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Lancement du label « patrimoine européen » à l’Abbaye de Cluny (Saône-et-Loire)

Madame la Ministre, chère Isabel Pires de Lima,

Monsieur le Ministre, cher Giorgos Voulgarakis,

Messieurs les Ambassadeurs,

Monsieur le Maire, cher Robert Rolland,

Madame la Préfète, chère Anne Merloz,

Monsieur le Directeur, cher Jean-Luc Delpeuch,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis particulièrement heureux d'être avec vous en ce moment, dans ce
lieu capital de la culture européenne qui, aujourd'hui, assume pleinement le
rôle central qu'il a toujours joué dans l'histoire de notre continent. En
attribuant pour la première fois le Label « Patrimoine européen » à l'abbaye
de Cluny, nous avons conscience, en effet, de vivre un véritable
évènement, un événement historique, un événement qui, en tous les cas,
fera date dans l'histoire, souvent magnifique, et parfois difficile, de la
construction européenne.

A la suite des Rencontres pour l'Europe de la Culture, qui se sont
déroulées à Paris en mai 2005, nous avions formulé, avec les ministres
européens de la culture, plusieurs propositions : la première était
l'instauration de ce Label du Patrimoine Européen. C'est donc
l'aboutissement d'une réflexion et d'une décision communes que nous
vivons en ce moment d’émotion, et je remercie tout particulièrement M.
Giorgos Voulgarakis, ministre de la culture de la République hellénique, et
Madame Isabel Peres de Lima, ministre de la Culture du Portugal, d'avoir
accepté d'être à mes côtés aujourd'hui ! Leur présence est pour moi le
signe le plus fort de l'esprit de ce Label : en mettant en valeur des lieux
essentiels de notre histoire et de notre culture commune, nous voulons
faire comprendre au public le plus large la substance de l'esprit européen,
une sorte d'esprit de famille, dont les racines plongent au sein même des
fiertés nationales, qui sont légitimes et qu’il convient d’honorer.

L'abbaye de Cluny est un lieu particulièrement propice pour illustrer ce
dialogue, cet enrichissement culturel réciproque qui constitue notre premier
objectif. Par toute son histoire autant que par les projets qui y sont
développés maintenant, ce site est un lieu emblématique du Label
européen du patrimoine.

La fondation de l'abbaye de Cluny, donnée à douze moines bénédictins
par le duc d'Aquitaine Guillaume Ier le 11 septembre 910, entraîne la
naissance de l'ordre clunisien. Rattaché directement au Pape, dirigé par
des abbés choisis par les moines, qui se révèleront être des personnalités
exceptionnelles, Cluny rassemble rapidement d'autres abbayes sous sa
direction, en France, puis dans toute l'Europe. Fidèle à sa vocation, elle
demeure un lieu de prière, de travail et d'accueil : en des temps parfois
troublés, elle s'en tient à la règle bénédictine, qui fait obligation de
secourir les pauvres, les malades, les étrangers, les voyageurs, et d'offrir
à tous un droit d’asile inviolable. Sans doute ne mesurons-nous plus
aujourd’hui tout ce que pouvait représenter un tel lieu, foyer de culture,
d'esprit, d'ouverture et de paix : Cluny est une incarnation exceptionnelle
de la civilisation latine, moment fondateur dans la constitution de
l'humanisme européen.

Le rayonnement de l'abbaye s'est en effet étendu, pendant plusieurs
siècles, à tout le continent, déposant partout les ferments de ce qui
deviendra notre identité européenne.

Ce lieu exceptionnel, même amoindri par les destructions qu'il a subies,
porte en effet une part substantielle de l'identité européenne, de ses
racines, je dirais même, de son essence. Carrefour de la civilisation latine
pendant plusieurs siècles, centre de la recherche, du savoir, de la
réflexion, Cluny a contribué de manière significative à faire de l'Europe ce
qu'elle est aujourd'hui, à lui donner son unité culturelle, humaniste et
spirituelle – Cluny, pourrait-on dire, a contribué à faire de nous ce que
nous sommes aujourd'hui. Il est temps que l'Europe, enfin libérée des
vicissitudes de son histoire, se retourne sur les lieux, sur les voies, sur les
traces de sa lente maturation, pour ouvrir de nouveaux horizons à tous les
Européens d’aujourd’hui.

En créant ce label européen du patrimoine, nous souhaitons ouvrir la voie
d'une aventure commune, susciter chez les élus, les associations, les
spécialistes, les médias et tous les citoyens une véritable prise de
conscience, et une réflexion sur ce qui est proprement européen dans les
lieux, dans les territoires, dans les monuments et dans les fractions de la
mémoire qu’ils détiennent.

Le label "Patrimoine européen" sera attribué à des lieux très divers, dont
le point commun est le rôle particulier qu'ils ont joué dans l'histoire de
l'Europe et de sa construction progressive, étape après étape, siècle
après siècle, année après année. L'objectif est ambitieux, puisqu'il s'agit
d'illustrer cette histoire riche et complexe dans toutes ses dimensions,
politique, intellectuelle, religieuse, philosophique, artistique et culturelle.
Pour en offrir un aperçu le plus large possible, les ministres de la Culture
des pays de l'Union, qui décident à l'unanimité de la liste des sites
labellisés, retiennent des lieux extrêmement variés : ainsi, nos premiers
choix ont porté sur l'abbaye bénédictine où nous sommes, sur l'Acropole
d'Athènes, où nous serons ensemble lundi prochain, cher Giorgios
Voulgarakis, et le palais de Knossos, en Grèce, sur la Place du Capitole
en Italie, ou encore sur le Monastère royal de Yuste, en Espagne, où, en
ce moment même, notre collègue espagnole, Carmen Calvo, lance
également le Label. En France, deux autres sites ont été retenus : la
maison de Robert Schuman à Scy-Chazelles, et la Cour d’honneur de la Cité des papes à Avignon.

Des sites très différents viendront
prochainement enrichir cette liste : grands édifices, cafés, voies de
circulation, bâtiments témoins de l'histoire européenne, de l’histoire des
peuples d’Europe, de l’histoire du monde ouvrier, de l'agriculture ou de
l'artisanat, proposés par des pays que je souhaite toujours plus nombreux
à nous rejoindre dans cette démarche commune et transfrontière ; ainsi,
c'est une centaine de sites qui devraient être répertoriés d'ici le deuxième
semestre 2008.

Les acteurs de ces sites seront réunis afin de constituer un réseau
européen permettant de développer les échanges, d'améliorer l'accueil du
public et la visibilité de ces lieux pour les visiteurs européens et étrangers.

Ce réseau, n'en doutons pas, fera du patrimoine culturel l'un des éléments
essentiels du dialogue interculturel en Europe.

Vous êtes réunis ici autour d’un projet ambitieux. Il prend aujourd’hui une
dimension résolument européenne. Il mobilise, autour des archéologues,
des ingénieurs, des chercheurs, des architectes, des historiens et des
responsables d'institutions culturelles, de l’État, la municipalité, le conseil
général et le conseil régional. Je me réjouis de cette addition féconde des
énergies de tous, de voir que l'abbaye de Cluny, en redevenant un centre
de recherche et de réflexion, renoue d'une manière inattendue avec son
histoire, en attendant qu'elle retrouve le rayonnement qui fut le sien au
coeur de l'Europe médiévale !

Nous célébrons, dans quelques jours, le cinquantième anniversaire du
Traité de Rome ; je ne puis former de voeu plus important et plus
audacieux que celui de créer, grâce aux Labels européens du Patrimoine,
une nouvelle dynamique pour relancer, cinquante ans après son acte
fondateur, la construction de l'Europe. J'en ai l'intime conviction, partagée,
je le sais, par beaucoup d'entre vous : c'est de la culture que naîtra ce
nouvel élan si nécessaire ; c'est autour des valeurs essentielles incarnées
par ce haut lieu d'histoire qu'est Cluny, que s'achèvera l'unité européenne
qui nous rassemblera et nous stimulera pour affronter et relever avec
succès les défis de l'avenir.

Je vous remercie.

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