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Bilan annuel du Centre national de la cinématographie

Le festival de Cannes est le grand rendez-vous des cinémas du monde et le carrefour de la diversité culturelle. S’il y avait une illustration concrète à donner de la nécessité d’un instrument tel que la Convention sur la protection de la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’Unesco, adoptée par 148 pays en octobre dernier, elle est ici…

Madame la Directrice générale,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

C’est toujours une joie pour moi de célébrer avec vous cette fête mondiale du cinéma que la France a l’honneur d’offrir à toutes les nations, en hommage à la création cinématographique dans sa multitude.

Je voudrais, cette année encore, rendre hommage au travail de Gilles Jacob, président du Festival de Cannes, et de Thierry Frémeaux, pour la qualité de leur travail, leur infinie curiosité dans la recherche des films et leur esprit d’ouverture et souhaiter la bienvenue à Catherine DEMIER, qui a rejoint l’équipe et dont c’est le premier « Cannes ». Un grand bravo aussi à Olivier Père et Jean-Christophe Bergeon pour leurs intelligentes et éclectiques sélections, tant à la Quinzaine des réalisateurs qu’à la Semaine de la critique.

Je voudrais enfin remercier Véronique Cayla, que l’an dernier je félicitais encore pour avoir œuvré à la réussite du Festival, et qui nous accueille aujourd’hui pour cette présentation du bilan annuel du cinéma français réalisé par le Centre National de la Cinématographique que vous dirigez, avec talent et passion, chère Véronique, depuis un peu moins d’un an maintenant.

Le festival de Cannes est le grand rendez-vous des cinémas du monde et le carrefour de la diversité culturelle. S’il y avait une illustration concrète à donner de la nécessité d’un instrument tel que la Convention sur la protection de la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’Unesco, adoptée par 148 pays en octobre dernier, elle est ici. Grâce à cette victoire politique, le Festival de Cannes continuera de montrer des cinématographies de tous horizons, s’exprimant en toute liberté. Je pense notamment au développement des cinématographies riches, complexes et fragiles des pays les moins développés, en particulier les pays du Sud. A Bruxelles, il y a quelques jours, avec mes collègues ministres européens de la culture, nous avons lancé le processus de ratification de cette convention par l’Union européenne. L’enjeu est essentiel.

Je suis heureux de pouvoir ce matin faire comme chaque année un point pour souligner les réussites que nous partageons, sans méconnaître et sans sous-estimer les questions qui demeurent à régler, ni les défis inédits que les nouvelles technologies et l’arrivée de nouveaux acteurs de la télécommunication induisent.

Parce qu’il s’agit d’un autre élément clef pour garantir l’avenir de la diversité culturelle, je tiens à vous informer de l’état du débat sur le projet de loi relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, et croyez-moi, je le ferai sans aucune autosatisfaction, mais avec beaucoup de détermination et de conviction.

D’où venons-nous ? Nous sommes partis d’une situation d’impunité de fait ! Malgré la médiatisation de quelques cas qui frappèrent l’opinion, la loi n’était pas appliquée. Et, vous le savez mieux que personne, la tentation était forte pour beaucoup, soit de laisser perdurer une telle situation, chaotique, soit de transposer a minima une directive qui aurait dû l’être depuis longtemps et qui n’aurait pas été adaptée à la situation actuelle, soit d’instaurer un système de licence globale, qui aurait conduit à l’impossibilité de protéger les œuvres et à un sous-financement du cinéma. Le combat contre ce qu’il faut bien appeler une démarche démagogique, sans conscience des enjeux pour la création, nous l’avons mené ensemble. Il est en passe d’être gagné !
Je voudrais faire mesurer le chemin que nous avons parcouru ensemble : le débat a changé de nature, hier il était celui de l’inconscience et de l’impunité, il est aujourd’hui celui de l’effectivité des sanctions encourues, et c’est en soi un progrès. Ce n’est pas un renoncement. Ce texte a été l’occasion d’un débat public sur le droit d’auteur à l’ère numérique, débat qui a eu lieu pour la première fois à l’échelle nationale. Nous avons gagné un combat du droit d’auteur contre la licence globale, et je serai toujours à vos côtés quand il s’agira de défendre le droit d’auteur contre des utopies démagogiques qui menacent en fait la création.
Je sais que vous êtes déçus de n’avoir pas vu certaines dispositions être adoptées par le Parlement. Toutefois cette situation ne doit pas dissimuler ce que sont en l’état les acquis réels du texte : une opinion publique désormais informée, grâce à un long débat et des sanctions proportionnées et adaptées aux faits, de façon à ce qu’elles soient applicables. Au premier chef, la responsabilité pénale et civile des éditeurs de logiciels, ensuite les sanctions délictuelles pour ceux qui contournent et incitent à contourner les mesures techniques de protection.

S’agissant des internautes, je veux souligner l’importance, notamment pédagogique, que revêt à mes yeux la reconnaissance du principe de la responsabilité de l’abonné. C’était à juste titre une de vos propositions. Elle a pu être reprise et je suis fier de l’avoir fait adopter par le Sénat.

Dans le travail commun que nous avons mené, vous avez souhaité, et je vous ai suivi, que demeure du domaine de la contrefaçon la mise à disposition illégale au public des œuvres non associées au téléchargement. Cette revendication est légitime. Je l’ai reprise à mon compte et c’est ainsi que le texte le prévoit. Il n’y a pas d’amoindrissement de la faute, selon que l’on est dans l’acte matériel ou immatériel de contrefaçon.

S’agissant des autres sanctions visant les internautes, je tiens à souligner que les contraventions ne concernent que les téléchargements et les mises à disposition associées automatiquement à ces téléchargements, et pour des fins personnelles. Comme vous, je crois que l’efficacité du système doit être renforcée : l’internaute qui effectue de manière massive des mises à disposition d’œuvres sera plus sévèrement sanctionné. J’ai repris à mon compte cette proposition. Le projet de décret en cours d’élaboration prévoit désormais une contravention de 4ème classe, à partir d’un seuil dont je souhaite discuter avec vous pour qu’il soit pertinent. Je veux vous associer étroitement autant à l’élaboration du texte qu’à son suivi, et je vais réunir dans les jours prochains un groupe de suivi avec les professionnels qui seront désignés. Car, et c’est une préoccupation que je partage avec vous, l’effectivité des sanctions ne va pas de soi. J’ai saisi, il y a une semaine, le Garde des Sceaux de ce point précis. Je lui ai également demandé de désigner un magistrat qui devra faire des propositions rapides et notamment concernant le délit d’habitude. Cette efficacité dépendra aussi et surtout des moyens mis en place. J’ai saisi de ce point le ministre de l’intérieur et le ministre du budget. Et j’ai mis en place un comité de lutte contre la contrefaçon numérique. Aujourd’hui, ce qui compte avant tout, c’est d’agir pour assurer l’avenir du cinéma français. La loi qui sera votée créera les conditions pour que se développent des offres légales de films, qui seront attractives, sécurisées, de qualité et diversifiées.

Je suis profondément convaincu que le cinéma français, sa santé, son dynamisme, son ouverture, sont des exemples qui confortent et encouragent les créateurs de tous les pays à poursuivre leur propre élan.

J’en veux pour première preuve le fabuleux dynamisme de la production cinématographique, qui a connu l’année dernière un nouveau record, avec 240 films agréés, dont 187 d’initiative française.

Je voudrais souligner qu’en 2005, sur ces 240 films français agréés par le CNC, près de la moitié sont des coproductions internationales avec un ou plusieurs pays partenaires. Et la France s’est engagée financièrement dans plus de cinquante films d’initiative étrangère.

Ces chiffres attestent de la vitalité de notre production, de la qualité des relations entretenues par les producteurs français avec leurs homologues étrangers pour le cofinancement des œuvres, ainsi que de l’ouverture de notre système. C’est un gage de diversité, de financements, de talents, et de succès au-delà de nos frontières. Je ne ferai jamais partie de ceux qui disent qu’il y a trop de films aujourd’hui en France.

Toutefois la production française doit être équilibrée, diversifiée, bien financée, et c’est cette diversité qui permet l’émergence de nouveaux talents. Tous les films produits doivent avoir une chance d’être vus par leur public. Or certains films rencontrent des difficultés à trouver une réelle exposition. Je suis convaincu qu’il faut laisser aux œuvres cinématographiques le temps qu’il faut pour conquérir leurs spectateurs.

Les modes d’exploitation ultérieurs du cinéma n’auraient pas la même valeur sans cette étape fondatrice de la rencontre avec le public qu’est la salle. Je veux le redire, à l’heure de la multiplicité des chaînes de télévision et de l’essor d’Internet.

L’ouverture de la production française à l’international s’est faite de manière complémentaire au développement de l’emploi culturel, et c’est pour moi un point capital, puisque nous avons contribué à renforcer l’attractivité de notre territoire, par deux mesures essentielles qui portent déjà leurs fruits.

Le développement des aides régionales à la production, tout d’abord, à travers une nouvelle génération de conventions de développement cinématographique et audiovisuel tripartites.

Ensuite le crédit d’impôt cinéma, dans sa version adoptée en 2005, a non seulement permis de renforcer le financement de la production en France, puisque 117 films en ont bénéficié en 2005, mais il a également eu des effets très importants sur l’emploi, puisque plus de 2000 emplois ont été créés. Je relève que ce mécanisme fiscal n’a en rien ralenti, comme certains le redoutaient, le dynamisme de coproductions que je viens de rappeler.

Dans le même but de rendre notre territoire attractif, et d’encourager les tournages en France pour développer l’emploi dans le secteur du cinéma, j’ai tenu, vous le savez, à renforcer le rôle de la Commission du film, chargée désormais de faciliter l’accueil des tournages sur notre territoire. Parce que notre patrimoine exceptionnel, nos monuments, sont bien plus que des décors, parce qu’ils donnent véritablement une âme aux films, je souhaite que les professionnels du cinéma en poussent davantage les portes, pour leur faire vivre, et nous faire vivre, de fabuleuses histoires.

Dès mon arrivée au ministère, j’ai entrepris des démarches de notifications auprès de la Commission Européenne de l’ensemble des aides au cinéma et à l’audiovisuel. J’ai voulu un profond changement de méthode avec la Commission Européenne, car j’étais persuadé que la démonstration pouvait être faite de la compatibilité de l’ensemble des aides françaises avec la législation communautaire. C’est chose faite aujourd’hui. J’étais et je demeure convaincu que notre système, du compte de soutien aux dispositifs fiscaux tels que le crédit d’impôt, ou encore les Soficas, en passant par les nombreuses aides sélectives, telles que les aides à l’exploitation, est le garant de la vitalité et de la richesse de notre cinéma, il devait être reconnu et validé au niveau européen. Vous l’avez très justement rappelé, chère Véronique Cayla, l’ensemble de notre système, c’est une grande première et un événement majeur, est stabilisé et sécurisé jusqu’en 2011. Et le secteur de l’audiovisuel et du cinéma est, bien que fragile, un secteur économique important, évalué à environ 8 milliards 600 millions d’euros en 2005.

La réforme du dispositif des Soficas, en 2005, a renforcé les obligations d’investissement dans la production indépendante, et modernisé le système en rendant la répartition plus transparente. Leur enveloppe a ainsi été augmentée pour la première fois depuis des dizaines d’années. C’est un geste fort des pouvoirs publics en faveur de la diversité culturelle, et je serai particulièrement vigilant sur les effets de cette réforme et sur l’articulation du dispositif des SOFICA avec les réformes fiscales en cours. Le rôle des pouvoirs publics, mon rôle, c’est de permettre aux œuvres les plus diverses de trouver leur chemin du scénario à la salle, c’est de soutenir la production indépendante et les talents nouveaux.

A ce stade, je souhaite dire un mot du court métrage. Le format court est un genre à part entière, et un formidable creuset des esthétiques futures. Nous devions donner les moyens à ces talents émergents de s’accomplir, et de rencontrer un public. C’est la raison d’être du plan d’action que j’ai voulu pour ce genre essentiel à la création.

Il serait absurde d’opposer les différents modes d’accès aux films : car il est plus important de considérer qu’ils se complètent, et de tirer le meilleur profit de cette complémentarité. C’est pourquoi il nous revient maintenant d’adapter notre système d’aide, qui a si bien fait ses preuves au fil des années, à ces nouvelles formes de diffusion ou d’accès aux films que sont le cinéma à la demande ou la télévision sur mobile, en faisant contribuer ces nouveaux supports de diffusion au compte de soutien, qui a besoin aujourd’hui, en raison de son succès, d’un vrai relais de croissance et en veillant à la complémentarité nécessaire de ces nouveaux modes de diffusion. L’extension de l’assiette du compte de soutien au SMS et au parrainage est une bonne chose. Le COSIP ne sera pas le laissé pour compte des nouveaux médias. C’est la raison pour laquelle j’ai défendu à Bruxelles l’extension aux services non linéaires des obligations qui s’appliquent aux services classiques. C’est essentiel. Et c’est la raison pour laquelle je veux ici saluer l’accord sur la VOD que vous avez signé le 20 décembre 2005 rue de Valois avec les fournisseurs d’accès à Internet. Il sera un élément du dynamisme de la création d’avenir. Il faut désormais que cet accord vive et s’incarne. Je sais que je peux compter sur vous pour mobiliser les publics. Vous, comme moi, avons fait œuvre utile.

J’en viens maintenant à un problème essentiel : il ne faut pas que les stratégies des grands opérateurs bouleversent les équilibres soigneusement construits au fil des années. Ainsi, je serai très vigilant quant à l’évaluation des conséquences de l’opération de fusion Canal+/TPS, soumise à l’autorisation des pouvoirs publics et sur laquelle le CSA et le Conseil de la concurrence sont actuellement chargés de mener une expertise et de formuler un avis. Car le rôle de la télévision payante dans le financement du cinéma est devenu essentiel, et les chaînes thématiques de cinéma contribuent aujourd’hui efficacement tant à la diversité de la production, qu’à la diversité de l’offre de films programmés sur le petit écran. S’il convient, bien sûr, de s’assurer que le projet de fusion respecte le droit de la concurrence et les intérêts du consommateur, mais au-delà et j’insiste sur ce point, je me dois de veiller à ce que la spécificité des œuvres et des films soit bien prise en considération. Ce principe fondateur de la politique culturelle française que nous avons réussi à faire partager par l’Unesco et par la Commission Européenne, nous devons bien sûr nous l’appliquer à nous même.

D’une manière plus générale, il est clair que ces prochaines années doivent, pour l’ensemble des professionnels du cinéma et les pouvoirs publics, mobiliser toutes nos énergies, ainsi que notre capacité de réflexion, sur les perspectives de numérisation à terme de l’ensemble de la filière cinématographique.

Ce changement de technologie a commencé de provoquer un bouleversement radical des conditions artistiques, culturelles, sociales et économiques de fonctionnement de l’industrie du cinéma. L’arrivée de nouveaux acteurs de la télécommunication ne doit pas déstabiliser l’équilibre économique général et au contraire doit profiter à la création cinématographique. C’est un principe fondateur. C’est la raison pour laquelle dans le texte du projet de loi qui vous a été transmis pour consultation sur la haute définition et la télévision mobile, le fait d’être déjà diffusé en hertzien terrestre sera un critère très important du choix opéré par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel. Notre objectif premier est la défense de la diversité culturelle. La technique ne doit pas imposer ses lois, ni ses impératifs, qui dans tous les cas doivent être maîtrisés et adaptés à nos exigences communes. La numérisation des contenus est un formidable moyen au service de la diffusion de la culture, elle ne doit en aucun cas la mettre en péril mais au contraire participer à son développement. Et quels contenus plus beaux et plus divers que les films de cinéma ?

C’est dans cet esprit que Daniel Goudineau a été chargé par Véronique Cayla d’une mission sur les modèles économiques qui permettront à terme le déploiement du cinéma numérique dans les salles, tout en respectant la diversité et la spécificité du parc français. Il doit bientôt remettre son rapport.

J’y serai particulièrement attentif, de même que j’attends beaucoup des travaux du Groupe d’analyses stratégique des industries culturelles que j’ai mis en place il y a quelques mois, pour contribuer à l’évaluation de l’impact des nouvelles technologies sur le positionnement et les stratégies de développement des industries culturelles.

Enfin, le Président de la République a lancé il y a quelques jours, le « Comité stratégique pour le numérique » dont l’un des objectifs majeurs est de maîtriser la convergence des contenus, des réseaux et des opérateurs (de l’audiovisuel, des télécommunications et de l’Internet). Là aussi, les enjeux culturels sont au premier rang, et il convient qu’une attention particulière soit portée, dans les travaux de ce comité, à la spécificité du cinéma. En tant que membre de droit du comité, j’y veillerai personnellement.
La régulation nouvelle qui pourrait à terme résulter de la convergence doit se faire au bénéfice des contenus. C’est un enjeu de pluralisme, vital pour la création.

Mesdames et Messieurs, je suis heureux et fier de pouvoir rendre hommage à la vitalité et à la santé du cinéma français. Cet hommage s’adresse à vous, créateurs, artistes, techniciens et professionnels, qui êtes à l’origine de ces succès et je ne méconnais aucun des métiers qui contribuent à la création d’un film.

Je suis fier de votre force, je suis fier de notre capacité commune à surmonter les difficultés présentes et à venir. Ce n’est que si nous ne renonçons pas, que si nous sommes unis autour des mêmes causes que nous les surmonterons. Je suis aussi conscient des fragilités permanentes de ce secteur, et bien décidé à l’aider à affronter les révolutions technologiques qui l’attendent. Il faut le faire en étant fidèle aux principes fondateurs d’une politique du cinéma patiemment construite et constamment renouvelée en France depuis soixante ans, dont la force et l’intelligence est de considérer le cinéma, certes comme un art et une technique, mais aussi de laisser prospérer en lui cette part de mystère et de magie, si chère à chacun de nous !

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