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Inauguration du donjon du château de Vincennes restauré

Monsieur le Ministre, cher Jean-Philippe Lecat,

Monsieur le Ministre, cher Jacques Douffiagues,

Monsieur le Député, cher Patrick Beaudoin,

Monsieur le Maire,

Monsieur le Chef d’Etat-major des armées,

Monsieur le Secrétaire général,

Madame la Directrice,

Messieurs les Directeurs,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Dans la semaine où nous commémorons le cinquantenaire du Traité de
Rome et où nous créons le Label du patrimoine européen, je suis
particulièrement heureux de vous rencontrer, en ce haut lieu de notre
patrimoine français, dont nous vivons aujourd'hui la renaissance. Voir un tel
monument mis en lumière ce soir, et rouvert au public, dans toute sa
splendeur retrouvée, c'est voir renaître une parcelle de notre histoire
nationale, de notre mémoire collective, de nos racines, celle du Moyen-Âge,
de Saint Louis, de Philippe VI et de Charles V, celle des rois de France qui
s'y sont succédé, mais aussi celle de la Fronde et de Mazarin, et celle des
prisonniers qui furent internés ici, de Sade, de Diderot et de Mirabeau.

Voir
renaître Vincennes, c'est voir revivre tout cela. André Malraux considérait
déjà, à juste titre, Vincennes comme l'un des emblèmes les plus prestigieux
de notre patrimoine, en affirmant : "Les monuments ne se définissent pas par
ce dont ils sont nés. Ils ont subi une immense métamorphose. Vincennes
n'est plus pour nous, comme pour le XIXe siècle, une forteresse féodale" ; il
constitue, parmi les monuments que nous avons reçu des générations
passées, l'un des "jalons successifs et fraternels de l'immense rêve éveillé
que poursuit la France depuis près de mille ans."

"L'âme de ce grand rêve" a pourtant commencé par un simple pavillon de
chasse, en lisière du bois de Vincennes. Il faudra la volonté de Philippe-
Auguste, qui construit un premier manoir, et surtout de Saint Louis, qui
entreprend la construction de la Sainte Chapelle, pour donner à Vincennes
l'ampleur et l'importance d'une résidence royale. Le château est agrandi sous
Charles V et achevé sous Henri II ; la construction du donjon est, quant à
elle, amorcée par Philippe VI, premier des Valois, pour être achevée par
Charles V vers 1370.

Une longue suite de rois et de reines se succèderont à Vincennes, y laissant
les traces successives de leur passage, comme autant de strates d'une
histoire écrite en plusieurs siècles. Le dernier à apporter des modifications
d'importances au monument fut Louis XIV, qui fit construire les pavillons du
Roi, dans lequel nous nous trouvons actuellement, et le pavillon de la Reine.

Mais l'installation de la cour à Versailles signe la fin d'une époque, l'abandon
de Vincennes comme résidence royale. Dès lors, le château va connaître
plusieurs vies : le donjon servait depuis longtemps de prison d'État, il
accueillera désormais les prisonniers de marque, parmi lesquels Fouquet,
puis Diderot, Sade et Mirabeau. Enfin, le château devient propriété du
Ministère de la Guerre, qui y loge une garnison, puis y installe certains de
ses services. De toutes ces époques, de toutes ces vies, Vincennes a gardé
la mémoire ; et c'est là ce qui fait de ce monument un lieu hors norme, un
passionnant et vivant lieu d'histoire autant qu'un lieu d'esprit.

Le château de Vincennes est maintenant affecté pour partie au ministère de
la Culture et au ministère de la Défense, qui y a installé les services
historiques de la direction du patrimoine et de la mémoire des armées.

Sous
l'autorité de la Commission interministérielle pour le château de Vincennes,
présidée par Jean Philippe Lecat, l'amiral de Cotenson et Christophe Vallet,
Président du Centre des monuments nationaux, ce monument devrait
maintenant connaître un avenir plus paisible, tout entier dédié à l'histoire, à
la recherche et à la découverte !

Cette stratification de l'histoire de Vincennes rendait bien délicate la
réorganisation du musée et du parcours de visite : c'est sur l’époque de
Charles V, dit le Sage, fondateur de la première bibliothèque royale, que le
ministère de la Culture et le Centre des Monuments nationaux ont choisi de
mettre l'accent pour la mise en valeur du Donjon de Vincennes. C'est ce
règne, oublié et pourtant central dans l'histoire de la forteresse, à la fois
modeste et raffiné dans ses fastes, ambitieux et clairvoyant sur le plan
intellectuel et politique, que le public est invité à découvrir à Vincennes.

Mais avant d'en arriver aux aménagements, il a fallu consolider durablement
les fondations de ce donjon, réexaminer pierre à pierre les éléments des
façades de la tour et retrouver les traces des éléments de décor des pièces
d’apparat.

Ces travaux très divers et souvent bien complexes ont été mis au service
d'un projet de restauration ambitieux, conçu et conduit par plusieurs
architectes en chef des monuments historiques : Dominique Moufle, d'une
part, qui a réalisé les études préalables sur la structure du bâtiment et
l'origine de ses désordres, et qui a proposé la méthodologie de la
restauration, relayé ensuite par Gabor Mester de Paradj, qui a suivi le projet
et assuré la réalisation des travaux, sous la maîtrise d'ouvrage de l'État.

Je
tiens également à saluer le travail de Jean Chapelot, archéologue chargé
d'une mission spécifique sur Vincennes, dont les recherches, menées
depuis le début de ce projet et tout au long de son déroulement, ont permis
de faire des choix de restauration pertinents et conformes à la réalité de ce
monument si complexe. Les résultats de ses travaux et les découvertes
faites au cours de chantier ont considérablement amélioré l'état de nos
connaissances sur l'histoire et l'architecture de cet ensemble trop méconnu.

Je tiens également à féliciter Monsieur Jean-Philippe Lecat, dont nous nous
souvenons tous que c’est sous son ministère que l’année 1980 fut instituée
« l’Année du patrimoine ». A l’occasion de l’achèvement de la restauration
du donjon et de la Sainte-chapelle du château de Vincennes, il a souhaité
accompagner ce renouveau « par un geste de création», pour inscrire l’art
contemporain au coeur de cinq siècles d’architecture et d’expérience
plastique.

C’est une initiative audacieuse et généreuse, à laquelle le Ministère de la
culture et de la communication peut participer par le biais de la commande
publique nationale, et je suis heureux de confirmer ici que l’alliance future
entre la restauration exemplaire d’un site prestigieux et une ou plusieurs
créations artistiques dignes de ce contexte me semble un pari qu’il faut
absolument encourager et soutenir.

Il appartient désormais au Centre des Monuments nationaux de faire vivre
ce lieu prestigieux, et d'offrir, au coeur de la région parisienne, aux 200 000 visiteurs qui sont attendus annuellement, une rencontre inoubliable avec
cette magnifique page de notre histoire nationale. Je souhaite à tous ceux
qui sont présents ce soir, Vincennois et Parisiens, ainsi qu'à tous les
visiteurs de demain, de redécouvrir avec un oeil neuf ce lieu magnifique,
enfin rendu à sa majesté et sa pureté d'origine.

La restauration de ce haut lieu de notre histoire est l’un des chantiers les
plus importants et les plus spectaculaires menés sur les monuments
historiques de France, grâce aux moyens mis en oeuvre par l’État en faveur
de notre patrimoine, grâce aussi à la mobilisation des élus et de la ville de
Vincennes, et je tiens à saluer particulièrement la continuité de l’action
menée, tant au niveau local qu’au Parlement, où Patrick Beaudoin
notamment intervient activement lors de la discussion du budget de la
Culture, et je l’en remercie, depuis que Jean Clouet, Sénateur-Maire de
Vincennes de 1965 à 1996, a tenu à appuyer le potentiel de développement
de votre ville sur le rayonnement culturel du château. Je sais aussi le rôle
joué par la dynamique société des Amis de Vincennes et sa mobilisation en
faveur de la Tour du Village.

Je tiens enfin à rendre hommage à l’action constante et exemplaire
d’animation de ce monument historique exceptionnel menée par
l’association pour le rayonnement du château de Vincennes, présidée par
François Léotard.

Je vous remercie.

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