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Remise des insignes d’Officier dans l’Ordre des Arts et des Lettres à Patrick Chesnais

Cher Patrick Chesnais,

C’est avec beaucoup de plaisir que je vous reçois aujourd’hui, pour saluer
votre immense talent de comédien, aussi éclatant que précoce. A cinq ans,
déjà, vous montez vos premiers spectacles de marionnettes. A 12 ans, vous
construisez, avec votre père, votre premier théâtre, dans votre chambre. Vos
voisins et les amis de votre famille sont votre premier public, quand vous
dirigez vos copains dans Les Fourberies de Scapin. L'été, vous payez votre
place au camping en organisant des spectacles. A seize ans, votre passion
devient vocation. Vous annoncez la bonne nouvelle à vos parents, soulagés de
vous voir abandonner votre rêve d’une carrière dans le football.

Vous faites un triomphe au Conservatoire de Rouen, où vos professeurs vous
repèrent dès votre première prestation. Les Animaux malades de la peste, un
texte corrosif et cruel, déjà ! Au Conservatoire de Paris, ensuite, vous obtenez
le Premier prix de comédie, sous les ovations du Tout-Paris. Mais, malgré ces
débuts sous le feu des projecteurs, vous avez toujours cherché à privilégier
une carrière exigeante, et qui vous ressemble, à l’abri des paillettes et des
faux-semblants. Vous vous consacrez tout d’abord au théâtre, et vous servez,
pendant dix ans, un répertoire très vaste, jouant aussi bien Jean Anouilh que
Frédéric Dard. Vous vous faites remarquer pour votre interprétation dans Les
Amoureux, de Goldoni, en 1976, avec Brigitte Rouan.

Vous obtenez au même moment votre premier rôle au cinéma, dans Les
Naufragés de l’île de la tortue, de Jacques Rozier, aux côtés de Pierre Richard
et de Jacques Villeret. Passé rapidement maître dans l’art d’offrir à des
personnages au premier abord râleurs, colériques, et antipathiques, de forts
accents d’humanité, et de vérité, vous êtes révélé au grand écran par le film La
Lectrice, de Michel Deville, où vous campez un pdg maladroit et dépressif, qui
se fait lire des ouvrages érotiques par Miou-Miou. Vous obtenez un très beau
succès auprès du grand public, mais aussi le César du meilleur second rôle,
en 1989.

Vous distillez votre ironie douce-amère, votre décalage parfois inquiétant,
souvent hilarant, toujours terriblement attachant au cinéma, à la télévision, et
sur les planches, avec, notamment, un Grand Prix de la critique en 1982 pour
Le Bleu de l’eau de vie, de Jorge Semprun, et de très beaux succès aux côtés
de metteurs en scène tels que Françoise Petit, pour Le Mariage de Figaro, Le
Misanthrope, Michel Fagadau, pour Love, de Murray Schisgal, et Dîner entre
amis, de Donald Margulies, ou encore Bernard Murat, pour Le Retour, de
Harold Pinter, et plus récemment, Une heure et demie de retard, de Gérard
Sibleyras, qui a été une très belle réussite.

Au cinéma, vous collaborez à deux reprises avec Claude Lelouch, dans Il y a
des jours … et des lunes, et La Belle Histoire. Dans Post coitum, animal triste,
Brigitte Rouan vous offre l’un de vos plus beaux rôles, celui d’un mari blessé et
trompé, qui passe de la douleur sourde à l’explosion.

Vous passez derrière la caméra en 2000, pour réaliser Charmant
garçon, une
comédie acide sur le thème de la confrontation des genres, celui de votre
personnage, ringard, brutal et grossier, et de la femme dont il tombe amoureux,
belle et cultivée, interprétée par Alexandra Vandernoot.

Après ce premier succès, vous offrez votre talent aux jeunes réalisateurs
prometteurs, Manuel Poirier, pour Te Quiero, Eric Assous, pour lequel vous
campez un professeur taciturne, sur lequel une jeune élève mineure jette son
dévolu, dans Sexes très opposés, ou encore Rémy Waterhouse, pour sa
comédie mordante, Mille millièmes, fantaisie immobilière. Dans Je ne suis pas là
pour être aimé, de Stéphane Brizé, vous jouez un huissier fatigué, pris d’une
passion aussi soudaine que dévorante pour le tango.

A l’heure de la sortie de votre nouveau film, Le Prix à payer, de Alexandra
Leclère, je suis très heureux de saluer votre carrière aussi brillante que
singulière, vouée à la création la plus exigeante, et à des rôles très divers,
toujours empreints de cette profonde humanité qui a touché le coeur de tous les
spectateurs.

Patrick Chesnais, au nom de la République, nous vous faisons Officier dans
l’Ordre des Arts et des Lettres.

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