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Remise des insignes d'officier de la Légion d'Honneur à Jacques Perot

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Ce soir, c’est le monde des musées qui est à l’honneur rue de Valois, avec les distinctions
que je vais conférer à deux personnalités très différentes par leur parcours et leur
expérience, mais qui ont en commun leur dévouement au service des ces hauts lieux de
patrimoine, de mémoire, de culture, d’émerveillements partagés.

Cher Jacques Perot,
je suis très heureux de distinguer en vous un très grand conservateur.

Un conservateur qui
a toujours eu à coeur de développer le rôle éducatif des musées. Le musée, aimez vous à
dire, « ce n’est pas uniquement la conservation, c’est également la diffusion ». Oui, pour
vous, le musée est au service de la société. Cette haute exigence du service public,
exigence éthique autant que scientifique, vous l’avez forgée tout au long d’une carrière qui
s’est toute entière et avec quel succès, consacrée au monde des musées, dans les années
de leur plus forte transformation. Cette transformation vous l’avez comprise, accompagnée,
anticipée et vos différentes responsabilités à la tête des institutions patrimoniales dont vous
avez eu la charge ont permis de la mener à bien de façon exemplaire.

Vous êtes sans doute avant tout un homme de l’écrit. Vous êtes historien, archivistepaléographe
de formation. Diplômé de la prestigieuse école nationale des chartes, vous
vous confrontez à l’histoire de France, en débutant votre carrière aux archives, en Vendée
(de 1972 à 1976), puis aux archives du ministère des Affaires étrangères (de 1976 à 1980).

C’est en 1980 que vous intégrez les musées, en rejoignant l’équipe de conservation du
musée national du château de Pau (de 1980 à 1988). Sans quitter le monde des musées, ni
votre goût de l’enseignement et de la formation, vous devenez adjoint au directeur de l’Ecole
du Louvre et de l’Ecole du patrimoine (1988-1992), qui forment la plupart de nos
conservateurs. Puis vous assumez la direction du musée de l'Armée de 1992 à 1998, au
sein de l'hôtel national des Invalides. Vous avez marqué l’histoire de ce grand établissement,
en y créant les instruments majeurs de développement culturel du musée : un auditorium
construit sous la cour d'Austerlitz, une salle d'exposition temporaire et une librairie qui feront
définitivement sortir cette très vénérable et très digne Institution d’une certaine torpeur.

De
nombreuses expositions vous sont dues. Je citerai « Crimée 1854-1856 », « une visite au
camp de Châlons sous le Second Empire », « les spahis cavaliers de l'armée d'Afrique », «
la campagne d'Egypte », « Caran d'Ache ». Et vous avez multiplié les événements culturels
permettant d'augmenter la fréquentation du musée. L’histoire militaire n’est pas que l’histoire
des batailles, c’est avant tout l’histoire de la France et de ses relations avec le reste du
monde. Elle passionne les Français et vous avez su attirer de nouveaux publics dans ce
magnifique musée. Elle vous passionne, en raison bien sûr de votre formation d’historien et
sans doute aussi, pour une part, de votre illustre héritage familial. Votre quatrième aïeul, le
baron Dufour, par ailleurs maire de Metz et pair de France, ne fut-il point ordonnateur en
chef de la Garde impériale ? Aux Invalides, vous lancez aussi le grand chantier de la
création des salles consacrées au Général de Gaulle et à la seconde guerre mondiale,
espaces dont vous avez obtenu l’affectation au musée. Un musée que vous quittez bien
différent que celui dont vous aviez reçu la charge, sans qu’il ait rien perdu de sa qualité
patrimoniale.

Nommé en 1998 à la tête du musée national du château de Compiègne et de son domaine,
et du musée national de Blérancourt, musées et domaine réunis sous la même autorité pour
la première fois, vous vous êtes attaché à les ouvrir vers l'extérieur et à les rapprocher de
leur environnement local, en recréant des liens entre le château et la ville, en accélérant sa
restauration et en mettant en place une politique très dynamique de développement
scientifique et culturel de ce monument emblématique de l'Histoire de France. Vous réalisez
aussi un important programme de travaux et de restauration des collections. Sur le plan
culturel, votre politique volontariste s'est manifestée notamment par l'organisation de
nombreuses expositions, dont la plus importante « Un tsar à Compiègne, Nicolas II, 1901 »,
a attiré plus de 40 000 visiteurs. Il faut citer également de nombreux événements culturels,
concerts, soirées littéraires, visites particulières pour des publics divers et notamment
défavorisés. Grâce à cet effort sans précédent, la chute régulière du nombre des visiteurs a
pu, non seulement être enrayée, mais le mouvement s'est même inversé et a permis une
augmentation de 50 % en quatre ans. C’est un apport que je tiens à citer en exemple, du
directeur d’un musée, moderne, ouvert, reconnu par ses pairs et par le public, qui a su, sans
jamais renier ses responsabilités scientifiques, faire de la politique des publics un axe majeur
du développement de son établissement.

Vos responsabilités au musée national de la coopération franco-américaine de Blérancourt,
depuis 1998, et votre participation à la branche française de la Société des Cincinnati, dont
vous êtes membre honoraire, vous a amené à développer des relations cordiales et suivies
de collaboration avec de nombreux amis américains, tout particulièrement « The American
Friends of Blérancourt » et la « Florence Gould Foundation » qui soutiennent le projet
d'agrandissement de Blérancourt, par un mécénat de 2,1 millions de dollars, grâce à un
contrat de mécénat que mon prédécesseur a signé solennellement le 3 septembre 2003. Et
j’ai eu le plaisir de rendre hommage, lors de mon récent voyage aux Etats-Unis, aux
responsables de la « Florence Gould Foundation ». Vous avez également pour le musée de
Blérancourt, dénommé depuis le décret de juin 2005 « musée franco-américain » et grâce à
l’action permanente d’Anne Dopffer, son conservateur, noué un partenariat étroit avec les
Amis français de ce musée. Je tiens à saluer également leur extrême générosité. C’est grâce
à leur mécénat que la restauration des deux pavillons historiques et de la bibliothèque du
château peut être réalisée.

Conservateur du musée national des Deux Victoires Clémenceau de Lattre depuis 1974,
vous n’avez jamais renoncé à cette responsabilité exercée à titre bénévole depuis 1988.

Désigné comme exécuteur testamentaire de la Maréchale de Lattre de Tassigny, vous avez
veillé, à la suite de son décès en 2003, à l'entrée dans les collections publiques des archives
et souvenirs historiques laissés par la veuve du Commandant en chef de la Première Armée.

C’est à vous que j’ai confié, en raison de ce rôle éminent dans la conservation et la
transmission de la mémoire de la France, une mission de proposition sur les modalités de
mise en oeuvre de ce musée national, petit par sa taille mais hautement symbolique de
l’histoire de notre pays, mais aussi de la coopération culturelle avec les collectivités
territoriales intéressées et notamment le département de la Vendée. Le rapport que vous
m’avez remis permettra de lancer et de valoriser ce beau projet, qui réunit la mémoire de de
Lattre et de Clemenceau, de la Vendée bleue et de la Vendée blanche, dans une même
histoire.

J’ai évoqué votre action internationale et votre contribution au rayonnement universel de nos
musées et de notre culture.

Je veux insister sur votre rôle et votre engagement dans la coopération culturelle
internationale. Votre longue implication personnelle et bénévole dans le Conseil international
des musées (ICOM) vous a permis d'être élu, en 1998, face à une candidature des Etats-
Unis, président de cette organisation non-gouvernementale des musées qui compte
aujourd'hui près de 20 000 membres dans plus de 150 pays. Vous en êtes le troisième
président français, après Georges Salles et Hubert Landais, depuis la création de
l'organisation à Paris en 1946. Cette position, à laquelle vous avez été réélu pour un second
et dernier mandat de trois ans en 2001, vous a permis de soutenir la place de la France et
l'usage du français dans les travaux de l'organisation. Votre présidence n’est pas étrangère
au maintien à Paris du siège de cette grande organisation non gouvernementale auprès de
l’UNESCO. Vous avez voulu qu’elle soit et vous en avez fait « la conscience de la
communauté des musées ». Une communauté universelle, qui a en charge le patrimoine de
l’humanité. Vous avez développé des actions importantes au service de cette ambition,
notamment en faveur de la circulation des biens culturels, de la coopération dans les
situations d'urgence (en ex-Yougoslavie, en Afghanistan, en Irak, et partout où la barbarie
s’attaque à la culture et à la mémoire des peuples en s’en prenant à leurs musées, à leurs
archives et à leurs monuments), mais aussi de la professionnalisation du personnel des
musées, et de la défense de la diversité culturelle. Vos missions à l'étranger, au cours
desquelles vous avez été amené à vous exprimer publiquement, vous ont permis de vous
entretenir avec de nombreux ministres de la culture (en Espagne, en Hongrie, en Slovénie,
en Croatie, mais aussi en Russie, en Corée et au Japon).

Vous avez été l'invité d'honneur d'importantes cérémonies, comme l'inauguration du plus
grand musée créé en Hongrie depuis la guerre, ou le centenaire de « l'Österreichische
Gallerie Belvedere » à Vienne.

Il était logique que vous soyez appelé en 2002 à participer à la Commission de la
République française pour l'Unesco, présidée par Jean Favier, membre de l'Institut. Vous en
avez été élu l'un des vice-présidents, aux côtés de Jean Audouze, Directeur du Palais de la
découverte, de Jacqueline Baudrier, ancienne présidente de Radio-France et ambassadeur
à l’Unesco, Jean Leclant, secrétaire perpétuel de l'Académie des Inscriptions et Belles
Lettres, René Rémond de l'Académie française. Présent sur le territoire scientifique de
l’histoire de l’art, et de l’histoire politique et militaire de la France, promoteur de l’institution
muséale comme instrument majeur de la coopération culturelle internationale, vous avez été
pendant toute votre carrière l’un des meilleurs représentants de la conservation du
patrimoine « à la française ».

J’ajoute enfin que vous avez multiplié les conférences, les communications et les articles sur
des thèmes historiques et muséographiques.

Cher Jacques Perot, au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui
nous sont conférés, nous vous faisons officier de la Légion d’Honneur.

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