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Conférence de presse au Midem à Cannes

Monsieur le Député-Maire de Cannes, Cher Bernard Brochand,

Monsieur le Directeur Général, Cher Paul Zilk,

Madame la Directrice du MIDEM, Chère Dominique Le Guern,

Mesdames,Messieurs,

Je suis particulièrement heureux de vous retrouver à Cannes cette année.

Ce grand rendez-vous revêt en effet une particulière importance pour moi,
et pas seulement parce que c’est mon troisième Midem en tant que
ministre de la Culture et de la Communication ; pour nous tous, parce que
cette année, le monde de la musique et de la création se trouve à la
croisée des chemins, à l’ère numérique.

La musique est au coeur de notre culture, de notre patrimoine, de notre
identité, de notre création, de notre rayonnement dans le monde.

Défendre
la musique aujourd’hui, c’est donner un contenu concret à la diversité
culturelle que nous avons réussi à inscrire dans le droit international ; c’est
défendre notre culture.

La musique est immensément populaire, elle fait partie de notre vie
quotidienne ; c’est la pratique culturelle préférée des Français. Si l’appétit
et l’intérêt qu’elle suscite ne cessent de grandir, son marché, nous le
savons et c’est le paradoxe actuel, baisse.

De nouvelles stratégies apparaissent, dont il a largement été question lors
du « Midemnet », qu'il s’agisse de nouvelles offres par abonnements,
d’offres d’accès gratuit financées par la vente d’espaces publicitaires, ou
même de nouvelles offres de téléchargement sans DRM. Depuis trois ans,
ce sont ces nouvelles formules que je n’ai cessé d’appeler de mes voeux.

Elles voient le jour aujourd’hui et elles montreront, j’en suis convaincu, qu’il
n’y a pas de fatalité à la baisse du marché de la musique en France.

L’exemple d’autres pays le prouve. Oui, dans cette période de mutation, il
est plus que jamais nécessaire d’innover et d’expérimenter pour inventer
les modèles économiques de demain.

Plus les entreprises de ces secteurs sont fragiles, plus l'attention de l'Etat
doit demeurer constamment en éveil, pour protéger nos entreprises et leur
diversité, et je pense en particulier aux petites entreprises indépendantes.

Plus que jamais, la responsabilité de l'Etat est d'assurer le lien entre les
créateurs, les acteurs économiques de ce secteur et les aspirations du
public.

L’équilibre entre le développement des entreprises et les attentes des
publics doit être nourri d'intelligence, d'innovation et de courage. Il passe
par le développement de nouvelles offres dans le respect des droits des
créateurs. C’est cette impulsion que les pouvoirs publics ont voulu
donner, avec la signature dès 2004 de la charte « musique et internet »
puis le vote de la loi relative au droit d’auteur du 1er août 2006, qui établit
le cadre juridique nécessaire à cet équilibre.

Je ne suis pas de ceux dont le réflexe consiste coûte que coûte à
défendre l'existant et à refuser le changement. Il faut d'abord chercher à
tirer au mieux parti des opportunités nouvelles. Contrairement à ce que
d' aucuns disent, je pense que les acteurs de la filière musicale ont su
s'engager dans la voie du changement et l'Etat a su les accompagner.

J’ai pu faire adopter, avec l’appui du Parlement, un crédit d’impôt, afin
de favoriser le développement et le renouvellement de la production
musicale, en encourageant la production d'oeuvres de nouveaux talents
et d'artistes-interprètes ou de compositeurs européens de musiques
instrumentales. Il s’agit d’une mesure emblématique du nouveau rapport
entre les pouvoirs publics et l’industrie phonographique. Soutenir les
entreprises de production, c’est soutenir la création et sa diversité. Cela
passe par ce type de mesures structurantes.

Cette mesure fiscale en faveur de la production phonographique est
entrée en vigueur, avec un effet rétroactif au 1er janvier 2006. Le gain
attendu pour les entreprises en 2006 sera de l’ordre de 6 à 8 millions
d’euros.

Au titre de 2006, nous avons reçu environ 200 demandes d'agrément
qui émanent de nombreuses entreprises. Cela confirme l’intérêt de la
filière musicale pour cette mesure.

L'industrie musicale française, comme le cinéma ou le secteur de
l'édition, est largement caractérisée par l’indépendance. La journée
d'étude « indépendance, indépendants » que j’ai organisée le 10 janvier
dernier, rue de Valois, a plus que jamais démontré combien le soutien
aux indépendants est nécessaire, parce que les structures de
production sont par nature fragiles et les risques élevés.

Comme je m'y étais engagé lors du précédent Midem, j'ai créé en 2006
un Fonds d'avances remboursables pour les indépendants de la
musique, le FAIM, géré par l'Institut pour le Financement du Cinéma et
des Industries Culturelles (IFCIC). Il s'agit d'aider les entreprises à
consolider, voire développer leur organisation structurelle.

Ce fonds était doté d’un budget de 1,8 millions d’euros pour une période
de cinq ans. A l'issue de sa première année de fonctionnement, ce
fonds a déjà attribué un montant global d'avances de 1,4 millions
d'euros. Par son effet de levier, il aura ainsi contribué à la réalisation de
7,3 millions d'euros d'investissements nouveaux.

Pour poursuivre dans cette dynamique d'ores et déjà fructueuse, j'ai
décidé de réabonder le fonds de 500 000 euros fin 2006, puis à nouveau
de 500 000 euros au début de 2007, pour qu’il dispose de tous les moyens nécessaires et qu’il puisse pleinement répondre aux attentes
des entreprises indépendantes de la filière musicale.

Et je l’ai dit, l’innovation est la clé de l’avenir. Pour trouver de nouveaux
modes de financement, nous devons aussi innover.

C'est pourquoi, en 2007, je souhaite qu'une mission d'expertise soit
menée, afin de vérifier les conditions de mise en oeuvre de nouveaux
modes de financement, en particulier pour renforcer les fonds propres
des entreprises de ce secteur, notamment les plus indépendantes
d’entre elles. Je veux que soit lancée dans les prochains jours une
réflexion spécifique sur l'adaptation du mécanisme des SOFICA à
l’industrie phonographique. Le succès des Soficas dans le domaine du
cinéma, en particulier en 2006, devra inspirer et orienter cette mission.
La diversité de la création est la ligne directrice de mon action. Ainsi, j’ai
pérennisé les mécanismes d’aide aux projets du Fonds pour la création
musicale (FCM) en faveur de la production phonographique. Cet
organisme qui, comme le Bureau export, Francophonie diffusion,
associe les sociétés civiles d’auteurs, d’éditeurs, d’artistes interprètes, et
de producteurs, le ministère de la Culture et de la Communication, et le
ministère des Affaires étrangères, illustre la contribution de l'action
collective à l'enrichissement de la diversité musicale et l’apport très
important de la rémunération pour copie privée à la création culturelle.

La commission sur la copie privée a fixé, en juillet 2006, de nouveaux
barèmes, afin de tenir compte des nouveaux supports d'enregistrement
et en particulier des hautes capacités. Cela devrait apporter des moyens
nouveaux au service de la création artistique et de la diversité culturelle.

C’est tout le sens de mon engagement pour préserver, dans le cadre de
l’élaboration de la loi relative au droit d’auteur et au-delà, cet équilibre
vertueux, entre l’exception pour copie privée, à laquelle les
consommateurs sont très attachés, et la rémunération pour copie privée,
qui bénéficie aux créateurs et à l’action culturelle.

Vous le savez, la direction générale du marché intérieur de la
Commission européenne avait entrepris de réformer les régimes de
rémunération pour copie privée, réforme qui aurait pu aboutir à leur
disparition.

Le gouvernement français s’est très fortement mobilisé, aux côtés des
artistes, des créateurs et des coalitions européennes pour la diversité
culturelle, et avec le soutien de la plupart des Etats membres, pour
demander que cette réforme ne soit pas adoptée en l’état et qu’elle
fasse l’objet d’une réelle concertation. J’ai moi-même écrit à plusieurs
commissaires européens et fait inscrire ce sujet au Conseil des
ministres européens de la culture du 13 novembre dernier. Le Premier
ministre, Dominique de Villepin, a également saisi M. Barroso, président
de la commission européenne, qui a finalement décidé de reporter sine
die l'adoption de cette recommandation. Je crois que c'est déjà là une
belle victoire.

Cette position française très claire est le résultat direct du vote par notre
Parlement de la loi du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux
droits voisins. Cette loi définit le cadre précis de cet équilibre, garantit la copie privée avec la création de l’Autorité de régulation des mesures
techniques, et préserve la rémunération pour copie privée, tout en
l’adaptant à la société de l’information.

La loi apporte plusieurs mesures nouvelles visant à protéger les droits
des créateurs et à permettre la modernisation de la distribution des
oeuvres. La France l’a transposée tardivement. Il fallait avoir le courage
de le faire. J’ai créé les conditions pour que l’offre légale se développe
dans notre pays, avec un décalage dû au retard que je viens d’évoquer !

Aujourd’hui, cette offre existe et les sociétés de production et de
distribution de musique essaient de rivaliser d’inventivité pour la rendre
attractive. La situation a donc beaucoup changé, en moins d’un an.

Par ailleurs il faut se garder des amalgames : nous savons tous que
ceux qui téléchargent illégalement le font aussi légalement et achètent
des CD…

La loi crée un cadre juridique pour les mesures techniques de gestion
des droits.

Je souhaite ici répondre à ceux qui s'interrogent peut-être sur la
pertinence de ces dispositions au regard du lancement récent par des
plates-formes françaises d'offres de téléchargement de musique sans
mesures techniques de protection. En effet, mon objectif stratégique a
toujours été de favoriser une offre diversifiée avec des modèles
économiques différenciés. Certains modèles ne paraissent pas
pouvoir être envisagés sans mesures techniques : je pense en
particulier aux offres de location, qui sont les plus courantes pour
la vidéo à la demande, ou même aux offres d'abonnement. Malgré
les caricatures, j'ai toujours dit clairement que la loi ne rendait pas
obligatoires les mesures techniques, mais qu'il appartenait aux
titulaires de droit de choisir de mettre ou de ne pas mettre en place
ces mesures techniques, selon le modèle économique qu'ils
veulent bâtir. C'est donc à eux qu'il appartient de faire ce choix.

La loi crée également des dispositions visant à lutter contre les pirates
qui organisent les atteintes aux droits des créateurs, à la fois sur le plan
pénal et civil. La France, par cette loi, est le premier pays à se doter
d’une législation aussi claire, qui pourra jouer un rôle dissuasif et
inciter les acteurs des nouvelles technologies à respecter les droits
des créateurs. Les sanctions visent prioritairement ceux qui se font
de l’argent sur le dos des internautes.

Le travail réglementaire d’application de la loi se poursuit de
manière intense :
Le décret d'application concernant la répression pénale de certaines
atteintes portées au droit d'auteur et aux droits voisins ( il s’agit du
contournement des mesures techniques de protection) a été publié dès
la fin de l'année 2006.

D'autres décrets sont en cours d'élaboration, je pense notamment au
décret relatif à l'autorité de régulation des mesures techniques, chargée
de garantir la copie privée et de favoriser l'interopérabilité des mesures
techniques de protection et d'information, qui est en cours de transmission au Conseil d'Etat. Il s’agit aussi du décret concernant les
messages de sensibilisation dont les principaux axes sont définis.

Une circulaire de politique pénale a été diffusée par le garde des sceaux
pour permettre aux parquets d'appliquer ces dispositions, afin de définir
une gradation des sanctions, comme je l'avais annoncé l'été dernier : le
téléchargement sera puni d'amendes et les peines plus graves seront
réservées à ceux qui organisent les atteintes aux droits des créateurs.

Ces dispositions complètent le travail mené dans le cadre de la charte
d’engagements communs pour la lutte contre la piraterie et pour le
développement des offres légales de musique en ligne signée dès 2004,
sous l’égide du Gouvernement, entre les fournisseurs d’accès à internet,
les auteurs et producteurs de musique. Nous avons pu mener des
campagnes de sensibilisation destinées aux internautes et des
opérations de promotion du téléchargement légal.

Je souhaite que le dialogue qui s’est noué entre les fournisseurs
d’accès à Internet et la musique s’intensifie encore et je réunirais
l’ensemble des acteurs intéressés dans les prochaines semaines.

Les contenus culturels, la musique en particulier, ajoutent de la valeur
aux flux d’images et d’informations véhiculés par Internet. Cela justifie à
mes yeux un dialogue permanent afin que la création ne soit pas lésée.

Nous avons, grâce à l'Observatoire de la musique, réalisé un suivi
attentif du développement de l'offre légale, passée de 300 000 titres
disponibles sur les plates-formes en ligne en 2004 à plus d’un million
aujourd'hui. Je souhaite saluer ces efforts, en soulignant la nécessité de
renforcer encore l'éditorialisation, les services associés offerts aux
internautes ou la mise en valeur de certains répertoires spécifiques,
comme cela a été le cas pour la musique classique, qui a fait l'objet d'un
travail remarquable.

Avec le développement de la consommation dématérialisée de la
musique, le marché de la musique est devenu mondial. La France, si
elle n' y prend garde, risque, de se trouver réduite à un simple marché
local. Le défi du numérique passe inévitablement par la présence des
biens culturels dématérialisés, en particulier de la musique, dans les
réseaux mondiaux de diffusion.

Le Bureau export de la musique française, dont je salue l'action, a
permis de développer la présence des productions françaises de
musiques actuelles comme des répertoires classiques dans le monde
avec beaucoup de succès. Je souhaite qu'il puisse être aussi l'outil du
développement des productions françaises dans les nouveaux réseaux.

Dans le domaine des médias, l'amélioration de l'exposition la diversité
musicale demeure un axe majeur de la politique de mon ministère.

Dans le cadre de l’examen prochain du projet de loi relatif à la télévision
du futur, je souhaite que les vidéomusiques puissent être incluses dans
le quota d’obligation de diffusion d’oeuvres patrimoniales. Cette
disposition, dont je sais qu'elle sera particulièrement soutenue par
certains parlementaires, devrait avoir pour effet de contribuer à une meilleure diffusion de ce type de programmes et soutenir la promotion
des oeuvres musicales.

Dans les mois à venir, je serai particulièrement attentif à ce que, dans le
cadre de la renégociation des contrats d'objectifs et de moyens de
France Télévisions, un certain nombre de propositions visant à
améliorer l'exposition de la diversité des oeuvres et des artistes soient
prises en compte. Je souhaite insérer dans les cahiers des missions et
des charges de France Télévisions des dispositions de nature à rendre
plus attractive la diffusion du spectacle vivant à des heures de plus large
écoute.

Sur l'exposition de la diversité musicale à la radio, les indicateurs de la
diversité sont en légère amélioration, même si des efforts doivent encore
être faits, puisque 2.67% des titres totalisent 76,1% des diffusions. J'ai
renouvelé mon souhait que dans le cadre de la redistribution des
fréquences, le CSA tienne compte des efforts des opérateurs de
radiodiffusion en faveur de la diversité musicale.

Le service public de la radio et les radios associatives doivent aussi
contribuer à l'exposition de la diversité musicale..

La signature du contrat d'objectifs et de moyens de Radio France, le 21
décembre 2006, permet de créer un cadre spécifique à la diffusion de la
diversité musicale, en particulier indépendante, sur les antennes du
groupe. Ice contrat pose ainsi les bases d'une nouvelle collaboration.

J'ai créé une aide spécifique en faveur d'une centaine de radios
associatives, afin de leur permettre de s'affilier à un service d'envoi de
titres numérisés. Ces radios, qui sont aussi des acteurs de la diversité
musicale, bénéficient maintenant de la même offre de titres que les
grands réseaux privés.

Le gouvernement a engagé une profonde rénovation de la politique de
l’emploi culturel. La mise en place de cette politique cohérente de
l’emploi culturel nécessite une implication forte des partenaires sociaux.

C’est à eux qu’il appartient d’abord de définir les conditions de travail et
d’emploi et leur mode de régulation, et c’est tout l’enjeu de la
structuration du champ des conventions collectives.

Dans le domaine de l’industrie phonographique, il était indispensable de
garantir au plus vite une couverture conventionnelle, pour améliorer les
conditions de travail et d’emploi des salariés et des artistes interprètes.

Cette négociation a aujourd'hui beaucoup avancé et s'inscrit pleinement
dans la dynamique engagée.

Hier, se tenait une réunion informelle des ministres de la culture
européens présidée par le Commissaire européen en charge de
l'éducation, de la formation, de la culture et du multilinguisme, Jan
FIGEL, afin d’évoquer l’ensemble des sujets relatifs à la musique et aux
industries culturelles non audiovisuelles. Cette réunion est devenue un
véritable rendez-vous, nécessaire à tous. Alors qu’aucun programme
européen n’est dédié aux industries culturelles non audiovisuelles, j'ai
défendu avec succès qu'elles soient prises en compte dans les objectifs du nouveau programme Culture 2007, qui sera en vigueur de 2007 à
2013.

Au moment où la Convention sur la protection et la promotion de la
diversité des expressions culturelles vient d’être ratifiée par la
Communauté Européenne et d’Etats membres, dont la France, pour lui
permettre d'entrer en vigueur le 18 mars prochain, ce qui est une grande
victoire pour la diversité culturelle, il est essentiel de nous donner les
moyens de favoriser la création musicale, d’ouvrir accès au plus grand
nombre dans le respect des droits des créateurs, et d'accompagner la
modernisation de notre filière musicale.

Tel est le véritable enjeu du passage à l'immatériel qui est notre capital
d’avenir, celui de la musique, celui de la culture et des oeuvres de l’esprit
à l’ère numérique.

Je vous remercie.

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