Imprimer cet article - Envoyer à un ami

Remise des insignes de Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres à Annick Massis

Chère Annick Massis,

Je suis très heureux de vous accueillir aujourd’hui pour saluer en vous l’une des
plus grandes artistes lyriques de votre génération, une magnifique ambassadrice
du chant français sur la scène internationale, qui connaît un véritable triomphe,
en ce moment même, à l’Opéra national de Paris, où vous interprétez la
Princesse Eudoxie, dans La Juive d'Halévy. La finesse de votre interprétation,
votre puissance dramatique et votre extrême musicalité sont au coeur de
l'événement.

Si le mot vocation a un sens, alors, chère Annick Massis, vous l'illustrez à
merveille ! Passionnément attirée par l'art lyrique dès l'enfance, vous vous
heurtez aux réticences de vos parents, qui tentent de vous en éloigner, de toute
la force de leur tendresse et de leur expérience : un père baryton dans le Choeur
de Radio France et une mère cantatrice ne sont, paradoxalement, pas les
meilleurs alliés pour aborder la carrière ! Peut-être, simplement, cherchaient-ils à
éprouver votre conviction, parce qu'ils connaissaient mieux que quiconque
l'âpreté du métier que vous rêviez d'embrasser.

Mais les chemins buissonniers ne sont pas les moins efficaces. Vos études
d'histoire et d'anglais vous forgent de solides bases pour évoluer dans le monde
universel de l'art lyrique. Quant au métier d'institutrice, que vous exercerez
durant huit années, il vous permet d’ouvrir les portes de la pratique musicale à
vos jeunes élèves, et de vous laisser émerveiller par leur écoute de L'enfant et
les sortilèges et par leur imagination naissante.

Mais vous n’avez jamais renoncé à l'étude du chant. Vous apprenez tardivement
le solfège, rencontrez de grands maîtres et suivez une chaîne de hasards et
d'amitiés qui feront de vous cette “ soprano à la voix ailée ” demandée par les
maisons d'opéra du monde entier.

Disciple d'Isabel Garcisanz, élève dans les masterclasses de Régine Crespin et
les stages de Denise Duplex, vous rencontrez Gabriel Dussurget, fondateur du
Festival d'Aix-en-Provence, qui vous présente au chef d'orchestre Bernard
Thomas.

Une simple audition vous permet de débuter dans la Grand Messe en Ut de
Mozart, l'un des compositeurs phares de votre panthéon personnel.

C’est
ensuite tout un répertoire d'oratorio qui s'offre à vous, et des engagements, très
vite, dans la plupart des opéras de notre pays, où vous excellez, dans le
répertoire français du XIXe siècle.

En 1997, le Festival de Glyndebourne représente un tournant dans votre
carrière, désormais internationale. Vous êtes une Comtesse Adèle très
remarquée dans Le Comte Ory de Rossini. Lyrique, virtuose, plein d'esprit, ce
rôle, au-delà de la performance vocale, est l'un des plus drôles du répertoire. Il
vous permet de déployer la fantaisie et la présence scénique que l'on applaudira
aussi dans un rôle à votre démesure, celui de La Folie dans Platée de Rameau,
que vous chantez au Palais Garnier sous la direction exigeante de Marc
Minkowski. Vous brillez de la même façon dans Les Indes Galantes , sous la
direction de William Christie.

Le fait marquant de ces représentations n'est pas uniquement votre aptitude à
chanter un contre-ré, c'est aussi l’élargissement de votre répertoire au registre
baroque, pour lequel les meilleurs chefs vous réclament.

Mais les grands rôles dramatiques du répertoire italien vous offriront sans doute
vos plus grands triomphes. Je fais ici, bien sûr, allusion à vos débuts au
Metropolitan Opera de New-York, où vous chantez au cours de la saison 2002-
2003 le redoutable rôle-titre de Lucia di Lammermoor. La folie toujours !

La même saison, vous livrez toute l'étendue de votre palette. Vous enregistrez
Marguerite d'Anjou, de Meyerbeer, pour le label Opera Rara avec le London
Philharmonic Orchestra, et vous interprétez Teresa dans Benvenuto Cellini, de
Berlioz, au Théâtre Mogador avec l'Orchestre de Paris dirigé par Christoph
Eschenbach.

Vous qui déclarez “ cultiver un grain de folie ”, vous nous offrez l'image d'un
talent exemplaire et rigoureux, qui s'épanouit dans tout les répertoires.

Vous êtes aussi convaincante et émouvante en Ophélie du Hamlet d'Ambroise
Thomas, qu’en Leila des Pêcheurs de perles de Bizet, en Elvire des Puritains
qu’en Gilda de Rigoletto ou en Giuletta des Capulet et des Montaigu.
Vous aimez, je le sais, vous adapter à chaque style, avec une prédilection
cependant pour le grand répertoire romantique italien, ainsi que pour les grandes
pages du XIXe siècle français, que vous servez admirablement. Votre
interptétation de la Princesse Eudoxie nous en offre une fois encore un
témoignage éclatant.

Vous êtes l'un des fleurons de cette magnifique génération de chanteurs français
qui s'épanouit aussi bien dans Mozart, Offenbach, que dans le répertoire baroque
ou Ravel. Vous défendez leurs couleurs à Milan, à Vienne, à Barcelone, aux
Etats-Unis et en Angleterre, où vous êtes l'invitée des plus grandes scènes
lyriques. Je suis heureux de saluer ce soir une artiste véritable, diverse, et
audacieuse, qui fait rayonner la scène française au-delà de nos frontières.

Annick Massis, au nom de la République, nous vous faisons Chevalier dans
l'Ordre des Arts et des Lettres.

Laisser une réponse