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Remise du prix Georges Pompidou à Pierre Soulages

Madame, Chère Claude Pompidou,

Madame, Chère Madeleine Malraux,

Monsieur le Premier Ministre, Président de l’association Georges
Pompidou, Cher Pierre Messmer,

Monsieur le Premier Ministre, Vice-Président de l’association Georges
Pompidou, Cher Edouard Balladur,

Monsieur le Ministre, Cher Maurice Druon,

Cher Pierre Soulages,

Monsieur le Président du jury, Cher Jean-Louis Prat,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis très heureux et très fier d’accueillir dans ces murs le nouveau
lauréat du prix Georges Pompidou. C’est un prix original, créé par
l’association Georges Pompidou, dont vous êtes le président depuis sa
création, cher Pierre Messmer, et qui est attribué cette année à un artiste
français de très grand renom, Pierre Soulages. Je félicite de ce choix le
jury qui a été réuni pour l’occasion, sous la présidence d’un conservateur
de premier plan, Jean-Louis Prat.

Je suis particulièrement ému de m’exprimer aujourd’hui, en votre présence,
Madame, Chère Claude Pompidou ; en votre présence, Monsieur le
Premier Ministre, Cher Pierre Messmer, et en votre présence, Cher
Maurice Druon, qui avez été ministre des Affaires culturelles de Georges
Pompidou, dans le Gouvernement dirigé par Pierre Messmer. Sans doute
avez-vous aujourd’hui la réponse à cette question, qui a dû aussi tarauder
André Malraux : « Agit-on plus sur les évènements en étant ministre ou
écrivain ? Je m’apprête à en faire l’expérience »…

Il est vrai que, comme vous l’avez relevé Monsieur le Premier Ministre,
Cher Edouard Balladur, dans votre ouvrage éponyme, la culture fait partie
intégrante du Caractère de la France, de ce que vous avez appelé à juste
titre " la conscience qu’a la France d’être ce qu’elle est ". Et ces lignes, que
vous aviez écrites il y a quelques années, demeurent plus que jamais
actuelles : " malgré son affaiblissement relatif, démographique,
économique, linguistique, militaire, la France conserve dans le domaine de
l’esprit et du goût un rôle d’éclaireur ".

Vous en êtes, cher Pierre Soulages, l’un des plus illustres exemples. Vous
êtes l’un de nos plus grands artistes. Né en 1919 à Rodez, vous avez été,
très jeune, attiré par l'art roman et la préhistoire. Vous commencez à
peindre dans cette province alors isolée que n'ont pas encore pénétré les
courants artistiques contemporains. À 18 ans, vous vous rendez à Paris
pour préparer le professorat de dessin et le concours d'entrée à l'École
Nationale supérieure des Beaux-Arts. Vous y êtes admis mais, peu
convaincu par l'enseignement qu'on y reçoit, vous repartez aussitôt pour
Rodez. Pendant ce bref séjour à Paris, vous avez fréquenté le musée du
Louvre, et visité des expositions de Cézanne et Picasso qui sont pour
vous des révélations.

Mobilisé en 1940 et démobilisé en 1941, vous vous rendez à Montpellier
et fréquentez assidûment le musée Fabre. Montpellier occupé, commence
pour vous une période de clandestinité pendant laquelle vous ne peignez
plus.

Ce n'est qu'en 1946 que vous pouvez consacrer tout votre temps à la
peinture. Vous vous installez alors dans la banlieue parisienne. Vos toiles,
où le noir domine, sont abstraites et sombres, et sont aussitôt
remarquées, tant elles diffèrent de la peinture à demi-figurative et très
colorée de l'après-guerre.

Vous trouvez un atelier à Paris, rue Schoelcher, près de Montparnasse.
En 1948, vous participez à des expositions à Paris et en Europe,
notamment à "Französische abstrakte malerei", dans plusieurs musées
allemands. Vous êtes alors le plus jeune, de beaucoup, du petit groupe de
peintres que célèbre cette exposition, composé des premiers maîtres de
l'art abstrait, parmi lesquels Kupka, Doméla, et Herbin. L’année suivante,
une exposition personnelle à Paris, galerie Lydia Conti, sera suivie de
plusieurs expositions de groupe à New-York, Londres, Sao-Paulo et
Copenhague.

C’est le début d’une carrière qui va être jalonnée d’expositions
importantes, en France, avec notamment une exposition marquante au
Centre Pompidou en 1979, comme à l’étranger. Vos oeuvres sont très tôt
achetées par des musées prestigieux, et aujourd'hui, plus de 150 de vos
peintures se trouvent dans les musées. Vous développez votre travail sur
le noir, caractérisé par une réflexion sur l’interaction de la lumière et d’une
surface monochrome animée.

De 1987 à 1994, vous réalisez les 104 vitraux de l'abbatiale de Conques,
exemples magnifiques de l’intégration de l’art contemporain dans un
monument historique.

En 1998, la parution des trois tomes du catalogue raisonné de vos
oeuvres, par Pierre Encrevé, récapitule le travail immense que vous avez
accompli. Un travail qui, bien qu’empreint d’une profonde cohérence, ne
cesse de se développer et de se réinventer. Ainsi, depuis peu, de
nouvelles oeuvres sont apparues où rythme, espace et lumière, naissent
des contacts violents du noir et du blanc sur l'entière surface de la toile,
déployant une toute autre lumière picturale.

En ce moment même, l’Institut d’art moderne de Valence, en Espagne,
vous rend hommage par une grande exposition.

Mais surtout, je tiens à saluer le projet du Musée Pierre Soulages à
Rodez. A la suite de la magnifique donation Pierre et Colette Soulages à
l’agglomération du Grand-Rodez, consentie en 2005, un musée dont le
programme est en cours d’élaboration va être construit, qui aura le statut
de musée de France.

Vous présenterez l’ensemble d’oeuvres exceptionnel constituant cette
donation, ainsi que la totalité des maquettes et cartons des vitraux de
Conques qui est en la possession du Fonds national d’art contemporain.

Enfin, je n’oublie pas les salles majestueuses qui, dans le Musée Fabre
de Montpellier restauré, ont été révélées au public le 4 février. Dix-neuf
peintures, offertes au Musée par Pierre et Colette Soulages, qui sont
présentées dans un dispositif d’exposition très original.

Ce prix est donc hautement symbolique. Il célèbre une aventure
artistique, une carrière, mais aussi un homme, sensible, généreux,
toujours engagé à défendre la cause de l’art et à favoriser la rencontre
avec le public.

Vous incarnez à merveille « cette recherche tendue et fascinante du
nouveau et de l'inconnu » si chère à Georges Pompidou.

Je tiens à remercier et à féliciter l’association Georges Pompidou de son
excellente et heureuse initiative, et je laisse la parole à Jean-Louis Prat.

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