Imprimer cet article - Envoyer à un ami

Installation du Comité René Char

Madame,

Monsieur le Secrétaire perpétuel, Président du Haut Comité des
célébrations nationales,

Mesdames, Messieurs les membres du Haut Comité,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis très heureux de vous accueillir aujourd’hui rue de Valois pour
l’installation du Comité René Char, souhaité par le Premier ministre. Il y
a bientôt cent ans en effet naissait ce grand poète, ce héros de la
Résistance, ce pionnier qui a fait de l’impossible une « lanterne », qui
éclaire encore aujourd’hui nos pas.

Car tel est bien le sens des célébrations nationales : commémorer les
anniversaires des pionniers, des génies visionnaires qui ont, tout au long
de notre histoire, de la plus ancienne à la plus récente, à l’échelle des
siècles et des demi-siècles, ouvert des voies, en politique, en littérature,
en sciences humaines, des voies artistiques, scientifiques, des voies
lumineuses pour les générations présentes et futures.

Je salue le travail du Haut Comité des Célébrations nationales qui nous
offre chaque année ce reflet fidèle de notre âme, ces morceaux choisis
de notre histoire, que nous n’écrivons jamais que pour récrire au cours
du temps « l’immense et compliqué palimpseste de la mémoire » cher à
Baudelaire. Pour décrypter le monde d’aujourd’hui, nous devons
comprendre notre passé, pour avancer, nous avons besoin de repères,
pour agir ensemble, il nous faut tirer des leçons de cette épopée
collective, façonnée par les grandes étapes, par les jalons que les
célébrations nationales ont pour vocation de mettre en lumière.

« De sorte que toute la suite des hommes, écrivait Pascal, pendant le
cours de tant de siècles, doit être considérée comme un même homme
qui subsiste toujours et qui apprend continuellement. »

Oui, l’action du Haut Comité est essentielle pour jeter des passerelles
entre le passé et le présent, mais aussi pour tisser, aujourd’hui, des liens
entre les hommes : par son travail de sélection, de hiérarchisation des
évènements, il nous offre bien plus qu’un simple répertoire de dates
clés, bien davantage qu’une galerie de portraits illustres. C’est
véritablement l’identité de notre nation que nous célébrons, c’est la
mémoire collective et la citoyenneté françaises que nous construisons
chaque année, au fur et à mesure de ces temps forts.

C’est en 1974 que Maurice Druon, alors ministre de la culture, créa
l’Association française pour les célébrations nationales et la délégation
aux célébrations nationales qu’il a chargées de « veiller à la
commémoration des événements importants de notre histoire ».

C’est en 1998 que ce dispositif a été placé sous la haute autorité du Haut
Comité des célébrations nationales et intégré, au sein des services du
ministère, à la direction des archives de France, institution de référence
pour la mémoire et l’histoire de la France.

La mission du Haut Comité est très large, puisque d’après les termes de
l’arrêté qui l’a créé, il a la faculté « de faire toute proposition sur la
célébration des événements importants de l’histoire nationale ». Il lui
revient donc de mettre l’accent sur des faits majeurs ou symboliques,
propres à éclairer la réflexion contemporaine, propres à mobiliser les
citoyens autour de grands thèmes fédérateurs, de figures illustres de notre
mémoire collective, comme de personnages majeurs restés dans l’ombre,
et à qui nous devons rendre la lumière.

Pour 2007, j’ai bien sûr retenu sa proposition d’élever au rang de
célébration nationale le centième anniversaire de la naissance de René
Char, ce visionnaire du verbe et de l’action, seul poète à être entré de son
vivant dans la prestigieuse bibliothèque de la Pléiade, chez Gallimard, ce
génie du XXe siècle qui écrivit : « Un poète doit laisser des traces de son
passage, non des preuves. Seules les traces font rêver. »

Il vous revient, à vous les membres du comité René Char que j’ai le plaisir
et l’honneur d’installer aujourd’hui à la demande du Premier Ministre,
Dominique de Villepin, une tâche à la fois captivante mais au combien
délicate. Organiser la célébration 2007 du poète est certes un honneur,
c’est aussi un défi.

Un défi car les formes de cette célébration, les possibles qui s’offrent à
vous aujourd’hui sont quasiment infinis. Il vous reviendra donc de
trancher, de sélectionner, de hiérarchiser, d’ordonner, en un mot de faire
de cette célébration un tout signifiant à l’adresse de nos contemporains.

Si
nous avons besoin de célébrer René Char aujourd’hui, c’est parce que
nous avons besoin de René Char. Sa figure nous observe, et son regard
sur notre époque, par delà la mort, nous est indispensable. C’est là
l’oeuvre périlleuse et difficile dont nous devons nous montrer dignes.

Un défi s’offre à nous, également parce que cette présence de René Char
ne sera aboutie que si elle fait appel à toutes les ressources, à tous les
arts, à toutes les expressions artistiques. Aussi je souhaite que mon
ministère tout entier célèbre René Char en 2007. Je discerne déjà autour
de vous les volontés et les talents venus du théâtre, du spectacle, des
arts, du livre dont les contributions vont former, pour l’ensemble de nos
concitoyens en 2007, le visage du poète.

Permettez-moi de dévoiler le dernier visage de ce défi, un autre aspect de
la nature ardue de notre tâche. Il ne nous est que rarement donné d’avoir
a célébrer un poète si proche, si actuel, presque quotidien. Je n’ai point
souvenir, dans l’immense actif de nos célébrations, d’une démarche en
définitive aussi contemporaine. Aussi il nous faudra mêler au quotidien, à
l’actuel, à la célébration, le merveilleux, le non-contemporain, le poète.

Ce sont ces traces, profondes, que la célébration 2007 nous invite
aujourd’hui à explorer, à relire, à rêver ensemble. Des traces d’un
adolescent qui grandit à l’ombre d’une mère austère, à l’Isle-sur-la3
Sorgue, solitaire, fasciné par les marginaux, êtres mystérieux qui peuplent
cet entre-deux, ce seuil, lieu par excellence du génie poétique, patrie de
Rimbaud qu’il admire tant. « Comment m’entendez-vous ? Je parle de si
loin… » écrivit-il.

Surréaliste le temps d’une amitié houleuse avec Paul Eluard, qui décela
son génie, révolté par les premières heures du nazisme et de la guerre
d’Espagne, Résistant fervent, et amoureux fou de son pays natal, qui
inspirera parmi ses plus belles pages, René Char, disparu en 1988, était
un génie du verbe, à l’engagement exemplaire. Ami de Vieira da Silva, de
Georges Bataille, de Georges Braque et de Joan Mirò, il fut aussi très
proche de Maurice Blanchot et d’Albert Camus, dont nous célébrons
également le centenaire l’an prochain.

Je le disais à l’instant, il ne s’agit pas de mettre à l’honneur une galerie de
portraits, mais de faire revivre l’âme et les combats des générations
passées, les grandes heures de notre histoire collective. De la même
façon que l’an dernier étaient mis à l’honneur quatre philosophes à
l’occasion du centenaire de leur naissance, Paul Nizan, Emmanuel
Mounier, Jean-Paul Sartre et Raymond Aron, nous fêterons l’an prochain
les dates clés de ces trois grands penseurs, René Char, Maurice Blanchot
et Albert Camus, trois destins croisés de cette même génération, qui ont
vu leurs jeunesses éclater, leurs vies basculer et leurs engagements
prendre forme au fil des « guerres civiles européennes » qui ont secoué le
siècle dernier.

Par-delà l’hommage rendu à René Char, je tenais à souligner combien les
célébrations nationales sont de véritables rendez-vous que les Français
prennent avec leur histoire et avec leur présent.

A l’heure de prendre rendez-vous avec ce grand poète du verbe et de
l’action, je tiens à vous remercier de nous permettre d’ouvrir et
d’emprunter, après lui, ces « routes aimées », ces « routes qui ne disent
pas le pays de leur destination » et qu’il nous appartient de faire partager
et aimer.

Je vous remercie.

Laisser une réponse