Rubrique ‘Discours 2006’

Colloque Les éclaircissements de Pierre Bayle à la Fondation Singer – Polignac

8 novembre 2006

Monsieur le Ministre d’Etat, Membre du Conseil Constitutionnel, Cher
Pierre Joxe,

Mesdames, Messieurs les Professeurs,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis très heureux d’être présent parmi vous, à l’issue de cette journée
passionnante, pour un moment sans doute trop rare dans l’emploi du
temps d’un ministre, un moment de réflexion, où la science, l’histoire et la
philosophie, rappellent que le ministère de la Culture et de la
Communication, qui soutient ces rencontres, est aussi celui des
commémorations nationales, des archives, de la mémoire, du livre et de la
lecture. C’est à ce titre que je suis fier d’apporter ma pierre personnelle aux
travaux éblouissants que vous consacrez à l’un des plus grands penseurs
de l’aube du siècle des Lumières, à ce philosophe essentiel, à la charnière
entre deux siècles si différents, représentatif et précurseur de tout ce qui
fera le génie d’un XVIIIe siècle rationaliste, universaliste, cosmopolite,
foisonnant, progressiste, discursif, révolté, interrogateur de la tradition, et
résolument critique.

Pierre Bayle a défendu peut-être plus que tout autre, et avant tout autre,
les deux clés de ce mouvement capital qui bouleversa le visage de la
France et de l’Europe.

Tolérance et critique, deux dynamiques essentielles, deux principes
inséparables dans la pensée de Pierre Bayle, qu’il a brandis haut et fort,
renvoyant dos à dos les controversistes, au point que certains ont pu le
qualifier de sceptique, deux principes fondateurs de la pensée, du droit et
de la politique modernes. A l’heure de célébrer le tricentenaire de la
disparition de ce grand philosophe, il me paraît bon de rappeler son
ouverture, son goût de la véritable discussion, qui n’est pas celle de ces
« convertisseurs de France » qu’il fustigeait, ceux qui, « après avoir
répondu deux ou trois fois, ne souffraient plus la contradiction. »

Cet esprit critique, cette quête du savoir et de la vérité, cette curiosité
insatiable s’exercent aujourd’hui, grâce à vous, sur son oeuvre, protéiforme,
immense, parfois déconcertante, une oeuvre que vous nous aidez à relire,
à comprendre, à sonder, et dont vous nous dévoilez les multiples facettes.

« Bayle croyant, esprit positif, philosophe rationaliste, Bayle historien,
Bayle protestant, Bayle anti-protestant, Bayle et le rire » : autant de visages
fascinants, autant de façons d’aborder cette personnalité lumineuse et
mystérieuse, ce grand esprit libre et pionnier.

Comment ne pas être touché par cette figure illustre ? Il est des vies
« admirables », au sens propre, qui ne peuvent que nous éblouir, nous
émerveiller, et la vie de Pierre Bayle en fait assurément partie.

Il naît en 1647, trois ans avant la mort de Descartes, en Ariège, au Carla.
Imaginons-nous l’Ariège, dans les débuts du règne de celui qui deviendra
Louis le Grand ? C’est toujours une terre d’hérésie, 400 ans après le
bûcher de Montségur. Les clochers de l’église catholique et romaine
peuvent se dresser fièrement dans la ville proche de Pamiers – il n’y en
aura pas moins de trois, dont celui de Notre-Dame du Camp, celui de
l’inquisiteur Jacques Fournié. La terre est rude, sauvage. Ce n’est pas
pour rien que le département a choisi au XXe siècle la devise de « Ariège,
terre courage ». Il y aura en Ariège des compagnies de louvetiers – et
donc des loups aux abords des agglomérations – jusqu’en 1914 et des
ours, sur les sommets pyrénéens, jusque dans les années cinquante.

Mais l’Ariège, c’est d’abord et avant tout – comme presque tous les pays
montagneux de la « lingua occitania » – une région protestante dans ce
milieu du XVIIe siècle. Dans cette région de vieille culture romaine, de droit
écrit, cela fait un siècle déjà que garçons et filles savent majoritairement
lire, écrire, compter : les monts d’Ardèche, la montagne Noire, l’Aigoual et
les Cévennes, les Pyrénées (et le Mas-d’Azil, le bien nommé !) sont les
refuges des protestants.

Le fils du pasteur du Carla apprend le latin et le grec avec son père.
Certes les loups sont proches et la vie est rude, mais ces montagnes sont
alors, étrangement, des creusets intellectuels. Comme nombre de ses
contemporains, Pierre Bayle mourra probablement de la tuberculose et
d’avoir vécu chichement. On mange mal, peu, on vit dans des conditions
d’hygiène et de confort qui font frémir aujourd’hui, au Carla, en 1650, mais
on pense.

L’enfant chétif est envoyé à l’adolescence par son père à Puylaurens, à
l’Académie protestante qui y a été ouverte pour y transmettre la flamme
de la connaissance. Est-ce à Puylaurens, chez son père ou chez des amis
de ce dernier, que Pierre Bayle fait la connaissance de Montaigne ? Les
Essais l’accompagneront toute sa vie.

Bayle est envoyé à l’Université de Toulouse et il est séduit par la
dialectique des Jésuites, qui sont des hommes habiles. Lui, le fils de
pasteur, abjure en 1669 et se convertit au catholicisme. Quelle épreuve
pour la famille, que ressent-on alors au Carla ? Mais, après dix-sept mois,
il revient au protestantisme !

Dans la France des années 1670, cela veut dire qu’il est « relaps »,
passible, sinon du bûcher, du moins de peines très sévères. Sa famille,
heureuse d’avoir retrouvé le fils prodigue, l’envoie à Genève. Il y vit de
petits métiers – nous dirions aujourd’hui de « petits boulots » – tout en
découvrant Descartes.

En 1675, il décroche la chaire de philosophie à l’Académie protestante de
Sedan. Hélas, cette dernière est supprimée en 1681 ! Comme des milliers
de ses coreligionnaires, quelques années plus tard, il part vers le nord. Il
s’exile à Rotterdam. Ne nous y trompons pas : il a choisi, lui, la patrie
d’Érasme et non les plaines de la Prusse. Il y demeurera jusqu’à sa mort,
vivant d’abord des émoluments – modestes – de la chaire de philosophie
et d’histoire, puis, lorsqu’il en sera chassé en 1693 par les manoeuvres de
son ancien ami protestant, Pierre Jurieu, de sa plume. Il n’a presque pas
de besoins et il meurt pauvre.

Ses écrits, qui le font vivre, soumettent sa famille à de terribles
représailles. Son frère, qui est devenu à son tour le pasteur du village, est
arrêté, emprisonné à Pamiers, puis dans le sinistre Château-Trompette de
Bordeaux, où il meurt peu après. C’est alors que Bayle écrit La France
toute catholique sous le règne de Louis le Grand. Trois ans à peine après
la révocation de l’Édit de Nantes, il écrit ce Commentaire philosophique
sur ces paroles de Jésus-Christ : « Contrains-les d’entrer ».

Contrains-toi de penser, de douter, d’exercer ta raison, est la maxime que
défendra Pierre Bayle, contre la tradition, contre les sectaires : « Ce qui
est propre à l’un ne l’est pas à l’autre ; il faut donc faire la guerre à l’oeil et
se gouverner selon la portée de chaque génie … il faut exercer contre son
esprit le personnage d’un questionnaire fâcheux, se faire expliquer sans
rémission tout ce qu’il plaît de demander ». Si Pierre Bayle affirmait
accomplir un véritable nettoyage des écuries d’Augias en écrivant son
Dictionnaire historique et critique, c’est un travail similaire qu’il souhaitait
accomplir dans les consciences, en balayant les préjugés, la tradition et
les pensées admises sans examen. Devant les savants, les érudits que
vous êtes, c’est l’enseignement principal que je retiens personnellement
de son oeuvre, parce que je pense qu’il est la clé de voûte des autres
principes qu’il a mis en avant, parmi lesquels, en tout premier lieu, la
tolérance et le dialogue. Kant fera quelques temps plus tard de cette
autonomie revendiquée, de ce travail de l’esprit sur soi-même la devise
même des Lumières : « Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton
propre entendement ».

Oui, l’athée peut être vertueux, au même titre que le chrétien. Non, les
dogmes de la religion ne sont pas indispensables à la moralité publique,
comme veulent le faire croire les théologiens, et la religion n’est pas la
cause ou le motif premier et nécessaire des actions humaines. Oui, le
manichéisme part d’une hypothèse absurde et contradictoire, mais il
l’explique : « les expériences cent fois mieux que ne font les orthodoxes
avec la supposition si juste, si nécessaire, si unanimement véritable d’un
premier principe infiniment bon et tout-puissant ». Tels sont aussi, les
« Eclaircissements » que vous mettez en lumière tout au long de ces trois
jours et particulièrement lors de vos lectures croisées de demain.

Aristote, Epicure, Descartes ? « Des inventeurs de conjectures que l’on
suit ou que l’on quitte, selon que l’on veut chercher plutôt un tel qu’un tel
amusement d’esprit. » Le cartésianisme ? « une hypothèse ingénieuse qui
peut servir à expliquer certains effets naturels. » Bayle démonte un à un
les systèmes métaphysiques et religieux, et libère la pensée de tous les
dogmes, par un travail de fourmi, un travail de longue haleine, fruit d’une
vie vouée entièrement à l’étude, et à la critique. « Divertissements, parties
de plaisir, jeux, collations, voyages à la campagne, visites, et telles autres
récréations nécessaires à quantité de gens d’études, à ce qu’ils disent, ne
sont pas mon fait : je n’y perds point de temps. Je n’en perds point aux
soins domestiques, ni à briguer quoi que ce soit, ni à des sollicitations, ni
à telles autres affaires. J’ai été heureusement délivré de plusieurs
occupations qui ne m’étaient guère agréables ; et j’ai eu le plus grand et le
plus charmant loisir qu’un homme de lettres puisse avoir. »

Autoportrait d’un esprit concentré mais curieux, indépendant mais toucheà-
tout, aiguisé mais gourmand, avide de découvrir de nouvelles pensées,
de nouveaux « amusements de l’esprit », à l’image de son oeuvre foisonnante, de son Dictionnaire dont nous n’avons pas fini, comme le
montrent vos travaux, de saisir tout le sens, toutes les facettes. Cette
oeuvre monumentale, depuis ses préfaces successives jusqu’aux
Eclaircissements que vous examinez aujourd’hui, depuis Aaron jusqu’à
Constantin Huygens, Seigneur de Zuylichem, permet en effet des
cheminements infinis, à travers ses digressions, ses notes, ses renvois
innombrables, précurseurs de notre hypertexte moderne et symbole de
l’appétit sans fin de connaissance de son auteur. Sainte-Beuve, dont nous
avons célébré, il y a deux ans, le bicentenaire, autre commémoration
nationale soutenue par le ministère de la Culture et de la Communication,
a fait de Pierre Bayle le représentant au plus haut point du « génie
critique ». Il ne le décrivait pas autrement : « le génie critique n’a rien de
trop digne, ni de prude, ni de préoccupé, aucun Quant à soi. Il ne reste
pas dans son centre ou à peu de distance ; il ne se retranche pas dans sa
cour, ni dans sa citadelle, ni dans son académie ; il ne craint pas de se
mésallier ; il va partout, le long des rues, s’informant, accostant, la
curiosité l’allèche, et il ne s’épargne pas les régals qui se présentent. »

Oui, ce « génie critique » est, pour moi, la pierre angulaire de tous les
principes novateurs qu’il a courageusement défendus, ce génie, comme
l’écrivait également Sainte-Beuve, « dans sa pureté et son plein, dans son
empressement discursif, dans sa curiosité affamée, dans sa sagacité
pénétrante, dans sa versatilité perpétuelle et son appropriation à chaque
chose : ce génie, selon nous, domine même son rôle philosophique et
cette mission morale qu’il a remplie ; il peut servir du moins à en expliquer
le plus naturellement les phases et les incertitudes. »

De ce génie découle son combat pour la tolérance, contre les crimes et
les barbaries infligées au nom de Dieu, dont son Dictionnaire est rempli.

De lui encore découle la vision d’une société vertueuse, gouvernée par la
raison et non plus par les dogmes, premiers jalons, signes avantcoureurs,
éclaireurs de la laïcité, devenue l’un des piliers les plus
essentiels et les plus actuels de notre édifice républicain. De cette rigueur
de l’exercice critique, et de l’idéal de discussion que Bayle défendit, et qui
anima pendant trois ans le journal Nouvelles de la République des Lettres,
nous devons une conception pionnière de la liberté d’expression, de
l’impossibilité morale de justifier la persécution et de la circulation des
idées, et une certaine idée de l’Europe des esprits et de la culture, que
nous appelons tous de nos voeux aujourd’hui.

Critique, liberté, autonomie, tolérance, dialogue et ouverture à l’autre et au
monde, tels sont donc les enseignements, très actuels, que je retiens de
l’oeuvre de Pierre Bayle. Tels sont également les principes que vous
perpétuez dans votre illustre et savante assemblée, et je tiens à féliciter la
Fondation Singer-Polignac d’accueillir ce séminaire européen et
international, dans ce magnifique établissement, qui est l’un des foyers
vivants de l’intelligence et de la création.

Enfin, je ne puis conclure cette intervention sans adresser, en mon nom
personnel et en notre nom à tous, un message très chaleureux de
respect, d’admiration et d’amitié à Edouard Bonnefous, qui est à la fois le
Président de la Fondation et l’âme de ce lieu où souffle l’esprit.

Je vous remercie.

Colloque Les champs de confrontation de l’audiovisuel de demain à la Maison de la Chimie

8 novembre 2006

Monsieur le Président du Conseil supérieur de l’Audiovisuel, cher
Dominique Baudis,

Monsieur le Député, cher Emmanuel Hamelin,

Madame la Présidente, Messieurs les Présidents,

Mesdames, Messieurs,

Evoquer, tout au long de cette journée de réflexion, « les champs de
confrontation de l’audiovisuel de demain » c’est reconnaître que le monde
audiovisuel est entré de plain pied dans la révolution numérique. Bien plus
que d’une simple innovation technologique, il s’agit d’une véritable
révolution pour nos concitoyens. La numérisation permet d’améliorer la
qualité de réception, elle permet de multiplier l’offre de programmes de
télévision, elle modifie aussi la façon de regarder ces programmes. Grâce
aux nouvelles technologies, les téléspectateurs gagnent en liberté : les
enregistreurs à disque dur leur permettent un visionnage en différé, la
vidéo à la demande autorise un vaste choix au sein d’un catalogue de
programmes, bientôt la télévision mobile personnelle permettra de regarder
les chaînes de télévision en situation de mobilité.

Face à ces évolutions, le cadre législatif et réglementaire doit s’adapter.

Tel
est l’enjeu de la révision de la directive « Télévision sans frontières », dont
la Commission européenne a proposé d’étendre le champ d’application à
l’ensemble des services de médias audiovisuels, c'est-à-dire non
seulement à la télévision, comme c’est le cas de l’actuelle directive, mais
également à l’ensemble des services dits, en langue bruxelloise, « non
linéaires », autrement dit la « la vidéo à la demande » et ses avatars.

A mes yeux, cette extension du champ d’application de la directive est
fondamentale. Dans le contexte actuel de la convergence, où les mêmes
contenus peuvent être proposés sur des plates formes différentes, plus
complémentaires que concurrentes, il s’agit de s’assurer que les règles du
jeu sont égales pour tout le monde.

La promotion de la diversité culturelle, désormais inscrite et reconnue dans
le droit international comme un principe d’action, est au coeur de notre
politique. La Commission l’a inscrite comme l’un des objectifs s’appliquant
à l’ensemble des services de médias audiovisuels. La révision de la
directive constitue une formidable occasion pour traduire concrètement les
objectifs que les États se sont fixés lors de l’adoption de la Convention sur
la préservation et la promotion des expressions culturelles à l’UNESCO.

Ainsi paraît-il normal et souhaitable que les nouveaux services, et
notamment la vidéo à la demande, soient mis à contribution, selon des
modalités propres, pour le soutien de la production audiovisuelle et
cinématographique. Il ne s’agit pas de reproduire à l’identique le système
de quotas qui existe pour les services de télévision classique, mais de
prévoir des mécanismes adaptés aux caractéristiques de ces nouveaux
médias. Je pense en particulier aux investissements dans la production
européenne, et à l’exposition des oeuvres européennes dans les
catalogues.

Alors qu’elle rencontrait de vives réticences de la part de certains de nos
partenaires européens, l’extension du champ d’application de la directive,
ainsi que l’objectif d’une contribution à la diversité culturelle par les
nouveaux services, est en passe de recueillir l’adhésion du Parlement
européen et de l’ensemble des Etats membres. Il s’agit d’une étape
importante et je m’en réjouis. Mais rien n’est jamais acquis avant
l’adoption définitive et il convient de rester vigilant. Soyez assurés que le
Gouvernement français continue ses efforts en vue de consolider ces
dispositions. Vous le savez, je ne manque pas d’énergie !

L’intitulé de votre colloque fait référence à des confrontations, des
oppositions. Je préfère situer mon action dans la perspective d’une
adaptation nécessaire et comprise par tous. C’est pourquoi, à l’heure où
les modèles économiques se transforment, je suis convaincu de la
nécessité de moderniser les modalités de contribution de la télévision
payante au compte de soutien aux industries cinématographiques et
audiovisuelles. Une réflexion s’est engagée. Je souhaite qu’elle se
poursuive et puisse aboutir.

Je souhaite également que l’accord sur la vidéo à la demande, qui est
intervenu l’année dernière entre les ayants-droit et les fournisseurs
d’accès, puisse être renouvelé et amélioré afin que se développe encore
davantage une offre attractive et diversifiée de téléchargement légal de
films, désormais rendue possible par la loi.

Venons-en maintenant à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à
la télévision du futur, qui, je le sais, sont au coeur de vos préoccupations
et de vos débats d’aujourd’hui.

J’ai présenté au conseil des ministres du 26 juillet dernier le projet de loi
relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du
futur. La conférence des présidents de la Haute Assemblée a permis que
ce projet de loi puisse être examiné au Sénat les 20, 21 et 22 novembre.

L’Assemblée nationale pourrait, pour sa part, l’examiner à la fin du mois
de janvier prochain. Je tiens à souligner combien il est important que la loi
soit votée début 2007. En effet, la France a déjà trop de retard par rapport
à ses voisins européens en matière d’offres de programmes : elle est le
seul grand pays européen où plus de 80 % des téléspectateurs ne
regardent encore que six chaînes. Or le succès spectaculaire de la TNT,
facilité par les choix qui ont été faits par le Gouvernement, témoigne que
le public est en attente forte d’une offre gratuite beaucoup plus riche. Si la
loi et le calendrier volontaire qu’elle fixe n’étaient pas adoptés au début de
l’an prochain, la conséquence serait de retarder sans doute encore de
plusieurs années la mutation de notre paysage audiovisuel. Les Français
ne comprendraient pas qu’on les empêche de bénéficier d’une offre
gratuite trois plus riche que celle dont ils disposent actuellement.

Deux principes fondent le projet de loi :

– Premièrement, le basculement inéluctable de l’analogique vers le
numérique ne peut avoir lieu que si pour chacun des Français les
conditions pour qu’il reçoive la télévision numérique sont réunies, tant en
termes de couverture du territoire que d’équipement. Tous les citoyens
doivent pouvoir recevoir la télévision numérique ! Pour les plus démunis, qui n’ont pas les moyens de s’équiper, un fonds d’aide sera créé. Et le
lancement d’une offre gratuite par satellite doit permettre à chacun de
recevoir sans abonnement l’ensemble des chaînes gratuites de la TNT
dans les zones où celle-ci ne sera pas diffusée par voie hertzienne
terrestre. La couverture de l’ensemble du territoire métropolitain
conditionne le basculement complet de l’analogique au numérique, et
chaque moyen de diffusion, terrestre, satellitaire, adsl, aura son rôle à
jouer.

– Deuxièmement, le passage au numérique sous toutes ses formes, c’est-à-
dire aussi bien la télévision numérique, en haute définition, que la
télévision mobile personnelle, doivent contribuer au développement de la
création audiovisuelle et cinématographique française.

L’extinction de la diffusion analogique suivra un calendrier démarrant en
mars 2008 pour s’achever en novembre 2011. Le gouvernement a choisi
de mettre en place un mécanisme incitatif. Le projet de loi prévoit que les
autorisations des éditeurs TNT seront prolongées, dans la limite de cinq
ans, en contrepartie d’engagements sur le déploiement de complément de
couverture, au-delà des 115 émetteurs prévus par le Conseil supérieur de
l’audiovisuel.

Quant à l’extinction de la diffusion analogique, elle est indispensable au
développement de nouveaux services. En effet, seul un basculement
complet vers le tout numérique permettra de libérer l’ensemble des
fréquences nécessaires au déploiement plein et entier de ces services.

Je
pense en particulier à la télévision mobile personnelle : si le CSA a pu
identifier un réseau dit « M7 » sur lequel il serait possible de lancer des
services de télévision mobile, sa couverture n’en reste pas moins limitée.
Les enjeux sont considérables, aussi bien pour nos concitoyens que pour
la création et pour le dynamisme technologique de notre pays.

C’est pourquoi sans plus attendre, je vais lancer dans les jours qui
viennent, avec mon collègue François Loos, une consultation publique
afin de recueillir l’avis des acteurs sur la ou les normes qu’il convient de
fixer pour la télévision mobile personnelle. Il s’agit, à l’heure où ces
services se développent chez nos voisins, que l’Etat prenne ses
responsabilité pour être au rendez-vous et permettre leur lancement en
France dans les meilleurs délais.

Je pense également à la haute définition. La place rendue disponible par
l’utilisation de la norme MPEG-4 par les chaînes payantes, que ce soit sur
les multiplexes déjà en service ou le fameux « R5 », permettra certes de
lancer un nombre significatif de chaînes en haute définition.

La mise en oeuvre volontaire et déterminée de ce basculement implique,
comme l’a clairement indiqué le Conseil d’Etat, une compensation, de
nature à permettre l’extinction anticipée des autorisations délivrées aux
chaînes nationales en analogique. Il s’agit d’un canal additionnel qui leur
sera attribué par le CSA, si elles le demandent, et si elles respectent le
principe de pluralisme, au moment de l’extinction de l’analogique, en
2012. Dois-je rappeler l’intérêt de cette mesure, tant pour les
téléspectateurs que pour la production audiovisuelle et
cinématographique, puisque ces chaînes devront y contribuer ?

C’est parce que les contenus seront forts, attractifs et diversifiés que
l’innovation technologique se diffusera à travers l’ensemble de la société.

Mais pour que ces programmes soient attractifs, il est nécessaire que
l’innovation technologique garantisse leur financement.

J’ai voulu que le projet de loi prenne pleinement en compte cet enjeu
essentiel. Ce texte doit bénéficier à la création et à la diversité culturelle.

C’est ainsi que la taxe abondant le compte de soutien à l’industrie des
programmes sera majorée pour les éditeurs des chaînes de télévision en
haute définition ou mobile, respectivement de 0,2% et de 0,1%. De même,
pour l’autorisation des chaînes en haute définition, le premier critère
portera sur les engagements en production de programmes. Je souhaite
par ailleurs que le compte de soutien du CNC aide les productions en
haute définition et celles destinées à la télévision mobile.

Le projet de loi prend en compte que l’innovation technologique permet
l’apparition de programmes d’un genre inédit : il prévoit que le CSA
réservera une part appropriée des fréquences disponibles à des services
innovants. Il prévoit également, sous le contrôle du CSA, une adaptation
progressive des formats aux nouvelles formes de télévision. Enfin, il
préserve le « dividende numérique », en confiant au Premier ministre le
soin de ré-affecter, au cas par cas, les fréquences ainsi libérées.

Un autre enjeu important, au coeur de ce projet de loi, est l’avenir de la
télévision publique. Ne nous y trompons pas : celle-ci a un rôle majeur à
jouer, aussi bien dans l’extension de la couverture de la TNT que dans le
développement des nouvelles formes de télévision, notamment de la
haute définition et de la télévision mobile personnelle. Ce sera l’un des
axes importants des contrats d’objectifs et de moyens de France
Télévisions et d’Arte, en cours de discussion et que l’Etat et les
entreprises souhaitent finaliser avant la fin de l’année.

Telles sont les lignes de force de l’engagement de l’Etat, aux côtés de
tous les acteurs du secteur, pour préparer, dès aujourd’hui, non pas les
confrontations, mais la construction de l’audiovisuel de demain.

Je vous remercie.

Pose de la première pierre du Centre Pompidou-Metz

7 novembre 2006

Madame, chère Claude Pompidou,

Monsieur le Ministre, Monsieur le Maire de Metz, Président de la Communauté
d’Agglomération de Metz Métropole, cher Jean-Marie Rausch,

Monsieur le Vice-Président du Conseil régional de Lorraine,

Monsieur le Vice-Président du Conseil général de Moselle,

Monsieur le Président du Centre national d’art et de culture Georges Pompidou,
cher Bruno Racine,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Il est des moments forts, des moments rares, de très grands moments de fierté et
d’émotion. Je suis particulièrement heureux d’être présent parmi vous aujourd’hui
pour partager ce moment exceptionnel. Cette première pierre du Centre Pompidou,
que nous posons ensemble, à Metz, marque le début d’une très belle aventure,
dont le succès réside dans l’engagement et la passion qui animent chacun de ses
partenaires, dans l’addition, dans le rassemblement de toutes les énergies.

C’est une très grande fierté pour les élus et pour tous les habitants de cette cité, de
ce département, de cette région, dont le visage ne cesse de se transformer, de
permettre l’émergence de ce nouveau haut lieu de culture, de découvertes, de
créations, de rencontres, et d’échanges.

Au coeur de l’Europe, au carrefour d’axes majeurs de circulation transfrontières,
dans cette ville d’art et d’histoire, si belle, qui a délibérément choisi la France et
l’Europe pour horizon de son développement et de son rayonnement, dans cette
ville qui a vu naître, entre autres créateurs illustres, Paul Verlaine et Bernard-Marie
Koltès, s’élèvera bientôt, au sein d’un quartier rénové, le Centre Pompidou-Metz.

Cette institution constituera assurément un atout supplémentaire, un atout décisif
pour la notoriété et le rayonnement, dans toute l’Europe, de la Ville de Metz, de
son agglomération, et de la Lorraine toute entière. Il viendra enrichir la belle vitalité
culturelle de cette cité, qui attire un public, varié, venu non seulement de France
mais aussi de Belgique, d’Allemagne, du Luxembourg tout proche, grâce
notamment à son prestigieux Arsenal, sans doute l’un des plus beaux ensembles
de salles de concerts en Europe, grâce aussi aux spectacles d’art vivant, d’art
lyrique de l’un des plus anciens théâtres de France et d’Europe en activité, l’Opéra-
Théâtre de Metz.

Le Centre national d’art et de culture Georges Pompidou est l’une des plus
grandes institutions françaises. Il jouit d’une renommée internationale, son nom et
son prestige résonnent et rayonnent, bien au-delà de nos frontières, dans toute
l’Europe, outre-Atlantique et jusqu’en Chine, où vous étiez, cher Bruno Racine, à
mes côtés, il y a une dizaine de jours, pour répondre à l’engouement qu’il suscite
chez nos amis chinois.

Le Centre Pompidou abrite en effet, vous l’avez dit, l’une des plus importantes
collections d’art moderne et contemporain d’Europe et du monde entier, une
collection de plus de 50 000 oeuvres. C’est une référence mondiale et originale,
tant pour la diversité des artistes que pour celle des disciplines représentées.

Conformément à l’inspiration et à la volonté de Georges Pompidou, le Centre
qui porte son nom est un véritable emblème de l’ouverture, du
décloisonnement, de la pluridisciplinarité, du dynamisme, de l’audace créatrice.

Selon le dessein de Georges Pompidou, il se doit d’être en permanence le reflet
de son époque, de prendre le pouls des évolutions de notre société, et
d’anticiper les mutations futures. Le développement de l’Europe de la culture et
la mondialisation de la vie artistique le conduisent aujourd’hui, à la veille du
trentième anniversaire de sa création, à se projeter dans l’avenir, par ce geste
ambitieux, qui élargit encore ses horizons et ses missions, dans la fidélité à
l’esprit de son fondateur, que je voudrais maintenant évoquer devant vous tous
et en particulier devant vous, Madame, qui avez non seulement partagé la vie
de Georges Pompidou, mais aussi ses talents, ses valeurs humaines, son
insatiable curiosité, sa disponibilité sans faille, son ouverture, qui font qu’avec
lui, qu’avec vous, aucune rencontre n’est banale, et il n’est aucune occasion
dont on ne puisse tirer un enseignement.

Je veux évoquer l’extraordinaire intelligence, éblouissante, rayonnante,
l’humanité, le sourire, le regard, le visage de cet homme. Permettez-moi
d’évoquer un moment qui m’a personnellement profondément touché.

C’était ce
jour de septembre 1969, lors de cette conférence de presse solennelle, au
palais de l’Elysée, où, interrogé sur Gabrielle Russier, qui venait de se donner
la mort, Georges Pompidou cite Eluard :

« Comprenne qui voudra !
Moi, mon remords, ce fut
la victime raisonnable
au regard d'enfant perdue,
celle qui ressemble aux morts
qui sont morts pour être aimés. »

Georges Pompidou nous a aussi légué, vous a légué, cette exigence, cette
qualité, cette faculté de reconnaître le travail des artistes de toutes les époques
et singulièrement de la nôtre, traversée par « cette recherche crispée et
fascinante du nouveau et de l’inconnu », selon ses propres termes. Oui, l’art,
tous les arts, ont été, tout au long de sa vie, sa nourriture quotidienne, ils sont
votre nourriture quotidienne, Madame. Et vous aimez la compagnie des artistes
et de leurs oeuvres.

Nous pouvons tous ici témoigner de votre inlassable curiosité pour toutes les
formes esthétiques nouvelles, pour toutes les créations et pour tous les
créateurs, car pour vous les oeuvres d’art et de culture ne sont pas séparables
des hommes et de la vie, même et surtout quand elles mettent la condition
humaine en perspective. C’est pourquoi la culture est pour vous un art de vivre,
une véritable quête de sens, que vous portez avec l’élégance qui vous est
consubstantielle.

Et nul n’a mieux décrit l’esprit du Centre qui porte le nom de votre mari, et que
vous fréquentez souvent, avec votre intelligence, votre rayonnement, votre
exigence, que vous-même, lorsque vous dîtes qu’il a été conçu par lui comme
un orchestre, où tous les instruments participent à créer une seule entité
vivante, accueillant toutes les formes de culture contemporaine, pour les mettre
en regard et en perspective.

Je veux simplement vous dire, Madame, combien nous sommes tous sensibles
à votre présence et combien la vision fondatrice de Georges Pompidou, d’un
décloisonnement entre les arts, d’une culture qui soit un foyer permanent de
rayonnement et d’attraction nationale et internationale, nous inspire aujourd’hui.

Et parce que je sais combien vous partagez la passion de votre mari pour la
poésie, j’ai extrait de son Anthologie, qui nous accompagne chaque jour, ces
quelques vers que je vous dédie aujourd’hui, Madame. C’est un hymne à la
liberté, à la création, à l’audace que symbolise l’implantation du Centre
Pompidou à Metz, ce sont les paroles d’Apollinaire, cet appel à tous ceux qui
« combattent aux frontières de l’illimité et de l’avenir » :

« Nous voulons vous donner de vastes et d’étranges domaines
Où le mystère en fleurs s’offre à qui veut le cueillir
Il y a là des feux nouveaux des couleurs jamais vues
Mille phantasmes impondérables
Auxquels il faut donner de la réalité. »

Je tenais à rendre cet hommage au grand homme d’Etat, au grand homme de
culture, au grand homme de lettres, que fut Georges Pompidou.

Au coeur du projet du Centre Pompidou, il y a cette présence, ce mouvement,
cet appel à la participation de tous, de toutes les disciplines, de tous les publics.

C’est un privilège justifié qu’un tel projet prenne racine dans une ville comme
Metz, dans cette région de Lorraine dont Georges Pompidou avait déclaré ici
même, le 14 avril 1972, qu’elle était, de toutes les régions françaises, celle qu’il
avait le plus souvent visitée et son apostrophe d’alors, lui qui portait cette vision
de la vocation européenne et culturelle de Metz et de la Lorraine, que vous
incarnez aujourd’hui, son appel à la volonté, son acte de foi en l’avenir,
demeurent plus que jamais actuels.

La première pierre que nous posons ensemble aujourd’hui est celle de la
fondation d’un édifice qui exprime cette confiance en l’avenir, en prolongeant
cet acte de foi. C’est celle de la première décentralisation d’un établissement
public culturel en France, avec celle du Louvre à Lens, dont le chantier est déjà
entamé.

J’y vois le signe d’une volonté très forte de l’Etat et de nos plus grandes
institutions de diffuser plus largement leurs oeuvres sur tout le territoire, en
créant non pas de simples antennes, mais de véritables nouveaux lieux de
culture.

Le Centre Pompidou-Metz s’appuiera sur les si riches collections du Centre
Pompidou et du Musée national d’art moderne en particulier. Mais il ne sera pas
une simple réplique de la « maison mère », il en sera une émanation innovante,
qui transposera à Metz ce qui a fait la réussite du Centre à Paris. Les
collections d’art moderne et contemporain, bien entendu, en premier lieu, mais
aussi une programmation ambitieuse, pluridisciplinaire, multiculturelle, ouverte
à tous les publics, à toutes les générations, à toutes les créations et – pourquoi
pas ? – à la confrontation des oeuvres et des regards de toutes les époques,
dans cette ville où s’est forgée l’histoire de l’Europe. Avec sa vie et son identité
propres, cette nouvelle institution s’intégrera pleinement à la ville de Metz, à la
communauté d’agglomération de Metz-Métropole, au département de la
Moselle, à la Région Lorraine, tout en étant tournée vers ses voisins européens.

Vous montrerez ici combien la culture est un levier fantastique pour le
développement d’une ville et d’une région, un facteur formidable d’attractivité,
de rayonnement, et de lien social. J’ajoute que l’élu de Tours que je suis est un
peu jaloux de la ville de Metz !

Ce nouveau lieu de culture est résolument tourné vers l’avenir, la création et
l’innovation, comme en témoigne le bâtiment exceptionnel imaginé par Shigeru
Ban, dont la liberté, l’inventivité, mais aussi le respect de l’environnement
comme de l’homme, président à toutes les créations, et Jean de Gastines, avec
lequel il collabore pour toutes ses réalisations en France. Depuis leur studio de travail, installé sur la terrasse du 6e étage du Centre Pompidou, ils nous
proposent un geste architectural audacieux, puissant, à l’image, et à la hauteur,
de l’institution qui l’a inspiré. Leur édifice de verre, de métal, d’acier et de bois,
tout en transparence et en légèreté, symbolise l’ouverture, le brassage des
cultures cher au Centre Pompidou, mais aussi la proximité avec
l’environnement. Une proximité recherchée et revendiquée, grâce à la Haute
Qualité Environnementale du bâtiment, qui prouve par l’exemple, combien la
culture est au coeur du développement durable, comme le Président de la
République en avait eu l’intuition, dès le sommet de Johannesburg en 2002.

Avec ses espaces d’exposition de 5000 mètres carrés, présentant des oeuvres
de toutes les disciplines – peintures, sculptures, installations, vidéos, films,
maquettes d’architecture, design –, mais aussi son auditorium, qui permettra
l’organisation de conférences et de projections, son studio de création, dédié au
spectacle vivant et aux installations, sa librairie-boutique et son restaurant, le
Centre Pompidou-Metz sera avant tout un véritable lieu de vie, de rencontres,
de découverte. Un lieu unique en France et en Europe. Je tiens à féliciter toutes
les équipes et tous les talents qui s’y consacrent dès aujourd’hui, au premier
rang desquels je tiens à citer Alfred Pacquement, Directeur du Musée national
d’art moderne, et bien sûr, Laurent Le Bon, conservateur au Centre Pompidou
et l’un de nos plus éminents spécialistes d’art moderne et contemporain, qui se
dévoue à ce projet.

Comme le disait Pontus Hulten, ancien directeur du musée national d’art
moderne du centre Georges Pompidou, et l’une des figures majeures de la vie
artistique du vingtième siècle, qui vient de disparaître, « le premier souci d’un
conservateur, (…) doit être de se constituer un public. C’est une démarche
passionnelle. Il faut, pour s’insérer dans la texture sociale d’une communauté,
employer tous les moyens et toutes les stratégies. Il faut surtout aimer le public
qui perçoit par toutes sortes de signes, pas obligatoirement identifiables, ce qui
lui est offert. L’une des grandes inventions du Centre, par exemple, ce fut
l’ouverture jusqu’à 10 heures du soir. Avant cela, on allait au musée entre deux
activités. Là, on terminait sa journée au musée, ce qui fut l’un des éléments du
succès ». C’est dire combien le fonctionnement, le projet artistique et culturel ne
sont pas séparables de l’édifice que vous allez bâtir ici.

Au sein du nouveau quartier de l’Amphithéâtre, à côté de la gare TGV et en
lisière du centre ville, le Centre Pompidou-Metz marquera en effet la présence
de la culture au coeur de la cité. Il constituera la pièce maîtresse d’un
programme de requalification urbaine ambitieux, confié à l’architecte-urbaniste
Nicolas Michelin. Le quartier de l’amphithéâtre, tel qu’il l’a conçu, réalise une
véritable utopie urbaine, qui fera de ce quartier hier en friche un pôle
d’excellence, respectueux de l’environnement, convivial et à la pointe de
l’innovation. Education, économie, culture, environnement : ce nouveau Centre,
ce nouveau quartier, seront le symbole vivant de l’audace et de la création, de
la France de l’intelligence, de l’attractivité de notre pays, au coeur de l’Europe.

Je me félicite de cette ambition, à la fois européenne, régionale et urbaine, et je
suis très heureux que l’Etat, et en l’occurrence le ministère de la Culture et de la
Communication, ait soutenu cette très belle aventure. Et, je le disais tout à
l’heure, la clé de la réussite de ce très beau projet réside dans la passion qui
anime chacun de ses partenaires, et la force des liens qui les unissent.

Je tiens
à saluer chaleureusement Jean-Marie Rausch, tout particulièrement, Maire
bâtisseur et visionnaire de la Ville de Metz, mais aussi la Communauté
d’agglomération, le département de la Moselle et la Région Lorraine, leurs élus,
leurs équipes, qui ont rendu cette belle utopie réalisable, en ne ménageant pas
leur soutien et en témoignant de la force permanente et créatrice du dialogue et
de la volonté collective. A l’heure de poser cette première pierre, je suis
heureux que ce dialogue entre tous les partenaires se poursuive, afin que nous
donnions, ensemble, à cette nouvelle institution, tous les moyens de se
développer pleinement, conformément à l’ambition dont elle est le symbole.

Parmi les projets de proximité qui font écho au nouveau Centre et qui entrent
en résonance avec lui, je suis particulièrement sensible à la volonté des élus
d'engager bientôt la construction d'une vaste médiathèque, à l'échelle des
besoins de l'agglomération et de la région Lorraine, aussi bien en matière de
lecture publique que de valorisation des collections patrimoniales. Je peux
aujourd'hui vous confirmer que cet ambitieux projet, le moment venu, a vocation
à recevoir un soutien significatif de l'Etat, dans le cadre du dispositif spécifique
destiné au financement des opérations d'intérêt national ou régional, dispositif
dont j'ai soutenu la création, au travers de la réforme des aides de l'Etat aux
bibliothèques territoriales.

Et parce que le Centre a vocation à tisser des liens, à créer des synergies
fécondes avec les autres lieux qui font la fierté de cette région, je salue
également tous ses partenaires culturels, l’Arsenal et les Musées de la cour
d’or, à Metz, mais aussi, à l’échelle départementale, les centres d’art, et
notamment la synagogue de Delme, et au niveau régional, le FRAC Lorraine,
sans oublier le très beau musée des Beaux-Arts de Nancy, spécialisé dans le
XXe siècle. Je suis également convaincu que le Centre Pompidou-Metz saura
tisser des liens féconds avec le musée de la Sarre, à Sarrebruck, où j’ai eu la
chance d’inaugurer l’exposition « Etrangement proche », en juin 2004, ainsi
qu’avec le Musée d’art moderne de Luxembourg, qui font aussi partie de cette
belle aventure européenne, de cette grande ambition culturelle.

Je vous remercie.

Présentation du Budget de la mission Média à l’Assemblée nationale

2 novembre 2006

Messieurs les Présidents,

Monsieur le Rapporteur spécial,

Madame le Rapporteur pour avis,

Mesdames, Messieurs les Députés,

Je suis très heureux de vous présenter aujourd’hui le troisième projet de
budget que je soumets à vos suffrages, et le dernier de cette législature.
Je suis heureux aussi de voir cette mission examinée dans le cadre d’une
commission élargie, formule qui laisse encore plus de temps pour un débat
approfondi entre le Gouvernement et la représentation nationale.

Aussi ai-je tenu, au-delà du seul exercice 2007, qui est parfaitement
analysé dans les rapports de Patrice Martin Lalande et de Chantal
Bourragué, et sur lequel nous reviendrons probablement dans le débat, à le
placer dans la perspective des deux exercices précédents et des enjeux
d’avenir d’un secteur dont je n’ai pas besoin de vous rappeler la place
importante, éminente, croissante, qu’il tient dans la vie quotidienne de nos
concitoyens.

Dans ce secteur comme dans les autres, ce projet de budget, comme
les précédents, traduit une politique. Et la politique que je mène, dans
l’ensemble des domaines dont j’ai la charge, en faveur de la diversité
culturelle, de la création, de l’emploi, de la multiplication des offres de
programmes et de la défense du pluralisme se traduit également dans
le budget des médias.

Le domaine des médias, dans son ensemble, est, vous le savez, en
plein bouleversement. Il connaît des mutations rapides, accélérées,
brutales parfois, liées aux extraordinaires progrès technologiques, qui
multiplient, diversifient, transforment les usages et qu’il nous faut non
seulement comprendre, observer, analyser, mais surtout anticiper et
accompagner.

Jamais sans doute depuis bien longtemps ce secteur des médias
n’avait connu, en trois ans, autant d’évolutions, aussi rapides, aussi
profondes, aussi concrètes, impliquant autant d’actions, de réformes, de
modernisations de la part des pouvoirs publics, et notamment du
gouvernement et de la Représentation nationale.
Je ne citerai que deux exemples.

En premier lieu, l’essor de l’internet, désormais présent dans la vie
quotidienne, à la fois professionnelle et personnelle des Français,
dans plus d’un foyer sur deux, et majoritairement en haut débit. Ceux
d’entre vous qui ont voté la loi sur le droit d’auteur et les droits
voisins dans la société de l’information peuvent être fiers d’avoir
adapté notre législation pour protéger et garantir les droits des
créateurs, en permettant le développement d’une offre légale
nouvelle, face à cette nouvelle donne de l’internet, marquant
l’avènement de l’ère numérique qui concerne désormais chaque
média et chaque Français.

Les décrets d’application de ce texte sont
tous en cours de rédaction et font l’objet d’un travail interministériel
intense avec l’objectif partagé d’être publiés entre la fin du mois de
novembre prochain et le début de l’année 2007. Je pense en
particulier au décret portant création de l’Autorité de régulation des
mesures techniques qui sera prêt avant le fin de l’année en vue
d’une installation de cette autorité au tout début de l’année 2007.

Le deuxième exemple qui vient immédiatement à l’esprit est bien sûr
celui de la télévision. Jamais sans doute depuis vingt ans le paysage
audiovisuel français n’avait été autant bouleversé. Le lancement
réussi de la télévision numérique terrestre a multiplié le nombre de
chaînes gratuites par trois, passant de six à dix-huit. Elle n’est pas le
fruit d’une génération spontanée, ni du seul progrès technique, mais
avant tout d’une volonté politique forte, de choix politiques et
techniques, politiquement assumés, par ce gouvernement et la
majorité parlementaire. Parmi ces choix, il y a bien sûr, les choix
budgétaires qu’il vous revient de décider.

J’insiste sur ce point : jamais une majorité n’avait permis la création
d’autant de chaînes. Cela se traduit positivement pour le
téléspectateur, qui bénéficie d’une offre élargie. C’est également très
positif pour le monde de la création et les entreprises de production,
qui représentent des emplois et s’intègrent dans une stratégie
globale d’attractivité de notre économie.

Ces résultats, Monsieur le Président de la commission des finances,
aussi positifs soient ils, n’ont pas pour corollaire une explosion sans
contrôle des deniers publics affectés notamment à l’audiovisuel
public.

Il ne s’agit pas pour moi d’affirmer devant votre commission que mon
budget est bon parce qu’il augmente. Il s’agit pour moi d’affirmer que
toute augmentation des ressources que je soumets à votre vote et à
votre contrôle, sont des ressources flechées et clairement
identifiées.

Deux exemples illustrent mes propos :

– l’extension de la démarche contractuelle : je sais que vous y tenez
beaucoup. Moi aussi. Les contrats d’objectifs et de moyens
n’enlèvent rien à votre contrôle annuel, et ils permettent au
législateur, comme aux entreprises publiques de l’audiovisuel, de
définir une stratégie sur plusieurs années ;

– le fléchage des dépenses supplémentaires : l’augmentation de 20
millions d’euros que vous avez voté à la suite d’un arbitrage du
Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, lors de la loi de finances rectificatives 2006 avait du sens. Elle a permis une contribution
directement affectée aux programmes d’Arte et de France Télévision
pour leur permettre un passage à la TNT dans de bonnes conditions.

En d’autres termes, Monsieur le Président de la commission des
finances, toute demande de financement supplémentaire doit
correspondre à une prorité clairement identifiée et productive. Je
partage avec vous cette exigence.

Par ailleurs, les décisions politiques du gouvernement, sous l’impulsion
du Président de la République, et les choix budgétaires adoptés par la
majorité parlementaire ont aussi permis la création de la chaîne
française d’information internationale, qui s’appelle depuis cet été
France 24, et qui commencera à émettre, dès les premiers jours de
décembre et pour proposer au monde un regard, un point de vue
français sur une actualité internationale de plus en plus suivie par nos
concitoyens, conscients des enjeux de la mondialisation.

Cette législature a aussi permis de réformer, grâce à l’action du
gouvernement et des services de l’Etat, aux travaux de votre Mission
d’Evaluation et de Contrôle, à votre vote du budget pour 2005, la
redevance audiovisuelle.

Cette réforme a permis de rationaliser et de moderniser le mode de
recouvrement de cette ressource publique essentielle au service public
et s’inscrit plus globalement dans la réforme de l’État conduite par le
Gouvernement. Un bilan est en cours au sein du ministère de
l’Economie et des Finances.

Grâce à la progression de leurs ressources, les organismes de
l’audiovisuel public ont les moyens de participer pleinement aux
mutations technologiques en cours, tout en renforçant la spécificité et la
richesse de leurs programmes.

Ainsi, les priorités fixées au secteur audiovisuel public pour 2007
consistent à renforcer la spécificité du service public : développer une
offre de qualité en télévision numérique terrestre et en haute définition,
et de favoriser la sauvegarde du patrimoine, notamment.

La progression de la dotation publique de France Télévisions permettra
au groupe de poursuivre les priorités suivantes :
Tout d’abord, parce que le succès de la télévision numérique repose sur
les programmes qui sont offerts aux téléspectateurs, France Télévisions
doit renforcer la grille des chaînes de la télévision numérique de terre,
France 4, France 5, et France Ô, dont le Président de la République a
annoncé la diffusion sur la TNT en Île-de-France. J’ai donc demandé au
Conseil supérieur de l’audiovisuel en début d’année de permettre la
diffusion de France Ô sur la TNT en Île-de-France sur le multiplexe
public. Ce dernier pourrait alors également diffuser en province les
chaînes locales analogiques et certains décrochages de France 3 qui
sont aujourd’hui mal diffusés sur la TNT. Il est grand temps que ce
transfert se réalise.

Ensuite, la poursuite et l’accélération du déploiement sur le territoire de
la TNT ; France Télévisions doit en effet se montrer exemplaire quant au
respect du calendrier de déploiement de la TNT défini par le CSA pour
l’ensemble des chaînes de la TNT qui prévoit une couverture de 85% de
la population à partir de 110 sites pour fin 2007 ; le groupe doit également poursuivre son déploiement au-delà de ces 110 sites afin de
compléter sa couverture, dans la perspective de l’extinction de la
diffusion analogique prévue fin 2011 dans le projet de loi relatif à la
modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, qui
vous sera bientôt soumis.

Troisième priorité : le développement des programmes en haute
définition ; France Télévisions, qui a d’ores et déjà diffusé des
programmes en haute définition, grâce à la préemption de l’Etat dans le
cadre des expérimentations, continuera à diffuser un maximum de
programmes haute définition, dans ce cadre expérimental puis dans le
cadre des autres préemptions que le Gouvernement réalisera pour les
chaînes de service public.

Ce service public ne sera pas le laissé pour compte des évolutions
technologiques.

Enfin, le sous-titrage des programmes pour les personnes sourdes et
malentendantes ; la loi historique du 11 février 2005 pour l’égalité des
droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes
handicapées posant le principe général d’adaptation de la totalité des
programmes télévisés, à l’exception des messages publicitaires, dans
un délai maximum de cinq ans suivant la publication de la loi, pour
toutes les chaînes publiques. L’enjeu est important et ambitieux pour
France Télévisions qui doit notamment réaliser le sous-titrage de
l’ensemble des programmes régionaux de France 3.

L’augmentation des dotations d’Arte France permettra à la société d’être
motrice sur les nouvelles technologies de diffusion, tout en lui
permettant de poursuivre ses efforts en faveur de la création.

S’agissant de Radio France, l’année 2007 doit lui permettre de
concrétiser les orientations du contrat d’objectifs et de moyens, qui a été
approuvé par le conseil d’administration du 12 juillet dernier et qui est en
cours d’examen par les commissions compétentes du Parlement. Je
m’attacherai à prendre en compte vos remarques. Je salue au passage
cette procédure qui consiste à vous associer davantage à l’élaboration
des contrats d’objectifs et de moyens. Elle est un facteur d’amélioration
de ces contrats et, j’en suis convaincu, un gage de leur efficacité.

Votre vote permettra de donner à Radio France les moyens de réaliser
de nouveaux développements (extension de la diffusion FM,
déploiement de la radio numérique, développement de chaînes
thématiques dérivées et de nouveaux services) et d’engager le chantier
de réhabilitation de la Maison de la Radio, tout en confortant ses sept
chaînes et ses formations musicales de Radio France dans leurs
missions de service public.

L’action en faveur du patrimoine, j’aurai l’occasion d’y revenir devant
vous lors de l’examen du budget de la culture, est une priorité de la
politique culturelle du gouvernement. Dans l’ère numérique où nous
sommes entrés, cette priorité vaut aussi, bien sûr, pour l’audiovisuel, et
les budgets que vous avez votés, comme le projet que je vous soumets
aujourd’hui, permettent de renforcer encore l’effort de sauvegarde et de mise en valeur de notre patrimoine audiovisuel, accompli par l’Institut
national de l’audiovisuel.

L’INA apporte la preuve concrète qu’il y a continuité, cohérence et
articulation entre le budget et les contrats d’objectifs et de moyens :
ainsi, j’ai inscrit dans le COM de l’INA signé fin 2005 ma volonté que soit
poursuivi et accéléré le plan de sauvegarde et de numérisation (PSN),
afin de permettre la numérisation à l’horizon 2015 de l’intégralité des
fonds audiovisuels. C’est l’une des priorités du projet de budget de
l’audiovisuel public pour 2007 : l’objectif est de permettre la sauvegarde
de plus de 40 % du stock d’archives menacées à la fin 2007.

En ce qui concerne RFI, je travaille avec Philippe Douste-Blazy au
contrat d’objectifs et de moyens de cette société qui est une grande et
belle maison. RFI doit poursuivre ses efforts de modernisation. RFI a
d’ailleurs commencer cette tâche en renégociant le contrat qui la lie à
TDF. Elle doit aussi développer encore son offre sur Internet. L’objet de
ce contrat sera, de manière concertée avec les équipes de RFI de
déterminer la stratégie éditoriale la plus adaptée au monde moderne
ainsi que les moyens financiers appropriés pour lui permettre
d’accomplir ses missions. A cet égard, je suis convaincu, et la visite de
BBC world avant-hier à Londres n’a fait que me conforter dans cette
conviction, que des synergies doivent être trouvées avec France 24.
Pour 2007, la part de financement de RFI issu de la redevance
progresse.

L’audiovisuel, c’est aussi la proximité. Vous savez la place
particulière que les radios associatives ont dans le paysage
radiophonique français. Seul média audiovisuel de proximité qui
couvre l’ensemble du territoire national, elles s’adressent en priorité
à des populations isolées et ont un rôle social primordial.

J’ai décidé d’engager une réforme du fonds de soutien à l’expression
radiophonique (FSER), qui gère l’aide dont bénéficient près de
600 radios associatives, pour améliorer son fonctionnement et
optimiser l’utilisation de ses ressources, tout en maintenant
l’équilibre général du système. Cette réforme sera effective à
compter de 2007 puisque le décret qui la met en oeuvre a été publié
le 25 août dernier. Est ainsi garanti le soutien public aux radios
associatives.

La politique de l’audiovisuel, que je conduis au nom du
gouvernement et grâce aux budgets que vous avez votés, est aussi
une politique en faveur de l’emploi.

Dans le secteur dynamique et créateur d’emplois de la production, et
de la création cinématographique et audiovisuelle, cette politique de
relocalisation des tournages, d’incitation et d’encouragement à
l’emploi, porte ses fruits, notamment grâce aux mesures de crédit
d’impôt, élargies à l’audiovisuel, mais aussi à l’addition des énergies,
aux partenariats, qui donnent, dans ces domaines en particulier, un
fort effet de levier aux actions de l’Etat. Ainsi, j’ai intensifié le partenariat entre l’Etat et les régions, en renouvelant les conventions
Etat-Région et en mettant en oeuvre le dispositif « 1 euro de l’Etat
pour 2 euros des Régions ».

L’ensemble de ces mesures a permis une très forte progression et
une réelle relocalisation des tournages en France. Là encore, il s’agit
d’évaluer avec vous la bonne utilisation des deniers de l’Etat. Eh
bien, les résultats sont là : votre vote a permis une hausse des
tournages de 35 % dans nos régions en seulement un an. La qualité
et la visibilité internationale de la création française est unanimement
reconnue, au moment même où la diversité culturelle entre dans le
droit international, ce qui est d’abord la reconnaissance des talents
et du travail des créateurs, des artistes et des techniciens français.

La diversité, le pluralisme, ce sont aussi les valeurs clés de ce
secteur essentiel, auquel est consacrée une part importante du
budget des médias, la presse écrite. Dans ce domaine, pilier de
notre démocratie, les budgets que vous avez votés et celui que je
vous soumets permettent de soutenir le développement de la
diffusion de la presse écrite, de conforter les conditions de son
pluralisme et de son indépendance, de favoriser sa modernisation et
donc de garantir sa liberté.

Les lois de finances pour 2005 et 2006 avaient consacré à la presse
des moyens exceptionnels par leur ampleur. Avec un budget total de
274 millions d’euros, le projet de loi de finances pour 2007
représente, à périmètre constant, un montant de crédits supérieur de
plus de 22 % aux moyens consacrés à la presse écrite il y a encore
deux ans.

Cette année, grâce à l’engagement personnel et à l’arbitrage du Premier
Ministre, le gouvernement a arrêté des mesures fiscales structurantes
en faveur de la presse.

Nous le savons, l’une des difficultés chroniques des entreprises de
presse dans notre pays réside dans la faiblesse de leurs fonds propres,
qui obère leur capacité d’investissement.

Dans le cadre du présent projet de loi de finances, le dispositif
spécifique de provision pour investissements des entreprises de presse
(dit « du 39 bis »), qui venait à échéance à la fin de l’année, sera
prorogé jusqu’en 2010 et adapté pour mieux répondre aux besoins des
entreprises.

La prorogation de ce mécanisme jusqu’en 2010 sera accompagnée d’un
aménagement significatif : l’extension du périmètre des investissements
éligibles à la prise de participation dans d’autres entreprises de presse
ou des entreprises intervenant dans la chaîne de fabrication ou de
distribution de la presse.

Par ailleurs, un nouveau mécanisme de réduction de l’impôt sur les
sociétés, pour les entreprises entrant dans le capital des entreprises de
presse éditant des publications d’information politique et générale, sera mis en place avant la fin de l’année. La réduction d’impôt sera égale à
25 % du montant des sommes versées au titre des souscriptions en
numéraire au capital de ces sociétés.

Ces mesures visent à rendre attractifs les investissements dans ce
secteur et plus particulièrement pour la presse quotidienne d’information
politique et générale. Elles peuvent et doivent être une chance pour des
titres, qu’ils traversent des difficultés, et je pense bien sûr à Libération,
ou qu’ils souhaitent renforcer leur capital.

L’engagement traditionnel de l’État en faveur du pluralisme est bien sûr
maintenu. Cet engagement implique d’accompagner aussi la presse
dans l’univers numérique. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de
confier à Marc Tessier une mission prospective sur ce sujet. Les
conclusions me seront rendues en janvier prochain et je réunirai à cette
occasion l’ensemble des représentants de la presse écrite. Ce défi du
numérique est un enjeu majeur pour l’avenir de la presse. Il faut qu’il soit
une chance et non un facteur de déséquilibre. Par ailleurs, le
gouvernement s’attache à convaincre Bruxelles, la Commission, nos
partenaires européens de l'importance d’appliquer à la presse en ligne
le taux réduit de TVA dont bénéficie la presse « papier ». Vous avez eu,
je le sais ce débat lors de la première partie de la loi de finances. Vous
mesurez la mobilisation du gouvernement sur ce sujet, désormais inscrit
à l’ordre du jour du prochain conseil Ecofin.

Revenons au caractère fondamental des aides traditionnelles, comme
en 2005 et en 2006, j’ai voulu que les crédits dédiés à la presse écrite
appuient prioritairement les efforts engagés par le secteur pour conforter
durablement les conditions de son indépendance économique et de son
développement futur, qu’il s’agisse de la modernisation des entreprises,
d’actions innovantes ou de la recherche d’une plus grande autonomie
financière.

• 60 millions d’euros seront donc consacrés à ces objectifs en 2007, afin
d’assurer le maintien du pluralisme de l’information et la vitalité du débat
démocratique.

• 22,5 millions d’euros seront mobilisés pour continuer d’accompagner la
modernisation sociale de la fabrication de la presse quotidienne, qu’elle
soit nationale, régionale ou départementale.

Ainsi, cette législature est marquée par une puissante progression du
montant des aides à la presse, par un important effort de rationalisation
et de rénovation des dispositifs existants, et par la création de nouveaux
dispositifs, principalement dédiés à la modernisation du secteur et donc
au renforcement des fonds propres des entreprises de presse.

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs les Députés, ce
projet de budget, comme les précédents, est l’expression concrète de
l’engagement fort de l’Etat pour préparer l’avenir, dans ce secteur des
médias, où notre pays dispose d’une créativité, d’une diversité, d’atouts,
de talents et d’expressions, qui le placent en bonne voie pour réussir.

Rencontre "le mécénat culturel et les entreprises du médicament"

31 octobre 2006

Mesdames et Messieurs les Présidents,

Mesdames et Messieurs les Directeurs,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis très heureux de vous accueillir aujourd’hui au ministère de la Culture et de la
Communication. L’organisation professionnelle représentative des entreprises du
médicament, le Leem, dont je salue les représentants ici présents, est entré tout récemment
dans le Cercle des partenaires du programme « Culture à l’hôpital ». Ce programme s’inscrit
dans la mission originelle du ministère de la Culture, telle que l’a formulée André Malraux : «
rendre accessibles les oeuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus
grand nombre possible de Français. »

Les actions que mène ce ministère en faveur de l’art à
l’hôpital, et le rapprochement opéré dès les années quatre-vingts avec le ministère de la
Santé s’inscrivent donc dans sa vocation première, qui est de garantir l’accès à la culture
pour tous. Elles répondent également à un droit fondamental de la personne humaine.

Si les personnes hospitalisées ne peuvent aller vers la culture, alors notre devoir est de faire
en sorte que la culture vienne à eux.

Le programme « Culture à l’hôpital » a fait l’objet dès 1999 d’une convention entre le
Ministère de la Culture et de la Communication, et celui de la Santé, que nous avons
renouvelée sous la forme d’un protocole d’accord le 10 janvier dernier. Il est relayé, au
niveau régional, par des conventions passées entre les DRAC et les Agences régionales de
l’Hospitalisation, ainsi que par des jumelages de plus en plus nombreux entre organismes
culturels et établissements de santé.

De nombreux hôpitaux ont d’ores et déjà intégré une activité culturelle dans leur projet
d’établissement, voire dans les contrats d’objectifs et de moyens qu’ils signent avec leurs
tutelles. L’expression artistique et l’intervention culturelle à l’hôpital, qui est assurément un
lieu singulier, un lieu familier, un lieu de vie, est un facteur clé de décloisonnement et de
cohésion. Entre les différentes catégories de personnel de l’hôpital, avec les patients, mais
aussi avec le monde extérieur.

La question du partenariat de la culture et de la santé avec le monde de l’entreprise s’est
très vite posée. Réunir services publics et société civile dans un même projet d’intérêt
général et pratiquer un mécénat croisé, associant démarche artistique, solidarité et santé,
c’est en effet une démarche légitime et féconde. Un Cercle des Partenaires est né,
réunissant une dizaine de fondations et entreprises, aux cotés des deux Ministères. La
gestion, vous le savez, en a été confiée à l’agence Vocatif qui poursuit cette mission avec
succès. Les Entreprises du Médicament ont évidemment apporté leur soutien à ce
programme, et permis de mener à bien des projets exemplaires. Je mentionnerais
notamment :

– le Laboratoire GlaxoSmithKline pour son implication dans le projet de jumelage entre le
Centre hospitalier psychiatrique Regnier et les équipements culturels rennais dans le
domaine des arts plastiques, de l’écriture, de la musique et de la danse ;

– le laboratoire Roche, qui a soutenu le jumelage entre les Hôpitaux universitaires de
Strasbourg et l'association Musique et Santé, dans un projet d'intervention auprès d'enfants
en crèche hospitalière ;

– le laboratoire Sanofi Aventis, qui a aidé le rapprochement entre le Centre hospitalier
universitaire de Rouen et le pôle image, pour un projet autour du cinéma impliquant les
personnes âgées et les enfants ;

– et le laboratoire Servier, qui s’est engagé aux côtés du Centre Hospitalier de Rouffach et de
différents équipements culturels, La Filature, Le Théâtre du Peuple de Boussang, et la
Médiathèque du Haut Rhin.

J'ai été particulièrement sensible, également, à l'action du « Rire Médecin », les clowns à
l'hôpital, soutenus notamment par Bristol-Myers Squibb et le Laboratoire français du
Fractionnement et des Biotechnologies.

J'ai eu l'occasion de découvrir plus particulièrement le programme mis en place depuis 2002
grâce au soutien du LFB, laboratoire pharmaceutique public, à l'hôpital Necker enfants
malades. Ce programme a fait l'objet d'un très beau recueil de témoignages, extrêmement
touchant, Regards sur le Rire Médecin, dont j’ai mis ici plusieurs exemplaires à votre
disposition, afin d’illustrer très concrètement tout ce que ces actions apportent non
seulement aux enfants malades, mais aussi à leurs familles et aux personnels soignants.

Christian Béchon nouveau Directeur Général du LFB m'a d'ailleurs confirmé que ce mécénat
serait poursuivi dans les années qui viennent.

Oui, les univers de la santé et de la culture s’enrichissent mutuellement. L’art est un
formidable moyen d’expression pour les personnes qui souhaitent faire surgir et partager
leurs émotions et leurs talents, et j’ai inauguré hier avec beaucoup de plaisir l’exposition «
Bas les masques », à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts, qui a donné la parole à
des adultes et à des adolescents handicapés.

Merci à tous ceux qui ont rendu possible de tels projets. « En art, point de frontière », disait
Victor Hugo. L’art a toutes les audaces, l’art abolit les divisions, il explore, il réunit, il est un
formidable fédérateur de toutes les énergies d’une société.

Si la culture a, dans notre pays, toujours été l’affaire des artistes, bien sûr, mais aussi de
l’Etat et des collectivités territoriales, elle est aujourd’hui, et je m’en réjouis, l’affaire de tous.

Elle est le fait de la société toute entière, d’une société consciente que la culture n’est pas un
simple accessoire, un simple « plus », un simple supplément d’âme, mais qu’elle est un
enjeu majeur pour l’attractivité de nos territoires, pour l’identité de notre pays, et qu’elle
occupe une place de premier rang dans la création de richesses, d’activités et d’emplois.

A la faveur de la loi du 1er août 2003, qui a établi un dispositif parmi les plus incitatifs en
Europe, le paysage du mécénat français est en train de changer de façon spectaculaire. Au
début des années 2000, 15% seulement des foyers français déclaraient faire des dons, et le
mécénat des entreprises représentait seulement 0,09% du PIB contre 2,1% aux Etats-Unis.

La relance du mécénat et des fondations était l'une des priorités de 2002 en matière
culturelle. Elle a été tenue et je m'applique à la mettre en oeuvre.

La loi de 2003 introduit des mesures fiscales très avantageuses, que je tiens à rappeler
devant vous : pour les particuliers, une réduction de 66% du montant du don plafonnée à
20% du revenu imposable ; pour les entreprises, une réduction de 60% plafonnée à 0,5% du
chiffre d'affaires, avec la possibilité pour les entreprises comme pour les particuliers, en cas
de dépassement de ce seuil, d'un étalement sur les cinq exercices suivants, ce qui
représente, notons-le, par rapport au régime antérieur, un quasi-doublement de l'aide fiscale.

S'y ajoute, pour le mécénat d'entreprise en faveur de la culture, des dispositions particulières
:

– pour l'acquisition, par les entreprises, d'oeuvres d'art contemporain, mais aussi
d'instruments de musique destinés à être prêtés à des artistes interprètes professionnels, ou
à des étudiants des conservatoires nationaux ;

– enfin et surtout, pour l'acquisition de trésors nationaux et d'oeuvres reconnues d'intérêt
patrimonial majeur : dans ce cas, la réduction sur l'impôt sur les sociétés est de 90% du don,
plafonnée à 50% de l'impôt dû, si l'entreprise acquiert un tel bien culturel pour une collection
publique. Cette réduction est de 40% si l'entreprise acquiert ce bien pour elle-même.

Comparez le coût réel d'achat d'un trésor national pour une entreprise et un budget de
communication pour arriver au même résultat en terme d'image!

Les contreparties au mécénat sont encore sous-estimées par les entreprises. Si le mécénat,
dans son principe, demeure un acte désintéressé, à la différence du parrainage (ou
sponsoring), qui est un acte commercial, le législateur a fait preuve de réalisme économique,
en autorisant les entreprises à associer leur nom aux causes qu'elles soutiennent. Ainsi, le
mécénat, vous le savez, ouvre droit pour les entreprises à des contreparties en
communication, dans la limite d'un montant équivalent à 25% de leur don, ce qui autorise de
très belles opérations de communication et de relations publiques.

Cette nouvelle législation connaît un succès croissant que traduisent les chiffres les plus
récents. Le nombre des fondations créées par des entreprises a pratiquement doublé entre
2001 et 2006, et le nombre des entreprises engagées dans des projets de mécénat est
passé d’environ 2000 avant la loi à plus de 6500 en 2005. L'éventail des possibilités offertes
par le mécénat est très large. La loi du 1er août 2003 a introduit un changement majeur dans
les mentalités. Beaucoup d'entreprises savent qu'elles peuvent communiquer d’une manière
très positive grâce au mécénat, qu'elles peuvent tirer d'une initiative partenariale un puissant
motif de fierté et d'identité pour leurs salariés, qu’elles peuvent mettre en valeur leurs savoirfaire
dans le cadre du « mécénat de compétence », qu’elles peuvent, à travers le soutien
apporté à des activités culturelles, entretenir l’activité des territoires sur lesquelles elles sont
implantées, qu’elles peuvent enfin participer à l’évolution de la société en soutenant des
causes d’intérêt général.

J’évoquais tout à l’heure l’accès de tous à la culture, comme une mission fondamentale de
ce ministère. En faveur des jeunes publics des quartiers, j’ai lancé l’opération « Les Portes
du temps », qui a connu un très grand succès durant l’été 2005 au château de
Fontainebleau, où 8000 jeunes ont été accueillis. Cette opération, j’ai donc souhaité la
reconduire l’été dernier en l’élargissant à 17 sites de notre patrimoine, répartis sur 11
régions. Pour le financement de cette deuxième édition, qui aura touché près de 30.000
jeunes, nous avons fait appel au mécénat des entreprises : les Caisses d’Epargne nous
apporté leur soutien dans le cadre de leurs « projets d’économie locale et sociale », mais je
tiens à saluer aussi l’engagement très généreux sur cette opération d’un membre important
de votre réseau, la Fondation Wyeth [ Viet ] pour la santé de l’enfant et de l’adolescent
qu’anime Anne de Danne. La Fondation Wyeth a soutenu cette initiative sur les sites de
Chambord et de Fontainebleau. Je voudrais lui exprimer ici toute ma gratitude et l’inviter,
bien sûr, à poursuivre cet engagement en 2007.

Le ministère de la Culture et de la Communication porte de très beaux et très nombreux
projets, pour lesquels je souhaite qu’il soit fait appel à des partenaires extérieurs, et
notamment des entreprises. La mission du mécénat qui a été créée pour faire connaître la loi
de 2003 oeuvre à ce rapprochement, et elle est votre interlocuteur privilégié au sein de cette
maison. Il ne s’agit pas, croyez-le bien, d’un quelconque désengagement de l’Etat, mais d’un
appel à soutenir des projets, et je pense par exemple à celui, très ambitieux, de la « Grande
Expo », qui invitera chaque année un grand artiste à confronter son regard aux espaces, aux
volumes et à l’histoire de ce monument emblématique de la fierté française, qu’est le Grand
Palais : ce sera tout d’abord Anselm KIEFER en juin 2007, puis les années suivantes
Richard SERRA et Christian BOLTANSKI…

Ces projets nous concernent tous, et relèvent d’une responsabilité partagée : la conservation
et l’enrichissement du patrimoine, le soutien à la création contemporaine, le développement
de la recherche et la diffusion des savoirs, l’égal accès de tous à la culture.

Je compte sur votre engagement et sur votre soutien pour mener à bien ces projets.

Je vous remercie.

Réception en l’honneur des artistes et techniciens de Rue au Grand Palais

31 octobre 2006

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis très heureux de vous accueillir ce soir au ministère de la Culture et
de la Communication. Je tiens tout d’abord à vous remercier, tous, pour
avoir fait de « Rue », au Grand Palais, un événement extraordinaire,
fédérateur, à la fois joyeux, harmonieux, exigeant et ouvert à tous les
publics. Merci d’avoir fait vibrer cet illustre monument, ce lieu phare de
notre culture, de vos musiques, de vos rythmes, de vos chants, de vos
danses, de vos performances, de vos talents et de vos énergies.

Donner pleinement droit de cité aux cultures nées, grandies dans la rue, en
leur offrant, le temps d’un week-end, le monument le plus emblématique de
l’art français, et de la fierté nationale et internationale, au coeur de la
capitale, telle a été mon ambition lorsque j’ai lancé cette manifestation.

Parce que je suis convaincu que le hip hop, le graff, le rap, et toute la
richesse de ces courants artistiques, en évolution permanente, ont toute
leur place dans notre vie culturelle, parce que je crois au dialogue, au
partage, à l’éveil et au croisement des regards, de tous les regards, de
chaque côté, des jeunes et des moins jeunes, et parce que je veux donner
à la diversité culturelle française une dynamique positive. C’est d’ailleurs
une réalité, que j’ai voulu valoriser. La société française s’interroge encore
sur les événements douloureux et violents qui ont eu lieu l’an dernier, elle
est encore meurtrie par l’actualité la plus récente. Ce que vous avez réalisé
avec Rue est une réponse à cette interrogation, car la rue, la ville, la
métropole ne peuvent se résumer à certaines violences évidemment
condamnables. Oui, la cohésion sociale et l’avenir de la société française
passent par la culture urbaine et sa reconnaissance, car celle-ci est
foisonnante, créative, et originale.

C’était un véritable pari, puisque j’ai tenu à laisser s’exprimer, sans
interférer, bien sûr, à aucun moment, avec les choix des artistes, toute la
vitalité et l’audace de ces courants, sans nier non plus cette dimension
politique, ce cri, cette puissance d’interpellation, dont ils sont- porteurs.

L’immense succès qu’a rencontré cette manifestation montre bien que le
pari est réussi. 50 000 visiteurs ont participé, dans une atmosphère festive,
harmonieuse et détendue, à ce rassemblement joyeux, et, j’y tiens,
parfaitement libre. 50 000 visiteurs, de toutes les sensibilités, de toutes les
générations, ont découvert, ont apprécié, ont participé, même, à cet
événement exceptionnel.

Mais, et cela était très clair dès le début, cette manifestation n’était
qu’une étape, un très beau symbole, certes, mais surtout le point de
départ, le coup d’envoi d’une reconnaissance, sur l’ensemble du
territoire, de ces cultures qui sont, comme en témoigne l’ampleur du
succès de cette manifestation, tout sauf des cultures « ghettos ». C’était
une véritable main tendue, à laquelle le public a répondu avec beaucoup
d’enthousiasme et de chaleur, et cela me conforte dans mon ambition
de leur donner la place qu’elles méritent, au coeur de nos territoires et
de notre vie culturelle et artistique.

Je vais demander à une ou plusieurs personnalités emblématiques des
cultures urbaines, de faire un état des lieux et de me remettre des
propositions concrètes, dans les prochaines semaines, pour mener une
politique destinée à promouvoir les cultures urbaines.

J’attache une grande importance à l’ouverture d’un maximum de lieux
aux cultures urbaines, et au premier rang bien sûr les lieux bénéficiant
des moyens de l’Etat, dans le plus grand respect, bien sûr, et j’y tiens
particulièrement, de leur liberté de programmation artistique.

Je souhaite que cette manifestation se renouvelle chaque année dans
un lieu symbolique de notre patrimoine culturel et de notre fierté
nationale. Ainsi, la prochaine édition pourrait avoir lieu, dans le début de
l’année, en région.

L’ensemble des grafs réalisés au Grand Palais ont rejoint les collections
du Fonds National d’Art Contemporain, et seront bientôt présentés dans
le cadre d’une exposition dédiée à la création contemporaine.

Le Grand Palais ne sera pas une fête sans lendemain. Elle a donné une
impulsion nouvelle, pour enclencher une dynamique positive, pour
assurer une véritable reconnaissance des cultures urbaines, que je
souhaite soutenir, prolonger, approfondir, parce que je sens une réelle
envie de la part des artistes, et une réelle curiosité de la part du public,
de tous les publics, de tous nos concitoyens. Le succès de « Rue » en a
été la preuve éclatante.

Dire cela, ce n’est pas nier les difficultés, les problèmes, les frustrations.
C’est, au contraire, donner à la diversité culturelle, qui est une valeur
forte, essentielle, toutes ses chances dans la France d’aujourd’hui.

Je vous remercie.

Cérémonie de remise du Prix Abdulaziz Saud Al-Babtain pour la création poétique de la Poésie à l’UNESCO

31 octobre 2006

Monsieur le Directeur général de l’Unesco, Cher Koïchiro Matsuraa,

Monsieur le Ministre, Président de l’Institut du monde arabe, Cher Yves
Guéna,

Monsieur le Secrétaire général de la Ligue arabe,

Monsieur le Président du Conseil d’Administration,

Monsieur le Président de la Fondation Internationale pour le Dialogue entre
les Civilisations,

Monseigneur,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis très heureux d’être présent parmi vous aujourd’hui pour cette Xe
Session des Prix de la Fondation Abdul Aziz Saoud Al Babtain. Après
Cordoue, ville symbolique du dialogue des cultures et des civilisations, en
2004, c’est la deuxième session organisée en dehors du monde arabe, et
c’est un véritable honneur pour la France, d’accueillir cet événement qui
contribue largement à rétablir la tradition d’échanges, à tisser des liens
entre les cultures arabes et musulmanes et les cultures occidentales, des
liens d’amitié, solides et profonds, fondés sur l’art, l’esprit, et le coeur.

Et s’il est un homme de lettres, d’esprit, et de coeur, c’est bien vous,
Monsieur le Président, cher Abdul Aziz Saoud Al Babtain, qui nous
réunissez aujourd’hui. Membre de la Commission koweïtienne pour le
soutien de l’enseignement, docteur honoris causa de plusieurs universités
du monde arabe, mais aussi poète, et grand mécène, vous exercez votre
générosité dans les domaines culturel, éducatif et humanitaire, et vous
accomplissez, à travers les actions de votre Fondation, un geste
exemplaire en faveur de l’art, de l’amitié entre les peuples et du dialogue
des cultures.

Ce dialogue, vous lui offrez un parrainage d’exception, en le plaçant sous
les deux figures tutélaires d’Alphonse de Lamartine et de Ahmed Shawqi,
deux immenses poètes, français et égyptien, qui puisèrent en leur temps
leur inspiration dans leurs voyages.

En Orient, pour Lamartine, dont les « souvenirs, les impressions, les
pensées et les paysages » figurent parmi les plus beaux témoignages de
ces Voyages en Orient qui édifièrent la jeunesse française au XIXe siècle,
et inspirèrent nos plus grands poètes : « cette grande et intime éducation
de la pensée par la pensée, note Lamartine dans son « Avertissement »,
par les lieux, par les faits, par les comparaisons des temps avec les temps,
des moeurs avec les moeurs, des croyances avec les croyances, rien de
tout cela n'est perdu pour le voyageur, le poète ou le philosophe ; ce sont
les éléments de sa poésie et de sa philosophie à venir. »

C’est là l’ouverture et la curiosité que vous exaltez par votre fondation,
cette même curiosité qui entraîna Ahmed Shawqui, qui fut aussi un grand
dramaturge, sur les traces de Molière et de Racine, lorsqu’il vint en France
pour étudier le droit à Montpellier, puis à Paris, pendant trois ans.

Sacré « Prince des poètes» par ses pairs en 1927, il nous renvoie à la
mémoire d’une autre grande voix de la littérature égyptienne, arabe, et
universelle, Naguib Mahfouz, Prix Nobel de littérature, qui nous a quittés
cet été.

Oui, la poésie rassemble, unit, elle est le langage universel, le langage
de l’homme par excellence, ainsi que l’écrivait Lamartine : « J’ai souvent
entendu demander : Qu’est-ce que la poésie ? Autant vaudrait dire selon
moi : Qu’est-ce que la nature ? Qu’est-ce que l’homme ? On ne définit
rien, et cette impuissance à définir est précisément la suprême beauté
de toute chose indéfinissable. Laissons donc le grammairien ou le
théoricien définir, s’il le peut, la poésie ; quant à nous, disons
simplement le vrai mot : mystère du langage. »

Et ce mystère est sondé dans tous les peuples, dans toutes les langues,
que vous contribuez largement à rapprocher, grâce à ce Prix, cher Abdul
Aziz Saoud Al Babtain, dans le respect des cultures, des différences, qui
sont aussi leurs richesses.

Je suis très heureux, Monsieur le Directeur général, que l’UNESCO
participe, aux côtés de l’Institut du Monde Arabe, à l’organisation de
cette manifestation qui porte haut les couleurs de la diversité culturelle,
cette diversité dont la définition et la reconnaissance ont été adoptées et
inscrites dans le droit international par la convention adoptée le 2
octobre 2005, qui entrera, nous l’espérons tous, bientôt en vigueur.

Indispensable à la société humaine, comme la diversité biologique l’est
à la biosphère, la diversité culturelle est l’un des piliers du
développement durable, comme l’a reconnu le sommet de
Johannesburg de 2002, afin que les générations de demain puissent
accepter, vivre et faire vivre leurs différences et les richesses de leurs
créations dans un monde commun.

Oui, dans le monde d’aujourd’hui, la promotion de la diversité culturelle
est une ambition qui nous concerne tous, parce que le pluralisme est
une valeur suprême et parce que le dialogue entre des cultures diverses
est une condition de la paix. Et pour qu’il y ait dialogue, il faut que les
cultures continuent d’exister, fière de leur identité, et dans une relation
ouverte à l’autre. Cette manifestation en est une illustration éclatante, et
la poésie une expression privilégiée, ainsi que l’écrit le grand poète
Adonis :

« La poésie reste le lieu,
Le lieu où l'homme peut tenter un dialogue de reconnaissance et de
renaissance.
Un dialogue qui, d'un même mouvement, s'affirme découverte de
l'univers et découverte de l'autre.
Car la poésie est le plus profond des moyens d'expression enraciné
dans la conscience humaine. Elle n'est pas seulement l'esthétique des
mots ; elle est aussi la vie et son esthétique. »

Je suis donc très heureux de remettre, dans un instant, les Prix de la
Fondation Abdulaziz Saoud Al Babtain pour la création poétique, et je
félicite chaleureusement les lauréats.

Je vous remercie.

Cérémonie de remise des insignes de Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres à Mark Jones, directeur du Victoria and Albert Museum à Londres

31 octobre 2006

Mesdames et Messieurs,

Ladies and gentlemen,

Permettez-moi d’interrompre quelques instants ces festivités, afin de rendre
hommage à Mark Jones et à la contribution inestimable qu’il a apportée au
rayonnement des arts. Et permettez-moi, en témoignage d’amitié, de le faire dans
nos deux langues, en commençant par la vôtre.

In France, we like to pay homage to people who have made outstanding
contributions to the arts with a very specific honour – the Ordre des Arts et des
Lettres. Indeed, this honour is not only intended for people in France, but also for
citizens around the world, who through their work have dedicated energy, vision
and creativity to help the arts flourish so that they can be enjoyed by all.

Mark Jones, you have a long career in the arts and have worked for some of
Britain’s most venerable institutions. You were for eighteen years Keeper and
Assistant Keeper of Coins and Medals at the British Museum. You then became
Director of the National Museums of Scotland, before returning to London to
become Director of the V&A, one of Britain’s best loved and most respected
museums.

You are passionate about your specialisation in coins and medals and pursue this
interest with dedication and commitment as President of the British Society of Art
Medals. I trust you will find tonight’s medal to your satisfaction !

Under your direction, the V&A has flourished. It is a museum which holds a huge
appeal and much affection in the heart of the British and visiting public – I should
add here that it is particularly loved by my fellow Frenchmen – but also an
unshakeable reputation for high standards and quality. I cannot think of a better
combination to bring inspiring, innovative and illuminating art closer to the public.

Et si le V&A est très aimé du public français, il est également un partenaire
précieux du milieu artistique français. Le V&A a accueilli nombre de nos artistes,
de Jean Paul Gaultier et Jean-Charles de Castelbajac à Anne Valérie Hash et Guy
Bourdin. Le V&A est un partenaire privilégié de Paris Calling, projet que vous
avez, cher Mark Jones, avec votre équipe, défendu et soutenu avec détermination
au cours des trois années passées.

A la fois exigeant, soucieux de livrer aux visiteurs des expositions de très grande
qualité, et très ouvert, toujours attentif aux « apports » des cultures étrangères,
vous êtes un ambassadeur passionné, précieux, et remarquable, de l’art et de la
culture, auprès d’un très large public.

Mark Jones, au nom de la République, nous vous remettons les insignes de
Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres.

Ouverture de la soirée officielle d’inauguration de la saison française d’art contemporain « Paris Calling » au Victoria and Albert Museum à Londres

31 octobre 2006

Madame la Présidente,

Monsieur le Ministre,

Mesdames et Messieurs,

Chers Amis,

Je suis très heureux d’être parmi vous ce soir pour célébrer cet « appel »
de Paris, « Paris Calling », dans ce lieu emblématique du génie britannique
à travers les siècles, dans ce temple international de l’art, du design, de la
mode, de l’art de vivre et de la décoration, qui fait écho, de ce côté-ci de la
Manche, au prestigieux Musée des Arts décoratifs de Paris, dont les portes
se sont réouvertes à la rentrée. Cet évènement, ou plutôt cet ensemble
d’évènements exceptionnels, qui a débuté en juin dans 23 lieux d’art
contemporain à Londres, Oxford et Margate, rassemble les professionnels
et les artistes de nos deux pays autour de la création contemporaine.

En
tant que ministre de la Culture et de la Communication, je suis
particulièrement attaché à la langue de Molière, mais je tiens aujourd’hui à
honorer le pays de Shakespeare, qui accueille chaleureusement cette
manifestation.

The United Kingdom and France are both hubs of great creativity, pioneers
of many contemporary art forms and both share a most important principle :
cultural diversity. Many artists from around the world come to work and live
in London and Paris, to practice their art and bring us a fresh vision of the
world in which we live.

There is a long history of cultural collaboration between our two countries,
but what marks Paris Calling tonight is the specifically British vision and
selection on French art which our partners have explored and shared with
us through their exhibitions. We hope the experience has been as enriching
for them as it has been for us.

We have our respective ways of approaching the contemporary art market
and challenges to address. Paris Calling was created to share these
experiences, common points and differences in the field of contemporary
art. We sincerely hope this project will help to build lasting and solid links
between professionals and bring out the best in our complementary
approaches.

I am now switching to French…

Entre 2003 et 2005, un voyage de recherches en France a été organisé
pour plus de 50 directeurs de musées et de galeries britanniques, en
adéquation avec leur politique d’expositions et leurs centres d’intérêt.
23 galeries et musées, tous représentés ici ce soir, ont choisi de nous
accompagner dans cette aventure, et je tiens à les remercier tous pour
leur engagement et leur créativité. Certains ont souhaité s’intéresser aux
jeunes talents émergents, d’autres aux artistes plus accomplis, d’autres
encore ont choisi de s’associer à un lieu ou un commissaire français,
pour confronter leurs regards croisés sur l’art international.

Paris Calling est une occasion formidable de mettre en lumière la
grande diversité de la création française, et de réunir la culture, les
regards de nos deux pays. C’est un hymne à l’ouverture, à la
découverte, à la curiosité, et je me réjouis que des domaines aussi
variés que les arts plastiques, le design, la mode, la musique et la
gastronomie soient mis à l’honneur.

Oui, la France connaît, depuis quelques années, une belle vitalité
créative, qu’elle soutient et encourage, parce qu’elle est le reflet de la
vitalité de la société toute entière. J’ai ainsi présenté le 23 octobre
dernier le plan d’action et de développement en faveur de l’art
contemporain mis en place par le gouvernement, un plan ambitieux,
résolument tourné vers l’avenir, qui vise à créer de nouvelles structures
et de nouveaux lieux, à Paris comme dans nos régions, à lancer de
nouveaux évènements afin de faire rayonner plus largement nos
artistes, à ancrer plus profondément et durablement l’art contemporain
au coeur de nos cités, et enfin à favoriser les partenariats avec le monde
de l’entreprise.

Jamais un projet tel que Paris Calling n’aurait pu voir le jour si les
professionnels français et britanniques n’avaient pas décidé de se
fédérer et d’imaginer des partenariats privés originaux. C’est aussi cette
formidable addition des compétences et des énergies, autour des
pouvoirs publics français et britanniques, que je tiens à saluer
aujourd’hui.

Je tiens également à remercier tout particulièrement l’équipe du Victoria
& Albert Museum pour son soutien inestimable dans cette aventure,
merci chère Paula Ridley, merci cher Mark Jones. Mes remerciements
vont également à Lord Rogers of Riverside, qui a parrainé cette
manifestation, à la Société Générale – sponsor principal de Paris Calling
– dont je remercie le directeur, M. Alain Bataille, et à Schneider Electric
– sponsor associé- et son Directeur, M. Gaël de la Rochère, qui ont su
nous accompagner tout au long de la mise en place de ce projet.

Nous avons ce soir le plaisir d’admirer le travail de certains de nos plus
grands créateurs, celui des artistes M/M, et l’incroyable création de l’un
de nos plus grands couturiers, Christian Lacroix. Je vous souhaite à
toutes et tous une très belle soirée.

Je vous remercie.

Remise des insignes de chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur à Lee Chang-Dong

30 octobre 2006

Cher Lee Chang-Dong,

Je suis très heureux de vous témoigner aujourd’hui la reconnaissance de la France pour
votre oeuvre littéraire et cinématographique, mais aussi pour l’énergie, l’enthousiasme, la
détermination qui vous guident dans votre combat en faveur de la diversité culturelle, une
diversité qui, vous le savez, m’est chère, comme elle est chère au coeur de tous les
amoureux de l’art et du cinéma.

Si votre talent s’est d’abord exprimé par les mots, et la littérature, avec la publication d’un
premier roman, The Booty, en 1983, qui vous a propulsé au rang d’auteur phare des lettres
coréennes, rang que vos romans suivants n’ont fait que confirmer, vous avez rapidement
décidé de tremper votre plume dans un encrier de lumière, ainsi que Jean Cocteau qualifiait
joliment l’écriture cinématographique.

En 1993, Park Kwang-su, l’un des fondateurs de la « nouvelle vague » coréenne, aujourd'hui
président de l'Asian film market de Pusan, vous demande d’écrire le scénario de son film, To
the Starry Island. Deux ans plus tard, vous lui écrivez un second scénario, A single spark.

C’est en 1996 que vous vous lancez dans la réalisation avec un premier long métrage,
Green Fish. Très bien reçu tant par la critique que par le public en Corée, ce film est
sélectionné dans de nombreux Festivals comme Londres et Rotterdam et remporte, au 16e
Festival de Vancouver, le «Prix Tigres et Dragons» qui couronne les révélations parmi les
nouveaux réalisateurs.

Votre deuxième film, en 1999, Peppermint Candy, fresque sans concession sur les vingt
dernières années de la Corée, est unanimement acclamé. Projeté dans plus de trente
festivals à travers le monde, il fait l'ouverture du Festival de Pusan en Corée et il est
sélectionné par la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes.

Avec Oasis, en 2002, vous livrez une oeuvre courageuse, mettant en scène une histoire
d'amour entre un marginal faible d’esprit et une jeune handicapée, aux prises avec le
quotidien de Séoul. Ce chef d’oeuvre vous vaut le prix spécial du jury au festival de Venise.

Nous attendons tous avec beaucoup d’impatience la sortie de votre prochain long-métrage,
Secret Sunshine.

En février 2003, vous êtes nommé ministre de la Culture et du Tourisme, et vous devenez
rapidement une figure emblématique de la lutte pour la préservation de la diversité culturelle,
diversité que vous défendez toujours avec autant de fougue au sein de la coalition pour la
diversité culturelle.

Romancier et réalisateur de réputation internationale, homme de culture et responsable
politique, vous vous engagez avec beaucoup de détermination dans ce combat exemplaire,
pour un monde plus juste, plus respectueux des cultures et des identités de tous les pays,
dont la France, vous le savez, a fait une priorité.

Cher Lee Chang-Dong, au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui
nous sont conférés, nous vous remettons les insignes de Chevalier de la Légion d’honneur.