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Visite inaugurale de la Galerie des Gobelins

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis très heureux de vous retrouver aujourd’hui, pour la visite inaugurale
de la galerie des Gobelins. Notre rencontre d'aujourd'hui marque à la fois
un anniversaire et une étape, dans la longue histoire des Gobelins et du
Mobilier national.

Il y a en effet tout juste quatre cents ans, en 1607, Henri IV établissait une
manufacture de tapisseries, la manufacture dite du Faubourg Saint-Marcel,
dans la « maison des Gobelins », ainsi nommée en souvenir de Jehan
Gobelin, qui, attiré par les eaux de la Bièvre, y avait installé un atelier de
teinture dès 1447.

Et il y a trois cent quarante ans, en 1667, Louis XIV, poursuivant et
approfondissant l'oeuvre de son aïeul, établissait au même endroit, sous la
direction de Charles Le Brun, la « manufacture des meubles de la
Couronne ». C'est à la même période que furent créées les manufactures
de la Savonnerie et de Beauvais, également présentes aujourd'hui sur le
site des Gobelins et rattachées au Mobilier national, lui-même héritier du
Garde-meuble de la couronne réorganisé par Colbert dans les années
1660. Ces manufactures ont donc traversé quatre siècles, et il nous revient
aujourd’hui, à notre tour, de les faire vivre.

L'explication de cette exceptionnelle continuité tient sans nul doute à
l’efficacité et à la solidité du mécénat public institué à travers le système
des manufactures. Grâce à l'impulsion artistique et financière de l'État
commanditaire, les manufactures n'ont eu de cesse d'épouser l'art de leur
temps. Ces conservatoires dépositaires des techniques et savoir-faire
traditionnels sont en effet avant tout des lieux de création, où le talent des
lissiers s'allie à l'inventivité des créateurs, pour produire des oeuvres
authentiquement originales. L'étonnante variété de la production témoigne
de la capacité quasi infinie de l'art du tissage à relever les défis répétés que
lui proposent aujourd'hui, architectes, designers, peintres et photographes.

Si ces chefs-d'oeuvre viennent enrichir les collections du Mobilier national,
leur usage ne saurait se limiter à l'ameublement de l'État ; ce sont des
trésors qu'il importe de partager largement dans le cadre d'une politique
culturelle dynamique.

A cet égard, l’année 2007 marque une étape décisive, avec la réouverture au
public, après trente-cinq ans d'interruption, de la galerie des Gobelins. Ce
superbe bâtiment, construit en 1913 par l'architecte en chef des Monuments
Historiques Formigé et fermé au public depuis 1972, était, il y a encore peu
de temps, un vaste bâtiment de triste apparence échoué sur les bords de
l'avenue des Gobelins. Il aura fallu la ferme intervention de Jacques Toubon,
en 1994, pour qu'un plan de rénovation du site des Gobelins en trois
tranches, permette de reloger dans des locaux rénovés, dans d'autres parties
du site, les métiers à tisser qui occupaient la galerie.

Avec ce départ, devenu effectif en janvier 2004, la renaissance de la galerie
en tant que lieu d'exposition devenait possible.

J’ai aussitôt demandé au service national des travaux de mener rapidement
ce projet à bien ; l'enjeu était de taille, puisqu'il s'agissait de rendre aux
manufactures la visibilité qu'elles méritent, et d'ouvrir à Paris un lieu
d'exposition dédié à la tapisserie, au design et aux métiers d'art, un lieu où les
oeuvres seront présentées, non seulement pour elles-mêmes, mais
également en relation avec les processus de restauration et de création dont
elles font l'objet.

Au carrefour de l'Art et des métiers d'art, de la tradition et de l'innovation, ce
nouvel espace offrira, au fil des expositions successives, une confrontation
stimulante entre créations d'hier et d'aujourd'hui; il témoignera de la vitalité du
Mobilier national et des manufactures qui, au-delà de leur contribution à la
perpétuation de nos savoir-faire et au rayonnement de la scène artistique
nationale, attirent désormais des créateurs de tous les continents.

La première exposition, que nous inaugurerons dans quelques semaines, en
donnera un premier et, je crois, éloquent aperçu avec la présentation des
créations les plus récentes issues des manufactures et de l'Atelier de
recherche et de création du Mobilier national.

L'exposition permettra aussi d'évoquer brillamment les origines de l'institution,
avec la reconstitution spectaculaire, rendue possible par le mécénat de
Natixis, de l'ensemble des quinze pièces de la tenture d'Artémise
commandées par Henri IV en 1607 à la manufacture du Faubourg Saint-
Marcel. La découverte sur le marché des huit pièces qui avaient été distraites
des collections nationales intervient à point nommé, comme un signe du
destin, à l'heure où nous fêtons le quatrième centenaire de l'institution, et où
celle-ci s'apprête à prendre un nouveau départ.

La confrontation inédite qui sera ainsi présentée entre l'art de 1607 et celui de
2007 illustrera de la manière la plus claire la continuité remarquable et
l'efficacité de ce mécénat d'État qui, aujourd'hui comme hier, met en relation
lissiers et créateurs. Un tel exemple suffit à prouver combien il est vain de
vouloir opposer patrimoine et création, art et métiers d'art.

Tel sera l'objet de la programmation, qui se poursuivra à l'automne prochain
avec un hommage rendu à l'un de nos plus grands designers, Pierre Paulin,
dont le rôle a été immense dans l'évolution des décors officiels de la
République depuis quarante ans ; viendra ensuite, au printemps 2008, une
manifestation consacrée aux grands savoir-faire français dans le domaine des métiers d'art. Cette troisième exposition présentera un panorama des
créations des maîtres d'art, aux côtés de pièces majeures des collections
nationales.

Mais revenons à l'instant présent, et au chantier qui s'achève. Je tiens à
saluer la rénovation exemplaire que nous découvrons aujourd'hui, menée
dans des délais records par Monsieur Jacques Moulin, Architecte en chef des
Monuments historiques, et le Service national des travaux, dirigé par Jean-
Marc Boyer. Les travaux, d'un montant de 3 950 000 euros, ont permis de
remettre le bâtiment aux normes actuelles dans le respect de l'architecture
élégante et fonctionnelle de Formigé.

Je tiens également à saluer le splendide projet de commande publique dont
François Rouan nous a donné un aperçu tout à l'heure. Cette oeuvre originale
devrait s'inscrire avec justesse dans l'architecture de Formigé, tout en
célébrant, de manière résolument contemporaine, l'art traditionnel de la
tapisserie.

Cette intervention de François Rouan est un hommage de l'artiste aux gestes
des lissiers avec lesquels il a eu par ailleurs l'occasion de collaborer sur de
magnifiques projets. Quand je vois la liste impressionnante des plasticiens,
architectes, designers, de tous horizons, de Christian de Portzamparc à
Matali Crasset, de Pierre Alechinsky à Jean-Michel Othoniel, qui collaborent
avec nos manufactures, quand j'entends les termes enthousiastes dans
lesquels ils évoquent cette collaboration, quand je vois l'hommage splendide
qu'un François Rouan tient à leur rendre, je n'ai pour ma part aucun doute sur
le potentiel et sur l'avenir de nos manufactures, et, plus généralement, sur le
potentiel des métiers d'art, dès lors qu'ils nouent un dialogue ouvert et fécond
avec les créateurs.

Merci encore, donc, à tous les acteurs de cette belle réussite, serviteurs de
l’État, architectes, entreprises. Afin de faire vivre ce nouveau lieu de culture,
les emplois nécessaires ont été créés au budget 2007 du ministère, et la
Réunion des musées nationaux apportera son efficacité et son expertise à la
gestion de l'accueil, de la billetterie et du comptoir commercial, avec le savoirfaire
qu'on lui connaît. Je vous donne rendez-vous très prochainement pour
découvrir la première exposition de la galerie rénovée, où nous seront
dévoilés les trésors issus de quatre siècles de création ininterrompue sur le
site des Gobelins.

Je vous remercie.

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