ont souligné, ainsi que le Président de France-
Télévisions, qu’elle soit diffusée en France et qu’elle participe à ce titre au
pluralisme de l’information. Pour cet enjeu national et international majeur, il fallait
rassembler les talents, les expériences et les énergies, unir des sociétés dont le
rôle est fondamental en matière d’information. Je vous confirme donc que, dans
les tout prochains jours, la société réunissant à parité France Télévisions et TF1
va être constituée, et que le contrat de subvention entre l’Etat et la chaîne va être
signé. Cette chaîne pourra donc démarrer avant la fin de l’année 2006.

Cette
chaîne n’est pas une mosaïque : c’est une société indépendante dotée d’une
rédaction autonome. France Télévisions y jouera nécessairement un rôle moteur
et au-delà de France Télévisions, les autres entreprises concourrant au
rayonnement audiovisuel de la France, que sont notamment RFI et l’AFP, par des
conventions de partenariats ou d’association. France Télévisions est un élément
moteur, je le répète, de ce dispositif. En soi, et par ses participations dans TV5,
CFI, Arte et Euronews, France Télévisions constitue un élément central de
l’audiovisuel extérieur. Je donne d’ailleurs mon accord sans réserve pour le
regroupement des participations de France Télévisions dans l’audiovisuel
extérieur au sein d’une holding qui sera aussi l’illustration d’une rationalisation
légitimement souhaitée de l’audiovisuel extérieur. Je veux sur ce point rassurer
pleinement Emmanuel Hamelin qui a beaucoup contribué à la réflexion sur ce
sujet.

Cette chaîne est un élément-clé de la diversité culturelle.

Et, pour conclure, je veux souligner que l’ensemble de notre action sur le plan
international va dans ce sens, avec l’adoption de la convention sur la diversité
culturelle par la conférence générale de l’Unesco le 20 octobre dernier, et
l’échange fructueux que nous avons avec la Commission européenne, à propos
de la révision de la directive télévision sans frontières.

Ce sont des acquis essentiels pour l’avenir.

Je vous remercie.

Inauguration de la maquette de la Bibliothèque nationale de Lettonie – Visite officielle de Madame Vaira Vike-Freiberga, Présidente de la République de Lettonie – Bibliothèque nationale de France

7 novembre 2005

Madame la Présidente de la République de Lettonie ,

Madame la Ministre de la culture de Lettonie,

Monsieur le Président, Cher Jean-Noël Jeanneney,

Monsieur le Directeur de la Bibliothèque Nationale de Lettonie,

Monsieur l'Ambassadeur de Lettonie en France

Monsieur l'Ambassadeur de France en Lettonie,

Mesdames, Messieurs, Chers Amis,

Je suis très heureux et très fier, Madame la Présidente, de vous accueillir ici, dans ce
magnifique bâtiment de Dominique Perrault, dans ce haut lieu de culture et d'ouverture au
monde, à l'occasion de l'inauguration de la maquette de la Bibliothèque nationale de
Lettonie.

Votre visite officielle, Madame, nous permet en effet de découvrir ce nouveau et très beau
projet emblématique de l'essor et du rayonnement de votre pays et de votre culture. La
naissance d'une bibliothèque nationale n'est pas seulement celle d'une institution. C'est
toujours un moment fort de l'histoire, du destin, de l'expérience et des savoirs qu'un peuple
partage et propose au monde. Le pays " d'ambre et de fer ", cet étonnant pays qui est le
vôtre, et que cette saison culturelle nous permet de mieux connaître, a au moins 12 000 ans
d'histoire.

C'est un pays de grande culture européenne, un pays qui, dès que son peuple a
voulu forger son destin commun pour bâtir une nation, a toujours pu compter sur la France et
sur son appui, aux heures décisives de son histoire. Et je suis particulièrement heureux
qu'aujourd'hui, la culture puisse jouer un rôle aussi important dans le renforcement de nos
relations, dans le prolongement d'une longue histoire d'échanges, de dialogues et de liens
culturels entre Paris et Riga, qui fut appelé " le Paris du Nord ", mais aussi entre nos
créateurs, entre nos responsables politiques et institutionnels, entre nos universités, nos
chercheurs, nos sociétés civiles, nos entreprises, nos peuples.

Nous sommes particulièrement heureux de vous accueillir, un peu plus d'un an après l'entrée
de la Lettonie dans l'Union européenne. Quelques semaines auparavant, vous étiez déjà
venue à Paris. Par votre connaissance de notre pays et votre maîtrise de notre langue, qui
honorent les Français, vous témoignez personnellement de l'amitié, de la proximité culturelle,
de la vitalité et de la force des liens et des projets qui unissent, dans tous les domaines, la
Lettonie et la France. Et le festival " Etonnante Lettonie ", qui se déroule à Paris et dans 14
villes françaises du 2 novembre au 10 décembre, nous invite à nous laisser surprendre, à
voir, à écouter, non seulement les pierres qui s'animent et parlent en nous éclairant à la nuit
tombante, que j'aurai le plaisir de découvrir ce soir en vous accompagnant place du Palais
Royal, mais aussi, dans tous les domaines, la richesse et la diversité des expressions et des
créations de la culture lettone.

Cette richesse est exemplaire à la fois du rôle de la diversité culturelle dans le monde
d'aujourd'hui et du rôle de la culture dans la construction européenne. Nous partageons avec
la Lettonie une communauté de vues sur la place de la culture en Europe et sur la défense
de la diversité culturelle dans le monde.

Que la Lettonie soit chaleureusement remerciée pour son engagement en faveur de
l'adoption, par la Conférence générale de l'Unesco du 20 octobre dernier, de la convention
sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, qui marque une
première historique dans les relations internationales. La prochaine étape sera la mise en
oeuvre de la Convention, avec le lancement des processus de ratification, en particulier dans
les Etats membres de l'Union européenne. Permettez-moi de ne pas douter que la Lettonie,
comme la France, fasse en sorte d'aboutir à une telle ratification dans les meilleurs délais.

Ce processus donnera l'occasion à nos deux pays de se concerter sur la promotion des
objectifs de la Convention dans les autres enceintes internationales et sur le renforcement
de la coopération internationale dans ce domaine.

Madame la Présidente, Madame la Ministre, Mesdames, Messieurs, " l'Etonnante Lettonie "
sait donner à ses pierres, à son architecture, à sa culture, à ses nouvelles technologies, les
arguments pour nous séduire et nous convaincre. Et je suis très fier, en tant que Ministre en
charge de l'architecture d'un pays où, comme chez vous, elle fait partie intégrante de la
culture, de découvrir le magnifique projet de l'architecte letton de renommée mondiale
Gunnar Birkerts, dont le dessin et les choix esthétiques évoquent déjà un véritable "château
de lumière". En présence de Monsieur Andris Vilks, Directeur de la Bibliothèque nationale de
Lettonie, que je salue, je tiens à souligner combien les enjeux d'un tel programme sont à la
fois culturels, liés au savoir, à sa diffusion et sa conservation, mais aussi politiques,
symboliques, éducatifs, architecturaux, urbains, et liés au développement durable.

Une bibliothèque nationale, c'est en effet " le carrefour de tous les rêves de l'humanité ",
selon la belle expression de Julien Green, et le lieu, à vocation encyclopédique, où l'on vient
chercher " tous les savoirs du monde " selon le titre de l'exposition inaugurale présentée
dans cet établissement à l'occasion de son ouverture au public, il y a neuf ans.

La Bibliothèque nationale de Lettonie, résolument tournée vers l'avenir, répond à cette
ambition pour notre temps, de mobiliser les techniques et les systèmes d'information les plus
modernes pour proposer non seulement l'accès aux savoirs mais aussi, un nouveau partage,
de nouveaux échanges, de nouvelles découvertes. En cela, votre projet s'inscrit pleinement
dans la perspective de la " bibliothèque numérique européenne " qui vise à mettre à
disposition notre patrimoine culturel et scientifique sur les réseaux informatiques mondiaux.

En quelque sorte, c'est une bibliothèque où les livres parleraient.
Le Président Jacques Chirac et cinq autres chefs d'Etats ou de gouvernements d'Allemagne,
d'Espagne, de Hongrie, d'Italie et de Pologne ont présenté ensemble au Président de la
Commission européenne cette initiative exemplaire de l'Europe des projets, de l'Europe
concrète à laquelle aspirent nos concitoyens. Le Président Barroso y ayant répondu
favorablement, notamment lors des Rencontres européennes pour la culture, que j'ai eu le
plaisir d'accueillir à Paris les 2 et 3 mai et qui se prolongeront prochainement à Budapest, ce
projet a été inscrit à l'ordre du jour du Conseil des ministres de la Culture et de l'Audiovisuel
du 14 novembre 2005.

La France souhaite que tous les pays intéressés puissent s'y associer. Devant vous,
Madame la Présidente, qui maîtrisez parfaitement tant de langues, je tiens à dire que son
caractère multilingue est une dimension essentielle de ce projet, représentatif de la diversité
linguistique et culturelle de l'Europe.

La France serait honorée que la Lettonie rejoigne le groupe des Etats membres initiateurs de
ce projet qui est un projet ouvert. La participation de la Lettonie au groupe de travail
européen que nous allons constituer d'ici quelques semaines à des fins opérationnelles
offrirait un nouveau témoignage concret du renforcement de notre coopération.

Je tiens enfin à vous redire, Madame la Présidente de la République, combien je suis
sensible à l'honneur que vous nous faites d'être présente à Paris. Permettez-moi d'associer
à cet hommage ma collègue Helena Demakova, Ministre de la culture de Lettonie, et de
remercier devant vous, tous les acteurs et tous les partenaires qui ont fédéré les
enthousiasmes et les énergies de la saison " Etonnante Lettonie ". Je tiens à citer
particulièrement Madame Vita Timermane-Moora, commissaire du Festival, sa marraine,
Dominique Blanc, et son parrain, Imants Lancmanis ; mais aussi, Monsieur l'Ambassadeur
Rolands Lappuke et Monsieur l'Ambassadeur Michel Foucher pour leur engagement, ainsi
qu'Olivier Poivre d'Arvor et toutes ses équipes de l'Association française d'action artistique.

Vive la Lettonie ! Vive l'amitié franco-lettone !

Je vous remercie.

Inauguration de la médiathèque de la Cité de la musique

26 octobre 2005

Cher Christian de Portzamparc,

Monsieur le Président, Cher Jean-Philippe Billarant,

Monsieur le Directeur général, Cher Laurent Bayle,

Madame la Directrice de la pédagogie et de la médiathèque, Chère
Marie-Hélène Serra,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Dix ans, déjà ? Dix ans, seulement ?

Oui, il y a dix ans que la Cité de la Musique a fait irruption au sein de
notre vie musicale, même s’il nous semble aujourd’hui qu’elle y fut de
tout temps présente.

Ici, l’Etat s’est investi avec détermination et a investi dans ce grand
équipement pour réaménager et rééquilibrer le développement de l’Est
de Paris. Un développement fondé sur le rayonnement culturel.

Le succès indéniable de la Cité a commencé par la réussite, par
l’originalité de votre geste architectural, cher Christian de Portzamparc.

Vous êtes l’un de nos plus grands architectes. Vous avez été honoré du
prix Pritzker, l’équivalent du prix Nobel en architecture, que vous êtes le
seul Français à avoir reçu à ce jour, en 1994, pour cet ensemble
consacré à la musique. Vous êtes à la fois lauréat du Grand prix
national d’architecture en 1992, et du Grand prix d’urbanisme, en 2004,
qui vous a été remis ici même le 20 décembre dernier, par mon
collègue Gilles de Robien. Vous nous aidez à repenser la ville, avec les
îlots ouverts que vous avez inventés et qui essaiment dans le monde
entier. Je suis heureux de rappeler, au cours de cette saison brésilienne
en France, que vous allez construire à Rio une nouvelle Cité de la
musique.

Votre architecture est lumineuse, musicale, sensuelle. Le projet de la
Cité s’est nourri de sa force et de son ambition, en créant à l’orée du
Parc de la Villette les meilleures conditions d’une rencontre fructueuse
entre des lieux de spectacles, d’enseignement, d’art et de culture. C’est
véritablement une nouvelle approche de la vie musicale qui a débuté ici,
marquée par l’impulsion et l’empreinte décisives de Pierre Boulez et de
l’Ensemble intercontemporain.

Encore fallait-il la mener à maturité, ce que vous avez indéniablement
réussi. Je tiens à saluer le travail formidable accompli à la tête de la
Cité de la musique, dans un premier temps par Brigitte Marger, et
aujourd’hui par Laurent Bayle, pour donner à ce lieu le rayonnement
qui est le sien, avec le constant et double souci d’une forte exigence
artistique, culturelle, et d’une grande ouverture aux publics et à la
diversité musicale.

La Cité de la musique est devenue un point de repère de la vie
musicale de notre pays, un lieu d’échanges entre les répertoires
savants et les musiques populaires, entre le patrimoine et la création,
un lieu où les artistes entreprennent des démarches singulières et
nouvelles, et où le public découvre et met en perspective des
propositions fortes et originales.

La saison en cours exprime parfaitement l’esprit et la lettre de cette
démarche. Ouverte par les Arts Florissants de William Christie, elle
nous entraîne dans le « domaine privé » de John Lennon, mais aussi
au coeur des années cinquante de John Cage et Pierre Boulez ; elle
revisite le modèle classique, s’attarde sur la musique de film comme
sur de fructueux métissages, sans oublier quelques détours par le
monde entier et ses musiques, celles du Japon par exemple.

Le Musée de la Musique, quant à lui, n’a pas failli à sa vocation,
dédiée tant au patrimoine qu’à la recherche. Il offre un exemple unique
au monde par la richesse de ses collections et la portée de ses
travaux prospectifs.

L’inauguration de la Médiathèque vient encore renforcer l’ambition du
projet de la Cité de la Musique, dont une des lignes de force les plus
novatrices a résidé dès l’origine, aux côtés des activités de diffusion,
dans une action de pédagogie et d’information à destination d’un vaste
public, de spécialistes comme de non-spécialistes, de musiciens
professionnels comme d’amateurs, de toutes les esthétiques et de
toutes les générations.

Vous savez combien je suis attaché aux conditions de la rencontre
entre publics et musiques, au développement des pratiques, et à la
qualité de l’enseignement musical comme à son adaptation aux
besoins de la population.

J’ai eu l’occasion de développer ces priorités de mon action en faveur
de la musique lors de la conférence de presse que j’ai tenue à
Strasbourg sur ce sujet, il y a un mois.

Je suis heureux de les réaffirmer ici, de souligner la place que tient la
Cité de la Musique dans ce dispositif, et le rôle que la Médiathèque est
appelée à y jouer.

Il me semble particulièrement emblématique que la Médiathèque soit
précisément située au sein de cette poutre maîtresse, qui est un pont,
une galerie, un passage, symbolique du splendide élan architectural
de ce lieu.

Je tiens à vous féliciter, cher Laurent Bayle. Dès votre arrivée en 2002
à la tête de la Cité de la Musique, vous avez lancé le projet de la
Médiathèque. Et bravo à Marie-Hélène Serra, qui a structuré et
organisé ses missions, pour en faire un axe porteur, de cette Cité
vouée à la musique.

La Médiathèque réunit les trois centres de documentation qui
existaient au sein de la Cité depuis son ouverture en 1995 : la
bibliothèque musicale qui traite de toutes les disciplines de la
musique ; le service d’informations musicales consacré aux métiers et
à la pratique ; le centre de documentation du Musée de la Musique
principalement dédié aux instruments.

Riche du travail considérable des équipes qui, depuis dix ans,
animaient ces trois centres, la Médiathèque offre ainsi un lieu sans
équivalent.

Elle dispose d’un fonds absolument exceptionnel de livres et de revues
couvrant l’organologie, la facture instrumentale, l’acoustique musicale,
l’ethnomusicologie, mais aussi la sociologie, le droit et l’économie
dans le champ musical.

Elle regroupe aussi, et cela me tient particulièrement à coeur, tout ce
qui concerne la pédagogie musicale. Elle offre donc un outil
inestimable dont j’invite tous les enseignants, tous les étudiants, et
tous les artistes, à se servir. Où trouver, ailleurs, plus de 1.000
méthodes instrumentales et près de 1.000 livres sur l’enseignement
musical, auxquels s’ajoutent quelque 200 video-cassettes nous livrant
l’enseignement de très grands maîtres ?

Et une grande partie de cette somme de ressources éducatives sera
bientôt également accessible à distance grâce à l’Internet. La
médiathèque sera un lieu de rayonnement de l’éducation artistique et
culturelle, qui est désormais une priorité de mon ministère et de celui
de l’éducation nationale, comme je l’ai montré, la semaine dernière, à
l’école du Louvre, en installant, aux côtés de mon collègue Gilles de
Robien, le Haut Conseil à l’éducation artistique et culturelle.

La Médiathèque sera en mesure de répondre aux besoins d’orientation
des musiciens amateurs, des musiciens professionnels, et de tous
ceux qui veulent s’informer, s’instruire, chercher, et trouver ici des
réponses à leurs questions.

Les démonstrations que nous avons vues témoignent d’une grande
maîtrise de l’outil technologique, qui permettra de visualiser, à
distance, des concerts donnés à la Cité, des partitions, des
documents. Les trésors rassemblés ici n’y resteront pas confinés. Ils
seront à terme disponibles dans les régions, et au-delà de nos
frontières.

Je souhaite en effet que la France joue un rôle dynamique dans le
domaine de l’ingénierie culturelle, pour faciliter les mises en réseau au
niveau européen, pour favoriser le rayonnement universel de nos
créations et de nos productions. Cela me paraît essentiel, dans un
monde, dont la musique permet de surmonter les cloisonnements, les fractures, les frontières, pour créer des liens sociaux, culturels et
humains, tout en contribuant à l’épanouissement de chacun.

C’est en ce sens que ce lieu mérite son si beau nom de Cité de la
musique. Dix ans seulement après sa naissance, avec cette nouvelle
réalisation résolument tournée vers l’avenir, la Cité confirme toute la
valeur et la pertinence de son rôle fédérateur au sein de notre vie
musicale avec, bientôt, la nouvelle extension de son action et de son
public, permise par la réouverture de la salle Pleyel ; et aussi, peutêtre,
comme j’ai cru comprendre que certains le souhaitent ardemment
– car rien ne m’échappe ! – une relation privilégiée avec un nouvel et
grand équipement, tant attendu par les mélomanes, récemment
annoncé par le Premier Ministre.

Oui, ici, la musique est vraiment au coeur de la Cité.

Je vous remercie.

Inauguration des vitraux de l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul De Villenauxe-la-Grande, dans l’Aube

25 octobre 2005

Monsieur le Maire de Villenauxe-la-Grande,

Monsieur le Président du Conseil général de l’Aube, Monsieur le
Sénateur,

Monsieur le Président du Conseil régional de Champagne-Ardenne,

Monsieur le Président directeur général de Gaz de France, Cher Jean
François,

Monsieur le Préfet,

Monseigneur,

Cher David Tremlett,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis très heureux d’inaugurer avec vous, dans l’église Saint-Pierre et
Saint-Paul de Villenauxe-la-Grande, la création de David Tremlett avec
l’atelier Simon-Marq. C’est un projet d’une envergure exceptionnelle,
dont vous pouvez être légitimement fiers. C’est un projet de dimension
nationale et européenne. C’est l’aboutissement de trois années d’un
travail remarquable, et du plus important chantier de création de vitraux
en France depuis près de 20 ans.

Les vitraux de votre église du XIIIe siècle, soufflées par une explosion
au cours de la deuxième guerre mondiale, ont été remplacés par des
verres simples en 1957.

C’est la donation d’un paroissien de Villenauxe-la-Grande, Maurice
Bouley, aujourd’hui décédé, qui a permis à la municipalité de lancer ce
projet, dont la réalisation est le fruit d’un partenariat exemplaire. Le
conseil régional de Champagne-Ardenne et l’Etat, en l’occurrence le
ministère de la culture et de la communication, dans le cadre du contrat
de plan Etat Région, ont décidé de concentrer leur action sur la
valorisation et la restauration du patrimoine architectural.

Mais je veux également citer l’église et particulièrement le père Grand,
curé de la paroisse et la commission diocésaine d’art sacré, qui ont
voulu donner une ampleur particulière et un message de spiritualité à
ce geste de piété.

Je remercie Gaz de France enfin, sa fondation et sa délégation
régionale, mécène du projet, qui a contribué activement à son plein
succès.

Mais rien dans cette entreprise de longue haleine n’aurait été possible
sans l’association intime, j’ose parler de rencontre artistique, entre
David Tremlett, l’artiste britannique, et Benoît et Stéphanie Marcq, les
maîtres verriers de l’atelier Simon Marcq à Reims. C’est ensemble que
vous avez donné vie et forme à ces 21 baies de couleur et de lumière.
David Tremlett, votre parcours européen vous a conduit aux
réalisations les plus prestigieuses. Vos oeuvres sont présentes dans
les collections privées et les musées les plus réputés, à Londres où
vous vivez, mais aussi à Paris et dans d’autre métropoles. Vous avez
été le lauréat, avec l’atelier Simon Marcq, de ce concours pour lequel
plus de 35 équipes s’étaient présentées.

Votre réflexion sur l’architecture et de la couleur, vous a guidé dans ce
travail unique. Nul doute que la spiritualité profonde de ce lieu de
prière et d’expression de la foi qui est aussi un haut lieu de l’art, vous a
accompagné dans votre choix de la couleur pour les vitraux, très
symbolique : le bleu en hommage au manteau de la vierge et le rouge
en référence au sang du Christ.

Stéphanie et Benoît Marcq, vous êtes les maîtres verriers du projet.
Vous montrez ici à merveille combien l’art du vitrail est une constante
création artistique, qui va bien au-delà d’une simple interprétation de la
pensée de l’artiste.

Votre création, Cher David Tremlett, montre à quel point l’alliance de la
création contemporaine et du patrimoine le plus ancien est féconde.
Vous prenez ainsi la succession de nombreux artistes, dont Maurice
Denis, au début du XXe siècle, qui a lui-même apporté sa symbolique
du renouveau artistique dans cette église, par une création dans
l’abside.

Classée monument historique par l’Etat en 1840, l’église Saint-Pierre
et Saint-Paul, qui a été plusieurs fois détruite et reconstruite au cours
de l’histoire, a récemment fait l’objet d’importantes restaurations. C’est
à la suite de ces restaurations qu’a été envisagée la création
inaugurée aujourd’hui.

Je tiens à rendre hommage aux femmes et aux hommes sans lesquels
cette création n’aurait pu voir le jour. En toute première place
Messieurs les élus, M. Jean-Louis Waibel, maire de Villenauxe,
dépositaire de la confiance de Maurice Bouley, généreux mécène
avant la lettre. M. Philippe Adnot, sénateur et président du conseil
général de l’Aube, M. Jean-Paul Bachy, président du conseil régional
et ses services. Mgr Stenger, évêque de Troyes, M. Georges Poull,
directeur régional des affaires culturelles de Champagne-Ardenne
ainsi que ses services. Enfin, M. Jean-François Cirelli, Président de
Gaz de France.

Vous avez concouru à la réussite de cette opération, qui s’inscrit dans
la priorité de la politique culturelle menée par l’Etat et la région, en
faveur du patrimoine architectural, autour du vitrail, de l’architecture
fortifiée et de la statuaire. Les financements ont été dégagés à la hauteur des ambitions. Plus d’ 1,2 million d’euros ont été rassemblés,
par le Conseil régional de Champagne-Ardenne, par l’Etat et par la
commune de Villenauxe. Le Département de l’Aube a apporté sa
pierre à l’édifice et la générosité du mécénat de Gaz de France a
complété le tour de table des financeurs publics. Votre collaboration et
votre engagement à tous est exemplaire, qui montre l’efficacité des
partenariats au service d’une décentralisation culturelle réussie, fruit
des efforts et de l’engagement de tous.

Je me réjouis que cette réalisation exemplaire fasse école, au sein
même de la si prestigieuse cathédrale de Reims, où un très important
projet de vitrail est en cours de réalisation.

A Villenauxe-la-Grande comme à Reims, ces créations
exceptionnelles vont à la rencontre des publics, fidèles et visiteurs,
leurs véritables destinataires, grâce aux efforts conjugués du ministère
de la culture et de la communication et des collectivités territoriales.

Eduquer à l’art dans ses expressions les plus contemporaines, faire
partager au plus grand nombre son expérience et en communiquer la
valeur singulière pour chacun d’entre nous, tels sont bien nos objectifs
communs, que nous partageons aussi bien avec les artistes, qu’avec
le ministère de l’éducation nationale et les collectivités territoriales,
dans le domaine de l’éducation artistique et culturelle.

Je ne voudrais pas terminer sans un hommage à l’entreprise Gaz de
France, à sa fondation d’entreprise et à sa délégation régionale, toutes
deux très actives dans la réalisation de ce projet.

Depuis plus de 10 ans, la fondation d’entreprise Gaz de France
s’associe, par une convention nationale de mécénat, aux projets de la
Direction de l’architecture et du patrimoine dont elle est un partenaire
privilégié, en particulier pour la protection, la restauration, et la création
des vitraux. Sans le mécénat de la fondation Gaz de France, les
vitraux de la basilique Saint Urbain de Troyes, mais aussi de la Sainte
Chapelle à Paris et des cathédrales de Bourges et de Metz, pour ne
citer que ces quelques exemples emblématiques, n’auraient pu être
restaurés comme ils l’ont été.

La contribution de Gaz de France à la création de Villenauxe est tout à
fait significative. Et je me réjouis que la fondation d’entreprise Gaz de
France Champagne-Ardenne intervienne de manière également
significative dans le projet de création des vitraux de la cathédrale de
Reims.

Le mécénat de Gaz de France est exemplaire de l’apport des
entreprises aux projets culturels, de toutes les entreprises, des plus
grandes comme la vôtre, Monsieur le Président, jusqu’aux plus petites.

C’est ainsi qu’en mettant en oeuvre la loi de 2003 relative au mécénat,
aux associations et aux fondations, un dispositif qui nous place à la
pointe de l’Europe dans ce domaine, nous donnons un nouvel élan au
mécénat culturel.

C’est, je crois, le sens de l’avenir, afin que le service public – conscient
de ses responsabilités et sans aucun désengagement – mais aussi les entreprises participent, dans un effort commun, à la rencontre
renouvelée du patrimoine et de la création contemporaine.

Je vous remercie.

Remise des insignes de Chevalier dans l’ordre des arts et des lettres à Pierre Cheremetieff

25 octobre 2005

Cher Pierre Cheremetieff,

C’est la musique qui nous rassemble aujourd’hui, dans la profondeur de
ses racines et de ses traditions, dans la diversité de ses expressions et
de ses créations, dans la nécessité de son enseignement et de sa
transmission. Et je suis très heureux et très fier de distinguer
aujourd'hui, au nom de la France, le Président de la Société musicale
russe en France, le recteur du Conservatoire Rachmaninov, l’homme
de culture, l’amoureux de la France, le passeur de cultures entre la
Russie et la France, deux grands pays dont vous n’avez cessé de
contribuer à renforcer les liens très forts qui les unissent, fondés sur la
culture, la musique, la littérature et l’art, des liens d’amitié et d’intimité,
que jamais les soubresauts de l’histoire n’ont pu briser.

Permettez-moi d’évoquer les quelques mots touchants, qui m’ont
beaucoup ému, que vous m’avez écrits au début de cette année, après
votre nomination dans l’Ordre des Arts et des Lettres, où vous m’avez
fait comprendre toute l’importance qu’eut pour vos parents l’accueil de
la France, au tout début des années vingt, un sentiment dont ils vous en
ont parlé constamment, durant toute leur vie, et qui prend, me semble-til,
tout son sens aujourd’hui. Car si la France, au-delà de l’exil, est votre
patrie, c’est plus qu’en termes d’adoption, d’accueil et de coeur. C’est
en vertu de cette histoire commune et féconde qui n’a cessé de
rapprocher nos poètes, nos penseurs, nos artistes à travers les siècles,
depuis Louis XIV et Pierre le Grand, Catherine II et Voltaire qui lui légua
sa bibliothèque, Glinka et Berlioz, Debussy et Stravinsky qui
déchiffrèrent ensemble « le Sacre du Printemps », avant la création par
les « Ballets Russes » de Serge Diaghilev en 1913, et celle de la
Société musicale russe en 1857, qui fut à l’origine des Conservatoires
de Moscou et de Saint-Pétersbourg, et qui s’est établie en France en
1921.

C’est en son sein, que fut fondé en 1923 à Paris le Conservatoire
russe, par d’éminents musiciens, anciens professeurs des
conservatoires impériaux de Russie, dont Rachmaninoff, son premier
Président d’honneur, mais aussi Chaliapine, Glazounov et
Gretchaninoff. Ils ont contribué au rayonnement du Conservatoire que
vous présidez aujourd’hui, et dont les plus grands interprètes, comme
Horowitz, Milstein, Piatigorsky, Borovsky, en y donnant des concerts, et
en y faisant naître tant de vocations, ont assuré le rayonnement qui se
poursuit aujourd’hui.

Le Conservatoire, c’est aussi un lieu de rencontres et de convivialité.
Et permettez-moi d’évoquer un souvenir personnel, celui de La
Cantine, aménagée dans les anciennes cuisines de l’hôtel particulier,
face à la Tour Eiffel, entre le Palais de Tokyo et la Fondation Mona
Bismarck, qui est, depuis le début des années vingt, l’un des lieux les
plus authentiques où trouver la meilleure cuisine russe de Paris, servie
sur les nappes en vichy rouge et blanc, mais aussi un lieu où les
musiciens, les élèves du Conservatoire, mêlés à des habitués du
quartier, et à quelques célèbres figures de la communauté russe,
comme il y a encore récemment Peter Ustinov, créent une ambiance à
nulle autre pareille.

Né au Maroc, à Kenitra, vous êtes un descendant direct de l’une des
plus anciennes, des plus nobles, et des plus prestigieuses familles de
Russie, celle des premiers princes de Kiev et de la dynastie des
Ruriks, dont la chronique remonte au IXe siècle.

Vos parents étaient musiciens et vous avez vous-même appris très tôt
le piano, le violon, la guitare et le chant. Vous êtes un grand architecte.

Diplômé de l’Ecole Spéciale d’Architecture de Paris, major de votre
promotion, en 1959, vous avez obtenu dès 1957 le premier prix du
concours international de la biennale d’art moderne de Sao Paulo, en
tant qu’architecte représentant la France. Vous avez réalisé de
nombreux projets, dans le monde entier, d’équipements publics ou
privés, d’hôpitaux, d’hôtels ou d’immeubles d’habitation. En tant que
ministre en charge de l’architecture, je suis heureux de le souligner.

J’ai évoqué votre pratique et votre formation musicales. Depuis que
vous avez pris la présidence de la Société musicale russe en France, il
y a vingt ans, puis que vous êtes devenu, quelques années plus tard,
recteur du Conservatoire Serge Rachmaninoff, vous avez développé
l’enseignement de cette grande école artistique libre, reconnue d’utilité
publique, conformément à la tradition de l’école russe du piano et du
chant, mais aussi d’art dramatique, dans de nombreuses disciplines.

Outre la musique et les instruments, c’est aussi l’histoire de la
musique, la danse, la langue russe, l’éveil musical pour les enfants, et
de nombreux concerts, conférences et manifestations culturelles, qui
continuent à assurer, sous votre présidence, le rayonnement et la
réputation du Conservatoire. Ce lieu pédagogique et artistique est
aussi une maison qui a une âme, et où est rassemblée une
remarquable collection d’oeuvres d’art, de portraits, et d’autographes
de musiciens, ainsi qu’une importante bibliothèque musicale.

Je sais que vous avez des projets pour le conservatoire, que vous
souhaitez agrandir. Mais vous pensez aussi à l’aménagement de la
demeure d’Ivan Tourguéniev à Bougival.

Vous présidez le Festival pour la promotion du piano d’Enghien-les-
Bains, et vous vous appliquez à développer l’amitié franco-russe dans
tous les domaines des arts et de la culture. Vous vous êtes impliqué
dans la célébration du tricentenaire de Saint-Pétersbourg et dans la
présence de la culture française dans ce pays qui y a toujours été
sensible. Vous avez fondé et vous présidez le centre culturel
Cheremetieff de Tomsk en Sibérie et d’Ivanovo-Voznessensk, sur la
Volga, ville où vous êtes citoyen d’honneur. Vous y êtes aussi recteur de l’Université de l’éducation et de l’image. Avec la Société des
Français Amis de la Russie, dont vous êtes le Vice-Président chargé
de la culture, vous venez de créer un autre centre culturel, dans la ville
emblématique de Yalta, en Crimée. Vous avez fondé en Russie, à
Saint-Pétersbourg, mais aussi à Moscou, à Volvograd, à Nijni-
Novgorod, et dans d’autres villes, les « Chorélies Chemeretieff »,
festivals d’art sacré.

Vous vous engagez dans tous les aspects du développement de la
Russie et des relations franco-russes. Ainsi, vous avez créé, avec les
plus éminents hommes d’affaires de France et de Russie, l’association
Dialogues franco-russes. Et vous êtes chargé des affaires russes au
sein d’un cabinet d’avocats.

Pierre Cheremetieff, au nom de la République, nous vous faisons
chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres.

Remise des insignes de Chevalier dans l’ordre national de la Légion d’honneur à Hugues Dufourt

25 octobre 2005

Cher Hugues Dufourt,

Je suis très heureux et très fier de rendre hommage ici à un grand
compositeur, qui est aussi musicologue et philosophe, puisque votre vie
professionnelle est marquée par votre double formation.

Vous avez en effet suivi un cursus universitaire qui vous a conduit à
l’agrégation de philosophie en 1967. Et vous avez également bénéficié d’une
formation musicale de très haut niveau, au Conservatoire et au Studio de
Musique Contemporaine de Genève, où vous avez été l’élève de Louis
Hiltbrand, qui était l’assistant de Dino Lipatti, où il dispensait un enseignement
de piano de très haut niveau, sur la base du répertoire qui va de Bach à Litszt
et à Bartók, et de Jacques Guillonnet, en écriture et composition.

Double formation, philosophique et musicale. Et double culture musicale, de la
pratique instrumentale et de la composition. Comme vous l’avez déclaré à
Laurent Feneyrou, musicologue, « la culture pianistique est une longue
conquête par la main, par le bras, par les formes d’une pensée qui n’est pas
celle de l’écriture, du moins pas exclusivement . Cette conquête est aussi
acoustique. ( …) Pour un compositeur, il est essentiel – ajoutez-vous – de faire
ses classes instrumentales, d’avoir cette culture instrumentale absolument
vitale, sinon d’être instrumentiste ».

Telle est la voie que vous avez suivie, par votre formation, nourrie aux racines
classiques et romantiques qui, dès avant la musique sérielle, avaient exploré la
question du timbre du piano, avant qu’elle ne se pose à l’orchestre.

Dès 1968, vous avez été responsable de la programmation musicale du
Théâtre de la Cité à Villeurbanne, dirigé par Roger Planchon, avant
d’enseigner la philosophie à l’université Jean Moulin Lyon III jusqu’en 1973 et
de devenir l’un des responsables de l’ensemble L’Itinéraire en 1975.

En votre qualité de compositeur, vous avez créé de nombreuses pièces
musicales que l’on peut regrouper, pour les présenter, en différentes périodes.

La première de ces périodes, marquée par Brisants en 1968, Mura della cita di
Dite en 1969 et Dusk Light en 1970, se fonde sur la tension entre une écriture
héritée du sérialisme et l’emploi des nouveaux registres du matériau
électroacoustique.

De 1972 à 1985, vos oeuvres recherchent la mise au point d’un langage
musical nouveau. Vous vous engagez dans l’exploration et l’exploitation de
nouveaux domaines du son. Je citerai Erewhon, oeuvre composée sur une
période de quatre années, entre 1972 et 1976, en réponse à une commande
du ministère de la culture, créée lors du 14ème festival international de Royan,
le 2 avril 1977.

Anagramme de nowhere (nulle part), votre titre est emprunté au roman de
Samuel Butler, décrivant une civilisation et un monde imaginaires. Votre
propre paysage imaginaire surgit d’une instrumentation qui utilise 150
instruments de percussion provenant de tous les continents, qui fond en un
seul creuset des systèmes de sons de toutes les civilisations. En prenant vos
distances avec tout exotisme, vous puisez à la source du timbre et de la
résonance l’expression d’un nouveau langage universel de la musique.

Même
si vous estimez aujourd’hui, à propos de votre Concerto pour piano par
exemple, joué l’an dernier à Musica à Strasbourg, à l’occasion des Journées
qui vous étaient consacrées, que nous vivons dans une société
« d’incommunicants », toute votre oeuvre est traversée par cette recherche
des rapports entre la création et les relations entre les êtres, les mondes, les
époques, les musiques et les formes, qui irriguent nos sociétés.

Je citerai aussi l’Orage selon Giorgione créé en 1976 et Antiphysis en 1978.

Avec Saturne, en 1979, vous ouvrez un espace-temps à part qui accomplit
ses révolutions au rythme de ses spasmes et de ses vagues magnétiques,
dans une synthèse visionnaire de tous les courants de la création musicale.

En 1985, vous créez avec Surgir une nouvelle alchimie de timbres et de
constellations sonores. En vous appuyant sur l’héritage du sérialisme, sur sa
puissance structurante, votre écriture insiste sur le travail des tensions et des
transitions. La mort de Procris et Hommage à Charles Nègre, en 1986,
confirment l’inflexion de votre recherche vers l’écriture de timbres transposant
aux instruments les nouvelles représentations du son ouvertes par
l’informatique. L’heure des traces (1986) inaugure enfin un ordre de
recherches originales qui se développera dans le cycle des Hivers, composé
de quatre temps, de quatre expériences de l’hiver, qui, dites-vous, traduisent
« ce que je pense de ce siècle de fer, dont j’espère que nous sommes sortis à
tout jamais. »

Cette oeuvre trouve son origine dans la peinture classique, ce qui est rare
dans la sphère de la musique contemporaine. Dans le premier de ces Hivers,
inspiré du Déluge de Poussin, un cataclysme engloutit l’humanité, en
évoquant le génocide. Dans une autre oeuvre, le Cyprès blanc, également
jouée à Strasbourg l’an dernier, vous évoquez l’orphisme, cette religion de la
fin du monde homérique, qui est aussi l’une des premières formes de
conscience historique. Vous dites que « vous trouvez l’optimisme aujourd’hui
absolument illusoire » mais vous ajoutez que vous ne cultivez pas pour autant
le pessimisme, « parce que celui-ci ouvre toujours la porte à la réaction au
conservatisme, à la culture de la noirceur, et finalement à l’abandon de toutes
les valeurs de la création, de l’histoire, de la pensée. »

Parmi vos nombreuses créations, je veux également évoquer un opéra,
Dédale, où vous puisez dans les vieux mythes qui peuplent le Labyrinthe, la
source de débats fondamentaux pour notre époque. Sans doute retrouve-t-on
dans toute votre oeuvre le souci du monde que le philosophe en vous cultive.

En votre qualité de musicologue et de théoricien de la musique, vous avez
été directeur de recherches au C.N.R.S., où vous avez fondé le Centre
d’Information et de Documentation en « Recherche Musicale ». Vous avez
créé la formation doctorale « Musique et Musicologie du XXème siècle » à
l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, avec le concours de l’Ecole
Normale Supérieure et de l’Ircam. Nombre de vos essais ont été réunis dans
Musique, pouvoir, écriture, paru en 1991 aux éditions Christian Bourgois. La
plupart de vos oeuvres musicales sont parues chez Jobert.

Vous êtes aussi peintre. Et vous êtes imprégné, depuis votre plus jeune âge,
d’une culture profonde de la peinture, qu’expliquent sans doute, et votre
pratique, et la fréquentation très précoce de l’atelier de votre oncle et de votre
tante, eux-mêmes peintres, ainsi que de l’Ecole Vénitienne, dite coloriste.

Vous êtes un musicien de la couleur, et plusieurs de vos oeuvres, jouées
dans les salles et les festivals du monde entier, sont inspirées par les plus
grands peintres qui ont marqué l’histoire de l’art. Peinture, musique,
philosophie : c’est une même palette, un même espace, une même « sonorité
intérieure », au sens où l’entendait Kandinsky, qui vous permet de capter la
singularité d’une époque, la nôtre, que seul l’art a le pouvoir d’exprimer et de
partager.

Hugues Dufourt, au nom du Président de la République et en vertu des
pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalier de la Légion
d’honneur.

Remise des insignes d’Officier dans l’ordre national de la Légion d’honneur à Samuel Josefowitz

24 octobre 2005

Cher Samuel Josefowitz,

Cher Paul Josefowitz,

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

Je suis très heureux de vous accueillir aujourd’hui rue de Valois, autour
de Samuel et de Paul Josefowitz, pour rendre l’hommage de la France
à deux hommes exceptionnels, un père et son fils, mais aussi à une
famille hors du commun. Une famille d’entrepreneurs, comme il en
existe aux Etats-Unis et en Europe. Mais surtout, une famille
d’entrepreneurs culturels, ce qui est beaucoup plus rare. Une famille
dont l’engagement au service de l’art, et notamment de l’art français, est
tout à fait unique. Une famille attachée aux valeurs de transmission et
de générosité qui sont au coeur de la culture.

C’est votre engagement culturel qui est au fondement de votre fortune.
Un engagement qui s’exerce d’abord dans le domaine musical, où vous
avez fondé, Cher Samuel Josefowitz, dès 1947, avec votre frère David
Josefowitz, la Concert Hall Society à New York, premier club du disque
phonographique au monde, que vous avez développé dans de
nombreux pays, en produisant et en diffusant la musique classique. En
France, la Guilde internationale du disque, que vous avez créée en
1953, également avec votre frère David, favorisa la connaissance et
l’amour de la musique, en permettant à de nombreux Français
d’acquérir un disque pour la première fois de leur vie. Avec la diffusion
du disque microsillon 33 tours et la conception d’un électrophone de
qualité, vous avez ainsi contribué à ouvrir l’accès d’un très large public
à la culture musicale.

Puis, vous avez créé, dès 1963, une maison d’édition et la Guilde du
Livre, proposant de nombreux clubs de livres dans le monde entier.
Vous avez publié et diffusé de grands écrivains classiques – Balzac,
Zola, Stendhal, ainsi que des pans entiers de la littérature française –
de même que des prix littéraires et des encyclopédies, tout en veillant à
imprimer ces ouvrages sur du papier de qualité pour inciter les lecteurs
à se constituer une bibliothèque. La collection des Grands prix
littéraires, au moyen de la vente par correspondance, les a familiarisés
avec de nombreux auteurs du XXe siècle, tels André Malraux, le
créateur de ce ministère, François Mauriac, D.H. Lawrence, Alberto
Moravia et bien d'autres. Grâce aux abonnements, vous avez diffusé
les oeuvres de Maurice Genevoix, Maurice Druon, Pierre Mac Orlan ou
Georges Simenon, pour n'en citer que quelques-uns. Jusqu’en 1981,
date à laquelle d’autres reprirent cette activité, vos clubs ont fidélisé
environ trente millions de lecteurs dans vingt pays, dont quatre millions
en France.

Ce succès fondé sur la culture, tout en en maintenant le dynamisme,
vous l’avez aussitôt réinvesti, en quelque sorte, dans la culture, en
constituant une collection remarquable à maints égards. Elle
comporte notamment un choix unique de peintures françaises de la
seconde moitié du XIXe siècle, en particulier de Paul Gauguin et de
l’École de Pont-Aven, auxquels vous vous êtes intéressé très tôt, bien
avant leur notoriété actuelle, désormais incontestable ; cette partie de
votre collection est d’ailleurs la plus considérable au monde avec celle
du musée d’Orsay. Le rôle de votre famille en faveur du rayonnement
de l'art français a d'autant plus d'importance que votre collection est
centrée sur des artistes de notre pays et des écoles artistiques
françaises, restés pendant longtemps ignorés du public international.

Outre Paul Gauguin, votre collection comporte des oeuvres
exceptionnelles d'Émile Bernard, de Paul Sérusier ; parmi les Nabis,
Bonnard, Vuillard, Roussel, Maurice Denis, Vallotton, Maillol, et
d'autres membres de leur cercle, il est peu d’ensembles comparables
aux chefs-d'oeuvre qui figurent dans votre collection ; elle comporte
aussi quantité d'oeuvres des Néo-impressionnistes, tels Signac,
Lucien Pissarro, Angrand, Luce, et d’autres artistes comme Degas,
Caillebotte, Toulouse-Lautrec, Redon, Bresdin, parmi tant d’autres
noms illustres. J’ajouterai que, dès les années soixante, vous avez
commencé à rassembler l’une des plus importantes collections de
gravures de maîtres anciens tels Mantegna, Rembrandt, Dürer,
Bellange, Callot, Schongauer.

Cette magnifique collection, vous l’avez généreusement ouverte aux
plus grands musées – et notamment au musée d’Orsay – qui ont pu y
puiser la matière d’expositions novatrices.

Je tiens à vous remercier pour vos prêts d’oeuvres, généreusement
consentis, mais également pour avoir mis à disposition des
chercheurs un fonds documentaire très conséquent, qui a favorisé la
réalisation de nombreuses publications, tant en France qu'à
l’étranger.

Il n'y a pratiquement pas d’autre collection privée au monde qui ait
confié autant de ses oeuvres aux musées, allant souvent jusqu'à en
prêter une centaine au même moment. Vous avez consenti de
nombreux à la France, à Paris bien sûr, que ce soit au Musée
d'Orsay, aux Galeries nationales du Grand Palais ou encore à la
Bibliothèque nationale de France, permettant de réaliser des
expositions exceptionnelles telles les rétrospectives consacrées à
Gauguin, Caillebotte, Vuillard, Toulouse-Lautrec ; mais aussi en
région, aux musées de Grenoble, Strasbourg, Nancy, Lyon, Rouen,
Saint-Tropez, Nice, Marseille, Pont-Aven, Brest, Quimper.

Ces prêts généreux ont permis à des millions de visiteurs de
connaître et d'apprécier l'art français de la fin du XIXe siècle dans les
musées des grandes capitales culturelles, New York, Washington,
Zurich, Madrid, Venise, Tokyo, Copenhague, Amsterdam, et dans
bien d’autres villes en Europe ou aux Etats-Unis, de même qu'en Asie
et en Australie.

Outre les prêts d'oeuvres pour les expositions conçues par des
musées ou d’autres organismes, votre famille a organisé la première
exposition majeure de tableaux de l’École de Pont-Aven qui a circulé
à travers les Etats-Unis, l'Australie et le Japon. Elle a également été à
l’origine de la première exposition de gravures de cette école à
travers le monde, présentée à Paris, à la Bibliothèque nationale de
France.

Sans le goût, les efforts et la générosité des trois générations de
collectionneurs et prêteurs de votre famille, notre perception, de même
que notre appréciation, de l'art français du XIXe siècle seraient
incomplètes.

Samuel, Paul, ainsi que Nicholas Josefowitz, votre fils, qui représente la
troisième génération et qui va poursuivre l'oeuvre de son père et de son
grand-père, tous trois, vous avez fait en sorte que votre collection
exceptionnelle participe au rayonnement de la culture française à
travers le monde.

Cher Samuel Josefowitz,
amateur d’art renommé, vous êtes également un grand mélomane et
vous avez une immense culture littéraire, alliés à un goût artistique
très sûr. Dans ces différents domaines, vos multiples activités ont
favorisé la découverte et la connaissance de l’art, et en particulier de
l’art français, sous toutes ses formes et dans tous les pays.

Vous êtes aussi un très généreux mécène : quelques années après la
création du musée de Pont-Aven, vous avez offert à cet établissement
vos archives, qui comportent des centaines de documents sur l'École
de Pont-Aven. Vous avez
donné les fonds nécessaires à la création d'un Centre d'études sur
cette école, qui, depuis lors, porte votre nom. En 1999, vous avez
également fait don à l'Indianapolis Museum of Art de nombreux
tableaux et de la totalité de la collection des 95 gravures qui était
présentée dans l'exposition organisée en 1986 dans ce musée, où
une galerie porte maintenant votre nom.

Vous avez fait découvrir, étudier, connaître et apprécier l’art et la
culture de notre pays dans le monde entier et votre engagement a
considérablement compté dans le domaine artistique, ce qui fait de
vous un véritable ambassadeur de la culture française.

Cher Samuel Josefowitz, au nom du Président de la République et en
vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons officier
de la Légion d’honneur.

Remise des insignes de Chevalier dans l’ordre national de la Légion d’honneur à Paul Josefowitz

24 octobre 2005

Cher Paul Josefowitz,

Vous êtes également un grand collectionneur, mais aussi un grand éditeur
d’art.

Je souhaite associer à l’hommage que je vous rends aujourd’hui votre épouse
Ellen, qui accompagne constamment tous vos efforts dans ce domaine.

Comme celle de votre père, votre générosité est, et continuera d’être, un
modèle pour les collectionneurs du monde entier. Et elle s’accompagne d’une
érudition qui vous vaut d’être membre du Conseil consultatif de la Royal
Academy of Arts à Londres.

Vous avez participé à titre personnel à l'organisation de nombreuses
expositions, notamment celle sur les Fauves en 1995, présentée en Australie.

En 1995 également, vous avez conçu et facilité la réalisation de l’exposition
intitulée De Manet à Gauguin : chefs-d'oeuvre des collections privées suisses,
à la Royal Academy de Londres, puis au Japon. En 1999, vous avez imaginé
et organisé l’exposition Tableaux impressionnistes français des collections
des musées européens, présentée au High Museum of Art d'Atlanta, au
Seattle Art Museum et au Denver Art Museum, qui fut la première à étudier la
manière dont l'art impressionniste a d'abord été collectionné dans les musées
européens.

Vous avez aussi organisé de nombreuses expositions de gravures françaises.

Je citerai les deux plus récentes : Artistes et Théâtres d’Avant-garde,
programmes de théâtre conçus et imprimés par des artistes tels Signac,
Vuillard, Odilon Redon, Bonnard, Gauguin, Rodin, Toulouse-Lautrec ; et
l’exposition consacrée à Jacques Bellange, artiste nancéen du XVIIe siècle,
où les oeuvres provenaient presque toutes de votre collection au British
Museum de Londres, au Rijksmuseum d'Amsterdam, ainsi qu'à travers les
Etats-Unis.

Vous avez été l’éditeur de la prestigieuse revue d’art Apollo. De 1991 à 2002,
sous votre direction, cette revue s’est illustrée par la qualité de ses articles
sur le connoisseurship, le patrimoine et la vie des grands musées et je sais
combien votre implication personnelle dans cette aventure a été grande.

Chacun se souvient encore des entretiens avec Madame Françoise Cachin,
Monsieur Jacob Rothschild ou Monsieur Nicholas Serota, et peut toujours
apprécier la qualité de cette publication et la beauté de ses reproductions.
Je voudrais rappeler aussi que, récemment, en mars 2005, c'est grâce aux
prêts de chefs-d'oeuvre appartenant à votre collection que le musée d’Orsay a
pu présenter de manière inédite le Néo-Impressionnisme, exposition qui a
connu un très grand succès, avec plus de 310 000 visiteurs, et qu'il pourra
très prochainement réaliser la rétrospective consacrée à Maurice Denis,
programmée à l'automne 2006 et pour laquelle vous avez également accordé
de très nombreux prêts.

Paul Josefowitz, au nom du Président de la République et en vertu des
pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons chevalier de la Légion
d’honneur.