Archives de 2003

Entre la loi et la jungle, la conscience du médecin reste l’alternative éthique

29 octobre 2003

La mort de Vincent Humbert, le 26 septembre, place sous les feux de l’actualité la fin de la vie : son accompagnement, le « choix » de ses modalités. La sagesse chrétienne enseigne d’être toujours prêt, ce qui est une morale exigeante, indiquant qu’on ne sait « ni le jour ni l’heure ». Elle ne résout pas l’attente lorsque la souffrance est extrême. Jean-Pierre Raffarin a rappelé avec une sagesse humaniste, qui dépasse ses convictions religieuses personnelles, que « la vie n’appartient pas aux politiques« .

Le drame de cette tragédie liant une mère et son fils où se côtoient l’amour et la mort nous confronte à des questions redoutables. Qui se posent en fait quotidiennement de manière moins spectaculaire mais tout aussi délicate et sensible, tant il est vrai que la mort est de moins en moins totalement « naturelle ». Le progrès scientifique que nous connaissons fait que la mort résulte souvent maintenant d’une « décision », soit pour épargner les souffrances, soit même pour refuser l’acharnement thérapeutique.

Tous les médecins hospitaliers ont à faire face à cette responsabilité redoutable, qui est l’honneur même de leur vocation et que seules leur conscience et leur éthique peuvent assumer. Une loi ne codifiera jamais l’ensemble des situations humaines auxquelles le corps médical doit répondre. Dans ce contexte, comprendre et partager la douleur d’une famille, souhaiter même une retenue avant toute expression publique, refuser les réactions à chaud ne sauraient nous exonérer d’une réflexion et d’une décision claires.

***

Les propos fusent. Ils sont parfois choquants, d’une cruauté à l’image de la détresse qu’ils expriment. Souvent magnifiques, dès lors qu’apparaît le souci humaniste de ne pas se voiler la face sur les questions que vivent douloureusement de nombreuses familles françaises.

Les « cris » de douleur de Vincent Humbert ont été nombreux et clairs :

 » Si vous étiez à ma place, vous voudriez quoi : vivre ou mourir ? »

 » Je ne veux pas que l’on s’apitoie sur mon sort, je veux simplement qu’on me comprenne »

 » Demander la mort n’est pas une défaite ou une lâcheté mais un soulagement pour le malade et son entourage ».

Sa mère les a entendus et a commis l’irréparable par un geste qualifié avec beaucoup d’humanité par le Procureur de la République de Boulogne sur Mer, qui a sur le champ déclaré : il s’agit à la fois d’un geste réprimé par la loi et d’un profond drame humain, il faut pouvoir concilier les deux » .

Marie Humbert s’est sentie investie d’une mission contre-nature, celle d’une mère décidant par amour d’aider son fils à mourir :  » quand, tous les jours, votre gamin vous dit : « maman, je n’en peux plus de souffrir, je t’en prie, soulage-moi », que feriez-vous à ma place ? Je me dis que je vais le remettre au monde, mais dans un autre monde où il sera heureux. « 

 » Je ne veux pas tuer mon fils, je vais l’aider à se suicider« . « Cette différence, dans mon cur, est très importante, on en a tellement discuté avec Titi (Vincent) ».  » Il est tellement désespéré… Il est persuadé qu’après il sera heureux, c’est le principal ».

Le frère, Laurent , provoque par des propos crus, qui traduisent sans doute l’abomination de l’état de son frère : « quand j’ai appris sa mort, j’ai crié de joie dans la rue. J’ai annoncé la nouvelle à maman qui était aux anges, enfin libérée, tout comme Vincent, après ce si long calvaire. Puis je suis allé lui dire au revoir. Il était beau, reposé, serein. On lui avait enlevé tous ses tubes. Je crois qu’il est parti avec le sourire. C’était triste mais magnifique « .

En entendant ces phrases d’une effrayante brutalité, un sentiment contradictoire envahit immédiatement. Le sens d’une vie, lorsque la déchéance physique ou mentale est quasi absolue se pose. Mais qui peut décider que la mort est forcément une libération ? Bruno Frappat, dans son éditorial de « La Croix » le rappelle avec intelligence et cur :  » la vie fardeau, la mort valeur ? Où nous mènerait une telle rupture anthropologique ? Au glissement progressif vers plus d’inhumanité ».

Patrick Verspieren, jésuite, directeur du département d’éthique biomédicale à la faculté de théologie de l’institut d’enseignement supérieur des jésuites, exprime une position mêlée de foi et de sentiment humain, qui en l’occurrence sont forcément sinon antagonistes, du moins difficilement compatibles. Il le fait avec l’intelligence critique dont sont capables les jésuites !

 » La vie est un don de Dieu. Personne ne peut décider que la vie d’autrui n’a plus de valeur. C’est pourquoi l’Eglise condamne l’euthanasie , définie comme tout acte dont l’objectif est de provoquer la mort pour mettre fin à la souffrance d’autrui« .

« Si l’Eglise considère comme un soin le fait de soulager la douleur, même avec des antalgiques puissants, elle condamne aussi les traitements déraisonnables, à savoir l’acharnement thérapeutique pour maintenir la vie à tout prix. On peut d’ailleurs se demander si les réanimateurs n’ont pas été imprudents en cherchant à sauver la vie de Vincent en septembre 2000″.

Il ajoute, montrant les limites de ses certitudes de croyant :  » je ne souhaiterais pas faire partie du jury d’assises si un tel procès devait avoir lieu un jour ».

L’éthique médicale, dans la France d’aujourd’hui, à législation constante, permet une réponse appropriée. Elle repose sur la conscience du médecin, sur le dialogue avec le patient et son entourage personnel. Mais il est vrai que beaucoup de questions se posent :

Jusqu’où faut-il se battre pour maintenir en vie ? A partir de quel moment une existence n’est-elle plus humaine mais « mécanique » ? Existe-t-il une sorte de « droit  » au suicide ? La science permet-elle des pronostics vitaux certains ? Comment éviter le moindre trouble dans l’image auprès des malades d’un médecin qui ne saurait jamais devenir un administrateur de fin de vie ? Qui doit contrôler les décisions des médecins lorsqu’ils sont confrontés au dilemme final vis-à-vis de leur patient ? Peut-on garantir que le principe de l’opportunité des poursuites met le corps médical à l’abri d’une judiciarisation excessive de leurs actes ? Une codification des situations est-elle réaliste, utile ? Peut-on définir le concept de médecine « raisonnable » ?

***

C’est la mission et l’honneur du Président de la République, du Gouvernement et du Parlement devant, sur ce sujet, faire abstraction de tout clivage politicien de répondre à ces interrogations. Avec humanité et humilité. Avec le seul souci du respect de la dignité de toute vie humaine. Sans chercher la rationalité politique absolue, qui cherche à tout prévoir, organiser, décider sans souci de la spécificité de chaque détresse humaine.

En sachant non par lâcheté mais par humanisme concret confier la responsabilité au médecin, comme le recommande la fédération protestante de France qui laisse juge l’individu, malade, soignant ou proche :  » aucune loi ni aucune instance morale ne peut prétendre supprimer la responsabilité éthique du patient, des médecins, de l’entourage « .

La mission d’information de l’Assemblée Nationale doit faire oublier que les députés votent la loi ou en proposent de nouvelles ! En l’occurrence, leur rôle est justement de définir ce qui est du domaine de la loi et ce qui doit être régi par une éthique universelle, par nature proche des réalités humaines et non codifiées à l’avance par le législateur.

Le professeur Didier Sicard, Président du Comité consultatif national d’éthique, trace la route en indiquant :

 » Il existe des situations rarissimes – du type de celle de l’affaire Humbert – face auxquelles le droit et la loi restent en toute hypothèse muets. Comment en finir avec l’hypocrisie ? Comment confronter les principes éthiques à la vie vécue au quotidien ? »

Rappelons que la loi française ne s’oppose absolument pas à un arrêt des thérapeutiques inadaptées.

 » Tu ne tueras pas  » ne signifie pas que le devoir de vie s’apparente à un mépris de sens, de dignité auxquels chaque être humain a droit. Chacun doit bénéficier d’accompagnement approprié pour apaiser ses souffrances, ce qui, ne soyons pas aveugles, conduit parfois à un compte à rebours vers la mort.

Notre responsabilité politique est de garantir le respect de principes de déontologie et d’éthique, dans le parcours final de chaque homme. Sans jamais oublier le mystère de la vie.

Réaffirmer ces principes humanistes ne porte pas atteinte au respect d’une morale républicaine laïque !

Le député de Paris, Jean-Marie Le Guen, a eu grandement et honteusement tort d’accuser le Premier Ministre de « se ranger à une vision théologique de la société« .

La gravité du sujet devrait inspirer à chaque responsable politique une plus exemplaire dignité. Celle requise par la complexité, la grandeur et l’extrême difficulté du geste médical lorsqu’il accompagne la fin de vie.

***

Selon une étude menée par des réanimateurs français et publiée en 2001, 53% des décès survenus dans les services de réanimations sont liés à une décision médicale de limiter ou d’arrêter les soins. Près de 9 fois sur 10, la décision a été prise collectivement par des soignants, et dans 44% des cas la famille y a été associée.

En juin 2002, la société de réanimation a élaboré un protocole de décision sur les « limitations et arrêts de thérapeutiques actives en réanimation adulte » en estimant qu’ils « constituent la seule alternative éthique à un acharnement thérapeutique ; Le principe en est :  » il n’y a pas d’obligation à instituer ou à maintenir une thérapeutique active quand il n’y a pas ou plus de bénéfice à en attendre pour le patient ».

***

Chaque famille française a tristement affronté vis-à-vis d’un proche la question du sens de la vie dès lors qu’il n’y a plus d’espoir de sauver et que la souffrance est intolérable.

Les unités de soins palliatifs, auxquelles des moyens supplémentaires doivent être donnés, aident quotidiennement concrètement les malades et leur famille.

Médecins, infirmières et infirmiers, aides soignants et l’ensemble du personnel hospitalier, donnent tous les jours le meilleur d’eux-mêmes pour traiter, diagnostiquer, surveiller, écouter, réconforter, apaiser. Avec la volonté de « gagner la partie », c’est à dire de mettre en échec la mort. Et d’aider à vivre le mieux possible.

Cette magnifique vocation, qui est beaucoup plus qu’un métier car tout de la personne est engagé, mérite que nous sachions leur faire confiance. Entièrement confiance, ce qui suppose que nous leur accordions les moyens nécessaires. Et la liberté d’agir.

Ce n’est pas une loi qui manque pour les aider à faire face à leurs responsabilités
. C’est peut-être davantage notre soutien moral qui peut leur permettre de fabriquer l’énergie considérable qu’il leur faut pour savoir toujours rayonner d’une lumière de vie, même et surtout lorsqu’ils donnent la main à un mourrant.

Puissions-nous réussir à éviter toute fausse note idéologique, théorique et dogmatique en réouvrant le dossier épineux de l’accompagnement de la fin de vie.

Le déclenchement des projecteurs médiatiques lié au drame de Vincent Humbert ne sera utile qu’à cette condition.

C’est peut-être l’hommage posthume que nous lui dédions.

C’est en tout cas la marque de la reconnaissance que nous devons à tous ceux qui sans attendre notre analyse, jour après jour, se dévouent pour leur prochain, en choisissant, en leur âme et conscience, le geste qui sauve ou qui aide.

***

PS : voir également la page d’actualité du 23 décembre 2002 sur www.rddv.com  » La bouleversante supplique du jeune pompier au Président est un électrochoc redoutable »

Un vrai plan pour régler les problèmes de la dépendance suppose du courage !

29 octobre 2003

Rester les bras croisés, les yeux fermés et les oreilles bouchées face au drame social et humain de la dépendance des personnes très âgées et des personnes handicapées n’est tout simplement pas acceptable dans un pays développé et riche au début du XXIe siècle.

La France est confrontée à un véritable défi tant sont nombreuses les questions différées et mal réglées . Remercions au passage les socialistes « glorieux » de leur rénovation sociale… Bonjour les résultats de 2 septennats de la gauche lorsque l’on constate l’état de certains hospices !

Garantir aux Français un système de retraite par répartition pérenne et financé, une protection sociale de qualité contre la maladie, une prise en charge effective des problèmes de la dépendance, telle est la feuille de route !

Pour faire face aux problèmes posés, une vraie méthode est nécessaire afin que nos concitoyens partagent le diagnostic et le remède forcément douloureux.

Le constat initial suppose d’être partagé par le plus grand nombre pour éviter les remises en cause brutales dès lors qu’est évoquée la stratégie de réponse…

Un vrai plan d’action très diversifié est ensuite nécessaire à mettre en oeuvre, car les ressources ne sont pas inépuisables. Une augmentation de la C. S. G., si elle est utilisée pour la politique en faveur des « très vieux » et des personnes handicapées, ne peut plus l’être pour le financement du déficit chronique de l’assurance maladie.

Être responsable, c’est donc tout mettre en perspective. Programmer avec le souci du calendrier et des priorités. Avec une exigence nouvelle, dès lors qu’il faut augmenter un tarif, une taxe ou un impôt : Affecter clairement et totalement le produit récolté à la cause pour laquelle il est décidé. Plus aucune augmentation des prélèvements obligatoires n’est, en effet, acceptable dans la France d’aujourd’hui sauf à « flêcher » l’argent récolté, pour qu’il ne comble pas un déficit global, mais pour qu’il serve à une politique précise, définie, délimitée. La règle du droit budgétaire classique de la non affectation des dépenses aux recettes est politiquement périmée, principalement dès lors qu’il s’agit d’une recette nouvelle. Les contribuables sont excédés des ponctions qui ont toujours une bonne raison…

Afficher l’objet exact de la dépense nouvelle est un préalable absolu. Sinon un vent de révolte souffle ! Et la nécessité d’une augmentation de la fiscalité ou du prix est brutalement contestée et refusée.

L’expérience récente concernant le gazole est de ce point de vue claire. Il eût fallu mieux annoncer le plan de modernisation du réseau TGV, avant de décider une telle hausse. Sans oublier de rappeler l’héritage ou plutôt le passif que nous avions trouvé !

***

Le drame de l’été et son cortège de morts et d’oubliés malgré le dévouement de beaucoup ainsi que la situation choquante dans laquelle se trouvent nombre de personnes handicapées appellent une action énergique et vigoureuse. Le Président de la République est le Premier Ministre ont raison d’en faire le point d’honneur de leur projet. Et de notre agenda.

Nous devons donc trouver les moyens d’une vraie politique. Pluriannuelle certes, mais concrète et financée.

Une fois de plus, il faut innover pour éviter que le pays ne sombre et ne croule sous d’excessifs prélèvements.

En ayant le courage de mobiliser chaque Française et chaque Français. Tout le monde, actifs et retraités. Tous les revenus, ceux du travail comme ceux du capital.

En faisant appel à l’effort concret des Français, à leur capacité de créer de la richesse par le travail.

Au lieu d’envisager une fois de plus la taxation financière des salariés, l’idée de demander de travailler un jour de plus pour cette impératif social est novatrice, audacieuse.

Cela suppose du courage, car les protestations ne manquent pas. Venant de ceux qui avaient exigé les démissions de ministres au lendemain de la canicule, pour mieux s’exonérer de toute responsabilité personnelle.

Nous sommes tous concernés par la misère sociale, par la détresse de la fin de vie des plus âgés, par l’insuffisante compensation dont bénéficient les Français handicapés quel que soit leur âge.

La vignette automobile était autrefois censée financer la politique en faveur des personnes âgées. En 1984, les socialistes ont attribué son produit aux départements, tirant un trait sur son objet initial.

Il faut aujourd’hui une mesure spécifique, totalement affectée à la grande cause nationale, qui est de faire face à toutes les situations de dépendance.

Un jour consacré à la solidarité active et concrète, au lieu des loisirs et de la détente.

Un jour où l’on se soucie de son prochain en travaillant gratuitement. Un jour de congé ou un jour de RTT même si cette dernière idée pose de surcroît le problème de l’universalité de l’effort consenti.

Un jour où, dans son immeuble, on ouvre les yeux sur son voisin, on parle à autrui, on accueille celui qui est différent de soi. Où l’on constitue ou reconstitue une vraie communauté de vie. Celle du «toit », du voisinage et du quartier.

Nos détracteurs tirent déjà à vue. « Tout pour le Medef », « la charité n’est pas la solidarité », « c’est le rétablissement de la corvée », « même les pires staliniens n’avaient pas osé » etc…

Qu’importe!

N’hésitons pas!

Mais soyons équitables et ne « visons » pas uniquement ceux qui travaillent. Les retraités doivent s’associer à l’effort. Les revenus du capital ne peuvent être totalement exonérés.

Le service national est mort des exemptions et du trop grand nombre de jeunes qui ne l’accomplissaient pas.

Veillons à ce que dans ce cas les mesures entraînent dans un même élan de générosité active l’ensemble de la nation, pour une fois rassemblée. Le caractère incontestable de l’enjeu devrait faire taire les oppositions.

La lumière du regard de celles et ceux qui bénéficieront de ces améliorations sociales indispensables pour compenser le handicap ou pour mieux entourer le grand âge sera la récompense. Une vraie oeuvre de justice.

Pour les nostalgiques du tout-prélèvement, qu’il se rassurent ! Le règlement du dossier de l’assurance-maladie comportera immanquablement un volet financier…

Lorsqu’on parle. réforme, les Français concluent immédiatement : « qu’est-ce qu’ils vont encore nous piquer ? » Ils n’ont malheureusement pas tort…

Comme le dit le proverbe « on ne fait rien sans rien ! »

Alors, retroussons nos manches ! Et agissons ! Collectivement et individuellement.

L’ONU ne dissuade pas l’unilatéralisme, mais façonne l’opinion publique mondiale.

27 octobre 2003

Mépriser le droit, mépriser la force du nombre, mépriser les conséquences de l’humiliation, tout cela fait courir de vrais risques à la paix du monde… A la Mission Permanente de la France auprès des Nation Unies, lors de la réunion quotidienne du matin à laquelle assistait la délégation de l’Assemblée Nationale, la déception se lisait – pour qui sait observer avec précision ! – sur certains visages, lorsqu’il était question de l’adoption de la nouvelle résolution sur l’Irak. La  “ 1511 ” .

La France a voté “ pour ”. Au lieu de s’abstenir, pensaient certains des jeunes diplomates qui avaient “ ferraillé ” avec talent et ardeur tout au long de cette année.

Contrairement à leurs craintes, nous ne nous sommes pas reniés. Nous laissons le temps nous donner raison, sans chercher prématurément à tirer toutes les conclusions de cette crise qui a fait voler en éclats la solidité du lien transatlantique. Avec comme gravissime dégât collatéral, l’augmentation de la menace terroriste en provenance du fondamentalisme islamiste.

Une abstention française, outre le fait qu’elle ne correspond pas à la nécessaire clarté de notre position et au courage forcément binaire de notre ligne, eût permis à Washington une nouvelle fois de nous désigner comme bouc-émissaire. Et à “ Fox News ” de se déchaîner… Avec pour l’occasion un risque d’être décalé par rapport à un partenaire de poids, la Russie, ce que certains n’auraient pas manqué d’exploiter pour signifier notre “ isolement ”. Sans avoir en retour le moindre bénéfice.

La ligne jaune que notre vote positif ne nous fait pas franchir, c’est l’envoi de troupes qui marquerait directement notre engagement au sein de la coalition qui a “ investi ” l’Irak. Inenvisageable sans changement radical de la donne politique. Ce que les Turcs viennent enfin de mesurer !

La solidarité que nous exprimons par notre approbation n’est que le témoignage du souhait de voir la situation sur le terrain prendre une autre tournure. Celle d’une véritable construction démocratique et non d’un simple changement de régime sans avoir suffisamment conçu et préparé le “ lendemain ”. La destitution d’un tyran doit avoir une “phase 2 ”, ou sinon c’est le chaos.

Notre attitude signifie certainement également l’affirmation sans ambiguïté de la responsabilité américaine dans “ l’opération ” qui doit aller à son terme. Sans entrave qu’on puisse nous imputer. De nombreux interlocuteurs à New York nous ont exprimé leur  vive inquiétude d’un retrait prématuré des Américains, avant que la situation dans le pays ne soit durablement consolidée et stabilisée.

En cas d’enlisement, la tentation pour le Président Bush peut en effet exister d’un rapatriement des troupes. On voit déjà fleurir sur les réverbères de New York de nombreux auto-collants contestataires : “ Bring the troops home ! ”… Ce sont “ les cents fleurs ” de la campagne présidentielle qui s’ouvre, qui prend une allure très chinoise, transposant en ville et dans la période actuelle l’action militante de Mao Tsé Toung de l’année 56 !

En votant, nous n’avons pas “ renoncé ” à affirmer haut et fort nos principes, nos valeurs et notre méthode pour faire face aux menaces graves qui pèsent sur la sécurité du monde.

Nous ne nous alignons pas, en cherchant maladroitement et tardivement à nous faire oublier voire pardonner…

Nous avons la sagesse de reconnaître que personne dans le monde n’a le moindre intérêt à un grave échec opérationnel US. Et donc nous permettons à la coalition dans les conditions malheureuses qu’elle a elle même créées, de faire face à nos obligations en matière de rétablissement de la sécurité.

Nous avons la prudence d’indiquer que notre participation effective à l’intervention en Irak est conditionnée par un calendrier politique destiné à garantir le retour de la souveraineté du peuple irakien.

L’Ambassadeur de Russie auprès de l’ONU a eu cette réplique cinglante à la question de savoir si la nouvelle résolution satisferait son pays : “ le seul endroit où l’on est satisfait, c’est au cimetière ”…

***

Pour beaucoup, l’ONU sort très affaiblie de la crise irakienne, qui a même servi de révélateur à l’impuissance de cette grande institution internationale, à nouveau taxée d’être un “ machin ”…

Certes, les Etats-Unis, comme Israël ou l’Autorité palestinienne, s’affranchissent des contraintes du droit international et des résolutions du Conseil de Sécurité. Avec une superbe ignorance des injonctions, voire des vetos.

Pour autant, comment ne pas voir l’émergence d’une caisse de résonance majeure lorsque les grands protagonistes de la scène internationale sont “ amenés ” à s’exprimer devant le Conseil de Sécurité ? Avec à la clé la naissance et la formation d’un opinion publique vraiment mondiale, réactive d’une capitale à une autre pour manifester soutiens ou condamnations.

Cela ne suffit pas à conforter la confiance en l’ONU qui est apparue incapable de dissuader les Etats-Unis et la Grande-Bretagne de lancer l’opération armée en Irak sans qu’elle soit légitimée au préalable par la communauté internationale.

Un sondage réalisé dans 20 pays en mai 2003 ( Pew Global Attituds Project) est à cet égard tristement édifiant. Le fait que le rôle de l’ONU sorte amoindri de la crise irakienne est perçu par 72% des Israéliens, 61% des Brésiliens et des Français, 58% des Russes, 57% des Anglais, 56% des Marocains, 55% des Espagnols, 53% des Allemands, 44% des Turcs. Ce sentiment de défiance a considérablement crû de mars 2003 à mai 2003 dans la même étude   ( France de 42% à 61%, Etats-Unis de 32 à 60%, Grande-Bretagne de 35% à 57%, Allemagne de 24 à 53%, Espagne de 40 à 55% ). Seule la Turquie fait davantage confiance à l’ONU ( de 47% à 44% d’opinions défavorables ).

***

L’épreuve de vérité la plus redoutable pour l’ONU tient à sa capacité à affronter efficacement les nouvelles menaces terroristes.

Les frontières et les Etats semblent voler en éclats. Des entités transnationales, difficilement repérables, parfois fondées sur des appartenances religieuses totalement décloisonnées, échappent à la régulation politique des instances organisées autour des Etats et du droit. Dans sa structure même, l’ONU est dans une posture délicate pour faire face à des acteurs délocalisés, sans patrie autre que leur cause, rompus à toutes les dissimulations et exactions.

Les organisations terroristes défient les systèmes politiques étatiques et nationaux ainsi que la communauté internationale rassemblée à l’ONU. Elles sont l’anti-modèle absolu de cette vision du monde bâtie au lendemain de la seconde guerre mondiale.

De plus, Kofi Annan rappelle lui-même qu’hors la Chine les membres permanents du Conseil de sécurité représentaient 36% de la population mondiale en 1945 contre 8,8% aujourd’hui.

La force du nombre devient ainsi un défi majeur et redoutable pour l’ONU et légitime sa réforme.

Le Conseil de sécurité a 2 “ fronts ” distincts : les Etats qui dénoncent l’arrogance du passé et revendiquent une place et un poids dans les structures de décision conformes à leur puissance politique et démographique, les organisations terroristes qui cherchent à tout saper et créent des solidarités souterraines non maîtrisables.

L’articulation nouvelle qu’il faudra définir entre l’Assemblée Générale et le Conseil de Sécurité est au cœur du problème. C’est l’affrontement entre le nouveau monde et l’ordre ancien, qui entend maintenir vaille que vaille ses prérogatives. Non sans raison d’ailleurs…

Certains nient désormais la prééminence du Conseil de Sécurité, dont le périmètre trop restreint interdirait une vraie efficacité politique. A l’inverse cette instance est devenue un lieu majeur de la vie politique internationale, dans la mesure où les propos qui y sont tenus et les prises de position qui y sont affirmées solennellement créent l’opinion publique mondiale. L’onde de choc qu’en émane est réelle, même si les médias conservent un rôle essentiel car certaines contre-vérités ont la peau dure !

Des études récentes menées aux Etats-Unis sur la périodes janvier-septembre 2003 ( Program on international policy attitudes et knowledge networks ) montrent ainsi que presque la moitié des américains interrogés croit toujours aujourd’hui à l’existence de preuves permettant de conclure à un lien démontré entre le régime de Saddam Hussein et Al-Quaïda ( 48% en septembre). 56% des Américains ne perçoivent pas encore que la majorité de la population mondiale était contre l’usage de la force en Irak. 48% des Américains pensent que les efforts des Etats-Unis contre le terrorisme dans la région sont bien perçus par la population locale. 20% pensent en septembre que des armes de destruction massive ont été trouvées par les forces américaines en Irak.

“ Fox News ” a plus d’importance qu’une mise en minorité au Conseil de Sécurité…

***

Face à la fureur du monde, le Secrétaire Général de l’ONU, Kofi Annan, admet lui-même qu’il faut distinguer légitime défense et guerre préventive.

Il reconnaît par exemple que si les terroristes disposent d’une bombe chimique, la guerre préventive peut être légale dès lors qu’existe une menace grave et immédiate.

Il faudra certainement à cet égard préciser ce concept de légitime défense pour qu’il soit interprété de façon stricte et opérationnelle.

 La jurisprudence irakienne est de ce point de vue une erreur fondamentale car elle risque de discréditer longtemps ce dispositif par l’usage que les américains en ont fait. S’il n’y a pas de lien direct avec les auteurs des attentats du 11 septembre, s’il n’y a pas d’armes de destruction massive dûment constatées, il n’y a pas de légitime défense…

***

Même si les décisions de l’ONU sont souvent bafouées ou seulement vouées à l’incantation sans lendemain, il ne faut pas sous estimer limportance de la qualification politique et juridique des faits et son impact dans lopinion publique mondiale.

Ainsi la délibération de l’Assemblée Générale de l’ONU sur le mur de séparation entre Israël et les territoires palestiniens rassemblant au-delà même des 25 membres de l’Union Européenne est un événement politique majeur. Les termes de la condamnation du terrorisme sont aussi clairs et cinglants que ceux ayant trait au “ tracé du mur que construit Israël, la puissance occupante dans le territoire palestinien occupé ”.

La résolution de l’Assemblée Générale stipule quelle:

“ Exige qu’Israël arrête la construction du mur dans le territoire palestinien occupé, y compris dans Jérusalem-Est et autour ( … ) ”

“ Engage l’Autorité palestinienne à déployer des efforts visibles sur le terrain pour arrêter et désorganiser les individus et les groupes qui exécutent et planifient les attaques violentes et les empêchent d’agir ”

“ Engage le gouvernement israélien à ne pas prendre de mesures qui sapent la confiance, notamment les expulsions et les attaques contre la population civile et les exécutions extrajudiciaires ”.

***


“ Les chiens aboient, la caravane passe ” dit le proverbe.
Cette maxime de la diplomatie américaine actuelle vis-à-vis de l’ONU sous-estime le poids et l’influence du goutte à goutte onusien où la Communauté internationale distille jour après jour le bien et le mal, le juste et l’injuste.

Mépriser le droit, mépriser la force du nombre, mépriser les conséquences de l’humiliation, tout cela fait courir de vrais risques à la paix du monde.

Rien ne légitimera jamais le terrorisme et la barbarie des terroristes. Mais il est peut-être temps d’arrêter la mécanique infernale des provocations.

Le dire n’est pas faire preuve de pacifisme béat. Ce n’est pas renoncer à la force par principe. C’est être un vrai allié des Américains, contrairement à ce que certains pensent.

Un important diplomate de l’ONU – ce n’est pas un Français que chacun se rassure! – a déclaré : “ pour que la situation s’améliore, il faudrait d’abord qu’elle empire ”.

Lorsque les feux sont déjà allumés en de nombreux points du globe, je ne pense pas que cette stratégie débouche sur autre chose qu’un suicide collectif…. Alors, stop !

Rien n’est plus urgent que de rétablir ou plus simplement de conforter le temple de la communauté internationale que doit être l’ONU. Sans attendre un prochain attentat encore plus diabolique et tragique si c’est possible que celui du 11 septembre 2001

Ce déclin trop décliné.

23 octobre 2003

Pour que la France et les Français réussissent dans cet univers dangereux et dur, nous n’avons pas besoin de faux prophètes apocalyptiques, Nicolas Baverez… La mode est aux “rugueux” !

Dénoncer, critiquer, apostropher, jouer contre son camp sont des recettes classiques et habituelles de la réussite et du vedettariat.

Certains auteurs alimentent les rangs déjà bien trop importants des extrêmes, de gauche comme de droite, qui mobilisent sur le rejet et les peurs inconscientes des Français, et n’hésitent pas à aller jusqu’à une forme d’auto-flagellation parfaitement stérile.

Nicolas Baverez, dans La France qui tombe,  agite le chiffon rouge du déclin brandi maintes et maintes fois en d’autres temps. Son livre est intellectuellement brillant, mais politiquement erroné. Et totalement partial, tant la charge est violente.

La France “fout le camp” entendions-nous. Ce thème récurrent de la littérature politique, c’est peut-être comme le dirait Nietzsche, la morale de l’impuissant, l’expression du ressentiment.

“Les vents empêchent les eaux du lac de pourrir” disait Thucydide ! Il est donc toujours revigorant d’être confronté à l’oxygène pur qui décape l’esprit et cingle le visage. Alimenter un débat est toujours légitime. Mais trop de virulence tue, à un certain stade, l’utilité de la démarche…

Il n’est pas besoin d’invoquer un pseudo déclin de la France pour considérer que l’Etat doit se réformer pour être plus efficace et moins coûteux, pour constater que notre économie ne crée pas durablement assez de richesses et d’emplois, pour considérer que l’attractivité de notre territoire n’est pas suffisante, pour s’alerter du vieillissement de notre population, pour rendre au secteur privé des entreprises qui n’auraient jamais dû le quitter en1982.

L’hymne à l’action et à la réforme, n’en déplaise à Nicolas Baverez, c’est le nôtre, nous qui, face au défaitisme contemplatif de certains, sommes jour après jour au contact des réalités dans les permanences de quartier, dans la rue, confrontés au scepticisme, à la vraie détresse humaine et parfois à l’agressivité de nos concitoyens.

Mais sans faire de triomphalisme prématuré les choses changent : avant la réforme des retraites les Français nous lançaient “tenez-bon !” maintenant  c’est “continuez ! nous sommes avec vous”, sans oublier le “faites vite”…

Cette dimension de l’action politique quotidienne, réelle, échappe totalement à Nicolas Baverez. De même que lui est étranger  le souci de véritablement entraîner vers un objectif, en se donnant les moyens d’être précis, concret, proche. Attentif à chacun. Résolu à faire marcher au même rythme tout un peuple.

Faire du Jospin, du “géométrique”, du décalé du terrain, de l’incantatoire sans lendemain, c’est cela qui fait s’abstenir ou choisir les extrêmes…Oui, vous avez raison Nicolas Baverez d’insister sur le 21 avril 2002, où plus d’un Français sur deux a choisi de faire grève ou d’entrer en rupture. Mais pour sortir de cette ornière, vous êtes aussi pédagogue que la personne qui dirait la veille d’un concours au candidat : la barre est trop haute, renoncez sans livrer la bataille ! Vous savez que la clé de la reprise, c’est la confiance des ménages, la foi en l’avenir. Alors pourquoi alimenter la crainte et créer artificiellement le catastrophisme ?

Les Français sont plus intelligents  que vous ne le pensez, même s’ils sont prompts à la révolte ou enclins au conformisme douillet et conservateur.

Etre un chef politique, un amiral à la passerelle, qui scrute l’horizon, évite les écueils, donne le cap et règle l’allure, implique d’être un stratège et un être humain. De sortir des lambris, quels qu’ils soient, où l’air ne se renouvelle guère pour tout simplement aller à la rencontre de son prochain. Afin de mesurer avec précision les priorités et de définir une méthode pour parvenir à de vrais résultats.

Oui, l’air du temps est électrique. Vous avez raison de parler de chaos, d’une rupture dans la vie internationale et nationale.

Vous seriez dans votre droit de secouer la majorité présidentielle et même de provoquer  ministres et parlementaires s’ils étaient  endormis, sourds, aveugles. Mais, les craquements du monde extérieur et de la vie dans nos immeubles et nos écoles, nous les recevons 5 sur 5. Cela nous mobilise beaucoup plus que vous ne l’imaginez.

Vous auriez dû écrire votre plaidoyer des années auparavant pour alerter Lionel Jospin sur les graves erreurs qu’il commettait. Vous l’auriez ainsi mis face à sa grave responsabilité dans le recul de notre pays, car c’est bien plus d’un recul dont il s’agit que d’un effondrement de la France.

Contre la torpeur, la facilité, la démagogie issues de la gauche socialiste – que vous semblez avoir totalement disculpée – nous avons le courage de la vérité et de l’appel à la responsabilité individuelle.

Au moment de la réforme des retraites nous avons opéré un changement total de perspective, une vraie révolution culturelle !

Nous faisons confiance aux Français, mais nous cherchons à les mobiliser : à leur faire comprendre que c’est l’effort et l’engagement de chacun qui feront de notre pays une grande puissance. Une nation où se conjuguent enfin harmonieusement le respect absolu de la liberté de la personne et la mise en œuvre des règles et principes nécessaires à la vie en société.

Nous n’avons plus peur d’interdire et nous n’avons pas non plus peur de consacrer les droits de l’homme et du citoyen, la liberté de chacun à vivre sa vie.

Nous n’avons pas eu non plus peur de dire haut et fort à la face du monde que dans un univers dangereux, où prolifèrent les nouvelles menaces terroristes, le droit n’est pas un détour, une manœuvre, mais un impératif pour sauver tant qu’il est encore temps la paix.

Où étiez-vous Monsieur Baverez en ce vendredi de février où Dominique de Villepin à New York à l’ONU a trouvé les mots simples mais forts qui ont retenti dans l’ensemble des opinions publiques du monde comme une belle maxime française ?

Où étiez-vous cet été pour oser parler de “vague sentimentalisme humanitaire” en expliquant même que “la véritable corruption d’un système politique intervient lorsque l’action est évincée par la communication, que la compassion se substitue à la décision” ?

Pour que la France et les Français réussissent dans cet univers dangereux et dur, nous n’avons pas besoin de faux prophètes apocalyptiques. Chacun a parfaitement compris les risques et les dangers de la paralysie, de la lâcheté, de l’immobilisme. Nous avons besoin d’une équipe de combat. Résolue et généreuse. Ouverte et volontaire.

Ne vous trompez ni de cible, ni de cap. Aidez-nous à mettre tout le charbon nécessaire dans la chaudière pour faire avancer le navire. Vivez avec chacun de nous la réforme, le débat, la discussion, le contact simple et direct, la difficulté à comprendre puis à agir. Votre talent que chacun reconnaît sera transfiguré.

Nous n’avons pas besoin de chantres du déclin, mais de bâtisseurs de rêves fondés et construits sur les exigences de la réalité.

Bienvenue à bord pour écrire de nouvelles pages qui rassembleront positivement les Français. Enfin !

L’uniforme pour tous au collège et au lycée ! Où ? En Turquie…

20 octobre 2003

La difficulté de l’élargissement tient au fait que, pour nos concitoyens, vis-à-vis de l’Europe de l’Est, il s’agit d’une réunification, vis-à-vis de la Turquie d’une décision. Les fraternités qui en découlent peuvent apparaître de ce fait à géométrie variable… La perspective de l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne fera, n’en doutons pas, l’actualité des prochains mois. Elle sera même au centre des débats, au cœur des arrières-pensées et des stratégies en vue des prochaines présidentielles.

Elle dominera tout, y compris l’élargissement aux 10 nouveaux membres et l’adoption d’une Constitution pour l’Europe.

Il est d’ailleurs, impensable de lancer sur ces sujets un référendum sans avoir au préalable clarifié la “question turque”, tant elle est chargée d’émotion, de fantasmes et d’une insuffisante rationalité.

C’est la raison pour laquelle la visite de la Commission des Affaires Etrangères de l’Assemblée Nationale que je viens de conduire n’était pas une mission protocolaire, une sorte de routine bilatérale, mais une véritable démarche politique.

Avec la volonté d’éclairer avant de choisir. Librement et objectivement.

***

Que faut-il retenir de ce grand pays ?

  •     Le spectacle de ses enfants en uniforme strict à l’école qui pourrait – on devrait ! – faire réfléchir la “vieille” Europe ? Ou la citation par l’actuel Premier Ministre, Recep Tayyip Erdogan, alors maire d’Istanbul des vers de Ziya Gökalp, poète du nationalisme turc, sonnant le coup d’envoi d’une guerre religieuse : 
“Les minarets sont nos baïonnettes, les coupoles nos casques, les mosquées nos casernes et les croyants nos soldats” ?  

  •      La culture française exceptionnelle de Mehmet Dülger, Président de la Commission des Affaires Etrangères du Parlement turc, qui, en signe de magnifique complicité, m’explique que son livre de chevet est “Vent d’Espoir sur la Démocratie”, l’ouvrage de mon père que j’ai fait publier après sa mort.  Ou la lecture du premier verset du Coran en ouverture de son premier conseil municipal lorsque M.Erdogan était très islamiste et pas encore modéré, lançant : “louange à Dieu, Seigneur des deux mondes”?
  •     L’interdiction absolue du port du voile au collège ou au lycée ? Ou la réaction immédiate d’un Ministre important m’expliquant que la problématique du foulard est plus une question de libertés publiques que de laïcité, semblant par là même excuser par avance les renoncements et les lâchetés qui pourraient s’annoncer ?

  •     L’omniprésence des portraits d’Atatürk, créateur d’un grand Etat moderne et laïc inspiré des principes français ? Ou la référence permanente au “monde musulman” par un député-poète et islamiste, oubliant avec passion de parler de la Turquie en tant que nation ?

  •     La mise aux normes économiques et financières de l’Europe fièrement rappelée, dans un français parfait, par le responsable des affaires internationales du patronat turc, La Tusiad ? Ou le choix du chiffre de “550” pour l’annonce des grands chantiers de la municipalité d’Istanbul, en “hommage” à l’année 1453 ( 2003-1453 = 550 !) date de la chute de l’empire byzantin et de la prise de Constantinople ?

  •     Les paysages fascinants du Bosphore et le grouillement de la grande ville “européenne” (sic !) qu’est Istanbul ? Ou les frontières avec l’Iran et l’Irak qui font de la Turquie l’Etat-charnière entre les 2 mondes, éloigné de notre mare-nostrum ?

  •    L’appartenance à l’OTAN jugée vitale aux “alliés” occidentaux lorsqu’il fallait contenir le communisme ? Ou la tentation de reconstituer l’empire sous-jacent pour certains dans la décision du Parlement d’envoyer des soldats en Irak afin de reprendre “position” et influence ?

  •     Les réformes obstinées et résolues pour parvenir au statut de grande démocratie politique ? Ou l’omniprésence d’une armée qui n’a pas encore totalement accepté la soumission au pouvoir politique, qu’elle préfère régulièrement mettre en garde contre toute remise en cause du caractère laïc de l’Etat ( en turc : “Laïklik”) ?

  •      La force exceptionnelle d’un marché de plus de 70 millions d’habitants et de consommateurs dont le dynamisme et l’ardeur au travail sont des facteurs de croissance puissants ? Ou le caractère parallèle et souterrain d’une économie qui n’est pas prête avant longtemps à se plier aux normes juridiques et sociales du droit européen et de notre mode de vie ?

  •      Les rues occidentales où se retrouvent toutes les grandes marques du luxe ? Ou l’extrême pauvreté des passages de bus hors d’âge venant de l’Anatolie “profonde”, qui contemplent avec incompréhension et mépris la jeunesse turque en jeans et en baskets comme à Tours ou à New York ?  

***

Pour certains des amis du Premier ministre, proches des préceptes du vieux chef islamiste turc Necmettin Erbakan, l’Europe est un “club des croisés”, dans lequel se confondre revient à faire disparaître l’âme musulmane. C’est la réplique parfaitement symétrique de ceux qui, en Europe, souhaitent que l’élargissement ne dépasse pas le périmètre chrétien…

Un profond changement de cap et de perspective a été donné en 1997 lors du “coup d’Etat post-moderne” opéré par l’armée toute puissante au Conseil national de sécurité, contraignant Erbakan à la démission et la ligne dure de l’islamisme turc à la disparition. Ou au renoncement momentané…

Aujourd’hui, officiellement, les dirigeants de l’AKP, le parti majoritaire, refusent l’étiquette d’islamistes. Ils se proclament “musulmans-démocrates” comme on peut être en Occident “chrétiens démocrates”.

Au sortir de prison en 1999, après avoir été condamné pour “incitation à la haine religieuse”, la conversion laïque du futur Premier Ministre Erdogan et de son principal lieutenant, l’actuel ministre des Affaires Etrangères Abdullah Gül a été réelle. Sans procès d’intention possible.

Le peuple, lui, est forcément écartelé entre la fierté de l’appartenance à une grande nation, incarnée par un Etat fort soucieux de “coller” aux préceptes de Mustapha Kemal, et par son identité religieuse musulmane qu’il souhaite préserver, voire faire rayonner. Là est la clé des difficultés du parcours européen de la politique en Turquie.

Jusqu’où ira la marche forcée vers l’Europe ? Si les élites turques affichent de manière unanime un élan et une foi qui pourraient utilement faire réfléchir certains eurosceptiques frileux de chez nous, le peuple suivra-t-il dans la réforme nécessaire ses dirigeants ?

C’est une problématique européenne au fond assez universelle, devons-nous convenir modestement, tant il est vrai que l’ouverture du capital d’EDF, par exemple, dans un pays glorieusement européen comme le nôtre va supposer beaucoup d’efforts et de persuasion !!!

***

Le volontarisme européen de la Turquie est impressionnant. Il est politique. Il recouvre un cheminement vers des valeurs. Il prouve notre rayonnement et notre capacité à proposer un modèle, un système, des principes actifs. Il renvoie de l’Europe une image extrêmement forte et positive celle d’un phare ! Ouessant atteignant les Balkans !

Il nous place dans une posture redoutable, où nous devons faire face à nos délicates responsabilités: à la Turquie de continuer le long chemin vers l’adhésion sans la décourager ni freiner les nombreux efforts qui restent nécessaires pour parvenir aux standards européens, tout en évitant que la peur d’une “invasion musulmane” ne soude dans un même refus les citoyens de la “vieille” et de la “nouvelle” Europe pour une fois liguées ?

Nous sommes, reconnaissons-le, au pied d’un mur particulièrement haut et sévère. Un vrai mur d’escalade…

L’accord d’Ankara”, conclu comme un accord d’association en 1963 entre la Communauté économique européenne et la Turquie, comporte un préambule explicite, une sorte de feuille de route, qui se rappelle à notre “bon souvenir” à chaque Conseil européen :

 “l’appui apporté par la CEE aux efforts du peuple turc pour améliorer son niveau de vie facilitera ultérieurement l’adhésion de la Turquie à la Communauté”.

L’article 28 est encore plus clair :

“Lorsque le fonctionnement de l’accord aura permis d’envisager l’acceptation intégrale de la part de la Turquie des obligations découlant du traité instituant la Communauté, les parties contractantes examineront la possibilité d’une adhésion de la Turquie à la Communauté”.

La Communauté est-ce l’Union Européenne actuelle ? Là réside l’essentiel du problème.

L’Union Européenne se limite-t-elle à être une zone de libre échange, du progrès économique et social où l’économie de marché est sociale ?

L’union Européenne n’est-elle pas devenu un projet politique autonome, original, ne reposant sur aucun déterminisme exclusif, qu’il soit géographique, culturel, religieux, sociétal ? Le fruit d’une volonté, d’un choix, d’une décision souveraine des citoyens ?

***

Nous avons “rendez-vous” avec la question turque en décembre 2004 !

En décembre 2002, à Copenhague, lors de la clôture des négociations d’adhésion des 10 pays candidats, l’Union Européenne a annoncé la couleur :

“si, en décembre 2004, le Conseil Européen décide, sur la base d’un rapport et d’une recommandation de la Commission, que la Turquie satisfait aux critères politiques de Copenhague, l’Union Européenne ouvrira sans délai des négociations d’adhésion avec ce pays”

Cette déclaration a été reçue 5 sur 5 à Ankara et par chaque Turc qui y voit le moment venu la possibilité de circuler librement en Europe sans visa…

Le Président Chirac a parfaitement résumé l’enjeu, en des termes prudents et très précis pour qui les lit attentivement, puisque le préalable absolu est pour la Turquie de satisfaire à ces critères :

“C’est une très vieille civilisation, et nous n’avons naturellement ni la possibilité, compte tenu du passé et de l’histoire que je viens de rappeler, ni vocation à empêcher  une Turquie totalement démocratique et libérale, libérale au sens de l’ économie de marché, de nous rejoindre.

La plupart de mes interlocuteurs m’ont fait comprendre que le signal de 2004 était essentiel mais sans risque !

“Nous avons besoin du label de cette reconnaissance européenne, mais nous ne serons pas prêts à adhérer définitivement avant de très nombreuses années. Vous ne courrez aucun risque à court terme vis-à-vis de vos concitoyens inquiets des différentiels de niveau de vie et des décalages politiques qui restent vastes”, ont ainsi indiqué de très nombreux responsables politiques à la délégation de notre Commission.

***

La  perspective de l’adhésion de la Turquie renvoie au contenu même du concept européen.

Si nous étions dans la version à 6, la réponse serait évidente, ce serait non ! Mais à 25, s’agit-il de l’Europe des fondateurs ? Ne sommes-nous pas obligés de définir une structure entièrement nouvelle ?

 La définition des limites n’est évidemment pas aisée. L’avis rendu par le Parlement européen en juin dernier est complexe pour ne pas dire alambiqué. Il n’est pas vraiment opératoire.

“ le Parlement européen reconnaît que les valeurs politiques de l’Union européenne sont essentiellement  fondées sur la culture judéo-chrétienne et humaniste de l’Europe, mais que personne ne détient de monopole sur les valeurs universelles de la démocratie, de l’Etat de droit, des droits de l’homme et des minorités et de la liberté de conscience et de religion, valeurs qui peuvent très bien être acceptées et défendues par un pays dont la majorité de la population est musulmane ; estime dès lors qu’il n’existe aucune objection de principe à son adhésion à l’Union européenne”.

Certains récusent dans le débat légitime qui s’ouvre toute considération géographique, culturelle ou religieuse. Ils ont autant tort que les chantres de cette forme de déterminisme absolu… Peut-on en effet repousser indéfiniment la limite, la frontière, le périmètre ultime de l’Europe ?

Certes il n’y a pas de barrière entre les hommes. La “famille humaine” et universelle. Le genre humain est composé d’hommes et de femmes d’égale dignité.

Mais l’Europe est une construction. Une mise en commun, autour d’un projet, de volontés citoyennes. Un attelage qui, pour ne pas tirer à hue et à dia, doit être relié par des liens forts et solides, par une vraie proximité politique, où les valeurs sont partagées, même si elles sont plurielles, ce qui est d’ailleurs notre richesse et l’esprit même de notre “modèle” .

L’Europe doit rassembler ceux qui veulent authentiquement agir ensemble. Exister ensemble. Elle résulte d’un processus politique, d’un acte d’organisation souverainement décidé.

La difficulté de l’élargissement tient au fait que, pour nos concitoyens, vis-à-vis de l’Europe de l’Est, il s’agit d’une réunification,  et vis-à-vis de la Turquie d’une décision.

Les fraternités qui en découlent peuvent apparaître de ce fait à géométrie variable, même si l’état d’esprit parmi les peuples des 10 nouveaux membres est parfois vif et électriquement amical…

Estoniens, Lettons et Lithuaniens sont-ils plus proches que les Turcs qui vivent nombreux actuellement en Europe et qui de ce fait ont une belle mais particulière responsabilité dans l’image que leur pays donne de sa candidature à l’Union européenne ? Ce n’est pas certain, d’où le nécessaire de la pédagogie politique européenne multi-directionnelle !

Nous devons tout à la fois :

  •  Expliquer, partout et à tous dans notre pays, quels sont les peuples qui nous rejoindront bientôt ! Au nom du passé, et de l’avenir que nous souhaitons ! Cela concerne les 10, qui a eux seuls ne représentent qu’un peu plus de la population de la Turquie…

  •  Jalonner clairement le parcours de ceux qui frappent à la porte, qui font des efforts intérieurs considérables pour “mériter” leur adhésion, sans être sûr du résultat… Nos concitoyens doivent devenir les témoins de ce véritable parcours du combattant qui s’orchestre autour de nous – presque sans que nous le sachions – afin de franchir les obstacles que nous avons légitimement posés pour que l’adhésion corresponde à un vrai choix, qui engage et qui n’est pas naturel, au sens des droits acquis ! C’est la démarche entreprise par la Turquie et demain par d’autres Etats des Balkans.

***

Pouvons-nous encore différer le rendez-vous de 2004 et surtout la réponse que nous devons donner ? Est-il encore temps pour faire naître la solution du “partenariat renforcé” qui peut combler le fossé existant entre l’ardeur et l’impatience du prétendant – la Turquie – et la précaution du “concept” tant aimé – l’Europe- ? Y-a-t-il une spécificité de la candidature turque ou une possible communauté politique entre les Etats riverains du sud de la méditerranée à faire émerger ?

Chacun peut voir dans ces questions un embarras “diplomatiquement” déguisé…qu’importe !

Nous avons à formuler des réponses aux questions qui nous sont posées, et surtout à celles que le peuple ne formule dans un premier temps que dans son inconscient. Avant de passer à l’étape parfois brutale de la rupture, du refus, du rejet.

***

Parce que c’est un grand peuple, qui incarne une version très pluraliste de l’avenir européen, nos amis turcs ne doivent pas être pris en traîtres. Ils ont le droit à la loyauté de notre part.

Mais chacun, à Ankara et dans chaque capitale de l’Union européenne, doit mesurer la hauteur de la barre et dire franchement quand elle devra effectivement être sautée. En toute hypothèse, ce n’est pas pour demain, tant restent nombreux les écarts et les différences.

Alors, ne décourageons pas la dynamique engendrée par la perspective de l’adhésion à l’Union européenne. Ce serait géopolitiquement et humainement fâcheux d’interrompre la spirale vertueuse en cours. Peut-être même une folie dans ce monde qui craint les méfaits du fondamentalisme musulman intégriste.

Donnons le signal de l’espoir. Affirmons la nécessité de l’effort. Expliquons que la vérification de l’état des lieux sera aussi rigoureuse et implacable qu’aura été claire notre acceptation initiale et “baptismale” !

Il sera toujours temps de faire naître une solution intérimaire et transitoire entre l’accueil de principe et l’adhésion définitive, comme le recommande Alain Juppé.

Donnons enfin à nos concitoyens l’assurance qu’ils prendront spécifiquement sur la Turquie eux-mêmes la décision, cette fameuse “décision” qui est un choix et qui n’est pas “naturelle”…

Cela évitera que certains vautours ne caricaturent et ne dénaturent la question turque à des fins personnelles très éloignées du vrai débat européen.

Cela rendra peut-être possible le référendum sur la future Constitution européenne sans prendre le risque qu’il ne soit “piraté” !

RDDV sur LCI dans "l'invité du matin" d'Anita Hausser

17 octobre 2003

RDDV : “ Concrètement, il faut que l’on réconcilie les concitoyens, le peuple avec l’Europe. Parce qu’aujourd’hui, l’Europe s’est peut-être parfois trop enfermée au sein des élites, pour lesquelles c’est évident. Il faut que les citoyens, dans chacun de nos pays, se rendent compte à quel point cela peut être un progrès. Donc, je crois que l’on a beaucoup de pédagogie à faire, on a une Constitution à adopter… Cela veut dire des principes tout simples : qui fait quoi ? Qui doit faire quoi au niveau de Bruxelles, au niveau national et au niveau local ? Le Président Giscard d’Estaing a fait des propositions, elles sont bonnes…” ANITA HAUSSER : “Gerhard Chirac”, titrent les journaux  aujourd’hui. On ne parle que du mano a mano franco-allemand. Est-ce qu’il ne s’agit pas de mieux masquer comme cela les autres problèmes de l’Europe, la constitution, les grands travaux qu’on peine à mettre sur pieds ?”

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : “ Non, c’est une super nouvelle. Vous savez, l’Europe, c’est la paix”.

A H : “ Ce n’est pas un gadget ?”

RDDV : “ Non, ce n’est pas du tout un gadget. Imaginez un seul instant qu’il y ait une crise entre la France et l’Allemagne. Il n’y aurait aucune probabilité de réussite pour créer une atmosphère positive, de travail entre les vingt-cinq membres. Donc l’unité franco-allemande est essentielle.”

A H : “ Elle continue de l’être ?”

RDDV : “ Elle ne se limite pas au périmètre de la France et de l’Allemagne. Cela veut dire qu’il faut que l’on sache donner la main et être entraînant pour l’ensemble des vingt cinq. C’est cela notre travail. Sans arrogance, mais avec beaucoup d’intelligence et de flammes. ”

A H : “ Et concrètement ? ”

RDDV : “ Concrètement, il faut que l’on réconcilie les concitoyens, le peuple avec l’Europe. Parce qu’aujourd’hui, l’Europe s’est peut-être parfois trop enfermée au sein des élites, pour lesquelles c’est évident. Il faut que les citoyens, dans chacun de nos pays, se rendent compte à quel point cela peut être un progrès. Donc, je crois que l’on a beaucoup de pédagogie à faire, on a une Constitution à adopter… Cela veut dire des principes tout simples : qui fait quoi ? Qui doit faire quoi au niveau de Bruxelles, au niveau national et au niveau local ? Le Président Giscard d’Estaing a fait des propositions, elles sont bonnes…”

A H : “ Vous dites qu’elles sont bonnes, mais elles sont discutées en tout cas…”

RDDV : “ Nous considérons qu’elles sont bonnes.”

A H : “ Il n’a pas dit que c’était à prendre ou à laisser : la preuve, c’est qu’il y a une conférence intergouvernementale qui se réunit…”

RDDV : “ Non, il ne faut jamais dire cela. Il y a des résistances, on le voit bien aujourd’hui avec les Polonais, avec les Espagnols. J’espère en tout cas qu’à brève échéance, on saura exactement qui fait quoi en Europe. C’est cela l’enjeu.”

A H : “ Qui fait quoi, donc il faut que les Français, comme les autres Européens, puisent se prononcer sur « qui fait quoi »…”

RDDV : “ Les autres Européens, comme nous, vont avoir le choix : est-ce que ce sont les parlementaires qui représentent le peuple ou le peuple lui-même qui va voter ? C’est une prérogative du président de la République. La décision n’est donc pas encore prise. La décision qui est prise, par contre, est de ne pas attendre pour aller à la rencontre de nos concitoyens pour expliquer l’Europe… je crois qu’il est urgent de parler Europe aux Français, parce qu’il ne faut pas qu’il y ait d’incompréhension. Parce que de l’incompréhension naît la peur, naît le fantasme et naît le refus. Il faut donc que l’on se secoue pour éviter qu’il y ait des décalages dangereux qui se créent. Vous savez très bien qu’un référendum est souvent utilisé par un certain nombre de gens à d’autres fins que la question qui est posée. On voit aujourd’hui, à l’intérieur du PS, un renoncement à l’idéal européen, et je trouve cela très choquant. ”

A H : “ La discussion budgétaire se poursuit à l’Assemblée Nationale – tant bien que mal d’ailleurs, puisque la séance a encore été interrompue cette nuit, faute de quorum. Mais on a l’impression que c’est à l’intérieur de la majorité que le débat se déroule. Evidement, on ne peut pas être contre l’augmentation du gazole, on ne peut pas être pour la réduction d’une allocation de solidarité de fin de droits… On peut, en revanche, discuter la baisse de 3% des impôts, alors que le déficit augmente. Bref, l’UDF a saisi les “bons” sujets. Est-ce qu’aujourd’hui, F.Bayrou est devenu le principal opposant de J.P Raffarin ?

RDDV : “ Il ne faut pas qu’il soit injuste, il faut qu’il soit utile aux Français et qu’il ne pense pas de manière prématurée à la future campagne présidentielle. ”

A H : “ Je retourne votre question : cela veut dire qu’il est injuste et qu’il pense prématurément à la future campagne présidentielle ?”

RDDV : “ Oui, je pense qu’il est injuste dans sa critique parce que nous sommes dans une période difficile. La conséquence de son attitude est que  à la télé, dans la presse, dans les journaux, à la radio, on parle au fond de la coalition entre le PS et l’UDF. Je considère qu’il fait fausse route. Je ne suis pas là pour dénoncer en permanence les erreurs de M. Jospin parce que nous avons aujourd’hui, nous, la responsabilité du pouvoir. Mais enfin, nous payons aujourd’hui la réparation des erreurs des socialistes. F. Bayrou devrait être plus solidaire de l’action de redressement que nous entreprenons. Certes, la liberté d’expression est sacrée, il a le droit de tout dire.  Mais il ne faut pas d’un côté critiquer et harceler le Gouvernement et J-P. Raffarin, et  de l’autre, donner le sentiment qu’on veut être des partenaires loyaux de la majorité présidentielle pour faire équipe. Nous souhaitons faire équipe aux prochaines régionales et aux prochaines cantonales. Ce n’est pas un problème des chefs et des sous-chefs. C’est un problème de crédibilité par rapport à nos concitoyens. Sinon, ils se disent : “ Mais qu’est ce que c’est que ce bazar ? A un moment, ils sont avec le PS, à un autre avec l’UMP.” Donc, il faut clarifier les choses.”

A H : “ Pour clarifier, cela voudrait dire qu’il faut absolument que l’UDF vote le budget ? Ce serait un casus belli que l’UDF s’abstienne, ce serait la ligne de fracture ?”

RDDV : “ Mais il n’y a pas de tarif. Je ne veux pas donner le sentiment que je suis arrogant, que je dicte la conduite de l’UDF. A l’UDF, ils sont libres, majeurs et vaccinés. Ils peuvent prendre l’attitude politique qu’ils souhaitent. Par contre s’ils refusent le budget, d’une manière ou d’une autre, ils créent un trouble dans l’opinion publique. Est-ce que vous pensez un seul instant ensuite, que nous pourrons dire qu’en Rhône-Alpes et dans un certain nombre de régions : “la tête de liste sera UDF ?” Mais l’électorat de la majorité présidentielle va avoir le sentiment que tout cela n’est pas sincère ! Il faut donc dans le respect de la liberté – encore une fois, j’insiste là-dessus, parce que chacun a le droit de s’exprimer – être positif. Dans la période actuelle qui cogne, qui est difficile, où l’on essaie heure par heure de rattraper la croissance, je demande à mes amis de l’UDF d’être plus positifs, plus constructifs. Je pense que la baisse de l’impôt sur le revenu est nécessaire et je pense que les candidats UDF aux élections régionales vont avoir du mal à expliquer que leurs parlementaires ne l’ont pas votéE.”

A H : “ Vous dites donc que vous ne posez pas de conditions, mais il y en a quand même…”

RDDV : “ Non, il faut une clarification. C’est tout à fait nécessaire.”

A H : “ A quelle échéance ?”

RDDV : “ A l’échéance qu’ils choisiront…”

A H : “ Vous me dites « à l’échéance qu’ils choisiront », mais J.C Gaudin, qui est vice-président de l’UMP, dit qu’il faudrait quand même qu’ils se dépêchent un peu.”

RDDV : “ C’est sûr que l’on va rentrer bientôt dans la préparation des régionales et des cantonales. Ce sera au début de l’année, où en fait les campagneS vont commencer. Donc, d’ici là, j’espère qu’une réconciliation s’opérera .”

A H : “ Une question sur le port du foulard : la laïcité est au centre du débat franco-français et on a le sentiment que l’on s’oriente vers une loi, que le président de la République souhaite finalement que l’on légifère sur ce sujet… »

RDDV : “ A l’UMP, nous sommes excessivement fiers d’avoir réouvert le débat. De temps en temps, les Français se posent la question de savoir si un parti politique, cela sert à quelque chose. Eh bien, l’UMP est la force politique qui a réouvert le dossier de la laïcité dans notre pays. Ce qui est certain aujourd’hui et qui ne fait d’aucune manière débat au sein de la majorité présidentielle, c’est qu’en fait, à l’intérieur du périmètre scolaire, il ne doit y avoir le port autorisé d’aucun signe religieux ostentatoire. Mais faut-il une nouvelle loi ou les textes actuels sont-ils applicables ? La commission de B.Stasi donnera la marche à suivre sur le plan opératoire, mais le principe intangible, nous l’avons décidé et nous ne sommes pas prêts de céder sur cette question .”

 A H : “ Et s’il faut, on légifère.”

RDDV
: “ Et s’il le faut, on légiférera. Mais c’est prématuré de répondre à cette question. J’attends les recommandations de B. Stasi.”

AFP : 15 octobre 03

16 octobre 2003

Le président Jacques Chirac a déjeuné mercredi avec un groupe de députés UMP, pour la première fois depuis la rentrée parlementaire début octobre, a constaté un journaliste de l’AFP. L’ancien ministre, Renaud Donnedieu de Vabres, porte-parole de l’UMP, faisait partie de ce groupe… Le président Jacques Chirac a déjeuné mercredi avec un groupe de députés UMP, pour la première fois depuis la rentrée parlementaire début octobre, a constaté un journaliste de l’AFP. L’ancien ministre, Renaud Donnedieu de Vabres, porte-parole de l’UMP, faisait partie de ce groupe de parlementaires invités à déjeuner avec le chef de l’Etat, son conseiller politique, Jérôme Monod et son directeur de cabinet, Michel Blangy.

Jacques Chirac a fait part de son mécontentement sur l’initiative des députés réformateurs de la majorité concernant les 35 heures. Ont été aussi abordées la sécurité, la fiscalité et l’Europe.

Ce même jour dans les couloirs de l’Assemblée nationale :

 Renaud Donnedieu de Vabres, porte-parole de l’UMP, a réagi à l’attitude de François Bayrou qui a menacé de s’abstenir lors du vote du budget : “ le problème, c’est la crédibilité par rapport à l’opinion publique. Tous les journaux vont titrer : PS-UDF même combat et quelques heures après on va entendre que l’UDF est dans la majorité présidentielle. Il y a un grand écart que nous ne souhaitons pas.”

“ Pour les élections régionales, l’offre de partenariat est toujours ouverte. Ce n’est pas nous qui rompons la discussion. Nous disons simplement : veillons à ne pas prendre les Français pour des idiots. Ils veulent savoir s’il y a un attelage crédible” dans la majorité.

Toujours le 15 octobre, Jean-Marc Ayrault, Président du Groupe PS à l’assemblée nationale a estimé mercredi que “le Premier ministre commettait une erreur de pédagogie en assistant dimanche à Rome, avec Bernadette Chirac, à la messe de béatification de Mère Teresa, en plein débat sur le port du foulard.”

A l’inverse, Renaud Donnedieu de Vabres, porte-parole de l’UMP, a estimé qu’il fallait “faire attention à la conception de la laïcité”. La laïcité, ce n’est pas la négation de la religion”.

AFP : Turquie-Irak-USA-France

14 octobre 2003

“ La présence turque en Irak ne changera pas le statut de la coalition”, comme force d’occupation, a estimé vendredi à Istanbul le vice-président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale française, Renaud Donnedieu de Vabres, au terme d’une visite en Turquie Istanbul 10 Octobre : “ La présence turque en Irak ne changera pas le statut de la coalition”, comme force d’occupation, a estimé vendredi à Istanbul le vice-président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale française, Renaud Donnedieu de Vabres, au terme d’une visite en Turquie.

M.Donnedieu de Vabres, ancien ministre des Affaires européennes et Guy Langagne, membre de la commission,  ont rencontré à Ankara le chef de la diplomatie turque Abdullah Gül, le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes Murat Sungar, des responsables au parlement, ainsi que le ministre d’Etat chargé des Affaires religieuses Mehmet Aydin.

“Sans calendrier politique avec l’assurance absolue de retrouver à brève échéance sa souveraineté politique, les troupes étrangères présentes sur le sol irakien garderont leur statut de forces d’occupation aux yeux du peuple irakien” a déclaré le député français à l’AFP.

Il a dit “comprendre que la géographie, la proximité (de l’Irak avec la Turquie) aient des conséquences qui préoccupent les Turcs, mais la présence des Turcs à elle seule ne fera pas changer le statut de la coalition”.

“ La coalition aura beau s’étendre, changer un peu de nature pas son périmètre, cela ne changera rien en profondeur par rapport aux Irakiens”, a ajouté M.Donnedieu de Vabres.

Le parlement turc a autorisé mardi le gouvernement à envoyer, le cas échéant , un contingent pour participer à la force multinationale en Irak.

La zone d’intervention et l’importance de cette présence turque sur le territoire de son voisin irakien sont toujours l’objet de discussions avec Washington. Le déploiement, limité à un an par le parlement, pourrait débuter en novembre.

Aux pieds de grands ensembles, dans la rue, une remise de légion d’honneur… Vive cette Républ

13 octobre 2003

La cohésion sociale ce n’est pas un travail de commission, une réflexion académique en chambre. C’est sur le terrain qu’il faut la faire vivre… La vie politique c’est parfois beau. Magnifique.

Mais rien ne vient du hasard !

Jean et Jacqueline Malatray sont des pharmaciens exceptionnels qui travaillent dur au cœur d’un quartier de Tours où rien n’est simple. Ils sont un phare qui émet. Des gens dont le rayonnement humain est exceptionnel. Proches de chacun et pourtant différents de ceux qu’ils côtoient. Une bouée de sauvetage. Une image rassurante de notre pays. Des Français engagés, au sens où leur vie est au service de leur idéal. Avec discrétion, mais avec passion. Du cœur, pas de compromis. De l’ouverture d’esprit, mais des vertèbres.

Jacqueline a eu la légion d’honneur. Grâce au Président de la République lui-même qui a accepté ma suggestion.

J’ai voulu que la cérémonie de remise soit un hommage simple mais beau aussi bien à elle qui était honorée qu’à celui qui avait immédiatement compris et décidé.

Il fallait que ce soit sur place, dans le quartier, devant la pharmacie et sa vitrine brisée. Dans la rue. Sous le regard étonné des habitants dans les étages des hautes façades qui surplombent.

Pour sonner juste et donner l’éclat nécessaire, c’est Renaud Dutreil qui m’a fait l’amitié de venir. Il s’est récompensé lui-même, car, dans sa vie de ministre, peu de circonstances ont dû lui sembler aussi fortes et vraies.

A l’image de la République que nous servons et que nous aimons.

Tout fut dit. Evoqué avec sincérité, chaleur et détermination. Y compris l’incompréhension. La haine. La rupture. Le rapport de force. Les incivilités. Les délits plus lourds. La drogue. Mais également la générosité, le dévouement, le réconfort, la chaleur humaine qui transcende les origines et les classes.

Jamais une légion d’honneur épinglée n’aura eu de sens aussi politique, au noble sens du terme.

Nous avons tous vécu ce moment comme une halte dans le tumulte où l’on ne sait plus suffisamment hiérarchiser les priorités.

Tous les jeunes du quartier, qui étaient déjà nombreux à être venus voir, auraient dû être là.

Ne serait-ce que pour les déstabiliser dans leurs certitudes d’être des mal-aimés et dans leurs habitudes de petits fauves rompus à toutes les duretés de la vie.

Dans cette rue piétonne où très peu d’activités subsistent, nous avons collectivement incarné une France qui rassemble sans disparaître, qui est ouverte sans s’excuser d’exister. Nous avons fait vivre la diversité et l’unité de la République.

La Mairie évidemment avait oublié de tenir ses engagements en n’installant ni sono ni petite tente pour nous protéger de la pluie éventuelle…

Le Premier Adjoint au Maire a fait preuve au Conseil Municipal où je ne pouvais être présent faute de dédoublement de son sectarisme habituel.

La cohésion sociale ce n’est pas un travail de commission, une réflexion académique en chambre. C’est sur le terrain qu’il faut la faire vivre. C’est là d’ailleurs que l’on constate l’extrême difficulté de l’action quotidienne des services de l’Etat.

Passant au pied d’un immeuble, “protégé” à distance par des très jeunes faisant le guet, puis par des adolescents et enfin “gardé”  par des jeunes adultes, nous avons vite senti que la porte censée faire accéder à une salle de sport en sous sol était en fait l’accès à un vrai marché de la drogue tant l’odeur était forte…

Les “gardiens” qui n’avaient rien d’anges ont dû avoir peur d’une descente de police en nous voyant arriver ! Tant mieux !

Ces scènes de vie quotidienne “habituelle” dans ce quartier  suscitent légitimement de vives réactions parmi la population.

Les portes d’entrée sont rénovées. Les parkings paysagés. Les locaux pour les poubelles reconstruits à l’extérieur avec du bois exotique. Ce sont de vrais progrès.

Mais la violence ordinaire subsiste. Elle fabrique à force de lassitude et d’exaspération la spirale vers l’extrémisme et toutes les formes de racisme.

Cet engrenage-là n’est pas encore contrecarré ni enrayé. C’était vraiment palpable.

Nous avons beaucoup de fil à retordre et de pain sur la planche avant que la République soit partout efficace, rayonnante et acceptée !

RDDV, Porte-Parole de L’UMP dénonce “ l’expression sectaire et caricaturale” de Lionel Josp

13 octobre 2003

L’UMP par la voix de son Porte-Parole, Renaud Donnedieu de Vabres, a déclaré lundi que “l’expression sectaire et caricaturale de Lionel Jospin fait penser à un cheval de retour en passe de devenir un cheval d’orgueil.” … Renaud Donnedieu de Vabres: “ Les propos de Lionel Jospin sont remplis d’aigreur et de ressentiment restent totalement décalés de la réalité” a ajouté M.Donnedieu de Vabres lors du point de presse hebdomadaire de la formation chiraquienne.

Pour lui , l’ancien Premier Ministre PS  “n’a toujours pas de courage pour voir la réalité de son échec en face” et “ son absence de lucidité et de capacité à l’autocritique le disqualifient totalement, même s’il cherche à frapper à la porte du club des futurs candidats à l’élection présidentielle, nombreux au PS”.

“ Sa critique de la politique étrangère de la France, qui a réuni une très large majorité de Français au moment de la crise irakienne, est indigne, injuste et traduit une grande médiocrité” a-t-il affirmé.

“ Les leçons du professeur Jospin en économie sont déplacées, mal venues et amnésiques, un peu de modestie issue de son bilan et de la cacophonie européenne au P.S à l’issue de son conseil national serait bienvenue”, a conclu M.Donnedieu de Vabres.