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Radio Vatican

– Nous avons voulu, le Président de la République l’a souhaité personnellement, que cet
anniversaire du traité de Rome soit un moment magnifique de rayonnement culturel.

L’Europe, elle est née, dans son projet politique de la guerre, de la barbarie, qui a ruiné nos
espérances au coeur du XXe siècle. C’est un projet de paix. Aujourd’hui, nous voulons que ce
qui a été fondé sur l’économie, la liberté de circulation des hommes, des matières, des
capitaux, devienne un grand projet culturel. C’est la raison pour laquelle, être à Rome, pour
les 50 ans du traité de Rome, et participer à l’inauguration de cette grande manifestation
culturelle, c’est pour mon pays, non seulement la reconnaissance du passé, mais la volonté
qu’à l’avenir, la culture soit au coeur du projet politique européen. Le Président de la
République a voulu prêter une oeuvre majeure, une oeuvre de la fierté française absolue. Le
Penseur de Rodin, dans le coeur de chaque Français, c’est quelque chose de très important.

Donc, c’est une manifestation joyeuse pour nous. Je suis fier, au nom de tous mes
compatriotes, les Français et les Françaises, de venir avec ce Penseur de Rodin, et de venir
l’offrir, pour cette exposition temporaire, à l’Italie.

– Pour quelle raison la culture est-elle aujourd’hui essentielle dans ce projet européen, ce qui
n’était pas le cas il y a 50 ans ?

– Parce que nous considérons peut-être plus qu’avant, que dans les fureurs du monde, dans
les menaces qui pèsent sur nos épaules, dans les intégrismes, dans les fanatismes, dans les
discriminations, dans les engrenages du terrorisme, les principes du droit, du respect de
l’autre, du respect de l’identité, du respect de la tradition, mais aussi de l’ouverture et de la
diversité sont des valeurs essentielles. La tâche politique de l’Europe, dans cette époque
très particulière, soit dans les quartiers d’une ville, soit dans une école, soit sur la scène
internationale, c’est de promouvoir ces valeurs de respect, de diversité, au moment où la
mondialisation est parfois une chance, parfois une menace, faire en sorte qu’il n’y ait pas de
risque d’uniformité, de marchandisation, de standardisation au niveau international, est une
exigence majeure de nos concitoyens.

Cela participe de la volonté que nos racines soient célébrées. Ce n’est pas un
renfermement. Si l’on veut accueillir l’autre, quel que soit l’autre, couleur de peau, religion,
vie sexuelle, pratique sociale… si l’on veut que l’autre paraisse proche, il faut que chacun
célèbre sa propre identité. C’est là, à mon avis, le défi politique de l’Europe.

– La solidarité politique repose sur les fondements culturels ?

– Oui, bien sûr. Il faut arriver à montrer les proximités. Simul et singulis.

C’est la devise de la
Comédie Française. C’est aussi celle de l’Europe. C’est-à-dire que nous avons des liens,
des proximités, des fraternités, un esprit d’une civilisation, en commun, mais qu’il faut faire
vivre dans sa diversité. Donc, oui, je crois que la dimension culturelle du projet européen est
essentielle. L’un des pères fondateurs de l’Europe, Jean Monnet – je ne sais pas si cette
phrase qu’on lui attribue est de lui ou pas, en tout cas elle est juste politiquement : il est
censé avoir dit : « Si j’avais à recommencer, je recommencerais par la culture ».

Eh bien ! Pour ces 50 ans du Traité de Rome, nous affirmons haut et fort que l’enjeu culturel est
stratégique, majeur, aussi bien par le lien et la fierté qu’il suscite parmi tous les peuples, que
par la dimension du message universel. Je pense au conflit au Proche-Orient. Je pense à la
situation entre Israéliens et Palestiniens. Je pense à la situation au Liban, en Afghanistan, en
Irak, en Iran. Ce message de respect des diversités, de fierté de l’identité, mais, pour qu’elle
ne tombe pas dans l’intégrisme, d’ouverture à l’autre, c’est peut-être là l’universalité du
message européen.

– Les cultures peuvent être un outil pour maintenir, pour soutenir les racines chrétiennes de
l’Europe ?

– Oui. Il ne faut pas avoir peur de son histoire. Parler des racines chrétiennes de l’Europe, ce
n’est pas vouloir aujourd’hui tourner le dos à la diversité religieuse. Dans mon pays, en
France, et dans chacun des pays européens, il y a de nombreux compatriotes qui sont de
religion musulmane. Je ne dirai jamais « d’origine » musulmane. Car la religion n’est pas
pour moi une origine nationale. Cette diversité doit être accueillie, mais soyons fiers de ce
qui constitue notre histoire.

J’ai lancé l’idée du label du patrimoine européen. Je suis heureux et fier que cela soit devenu
une idée de l’ensemble de l’Union européenne et que chaque pays ait à coeur de la faire
vivre. Pour ce qui concerne la France, j’ai choisi, j’ai proposé et cela a été accepté, des lieux
qui sont liés, notamment, à l’Histoire chrétienne : l’abbaye de Cluny, lieu de rayonnement
humaniste, il y a près de dix siècles, et qui a essaimé à travers toute l’Europe. J’ai choisi
aussi la cour d’honneur du Palais des Papes, à Avignon. Cour d’honneur où, chaque année,
au moment du Festival d’Avignon, nous nous ouvrons à toutes les créations, qui font parfois
couler beaucoup d’encre, critiquer, crier, réagir, comme toute création contemporaine de
toute époque. J’ai voulu le faire pour montrer à quel point ces racines, cette histoire, elle
n’est pas étouffante. Il faut la célébrer. C’est un lieu où ont vécu des Papes. Aujourd’hui, il accueille la jeune garde de la création contemporaine, qu’il s’agisse de Jan Fabre,
d’Ostermeyer ou de tout autre talent venant travailler dans notre pays.

Bref, oui, il y a des racines judéo-chrétiennes à l’Europe. Il faut les célébrer pour accueillir la
diversité actuelle.

– En 2008, la France assumera la Présidence de l’Union Européenne, une carte importante à
jouer pour la France, après l’échec de 2005.

– Bien sûr. Parce que j’ai été « électrochoqué », comme beaucoup d’Européens très
convaincus dans notre pays par le résultat du Référendum, qui traduisait le fait que les
Français se disaient : l’Europe nous fait disparaître. Moi, je considère, au contraire, que
l’Europe est garante de la diversité. Mais il faut réconcilier les citoyens, dans chaque pays,
avec le projet politique européen. Cette réconciliation, elle passe par la culture, et aussi, bien
sûr, par l’économie, par l’emploi, par toutes sortes de choses. Mais nous avons des valeurs
à protéger. Ce n’est pas nous refermer sur nous-mêmes que de dire cela. Mais c’est puiser
en nous-mêmes la force de rayonner et d’envisager l’avenir. A un moment où la
mondialisation fait craindre l’uniformité, l’Europe a cette tâche de faire rayonner la diversité.

– Je vous remercie. Vous avez quelque chose à ajouter ?

– Je formule le voeu qu’il y ait d’avantage de grands événements populaires européens. Je
voudrais que pour les prochaines Journées du Patrimoine, en septembre, les télévisions
d’Europe créent un grand événement qui nous fasse passer d’un lieu de culture à un autre,
en découvrant des musiques, des danses, des spectacles, des formes d’expressions
artistiques différentes. Que ce soit une fête de la diversité et un grand événement populaire.

Voilà, c’est un voeu que je formule en ce jour anniversaire.

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