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Inauguration de Villette Numérique

Mesdames et messieurs,

En parcourant ce soir les expositions de Villette Numérique, j’ai été frappé par la richesse et
la diversité des oeuvres ici rassemblées. Créations sonores et visuelles, objets réels ou
virtuels, les diverses formes d’art communiquent entre elles et sont rassemblées ici sur le
thème du numérique.

Le numérique est en effet un nouvel outil au service de l’ouverture et du décloisonnement,
une passerelle entre les diverses formes d’art, qui permet de créer des « objets nouveaux ».

Les frontières deviennent floues entre le réel et le virtuel, entre l’oeuvre et son public,
puisque l’on voit même certaines oeuvres interactives se saisir de leur public pour se
transformer.

De nouveaux genres sont ainsi apparus, qui seront explorés dans le cadre de Villette
Numérique : musique électronique, spectacle vivant multimédia, film d’animation et images
de synthèse, jeu vidéo et oeuvres multimédia. Abordés à leurs débuts sous un angle
technique, tous ces genres dépassent progressivement ce stade pour prendre toute leur
place dans notre culture et investir l’imaginaire et les pratiques culturelles de nos
concitoyens.

Le numérique est une nouvelle passerelle entre les créateurs et leur public, parce que les
réseaux permettent désormais à des artistes de rendre leurs oeuvres accessibles au monde
entier. En cela, il contribue à la nécessité, à laquelle je suis très attaché, d’accroître la
diffusion et l’accessibilité de la culture à tous, parce que je crois que la culture est un
ingrédient essentiel à l’identité et à la cohésion de notre société, et donc à la citoyenneté.

Je veux ainsi revendiquer pour la culture sa place sur les réseaux. Le développement rapide
de l’accès aux réseaux à haut-débit dans notre pays ne doit pas être une fin en soi, il doit
notamment servir la diffusion de la culture, dans le respect des créateurs. Il appartient ainsi à
tous les acteurs culturels, et au premier chef le ministère de la culture et de la
communication, de se mobiliser pour occuper ce nouvel espace.

Cela vaut tout autant pour la création nouvelle que pour notre patrimoine. La richesse de ce
dernier était à l’honneur voici quelques jours, lors des Journées Européennes du Patrimoine,
pendant lesquelles nos concitoyens ont pu avoir accès à plus de 17 000 sites ou animations
qui leur ont été ouverts.

Le numérique doit désormais permettre au patrimoine de venir chez vous !

La numérisation du patrimoine n’est pas une fin en soi : au-delà de la sauvegarde de ce qui
est notre mémoire, elle doit aussi faciliter son accès à tous. D’abord virtuelle, la découverte
de cette richesse doit inciter chacun à aller la vivre dans le monde réel.

Création numérique, accès à la culture, numérisation du patrimoine, le numérique représente
ainsi des enjeux forts pour la culture, qui appellent à une mobilisation des acteurs culturels.

Mon ministère doit y jouer tout son rôle. C’est pourquoi je souhaite dès à présent engager les
chantiers numériques, véritable feuille de route de l’action de mon ministère et de ses
établissements publics.

J’identifie sur cette feuille de route dix chantiers prioritaires, qui correspondent aux
principaux enjeux dans les trois domaines que j’ai évoqués.

Le premier axe de cette politique concerne le soutien à la création numérique :

1. Le ministère poursuivra le dispositif de soutien à la création multimédia, le Dicréam, tout
en engageant une réforme visant à mieux associer les artistes à ses travaux, mieux valoriser
et diffuser les oeuvres sélectionnées, mieux cibler le soutien à quelques manifestations
d’envergure et favoriser les liens avec des résidences ou centres d’arts. Le ministère
amplifiera l’action de diffusion de la création numérique entreprise avec Villette Numérique. A
l’occasion de ma visite en Chine à la mi-octobre, pour lancer l’année de la France en Chine,
j’inaugurerai ainsi à Shanghai un festival pluridisciplinaire qui rassemble la jeune scène
électronique et numérique française.

2. Je souhaite aussi montrer que de nouvelles formes d’oeuvres multimédia, tel le jeu vidéo,
ont droit de cité au ministère de la culture et de la communication. Le ministère a engagé
depuis deux ans, via le CNC, une politique de soutien à ce secteur avec le Fonds d’Aide à
l’Edition Multimédia (FAEM), dont les meilleurs projets feront bientôt l’objet d’une
présentation. Ce dispositif sera reconduit, en menant une réflexion sur l’évolution du soutien
à ce secteur très exposé à la concurrence internationale.

Le deuxième axe de cette politique en faveur du numérique concerne la diffusion de la
culture, pour permettre son accès au plus grand nombre.

3. Le portail Culture.fr, lancé par le ministère en 2003, connaît un véritable succès, puisqu’il
attire plus de 12 000 visiteurs par jour, ce qui montre qu’il correspond à une véritable attente
du public en matière d’accès à la culture. Le portail devra franchir une nouvelle étape de son
développement, pour devenir un véritable outil de travail coopératif, notamment avec les
collectivités, avec l’objectif d’unifier et de simplifier l’accès aux bases de données du
ministère et de doubler le nombre d’événements culturels recensé dans l’agenda. Il devra
également devenir le moteur de recherche de référence du domaine culturel.

4. Lorsqu’il s’agit d’oeuvres protégées, l’accès à la culture doit se faire dans le respect du
droit d’auteur. C’est pourquoi je souhaite promouvoir la négociation contractuelle pour
autoriser l’exploitation des oeuvres sur Internet contre une rémunération adaptée. C’est un
axe important de mon plan de lutte contre la piraterie, avec la charte « Musique et Internet »
qui vise notamment à favoriser l’émergence de services de téléchargement légal de
musique. Une démarche similaire est en cours dans le domaine du cinéma. Le ministère va
contribuer à bâtir des accords pour développer de nouveaux usages en ligne par l’éducation
nationale et les bibliothèques (dans le cadre de la mission Stasse).

5. L’année 2005 verra le démarrage de la Télévision Numérique de Terre, c’est à dire la
télévision en qualité numérique, avec plus de chaînes, reçue par l’antenne télé habituelle,
pour autant que l’on s’équipe d’un décodeur spécifique dont le prix sera accessible à tous.

Le ministère devra participer, aux côtés du CSA, aux efforts de pédagogie nécessaires pour
que chacun de nos concitoyens sache comment bénéficier de cette nouvelle offre et ce
qu’elle lui apporte.

6. Le réseau de Recherche et d’Innovation en Audiovisuel et Multimédia RIAM, que finance
le ministère, sera relancé en 2005. Ce réseau, auxquels sont associés les ministères
chargés de l’industrie et de la recherche, ainsi que les professionnels, vise à soutenir les
projets de recherche partenariale dans le domaine de l’audiovisuel et du multimédia.

Le troisième axe de cette politique concerne la numérisation du patrimoine, dans le souci de
permettre sa sauvegarde mais aussi de favoriser son accès à tous :

7. Le chantier le plus urgent concerne la numérisation des archives audiovisuelles de l’INA,
car les supports utilisés se dégradent très vite (c’est ce qu’on appelle le syndrome du
vinaigre). Le budget de l’INA, que j’annoncerai demain, sera significativement augmenté
pour permettre de quasiment doubler le rythme de numérisation des archives, rattraper le
processus de dégradation et éviter la perte irrémédiable de cette mémoire audiovisuelle.

Cette numérisation doit également s’accompagner de la préfiguration d’un service de type «
vidéo à la demande » permettant l’accès de tous à cette mémoire collective.

8. La Bibliothèque Nationale de France développera la numérisation de ses fonds d’images
et de sons. Cet effort doit s’organiser selon une véritable stratégie concertée, définie dans la
charte documentaire de la BNF, afin de cibler les fonds prioritaires et d’assurer la cohérence
du patrimoine numérisé. A titre d’exemple, la BNF va numériser la collection du Bulletin des
lois, récemment donnée par l’ENA à la BNF et qui est notre mémoire républicaine. La
plateforme technique de la BNF sera renforcée, afin d’augmenter sa capacité de mémoire
mais aussi d’accélérer l’accès à sa bibliothèque numérique en ligne Gallica. La BNF
développera également une politique de partenariats, afin de mutualiser les catalogues avec
d’autres bibliothèques et d’en faciliter l’accès.

9. Plus largement, l’ensemble du ministère développera son effort de numérisation. Face à
l’ampleur de la tâche, notre stratégie est claire : cibler les documents selon leur intérêt ou
leur fragilité et accentuer la diffusion de ce patrimoine numérisé. A titre d’exemple, le
magnifique fonds des enluminures, qui permet l’accès via Internet à 14 000 photos, devrait
parvenir à 80 000 à la fin de l’année. Cet effort n’oubliera pas le patrimoine contemporain,
puisque le Fonds National d’Art Contemporain va numériser sa collection d’oeuvres vidéo, ni
les archives, notamment les témoignages oraux recueillis par la Fondation pour la Mémoire
de la Déportation.

10. Je suis particulièrement attaché à l’archivage du web, car c’est la mémoire d’une époque
que l’on sauvegarde. D’ores et déjà des expérimentations ont eu lieu, ciblant notamment les
sites politiques ou d’information, et devront être développées pour explorer de nouveaux
domaines, comme les « weblogs », ces journaux personnels sur le web. Cette préparation
est nécessaire afin de permettre une mise en place effective du dépôt légal le plus
rapidement possible après le vote de la loi sur le droit d’auteur.

L’ensemble de ces dix chantiers définissent le plan de marche du ministère dans le domaine
du numérique. Ces efforts doivent contribuer à donner à la culture toute sa place dans
l’univers des technologies numériques. Cette démarche volontaire, tournée vers les publics,
équilibrant soutien à la création et sauvegarde de la mémoire collective, est à l’image de la
politique que je veux mener dans ce ministère.

Je vous remercie.

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