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Remise des insignes de Commandeur dans l’Ordre des Arts et des Lettres à Mylène Demongeot

Chère Mylène Demongeot,

Je suis particulièrement heureux de vous recevoir aujourd’hui, pour vous dire
à la fois toute l'admiration que je vous porte, mais aussi et surtout la
reconnaissance de notre pays pour celle qui a toujours été une
ambassadrice d'exception de la culture française. Si votre nom est
aujourd’hui aussi évocateur, s'il tient une place si particulière dans le coeur
de tous les amoureux du cinéma, c’est parce que, par votre talent, votre
grâce, votre charme, votre regard, vous incarnez une manière d’être, de
jouer et de séduire, telle une vamp blonde et lumineuse, que l'on peut dire
typiquement française, et que vous avez su faire rayonner dans le monde
entier.

Votre carrière a commencé très tôt : vous n'aviez que dix-sept ans lors de
votre première apparition à l'écran, dans Les enfants de l'amour. La même
année, Marc Allégret vous engage pour tourner dans son film Futures
vedettes : voilà un titre qui vous convenait particulièrement bien ! En 1956,
vous vous trouvez en effet propulsée sur le devant de la scène par Raymond
Rouleau, qui vous choisit pour jouer dans Les sorcières de Salem, d’Arthur
Miller, dont le scénario était signé Jean-Paul Sartre. Ce rôle, aux côtés
d'Yves Montand et de Simone Signoret, révèle votre personnalité d'actrice,
bien loin de la simple image de reine de beauté dans laquelle l'ancien
mannequin que vous êtes était encore enfermée. Paris-Match vous consacre
sa une, et titre : "Une star est née".

La suite de l'histoire, c'est l'éclosion d'un
personnage à part dans le monde du cinéma français et international, à
travers une succession de très grands films. En 1957, on vous retrouve dans
Bonjour tristesse, la fameuse adaptation de Françoise Sagan, dirigée par
Otto Preminger, où vous jouez aux côtés de Deborah Kerr, David Niven et
Jean Seberg. La même année, Marc Allégret vous confie un rôle dans Sois
belle et tais-toi, pour lequel vous rencontrez Henri Vidal, ainsi que deux
illustres inconnus, nommés Jean-Paul Belmondo et Alain Delon ! Il y aura la
série des Fantômas, d’André Hunebelle, avec Jean Marais et Louis de
Funès, des Trois Mousquetaires, de Bernard Borderie, avec Gérard Barray,
et tellement de films, qu'il serait bien trop long de les citer tous ici !

Mentionnons simplement ceux que vous avez tournés avec votre mari,
aujourd'hui disparu, Marc Simenon : votre rencontre, à la fin des années
soixante, marquera le début d'une relation exceptionnelle, et d'une série de
films magnifiques, réalisés en commun, parmi lesquels Explosion ou encore
Signé Furax. Avec votre mari, vous vous lancez dans la production. Vos
apparitions au cinéma s'espaceront peu à peu, tandis que vous continuez
d'explorer de nouveaux domaines ; ainsi, on vous retrouve au théâtre, dans
des rôles très variés, aux côtés de Michel Serrault, puis de Daniel Auteuil ou
de Bernard Giraudeau. Vous publiez également plusieurs ouvrages, depuis
Les Lilas de Kharkov, allusion aux racines ukrainiennes de votre mère,
jusqu'à Animalement vôtre, où vous communiquez, de manière profonde et
touchante, votre amour sincère pour les animaux qui nous entourent.

Vous faites ainsi la preuve de vos multiples talents, de vos multiples
passions, mais aussi des émotions que vous avez su et continué de nous
faire partager. Et, puisque le temps n'a de prise ni sur le talent, ni sur la
passion, ni sur l’émotion, le public a eu la joie de vous retrouver au cinéma,
depuis quelques années, autant dans des films populaires, comme Camping,
l’immense succès de Fabien Onteniente, ou 36 quai des orfèvres, d’Olivier
Marchal, qui vous a valu une nomination aux Césars, que dans des oeuvres
plus engagées, parmi lesquelles Victoire ou encore La piste du télégraphe –
deux films qui plaident en particulier la cause des femmes.

J’ajoute que vous êtes particulièrement bouleversante, dans votre
interprétation, si belle, si touchante, si subtile et si fragile, du rôle de Katia,
dans La Californie, de Jacques Fieschi, aux côtés de Nathalie Baye, Roschdy
Zem, Ludivine Sagnier, d’après le roman de Georges Simenon, Chemin sans
issue, qui reflète peut-être, une part de l’ambiance de cet univers, de ce
microcosme, du monde des arts, du spectacle et de la création, que vous
connaissez si bien. Cette interprétation vous a valu, cette année, une fois de
plus, une nomination aux Césars.

C’est donc à une artiste complète, à une figure impressionnante du cinéma
français, dont quelques auteurs ont su capter particulièrement la puissance et
la profondeur de séduction et d’émotion, mais également à la femme
d’engagement, d’esprit et de coeur qui n’a cessé de donner, tout au long de
sa carrière, tant de bonheur à ses admirateurs, que je veux exprimer
aujourd'hui toute ma reconnaissance et celle de notre pays.

Mylène Demongeot, au nom de la République, nous vous faisons
Commandeur dans l’ordre des Arts et des Lettres.

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