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Colloque écrans pâles

COLLOQUE ECRANS PALES

Allocution de Renaud Donnedieu de Vabres

Ministre de la Culture et de la Communication

Lundi 26 avril 2004

Madame la Présidente,

Messieurs les Présidents,

Mesdames, Messieurs,

Je suis heureux de vous retrouver, à I'lnstitut du monde arabe, en ce lieu
exemplaire de l'ouverture et du dialogue des cultures si nécessaires à notre
temps, au coeur de cette journée de réflexion sur un sujet auquel, je vous le dit
d'emblée, j'attache, en tant que ministre de la culture et de la communication, une
très grande importance, particulièrement dans le contexte de violence
nationale et internationale que nous vivons. J'ai coutume de dire que nous
vivons une époque moyenâgeuse : confrontés à un chaudron qui peut exploser
à tout moment, des fagots sont jetés et peuvent à tout moment exploser.

Je tiens à adresser mes remerciements aux organisateurs, Blandine Kriegel,
Présidente du Haut conseil à l'intégration, Denis Bauchard, notre hôte, Président de
I'lnstitut du monde arabe, Dominique Baudis, Président du CSA, et Olivier Rousselle,
directeur général du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre
les discriminations, pour avoir réuni ici tous ceux qui peuvent et doivent agir
pour faire bouger les choses.

C'est ce qui fait la force de cette journée et c'est bien pourquoi je compte beaucoup
sur vos travaux, dont je me tiens étroitement informé.

Ce colloque est en effet une première.
Je tiens à féliciter tout particulièrement Dominique Baudis, d'avoir pris l'initiative de
rassembler, celles et ceux qui feront, j'en suis convaincu, progresser notre réflexion à
tous : autorité de régulation, haut conseil, fonds d'action et de soutien, mais aussi,
bien sûr, en première ligne, les hauts responsables des chaînes de télévision, et tous
les acteurs opérationnels, qu'ils soient animateurs, producteurs, journalistes, mais
aussi comédiens, entrepreneurs, responsables des associations qui se mobilisent
pour que nos écrans soient moins pâles, pour qu'ils prennent des couleurs,
tout simplement les couleurs de la société française d'aujourd'hui : une société
riche de la diversité de ses talents, de la diversité des identités, des racines, des
origines géographiques et sociales, et des traditions qui la composent.
Bref, une diversité féconde, car elle exprime avant tout ce qui rassemble et non pas
ce qui divise :

– une diversité qui unit plus qu'elle sépare, qui propose plus qu'elle n'oppose ;
– une diversité fondée sur le respect, la tolérance, la connaissance autant que
sur la reconnaissance ;
– une diversité qui est gage de richesse et d'unité de notre République ;

Une société qui exclut, qui additionne les communautarismes est une société
qui meurt, recroquevillée sur les replis identitaires.
S'il y a une valeur à laquelle je suis particulièrement sensible, c'est l'amitié. Je
constate avec plaisir que je compte de nombreux amis dans la salle.

Mais permettez-moi de rendre un hommage personnel à l'un d'entre eux, un
hommage particulier, car c'est un ami qui incarne vraiment, par son parcours, cette
vision chaleureuse de la société française que nous partageons et qui agit pour la
faire prévaloir. C'est l'inventeur de la formule « écrans pâles », titre d'une tribune
publiée récemment. Vous l'aurez reconnu, il s'agit de notre ami Zaïr Kedadouche,
Zaïr « le gaulois », comme il se définit lui-même.

Oui, Zaïr, tu as raison : « vivre ensemble avec nos différences, c'est faire chacun un
effort et se tendre la main », je reprends volontiers ces propos qui sont les tiens à
mon compte.

Oui, la télévision doit montrer l'exemple.

Oui, c'est une vraie responsabilité des chaînes.

Et c'est, en particulier, une responsabilité du senrice public.

La télévision doit montrer l'exemple.
Notre société souffre de multiples fractures et de multiples violences, visibles et
invisibles. C'est pourquoi l'action en faveur de la cohésion sociale est, plus que
jamais, une ardente obligation qui incombe à chacun d'entre nous.

Dans une société individualiste, marquée par le repli et les crispations, la télévision
tient parfois lieu de lien social.
Le creuset républicain passe aussi par le citoyen-téléspectateur, donc par
l'expression, à la télévision, de la diversité de notre société.

C'est une vraie responsabilité des chaînes.
Les modifications introduites dans les conventions passées avec l'ensemble des
diffuseurs disposent clairement que l'ensemble des chaînes doivent « promouvoir
les valeurs d'intégration et de solidarité qui sont celles de la République ». Elle
doivent aussi «prendre en compte dans la représentation à I'antenne la
diversité des origines et des cultures de la communauté nationale ».
L'objectif est donc clair et les temps ont changé :
– Le temps est bien révolu où des responsables de chaînes ou de programmes
craignaient que la présence à I'antenne de journalistes ou de présentateurs de
couleur ait pour effet de réduire l'audience ! Au contraire, il semble que les études
montrent, fort heureusement, l'inverse : les téléspectateurs attendent une plus
grande variété de talents ;
– Le temps n'est plus tout à fait où les minorités étaient cantonnées dans des
rôles ingrats, stéréotypés, caricaturaux, peu valorisants pour l'image des
communautés qu'ils étaient censés représenter à l'écran !

Malgré ces évolutions, ne nous rassurons pas à bon compte ! Beaucoup reste à
faire.

J'en appelle :

– à l'intelligence, à la liberté, à la créativité de chacun ;
– à la rigueur aussi, dans la définition de repères stables et de critères
pertinents, pour permettre d'évaluer sereinement et efficacement le chemin
parcouru ;
– à la vigilance, également, face aux risques de dérives, et je pense à la tentation
de quotas basés sur la couleur de la peau ou l'origine ethnique ou religieuse
supposée. Attention ! Nous devons tous veiller à ne pas créer de ghettos
artificiels dans le paysage audiovisuel français, à l'heure où tous nos efforts
doivent au contraire tendre à « déghetto'iser », à décloisonner notre société !

Il y a une responsabilité particulière du service public.
J'entends et je partage les voeux du CSA de voir les engagements de la télévision
publique formalisés dans les cahiers des missions et des charges des chaînes
publiques. Je salue le travail d'ores et déjà réalise par le CSA qui a joué pleinement
son rôle d'impulsion.

De même, le plan « d'action positive » de France Télévisions pour l'intégration me
paraît aller dans la bonne direction et traduit le rôle et la responsabilité que se donne
le groupe phare du service public de l'audiovisuel.

Ce plan me paraît aller dans le bon sens d'abord dans les termes.

S'agissant d'une
question de société où le symbole est toujours proche de l'action, les mots ont leur
importance. Oui, « l'action positive », « la mobilisation positive » sonnent mieux que
la « discrimination positive ».

Ensuite dans la double dimension de cette action, qui porte sur le contenu des
programmes, et sur la politique sociale de l'entreprise.

Les chaînes de service public sont des témoins, au sens fort. Leur témoignage a
valeur d'engagement.
S'il est un domaine où cet engagement doit prendre toute sa force, c'est aussi celui
de l'emploi. J'y serai très attentif. Comme je l'ai dit, je me considère comme le
ministre de l'emploi culturel, et cela vaut aussi pour ma responsabilité de ministre
de la communication.

L'insertion professionnelle de tous les talents, dans tous les métiers de
l'audiovisuel doit être une priorité. II convient aussi de développer des partenariats
avec des écoles et mettre en place des systèmes astucieux, en amont, dans l'esprit
de ce qu'a su faire Sciences-Po, pour diversifier les recrutements.

Vous l'aurez compris, mon objectif est de faire vivre, en association avec tous les
acteurs, dans l'audiovisuel, cette très belle promesse républicaine inscrite à l'article
VI de la déclaration des droits de l'homme : que tous les citoyens, égaux, soient
réellement « également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics,
selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de
leurs talents. »

Oui. nos écrans doivent offrir à chacun de vraies chances de réussite.

Merci d'être venu ici échanger de bonnes idées et de bonnes pratiques qui nous
seront utiles pour avancer. Je compte sur vos réflexions et vos propositions qui, n'en
doutez pas, se traduiront en actions concrètes et mesurables par tous.

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