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Remise des insignes de Chevalier dans l’Ordre national de la Légion d’Honneur à Francis Boespflug, à l’Hôtel de la Marine

Cher Francis Boespflug,

Grâce à l’amitié de nos amis amiraux, et plus particulièrement de l’Amiral
Oudot de Dainville, Chef d’État-Major de la Marine – que je remercie de
son accueil – de l’Amiral Pierrick Blairon et de l’Amiral Alain Dumontet c’est
dans ce cadre prestigieux, et hautement symbolique, que j’ai le plaisir de
vous distinguer aujourd’hui. L’Hôtel de la Marine jouit en effet d’une vue
exceptionnelle sur une place qui a, bien souvent, vous le savez, servi de
décor au septième art. Carl Lamac en a fait le titre même de l’un de ses
films, Jacques Becker le premier plan de son chassé-croisé amoureux,
Rendez-vous de juillet, Godard l’a magistralement filmée dans L’Eloge de
l’amour, et Eric Rohmer lui a fait revivre la Révolution de 1789, dans son
film L’Anglaise et le Duc.

Quel plus beau décor pouvions-nous rêver pour rendre hommage à l’un
des plus grands défenseurs du cinéma français, à un passionné de la
première heure, à un véritable passeur de culture, qui n’a jamais cessé, au
long de sa brillante carrière, son combat pour la qualité et la diversité, pour
l’éducation à l’image, et pour la reconnaissance du talent, et du génie des
cinéastes ?

J’ajoute que la marine participe activement au rayonnement de la culture
française : par les musées de la marine, qui permettent de faire partager
l’aventure maritime au plus grand nombre à Paris, Brest, Lorient ou Toulon,
votre ville d’élection, cher Francis Boespflug ; par les écrivains de marine
qui depuis 2003 sont une vingtaine à tremper leur plume dans l’eau de
mer ; mais aussi par les peintres de la marine corps prestigieux, créé en
1830, qui comporte aussi des photographes et des sculpteurs, et qui sait,
demain, pourquoi pas, des cinéastes ?

C’est à Strasbourg, où vous êtes né, que débute cette grande aventure
cinématographique. Vous animez tout d’abord un haut lieu de découverte
et de transmission, un ciné-club, où vous éveillez les jeunes générations
aux merveilles de notre patrimoine, et à cette diversité culturelle à laquelle
nous sommes tous tellement attachés. Vous les emmenez à l’ancien
Palace, rebaptisé le Club, où vous faites la connaissance de celle qui
deviendra votre épouse, et votre meilleure complice, Fabienne Vonier.

Vous leur faites découvrir Rocco et ses frères, de Luchino Visconti, Les
Sept samouraïs, d’Akira Kurosawa, ou encore Affreux, sales et méchants,
d’Ettore Scola.

Vos premières armes, vous les faites ainsi dans l’exploitation, aux côtés
également de Louis Malle, et de Michel Seydoux, qui défendent avec
vous le cinéma d’art et essai, la découverte des films étrangers en
version originale, l’exigence et l’audace dans la sélection des oeuvres.

Cette très belle expérience de transmission et de partage vous ouvre les
portes du Ministère de l’Education Nationale, où vous devenez conseiller
technique et pédagogique pour le cinéma. En 1981, vous rejoignez le
ministère de la Culture, en tant que chargé de mission pour la création
de l’Agence pour le Développement Régional du cinéma, une agence
dont nous saluons aujourd’hui l’oeuvre essentielle, en faveur de la
diffusion du septième art sur l’ensemble du territoire, mais aussi du
soutien à la pluralité des salles et à la diversité des oeuvres comme de
leurs publics.

Vous poursuivez ensuite votre carrière chez UGC, et, en tant que
Directeur de la région Rhône-Alpes, vous assumez la gestion, la
programmation et l’animation de quelque 60 salles de cinéma.

En 1986, vous entrez chez MK2, où vous dirigez les acquisitions, les
investissements et la programmation. Vous vous rapprochez des enjeux
de la production et de la distribution, pendant trois années
passionnantes, auprès de Marin Karmitz. Des années constellées de
magnifiques succès, parmi lesquels Au revoir les enfants de Louis Malle,
La vie est un long fleuve tranquille d’Étienne Chatiliez, Bagdad Café de
Percy Adlon, ou encore Chambre avec vue, de James Ivory. Cette
grande aventure, vous l’avez aussi vécue aux côtés de Claude Chabrol,
avec quelques très beaux succès en salles.

Fort de ces expériences très diverses, vous décidez de créer, avec votre
épouse, et en vous associant notamment avec Louis et Vincent Malle, et
Michel Seydoux, la société Pyramide, qui s’installe très vite dans le
paysage cinématographique français comme l’une des entreprises les
plus solides et les plus représentatives de la passion française pour la
diversité, pour la découverte et pour la qualité. Vous soutenez le cinéma
le plus exigeant, avec notamment Milou en mai de Louis Malle, J’ai
engagé un tueur d’Aki Kaurismaki, et Retour à Howards End de James
Ivory. Depuis, Pyramide a développé son activité, en particulier dans la
production, grâce au talent de Fabienne Vonier, à qui j’adresse à cette
occasion un chaleureux message d’amitié.

Nicolas Seydoux vous entraîne ensuite dans la programmation des
salles Gaumont pendant cinq ans. UGC, MK2, Gaumont. Que vous
restait-il encore à conquérir ?

Vous voilà en 1997 patron de Warner Bros. France. Cela fait donc
maintenant près de dix ans que vous présidez aux destinées de cette
grande entreprise américaine en France. Aux côtés, bien sûr, des films
produits par Warner, comme Le Prestige, de Christopher Nolan, en ce
moment dans les salles, ou Mémoires de nos pères, de Clint Eastwood,
mais aussi aux côtés de la production française, à laquelle vous croyez
et que vous avez toujours soutenue.

Cette volonté d’accompagner, au sein d’une major américaine, le
cinéma français, vous l’avez clairement manifestée, dès le début, à Richard Fox, qui vous a soutenu. Vous ranimez la filiale Productions et
Editions Cinématographiques Françaises, à qui l’on devait La Nuit
américaine, de François Truffaut, pour coproduire La classe de neige,
de Claude Miller.

S’ensuit une longue liste de succès, parmi lesquels Les Âmes grises,
d’Yves Angelo, Chouchou, de Merzak Allouache, Les Bronzés 3, de
Patrice Leconte, mais aussi, bien sûr, Un long dimanche de fiançailles,
de Jean-Pierre Jeunet, qui a connu l’immense succès que l’on sait.

Cette épopée exceptionnelle s’est poursuivie avec le succès du film
dans le monde entier, et en particulier aux États-Unis, mais aussi en
vidéo. Elle est le fruit de votre constante exigence et de votre grand
professionnalisme.

Votre parcours exemplaire est de nature à faire rêver de nombreux
professionnels du cinéma et à susciter bien des vocations, tant il est
riche d’aventures et de succès. Tant est constante, également, votre
volonté de défendre le cinéma de notre pays. C’est à cet engagement
sans faille que la France rend hommage aujourd’hui.

Francis Boespflug, au nom du Président de la République, et en vertu
des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons chevalier de la
Légion d’Honneur.

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