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Inauguration de l’église Saint-Pierre à Firminy

Monsieur le Sénateur-Maire de Saint-Etienne, Président de Saint-Etienne Métropole,
cher Michel Thiollière,

Monsieur le Député-Maire de Firminy, cher Dino Cinieri,

Madame la Vice-Présidente du Conseil régional de Rhône-Alpes, chère Bernadette
Laclais,

Monsieur le Conseiller général chargé de la culture, cher André Cellier,

Monsieur le Préfet,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis très heureux d’être le ministre des créateurs et des architectes.

Inaugurer
aujourd’hui à vos côtés cette église, qui se dresse fièrement au coeur de Firminy,
plus de cinquante ans après son inscription dans le plan d’urbanisme de Firminy
Vert, et plus de trente ans après le lancement du chantier, c’est apporter, tous
ensemble, le point d’orgue à la symphonie architecturale orchestrée par Le
Corbusier, dès 1958.

Depuis l’unité d’habitation jusqu’au stade, qui portent aujourd’hui son nom, depuis la
maison de la culture jusqu’à cette église, où que notre regard se porte, nous
percevons l’empreinte géniale, le style unique, la grande liberté de cet artiste
visionnaire, qui voulait faire de Firminy, selon ses propres mots, un haut lieu des
corps et des esprits.

Ce moment, et ce lieu, revêtent pour moi une signification très particulière. J’ai tenu,
vous le savez, à marquer, jeudi dernier, la commémoration du trentenaire de la
disparition d’André Malraux. Par ses écrits, par son engagement dans la Résistance,
puis auprès du Général de Gaulle, par la création du ministère des Affaires
culturelles, par son amitié, également, avec Le Corbusier, il fut un véritable
précurseur. Il ne sépara jamais, à juste titre, la connaissance, la préservation, la
restauration des monuments historiques, son combat pour les « secteurs
sauvegardés », du développement et du soutien de la création la plus
contemporaine.

La création des « maisons de la culture » reste, encore aujourd’hui,
son grand oeuvre, et une source d’inspiration quotidienne. Parce qu’elles préfigurent,
au fond, nos grands musées d’art contemporain, nos scènes nationales, parce
qu’elles annoncent – la Maison de la culture de Firminy en est un très bel exemple –
ces lieux pluridisciplinaires et transdisciplinaires, qui diffusent, partout, les arts et la
création, et, enfin, parce qu’elles sont le coeur indispensable et déterminant de la
Cité, elles sont la plus belle illustration de cette conviction que « l’Etat n’est pas fait
pour diriger l’art, mais pour le servir ».

Oui, l’architecture est au coeur de la culture, elle est au coeur de la cité, au coeur de
la ville, et d’un projet pour la ville.

Dans l’émouvant hommage qu’André Malraux rendit à Le Corbusier, le 1er
septembre 1965, dans la Cour carrée du Louvre, et que je veux vous citer
aujourd’hui, il le décrivait ainsi : « Ce qui le peint, c'est : "La maison doit être l'écrin
de la vie". La machine à bonheur. Il a toujours rêvé de villes, et les projets de ses
"cités radieuses" sont des tours surgies d'immenses jardins. Cet agnostique a
construit l'église et le couvent les plus saisissants du siècle. Il disait, à la fin de sa
vie : "J'ai travaillé pour ce dont les hommes d'aujourd'hui ont le plus besoin : le
silence et la paix". »

Ce silence, et cette paix, nous les retrouvons aujourd’hui dans cette église
enfin achevée. Le Corbusier n’a pas seulement changé l’architecture. Il a
changé notre vision de l’architecture. Il a changé notre vision de la cité, notre
vision du monde, notre vision de la ville et de la vie.

Achever, et inaugurer aujourd’hui son oeuvre nous rappelle, à tous, la dette
immense que nous avons envers ces génies visionnaires, qui ont
profondément modifié le visage de nos territoires, et insufflé la culture et la
beauté dans toutes nos régions. Cet exemple parmi tant d’autres montre à
quel point l’ambition initiale du créateur des Maisons de la culture, sa vision
de la démocratisation culturelle, est atteinte, et même bien au-delà. Il ne s’agit
plus, comme le disait Malraux, en inaugurant les maisons de la culture, que
« ce qui se passe d’essentiel à Paris » se passe « en même temps » dans les
régions.

Il s’agit bien aujourd’hui que ce qui se passe d’abord dans nos régions, ce qui
se passe ici, à Firminy, à Saint-Etienne, en termes de création artistique et de
diffusion culturelle, puisse aussi se passer à Paris, puis en Europe et dans le
monde.

Je tiens à remercier chaleureusement, pour leur enthousiasme et leur
dynamisme, l’association Le Corbusier pour l’église de Firminy Vert, et son
Président, Dominique Claudius-Petit, à l’origine du projet, qui s’inscrit
pleinement dans la volonté et l’héritage de l’action de son père Eugène
Claudius-Petit, en poursuivant le Sillon qu’il a tracé ici, comme Maire, pendant
dix-huit ans, comme ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme, et
comme parlementaire. Oui, aujourd’hui, nous nous souvenons de Claudius
« la conscience, l’entreprenant, l’engagé, le fraternel, l’écoutant », celui qui
s’est battu sans compter depuis 1940 pour ouvrir deux chantiers que nous
continuons amener à bien l’aménagement du territoire et la construction de
l’Union européenne.

Je tiens à remercier aussi, la Fondation Le Corbusier,
légataire universel de l’oeuvre de l’architecte, et son Président Jean-Pierre
Duport. Je salue également l’engagement, l’action déterminée, et la passion
constante du Député-Maire de Firminy, Dino Cinieri. La qualité et la
détermination de la politique conduite par la Ville de Firminy, mais aussi par
Saint-Etienne Métropole, en faveur de la préservation, de la restauration et –
fait rare – de l’achèvement de ce prestigieux héritage architectural, ont été
décisives pour mener à bien cette vaste et noble entreprise. Je me félicite de
l’engagement de l’Etat à vos côtés, depuis de si nombreuses années.

C’est
grâce à cette fructueuse addition des énergies que le legs de Le Corbusier
connaît aujourd’hui une véritable renaissance et prend tout son sens.
Cet héritage qui est aussi un projet. Il sera ce que vous en ferez. Je sais
qu’une concertation se tiendra très prochainement, entre la Mairie et
l’association Le Corbusier pour l’église de Firminy, au sujet de l’usage de ce
lieu, dans le respect de la laïcité républicaine qui n’est pas la négation de la
religion mais le respect mutuel. Je ne doute pas qu’elle fera naître des
projets, et ouvrira des perspectives et des horizons à la hauteur de ce lieu
d’exception.

Peu de villes concentrent un tel patrimoine, témoin de l’excellence de
l’architecture moderne en France. Nous devons mobiliser tous nos efforts
pour le protéger, le faire vivre, et mieux en partager toute la richesse, toute la
diversité, tout le potentiel, toute l’énergie.

Je constate qu’une démarche collective, émanant de plusieurs villes de
France et du monde entier, en Suisse, en Belgique, en Allemagne, en
Argentine et en Inde, toutes possédant un riche patrimoine Le Corbusier, a
été entreprise afin de demander le classement au patrimoine mondial de
l’UNESCO.

Le dossier « L’oeuvre de Le Corbusier dans le monde » vient d’être examiné,
mercredi 22 novembre, au ministère de la Culture et de la Communication par
le Comité national des biens français du patrimoine mondial, qui a reconnu sa
très grande qualité. Il appartient à présent à la France de décider du dossier
qui sera proposé, au nom de notre pays, à l’inscription sur la liste universelle
du patrimoine mondial auprès de l’UNESCO, au début de l’année 2007. Et
l’arbitrage à rendre sera d’autant plus difficile, d’autant plus délicat, que la
qualité de votre dossier est exceptionnelle.

Vous pouvez être fiers aujourd’hui de mettre en lumière l’oeuvre magnifique
que nous a léguée cet architecte majeur du XXe siècle, et les grands projets
que vous avez conçus pour animer, au XXIe siècle cet écrin rénové d’un
souffle nouveau.

Ces monuments emblématiques sont en effet les témoins de notre histoire,
Malraux disait « les jalons successifs et fraternels de l’immense rêve éveillé
que poursuit la France depuis mille ans ». Ils tiendront leurs promesses s’ils
offrent aussi de nouvelles chances, de nouveaux chemins d’accès à la culture
pour tous et d’ouverture sur le monde pour chacun.

Je vous remercie.

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