Archives de 2005

Remise des insignes insignes de Chevalier dans l’ordre national du Mérite à Antoine Picard d’Estelan

19 décembre 2005

Cher Antoine Picard d’Estelan,

Officier de marine pendant vingt années, vous embarquez en tant que
Capitaine de Corvette, pour des missions opérationnelles à bord de
corvettes et de frégates, principalement dans l’Océan Indien, où vous
participez aux missions de maintien de la paix durant le conflit qui
oppose l’Iran et l’Irak ; puis quelques années plus tard, après la
première guerre du Golfe, dans le cadre d’une mission d’embargo sur
les armes à destination de l’Irak.

Breveté Détecteur, vous êtes en charge de prévenir les bâtiments de
toute agressions par la mise en place de mesures préventives et
offensives, reposant sur la détection et l’analyse de tous types de
signaux électromagnétiques.

Puis vous rejoignez Lorient.

Pendant une année, vous êtes l’adjoint de l’amiral chef du service
historique de la marine pour lequel vous organisez deux expositions :
l’une intitulée « du bois dont on fait les vaisseaux » en partenariat
avec les archives de France et l’ONF, une autre sur « l’épopée
maritime en Chine et Cochinchine ».

Je dois dire que c’est l’occasion d’approcher le monde de la culture et
particulièrement celui du patrimoine et des archives.

Après un passage en état-major, où vous êtes en charge de la
politique de coopération militaire marine avec des pays d’Afrique et du
Moyen Orient, vous êtes détaché pendant une année auprès des
Nations Unis en Irak comme officier chargé du maintien de la paix.

De retour en état major, vous devenez l’adjoint du chef de bureau de
la cellule d’audit de la marine. Vous exercez le métier d’auditeur
pendant trois ans, ce qui vous permet d’approfondir vos
connaissances en matière de management des organisations,
domaine d’expertise qui correspond à votre formation initiale et que
vous approfondissez actuellement.

Affecté à l’état-major interarmées de Guyane, vous proposez des
évolutions relatives aux missions et au format des forces armées.

Vous rejoignez après deux années passées dans ce département
d’outremer, le bureau chargé de la réserve à Paris, comme
responsable du rayonnement de la réserve.

Depuis trois mois, vous avez quitté la marine d’active pour rejoindre ce
corps très envié des officiers de réserve auquel je m’honore, comme
quelques uns d’entre nous, de faire partie.

Vous rejoignez alors comme conseiller en gestion un autre fier vaisseau
qu’est la Ville de Versailles dont le député maire est également officier de
réserve de l’arme de cavalerie et le directeur général des services, officier
de réserve marine.

Vous descendez d’une longue lignée de serviteurs de la France, marins et
hauts fonctionnaires. Normand d’origine, votre famille est une véritable
profession de foi dans le génie de la France, grands-parents angloaméricains
d’un coté, corso-italien de l’autre, vous avez également des
influences hollandaises et autrichiennes. Votre grand-mère paternelle
repose depuis 1919 dans le cimetière de la légation française de Pékin où
votre grand père ministre plénipotentiaire a fondé et dirigé les postes.

Votre grand père maternel haut fonctionnaire des postes et votre grandmère
maternelle reposent à Rabat depuis 1942.

J’ajoute que vous avez animé pendant deux ans en Guyane, une
émission hebdomadaire de radio « art et lumière » consacrée aux
réalisations artistiques et artisanales.

Vous participez enfin au TRANSEPT, carrefour au service des
associations qui agissent dans la Cité pour promouvoir et défendre
l’homme dans toutes ses dimensions.

Antoine Picard-d’Estelan, au nom du Président de la République, et en
vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalier
dans l’Ordre national du Mérite.

Cercle de parrainage des nouveaux albums des jeunes architectes et paysagistes

15 décembre 2005

Le Cercle de parrainage que vous formez tous ensemble donne tout son sens à cette manifestation, en apportant votre contribution et votre soutien très actif à ces jeunes, dont nous savons les difficultés, parfois, à sinsérer dans la vie professionnelle et à accéder à la commande publique ou privée…

Monsieur le Ministre d’Etat,
Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux de vous accueillir au ministère et de vous rejoindre pour clore la quatrième réunion du Cercle de parrainage des nouveaux albums, présidé par Michel Delebarre, Président de l’Union sociale pour l’habitat, que je remercie.

Relancés en 1995 sous la forme des Nouveaux Albums des Jeunes Architectes, après une dizaine dannées dinterruption, cette opération figure parmi les plus importantes de mon département ministériel, en raison de sa visibilité et du rôle de tremplin qu’elle joue pour les jeunes professionnels.

Le Cercle de parrainage que vous formez tous ensemble donne tout son sens à cette manifestation, en apportant votre contribution et votre soutien très actif à ces jeunes, dont nous savons les difficultés, parfois, à sinsérer dans la vie professionnelle et à accéder à la commande publique ou privée.

Votre participation à ce Cercle est un engagement fort pour lavenir, en faveur de la création, génératrice de lien social, denthousiasme et de confiance. Je tiens à vous en remercier très chaleureusement, que vous soyez élus locaux, chefs dentreprises, responsables de services ou dinstitutions publics.

Parce que la vitalité d’une profession dépend pour une large part du dynamisme et de l’esprit d’entreprise de toutes ses composantes, j’ai fait du soutien aux jeunes professionnels l’une de mes priorités.

Et j’ai voulu élargir le soutien et l’attention portés aux architectes à d’autres acteurs et créateurs clés du cadre de vie : les paysagistes.

En 2006, les Nouveaux albums des paysagistes, lancés en relation avec les ministères de lagriculture et de l’écologie, distingueront, à l’instar des Nouveaux albums des jeunes architectes, des talents prometteurs, Français ou Européens, installés ou ayant réalisé un projet en France.

Je suis sûr qu’ils ouvriront des perspectives de coopérations nouvelles entre ces deux professions autant qu’ils permettront à de jeunes talents de se faire mieux connaître et reconnaître.

Ces opérations sont utiles pour toute la profession et pour son rayonnement. Elles identifient, en les caractérisant, les générations successives d’architectes et de paysagistes. Elles renforcent la crédibilité de ces jeunes professionnels auprès des maîtres d’ouvrage et bénéficient, au-delà des équipes lauréates, à lensemble des promotions nouvelles qui sortent de nos écoles.

En aidant les lauréats des Nouveaux albums, nous mettons en valeur non seulement les idées, l’énergie et la disponibilité des jeunes architectes et paysagistes, mais aussi leurs compétences et leur sens des responsabilités.

Vous le savez tous, la commande publique requiert lorganisation un concours au-delà dun certain seuil et, sans référence, la candidature des jeunes professionnels nest que très rarement retenue. La commande privée, quant à elle, est souvent plus difficile daccès, sauf à bénéficier d’un réseau relationnel exceptionnel.

Le Cercle de parrainage, rassemblant des représentants de la maîtrise d’ouvrage publique et privée, ainsi que des responsables de la diffusion de l’architecture, a vocation à accompagner les lauréats dans leurs premiers projets. Il est désormais ouvert à toutes les compétences de l’architecture et du paysage.

L’Etat est là, et telle est l’impulsion que j’ai voulu donner à l’action de ce ministère, pour favoriser les échanges et le débat entre acteurs publics et acteurs privés et valoriser les actions de tous.

Vous avez pu constater, lors de la présentation des réalisations cet après-midi, que nos efforts communs portent leurs fruits. Des expositions et des publications suivront, dès septembre 2006, à la Cité de larchitecture et du patrimoine.

Nous pouvons nous féliciter, Monsieur le Président, de lextraordinaire bilan de ce cercle : les 26 équipes lauréates des NAJA ont participé à plus de 40 concours, en ont gagné 21, ont obtenu 8 commandes directes et de très nombreuses opérations de promotion (expositions, conférences, voyages).

Le ministère nest pas étranger à cette mobilisation en faveur des jeunes talents, puisque des commandes ont été passées à des lauréats des Nouveaux albums 2003-2004, sous la maîtrise douvrages du Service national des Travaux, pour la création dun bâtiment darchives à Fontainebleau, pour laménagement dune salle de répétition destinée au théâtre de la Colline, ou pour la création des guérites de péage au parc de Saint-Cloud, aujourdhui en service.

Très sincèrement, je me félicite quautant de projets, en cours de réalisation ou concrètement réalisés, contribuent à donner une place aux jeunes talents dans notre paysage et dans notre imaginaire collectifs. Je remercie les lauréats de la dernière promotion des Nouveaux albums de répondre aussi efficacement à la confiance que, collectivement, nous leur avions témoignée.

Ces manifestations emblématiques connaissent de nouveaux développements et je salue lheureuse initiative de nos partenaires de Val de Loire qui ont distingué de jeunes architectes ligériens, conviés à sinstaller autour de la table dexposition des quatorze derniers NAJA, à Nantes : montrer notre confiance dans lavenir et la création, ce nest pas quune question nationale, c’est un engagement qui doit être décliné et relayé partout, sur l’ensemble du territoire, dans nos villes et nos régions !

Et aussi, bien entendu, au-delà de nos frontières. Même si ces albums ont déjà une dimension européenne, jai souhaité que cette opération soit développée dans lensemble de lUnion. Tel était le sens de lannonce que j’ai faite, le 17 novembre dernier, avec mes collègues ministres de la culture, lors des Rencontres de Budapest qui ont suivi les Rencontres pour l’Europe de la culture que nous avions organisées ici les 2 et 3 mai derniers. Lannée 2006 sera consacrée à la mise au point de ce projet, pour un lancement effectif en 2007.

Les Jeunes professionnels ont répondu avec enthousiasme aux appels à candidature : près de 90 équipes candidates pour les tout Nouveaux Albums des paysagistes, déjà plus de 320 candidatures reçues pour la prochaine promotion des jeunes architectes. Cest dire aussi combien ils attendent de nous tous et de votre Cercle.

Avant de partager avec vous le verre de lamitié, je vous renouvelle très sincèrement mes remerciements, en souhaitant vivement vous retrouver lors de nos prochains rendez-vous en 2006, notamment pour la proclamation et la présentation des futures promotions.

Droit de vote : Jean Germain, Maire de Tours, cautionne un simulacre de consultation démocratique !

15 décembre 2005

Un ensemble d’associations oeuvrant dans le domaine de l’intégration et de mouvements proches de la gauche et de l’extrême gauche, demandent à tous ceux qui résident à Tours et âgés de plus de seize ans, de se prononcer ce week-end sur l’éternelle question du droit de vote et de l’éligibilité des étrangers sur le thème « même sol, mêmes droits, même voix ».Au-delà de son aspect purement « médiatique » et « provocateur », et non dénuée d’arrière-pensée politique, cette opération pose le problème de l’intégration et de l’assimilation des hommes et des femmes nouvellement résidents en France, n’appartenant pas à la communauté européenne et non encore naturalisés.

L’objectif poursuivi par les organisateurs, avec la bienveillance de Jean Germain – au fond que pense-t-il du droit de vote des étrangers ? Sera-t-il sur ce sujet comme sur tant d’autres un caméléon ? – est clair : créer la confusion dans les esprits des intéressés et de nos concitoyens entre d’une part le droit de vote obtenu de « manière automatique » sur le simple fait de payer des impôts et d’autre part, l’acquisition de la nationalité française issue d’une démarche qui devrait être volontaire – le gouvernement de Lionel Jospin a supprimé dans le code de la nationalité la référence au volontariat – de participer, d’adhérer à la communauté nationale et à ses valeurs.

Par ailleurs, il est étonnant, voire choquant que Jean Germain, premier magistrat de la ville de Tours, propose les locaux de la mairie comme lieu officiel de vote (alors qu’il refuse d’organiser une vraie consultation sur le mode de transport en site propre) et se prête à cette mascarade démocratique qui, au demeurant, n’aura d’autre conséquence que de rendre plus confuse encore la question si essentielle de l’intégration des populations étrangères en France.

Il est également surprenant que le Maire de Tours soutienne un simulacre de vote républicain le réduisant à une petite opération médiatique quand dans le même temps, la faible participation des Françaises et des Français aux élections est un problème sérieux qui préoccupe tous les responsables de notre pays, quelle que soit leur appartenance politique.

Pour nous, voter est un acte essentiel de la vie de chaque citoyenne et de chaque citoyen ; pour nous, l’intégration ne peut se limiter à l’acquisition du droit de vote.

C’est pourquoi le contrat d’intégration que le gouvernement va mettre en place consiste à développer une véritable politique contractuelle entre la France et les étrangers qui souhaitent s’y installer durablement. A l’issue de ce contrat, se posera alors la question de la naturalisation des étrangers qui le veulent, et qui, devenus Français, disposeront du droit de vote à toutes les élections, locales et nationales.

Notre conception de l’intégration est donc basée sur la notion de libre choix et non sur celle de droits octroyés de façon automatique sans que les intéressés le veuillent vraiment. Pour nous, la citoyenneté, l’exercice du suffrage universel reste lié à la nationalité. Les étrangers en situation régulière sur notre territoire ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que tout autre citoyen.

Dîner de la Revue des Deux Mondes

13 décembre 2005

Monsieur le Président, cher Marc Ladreit de Lacharrière,

Mesdames, Messieurs,

Je tiens tout d’abord à remercier très chaleureusement Marc Ladreit de
Lacharrière pour ses propos et pour son invitation. C’est un très grand
honneur pour moi de m’exprimer devant vous.

Les dîners de la Revue des deux mondes sont une institution
prestigieuse dans notre paysage intellectuel, culturel, politique et
économique et je suis très fier d’y participer. Votre Revue est la plus
ancienne revue française d’Europe. C’est la revue internationale des
débats de société. C’est la revue du décloisonnement et de l’ouverture
des disciplines, des expériences, des réflexions. C’est une revue qui
réunit tous ceux qui font profession de penser les mondes
d’aujourd’hui. C’est pourquoi je suis particulièrement heureux
d’échanger avec vous sur ce thème qui, vous l’avez aimablement
rappelé, me tient tant à coeur, non parce qu’il s’agirait d’une
« marotte », mais parce que je crois qu’il peut utilement éclairer et
orienter nos débats de société. Je crois même qu’il doit inspirer notre
action culturelle, bien sûr, mais aussi politique, économique et
sociale, parce que j’y vois la matrice d’un véritable projet collectif pour
une société française en proie au doute, en quête de sens, en manque
de repères, de « vouloir vivre ensemble », comme le disait Renan.

Il s’agit, bien sûr, de l’influence qu’exerce la France dans le monde et
certains parmi vous, en particulier Messieurs les Ambassadeurs, savent l’importance que j’attache au rôle du rayonnement culturel
dans les relations internationales, qui égale selon moi celui d’attributs
plus classiques de la puissance, comme la force militaire ou l’aide
économique. J’y reviendrai dans un instant.

Il s’agit aussi, et peut-être surtout, après la crise que nous venons de
vivre, de redonner confiance à la société française, dans toute la
diversité des populations et des territoires qui la composent. Après
l’effondrement des « grands récits », à l’heure où « l’ensauvagement
du monde » succède au désenchantement du monde, c’est par la
culture que la France est plus ancienne qu'elle ne le sait, plus grande
qu'elle ne le croit, plus audacieuse, plus généreuse qu'elle ne
l'imagine. Que la France déborde ses frontières, par sa langue, par ses
oeuvres, par son histoire, par ce que l’on osait appeler, au temps où fut
fondée votre Revue, son « génie ». Une France qui porte dans le monde
un message de respect, de dialogue, de solidarité. Un message qui est
confronté à de nouveaux défis, à de nouvelles fragilités, à de nouvelles
fractures. Un message plus que jamais nécessaire aujourd’hui pour
créer une dynamique, pour refuser la spirale des peurs et pour réunir
une majorité – je ne parle évidemment pas d’une majorité politique –
autour de valeurs communes et partagées, qui ne sont pas fixées une
fois pour toute.

« L’autre quelqu’ il soit n’est pas une menace même s’il est une force
émergeante et parfois provocatrice dès lors que soi-même on se sent
reconnu, soutenu, respecté dans sa propre identité.

Dans ce monde, la diversité culturelle n’est pas seulement devenue un
nouvel élément du droit international avec l’adoption le 20 octobre
dernier, de la convention de l’Unesco, mais surtout une vraie valeur.

Une valeur essentielle qui offre la meilleure réponse à l’uniformisation
qui est l’une des menaces de la mondialisation actuelle.

Cette diversité culturelle est à la fois brillante, foisonnante et fragile.

Elle est fondée sur la conviction que chaque peuple a un message
singulier à délivrer au monde, que chaque peuple peut enrichir
l'humanité en apportant sa part de beauté et sa part de vérité. Cette
diversité fait notre richesse. Une richesse qui vient des différences,
reconnues et respectées. Fondée sur l’idée que chaque continent,
chaque nation, chaque peuple, doit conserver et développer ce qui fait
son histoire, ce qui le rend singulier et d'une certaine façon irréductible
: sa langue, son énergie créatrice, ses espaces imaginaires. C'est la
conviction que la création, dans toutes ses expressions et sous toutes
ses formes, et même si elle a une dimension économique ou
industrielle, n'est pas, ne peut pas être et ne sera jamais une
marchandise comme une autre, soumise aux seules lois du
marché. Tel est le sens de ce combat contre l’uniformisation culturelle
que nous nous efforçons de mener et de la politique que nous
élaborons dans ce domaine où la France, par son histoire, ses atouts
et ses ambitions, doit jouer un rôle moteur, aux côtés de nos voisins
européens et de tous nos amis dans le monde.

Cette diversité, c'est d'abord celle des créateurs, des artistes et des
acteurs de la culture. C’est aussi la fédération des engagements, le
rassemblement des énergies, le respect dû, aussi bien au patrimoine qu’à l’irruption des créations émergeantes, avec leurs aspects
novateurs et donc parfois dérangeants. Cette diversité, c’est aussi
celle des nouveaux supports, des nouvelles technologies, des
nouveaux médias, qui permettent l’accès du plus grand nombre aux
répertoires. Je pense, par exemple, aux spectacles des opéras de
France, qui, grâce aux captations et aux DVD, touchent un nouveau
public, comme on peut le voir en ce moment sur les étals de Noël.

C’est au nom de cette diversité culturelle que j’ai tant tenu, dès mon
arrivée rue de Valois, à renouer les fils du dialogue et à organiser une
véritable réflexion collective, en sécurisant leurs conditions de vie et
de travail, leur protection sociale, leur emploi, leur avenir. En ce
moment même ont lieu des discussions décisives que je suis bien sûr
avec beaucoup attention.

Ils nous font partager leurs rêves. Ce sont eux, aussi, qui font les
créations qui nous procurent un environnement culturel d’une qualité
sans équivalent dans le monde, qui fait partie intégrante de notre
qualité de vie, au même titre que la pureté de l’air que nous respirons,
la diversité de l’environnement naturel que nous voulons préserver, la
beauté des sites et des paysages que nous aimons. Une qualité qui fait
de notre pays l’une des toutes premières destinations des voyageurs
du monde. Un patrimoine exceptionnel, des créations rayonnantes :
telles sont les forces de notre culture, que je souhaite mettre au
service de l’attractivité de la France.

Puisque je m’honore d’être le ministre de la langue française, qui est
au coeur de notre culture, et qui n’est pas le moindre des facteurs d’attractivité de notre pays dans le monde, en dépit de tous les
sombres discours où se complaisent les oiseaux de mauvais augure,
réfléchissons d’abord à ce mot – attractivité – pour mieux cerner la
chose. Il est d’apparition récente : il ne figure pas dans la dernière
édition du dictionnaire de l’Académie que j’ai pu consulter. Dans son
Dictionnaire culturel en langue française, qui vient de paraître, Alain
Rey en donne une occurrence journalistique, en 1998. Mais
« attractant », substance qui attire, comme les phéromones, date de
1972, attracteur, du XVIe siècle, attractif et attraction, du XIIIe siècle, via
le latin, bien sûr, attrait, du XIIe siècle :

Sévigné de qui les attraits
Servent aux Grâces de modèle,
Et qui naquîtes toute belle,
A votre indifférence près…
(La Fontaine, Le Lion amoureux, qui ouvre le livre quatrième de ses
Fables, dédiée « à Mademoiselle de Sévigné » avant qu’elle devienne
Mme de Grignan).

Il est vrai que la chose est ancienne. Depuis longtemps, les Sept
Merveilles du Monde attirent les voyageurs et les lecteurs. Pour les
séduire, les auteurs des premiers guides de la Grèce antique, qui vous
est si chère, Cher Marc Ladreit de Lacharrière, qui êtes le généreux
mécène de la galerie des Antiques du Louvre, du Gladiateur Borghèse
et de la Vénus Génitrix, Diodore de Sicile, Pseudo-Callisthène, voire
Hérodote dans ses Enquêtes, jusqu’au Voyage autour de la terre de
Jean de Mandeville ou au Devisement du monde de Marco Polo décrivent ces monuments qui sont d’abord un hommage aux Dieux et
aux hommes, quitte à en rajouter, sur les peuples fabuleux, les cités
richissimes, couvertes d’or et de pierres précieuses, les îles fortunées.

Si l’on prête à Stendhal l’invention du mot « touriste », les premiers
« voyages culturels », qui sont d’abord des pèlerinages, depuis
Delphes ou Dodone, jusqu’à Jérusalem, Rome et Saint-Jacques,
s’accompagnent d’un fructueux commerce. Et les croyants sont aussi
des « consommateurs », voire une clientèle captive, dirait-on
aujourd’hui ! Vasco de Gama disait que le voyage a d’abord vocation
« à faire des chrétiens et chercher des épices ». L’histoire du voyage,
des relations internationales, de la culture, est toujours l’histoire de la
découverte de soi et de l’autre. C’est « l’esthétique du divers » chère à
Victor Segalen. C’est la longue et belle histoire de la sage conviction
de Jean Bodin selon laquelle « il n’est de richesse que d’hommes ».

Des hommes « ondoyants et divers », disait Montaigne, qui se haïssent
et de combattent, certes, mais partagent « la forme entière de
l’humaine condition ». C’est aussi, bien sûr, un enjeu politique, lié à la
construction de la nation, dont l’histoire, très tôt, se confond avec celle
de notre patrimoine culturel, légué par la monarchie à la République.

C’est dès 1750 que Louis XV expose une partie des collections royales
au Luxembourg, à destination d’un public choisi. C’est dès son
accession au trône que Louis XVI confie au comte d’Angivillier
l’élaboration d’un projet d’aménagement de la Grande Galerie du
Louvre, qui sera finalement ouverte au public en 1793. La Révolution
assume cet héritage au nom de l’instruction des citoyens. Si le British
Museum est ouvert librement au public dès 1753, et si ce sont les
Anglais qui inventent « le Grand Tour » qui se répand en Europe au
XVIIIe siècle, c’est en France, que le souci de préserver et de transmettre les hauts lieux de l’histoire nationale conduit très tôt l’Etat
à instituer une administration spécifiquement chargée des monuments
historiques – Prosper Mérimée, l’un de vos auteurs, en sera l’un des
tout premiers inspecteurs, en 1833 – et à instaurer une procédure de
classement.

Nous devons au XIXe siècle d’avoir imposé Vézelay, le Mont-Saint-
Michel, Les châteaux de la Loire, Alésia, avec leurs anecdotes
historiques, leurs références patriotiques. Ainsi, en 1920, Claudel parle
à propos de Vézelay de : « cette espèce de butte et de citadelle qui
domine le fleuve, caractéristique du terroir gaulois. Ainsi Alésia,
Angoulême, Vézelay. Elément féodal, tandis qu’en Allemagne, c’est
toujours le passage, le défilé, le baron douanier ». Mais nous lui
devons aussi notre respect pour la hauteur des voûtes gothiques,
notre goût pour l’architecture, notre passion populaire pour l’histoire.

Que seraient nos demeures du Val de Loire et nos crêtes pyrénéennes
sans les châteaux mystérieux et les forêts immenses que Gustave Doré
dessinait pour les contes de Perrault ou de la Comtesse de Ségur ?

Ce n’est pas une nostalgie. C’est un capital d’avenir. En témoignent,
par exemple, Daniel Buren au Moma, Jean-Michel Jarre à la Cité
interdite, devant plusieurs centaines de millions de téléspectateurs, le
succès des films de Sophie Marceau en Chine, l’alliance du hip-hop, de
la vidéo et des Arts florissants de William Christies, pour le spectacle
de José Montalvo et Dominique Hervieu, Les Paladins, sur la musique
de Rameau, le concert de Live 8 [eight] avec notamment The Cure,
Placebo et Youssou N’Dour, dans la cour d’honneur du château de Versailles, le 2 juillet dernier, devant plus de 100 000 jeunes,
l’installation d’Annette Messager dans les salles du château de
Chambord, le prochain département des arts de l’Islam avec
l’audacieux projet de Rudy Ricciotti dans la cour Visconti, le Louvre
qui sort pour la première fois de son palais pour bâtir un nouveau
musée à Lens, conçu par Kazuyo Sejima de l’agence d’architecture
japonaise Sanaa, pour faire revivre le bassin minier, et je pourrais citer
bien d’autres exemples.

La mission d’intégration et de cohésion sociale qu’ont assumé peu à
peu, tout au long de l’Histoire, au même titre que l’école, notre
patrimoine et nos institutions culturelles, n’a cessé de croître en même
temps que leur ouverture au plus grand nombre, et leur triple rôle, en
matière d’identité nationale, de rayonnement international et de
développement économique.

Aujourd’hui, l’école est en crise. Pas la culture.

La croissance économique demeure faible. Celle des activités
culturelles n’a cessé d’être forte.

La notion de patrimoine culturel s’est étendue et enrichie au patrimoine
industriel, au patrimoine de proximité. Et dans ce domaine, je tiens à
rendre hommage à l’action de la Fondation du patrimoine, que vous
avez fortement contribué à créer, cher Marc Ladreit de la Charrière. Je
ne pense pas que les Français de toutes origines détestent la France.
Je sais qu’ils ne haïssent point leur patrimoine et qu’ils ont pour lui les
yeux de Chimène.

Je sais qu’ils se précipitent par dizaines de millions dans les édifices,
les sites, les parcs et les jardins, ouverts pendant es Journées du
patrimoine. Je sais qu’ils étaient plus d’un demi-million, avides de
redécouvrir la nef de verre et d’acier restaurée du Grand Palais. Je sais
qu’ils convergeront de même vers le Quai Branly lorsque ses portes
ouvriront l’an prochain sur ses 300 000 objets d’art et civilisations
d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques.

Je sais qu’ils sont fiers des savoir-faire, des arts de vivre, des saveurs
et des métiers, qui font partie des meilleurs fleurons de notre
attractivité, et dont nous partageons ce soir un si bel exemple.

Je sais qu’ils sont fiers et heureux de fréquenter les centaines de lieux
et les milliers de festivals dédiés au spectacle vivant sur l’ensemble de
notre territoire et animés, avec le soutien de l’Etat et des collectivités
territoriales, par des milliers d’équipes artistiques qui contribuent à
l’attractivité de notre pays, par leurs productions, leurs diffusions,
leurs créations et leurs enseignements.

Je sais qu’ils sont fiers de l’ouverture du château de Versailles au
tournage de Marie Antoinette et à l’équipe de Sofia Coppola, du Louvre
au tournage du film réalisé d’après le roman qui fut sans doute le plus
lu dans le monde ces dernières années, du château de Pierrefonds aux
Rois Maudits, récréés par Josée Dayan d’après Maurice Druon, et, au-delà,
de toutes les mesures que j’ai prises pour ouvrir tous nos lieux
de patrimoine pour diffuser leurs images sur les écrans du monde,
plutôt que des décors de carton pâte ou électroniques…sauf s’ils sont réalisés par nos industries techniques du cinéma et de l’audiovisuel
qui font partie des secteurs où nous avons des champions du monde !

Et je suis fier, grâce aux mesures prises par le Gouvernement,
notamment les crédits d’impôt en faveur du cinéma et de l’audiovisuel
– bientôt prolongées par le crédit d’impôt en faveur des jeux vidéos
que le Premier ministre a annoncé vendredi – d’avoir relocalisé des
dizaines de milliers d’heures de tournage en France, en permettant
ainsi de préserver ou de créer plus de 3000 emplois.

Car, si le rôle de l’Etat est de conserver, de transmettre, et de mettre en
valeur notre patrimoine et son attractivité, il est aussi d’inciter et de
mobiliser l’ensemble des acteurs de la société en faveur de la création
artistique et culturelle qui est l’expression vivante de l’enrichissement
de notre patrimoine et de notre rayonnement culturel. Cela explique ma
présence partout où c’est nécessaire pour susciter ou renforcer le
mécénat, à l’étranger comme une PME française.

Comme l’a souligné le Premier Ministre à la FIAC, le 10 octobre dernier,
un pays qui crée va de l’avant, s’adresse à son temps et au reste du
monde.

Les dépenses culturelles des ménages français et les touristes créent
un chiffre d’affaires de l’ordre de 60 milliards d’euros (d’après nos
dernières statistiques fiables datant de 2003).

Le secteur culturel génère directement et indirectement, 450 000
emplois dont un peu plus de la moitié au sein des entreprises du disque, du cinéma, de l’audiovisuel et du livre, et l’autre moitié se
répartissant entre le spectacle vivant et le patrimoine.

C’est pour mieux soutenir la création, et améliorer en particulier la
compétitivité de notre marché de l’art que nous avons pris des
mesures fiscales nouvelles au bénéfice des artistes plasticiens, mais
aussi des mesures pour le développement de la commande publique,
et, d’une manière générale, l’accompagnement des jeunes talents,
dans tous les secteurs de la création, des arts plastiques aux arts de la
scène et de la rue, mais aussi dans le domaine audiovisuel et
numérique, et dans le secteur de l’architecture et du cadre de vie, où
j’ai créé les Nouveaux albums des jeunes paysagistes, aux côtés des
Nouveaux albums des jeunes architectes, pour donner un coup de
pouce à ces créateurs qui dessinent notre cadre de vie d’aujourd’hui et
de demain.

L’ouverture de nouveaux lieux renforcera la visibilité de la scène
française et la place de la France dans la création contemporaine,
comme sa capacité à attirer et à renouveler les meilleurs talents. J’ai
déjà évoqué le Grand Palais, qui redevient, conformément à sa
vocation initiale, un lieu phare du rayonnement de l’art Français, avec
notamment la grande exposition qui y sera consacrée de mai à juillet
prochain à la création contemporaine en France, sans oublier la
biennale des antiquaires, la FIAC, le salon des salons.

Les nouveaux espaces disponibles du Palais de Tokyo seront
également aménagés pour renforcer l’exposition internationale de la
scène française.

L’Ile Seguin est un autre lieu exceptionnel de résidences d’artistes et,
d’une manière générale, pour accueillir, stimuler et renforcer la
visibilité de la création artistique, avec le futur centre européen de la
création contemporaine, annoncé par le Premier ministre. Nous y
travaillons, avec la Fondation, dotée par l’Etat et ouverte aux
financeurs privés, qui pourra lui être associée.

J’aurais pu aussi vous parler de la Cité du design à Saint-Etienne, dont
les travaux démarreront prochainement et qui est un superbe projet de
mise en valeur de ce domaine d’excellence de la créativité française
reconnue dans le monde entier.

Je pourrais aussi vous parler du nouvel auditorium à Paris qui
enrichira le paysage symphonique français et international, à l’horizon
2011, après la réouverture de la salle Pleyel, en septembre 2006, et
celle de l’auditorium de la Maison de Radio France à l’automne 2009.

Dans un monde où s’affirme de plus en plus un nouveau modèle
économique fondé sur l’économie de la connaissance et du savoir, le
projet de bibliothèque numérique européenne lancé par le Président de
la République est un atout majeur pour l’attractivité de notre pays.

Ce portail constituera un accès simplifié et unique à des millions de
livres et de documents numérisés. Dans cette perspective, la France
proposera dans les mois qui viennent une première maquette, une
forme de prototype, permettant de préparer les étapes suivantes.

Ce grand projet de bibliothèque numérique européenne, est déjà
soutenu par six autres chefs d’Etat et de gouvernement.

L’attractivité de notre pays se joue en effet aussi sur l’Internet, où nous
travaillons à développer une offre légale importante, pour nos
créations audiovisuelles et cinématographiques, notamment, et à lutter
contre la contrefaçon, grâce à un dispositif de ripostes graduées que
nous sommes en train d’élaborer, en concertation avec nos
partenaires européens et internationaux.

Dans un monde où le flux des images n’a d’égal que la vitesse de
circulation de l’information, le développement de notre attractivité
passe aussi par la mise en oeuvre de la chaîne française d’information
internationale.

La France devait se doter de cette chaîne. C’était un impératif
stratégique et éditorial. C’est chose faite depuis une semaine.

Il y avait jusqu’à présent, CNN, BBC World, Al Jazira. Il y aura bientôt la
CFII.

Elle émettra avant la fin 2006, en Français, en Anglais, et en Arabe
avant d’émettre en Espagnol et peut-être dans d’autres langues
ultérieurement. Avec des cibles et des priorités géographiques.

La diffusion se fera aussi sur le territoire national par le biais du câble,
du satellite et de l’ADSL. Si la chaîne est identifiée comme française,
elle ne sera en rien une chaîne francophone. Il existe pour cela TV5.

Elle regroupera les talents des deux plus grands groupes audiovisuels
français.

Elle organisera la synergie de leurs compétences respectives dans les
domaines de la distribution, du marketing, des ressources humaines,
de l’information.

Avec un budget non négligeable de 80 millions d’euros pour son
lancement, elle pourra compter aussi sur des moyens supplémentaires
qui seront apportés au fil du temps par les coopérations qui vont
s’établir avec les réseaux à l’étranger de journalistes travaillant pour
l’Agence France Presse et Radio France Internationale.

Avec une rédaction nouvelle et indépendante de 130 journalistes, cette
nouvelle chaîne offrira au monde une information pluraliste sur
l’actualité française et mondiale.

Dans ce monde de violences, notre plus grande force, réside dans
notre capacité à démontrer que notre culture et notre communication,
peuvent contribuer à la paix et à la réconciliation qui demeurent les
plus hautes et les plus vives aspirations des hommes.

J’espère vous avoir montré ce soir que je ne suis pas que le Ministre
des vieilles pierres et des troubadours, mais celui du rayonnement et
de l’attractivité culturels français.

Cercle de parrainage des nouveaux albums des jeunes architectes et paysagistes

13 décembre 2005

Monsieur le Ministre d’Etat,
Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux de vous accueillir au ministère et de vous rejoindre pour clore la quatrième réunion du Cercle de parrainage des nouveaux albums, présidé par Michel Delebarre, Président de l’Union sociale pour l’habitat, que je remercie.Relancés en 1995 sous la forme des Nouveaux Albums des Jeunes Architectes, après une dizaine dannées dinterruption, cette opération figure parmi les plus importantes de mon département ministériel, en raison de sa visibilité et du rôle de tremplin qu’elle joue pour les jeunes professionnels.

Le Cercle de parrainage que vous formez tous ensemble donne tout son sens à cette manifestation, en apportant votre contribution et votre soutien très actif à ces jeunes, dont nous savons les difficultés, parfois, à sinsérer dans la vie professionnelle et à accéder à la commande publique ou privée.

Votre participation à ce Cercle est un engagement fort pour lavenir, en faveur de la création, génératrice de lien social, denthousiasme et de confiance. Je tiens à vous en remercier très chaleureusement, que vous soyez élus locaux, chefs dentreprises, responsables de services ou dinstitutions publics.

Parce que la vitalité d’une profession dépend pour une large part du dynamisme et de l’esprit d’entreprise de toutes ses composantes, j’ai fait du soutien aux jeunes professionnels l’une de mes priorités.

Et j’ai voulu élargir le soutien et l’attention portés aux architectes à d’autres acteurs et créateurs clés du cadre de vie : les paysagistes.

En 2006, les Nouveaux albums des paysagistes, lancés en relation avec les ministères de lagriculture et de l’écologie, distingueront, à l’instar des Nouveaux albums des jeunes architectes, des talents prometteurs, Français ou Européens, installés ou ayant réalisé un projet en France.

Je suis sûr qu’ils ouvriront des perspectives de coopérations nouvelles entre ces deux professions autant qu’ils permettront à de jeunes talents de se faire mieux connaître et reconnaître.

Ces opérations sont utiles pour toute la profession et pour son rayonnement. Elles identifient, en les caractérisant, les générations successives d’architectes et de paysagistes. Elles renforcent la crédibilité de ces jeunes professionnels auprès des maîtres d’ouvrage et bénéficient, au-delà des équipes lauréates, à lensemble des promotions nouvelles qui sortent de nos écoles.

En aidant les lauréats des Nouveaux albums, nous mettons en valeur non seulement les idées, l’énergie et la disponibilité des jeunes architectes et paysagistes, mais aussi leurs compétences et leur sens des responsabilités.

Vous le savez tous, la commande publique requiert lorganisation un concours au-delà dun certain seuil et, sans référence, la candidature des jeunes professionnels nest que très rarement retenue. La commande privée, quant à elle, est souvent plus difficile daccès, sauf à bénéficier d’un réseau relationnel exceptionnel.

Le Cercle de parrainage, rassemblant des représentants de la maîtrise d’ouvrage publique et privée, ainsi que des responsables de la diffusion de l’architecture, a vocation à accompagner les lauréats dans leurs premiers projets. Il est désormais ouvert à toutes les compétences de l’architecture et du paysage.

L’Etat est là, et telle est l’impulsion que j’ai voulu donner à l’action de ce ministère, pour favoriser les échanges et le débat entre acteurs publics et acteurs privés et valoriser les actions de tous.

Vous avez pu constater, lors de la présentation des réalisations cet après-midi, que nos efforts communs portent leurs fruits. Des expositions et des publications suivront, dès septembre 2006, à la Cité de larchitecture et du patrimoine.

Nous pouvons nous féliciter, Monsieur le Président, de lextraordinaire bilan de ce cercle : les 26 équipes lauréates des NAJA ont participé à plus de 40 concours, en ont gagné 21, ont obtenu 8 commandes directes et de très nombreuses opérations de promotion (expositions, conférences, voyages).

Le ministère nest pas étranger à cette mobilisation en faveur des jeunes talents, puisque des commandes ont été passées à des lauréats des Nouveaux albums 2003-2004, sous la maîtrise douvrages du Service national des Travaux, pour la création dun bâtiment darchives à Fontainebleau, pour laménagement dune salle de répétition destinée au théâtre de la Colline, ou pour la création des guérites de péage au parc de Saint-Cloud, aujourdhui en service.

Très sincèrement, je me félicite quautant de projets, en cours de réalisation ou concrètement réalisés, contribuent à donner une place aux jeunes talents dans notre paysage et dans notre imaginaire collectifs. Je remercie les lauréats de la dernière promotion des Nouveaux albums de répondre aussi efficacement à la confiance que, collectivement, nous leur avions témoignée.

Ces manifestations emblématiques connaissent de nouveaux développements et je salue lheureuse initiative de nos partenaires de Val de Loire qui ont distingué de jeunes architectes ligériens, conviés à sinstaller autour de la table dexposition des quatorze derniers NAJA, à Nantes : montrer notre confiance dans lavenir et la création, ce nest pas quune question nationale, c’est un engagement qui doit être décliné et relayé partout, sur l’ensemble du territoire, dans nos villes et nos régions !

Et aussi, bien entendu, au-delà de nos frontières. Même si ces albums ont déjà une dimension européenne, jai souhaité que cette opération soit développée dans lensemble de lUnion. Tel était le sens de lannonce que j’ai faite, le 17 novembre dernier, avec mes collègues ministres de la culture, lors des Rencontres de Budapest qui ont suivi les Rencontres pour l’Europe de la culture que nous avions organisées ici les 2 et 3 mai derniers. Lannée 2006 sera consacrée à la mise au point de ce projet, pour un lancement effectif en 2007.

Les Jeunes professionnels ont répondu avec enthousiasme aux appels à candidature : près de 90 équipes candidates pour les tout Nouveaux Albums des paysagistes, déjà plus de 320 candidatures reçues pour la prochaine promotion des jeunes architectes. Cest dire aussi combien ils attendent de nous tous et de votre Cercle.

Avant de partager avec vous le verre de lamitié, je vous renouvelle très sincèrement mes remerciements, en souhaitant vivement vous retrouver lors de nos prochains rendez-vous en 2006, notamment pour la proclamation et la présentation des futures promotions.

L'invité de Pierre-Luc Séguillon.

12 décembre 2005

RDDV :  « Pierre-Luc SEGUILON, nous sommes dans une période où chacun a envie d’en découdre, où chacun veut s’envoyer à la gueule le passé. Moi, je souhaite que nous sachions avec lucidité, regarder l’histoire et essayer d’aller de l’avant. Il ne faut rien oublier de l’histoire, il faut la méditer, mais il faut aller de l’avant… »

Pierre-Luc SEGUILLON : Monsieur le ministre bonjour.

Renaud DONNEDIEU de VABRES : Bonjour.

Pierre-Luc SEGUILLON : Ce titre des ECHOS : TF1 et M6 qui sont actionnaires de TPS et UNIVERSAL VIVENDI qui est propriétaire de CANALSATELLITE envisageraient de fusionner les deux bouquets payants. Quel est le point de vue de la puissance publique sur ce mariage ? Est-ce que c’est une bonne chose de votre point de vue ? Ou est-ce que c’est une chose que vous craigniez ?

Renaud DONNEDIEU de VABRES: Je pense que c’est une stratégie économique qui est fondée sur le nouvel environnement technologique et je comprends cette volonté de très grand groupe, de plusieurs entités économiques de télévision de s’adapter. Pourquoi ? Parce que vous avez aujourd’hui des opérateurs de télécoms, parce que vous avez la TNT, parce que vous aurez la télévision sur les mobiles, la diffusion par Internet, qui créaient des défis nouveaux. Alors la plupart des pays européens ont un grand opérateur et sont réunis, moi ce à quoi je veillerais, c’est que cette unité, peut-être qui va se constituer, soit respectueuse de toutes les formes de pluralisme. Pluralisme de l’offre de programme, pluralisme économique. Donc je comprends la technologie induit un certain nombre d’évolutions, il faut savoir répondre en temps opportun au défi, et puis il faut bien sûr que l’offre et qu la diversité de l’offre n’en pâtissent pas. Mais je pense que ce sera la volonté des uns et des autres de faire en sorte si vous voulez, tout simplement que le pluralisme des programmes que le monde du cinéma, que le monde de la musique, que le monde de la culture sous toutes ses formes, que le monde économique soit diversement représenté.

Pierre-Luc SEGUILLON : Formellement, vous pensez que les autorités de la concurrence aussi françaises qu’européennes donneront leurs faveurs ?

Renaud DONNEDIEU de VABRES: Elles seront saisies, donc ce n’est pas à moi de me prononcer, je constate simplement, que dans les autres pays européens, il y a un opérateur principal.

Pierre-Luc SEGUILLON : Dernière chose, il y a des risques à votre avis de caste sociale, quand il y a fusion, restructuration ?

Renaud DONNEDIEU de VABRES : Non, là je pense franchement, que ce sont des dispositions de technologies qui n’influeront pas sur les emplois. Je pense qu’aujourd’hui vous avez une multiplication, c’est une très bonne chose, des chaînes de télévision et donc ce secteur de l’audiovisuel est créateur d’emploi et ça c’est une très, très bonne chose, et puis vous savez ce qui fait la qualité et l’attractivité, c’est le talent et donc c’est le talent des rédactions, des producteurs, des réalisateurs, des techniciens, voilà c’est ça les nouveaux défis.

Pierre-Luc SEGUILLON : Alors puisqu’on parle de multiplication des chaînes de télévision, il y a donc ce projet de création de la chaîne internationale. Dans les missions médias, au niveau de votre budget, il y a 343 millions qui sont prévus, d’euros, dont 65 millions pour la création de la CFI, la chaîne internationale. Quand on compare ce budget, au budget de lancement d’AL Jazira, il y a dix ans, 200 millions de dollars au budget de fonctionnement 140 millions de dollars par an, au budget de fonctionnement de CNN, 560 millions de dollars, est-ce que le budget que vous avez prévu, est vraiment à la hauteur des ambitions que vous assignez à la CFI ?

Renaud DONNEDIEU de VABRES : Ecoutez, je crois qu’il a à la hauteur. En tout cas, je vais vous dire la chose suivante, moi j’avais une feuille de route très précise fixée par le Président de la République et le Premier ministre, que cette nouvelle chaîne d’information internationale, qui s’exprimera non seulement en français, mais aussi en anglais, en arabe et ensuite en espagnol voit le jour, sur le plan de la création de la société avant la fin 2005, c’est fait. Qu’elle émette avant la fin 2006, nous y travaillons. Comment vous dire…

Pierre-Luc SEGUILLON : Ce sera fait.

Renaud DONNEDIEU de VABRES : Ce sera fait, mais tant que ce n’est pas fait…

Pierre-Luc SEGUILLON : Ce n’est plus l’Arlésienne donc maintenant ?

Renaud DONNEDIEU de VABRES :  Non, non, non, ça va, tout le monde pensait que ça ne verrait pas le jour, vous savez c’est comme la TNT, on pensait que le gouvernement ne serait pas au rendez-vous des choix technologiques. Ils ont été faits, la TNT émet et elle sera reçue par chacun des Français. La Chaîne d’Information Internationale c’est un magnifique défi. Et donc moi, je suis près de tous les dysfonctionnements etc. je ne peux pas m’excuser de tout, je suis très fier d’avoir mené à bien ce rassemblement de très grandes maisons, de professionnels qui vont constituer une rédaction nouvelle, le budget qui est sur la table est un budget jugé important par les professionnels, parce que nous prendrons appui sur des structures existantes. Cest-à-dire que bien sûr, il va y avoir une rédaction nouvelle qui aura la charge de la crédibilité de l’information, mais TF1, LCI, FRANCE 2, FRANCE 3, les chaînes de l’audiovisuel public, l’AFP, RFI participeront à cette opération, bref, c’est un défi. Si il faut adapter les moyens, nous le ferons.

Pierre-Luc SEGUILLON : Alors vous avez un autre sujet de fierté, vous, vous souvenez en 2003, il y avait eu un accord sur les intermittents qui n’a pas fonctionné ou plus exactement qui a été contesté et vous avez réussi, il faut bien le reconnaître, pendant les mois qui ont suivi à calmer la grogne des intermittents. Sauf que rien n’est résolu, puisque le déficit de l’UNEDIC, même si le nombre des intermittents aujourd’hui est stabilisé, a progressé de 962 millions d’euros en 2004, 887 millions en 2003. Demain réunion des partenaires sociaux, est-ce que vous croyez qu’une réunion éclaire comme celle-là va pouvoir résoudre ce problème ?

Renaud DONNEDIEU de VABRES : Mais je ne pense que tout sera réglé en quelques heures. Moi j’ai bâti une stratégie pour l’emploi, très active, très important, le Premier ministre Dominique de VILLEPIN, comme Jean-Pierre RAFFARIN, ont pris des décisions très importantes pour relocaliser l’activité en France à travers le crédit d’impôts pour le cinéma, pour l’audiovisuel et on vient de l’étendre vendredi dernier, aux jeux vidéos. A travers une politique très active, pour que les conventions collectives secteur par secteur puissent avoir lieu, à travers des mesures de soutien public. Politique de l’emploi, action résolue, vis à vis de l’assurance chômage pour que soit garanti un système spécifique pour les artistes et les techniciens, tout simplement parce qu’ils le méritent, parce que leurs conditions d’activité légitiment un système spécifique. Avant que je fasse de l’autosatisfaction, Pierre-Luc SEGUILLON, il y aura de l’eau qui va couler sous les ponts. Nous avons agi, je ne suis pas un communiquant sur ce sujet contrairement à ce qui a été dit sur le…

Pierre-Luc SEGUILLON : Vous avez été très discret.

Renaud DONNEDIEU de VABRES : Attendez, aujourd’hui à l’heure où je vous parle, il y a 16 800 artistes et techniciens qui ont été réintégrés dans leur droit, grâce au fonds de transition qui a été mis en place par l’Etat.

Pierre-Luc SEGUILLON : Ca c’était une rustine.

Renaud DONNEDIEU de VABRES : C’est une rustine, ça va être une décision très importante pour 2005, je fais confiance comme Dominique de VILLEPIN aux partenaires sociaux, ils ont la charge de la négociation, au niveau interprofessionnel, dire que je suis avec Gérard LARCHER et Jean-Louis BORLOO, mobilisé, heure par heure, vigilant à l’extrême est-ce que vous pensez un seul instant, que je vais prendre le moindre risque, que la confiance que nous avons contribué à rétablir au cours de ces 20 mois, je vais laisser se détruire. Nous avons pris l’engagement qu’au 1er janvier 2006, il y ait un système équitable, opérationnel, les partenaires sociaux vont en délibérer, nous avons crée les conditions de la négociation, de manière utile. Un expert a été à la disposition des uns et des autres, il est consulté par l’UNEDIC, par la CFDT, par la CGT, par le MEDEF, par toutes les organisations syndicales.

Pierre-Luc SEGUILLON : Est-ce que si les partenaires sociaux ne s’entendent pas, vous estimez qu’il pourrait y avoir comme le souhaitent un certain nombre de parlementaires une loi de réforme du système de protection des intermittents ?

Renaud DONNEDIEU de VABRES : Je ne veux pas me situer dans une logique d’échec, s’il devait y avoir échec. L’Etat prendrait ses responsabilités, de la même manière que l’Etat est à la disposition des partenaires sociaux au niveau interprofessionnel, parce qu’il y a des considérations concrètes, notamment sur les artistes et techniciens qui sont soit en fin de carrière, soit qui ont des difficultés professionnelles particulièrement graves, vis à vis desquelles la solidarité de l’Etat peut jouer. Je suis mobilisé, vigilant, je ne fais pas d’autosatisfaction, je suis résolu. Et je voudrais une fois pour toute, que l’ensemble de nos concitoyens considère que l’action culturelle et artistique ce n’est pas marginal, c’est essentiel pour l’attractivité de notre pays et c’est aussi une activité de liberté d’esprit mais aussi une très grande activité économique.

Pierre-Luc SEGUILLON : L’histoire appartient aussi à notre culture. Le débat sur le rôle positif de la présence française Outre Mer, à partir d’un amendement sur une loi a agité le landernau, premièrement est-ce que vous estimez, comme le président de la République, que c’est une faute de légiférer sur le sens de l’histoire. Vous répondez oui ou non ?

Renaud DONNEDIEU de VABRES : Le président de la République et le Premier ministre vendredi ont appelé à l’unité nationale, sur ce sujet…

Pierre-Luc SEGUILLON : Non, non mais est-ce que vous allez dire que c’est une faute ?

Renaud DONNEDIEU de VABRES : Je pense que ce n’est pas à la loi de caricaturer ou de qualifier ou de prendre position à la place de l’histoire c’est chacun d’entre nous qui devrons la porter.

Pierre-Luc SEGUILLON : Est-ce que vous estimez à partir de là, que c’est une erreur qu’a commise le président de la République en promulguant cette loi ?

Renaud DONNEDIEU de VABRES : Vous savez la promulgation d’une loi, c’est une tâche et une responsabilité éminente et importante.

Pierre-Luc SEGUILLON : On l’a dit quand on l’a promue.

Renaud DONNEDIEU de VABRES : Ce n’était pas un projet de loi, c’était une initiative parlementaire qui est survenue en cours de débat. Je pense que l’heure aujourd’hui est de ce point de vue…

Pierre-Luc SEGUILLON : C’était une distraction du chef de l’Etat ?

Renaud DONNEDIEU de VABRES : Au rassemblement et ce n’est pas facile.

Pierre-Luc SEGUILLON : Est-ce que la meilleure manière de rassembler ce n’est pas d’abroger la loi ?

Renaud DONNEDIEU de VABRES : Pierre-Luc SEGUILON, nous sommes dans une période où chacun a envie d’en découdre, où chacun veut s’envoyer à la gueule le passé. Moi, je souhaite que nous sachions avec lucidité, regarder l’histoire et essayer d’aller de l’avant. Il ne faut rien oublier de l’histoire, il faut la méditer, mais il faut aller de l’avant. J’étais hier à Villers-Cauteret pour l’inauguration d’une magnifique statue d’Alexandre DUMAS, puisque vous savez que maintenant, il est enterré au Panthéon et vis à vis des habitants de sa ville natale, nous avons voulu faire ce geste. J’ai rappelé toute l’histoire d’Alexandre DUMAS et notamment la couleur de la peau et le statut d’esclave de sa famille, parce que je crois qu’il faut voir lucidement les choses, mais il faut avoir à cœur d’accueillir, de tendre la main, c’est très important.

Pierre-Luc SEGUILLON : Renaud DONNEDIEU de VABRES, merci beaucoup. Bonne journée

Inauguration de la statue d'Alexandre Dumas à Villers-Côterets

11 décembre 2005

Monsieur le Ministre, Monsieur le Sénateur, cher Jacques Pelletier,

Monsieur le Ministre, cher Alain Decaux,

Monsieur le Maire,

Madame la Conseillère régionale,

Mesdames, Messieurs les élus,

Madame le Préfet,

Mesdames et Messieurs,

Je suis très heureux et très fier de partager avec vous ce moment solennel qui est aussi un
moment d’émotion exceptionnel. Un moment fort. Un moment symbolique. Un moment
d’humanité.

Une nouvelle fois aujourd’hui, Villers-Cotterêts a rendez-vous avec l’histoire de la France.

C’est ici, en son château fraîchement construit, que François Ier signa le fameux édit qui
substitua le français au latin dans les actes de justice. Il ouvrait dans le même temps la voie
à la Renaissance française, qui vit progresser ensemble l’humanisme, la littérature et la
langue dont Du Bellay pouvait, dix ans plus tard, faire la Défense et Illustration. Qui peut
aujourd’hui mieux les incarner qu’Alexandre Dumas ?

C’est ici, « ce siècle avait deux ans », que naquit celui dont j’ai voulu honorer aujourd’hui
avec vous la mémoire.

Laissons-lui la parole : « je suis né à Villers-Cotterêts, petite ville du département de l’Aisne,
située sur la route de Paris à Laon, à deux cents pas de la rue de la Noue, où mourut
Desmoutiers, à deux lieues de la Ferté-Milon, où naquit Racine, à sept lieues de Château-
Thierry, où naquit La Fontaine. Je suis né le 24 juillet 1802, rue de Lormet, dans une maison
appartenant à mon ami Cartier, qui voudra bien me la vendre un jour, pour que j’aille mourir
dans la chambre où je suis né, et que je rentre dans la nuit de l’avenir, au même endroit d’où
je suis sorti de la nuit du passé ».

Ce passage de ses Mémoires dit assez l’attachement qu’il vouait à sa terre natale, comme
votre engagement à faire vivre ici son souvenir.

Aussi notre rendez-vous d’aujourd’hui est-il d’abord celui de la parole tenue et de
l’engagement respecté.

Il y a trois ans, presque jour pour jour, la République lui rendît l’hommage le plus solennel
qu’elle réserve à ses plus grandes gloires – « Au fronton du Panthéon, la reconnaissance de
la patrie s’inscrit dans la pierre » disiez-vous ce soir là, cher Alain Decaux, devant les foules
massées de la rue Soufflot jusqu’au Luxembourg. Et vous, les élus et les habitants de
Villers-Cotterêts, étiez au premier rang !

Après bien des discussions, vous aviez consenti, Monsieur le Maire, à ce que la dépouille de
l’enfant du pays rejoigne son ami Victor Hugo. Ainsi les deux écrivains français – et sans
doute les deux écrivains tout court – les plus connus et les plus lus dans le monde reposent
désormais côte à côte.

Je vois dans cette décision difficile un ultime hommage des habitants de Villers-Cotterêts à
leur illustre concitoyen, et un message du souvenir adressé à la Nation toute entière.

Ce souvenir que nous avons en partage vous revient aujourd’hui, comme l’Etat s’y était
engagé il y a trois ans, sous la forme de cette statue.

Cette sculpture de bronze avait été érigée à l’entrée de votre ville, grâce à la détermination
de vos prédécesseurs, qui, dès 1877, avaient lancé une souscription pour sa réalisation et
choisi la proposition de l’un des meilleurs statuaires de l’époque, Albert-Ernest Carrier-
Belleuse. Ce sculpteur, l’un des proches de Dumas, était réputé pour la vigueur de ses
effigies. Cette célébrité explique qu’il ait été l’un des maîtres de Rodin, et qu’aujourd’hui
encore, ces oeuvres aient les honneurs du musée d’Orsay. Placée sur un socle monumental,
haute de trois mètres, la statue de Dumas, dès son inauguration il y a cent vingt ans, fut le
symbole de votre patrimoine et de votre destin communs.

Lorsque la sculpture disparut – comme beaucoup d’autres dans la France martyrisée et
occupée de 1942, le vide fut grand et Villers-Cotterêts se sentit veuve d’une image décisive.

Pour marquer sa reconnaissance, Monsieur le Maire, l’Etat a donc choisi de restituer à vos
concitoyens cette statue.

Je tiens d’abord à féliciter tous les acteurs de cette prouesse technique et artistique, qui ont
su concilier la tradition d’excellence des savoir-faire des métiers d’art les plus traditionnels et
la modernité des techniques les plus innovantes. Je pense en particulier au procédé de
numérisation qui a permis d’obtenir un premier modèle pour rétablir les volumes originaux.

Au sein de la grande famille de tous ceux qui oeuvrent depuis tant d’années au maintien et à
la transmission du patrimoine français, les sculpteurs et les praticiens de l’art du métal, ont
ensuite pu déployer leurs talents et leur connaissance de l’art du modelage, de la taille, du
grand rythme de l’éclat du bronze. Je tiens à saluer la performance de l’atelier de Monsieur
Jean-Loup Bouvier, qui a préparé une effigie de plus de trois mètres toute en terre d’argile.

Mais aussi celle des compagnons de la fonderie de Coubertin, qui ont, en quelques minutes,
accompli l’exploit de couler en un seul jet près de deux mille kilos de lingots de bronze en
fusion !

C’est un exploit emblématique des meilleurs acquis de la politique du patrimoine. C’est parce
qu’il est pleinement conscient des enjeux de cette politique de mise en valeur et de maintien
des compétences professionnelles du patrimoine que le gouvernement a décidé, face aux
tensions qui ont marqué la gestion des crédits en 2004 comme en 2005, d’affecter 100
millions d’euros issus des recettes de privatisation à notre patrimoine.

C’est une décision
éminemment symbolique : le patrimoine de l’Et at est le patrimoine de tous. L’effet de cette
dotation en capital ne sera pas limitée au financement de grandes opérations nationales. Car
elle permettra aussi de dégager des moyens supplémentaires pour les opérations ordinaires
et décentralisées.

Les nombreux habitants de Villers-Cotterêts qui ont assisté au coulage de la statue ont
partagé une émotion intense. Je pense particulièrement à ceux parmi eux, parmi vous, qui
se souviennent encore de l’original de Carrier-Belleuse, ayant vécu son enlèvement comme
une véritable dépossession.

L’oeuvre que nous installons aujourd’hui marque le retour d’Alexandre Dumas dans sa ville
natale, au sein d’un patrimoine qui fait partie de votre identité et dont vous êtes légitimement
fiers.

Mais cette effigie, pour nous tous, c’est d’abord celle du plaisir immense et jubilatoire de la
lecture. Nous avons tous, comme les générations qui nous ont précédés, frémi, vibré,
souffert, ri et pleuré au rythme haletant de la trilogie des Mousquetaires (Les Trois
Mousquetaires, Vingt ans après, Le Vicomte de Bragelonne), de celle des Valois (La Reine
Margot, La Dame de Monsoreau, Les Quarante-Cinq) , ou de la tétralogie des Mémoires
d’un médecin (Joseph Balsamo, Le Collier de la Reine, Ange Pitou, La Comtesse de
Chagny).

Sans doute Proust a-t-il lu Dumas, en tout cas cette description du plaisir de la lecture qui
remonte à l’enfance et laisse en chacun de nous une marque indélébile, évoque-t-elle la
fureur de lire et de vivre que Dumas continue de communiquer à chacun de ses lecteurs : « il
n’y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux
que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passé avec un livre préféré
(…) Qui ne se souvient comme moi de ces lectures faites au temps des vacances, qu’on
allait cacher successivement dans toutes celles des heures du jour qui étaient assez
paisibles et assez inviolables pour leur donner asile ». Sûrement a-t-il éveillé en chacun de
ses centaines de millions de lecteurs à travers le monde cette passion de la lecture qui ne
nous fait pas seulement dévorer ses livres – Hugo écrivit à son fils : « il crée la soif de lire » –
mais surtout profondément ressentir le courage et le panache de D’Artagnan, le combat
d’Edmond Dantès contre l’humiliation et la jalousie, et la lutte de Joseph Balsamo pour abolir
la royauté dans tous les pays et, pour commencer, en France, car « la France est à l’avantgarde
des nations ».

Alexandre Dumas a créé les héros populaires les plus grands et les plus universels, non
seulement de la littérature, mais aussi de l’histoire de la France. Michelet lui dira un jour : «
vous avez plus appris d’Histoire au peuple que tous les historiens réunis ». Si Balzac a écrit
La Comédie humaine, il a voulu, disait-il lui-même, écrire Le Drame de la France. Car il est
de ces rares écrivains qui ont su créer plus que des personnages, de véritables mythes.

Il n’a pas seulement inventé le roman historique en France. Il n’a pas seulement inventé le
drame romantique, car la bataille d’Hernani n’eût pas eu lieu si, un an auparavant, Henri III et
sa cour n’avait pas été joué à la Comédie-française. Et si son théâtre est aujourd’hui
méconnu, Gustave Lanson, le fondateur de l’histoire littéraire française, évoque à son propos
Byron et Shakespeare. Et nous pouvons associer à son souvenir aujourd’hui celui de son
fils, auteur de La Dame aux camélias, qui fut l’un des plus grands auteurs de théâtre de son
temps.

Il était aussi, plus secrètement, poète :

« Je suis ce voyageur criant à vous dans l’ombre,
Je suis parti d’en bas sans savoir mon chemin,
Le chemin où je marche est étroit, la nuit sombre,
Eclairez-moi, mon père, et donnez-moi la main. »

Cette force de la nature incarne la puissance créatrice de la littérature dans toutes ses
dimensions. Mais surtout, sans doute, ce qui explique que sa générosité sans limites et son
amour de la vie, qui surmonte toutes les difficultés, demeurent si vivaces aujourd’hui, c’est
qu’il demeure, génération après génération, dans son oeuvre comme dans sa vie, l’une des
plus grandes voix de la France, lorsqu’elle est soeur de la Justice et de la Liberté.

Songez à ce qu’il a pu accomplir, lui, le petit-fils d’une esclave, alors que l’esclavage n’était
pas encore aboli !

Tel est aussi le sens particulier que je voudrais donner à la commémoration d’aujourd’hui,
devant sa statue qui retrouve le lieu de sa naissance, en associant à sa mémoire celle de
l’ombre immense de son père, le général Dumas.

Oui, redonnons vie aujourd’hui à celui qui connut la plus grande gloire mais disparut dans la
disgrâce et l’indifférence, au pionnier des valeurs que son fils, qui avait quatre ans à sa mort,
nous a transmises, et léguées, jusqu'à aujourd’hui !

Nous célébrerons le bicentenaire de sa mort l’an prochain, en Savoie, où il démontra avec
éclat que son courage et son intelligence pouvaient à la fois sauver des vies humaines et la
République.

C’est lui, qui n’avait qu’un prénom, Thomas-Alexandre, né esclave dans la partie française
de l’île de Saint-Domingue, qui prit le nom de famille qu’il n’avait pas le droit de porter, ce
nom de Dumas, si célèbre aujourd’hui, lorsqu’arrivé en France, pour ainsi dire « sanspapiers
», il s’engagea, comme simple cavalier, dans le régiment des dragons de la Reine.

L’on sait aujourd’hui qu’il devint général de la Révolution et son nom figure sur l’arc de
triomphe de l’Etoile. Mais sait-on assez qu’il fut un héros de la République ? Qu’il protesta
contre la Terreur ? Qu’il refusa de se battre contre Toussaint Louverture, parce que sa cause
était juste et qu’il ne voulait pas insulter les idéaux de la République, qui, comme l’écrivit plus
tard, Victor Schoelcher qui repose aujourd’hui aux côtés de son fils, « n’exclut personne de
son éternelle devise : Liberté, Egalité, Fraternité » ?

Oui, comme l’a déclaré vendredi le Président de la République : « cette histoire, c’est notre
patrimoine, c’est notre identité, c’est notre avenir ». Dans ce lieu de mémoire, devant ce
monument, en cet instant de recueillement, ayons la passion de l’histoire, à laquelle nous
invitent Alexandre Dumas, son père et son fils, transmettons-la, partageons-la ! Ayons la
passion de la Vérité et de la Justice ! Il n’est pas d’avenir sans repère, sans fidélité aux
leçons de l’histoire. Sereinement, fermement, lucidement, consciemment, faisons en la clé
de notre cohésion nationale et de notre détermination à agir, tous ensemble, dans le présent
et pour l’avenir, au service des talents et des idéaux dont cette statue est le symbole !

Je vous remercie.

Inauguration de l'UFR de droit, d'économie et de sciences sociales.

10 décembre 2005

Les sciences qui sont enseignées ici et les recherches que vous mènerez, sont celles de la vie en société. Une société où vous aurez toute votre place. Une place que vous pourrez conquérir par votre propre initiative, par votre courage, par votre travail, par votre volonté…

Madame le Recteur,

Monsieur le Préfet,

Monsieur le Président de l’Université,

Monsieur le Directeur de l’UFR,

Monsieur le Maire,

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Président du Conseil régional,

Mesdames et Messieurs les Professeurs,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis très heureux de vous retrouver et je vous salue de tout cœur. C’est d’abord un moment de fierté et d’émotion. Il est des moments exceptionnels, et cette cérémonie n’est pas une inauguration comme une autre.

Oui, l’inauguration d’une université est un moment fort, un moment rare, un jour de joie, pour les étudiants et les étudiantes, pour les enseignants et les chercheurs, pour le personnel administratif et technique, pour les élus, bien sûr aussi, pour toutes celles et tous ceux qui ont permis à ce très beau projet d’aboutir, pour les Tourangelles et les Tourangeaux, qui peuvent tous êtres fiers de cette réalisation exemplaire.

Je tiens à féliciter toutes les équipes qui ont conçu et construit ce magnifique bâtiment, dont l’Etat a été maître d’ouvrage et a confié la maîtrise d’œuvre au cabinet Sabatier-Sitoleux, la conduite des opérations ayant été assurée par la direction départementale de l’Equipement d’Indre-et-Loire.

Ce très beau résultat est le fruit des énergies, des enthousiasmes et des volontés rassemblés, de la région, de la ville, de l’université, et de l’Etat.

C’est une splendide réussite.

En cet instant, si vous me permettez une digression personnelle, c’est aussi une émotion particulière pour moi, car c’est la première fois que je participe à l’inauguration d’une faculté de droit.

Je tiens à rendre hommage à tous ceux qui se sont battus pour ce projet et qui ont cru en lui. Et nous savons, vous l’avez rappelé, que votre Université et votre faculté, sont les héritières de l’Ecole de droit, créée il y a bientôt soixante ans et dirigée de main de maître par le Professeur Hubert Janot, puis de la faculté à part entière, qui s’émancipa avec l’Université François Rabelais, sous l’autorité du doyen Michel Trochu, que je tiens à saluer.

Permettez-moi aussi de partager une pensée particulière, pour le souvenir de mon grand-père, Henri, qui était professeur de droit et qui fut le juge français au premier tribunal pénal international, c’était à Nuremberg, il y a soixante ans  ; et pour mon père, qui lui aussi enseigna longtemps les institutions de l’Etat à l’Institut d’études politiques, et y rencontra l’une de ses étudiantes, qui allait devenir ma mère.

Mais aujourd’hui, c’est d’abord, pour notre Université François-Rabelais, pour l’Unité de formation et de recherche de droit, d’économie et de sciences sociales, mais aussi pour notre ville, pour notre région, le renforcement de leur rayonnement et de leur identité.

Oui, c’est une chance, pour notre ville, pour notre région, pour nos entreprises, pour nos administrations, pour les professionnels et les organisations qui bénéficieront des savoirs, des compétences, des recherches, qui s’épanouiront ici.

C’est une chance naturellement pour les jeunes, pour toutes celles et tous ceux qui vont étudier, chercher ici des réponses, ouvrir des pistes de réflexion et de solution, aux questions d’avenir.

Qu’il s’agisse d’administration locale et territoriale, de réformes administratives et de décentralisation, de coopération internationale et européenne, de droit privé, de droit des entreprises, de droit de la santé, d’économie, d’aménagement et de paysage, de sciences de l’homme et de la société, tous les domaines d’enseignement et de recherche que vous allez explorer ici sont ouverts sur l’avenir de notre société et de notre économie, et sur les enjeux de notre temps.

Au moment où le Parlement – et d’abord le Sénat, le 16 décembre – s’apprête à examiner le grand projet de loi de programme sur la recherche présenté par le Gouvernement pour définir les grands axes de la politique scientifique de la France pour les années à venir, qui constitue le volet législatif du « pacte pour la recherche » voulu par le Président de la République, vous créerez et vous aurez tous les moyens nécessaires pour développer ici un pôle dynamique, qui renforcera la place de notre ville et de notre région dans la compétition désormais internationale pour la connaissance, l’innovation et la recherche.

Dans une économie fondée sur la connaissance, sur l’intelligence, il ne peut y avoir d’enseignement, d’activité, d’emploi, sans recherche.

Dans un monde marqué par l’instabilité des repères, comme par le réveil des traditions – mais aussi des conflits – identitaires, qui appellent un renouveau de la réflexion et de la pensée, comme de l’action, nous avons besoin de l’Université, de la recherche, des sciences, mais pas seulement des sciences dites dures.

Nous avons besoin de sciences humaines et sociales, juridiques et économiques, qui puissent donner aux hommes de demain les boussoles nécessaires pour relever les défis qui sont devant nous.

Notre jeune Université renoue ici, avec une grande tradition tourangelle, celle de François Rabelais, qui n’était pas seulement un helléniste, un médecin, curieux de tout, qui n’avait pas seulement l’esprit savant de son temps, demandant aux sciences encore balbutiantes, l’explication de « tous les faits de nature ». Il avait avant tout une âme, une conscience… Et si l’inventeur de Thélème ne se privait pas de railler les « sorbonistes, sorbonagres, sorbonicoles », son idéal humaniste de liberté était avant tout un idéal d’éducation. D’éducation à la vie, la « vie bonne », comme l’on disait alors, qui conjugue ce que nous appelons aujourd’hui l’épanouissement personnel et la vie en société.

C’est fort opportunément que votre site est dédié à Portalis, le père du « Code civil des Français », ce pacte social fondateur, qu’il a écrit dans une langue sobre et précise – songez à l’énoncé de ce principe selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi » – qui faisait dire à Stendhal : « en composant La Chartreuse, pour prendre le ton, je lisais de temps en temps quelques pages du Code Civil ». Si les normes sont aujourd’hui de plus en plus complexes, nous avons toujours autant besoin de la civilisation du droit pour lutter contre « l’ensauvagement du monde », pour reprendre l’expression de Thérèse Delpech.

En effet, les sciences qui sont enseignées ici et les recherches que vous mènerez, sont celles de la vie en société. Une société où vous aurez toute votre place. Une place que vous pourrez conquérir par votre propre initiative, par votre courage, par votre travail, par votre volonté, mais aussi, bien sûr, par votre culture, par les connaissances que vous aurez acquises, par les liens que vous aurez tissés, par les choix que vous aurez faits ici.

Alors, oui, je suis très fier et ému de souhaiter à chacune et à chacun d’entre vous : bon vent, bonne chance et réussite !

Inauguration de l'UFR de droit, d'économie et de sciences sociales.

10 décembre 2005

Madame le Recteur,

Monsieur le Préfet,

Monsieur le Président de l’Université,

Monsieur le Directeur de l’UFR,

Monsieur le Maire,

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Président du Conseil régional,

Mesdames et Messieurs les Professeurs,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis très heureux de vous retrouver et je vous salue de tout cœur. C’est d’abord un moment de fierté et d’émotion. Il est des moments exceptionnels, et cette cérémonie n’est pas une inauguration comme une autre.

Oui, l’inauguration d’une université est un moment fort, un moment rare, un jour de joie, pour les étudiants et les étudiantes, pour les enseignants et les chercheurs, pour le personnel administratif et technique, pour les élus, bien sûr aussi, pour toutes celles et tous ceux qui ont permis à ce très beau projet d’aboutir, pour les Tourangelles et les Tourangeaux, qui peuvent tous êtres fiers de cette réalisation exemplaire.

Je tiens à féliciter toutes les équipes qui ont conçu et construit ce magnifique bâtiment, dont l’Etat a été maître d’ouvrage et a confié la maîtrise d’œuvre au cabinet Sabatier-Sitoleux, la conduite des opérations ayant été assurée par la direction départementale de l’Equipement d’Indre-et-Loire.

Ce très beau résultat est le fruit des énergies, des enthousiasmes et des volontés rassemblés, de la région, de la ville, de l’université, et de l’Etat.

C’est une splendide réussite.

En cet instant, si vous me permettez une digression personnelle, c’est aussi une émotion particulière pour moi, car c’est la première fois que je participe à l’inauguration d’une faculté de droit.

Je tiens à rendre hommage à tous ceux qui se sont battus pour ce projet et qui ont cru en lui. Et nous savons, vous l’avez rappelé, que votre Université et votre faculté, sont les héritières de l’Ecole de droit, créée il y a bientôt soixante ans et dirigée de main de maître par le Professeur Hubert Janot, puis de la faculté à part entière, qui s’émancipa avec l’Université François Rabelais, sous l’autorité du doyen Michel Trochu, que je tiens à saluer.

Permettez-moi aussi de partager une pensée particulière, pour le souvenir de mon grand-père, Henri, qui était professeur de droit et qui fut le juge français au premier tribunal pénal international, c’était à Nuremberg, il y a soixante ans  ; et pour mon père, qui lui aussi enseigna longtemps les institutions de l’Etat à l’Institut d’études politiques, et y rencontra l’une de ses étudiantes, qui allait devenir ma mère.

Mais aujourd’hui, c’est d’abord, pour notre Université François-Rabelais, pour l’Unité de formation et de recherche de droit, d’économie et de sciences sociales, mais aussi pour notre ville, pour notre région, le renforcement de leur rayonnement et de leur identité.

Oui, c’est une chance, pour notre ville, pour notre région, pour nos entreprises, pour nos administrations, pour les professionnels et les organisations qui bénéficieront des savoirs, des compétences, des recherches, qui s’épanouiront ici.

C’est une chance naturellement pour les jeunes, pour toutes celles et tous ceux qui vont étudier, chercher ici des réponses, ouvrir des pistes de réflexion et de solution, aux questions d’avenir.

Qu’il s’agisse d’administration locale et territoriale, de réformes administratives et de décentralisation, de coopération internationale et européenne, de droit privé, de droit des entreprises, de droit de la santé, d’économie, d’aménagement et de paysage, de sciences de l’homme et de la société, tous les domaines d’enseignement et de recherche que vous allez explorer ici sont ouverts sur l’avenir de notre société et de notre économie, et sur les enjeux de notre temps.

Au moment où le Parlement – et d’abord le Sénat, le 16 décembre – s’apprête à examiner le grand projet de loi de programme sur la recherche présenté par le Gouvernement pour définir les grands axes de la politique scientifique de la France pour les années à venir, qui constitue le volet législatif du « pacte pour la recherche » voulu par le Président de la République, vous créerez et vous aurez tous les moyens nécessaires pour développer ici un pôle dynamique, qui renforcera la place de notre ville et de notre région dans la compétition désormais internationale pour la connaissance, l’innovation et la recherche.

Dans une économie fondée sur la connaissance, sur l’intelligence, il ne peut y avoir d’enseignement, d’activité, d’emploi, sans recherche.

Dans un monde marqué par l’instabilité des repères, comme par le réveil des traditions – mais aussi des conflits – identitaires, qui appellent un renouveau de la réflexion et de la pensée, comme de l’action, nous avons besoin de l’Université, de la recherche, des sciences, mais pas seulement des sciences dites dures.

Nous avons besoin de sciences humaines et sociales, juridiques et économiques, qui puissent donner aux hommes de demain les boussoles nécessaires pour relever les défis qui sont devant nous.

Notre jeune Université renoue ici, avec une grande tradition tourangelle, celle de François Rabelais, qui n’était pas seulement un helléniste, un médecin, curieux de tout, qui n’avait pas seulement l’esprit savant de son temps, demandant aux sciences encore balbutiantes, l’explication de « tous les faits de nature ». Il avait avant tout une âme, une conscience… Et si l’inventeur de Thélème ne se privait pas de railler les « sorbonistes, sorbonagres, sorbonicoles », son idéal humaniste de liberté était avant tout un idéal d’éducation. D’éducation à la vie, la « vie bonne », comme l’on disait alors, qui conjugue ce que nous appelons aujourd’hui l’épanouissement personnel et la vie en société.

C’est fort opportunément que votre site est dédié à Portalis, le père du « Code civil des Français », ce pacte social fondateur, qu’il a écrit dans une langue sobre et précise – songez à l’énoncé de ce principe selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi » – qui faisait dire à Stendhal : « en composant La Chartreuse, pour prendre le ton, je lisais de temps en temps quelques pages du Code Civil ». Si les normes sont aujourd’hui de plus en plus complexes, nous avons toujours autant besoin de la civilisation du droit pour lutter contre « l’ensauvagement du monde », pour reprendre l’expression de Thérèse Delpech.

En effet, les sciences qui sont enseignées ici et les recherches que vous mènerez, sont celles de la vie en société. Une société où vous aurez toute votre place. Une place que vous pourrez conquérir par votre propre initiative, par votre courage, par votre travail, par votre volonté, mais aussi, bien sûr, par votre culture, par les connaissances que vous aurez acquises, par les liens que vous aurez tissés, par les choix que vous aurez faits ici.

Alors, oui, je suis très fier et ému de souhaiter à chacune et à chacun d’entre vous : bon vent, bonne chance et réussite !

E, comme:

10 décembre 2005

Pour ouvrir le débat je ferai plusieurs propositions concernant plus le citoyen que l’élève, mais destinées à faire de l’école le lien central de l’Education avec un grand E.

  E, comme Europe : pourquoi ne pas demander à chaque école de France d’organiser une exposition sur les 10 nouveaux membres de l’Union européenne qui vont nous rejoindre, en invitant les familles à ce parcours de découverte ?

  • E, comme éveil à l’informatique et aux multimédias : pourquoi ne pas proposer pendant un mois aux familles des élèves le soir ou le week-end de venir s’initier à l’informatique en utilisant le matériel de l’école ? Et si les enseignants étaient à cette occasion les élèves eux-mêmes, sous la houlette de leurs professeurs… Quel beau symbole de lien entre les générations !
  • E, comme éducation à la santé, à l’hygiène et aux gestes essentiels à la prévention des risques : pourquoi ne pas prévoir de réelles séances d’instruction et de formation au secourisme pour que chaque jeune puisse, le moment venu, avoir les premiers réflexes qui peut-être sauveront son enfant ou tout simplement son prochain ?


Nombreux sont les objectifs que nous assignons à l’école. A juste titre. Mais, pour autant, n’en profitons pas pour nous défausser lâchement de nos propres responsabilités vis-à-vis de la jeunesse de France.

Ce n’est pas porter atteinte au rôle éminent des enseignants que de souhaiter que les familles partagent avec eux la plus belle des missions : faire d’un jeune un citoyen libre et épanoui.