Rubrique ‘Discours 2006’

Signature d’une convention nationale entre Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, Gilles de Robien, ministre de l'Education nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et Bernard Fiegel, président de l’Ordre des architectes, pour promouvoir la sensibilisation à l’architecture dans les zones d’éducation prioritaires (ZEP) au Ministère de l'Education nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

5 décembre 2006

Monsieur le Ministre, cher Gilles de Robien,

Monsieur le Président de l’Ordre National des Architectes,
cher Bernard Fiegel,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis très heureux de marquer aujourd’hui cette nouvelle étape dans la
collaboration entre le ministère de l’Education nationale, l’Ordre National
des Architectes, et le ministère de la Culture et de la Communication.

Une
collaboration qui va de soi aujourd’hui, et je tiens à rendre hommage,
Monsieur le Président, à l’action de l’ordre des architectes en direction du
grand public, et plus particulièrement des plus jeunes de nos concitoyens.

Oui, Monsieur le Président, la France de demain a besoin des architectes,
et si mes obligations me retiennent, hélas, d’assister demain à la
convention nationale que vous réunirez à l’UNESCO, avec les Présidents
des jeunes mouvements politiques, sachez que je vous encourage dans
cette voie. Une voie où le ministère de l’Education nationale et le ministère
de la Culture et de la Communication, se sont, pour leur part, résolument
engagés.

En effet, le lancement des « Pôles d’excellence », et le plan de relance en
faveur de l’éducation artistique et culturelle ont permis de développer des
partenariats entre les Réseaux « Ambition Réussite » et des structures
culturelles, notamment grâce aux jumelages entre les lieux culturels et les
établissements scolaires. Par circulaire du 3 janvier 2005, nous avons
demandé à toutes les structures subventionnées par le Ministère de la
Culture et de la Communication de mener une action éducative.

Parallèlement, au ministère de l’Education Nationale, tous les projets
d’établissements doivent désormais comporter un volet d’action artistique
et culturelle.

En janvier prochain, un grand séminaire national réunira les cadres de
l’éducation nationale et de la culture, et le Centre Pompidou accueillera un
symposium européen et international sur la recherche en matière
d’évaluation des effets de l’éducation artistique et culturelle. Ce colloque
permettra pour la première fois de donner une évaluation scientifique de
l'impact de la formation artistique sur la réussite de chacun, sur la
construction de l’identité et le respect de celle de l’autre, qui sont les
objectifs essentiels de l’éducation artistique et culturelle aujourd’hui.

En effet, lorsque nous ouvrons les portes de notre patrimoine, de notre
histoire, mais aussi de l’architecture et de la création contemporaines aux
plus jeunes de nos concitoyens, nous leur transmettons, non seulement
des connaissances et des émotions, mais surtout les valeurs du vivre
ensemble. C’est pourquoi, en tant que ministre de la Culture, et donc de
l’Architecture, je souhaite que la connaissance de nos villes, la réflexion
sur nos espaces et nos territoires soient mieux partagées, et ce dès
l’école.

Oui, l’architecture est un volet essentiel de l’éducation artistique. Parce
qu’elle est un art à part entière, mais un art tourné vers la Cité. Un art qui
construit notre quotidien, notre relation à l’autre, un art dont nous pouvons
admirer, sur les façades de nos villes, l’histoire et les évolutions, un art
ancré dans la société et ses problématiques les plus contemporaines, un
art tourné vers le futur, l’amélioration du cadre de vie et le développement
durable. Un art propre à éveiller les regards et les esprits de nos futurs
concitoyens.

Il ne s’agit pas là d’enseignements accessoires, d’un vernis superficiel qui
viendrait recouvrir d’autres matières dites « de base ». Il s’agit des valeurs
et des connaissances fondamentales dont nous avons besoin pour vivre
en société, pour comprendre le monde d’aujourd’hui et y tracer notre
chemin, il s’agit des valeurs que nous voulons vivre et transmettre aux
générations présentes et futures.

Mais l’architecture, ce sont aussi des métiers, des voies d’excellence,
sources de grandes satisfactions. Et ces voies ne doivent pas être
fermées aux élèves méritants des zones en difficulté. C’est pourquoi, en
tant que ministre de l’enseignement supérieur des métiers artistiques, il
est de mon devoir de mieux faire connaître ces métiers, et d’ouvrir
largement le chemin des écoles d’architecture, afin de donner leur chance
à tous les jeunes talents.

La convention que nous signons aujourd’hui permettra aux architectes
d’intervenir aux côtés des enseignants, afin de donner à chaque collégien
et futur citoyen des clés pour mieux comprendre son environnement et
son cadre de vie. Elle favorise également les parrainages et
l’accompagnement professionnel des jeunes du Réseau « Ambition
Réussite », qui se destinent aux métiers de l’architecture, de l’urbanisme
et de l’environnement.

Cette convention s’inscrit dans le vaste programme de sensibilisation à
l’architecture contemporaine, que j’ai souhaité mettre en place, dès mon
arrivée au ministère de la Culture et de la Communication. Parce que je
pense que c’est une discipline, un art, insuffisamment connu, mais aussi
parce que je ressens un nouveau besoin d’architecture de la part du grand
public. Le grand succès, en mars dernier, de l’édition 2006 de « Vivre les
villes », en a apporté une nouvelle preuve.

C’est pourquoi j’ai souhaité que tous les talents de cet art essentiel soient
mieux mis en lumière, des plus renommés, avec notamment le Grand Prix
national de l’architecture, que je remettrai prochainement à Rudy Ricciotti,
aux jeunes professionnels, avec les Nouveaux Albums des jeunes
architectes et des jeunes paysagistes.

Nous avons la chance, en France, de posséder un patrimoine
architectural extraordinaire, et des créateurs d’exception. J’ai ainsi
inauguré, la semaine dernière, près de Saint-Etienne, l’église Saint-Pierre
de Firminy, tout juste achevée, et qui fait partie d’un ensemble réalisé
dans la seconde moitié du siècle dernier par Le Corbusier, ce génie qui a
changé notre regard sur la ville et sur le monde. C’est un patrimoine
précieux, un héritage unique, et il nous appartient d’en faire le point de
départ d’une grande redécouverte de nos villes et de nos espaces de vie.

L’ouverture de la Cité de l’architecture et du patrimoine, en mars prochain,
y contribuera largement. Sa programmation ambitieuse sera, j’en suis sûr,
à la hauteur des attentes fortes et légitimes suscitées par l’avènement de
ce qui sera bientôt le plus grand centre de diffusion de l’architecture et du
patrimoine en Europe.

La convention que nous signons ce matin est l’un des volets
fondamentaux de ce plan en faveur de la sensibilisation à l’architecture,
puisqu’elle vise à éveiller les regards des citoyens de demain.

Je vous remercie.

Remise des insignes dans l’ordre des arts et des lettre à Robert Hirsch au théâtre de Paris

5 décembre 2006

Cher Robert Hirsch,

C’est un très grand honneur, pour moi, de vous rendre hommage ce soir,
au théâtre. Vous êtes l’un de nos plus grands comédiens, un monstre
sacré qui fait trembler les planches, et réveille les classiques. Vous habitez,
avec le même talent, avec, également, cette fougue et cette gestuelle
inimitables qui sont devenus votre signature, les personnages les plus
divers, tantôt aérien, virevoltant, bondissant, tantôt grave, mystérieux,
torturé. Votre père, diamantaire, a ciselé en vous un joyau pur, brut, et
unique.

Vous sortez du Conservatoire d’art dramatique après avoir fait la preuve de
la diversité exceptionnelle de vos talents, la danse, le chant, et surtout la
comédie, puisque vous obtenez les premiers prix de comédie classique et
de comédie moderne. Vous êtes reçu à l’Opéra, mais, aux chaussons et
aux collants, vous préférez le manteau d’Arlequin, et vous entrez à la
Comédie Française dès 1948.

La Maison de Molière devient rapidement la vôtre, et vous y apportez un
souffle nouveau. Tourbillon élastique, fantasque et impertinent, vous
revisitez Molière, Labiche, Feydeau, Beaumarchais, Marivaux,
Shakespeare et Rostand. Vous incarnez le plus léger et le plus mémorable
des Arlequins, dans Le Prince travesti et La Double Inconstance, et le plus
acrobatique des Scapin dans Les Fourberies, dont vous concevez aussi les
décors et les costumes – ainsi que ceux de Tartuffe.

Sur scène, vous faites tomber, avec Jacques Charon, en tout premier, bien
sûr, mais aussi avec Jean Le Poulain, une pluie d’étoiles, d’étincelles et de
rires, grâce à votre extraordinaire complicité. Avec Jean Meyer, mais aussi
Jeanne Moreau et Denise Gence, vous formez un ensemble hors pair de
talents et d’amis, et vous faites du bar La Régence votre seconde maison,
en y improvisant les sketches les plus fous.

On vous confie des rôles plus complexes, des compositions plus
appuyées. Dans Un Fil à la patte, en 1961, vous campez un Bouzin ahuri,
irrésistible, et maladroit, et la même année vous incarnez un Néron
fiévreux et ravagé de tics, dans Britannicus. Deux ans plus tard, vous livrez
une interprétation saisissante de Raskolnikov, le meurtrier ordinaire de
Crime et châtiment, avant de vous glisser dans la peau de Richard III, dans
la pièce de Shakespeare.

« Il peut tout jouer », disait de vous l’écrivain et critique Jean-Jacques
Gautier, qui vous tenait, à juste titre, pour l’un des plus grands. Sans doute
parce que vous n’êtes véritablement heureux que sur les planches : « Je
ne suis bien que lorsque je joue. J’éprouve sur scène une sorte d’euphorie
qui me ragaillardit », dites-vous, et je puis vous dire, en tant que
spectateur, combien nous la ressentons !

Cette euphorie, que vous savez communiquer et partager avec votre
public, cet humour pétillant, insolent, qui a habité notamment votre
parodie inoubliable de la sociétaire, à la soirée d’adieu de Louis Seigner,
ne vous ont jamais quitté.

Vous décidez, en 1974, de refermer derrière vous les portes de la maison
de Molière, dont vous êtes sociétaire honoraire, après 25 ans de succès
et de triomphes, après avoir interprété tous les rôles, classiques et
modernes, après avoir conquis un public immense.

Un public fidèle, également, puisqu’il vous plébiscite dans Chacun sa
vérité, de Luigi Pirandello, au théâtre de l’Odéon, dans Mon Faust, de
Paul Valéry, au Rond-Point. Moi, Feuerbach, de Tankred Dorst, dans
lequel vous incarnez un vieil acteur sorti d’une clinique psychiatrique, qui
veut jouer aux jeunes premiers, est également un immense succès.

Pendant 18 ans, vous jouez donc Jamiaque, Pirandello, Guitry, Valéry, et
pas une fois vous n’êtes revenu vers le répertoire classique. Seul Francis
Huster vous convainc en 1992 d’incarner Oronte dans le Misanthrope,
qu’il met en scène au Théâtre Marigny.

Dans En attendant Godot, en 1997, vous jouez Pozzo, avec dans la
poche la copie d’une lettre de Beckett à Michel Polac, à propos de la
pièce. L’année suivante, vous revenez au répertoire comique, en campant
un snob pathétique et fardé, drapé dans sa robe de Sardanapale et droit
dans ses babouches, débordant de fierté et de suffisance, dans la pièce
Un bel air de Londres, de Dion Boucicault, dont vous avez tiré un véritable
festival de cocasserie. En 2002, vous êtes Georges Pitou, secrétaire
complice des derniers mois de Sarah Bernhardt, incarnée par Fanny
Ardant, dans Sarah, du canadien John Murrell, mis en scène par Bernard
Murat. Vous y trouvez un rôle à la mesure de votre fantastique talent de
composition, un talent couronné notamment de trois Molières.

Un talent dont vous nous avez fourni ce soir une nouvelle preuve
éblouissante, en Gardien, dans la magnifique pièce de Harold Pinter,
adaptée par Philippe Djian, mise en scène par Didier Long, aux côtés de
Samuel Labarthe et Cyrille Thouvenin. Tour à tour pathétique et fier,
victime et manipulateur, timide et sans-gêne, vous nous donnez à voir,
une fois encore, toute la richesse de votre jeu, et l’étendue de votre génie,
dans cette pièce formidable, à mi-chemin entre le rire et l’angoisse.

Oui, vous savez tout jouer, et pour les amoureux du théâtre, Richard III,
Raskolnikov, Arlequin, Arturo Ui, Pozzo, Oronte, Scapin, Néron, Sosie,
Tartuffe, Bouzin, Debureau, ont les traits que vous leur avez donnés, les
silhouettes que vous leur avez dessinées, les gestes et les tics dont vous
les avez affublés, pour notre plus grand plaisir. Avant de prononcer la
formule rituelle qui doit clore cet hommage, permettez-moi, en mon nom
personnel, comme en notre nom à tous, de vous remercier, du fond du
coeur, et de vous dire qu’avec tout votre public, nous vous aimons.

Cher Robert Hirsch, au nom de la République, nous vous faisons
Commandeur dans l’ordre des Arts et des Lettres.

Inauguration de l’exposition « Afghanistan, les trésors retrouvés » au musée Guimet

5 décembre 2006

Monsieur le Vice-Ministre,

Messieurs les Ambassadeurs,

Monsieur le Président, cher Jean-François Jarrige,

Mesdames, Messieurs,

Je suis particulièrement heureux de vous accueillir ici à Paris, au Musée
Guimet. Et je suis particulièrement ému d’inaugurer à vos côtés, Monsieur
le Vice-Ministre, cette exposition exceptionnelle, en ayant une pensée toute
particulière pour Son Excellence Abdul Karim Khoram, ministre de la
Culture, de la Jeunesse et de l’Information, et pour l’ensemble des
membres de la délégation afghane retenue à Kaboul par les intempéries.

Je vous saurais gré de leur transmettre mon message personnel de
chaleureuse amitié.

Je n’oublie pas que mon premier voyage en tant que ministre de la Culture
et de la Communication fut pour me rendre à Kaboul, il y a deux ans et
demi, pour y voir renaître les lumières du cinéma l’Ariana.

En Afghanistan, comme ailleurs, il a fallu le courage du « peuple des
ombres », de tous ceux qui, au cours de l’histoire, ce sont dressés, avec la
force de leur conscience, de leur détermination, les armes à la main, pour
refuser la fatalité, pour combattre contre l’obscurantisme, pour préserver et
transmettre leur patrimoine, leur mémoire, leurs racines, en un mot, la
culture qui forge, au long des siècles, la liberté et l’identité d’un peuple.

Tout comme votre cinéma, au coeur de votre capitale, a pu renaître de ses
cendres, grâce notamment au soutien des cinéastes français, les quelque
220 objets, généreusement prêtés par le Musée National de Kaboul,
s’ajoutant au fonds propre du Musée Guimet, vont nous permettre de
découvrir, ou de redécouvrir ici pendant quelques mois, l’exceptionnelle
richesse de l’histoire et des civilisations de l’Afghanistan.

La solide amitié entre nos deux pays s’est elle-même construite sur cette
force de la culture, héritage de l’histoire, lien entre les générations et
ciment de la paix, dans un monde où la paix est sans cesse à défendre
contre les forces de la haine, de la violence et de la destruction. Un monde
où toutes les civilisations savent qu’elles sont mortelles, sans avoir pour
survivre besoin de détruire autour d’elle celles et ceux qui ne leur
ressemblent pas.

Aussi n’est-ce pas un hasard si, dès le début des années vingt, des liens
indéfectibles de connaissance et d’amitié entre la France et l’Afghanistan
se sont noués sur le terrain de l’archéologie, qui nous permet de retrouver
ensemble les traces de civilisations anciennes et, en étudiant les vestiges
du passé, de partir à la rencontre de peuples disparus, de leurs cultures,
de leurs croyances, de leurs modes de vie, de leur environnement, de
leurs créations. Ce sont ces chemins de lumières que nous ouvrent les
trésors retrouvés qui sont proposés ici à nos regards et à nos esprits.

Ces
mondes nous font plus que rêver. Car ils forment la trame de nos
identités, de nos racines, de nos origines. En nous invitant au voyage
dans l’espace et dans le temps, sur les routes d’Afghanistan, qui ont
toujours été au carrefour des cultures et des civilisations, au coeur des
échanges entre les mondes de l’orient et de l’occident, cette exposition
nous permet non seulement de révéler une histoire prodigieuse et
prestigieuse, elle nous amène sur les traces de cette formidable aventure,
qu'est l’aventure humaine, qui s’est toujours construite sur le dialogue et
les échanges entre les hommes, plus forts et plus nourris que les fractures
et que les guerres qui les séparent.

Je tiens à vous dire combien le Président de la République, M. Jacques
Chirac, aurait souhaité inaugurer cette exposition mais ses engagements
internationaux l’en ont empêché. Toutefois, je sais qu’il compte la visiter
dès que possible. Entre temps, il m’a chargé de remercier le
gouvernement de l’Afghanistan et tout particulièrement le Président Karzaï
qui a pris la décision, en accord avec le Parlement afghan, que le musée
Guimet soit le lieu où puisse être présentée pour la première fois une
partie de ces trésors du Musée de Kaboul, sauvés des destructions, après
de longues années passées en lieu sûr, alors que le monde entier pouvait
craindre qu’ils soient pillés et détruits à tout jamais.

Les objets de la ville gréco-bactrienne d’Ai-Khanoum, ceux de Begram,
carrefour de la Route de la soie à l’époque de la grande dynastie
kouchane, les trésors des tombes nomades de Tillia Tépé, témoignent de
la diversité des courants artistiques et culturels qui ont forgé, au fil des
siècles, l’identité de l’Afghanistan.

La France est fière d’avoir participé, dès 1922, avec la création de la
Délégation Archéologique Française en Afghanistan (DAFA), à la mise au
jour du glorieux passé de l’Afghanistan. C’est en effet à la DAFA, en
liaison avec les autorités archéologiques afghanes, que l’on doit la fouille
de sites prestigieux comme Bamiyan, Begram, Hadda, Surkh Kotal ou
encore Ai Khanoum.

Ce patrimoine archéologique a malheureusement payé un lourd tribut à la
période de guerre et de troubles qu’a traversée l’Afghanistan. La
destruction des bouddhas de Bamiyan reste dans toutes les mémoires,
comme un acte de la barbarie humaine. Bien d’autres sites ont été détruits
ou pillés. Le Musée national de Kaboul et ses collections ont subi des
dommages irréparables.

Cependant, grâce à un patient travail de restauration entrepris avec l’aide
d’institutions étrangères, au premier rang desquels le musée Guimet, les
Afghans ont pu préserver une partie significative de leur héritage
archéologique, dont les plus beaux exemples nous sont dévoilés
aujourd’hui.

C’est, en effet, la première fois que ces objets sortent d’Afghanistan et
qu’ils sont exposés au public. L’initiative en revient au Président Karzaï et
au Président Chirac, qui tenaient l’un et l’autre à ce que la primeur de
cette exposition soit réservée à la France et au Musée Guimet, en
témoignage des liens d’amitié qui unissent depuis longtemps nos deux
peuples.

Depuis la chute du régime des taliban, comme vous le savez, la France
s’est engagée résolument, aux côtés du Gouvernement afghan et de la
communauté internationale, dans le processus de stabilisation et de
reconstruction de l’Afghanistan. Ce processus passe résolument par la
culture.

C’est pourquoi, fidèle à son attachement à la diversité, notre pays accorde
une grande importance aux relations culturelles dans sa coopération avec
l’Afghanistan. Le centre culturel français de Kaboul et la Délégation
archéologique française ont repris leurs activités. Le Théâtre du Soleil
d’Ariane Mnouchkine et les Ateliers documentaires VARAN apportent leur
soutien à la jeune création afghane. J’ai évoqué le cinéma ARIANA,
reconstruit grâce à de généreux donateurs français ; la chaîne ARTE a
financé la réhabilitation de l’auditorium du Lycée Esteqlal, l’Institut national
de l’audiovisuel contribue à la sauvegarde des archives audiovisuelles
afghanes. Il est essentiel, en effet, que le peuple Afghan puisse renouer
avec sa mémoire et sa riche tradition culturelle, car ce sont des éléments
fondamentaux de l’unité nationale, aujourd’hui plus nécessaire que
jamais.

Je tiens à remercier tous nos amis afghans qui ont rendu possible cette
exposition, à commencer par le Gouvernement et le Parlement, le
Ministère de la culture, de l’information et de la jeunesse et le Musée
national de Kaboul. Je remercie également le Musée Guimet et son
Président, Jean-François Jarrige, pour cette remarquable exposition, qui
donne au monde l’image d’un Afghanistan glorieux, retrouvant
progressivement ses racines pour regarder son avenir avec confiance.

Je vous remercie.

Remise des insignes de Chevalier dans l’Ordre national de la Légion d’Honneur à la Princesse Constance de Polignac

5 décembre 2006

Chère Constance de Polignac,

Je suis particulièrement heureux et fier de vous distinguer ce soir, dans ce
cadre exceptionnel, pour honorer en vous, au nom de la France, une
femme de coeur, de courage, une personnalité lumineuse, investie dans les
causes les plus nobles, une femme qui perpétue la grande tradition de
mécénat de son illustre famille, parmi l’une des plus anciennes lignées
françaises.

Votre famille, Madame, a écrit un long chapitre de l’histoire de France.

Ses
racines puisent au coeur des terres languedociennes, et s’épanouissent, en
Auvergne, près du Puy-en-Velay, où vos ancêtres, suzerains de la région
depuis le IXe siècle, édifièrent des remparts, et un donjon, à l’entrée d’une
forteresse, dans ce village qui porte toujours votre nom, le long des
falaises.

Votre famille illustre a fait preuve, à travers les siècles, d’une très grande
générosité, et d’une sensibilité qui l’honore, envers l’intérêt général, quelles
que soient ses urgences, quels que soient ses domaines, les arts, la
culture, les sciences ou encore le sport.

Vous avez vous-même manifesté très tôt ce désir de servir autrui, puisque
dès votre plus jeune âge vous avez suivi votre père, le Prince Guy de
Polignac, dans ses voyages officiels, pour l’Ordre souverain de Malte.

Dans
cette organisation presque millénaire, vouée à la « défense de la foi et au
service des pauvres », ainsi que l’exprime sa devise, vous êtes reçue, dès
votre vingt-quatrième année, en tant que plus Jeune Dame d’Honneur et de
Dévotion.

Vous avez ainsi sillonné l’Afrique, l’Europe et l’Amérique, et vous avez
établi des relations diplomatiques entre l’Ordre souverain de Malte et la
République du Congo de Brazzaville, ainsi que la République du Zaïre.

Vous avez été nommée, à Kinshasa, Ministre Conseiller à l’Ambassade de
l’Ordre souverain de Malte, et vous avez mené à bien de nombreuses,
périlleuses et nécessaires réhabilitations d’hôpitaux et de centres de santé,
dans ces pays en voie de développement, où votre apport a été décisif.

Vous avez relevé ces défis comme vous avez affronté les épreuves de la
vie, avec un courage exemplaire, une générosité admirable, et une
détermination sans faille.

C’est cette détermination, et votre volonté d’honorer votre histoire et votre
héritage familial, qui vous poussent en 1997 à créer la Fondation
Forteresse de Polignac, que vous présidez aujourd’hui. Cette forteresse
imprenable, chargée d’histoire, de votre histoire, monument emblématique
qui se dresse fièrement sur les falaises, devient grâce à vous un haut lieu
de culture, de partage et de découverte, un lieu où l’émerveillement des
visiteurs, le charme des conteurs de la région, et les cris des enfants
venus participer aux chasses aux trésors, ravivent l’âme des pierres, et
réveillent le souvenir de ceux qu’elles abritaient jadis. Vous avez fait d’une
forteresse défensive, d’une place forte, un lieu accueillant et chaleureux,
un véritable lieu de vie et d’ouverture. Ouverture à l’autre, ouverture aux
visiteurs de tous les horizons, et telle est l’ambition que vous portez
aujourd’hui, avec un projet riche et audacieux ; ouverture aussi sur la ville,
puisque vous faites entrer la culture dans les écoles de Polignac et du
bassin du Puy, et vous donnez également un nouveau souffle à l’ancienne
Maison des Arts et de l’Artisanat de Bilhac.

Dans cette ancienne bâtisse du XVIIe siècle, au coeur de la plaine
verdoyante du Velay, vous avez aménagé un espace d’échanges et de
création, un lieu de décloisonnement, pluridisciplinaire, riche d’une
programmation foisonnante et audacieuse, ouvert toute l’année aux
artistes, qu’ils soient de jeunes talents locaux ou de renom international,
et au partage de leurs oeuvres et de leurs démarches créatives avec tous
les publics. La Maison des Arts et de l’Artisanat de Bilhac et la Forteresse
de Polignac sont ainsi devenues, grâce à vous, non seulement des lieux
de rencontres fécondes entre les arts vivants, mais aussi de véritables
leviers pour le développement, le dynamisme et l’attractivité de ce
magnifique pays. C’est en effet la même dynamique, le même souffle, qui
animent et inspirent votre action en matière de tourisme et de culture.

La
forteresse de Polignac constitue, avec l’Abbaye de La Chaise-Dieu, deux
grands pôles d’attractivité d’une région – l’Auvergne – qui a fait
résolument du tourisme culturel l’un des atouts majeurs de son
développement, comme en témoigne le nouveau contrat de projet Etat-région.

A partir de l’Auvergne, votre point d’ancrage, votre terre de prédilection à
la beauté sauvage et âpre, vous faites rayonner votre générosité, votre
érudition et votre immense curiosité dans tous les lieux où le talent et le
Beau vous mènent.

Après la disparition de votre père, vous prenez, en 2002, la présidence de
la Fondation Polignac Ker-Jean, créée en 1995 par votre oncle, le Prince
Louis de Polignac. Vous engagez alors une démarche interdisciplinaire et
innovante, au service de l’art, des artistes, du rayonnement de la culture,
mais aussi de l’engagement de la société civile et du dialogue avec
l’entreprise. Vous favorisez le développement des manifestations
culturelles, notamment au sein du patrimoine de votre famille.

Vous devenez notamment l’âme du Festival Polignac, dont nous
célébrons cette année le vingtième anniversaire. Vous accueillez, dans
l’église de Guidel, dans le Morbihan, de jeunes talents de la musique,
auxquels vous offrez une vitrine d’exception, aux côtés des plus grands
artistes de notre temps, amis de votre famille, parmi lesquels Michel
Portal, Ruggiero Raimondi, Teresa Berganza, Boris Berezovski et, fidèle
entre les fidèles, Marielle Nordmann, toujours présente à vos côtés, que je suis particulièrement heureux de saluer ce soir. Jazz, musique
symphonique, musique de chambre, musique baroque et contemporaine
s’élèvent et dialoguent le temps de ce rendez-vous désormais majeur du
calendrier de nos festivals d’été.

A Guidel comme à Polignac, en Bretagne comme en Auvergne, vous êtes
fidèle à votre magnifique devise, inspirée de Paul Eluard, « le passé n’est
pas ce qui nous retient en arrière, mais ce qui nous ancre dans le présent
et nous donne le courage d’inventer l’avenir ». Vous croisez les siècles et
les talents, et vous invitez les créateurs à revisiter, à s’inspirer et à faire
vivre les plus beaux monuments de notre patrimoine et de notre histoire.

Toujours avide de nouvelles réalisations, de nouveaux projets, de
nouvelles collaborations avec les artistes, mais aussi – et c’est très
important – les entreprises et l’ensemble des collectivités locales, vous
offrez aujourd’hui une nouvelle vie au château de Kerbastic, pour en faire
un lieu unique de tradition, de transmission et d’innovation, au service de
tous les talents, de l’imagination et de la créativité. Vous ouvrez vos
domaines aux artistes, comme le fit jadis la Comtesse Marie-Blanche de
Polignac, fille de Jeanne Lanvin, avec ses célèbres « dimanches de
Marie-Blanche », rue Barbet-de-Jouy, où se pressaient des noms aussi
fameux que Francis Poulenc, Igor Stravinsky, Colette, Jean Cocteau,
François Mauriac, Vuillard ou encore Picasso.

Première femme à participer aux championnats de tir au revolver gros
calibre, vous êtes une personnalité unique, déterminée, profondément
éprise de liberté, et d’authenticité. Vous faites oeuvre de passeur
extrêmement attentif, doté d’une volonté farouche de servir, de faire
dialoguer les civilisations et les identités, et de partager les richesse
culturelles et mystiques que recèle notre monde. Par votre grand amour
pour la vie et pour les autres, par votre désir très fort de vous projeter
dans un avenir commun à tous, vous tracez un sillon profond dans les
esprits et dans les coeurs de ceux qui croisent votre chemin.

Constance de Polignac, au nom du Président de la République, et en
vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalier de
la Légion d’Honneur.

Commission des affaires culturelles du Sénat

5 décembre 2006

Monsieur le Président, Cher Jacques Valade,

Mesdames et Messieurs les sénateurs,

Je vous remercie de m’avoir invité à présenter devant vous, à la veille de
l’examen, par votre Haute Assemblée, du budget du ministère de la culture
et de la communication, vendredi prochain, les enjeux et l’état
d’avancement de la politique de l’emploi que je conduis sans relâche
depuis ma prise de fonction.

Une page est en train de se tourner, j’espère définitivement, sur ce qu’il est
convenu d’appeler la crise « des intermittents du spectacle » et que
j’appelle, moi, la politique de soutien à l’emploi des artistes et des
techniciens du cinéma, de l’audiovisuel et du spectacle vivant.

Des efforts considérables ont été engagés depuis plus de trois ans par le
gouvernement, par la représentation nationale. Je tiens à saluer la
constance des membres de votre commission. Celle-ci s’est manifestée,
depuis 2003, dans votre analyse, mais aussi dans votre présence, au coeur
même des évènements, aux côtés de nos artistes et techniciens. Je tiens
également à rendre hommage au travail scrupuleux et pédagogique
effectué par Serge Lagauche dans le cadre de son rapport budgétaire que
vous avez adopté le 23 novembre dernier. Votre commission prend acte de
la perspective de sortie de crise. Elle retrace également l’ensemble de la
politique menée par le Gouvernement depuis 2004, et qui a permis de
contribuer à un diagnostic partagé et à cette articulation historique entre la
solidarité nationale et la solidarité interprofessionnelle. Au delà de cette
politique, vous avez raison, Monsieur le rapporteur, de replacer cette
question dans le cadre plus général du renforcement de l’attractivité
culturelle et économique de notre pays. Oui, vous avez raison de conforter
cette direction pour sortir le monde culturel de son isolement. C’est
effectivement un objectif commun majeur. Nous le partageons, il reste
encore beaucoup de travail pour le faire partager par d’autres.

Depuis, Monsieur le président,

– le rapport de votre commission, en juillet 2004, ;

– le rapport de la mission d’information de la commission des affaires
culturelles de l’assemblée nationale rédigé par Christian Kert,
les débats sur le spectacle vivant qui se sont tenus au Sénat, et à
l’Assemblée Nationale sous la présidence effective, de bout en bout, de
Christian Poncelet et de Jean-Louis Debré, nous avons avancé ensemble.

Ce travail a conforté celui effectué par les partenaires sociaux du
secteur comme au niveau confédéral, par les experts qui ont été
missionnés( je pense en particulier aux travaux de Jean-Paul Guillot, qui
ont éclairé les réflexions des pouvoirs publics comme des partenaires
sociaux), par le comité de suivi, initiative originale qui a permis
d’apporter des contributions utiles à la construction d’un nouveau
système, tous ces efforts sont en train de porter leurs fruits : un nouveau
protocole est sur le point d’être signé par plusieurs confédérations de
salariés ; dès lors qu’un nouveau système d’assurance chômage est en
place, conformément à l’engagement du Premier Ministre, l’intervention
de l’Etat, avec le Fonds de professionnalisation et de solidarité, vient
renforcer la protection assurée par le régime d’assurance chômage et
s’articule avec lui. Les contacts nécessaires sont en cours, entre les
administrations concernées et les services de l’UNEDIC, pour garantir la
mise en place effective du nouveau système, dès le début de l’année
prochaine, dans les meilleures conditions, pour les artistes et les
techniciens du spectacle comme pour les agents des ASSEDIC.

Mais surtout sans vouloir préjuger de la conclusion imminente de
négociations en cours, la structuration de l’emploi par les conventions
collectives est bien engagée. C’est par les conventions collectives,
beaucoup plus que par l’assurance chômage, que doit être organisé
l’emploi dans le secteur du spectacle vivant et enregistré. C’est la
manière la plus vertueuse de mettre fin aux abus qui ont trop longtemps
miné le système.

Malgré des difficultés et des tensions entre les représentants des
employeurs et les représentants de salariés, inévitables dans ce genre
d’exercice, les négociations progressent et plusieurs d’entre elles sont
sur le point d’aboutir.

Je prendrai l’exemple de la convention pour la production audiovisuelle,
dont la négociation est achevée et qui est proposée à la signature des
syndicats de salariés, pour illustrer les effets concrets sur l’emploi qui
sont attendus des conventions collectives :

– elle assure la couverture des salariés permanents, faisant du contrat à
durée indéterminée la norme de référence, quand il était implicitement
admis que le contrat à durée déterminée d’usage représentait la seule
forme d’organisation du travail ;

– elle encadre le recours au contrat à durée déterminée d’usage, en
limitant les fonctions et les emplois, en précisant l’objet pour lequel il
peut être conclu ;

– elle prévoit des dispositions qui encouragent à l’allongement de la
durée du travail et, notamment, une modulation de la rémunération qui
tient compte de la durée du contrat, ainsi qu’une mensualisation de la
rémunération, qui permet de donner une plus grande visibilité et une
plus grande sécurité aux salariés ;

– elle prend en compte la très grande amplitude des journées de travail,
mais prévoit, en contrepartie, que le temps de disponibilité peut être
rémunéré ;

– en un mot, elle rapproche les dispositions des contrats de travail de la
réalité des pratiques d’emploi et fait ainsi prendre en compte les
spécificités des pratiques d’emploi du secteur du spectacle par les
conventions collectives – et non plus seulement par les dispositions de
l’assurance chômage.

Comme les autres conventions collectives, puisque ces points-là font
l’objet d’un groupe de travail commun à l’ensemble des huit
commissions mixtes paritaires, un système de prévoyance est prévu
pour les non-cadres comme pour les cadres et, avant le 1er juillet
prochain, une protection en matière de santé sera mise en place pour
les artistes et techniciens intermittents. C’est bien dans le cadre des
conventions collectives que se met en place le premier niveau,
indispensable, de protection sociale pour les artistes et les techniciens.

Dans chacune des autres commissions mixtes paritaires, les
négociations sont intenses, les efforts déployés par les partenaires
sociaux, représentants des employeurs comme des salariés, sont
considérables et ils font chacun, permettez moi de leur en rendre
hommage devant vous, des concessions importantes pour parvenir à un
accord dans les délais fixés. Ils y sont aidés par l’exceptionnelle
mobilisation, que je voudrais saluer publiquement, de la direction
général du travail, des présidents de commissions mixtes paritaires, des
services du ministère de la culture et de la communication.

C’est un effort d’une ampleur et d’une cohérence sans précédent qui est
engagé pour que, enfin, comme dans tous les autres secteurs d’activité,
l’emploi dans le spectacle vivant et enregistré soit organisé par le
dialogue social et les conventions collectives.

C’est l’occasion, pour le gouvernement comme pour les partenaires
sociaux, de confirmer la spécificité de la conception française du statut
des artistes du spectacle, qui les considère comme des salariés et leur
assure toutes les protections correspondant au statut de salarié : droits
sociaux et syndicaux, rémunération, protection contre le chômage,
prévoyance, santé, congés payés, organisés par le droit du travail et la
négociation collective.

Il s’agit là, trop souvent méconnu, du volet social de l’exception culturelle
française, la présomption de salariat des artistes interprètes, reconnue
désormais, grâce à un arrêt du printemps dernier, par la jurisprudence
de la Cour de justice des communautés européennes, même si celle-ci
a pris soin d’en préciser et d’en délimiter la portée. Dans la plupart des
autres pays, les artistes ont le statut de travailleur indépendant, et seule
la protection de leurs droits d’auteur ou d’interprète est assurée.

Par l’accent mis sur la négociation des conventions collectives, le statut
de salarié des artistes est clairement réaffirmé.

C’est le socle de la sécurisation des parcours professionnels que le
système pérenne de soutien à l’emploi des artistes et techniciens du
spectacle a l’ambition de construire. Les annexes 8 et 10, redéfinies par
le nouveau protocole, et le nouveau Fonds de professionnalisation et de
solidarité constituent, ensemble, avec les conventions collectives, le
système pérenne de protection sociale et professionnelle pour les
artistes et les techniciens auquel le Gouvernement s’est engagé.

Je sais bien qu’il ne correspond pas, intégralement, à toutes les
revendications qui s’étaient exprimées ; que certaines propositions
intéressantes qui avaient été formulées n’ont pas été retenues dans la
négociation entre les partenaires sociaux interprofessionnels. L’Etat n’a
pas à se substituer à eux. En concertation avec eux, l’intervention de
l’Etat vise à prendre en compte certains éléments des pratiques d’emploi
des artistes et des techniciens qui s’inscrivent dans les objectifs
assignés à la politique d’emploi dans le spectacle.

Dans le respect des responsabilités des partenaires sociaux et du
dialogue social, ce nouveau système conjugue et articule la solidarité
interprofessionnelle et la solidarité nationale au bénéfice des artistes et
des techniciens du spectacle, dont les métiers exigeants et les pratiques
d’emploi justifient un soutien spécifique.

De manière très concrète, le nouveau système ainsi constitué par les
annexes 8 et 10 et le Fonds de professionnalisation et de solidarité
prend en compte le rythme d’activité et la saisonnalité spécifiques au
secteur du spectacle. Il permet aux artistes et aux techniciens de
retrouver, pour la recherche de leurs droits, la période de référence
annuelle qui correspond au rythme de l’immense majorité d’entre eux,
même si je reconnais qu’on aurait pu y parvenir de manière plus simple.

Il maintient un seuil de 507 heures sur 12 mois tout au long de l’année
2007, soit pendant un an après la conclusion des premières conventions
collectives, pour ceux des artistes ou des techniciens qui n’y parviennent
pas en 10 mois ou 10 mois et demi, avec une allocation calculée comme
l’allocation chômage, plafonnée à 45 – par jour, pour soutenir ceux qui
en ont le plus besoin, et versée pendant 3 mois, permettant ainsi aux
intéressés de reconstituer leurs heures pour réintégrer normalement les
annexes 8 et 10.

Il prend en compte, dans les heures travaillées, les congés de maternité,
les congés de maladie de plus de trois mois ou ceux correspondant aux
maladies dont le traitement est remboursé à 100 % par l’Assurance
maladie, les congés liés aux accidents du travail, les heures de
formation dispensées par les artistes et les techniciens dans certaines
structures, à hauteur de 120 heures par an. Il garantit le maintien de
l’allocation de retour à l’emploi jusqu’à l’âge de la retraite pour les
artistes et techniciens qui ont dépassé 60 ans et demi.

Il encourage à déclarer toutes les heures travaillées, et, avec la nouvelle
formule de calcul de l’allocation et l’abandon du salaire journalier de
référence, il prévoit des montants d’indemnisation proportionnels à la
fois à la rémunération et à la durée du travail effectué et déclaré. Il incite
à choisir des contrats plus longs. Ainsi, un artiste ou un technicien aura
toujours intérêt à choisir de travailler et à déclarer tout son travail plutôt que d’être indemnisé par l’assurance chômage. La nouvelle formule de
calcul est plus juste : elle permet d’améliorer le niveau de
l’indemnisation pour les plus bas salaires, et de la limiter pour les plus
hauts revenus. Ce n’était le cas ni dans le système de 2003 – ni dans
les systèmes qui l’ont précédé.

Il prévoit enfin, c’était une revendication très ancienne qui n’avait jamais
été satisfaite, une allocation de fin de droits lorsque les artistes et
techniciens arrivent au terme de leurs droits à indemnisation et qu’ils ne
peuvent pas bénéficier de l’allocation spécifique de solidarité parce que
leurs pratiques d’emploi spécifiques ne leur permettent pas d’en remplir
les conditions.

La durée de cette allocation, d’un montant de 30 – par jour, est
modulable en fonction de l’ancienneté :

– 2 mois pour ceux qui ont moins de 5 ans d’ancienneté,

– 3 mois, qui peuvent être versés jusqu’à 2 fois pour ceux qui ont entre 5
et 10 ans d’ancienneté,

– 6 mois, qui peuvent être versés jusqu’à 3 fois pour ceux qui ont plus de
10 ans d’ancienneté.

Ainsi, un artiste ou un technicien pourra bénéficier de cette allocation de
fin de droits jusqu’à 6 fois dans son parcours.

Le versement de cette allocation sera accompagné d’un soutien
professionnel adapté à la situation et aux aspirations de chacun d’entre
eux grâce à une plus forte mobilisation et une meilleure coordination des
organismes sociaux du spectacle (AUDIENS, l’organisme de
prévoyance du secteur, l’AFDAS, l’organisme de formation, l’ANPE
spectacle).

Le Fonds permettra, en effet, de détecter les artistes et techniciens en
situation de vulnérabilité professionnelle et, sur la base du volontariat de
leur part, de leur proposer un soutien professionnel adapté.

A partir des données recueillies par Audiens, pourront être détectés, de
manière systématique et exhaustive, les artistes et techniciens qui, dans
les cinq dernières années, sans que ce soit obligatoirement le signe
d’une fragilité professionnelle de leur part, sont sortis au moins une fois
du régime d’assurance-chômage, ont eu un volume d’activité qui reste
durablement fixé autour du seuil minimum d’affiliation ou qui perçoivent
des revenus durablement faibles de leur activité.

En complément de la mise en oeuvre de l’accompagnement
personnalisé prévu par le protocole d’accord du 18 avril 2006, grâce à
une coopération étroite avec le réseau ANPE spectacle et l’AFDAS, ces
personnes, si elles répondent volontairement à l’invitation qui leur sera
faite à un entretien, pourront se voir proposer un soutien en termes
d’appui professionnel, de formation dans le secteur ou, le cas échéant,
d’une formation en vue d’une aide à la reconversion si elles envisagent de quitter un secteur dans lequel il est particulièrement difficile de se
maintenir.

Cette démarche pourra être renouvelée tous les cinq ans et apportera
ainsi aux artistes et techniciens un suivi de leur carrière sur la durée.

Ce repérage systématique n’est pas exclusif de démarches individuelles
volontaires d’artistes ou de techniciens qui voudraient bénéficier d’un
soutien professionnel adapté.

De manière plus spécifique, mais également systématique, un accueil
sera prévu pour les femmes enceintes, pour les informer très
précisément de tous les droits qui leur sont ouverts – et que, bien
souvent, au-delà de ceux dont elles sont informées par leur caisse
primaire d’assurance maladie ou leur caisse d’allocations familiales,
elles ne connaissent pas – et pour les aider à préparer leur reprise
d’emploi, au terme de leur congé de maternité.

Au travers de ce dispositif, c’est bien la notion de parcours professionnel
qui est prise en compte, et, par les effets conjugués des annexes, du
Fonds de professionnalisation et de solidarité et des dispositions des
conventions collectives, l’objectif est bien de proposer aux artistes et aux
techniciens une sécurisation de leur parcours professionnel.

Vous me permettrez, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les
Sénateurs, en terminant, de souligner que cette préoccupation de
l’emploi, de la qualité de l’emploi, est une ligne de force de l’action de
mon ministère, et pas seulement dans le spectacle.

Grâce aux budgets que vous avez votés pour mon département
ministériel – et vous serez sollicités, à nouveau, ce vendredi -, j’ai pu
mettre fin à des situations d’emploi indignes d’une administration
publique, qui doit s’efforcer de donner l’exemple en matière de qualité
de l’emploi, de dialogue social et de lutte contre la précarité :

– j’ai engagé, à cette rentrée, la contractualisation des enseignants
vacataires des écoles d’architecture, projet qui était en souffrance
depuis plus de 20 ans ;

– j’ai entrepris un plan de repyramidage de la filière d’accueil et de
surveillance, afin que soit rendue possible la valorisation de notre
patrimoine muséographique et monumental ; cela faisait plus de 25 ans
que de nombreux agents n’avaient aucune perspective d’évolution ;

– j’ai décidé de placer sur contrat à durée indéterminée 350 archéologues
de l’Institut national de recherche en archéologie préventive, qui
enchaînaient les contrats à durée déterminée dans des conditions de
régularité douteuses ;

– j’ai organisé, grâce à une politique de recrutement et de formation, le renouvellement des compétences dans les métiers d’art, qui recouvrent
des spécialités rares, qu’il est essentiel de préserver pour notre
patrimoine ;

– dans le spectacle, des projets de textes, de niveau législatif ou
réglementaire, sont en cours de finalisation :

– pour encadrer et encourager les pratiques amateurs, dans
des conditions qui ne fassent pas concurrence aux
professionnels,

– pour permettre aux artistes et aux techniciens qui exercent
en dehors du secteur du spectacle de bénéficier d’une couverture
conventionnelle,

– pour mieux définir les conditions de délivrance des licences
d’entrepreneurs de spectacles,

– pour lier davantage subventions publiques et conditions
d’emploi,

– pour renforcer les contrôles et leurs conséquences vis à vis
des employeurs ;

– j’ai engagé avec le concours de l’Agence nationale pour l’amélioration
des conditions de travail (ANACT), dans trois régions, une démarche
expérimentale de consolidation de l’emploi dans les différentes
structures du spectacle vivant et enregistré,

– j’ai invité les employeurs de l’audiovisuel public à constituer un
observatoire de l’emploi dans l’audiovisuel public et à élaborer un guide
des bonnes pratiques en matière de recours à l’intermittence : ils ont
confié ces missions à l’Association des employeurs du service public de
l’audiovisuel (AESPA).

Il ne s’agit pas, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, Monsieur le
Président, d’une politique conjoncturelle, liée à « la crise des
intermittents » ; il s’agit d’un mouvement de fond, durable, qui traduit la
prise de conscience, par le Ministère de la culture et de la
communication, de la responsabilité éminente qui lui incombe en
matière d’emploi, avec le concours et le soutien actif des autres
départements ministériels que je voudrais remercier devant vous, de
l’Emploi, certes, mais aussi de la Fonction publique et du Budget, sous
l’autorité du Premier Ministre.

Pour cet enjeu, pour cette transformation, je sais pouvoir compter sur
tout votre appui – et je voudrais très profondément, très sincèrement,
très chaleureusement, vous en remercier.

Réunion de l’Observatoire des usages numériques culturels sur le thème : « télévision et Internet : entre convergence et différences »

4 décembre 2006

Mesdames, Messieurs,

Je suis particulièrement heureux de vous accueillir aujourd'hui au Ministère
de la Culture pour cette troisième réunion de l’Observatoire des usages
numériques culturels, et je vous remercie d'avoir répondu à mon invitation.

Développer une réflexion prospective est l’ambition de cet observatoire.
Cette réflexion revêt recouvre trois dimensions d’égale importance et
étroitement liées : une dimension technologique d’abord, parce que les
innovations dans les technologies numériques se suivent à un rythme
accéléré, une dimension sociologique ensuite, parce que c’est
l’appropriation d’une innovation par les utilisateurs qui en fait le succès, une
dimension culturelle enfin, pour donner du sens à ces évolutions, et parce
qu’il est au coeur de ma politique de moderniser nos industries culturelles
en mettant la technologie au service de la création.

Avant de passer à l’examen de notre ordre du jour, je veux indiquer que
nous nous réunissons alors que le projet de loi sur la télévision du futur
vient d'être adopté par le Sénat et qu’il sera prochainement débattu à
l’Assemblée nationale.

Vous le savez, ce texte permettra à tous les Français de bénéficier de la
télévision numérique, pour accéder à une offre enrichie d’une vingtaine de
chaînes. Il organise la couverture de 100% du territoire et fixe la fin
définitive du signal analogique au profit du numérique le 30 novembre
2011, et il organise le lancement de la télévision du futur. Il organise aussi
la diffusion de la haute définition et de la télévision mobile personnelle.

Notre rencontre d’aujourd’hui est donc particulièrement utile, dans ce
contexte, pour débattre et réfléchir ensemble aux perspectives de
développement de la télévision, en pleine restructuration des usages, des
technologies de diffusion, et des modalités d'offres et d'accès aux
contenus.

Cette matinée s'articulera autour de deux séries de questions :

1) Les usages :

Les internautes, bénéficiant du haut débit, grands consommateurs de
contenus audiovisuels de toute nature, par ailleurs souvent nomades,
utilisateurs de mobiles, et notamment les plus jeunes, témoignent d’une
évolution rapide et profonde des usages.

Flexibilité, modularité, discontinuité des pratiques, transforment leur
relation aux contenus. Nous passons de la rareté qualitative, hiérarchisée,
clairement identifiée dans des programmes de chaînes mais aussi
imposée ou pré-programmée, à l'abondance de contenus et de services,
modulables dans le temps et à distance. Nous passons à des contenus à
la demande c’est à dire choisis. Une telle évolution ne peut être neutre
quant à l’offre de programmes elle-même.

La sphère familiale a tendance à laisser la place à une individualisation
plus forte des pratiques, couplée à la naissance d’une multitude de
communautés virtuelles.

Chacun peut aussi distribuer de plus en plus largement des contenus. Si
cela pose évidemment des problèmes lorsqu’il s’agit de piraterie ou
d’information, cette évolution ouvre aussi une nouvelle perspective pour le
droit d’auteur : nous sommes tous des auteurs en puissance, le droit
d’auteur n’est donc pas le privilège d’une élite, mais un principe
démocratique qui nous protège tous.

Pour illustrer ce propos, nous aurons un premier compte rendu d'une
étude menée par le département des études du ministère avec le cabinet
KR-média qui soulignera ce bouleversement des comportements.

2) Les nouvelles formes de l'offre de programmes et de contenus :

Pour le ministre de la culture et de la communication que je suis, c'est
évidemment très important tant vis à vis de la création que de l’internaute.

La technologie se situe naturellement au coeur de ces évolutions. Les
modèles économiques qui s’élaborent sont aussi déterminants et j’y
attache la plus grande importance. Leur rôle conjoint est avant tout
d’explorer tous « les possibles », de permettre l’innovation dans de
nouveaux services ou de nouveaux modèles, pour faciliter l’accès aux
programmes et aux contenus les plus diversifiés.

C’est dans cet esprit que je conçois mon action politique au sein de ce
ministère : qu’il s’agisse de la loi sur le droit d’auteur ou sur la
modernisation de la diffusion audiovisuelle, ma priorité est d’anticiper et
de créer un cadre favorable à l’innovation, à la création de nouveaux
services et de nouvelles offres : offres sur internet, sur les mobiles, sur la
télévision ; offres à la demande, par abonnement ou même offres
gratuites financées par la publicité, tous ces modèles sont explorés et
doivent l’être bien davantage encore. Il s’agit d’éviter de figer ou d’imposer
un modèle, pour favoriser le dynamisme de nos entreprises et élargir les
choix de nos concitoyens, ainsi que la diversité de l’offre.

Nous devons aussi être attentifs aux aspirations nouvelles qui
s’expriment, aux évolutions culturelles, aux besoins renouvelés de
connaissances, de divertissements, de créations, de fictions, de jeux, de
débats, de découvertes et d'informations sur le monde contemporain.
Nous devons repenser notre action, dans une révolution qui conduit de
l’économie de la rareté à une économie de l’abondance, où autant que de
permettre un accès universel il s’agit d’organiser, d’exposer, d’éditorialiser
et de différencier l’offre, de la référencer en quelque sorte, ce qui permet
d’établir des relations fructueuses entre le créateur, l’éditeur et
l’internaute.

La TNT et l'accès internet permettent de multiplier les offres, de diversifier
les services, de multiplier les interactions, de composer des communautés
nouvelles. La diversité culturelle y prend tout son sens si l’on fait preuve
d’une vigilance constante. D’où l’intérêt et l’importance de nos échanges.

Nous n'en sommes qu'au début, et des réunions comme la nôtre
aujourd'hui sont nécessaires pour mieux anticiper l'avenir. L'économie
globale, les coûts de production, les tarifs des accès, des abonnements,
les garanties de droit, tous ces paramètres sont encore à explorer pour
bâtir des modèles durables.

Ces quelques lignes directrices sont bien celles qui doivent inspirer nos
débats.

Ainsi, aujourd’hui :

– Madame Claire Leproust nous présentera les perspectives de création
de nouveaux formats et de nouveaux modèles, notamment pour la
télévision mobile.

– L'offre et l'accès à notre patrimoine grâce à l'INA, que M. Vernhet nous
présentera, est un bon exemple des nouvelles possibilités d'archivages et
de diffusions culturelles. Je suis heureux que, comme je l’ai voulu en le
dotant de moyens budgétaires appropriés, le service public soit à la pointe
de l’innovation et propose à nos concitoyens un véritable renouveau de
l’offre. Il est particulièrement important que le patrimoine audiovisuel,
notre mémoire visuelle, soit au coeur de ces explorations prospectives et
rencontre les attentes de nouveaux publics, notamment le public le plus
jeune.

– Enfin, les acteurs doivent être particulièrement attentifs aux modalités
inédites d'auto-production, de stockage, de diffusion sur Internet, le Web
2.0 [deux points zéro] et les blogs, le dépôt de ces milliers de séquences,
de toutes origines, de toutes qualités, parfois aux limites de la légalité,
mises en libre accès au profit de nouvelles formes de communication et
d'interaction sociale. L'IDATE parle ainsi d' « egocasting » par opposition
au Broadcasting, et on commence à parler de la télévision 2.0.

Dans le foisonnement par nature désordonné de ces contributions, ce
sont sans doute aussi de nouveaux langages et de nouveaux formats de
l'audiovisuel de demain qui se préparent. Cet observatoire a précisément
pour objet d’y voir plus clair.

Monsieur Olivier Abécassis nous présentera, afin d’illustrer les différentes
facettes de ce sujet, le projet WAT qu’il a mis en place et qui est au coeur
de cette vision prospective.

[De nombreuses questions se posent. Nous les examineront :
L'interopérabilité et la convergence des plateformes seront-elles garanties
? Les normes techniques, par exemple pour la télévision sur mobile, sontelles
stabilisées? Les contraintes économiques, la publicité, la gratuité
vont-elles se conjuguer pour s'adapter à la flexibilité des besoins et à
l'évolution des budgets des ménages ?]

Les atouts français autour du haut débit, l'émergence par exemple d'une
blogosphère forte dans notre pays et pour la francophonie, les capacités
reconnues de création diversifiée et de production des unités de
programme et des instituts dépositaires du patrimoine, les nouveaux
supports et les accès mobiles, tout cela dessine les prémices d'un cercle
vertueux. Le succès de la TNT illustre également cette évolution.

Je souhaite que notre réunion permette l'échange le plus ouvert, sur
l’ensemble de ces évolutions, l'exposé des points de vue les plus
contradictoires n’étant pas exclus ! Je fais aussi appel à vos réflexions,
vos analyses et vos propositions, pour éclairer le rôle de l’Etat.

Ainsi que j'avais déjà eu l'occasion de vous le proposer lors de la création
de l’Observatoire des usages culturels numériques, nous devons garder
notre principal objectif: ouvrir de nouvelles perspectives de
développement, de nouveaux marchés, de nouveaux emplois, de
nouveaux usages pour un accès plus large à la culture.

J'ai la conviction que le champ audiovisuel et la télévision, secteur
d'excellence de la tradition et de la création françaises, peut se marier
avec la fantastique révolution que représentent Internet et le numérique
pour y parvenir.

Je vous remercie.

Ouverture du colloque « la culture est-elle encore un enjeu politique ? » à la Cinémathèque française

1 décembre 2006

Monsieur le Président Directeur général de Radio France, Cher Jean-Paul
Cluzel,

Monsieur le Président d’Arte, Cher Jérôme Clément,

Monsieur le Directeur de France Culture, Cher David Kessler,

Monsieur le Directeur général de la Cinémathèque, Cher Serge Toubiana,

Mesdames, Messieurs,

Qu’Arte et France Culture posent à tous ceux qui, dans notre pays, font
profession de penser, la question de la place de la culture dans le débat
public est utile, nécessaire, indispensable. Permettez-moi de vous dire
d’emblée que j’attends beaucoup de vos débats et de vos réflexions
d’aujourd’hui. Je veux y apporter mon témoignage, celui de l’action.

D’autant que votre sondage confirme ce que beaucoup d’entre nous savent
et disent depuis longtemps : la culture figure, après l’économie et
l’environnement, mais au même titre que la politique étrangère, au premier
rang des préoccupations des Français et des attentes qui sont les leurs,
dans la perspective de l’élection présidentielle. Si la culture est ainsi en
tête, du moins dans les esprits, c’est qu’elle est au coeur de la vie, au coeur
de la société. Je crois profondément que la culture doit être au coeur d’un
projet d’avenir pour la France.

Alors, tout d’abord, à votre question, « la culture est-elle encore un enjeu
politique ? », évidemment, ma réponse est oui. André Malraux eût été
stupéfait que l’on puisse poser la question, lui qui a construit, auprès du
général de Gaulle, le ministère dont j’ai aujourd’hui la charge, non
seulement, selon la belle expression de Pierre Moinot, « à partir de presque
rien et contre presque tous » ; mais en lui donnant une âme, une ambition
majeure, un destin capable de transformer une société, et qui continuent de
nous inspirer chaque jour.

Je tiens à rappeler ici les termes mêmes du décret du 24 juillet 1959 qui a
créé le ministère des Affaires culturelles :
« rendre accessibles les oeuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la
France, au plus grand nombre possible de Français ; assurer la plus vaste
audience à notre patrimoine culturel et favoriser la création des oeuvres de
l’art et de l’esprit qui l’enrichissent. » Si votre question est si utile et si
nécessaire aujourd’hui, c’est que se sont écoulées, précisément depuis la
disparition d’André Malraux, ce que j’appellerais les « Trente Glorieuses »
de la culture. Et s’agissant de l’accès à la culture, cet objectif concerne
aussi au premier chef le domaine de la communication.

Que nous apprennent ces « Trente Glorieuses », et que nous confirme
aussi votre sondage ? Ce que je constate chaque jour depuis plus de
deux ans et demi : n’en déplaise à certains, c’est que la culture n’est
plus un enjeu partisan, un facteur de clivages. Devenue un sujet de
consensus, opinion partagée par 54 % des personnes interrogées, elle
ne saurait redevenir un enjeu politicien.

Cela nous engage, cela m’engage, en tant que responsable politique,
d’autant plus à faire de la culture une priorité du débat et de l’action
politiques.

Passer de la « culture pour tous » à la « culture pour chacun », c’est
l’enjeu politique décisif de notre politique culturelle aujourd’hui et
demain.

Que la culture soit une attribution régalienne de l’Etat, nul ne le conteste
plus aujourd’hui. Depuis 2002, le budget de la culture n'a cessé
d'augmenter et cette augmentation s'est accélérée depuis 2004. Alors,
le terme, le slogan, le fantasme de désengagement, que j'entends
parfois agiter, ici ou là, il ne se traduit ni dans les chiffres ni dans
l'action.

L’enjeu politique aujourd’hui, c’est de continuer à soutenir cet effort, d’en
faire une exigence, de maintenir cet engagement. Il ne s’agit pas tant de
le « sanctuariser » – terme qui peut apparaître défensif – que d’adopter
une vision offensive, dynamique, et non pas statique. Cette conception
de l’engagement de l’Etat qui est la mienne permet d’exercer un effet de
levier, une véritable capacité d’entraînement, un potentiel de
développement de l’ensemble des acteurs de la politique culturelle, et je
veux parler, bien sûr, du rôle essentiel des collectivités territoriales, qui
sont, il faut le rappeler, à l’origine des deux tiers des dépenses
publiques en matière de culture, mais aussi des contributeurs privés.

C’est un acquis récent, que nous devons à notre législation, et à
l’application que nous en faisons, sur le mécénat et les fondations ; leur
part n’est plus taboue, congrue, frileuse, elle participe pleinement de
cette addition des énergies, sans réduire en quelque façon la
responsabilité et l’impulsion des acteurs publics.

L’enjeu politique clé de la culture aujourd’hui, c’est la diversité culturelle.
Dans un monde où 85% des places de cinéma vendues le sont pour des
films produits à Hollywood, mais où, pour la première fois, les
spectateurs des films français sont plus nombreux hors de nos frontières
que dans nos salles ; dans un monde où nous parvenons à relocaliser
les tournages en France, grâce aux crédits d’impôts et à l’aide des
régions, l’adoption, le 20 octobre 2005, à l’UNESCO, à la quasiunanimité
des pays du monde, de la Convention sur la protection et la
promotion de la diversité des expressions culturelles, est un acte
majeur, fondateur : pour la première fois dans l’histoire, un véritable droit
international de la culture apparaît, garant de la vitalité et de la
singularité des créations artistiques, mais aussi du dialogue des
civilisations, si nécessaire à notre temps, dont témoigne également
l’ouverture du musée du Quai Branly.

Ne nous y trompons pas : aujourd’hui, il n’y a pas d’enjeu plus politique
à l’échelle internationale. Dans un monde marqué par les violences, les haines, les fractures, la diversité culturelle est une valeur forte, non
seulement de rayonnement, mais surtout de paix, parce qu’elle incarne
l’acceptation de l’autre, la compréhension de soi, et donc des autres, de
leurs différences, à la lumière de notre propre identité.La culture est
donc un enjeu politique fort en Europe. Je n’hésite pas à affirmer que
l’Europe,« unie dans la diversité » sera culturelle ou ne sera pas : c’est
par la culture qu’il faut refonder le projet politique européen. Tel est le
sens du Label européen du patrimoine, que j’ai proposé pour mettre en
valeur la dimension européenne des biens culturels, monuments, sites
naturels ou urbains et des lieux de mémoire. Les premiers sites
devraient être labellisés le 25 mars 2007, jour du cinquantième
anniversaire du Traité de Rome.

J’ai tenu à valoriser l’ensemble des métiers de la culture,
particulièrement ceux du spectacle vivant, pour inciter encore davantage
nos concitoyens à découvrir l’extraordinaire vitalité de la création et des
activités culturelles, mais aussi, pour ouvrir tous les lieux publics du
patrimoine et les écrans du service public de l’audiovisuel à toutes les
expressions artistiques et culturelles.

A l’heure où plus d’un Français sur deux est internaute, et la plupart
d’entre eux connectés à haut débit, à l’ère numérique où nous sommes
désormais entrés de plain-pied, il y a une chance formidable à saisir
pour donner un nouvel élan à l’accès de tous à la culture, en la rendant
accessible en tous points du territoire.

Bien sûr, la numérisation soulève d’importants problèmes. Elle
constituerait une menace grave pour la création, si aucune action
appropriée de l’Etat n’était engagée. C’est pourquoi j’ai tenu à protéger
la propriété intellectuelle, à défendre la liberté des auteurs, à promouvoir
les offres légales d’oeuvres, sans démagogie, et avec le souci de l’avenir
de la création, en transposant la directive européenne relative au droit
d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information.

En réalité, la numérisation doit être une chance pour la culture. C’est
pourquoi j’ai souhaité la numérisation des archives de l’Institut National
de l’Audiovisuel, dont la mise en ligne connaît un très grand succès.
C’est pourquoi le projet de bibliothèque numérique européenne est
fondamental. L’ensemble des chantiers numériques est au centre d’une
politique culturelle moderne.

C’est aussi dans cet esprit, après le succès du lancement de la TNT,
que je défends au Parlement le projet de loi sur la modernisation
audiovisuelle et la télévision du futur, qui vient d’être adopté par le Sénat
et qui doit être discuté à l’Assemblée nationale en janvier. La
multiplication par trois de l’offre gratuite de programmes de télévision
pour tous les Français doit garantir que la culture n’y soit pas seulement
présente, chère Catherine Clément, « la nuit et l’été ».

La culture a une importance essentielle pour l’économie de notre pays,
pour son attractivité. Faut-il rappeler que la France est la première
destination touristique dans le monde, que la culture en est une
composante essentielle, puisqu’elle constitue une motivation déclarée
pour la moitié des 75 millions de visiteurs ? Faut-il rappeler que les
activités culturelles emploient près d’un demi-million de personnes dans
notre pays ?

La vitalité de la création est un enjeu politique, mais aussi industriel,
économique et social.

Ce qui m’anime, c’est qu’en chaque lieu en France, dans chaque ville,
un spectacle soit proposé, que les artistes et les techniciens aient la
possibilité de le réaliser, et que le plus grand nombre possible de
Français puissent aller le voir. C’est dans cet esprit que j’ai agi pour la
danse, le théâtre, les arts de la rue, le cirque, la musique, pour
développer l’activité artistique, pour de meilleures conditions d’emploi
pour les artistes et les techniciens, pour ouvrir les possibilités de créer,
de jouer et de représenter.

C’est dans cet esprit que j’ai pris de nombreuses mesures destinées à
stimuler, accompagner et encourager la création contemporaine, la
création de nouveaux lieux et de nouvelles structures, à Paris comme en
régions ; le lancement d’évènements-phares pour porter les couleurs de
nos artistes par delà les frontières, comme la Force de l’Art au Grand
Palais.

La culture est un facteur essentiel pour renforcer la cohésion et l’identité
de notre société.

Il aura fallu attendre octobre 2006 pour que les cultures urbaines soient,
elles aussi, accueillies au Grand Palais, non seulement pour enchanter
50 000 visiteurs, mais surtout pour montrer que la fierté nationale et
internationale et la diversité culturelle et sociale ne se divisent pas. Elles
s’additionnent, elles se multiplient et se nourrissent l’une de l’autre. Je
crois profondément que la cohésion sociale et l’avenir de la société
française passent par les cultures urbaines et leur reconnaissance, car
celles-ci sont foisonnantes, créatives, et originales.

Il reste beaucoup à faire pour continuer à ouvrir l’accès à la culture.
L’éducation artistique et culturelle, désormais inscrite dans le socle
commun de connaissances qui définit le contenu de base de
l’enseignement scolaire obligatoire, stimulée par la multiplication des
jumelages et parrainages entre les lieux d’enseignement et les
institutions culturelles, est une priorité politique forte à cet égard.

Bâtir un projet politique sur la culture, c’est agir pour donner confiance à
la société française, dans toute la diversité des populations et des
territoires qui la composent. Après l’effondrement des « grands récits »,
à l’heure où « l’ensauvagement du monde » succède au
désenchantement du monde, c’est par la culture que la France est plus
ancienne qu'elle ne le sait, plus grande qu'elle ne le croit, plus
audacieuse, plus généreuse qu'elle ne l'imagine. Que la France déborde
ses frontières, par son patrimoine, par ses créations. Une France qui
porte dans le monde un message de respect, de dialogue, de solidarité.

Un message plus que jamais nécessaire aujourd’hui pour créer une
dynamique, pour refuser la spirale des peurs et des replis, pour réunir
une large majorité de Français – je ne parle pas seulement d’une
majorité politique – autour de valeurs communes et partagées.

Je vous remercie.

Soirée célébrant le vingtième anniversaire du Musée d’Orsay

1 décembre 2006

Madame la Directrice des Musées de France, chère Francine Mariane-Ducray,

Monsieur le Président du Musée d’Orsay, cher Serge Lemoine,

Messieurs les Présidents,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis très heureux d’être parmi vous ce soir pour célébrer ce très grand
moment. Il y a vingt ans, jour pour jour, ici même, ce grand musée ouvrait ses
portes.

Vingt ans ! C’était hier. Et pourtant, que de travail accompli depuis ! J’y
reviendrai. Vingt ans, personne ne me contredira : c’est le bel âge. A vingt ans,
on est adulte, mais on est jeune encore, on a la vie devant soi, des projets, des
envies, des coups de foudre.

Adulte, le musée l’est assurément. Et c’est même une authentique institution,
un « vaisseau amiral ». La magnifique gare d’Orsay, il est vrai, faisait déjà
partie du paysage parisien, dans lequel elle se fond admirablement, ancrée le
long de la Seine, à proximité immédiate du Louvre ou encore du Grand-Palais.

Difficile d’échapper au génie des lieux et à un voisinage aussi prestigieux. Peu
après son inauguration, le 14 juillet 1900, le peintre Detaille s’exclama
d’ailleurs : « la gare est superbe, elle a l’air d’un palais des Beaux-Arts » !

Mais, au-delà de ce bâtiment unique, Orsay, est une grande institution
culturelle, une référence, un musée qu’on nous envie dans le monde entier, un
musée qui suscite, tous les jours depuis vingt ans, l’émerveillement d’un public
enthousiaste, nombreux, cosmopolite. 55 millions de visiteurs en ont franchi les
portes depuis son ouverture.

Les chiffres donnent le vertige ! Ils sont à la mesure de ce XIXe siècle, auquel
le musée est tout entier consacré. Un siècle fascinant, intense, mouvementé,
et dont témoigne l’histoire même de ce site : en 1810, on y projette un palais,
destiné par Napoléon à un ministère des Relations extérieures – ce que, entre
parenthèses, le musée d’Orsay, aujourd’hui, est aussi un peu à sa manière.

Puis, en 1835, on prend la décision d’installer dans le palais du quai d’Orsay la
Cour des comptes et le Conseil d’Etat. Mais, en 1871, un incendie ravage le
bâtiment. Il faudra du temps pour trouver la vocation de ce lieu si vaste.

Un
musée, déjà, se profile à l’horizon : l’Union centrale des arts décoratifs y verrait
bien un grand musée dédié à ces arts qu’elle défend, et qui connaissent alors
un bel essor, et, là encore, le musée d’Orsay comblera ses voeux, à sa
façon, plus d’un siècle plus tard. Finalement, ce sera une gare. Mais une gare,
n’est-ce pas une invitation au voyage ?

Baudelaire, justement, dont un peu de l’âme subsiste ici (je pense à l’Atelier du
peintre, par Courbet, où le poète est représenté), Baudelaire, disais-je, appelait
de ses voeux, au milieu des années 1840, un « avènement du neuf ».

N’est-il
pas, au fond, la figure tutélaire de cette institution, lui qui célébra, avec le génie
que l’on sait, le peintre de la vie moderne. Et de fait, à côté de la peinture, de la
sculpture, ce sont aussi des disciplines nouvelles comme la photographie ou le
cinéma, qui prennent toute leur place à Orsay et qui célèbrent l’alliance entre
l’art et l’industrie. Baudelaire, encore, qui écrivait : « Pour être juste, c'est-à-dire
pour avoir sa raison d'être, la critique doit être partiale, passionnée,
politique, c'est-à-dire faite à un point de vue qui ouvre le plus d'horizons. »

Ouvrir le plus d’horizons, c’est bien, en définitive, la mission, cher Serge
Lemoine, du musée d’Orsay.

Il faut dire que le XIXe s’y prête admirablement. Il fourmille de génies qui relatent
la légende dorée de la modernité : visiter Orsay, c’est entamer un parcours qui
mène de Delacroix à Cézanne, de Degas à Gauguin, de Préault à Rodin, de
Pradier à Maillol, de Seurat à Matisse. Mais à vingt ans, on est parfois pétri de
contradictions qui ne sont qu’apparentes. C’est l’enthousiasme qui règle nos
pas : on s’extasie devant Rodin, mais on ne s’interdit pas d’aimer Les Romains
de la décadence de Thomas Couture. A Orsay, le kitsch débridé du Chevalier
aux fleurs de Rochegrosse côtoie les pages silencieuses de Vuillard. Le musée
rassemble, avec intelligence, les générations et les esthétiques qu’on avait trop
longtemps opposées. Non pas, j’insiste, par un rassemblement hétéroclite, mais
bien par une grande parade d’oeuvres majeures, différentes, surprenantes,
savamment choisies et qui vous tiennent en haleine.

Avec le recul, on se dit que ceux qui ont cru à ce nouveau musée ont eu un
remarquable pressentiment. Il y avait place, en effet, pour un musée qui fasse le
lien entre les collections du Louvre d’un côté, et celles du Centre Georges
Pompidou de l’autre. Comment interpréter un tel succès, pourquoi le XIXe siècle
nous séduit-il autant ? N’est-ce pas une certaine fascination pour une époque
d’expansion incroyable, de foisonnement artistique sans pareil, pour un siècle
épique, contrasté, qui marie la pierre et le fer, l’éloquence bruyante et satisfaite
des Expositions universelles à la douloureuse question ouvrière ?

L’Histoire
forme, à Orsay, une toile de fond, un horizon qui ordonne le propos. Qui n’a été
saisi devant la charge politique d’un Daumier ? Devant la silhouette dégingandée
et sournoise de Ratapoil ou les trognes, toutes plus dérangeantes les unes que
les autres, des Parlementaires du « juste milieu » ? L’austérité du portrait du
président Grévy par Bonnat succède aux figures sensibles de Carpeaux : ce sont
deux mondes, à si peu de temps d’intervalle ! Maximilien Luce nous offre le
spectacle silencieux d’une rue à Paris en 1871 : les fusillés sont à terre, sous un
joyeux soleil de mai. Le néo-impressionnisme flirte avec l’anarchisme.

A vingt ans, on oublie un peu vite que l’on a des parents. On s’émancipe, on vit
sa vie. Et pourtant, Orsay est d’abord une bouture, si vous me permettez
l’expression. Je m’explique : il n’y a aucune génération spontanée dans ce
musée, dont le noyau des collections a été formé par celles du musée du Louvre
voisin, à l’époque trop à l’étroit. Cette bouture a porté ses fruits. Au moment où le
Louvre se projette à Lens, au moment où se concrétise le projet de Centre
Georges Pompidou à Metz, j’y vois la preuve que ce que d’aucuns peuvent
ressentir comme une amputation est en fait un sillon fertile, qui offre les chances
d’un renouveau.

C’est une magnifique occasion de revisiter notre patrimoine, de
le redécouvrir dans un nouveau contexte, dans une situation toute autre qui lui
offrira un sens encore différent. Je note avec plaisir que l’ouvrage de Jean
Jenger, Orsay, de la gare au musée, a été réédité. Il faudra écrire un jour, dans le
détail, la passionnante histoire de la constitution des collections d’Orsay, des
repérages des oeuvres en réserve, dans les musées et les autres institutions, de
cette exploration d’un XIXe siècle qui était encore méconnu. Saluera-t-on jamais
assez, par exemple, l’immense et patient travail conduit sur le patrimoine sculpté
du XIXe siècle, avec tous ces plâtres sortis des réserves, ces marbres
dépoussiérés, restaurés, identifiés, sauvés ? A cet égard, Orsay a véritablement
contribué à des relectures et à des redécouvertes. Bien des musées, aujourd’hui,
ont accepté d’exposer des nus impeccables de Pradier, des allégories bavardes
ou des bustes des célébrités de la IIIe République.

Tout ce travail d’enquête,
préalable à la constitution des collections, a permis de réécrire tout un chapitre
de l’histoire de l’art.

La « bouture » que j’évoquais, c’est aussi celle des collections impressionnistes,
qui étaient à l’étroit au Jeu de Paume. Ici, sous cette verrière et cette lumière
extraordinaires, elles ont trouvé un écrin d’exception, à leur hauteur.

Oui, la greffe a pris, et la formidable construction intellectuelle du musée d’Orsay
s’est développée, et ramifiée : la littérature, la musique y ont trouvé leur place,
contribuant à cette pluridisciplinarité à laquelle tous aspiraient. Vingt ans après
l’ouverture du musée, qui pourrait remettre en cause le bien fondé de la création
pionnière du service culturel ? Dans un monde qui cherche ses repères, les outils
de mise en perspective historique sont fondamentaux : les cours, les
conférences, les grands débats d’histoire culturelle, sociale, d’histoire littéraire ou
musicale, tout cela participe de l’identité du musée.

Porté sur les fonts baptismaux en 1986, le musée a été conçu en réalité bien
avant. Ce grand projet a été mené à bien grâce à l'intervention et au soutien
constants de l'État, en la personne de trois Présidents de la République :
Georges Pompidou, qui en a conçu l’idée, Valéry Giscard d'Estaing, qui l’a
rendue possible en traçant les contours et en définissant la programmation, et
François Mitterrand, qui l'a confirmé et inauguré. Cette convergence de volontés
est remarquable. Mais je n’oublie pas le rôle de certains de mes prédécesseurs,
et en particulier celui de Jacques Duhamel, l'initiateur, Jean-Philippe Lecat, que
je suis très heureux de saluer, Jack Lang et François Léotard, qui en
accompagnèrent la naissance.

Car si les moins de vingt ans peuvent croire que le musée d’Orsay a toujours fait
partie du paysage parisien, rappelons que la gare a échappé de peu à la
démolition au début des années soixante-dix. D’abord inscrit sur l'inventaire
supplémentaire des Monuments Historiques en 1973, le bâtiment a été classé en
1978.

Je tiens également à souligner combien l’Établissement public mis en place pour
la construction du musée fut efficace. Ceux qui en prirent les rênes avaient la foi
des convertis : Jean-Philippe Lachenaud, président, et Jean Jenger, directeur,
puis Jacques Rigaud, président, et la regrettée Madeleine Rebérioux, vice-présidente
de 1981 à 1986. Le défi était de taille : le musée ne devait pas renier
la gare, l’un et l’autre devaient coexister et dialoguer harmonieusement.

Le défi
fut relevé par l’équipe de maîtres d’oeuvres (ACT Architecture), retenue en 1978,
et Gae Aulenti, chargée de l’aménagement intérieur en 1980, y apporta sa note
personnelle. N’oublions pas Michel Laclotte, chef du département des peintures
du Louvre, qui a pensé et conçu le projet, assurant la cohérence et la mise en
oeuvre du programme muséographique, avec la collaboration d'une équipe de
spécialistes qu'il a constituée à ses côtés pour définir notamment les limites
chronologiques, et dont on ne dira jamais avec quelle passion, quelle conviction
elle s’y est investie. Je n’ignore pas non plus tout ce que le musée doit à vos
prédécesseurs, cher Serge Lemoine, je veux parler de Françoise Cachin, qui a
dirigé le musée de 1986 à 1994, et d’Henri Loyrette, qui prit la relève de 1994 à
2001.

Faut-il dresser la liste des expositions mémorables qui ont ponctué la vie du
musée et qui reflètent à leur manière les ressources inépuisables des équipes du
musée ? Je me risque à n’en citer que quelques-unes. En 1987, l’architecture
était à l’honneur avec Chicago, naissance d’une métropole, la photographie en
1994 avec Nadar ; Cézanne en 1998, Burne -Jones l’année suivante, Manet-
Velasquez en 2002, dont on se souvient encore, les Origines de l’abstraction en 2003. Toutes ont trouvé leur public, toutes ont fait avancer la recherche, toutes
ont contribué au rayonnement du musée.

Oui, le bilan de ces vingt années d’existence est plus que positif, il est
encourageant pour l’avenir. L’âge adulte, ce fut le changement de statut, à
compter du 1er janvier 2004, quand le musée est devenu un Etablissement public
à caractère administratif. Les perspectives sont nombreuses : deux des galeries
situées derrière la grande horloge vont être réaménagées dans les collections
permanentes pour présenter les sculptures animalières de Pompon et de Bugatti,
ainsi que les silhouettes du Chat noir.

Dans les années qui viennent, le musée, qui vient de renouveler son atelier
destiné aux enfants, et se prépare à ouvrir un nouvel espace tactile, va se doter
d'un nouveau site Internet, aux capacités techniques et aux offres plus larges.
Pour continuer à se développer, le musée va redéfinir les espaces du pavillon
Amont, avec un gain de 800 mètres carrés. Cela donnera, je le sais, un nouveau
souffle aux collections qui continuent de s’enrichir. Heureux hasard du calendrier,
le musée recueille la formidable donation Rispal, un ensemble tout à fait
exceptionnel de mobilier et d’objets Art Nouveau.

Car le musée d’Orsay est aussi l’oeuvre, en partie, de ses mécènes et de ses
donateurs. Je voudrais en particulier insister sur le rôle fondamental de nos
partenaires japonais, qui font preuve d’une très grande générosité pour les
musées français, et notamment le journal Yomiuri Shimbun, avec lequel a été
signée, hier, une promesse de don pour ce chef-d'oeuvre de Fernand Khnopff,
L'Encens. Je me réjouis du développement des liens tissés de longue date qui se
concrétisent à nouveau de cette manière pour les vingt ans du musée. Je ne
saurai assez les en remercier.

Je voudrais enfin saluer le travail accompli par la Société des Amis du musée
d'Orsay, grâce à laquelle, depuis 1980, six ans avant l'ouverture du musée, tant
d'oeuvres ont rejoint les collections nationales, dont celle que vous offrez
aujourd'hui : un tableau peint en 1910 par André Devambez, Le Seul Oiseau qui
vole au-dessus des nuages et qui est un témoignage supplémentaire de la
qualité de votre action.

Des acquisitions prestigieuses, un accrochage en mouvement, une
programmation sans ornière, et grâce à vous, cher Serge Lemoine, ouverte aux
correspondances et aux résonances avec les créateurs de notre époque, une
pédagogie adoptée à notre temps, un musée accueillant à tous les publics, voilà
une bonne façon de franchir le cap des vingt ans et de tracer l'avenir.

Je vous remercie.

Visite à l’école nationale supérieure d’architecture de Saint-Etienne

30 novembre 2006

Monsieur le Directeur,

Madame la Présidente du conseil d’administration,

Mesdemoiselles, Mesdames et Messieurs les étudiants,

Je suis très heureux d’être présent parmi vous aujourd’hui. Je tiens à
remercier votre directeur, Martin Chenot, de son accueil et de l’organisation
de cette rencontre.

Quelle meilleure entrée en matière pour débattre de l’architecture, qu’une
visite de chantier ? Je me félicite de l’avancement du projet de
restructuration et d’extension de votre école, auquel je suis particulièrement
attaché. Non seulement parce qu’il offrira, à vous-mêmes comme à vos
enseignants et au personnel administratif de l’établissement, des conditions
de travail dignes de notre ambition collective pour l’enseignement de
l’architecture en France, mais aussi parce qu’il témoigne de mon souci de
traiter équitablement les besoins des écoles nationales supérieures
d’architecture sur tout le territoire, en régions comme à Paris, quelle que soit
la taille de l’établissement.

C’est une priorité, tant nos espaces et nos territoires évoluent, tant le visage
de nos villes se transforme, tant le besoin d’architecture est grand. Et cette
priorité n’est pas neuve. Vous le savez, l’enseignement de l’architecture fut
longtemps réservé aux Beaux-Arts. Et dès 1903, le rapport d’une
commission de réflexion, retrouvé par le comité d’histoire du ministère,
souligne : « Les architectes des départements se plaignent vivement et non
sans raison que les travaux les plus délicats de l’architecture, qu’il s’agisse
de création ou de conservation, soient souvent confiés à des mains
inhabiles […].

En plaçant l’enseignement de l’architecture à la portée des
jeunes gens qui ne peuvent venir le chercher à Paris, on doit espérer que
cette situation anormale disparaîtra peu à peu, et telle est la considération
d’intérêt public qui fait à l’Etat un devoir de s’intéresser à la création d’écoles
régionales d’architecture ». C'était il y a plus de cent ans. Aujourd’hui la
France est dotée d’un réseau d’excellence, de vingt écoles nationales
d’architecture, sous la tutelle du ministère de la Culture et de la
Communication, et il nous appartient de leur donner les moyens de
répondre aux exigences du XXIe siècle.

Après l’école de Lille, inaugurée en décembre dernier, et celles de
Montpellier, de Grenoble et de Versailles, l’école de Saint-Etienne fait
aujourd’hui partie des écoles qui bénéficient d’un grand programme
immobilier, auquel j’ai choisi de consacrer un budget important et prioritaire,
d’environ 35 millions d’euros chaque année.

Je forme donc le voeu que vous trouviez, dès la prochaine rentrée, dans
cette école rénovée, des conditions de travail répondant légitimement à vos
besoins.

Car vos études sont passionnantes, mais aussi exigeantes et
difficiles, tout comme les métiers auxquels elles préparent. Des
sciences humaines aux domaines techniques et scientifiques, les
disciplines que vous allez aborder tout au long de votre parcours
sont d’une extraordinaire diversité. Rares sont les formations qui
conjuguent un appétit culturel de haut niveau, une culture
scientifique, technique et artistique approfondie, et l'apprentissage
d'un savoir-faire professionnel précis. Votre formation est, par
nature, ouverte sur la cité, sur la société qui vous entoure et que
vous avez aussi vocation à imaginer, à construire, à façonner.

Et vous avez la chance, ici, à Saint-Etienne, de bénéficier d’un
environnement propice à votre travail, l’épanouissement de vos
talents, de votre imagination, de vos compétences. Dans la capitale
du design, près de Firminy et du très bel ensemble conçu par Le
Corbusier, au coeur des problématiques de reconversion des friches
industrielles, à deux pas des musées et des cinémas de la ville, et
non loin des écoles de Grenoble et de Lyon, avec lesquelles vous
nouez des liens solides, dans le cadre du Pôle de compétence de
formation continue, votre école jouit d’un environnement exceptionnel,
propre à éveiller vos regards, à stimuler vos esprits, à préparer vos
projets.

Avant de répondre à vos questions, et de débattre librement avec
vous, je tiens à vous rappeler mon engagement dans la réforme des
études d’architecture, dans le cadre du LMD qui structure
désormais le cursus de votre enseignement. Je suis parfaitement
conscient des inquiétudes qui ont pu naître de ces modifications
importantes.

Le ministre de l’architecture que je suis a porté cette réforme, au
nom de l’Etat, par conviction que le temps était venu d’assurer la
pleine reconnaissance de l’enseignement de l’architecture au sein
de l’enseignement supérieur européen, et de favoriser l’activité et la
mobilité des architectes français, dans des conditions de
concurrence équitable.

La réforme vous permet de vous insérer pleinement dans l'Europe.

Et je tiens à saluer les coopérations et les possibilités d'échanges
qui vous sont offertes par votre école, en Allemagne, en Belgique,
en Espagne, en Grèce, en Hongrie, en Italie, en Pologne, et bien
sûr, également, hors des frontières de l’Europe. Vous êtes
maintenant au coeur d'un véritable réseau d'écoles et d'universités
réunies autour d'un même projet cohérent et stimulant, d'une
grande ambition : construire l'Europe de demain et faire rayonner
l'architecture française et européenne dans le monde entier.

J’ai demandé au Directeur chargé de l’architecture de poursuivre le
dialogue avec le conseil national de l’ordre des architectes, et une
réunion s’est récemment tenue au ministère en présence du président du conseil national et de présidents d’ordre régionaux.

Elle a permis de confirmer la nécessité d’une action partagée pour
la formation à l’exercice de la maîtrise d’oeuvre en son nom propre
de l’architecte diplômé d’Etat et de préciser les coopérations qui
pouvaient se nouer entre les différents partenaires.

De la même manière, la Direction de l’architecture et du patrimoine
du ministère de la Culture et de la Communication a approfondi ses
contacts avec le ministère du Travail et l’organisme collecteur des
fonds de formation de la branche (l’OPCA-PL), pour déterminer les
modalités de mise en oeuvre de l’une des options possibles de la
mise en situation professionnelle, le contrat de professionnalisation.

Un dernier mot encore, pour vous dire que la réforme de
l’enseignement de l’architecture, fondamentale à l’avenir de
l’exercice diversifié de la profession d’architecte, est l’un des
éléments de la transformation globale des écoles nationales
supérieures d’architecture.

J’ai engagé en effet la réforme du statut des établissements pour
permettre leur transformation en EPSCP (établissement public à
caractère scientifique, culturel et professionnel), proche du statut de
droit commun des autres établissements d’enseignement supérieur
en France. Celle-ci sera achevée dès le début de l’année prochaine.

Parce qu’il n’y a pas d’enseignement supérieur sans recherche, ces
deux évolutions profondes doivent également s’envisager dans la
perspective d’une modification du statut des enseignants des écoles
pour les rapprocher d’un statut d’enseignant-chercheur.

Les modalités de ce nouveau statut devront faire l’objet à partir de
2007 d’une réflexion approfondie, pour laquelle je souhaite
l’investissement de tous les représentants des écoles, au sein des
différentes instances de consultation nationales.

Le développement de la recherche et des enseignements dans
votre école fera de vous des architectes généralistes, au sens le
plus complet et le plus noble du terme : riches d'une culture
humaniste et universitaire, préparés à l'insertion dans les métiers de
la maîtrise d'oeuvre architecturale et urbaine, mais aussi dans toute
la diversité des métiers qui reflètent les attentes de notre société.

Une société qu’il vous appartient de construire.

Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos
questions et échanger avec vous.

Remise des insignes de Chevalier dans l’Ordre national de la Légion d’Honneur à Francis Boespflug, à l’Hôtel de la Marine

29 novembre 2006

Cher Francis Boespflug,

Grâce à l’amitié de nos amis amiraux, et plus particulièrement de l’Amiral
Oudot de Dainville, Chef d’État-Major de la Marine – que je remercie de
son accueil – de l’Amiral Pierrick Blairon et de l’Amiral Alain Dumontet c’est
dans ce cadre prestigieux, et hautement symbolique, que j’ai le plaisir de
vous distinguer aujourd’hui. L’Hôtel de la Marine jouit en effet d’une vue
exceptionnelle sur une place qui a, bien souvent, vous le savez, servi de
décor au septième art. Carl Lamac en a fait le titre même de l’un de ses
films, Jacques Becker le premier plan de son chassé-croisé amoureux,
Rendez-vous de juillet, Godard l’a magistralement filmée dans L’Eloge de
l’amour, et Eric Rohmer lui a fait revivre la Révolution de 1789, dans son
film L’Anglaise et le Duc.

Quel plus beau décor pouvions-nous rêver pour rendre hommage à l’un
des plus grands défenseurs du cinéma français, à un passionné de la
première heure, à un véritable passeur de culture, qui n’a jamais cessé, au
long de sa brillante carrière, son combat pour la qualité et la diversité, pour
l’éducation à l’image, et pour la reconnaissance du talent, et du génie des
cinéastes ?

J’ajoute que la marine participe activement au rayonnement de la culture
française : par les musées de la marine, qui permettent de faire partager
l’aventure maritime au plus grand nombre à Paris, Brest, Lorient ou Toulon,
votre ville d’élection, cher Francis Boespflug ; par les écrivains de marine
qui depuis 2003 sont une vingtaine à tremper leur plume dans l’eau de
mer ; mais aussi par les peintres de la marine corps prestigieux, créé en
1830, qui comporte aussi des photographes et des sculpteurs, et qui sait,
demain, pourquoi pas, des cinéastes ?

C’est à Strasbourg, où vous êtes né, que débute cette grande aventure
cinématographique. Vous animez tout d’abord un haut lieu de découverte
et de transmission, un ciné-club, où vous éveillez les jeunes générations
aux merveilles de notre patrimoine, et à cette diversité culturelle à laquelle
nous sommes tous tellement attachés. Vous les emmenez à l’ancien
Palace, rebaptisé le Club, où vous faites la connaissance de celle qui
deviendra votre épouse, et votre meilleure complice, Fabienne Vonier.

Vous leur faites découvrir Rocco et ses frères, de Luchino Visconti, Les
Sept samouraïs, d’Akira Kurosawa, ou encore Affreux, sales et méchants,
d’Ettore Scola.

Vos premières armes, vous les faites ainsi dans l’exploitation, aux côtés
également de Louis Malle, et de Michel Seydoux, qui défendent avec
vous le cinéma d’art et essai, la découverte des films étrangers en
version originale, l’exigence et l’audace dans la sélection des oeuvres.

Cette très belle expérience de transmission et de partage vous ouvre les
portes du Ministère de l’Education Nationale, où vous devenez conseiller
technique et pédagogique pour le cinéma. En 1981, vous rejoignez le
ministère de la Culture, en tant que chargé de mission pour la création
de l’Agence pour le Développement Régional du cinéma, une agence
dont nous saluons aujourd’hui l’oeuvre essentielle, en faveur de la
diffusion du septième art sur l’ensemble du territoire, mais aussi du
soutien à la pluralité des salles et à la diversité des oeuvres comme de
leurs publics.

Vous poursuivez ensuite votre carrière chez UGC, et, en tant que
Directeur de la région Rhône-Alpes, vous assumez la gestion, la
programmation et l’animation de quelque 60 salles de cinéma.

En 1986, vous entrez chez MK2, où vous dirigez les acquisitions, les
investissements et la programmation. Vous vous rapprochez des enjeux
de la production et de la distribution, pendant trois années
passionnantes, auprès de Marin Karmitz. Des années constellées de
magnifiques succès, parmi lesquels Au revoir les enfants de Louis Malle,
La vie est un long fleuve tranquille d’Étienne Chatiliez, Bagdad Café de
Percy Adlon, ou encore Chambre avec vue, de James Ivory. Cette
grande aventure, vous l’avez aussi vécue aux côtés de Claude Chabrol,
avec quelques très beaux succès en salles.

Fort de ces expériences très diverses, vous décidez de créer, avec votre
épouse, et en vous associant notamment avec Louis et Vincent Malle, et
Michel Seydoux, la société Pyramide, qui s’installe très vite dans le
paysage cinématographique français comme l’une des entreprises les
plus solides et les plus représentatives de la passion française pour la
diversité, pour la découverte et pour la qualité. Vous soutenez le cinéma
le plus exigeant, avec notamment Milou en mai de Louis Malle, J’ai
engagé un tueur d’Aki Kaurismaki, et Retour à Howards End de James
Ivory. Depuis, Pyramide a développé son activité, en particulier dans la
production, grâce au talent de Fabienne Vonier, à qui j’adresse à cette
occasion un chaleureux message d’amitié.

Nicolas Seydoux vous entraîne ensuite dans la programmation des
salles Gaumont pendant cinq ans. UGC, MK2, Gaumont. Que vous
restait-il encore à conquérir ?

Vous voilà en 1997 patron de Warner Bros. France. Cela fait donc
maintenant près de dix ans que vous présidez aux destinées de cette
grande entreprise américaine en France. Aux côtés, bien sûr, des films
produits par Warner, comme Le Prestige, de Christopher Nolan, en ce
moment dans les salles, ou Mémoires de nos pères, de Clint Eastwood,
mais aussi aux côtés de la production française, à laquelle vous croyez
et que vous avez toujours soutenue.

Cette volonté d’accompagner, au sein d’une major américaine, le
cinéma français, vous l’avez clairement manifestée, dès le début, à Richard Fox, qui vous a soutenu. Vous ranimez la filiale Productions et
Editions Cinématographiques Françaises, à qui l’on devait La Nuit
américaine, de François Truffaut, pour coproduire La classe de neige,
de Claude Miller.

S’ensuit une longue liste de succès, parmi lesquels Les Âmes grises,
d’Yves Angelo, Chouchou, de Merzak Allouache, Les Bronzés 3, de
Patrice Leconte, mais aussi, bien sûr, Un long dimanche de fiançailles,
de Jean-Pierre Jeunet, qui a connu l’immense succès que l’on sait.

Cette épopée exceptionnelle s’est poursuivie avec le succès du film
dans le monde entier, et en particulier aux États-Unis, mais aussi en
vidéo. Elle est le fruit de votre constante exigence et de votre grand
professionnalisme.

Votre parcours exemplaire est de nature à faire rêver de nombreux
professionnels du cinéma et à susciter bien des vocations, tant il est
riche d’aventures et de succès. Tant est constante, également, votre
volonté de défendre le cinéma de notre pays. C’est à cet engagement
sans faille que la France rend hommage aujourd’hui.

Francis Boespflug, au nom du Président de la République, et en vertu
des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons chevalier de la
Légion d’Honneur.