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Remise des insignes de Chevalier dans l’Ordre des Arts et des lettres à Peter Molyneux

Cher Peter Molyneux,

Je suis très heureux de vous accueillir aujourd’hui, pour honorer en vous
une véritable étoile du monde du jeu vidéo, un visionnaire, un pionnier, un
révolutionnaire. J’allais dire un dieu. Disons plutôt que vous faites des
joueurs de véritables démiurges, disposant de pouvoirs infinis sur un
monde qu’ils créent de toutes pièces, et scellant le destin de leurs
personnages. Avec vous, le jeu dépasse les frontières du simple
divertissement, pour accéder à une dimension quasi métaphysique, et
spirituelle.

C’est dire si le jeu est profondément ancré en vous, depuis votre enfance,
puisque vous avez été élevé dans le magasin de jouets de votre mère.

On
retrouve aussi dans tous vos jeux ce sens de l’absurde et de l’humour
merveilleusement britannique, qui vous a conduit un jour à assister grimé à
une fête organisée par vous-même, où trois cent invités n’ont cessé de
vous chercher pendant des heures…

Votre première création pour Bullfrog, le jeu Populous, provoque un petit
séisme dans le monde du jeu vidéo. Vous placez le joueur à la fois hors et
au coeur de l’action, en inventant la notion d’incidence indirecte, de
dialectique entre le monde virtuel créé et le joueur, qui gagne, à terme, la
toute puissance. Vendu à trois millions d’exemplaires, ce jeu, première
« simulation de divinité » (« God Game »), vous vaut de nombreuses
distinctions et grave votre nom dans l’histoire du jeu vidéo.

Vous développez ces principes novateurs dans les titres que vous signez
ensuite, en appliquant cette notion de dialectique à différents contextes :
une troupe de soldats, dans Powermonger en 1991, ou encore un parc
d’attractions, en 1994, avec Theme Park, deux perles parmi vos
nombreuses créations jubilatoires devenues cultes.

En 1997, vous vivez un tournant décisif, en créant une nouvelle société,
Lionhead Studios, qui vous offre une liberté et une indépendance totales
pour réaliser les projets les plus fous sortis de votre imagination débridée.

Black and White pousse à son paroxysme l’art de la simulation de divinité.

Le joueur devient véritablement Dieu, ou plutôt une sorte de Léviathan,
créature titanesque et tout puissante, qui doit gagner la foi et les respect de
ses brebis, par la terreur ou l’adoration. Au joueur de choisir entre la voie
du Dieu bienveillant, ou du Dieu implacable.

Avec Fable, dont le dernier volet vient tout juste de sortir, et auquel je
souhaite le même succès qu’à sa précédente édition, vous plongez les
joueurs dans un univers médiéval, aidé en cela par des graphismes d’une
grande beauté, et des effets sonores particulièrement soignés.

Car le jeu vidéo est, vous le savez, un art complet. Parce qu’il développe
une histoire, des histoires, autant d’histoires qu’il y a de joueurs, parce
qu’il crée un univers, avec ses codes, ses règles, ses principes, parce qu’il
doit innover en permanence. Pour créer vos mondes virtuels, pour les
rendre toujours plus réels, vous n’hésitez pas à convoquer tous les
talents, du jeu vidéo, bien sûr, mais aussi des écrivains, des réalisateurs,
des chorégraphes, des créateurs de mode, ou encore des décorateurs.

C’est aussi cette exigence, ce souci du détail juste, cette quête de la
perfection de ces mondes dont vous êtes, en réalité, le premier démiurge,
qui ont fait le succès de vos jeux. Vous avez su communiquer à des
millions de joueurs, qui guettent aujourd’hui religieusement, si je puis dire,
vos dernières oeuvres, vos talents et vos goûts d’apprenti sorcier. Je suis
particulièrement heureux de saluer aujourd’hui un véritable visionnaire, qui
démontre, à chacune de ses créations, combien le jeu vidéo a toute sa
place dans ces salons.

Peter Molyneux, au nom de la République, nous vous remettons les
insignes de Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres.

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