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Donnedieu de Vabres : «Il faut cantonner l'OMC aux échanges économiques»

Un appel commun, pour que le traité de lUnesco ait force de loi, vient dêtre signé. Si le président Vicente Fox accepte lidée de défendre la diversité culturelle, il na pas pour autant arrêté son choix sur la question essentielle de savoir si ce principe doit être ou non subordonné aux accords de lOMC. Cest tout lenjeu des discussions entre le Mexique et la France. Cest aussi le combat que mène Renaud Donnedieu de Vabres pour convaincre ses partenaires…. Jean-Pierre Raffarin entend faire partager au Mexique le combat pour la diversité culturelle, autrefois dénommée – lorsque la France seule le menait – lexception culturelle. «Rien ne serait pire quune humanité uniforme soumise à une seule culture mondialisée, appauvrie. Nos deux pays doivent saccorder pour faire entendre le message en faveur de la diversité et du pluralisme des oeuvres culturelles. Notre lutte engage la richesse culturelle du patrimoine de lhumanité», a notamment déclaré le premier ministre à Mexico. Comme en France, le Mexique a pris un certain nombre de décisions pour protéger sa culture et son audiovisuel. Les sociétés étrangères ne peuvent pas prendre plus de 49% du capital des sociétés de production et dexploitation et les billets des salles de cinéma sont assujettis à une taxe de sept centimes reversés à léquivalent du CNC. Les oeuvres mexicaines recueillent 30% dentrées en moyenne dans les salles comme à la télévision, mais ce pays souhaite élargir laccès au marché des services audiovisuels. Un appel commun, pour que le traité de lUnesco ait force de loi, vient dêtre signé. Si le président Vicente Fox accepte lidée de défendre la diversité culturelle, il na pas pour autant arrêté son choix sur la question essentielle de savoir si ce principe doit être ou non subordonné aux accords de lOMC. Cest tout lenjeu des discussions entre le Mexique et la France. Cest aussi le combat que mène Renaud Donnedieu de Vabres pour convaincre ses partenaires.

Propos recueillis par Emmanuel Schwartzenberg
 

LE FIGARO.Pourquoi le combat pour la défense de la culture est-il devenu un enjeu national ?

Renaud DONNEDIEU DE VABRES. – La violence de lactualité internationale et ses répercutions sur la scène intérieure dans la plupart des pays du monde – je pense aux risques du terrorisme et de lintégrisme – engendrent un nouveau réflexe face à une mondialisation qui peut apparaître aussi bien comme une chance que comme une destruction des industries et des marchés avec les conséquences qui en découlent. Lurgence politique veut que léchange ne soit pas lui-même destructeur. Chacun veut aujourdhui mettre à labri sa propre identité, sa culture, ses racines, son patrimoine.

Quels sont les secteurs les plus menacés : le patrimoine ou laudiovisuel ?

Par définition, ce sont toujours les plus faibles qui sont menacés. Les cultures les plus fragiles sont toujours les plus exposées. En France, nous avons la chance davoir entre les mains un capital dinfluence et de rayonnement exceptionnels, fondés sur le patrimoine et la création artistique. Et pour autant, à cause parfois de la technologie, nous ne sommes pas à labri. Doù le rôle politique joué par le président de la République et le gouvernement sur la scène internationale pour dire dans un même élan «Oui à léchange culturel. Oui aux droits des nations à soutenir la politique culturelle de leur pays». Cest le sens des débats qui vont se dérouler en 2005 à lUnesco.

Quelles garanties apportera la convention Unesco sur la diversité cultu relle ?

Ce nest pas un exercice théorique, cest un acte politique essentiel. Lactivité culturelle et artistique nest pas une activité comme les autres. Elle mérite une protection particulière. Les règles applicables à la circulation des marchandises ne peuvent pas sappliquer davantage à ce que lon appelle, en termes peu élégants, les biens culturels. Ce qui était le thème de lexception culturelle, perçu par nos détracteurs comme léternelle arrogance française, apparaît aujourdhui à la plupart des pays du monde, et même à nos amis américains, comme une nécessité politique et stratégique. La prise de position commune entre la Chine et la France, que jai proposée à mon homologue, en est lillustration. La visite de Jean-Pierre Raffarin au Mexique est une étape très importante avec ce grand pays dont nous sommes très proches politiquement.

Est-ce que vous ne redoutez pas, comme pour le protocole de Kyoto, que le monde se divise demain entre ceux qui défendent le projet français et les autres qui rallient le camp américain ?

Jespère sincèrement quautant la prise en compte de la situation internationale actuelle que certains aspects de lévolution technologique – je pense bien sûr à Internet – permettront à nos amis américains de mieux comprendre notre point de vue. Dans le domaine du cinéma, cest quasiment chose faite. La difficulté majeure qui est devant nous cest de légitimer, pour les questions de santé, lautorité politique et juridique de lOMS ; pour les questions culturelles, celle de lUnesco, et de cantonner lOMC aux échanges économiques.

Le soutien que lEurope a apporté cette semaine à la convention Unesco va-t-il lui permettre davoir, par rapport à lOMC, une force politique suffi sante ?

Lobjectif politique français vis-à-vis de lUnesco, tendant à conforter les politiques culturelles nationales, cest au fond le même que celui qui me fait mopposer directement et fortement à la Commission européenne lorsquelle remet en cause le droit de la France à soutenir ses industries culturelles. Le mandat que lensemble des ministres de la Culture européens vient de donner à la Commission pour faire reconnaître le droit à la diversité culturelle face à lOMC est une étape très importante. LEurope de la culture qui sest fait trop attendre prend force. Le respect du pluralisme et de la diversité politique, religieuse, intellectuelle, voilà bien la valeur européenne suprême dont le rayonnement international franchit les océans. Le Canada, le Brésil, le Mexique, la Chine, et pourquoi pas demain nos amis américains, en sont irradiés.

Si le traité Unesco nest pas adopté comme prévu en 2005, quadviendra-t-il des identités culturelles ?

Le risque serait grand dune uniformisation, dune sorte de culture unique qui ne manquerait pas de revenir comme un boomerang. Certains pays – lAustralie, la Nouvelle-Zélande – se sentent déjà bousculés par certaines formes dhégémonie culturelle, faute davoir su protéger à temps leurs talents nationaux.

Est-ce que ce traité ne va pas permettre à des pays de protéger des traditions révolues sous couvert de défense du patrimoine ?

Effectivement, le concept des droits de lhomme doit avoir une portée universelle et mettre en échec toutes les dérives et les violences attentatoires à la dignité humaine constatées dans le monde contemporain.

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