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Inauguration de la Maison de la Culture de Grenoble

Madame la Ministre,

Messieurs les Ministres,

Monsieur le Député-Maire,

Mesdames et Messieurs les élus,

Mesdames et Messieurs,

Chers amis,

C’est un grand honneur pour moi, de marcher après vous dans les pas de mon illustre
prédécesseur, le créateur du ministère dont j’ai aujourd’hui la charge et des Maisons de la
culture.

Oui, ce soir, à Grenoble, une nouvelle Maison renaît, à la rencontre de la culture
d’aujourd’hui et de l’Histoire.

Ce lieu est un lieu mythique, surgi d’un rêve, d’une vision prophétique d’André Malraux,
d’une promesse, que l’on a pu qualifier d’utopique lorsqu’elle fut formulée la première fois.

L’utopie est sortie de terre, le rêve s’est construit, les artistes et le public ont au fil du temps,
transformé le songe en succès.

Je tiens à rappeler les dimensions de ce succès qui nous rassemble aujourd’hui pour un
nouveau départ, une nouvelle génération, une nouvelle énergie (un physicien génial dirait : « e = mc2 »). Un succès architectural d’abord qui prolonge le geste initial, et nos pensées vont
ce soir vers le premier architecte qui a créé ce lieu, André Wogensky, malheureusement
décédé cet été. Il avait fait partie du jury qui a choisi l’architecte de cette rénovation, Antoine
Stinco auquel je tiens à rendre hommage.

Il s’agit à dire vrai plus que d’une rénovation : une renaissance. Et je tiens à dire tout ce
qu’elle doit à l’engagement d’Edouard Balladur et de Jacques Toubon.

Cette Maison de la deuxième génération met à nouveau en pleine lumière ce bâtiment, mais
aussi le projet qu’il porte, le rayonnement qu’il permet, les hommes et les femmes qui
l’animent et celles et ceux, vous tous, à qui il est destiné.

Car ce lieu est un lieu vivant. Et si Baudelaire a dit que la forme d’une ville change plus vite
que le coeur d’un mortel, nous assistons ici à une métamorphose. Au nouvel état d’un même
être vivant, où bat un coeur, où souffle un esprit, où les âmes vibrent à l’unisson.

Cette métamorphose ne rend pas seulement cette maison plus belle, plus grande, plus
claire. Elle diffuse une lumière nouvelle. Celle-ci n’est pas surgie brutalement de l’ombre,
dont aucune frontière ne la sépare. Elle est faite de toutes les couleurs du spectre de celles
qui l’ont précédée ici même. Et elle est plus rayonnante encore, pour cette raison même.

Parce qu’aux hommes et aux femmes qu’elle réunit, elle propose non seulement une
alternative aux « usines à rêves », mais un lieu d’assemblage de leurs propres songes et de
leurs projets, dans la confrontation et la rencontre avec ceux des créateurs et des artistes.

Car ce lieu, pensé à l’origine comme une moderne cathédrale n’est pas un sanctuaire ni un
lieu de culte, mais un lieu de culture au sens où nous l’entendons aujourd’hui, c’est-à-dire un
lieu où l’oeuvre est non seulement accessible ou à la portée de tous, un lieu où la distance
même qui séparait hier l’oeuvre et son public est abolie.

C’est la deuxième dimension du succès. Ce que l’on a appelé la « démocratisation culturelle
», cette « culture pour chacun », elle s’épanouira ici. Grâce à tous ceux qui ont conjugué
leurs efforts pour faire aboutir ce projet et lui donner un élan nouveau. De liberté.

D’indépendance. De création. De générosité.

On sait, à Grenoble, l’une des rares cités « compagnon de la Libération », qui s’est retrouvée
tout au long de l’Histoire au carrefour des civilisations européennes, dans la violence comme
dans la fécondité de leurs confrontations, quel est le prix de la liberté de l’esprit.

Lorsqu’il fallut fêter le premier anniversaire de la Libération, c’est par une pièce de Luigi
Ciccione, intitulée Un peuple se retrouve, et qui rassembla 40 000 spectateurs, que cela se
fit.

Et je n’oublie pas que c’est à Grenoble, au sortir de la seconde guerre mondiale, que Jean
Dasté décida, parmi les premiers, d’implanter une troupe permanente. Ayons ce soir une
pensée pour ce grand pionnier de la décentralisation dramatique qui aurait eu cent ans
demain.

C’est à Grenoble que dès sa création, la Maison de la culture attira les plus grands talents :
Maurice Béjart, Pierre Henry, Michel Butor, Beckett, Le Corbusier, Giorgio Strehler ou Ariane
Mnouchkine.

C’est à Grenoble que les passionnés et les militants de la culture vinrent éprouver leurs
idées au contact du réel et de la création.

Je ne peux citer tous ces pionniers qui frayèrent les chemins des possibles de la culture. Je
tiens à citer Catherine Tasca qui vint ici faire ses premières armes en succédant à Didier
Béraud.

Je veux évoquer aussi Henri Lhong, Bernard Gilman qui fit admettre que toute la culture
d’une cité ne pouvait plus se concentrer entre ces seuls murs, si prestigieux soient-ils.

C’est ici aussi que se trouvent les racines de Georges Lavaudant, l’actuel directeur du
Théâtre National de l’Odéon, dont les portes rouvriront bientôt, non pas sur la rue Paul
Claudel, qui est celle de cette maison, mais sur la Place Paul Claudel à Paris. Georges
Lavaudant qui commença au Rio, un petit théâtre dont je sais, Monsieur le Député-Maire,
que vous suivez avec attention le renouveau du projet artistique.

C’est à Grenoble que Roger Caracache voulut « recharger la Maison d’une nouvelle utopie
».

C’est à Grenoble enfin que Jean-Claude Gallotta, Laurent Pelly et Marc Minkowski
échafaudent leurs projets, répètent et créent des oeuvres qui feront ensuite le tour de France
et parfois du monde.

Et si vous me permettez cette confidence, il me coûte d’attendre que La Grande Duchesse
de Gerolstein vienne à Paris, dans le spectacle que le Châtelet accueillera après Grenoble.

Spectacle qui est le fruit de la collaboration entre le centre dramatique national, le centre
chorégraphique national et l’orchestre en résidence.

Cet exemple parmi tant d’autres montre à quel point l’ambition initiale des créateurs de cette
Maison est atteinte, et même bien au-delà. Il ne s’agit plus, selon les mots prononcés ici
même par André Malraux, que « ce qui se passe d’essentiel à Paris » se passe « en même
temps » à Grenoble.

Il s’agit bien aujourd’hui que ce qui se passe d’abord à Grenoble, en termes de création et de
diffusion culturelle, puisse aussi, et je l’espère le plus vite possible, se passer à Paris, puis
en Europe et dans le monde.

Geste architectural exceptionnel, symbole d’une démocratisation culturelle en marche, cette
maison est exemplaire aussi du meilleur de la décentralisation culturelle. Ici, l’engagement
ancien conjoint de l’Etat et des collectivités territoriales, permet de proposer le plus haut
niveau d’exigence artistique à la portée de tous.

Oui, ici l’Etat est présent, tutelle et partenaire, pour bâtir, de concert avec les collectivités, au
premier rang desquelles la ville, un foyer de rayonnement universel de la culture, aux
antipodes de ce que l’on appelait encore en 1968, d’un mot « hideux », « l’esprit de province
».

Car c’est à Grenoble, précisément, que, pour la première fois, en un même lieu, sont réunis
un centre dramatique national, un centre chorégraphique national et un orchestre en
résidence.

Je sais, bien sûr, que cette expérience magnifique ne réussira pas sans le soutien affirmé de
l’Etat et je suis venu vous dire, Monsieur le Président, Monsieur le Directeur, que vous
pouvez compter sur lui, aujourd’hui comme au lancement de ce beau projet.

Je sais ce que cette expérience a d’unique.

Une expérience unique en France, qui ne doit pas nous faire oublier que le réseau des
établissements culturels de notre pays est très diversifié et riche d’une histoire chaque fois
singulière.

Fier de voir cette Maison permettre à des artistes, différents et complémentaires, de créer en
toute indépendance des oeuvres qui rencontreront, je l’espère, toujours plus de spectateurs,
je veux vous faire partager mon désir le plus vif : que les murs parfois dressés entre les
métiers du spectacle vivant et les autres secteurs de la société s’abattent, comme se sont ici
abattues les frontières entre musique, danse et théâtre, dans l’acceptation de leurs
différences et dans le respect des missions que chaque structure s’est vue confier par l’Etat
et les collectivités territoriales.

Ce décloisonnement que vous allez réussir ici, est exemplaire de la nouvelle ambition que le
gouvernement entend donner aujourd’hui à la politique culturelle. Cette nouvelle ambition est
fondée sur l’alliance du patrimoine, cet indivisible héritage que nous avons en partage, et de
la création.

Oui, l’alliance est non seulement possible entre la fierté de l’histoire, du patrimoine, de la
culture et le souci de la création contemporaine la plus novatrice. Elle est féconde. Rare.

Prometteuse. Porteuse non seulement d’émotions esthétiques, mais d’espoirs concrets
d’activités, de richesses et d’aventures spirituelles à partager. Dans des lieux d’exception,
comme ici, mais aussi dans tous les lieux de proximité qui font la richesse et l’attrait de nos
territoires.

Ce lieu est né dans une sorte d’embrasement lyrique.

Il renaît aujourd’hui, métamorphosé, avec cette nouvelle promesse, en laquelle je crois, et
que je vous invite à faire advenir tous ensemble, tandis que résonnent toujours les mots
immémoriaux de la petite princesse thébaine vêtue de noir, aux pieds de l’Acropole : « je ne
suis pas venue sur la terre pour partager la haine, mais pour partager l’amour ».

Je vous remercie.

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