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Comité d’histoire du ministère de la Culture et des institutions culturelles

Allocution de M. Renaud Donnedieu de Vabres

Comite d’histoire du ministère de la Culture et des Institutions culturelles

vendredi 23 avril 2004

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs,

Je suis particulièrement heureux et honoré d’ouvrir la 10ème séance plénière de votre Comité,
créé en 1993.

Pour un Ministre qui vient de prendre ses fonctions ici, c’est une rencontre particulièrement
fructueuse. En effet, ce ministère relativement jeune – puisqu’il n’a que 45 ans ! -, bien qu’il
ait été construit sur le socle d’une action traditionnelle en faveur des « arts et lettres » a, dès
l’origine et sans doute plus encore aujourd’hui, partie liée avec l’histoire et la mémoire qui
sont au coeur de vos travaux.

Dans une société française en proie à de nombreuses interrogations, nos concitoyens sont
soucieux de leur identité, de leurs racines. L’action de ce ministère a pour ambition de leur
proposer des réponses, grâce – d’abord – à sa mission première, définie encore aujourd’hui
dans les termes exacts fixés par André Malraux : « rendre accessibles au plus grand nombre
les oeuvres capitales de l’humanité et d’abord de la France » ; grâce aussi aux politiques et aux
initiatives culturelles qui ont été menées par mes prédécesseurs et par des acteurs locaux de
plus en plus nombreux à intervenir pour faciliter l’entrée de tous les publics dans les
monuments, dans les musées, et dans tous les lieux de proximité où s’est écrit l’histoire de la
France et des Français.

J’ai la chance de diriger un ministère qui, en grande partie grâce à vous, réfléchit sur luimême,
sur son propre passé. Un ministère ouvert aux recherches et aux regards critiques des
historiens. Historiens venus du monde de l’Université, donc extérieurs aux Institutions qu’ils
se donnent pour objet d’étudier, et dont je tiens à saluer le travail.

Depuis une dizaine
d’années, le champ de l’histoire culturelle de la France ne cesse de croître en quantité et en
qualité et vous savez que vous y êtes pour beaucoup.
Historiens mais aussi acteurs de la politique culturelle, d’hier et d’aujourd’hui, qui connaissez
de l’intérieur l’administration et les Institutions que vous étudiez. C’est aussi cette
confrontation entre témoins, acteurs et chercheurs qui fait la richesse des travaux de ce
Comité.

Je crois beaucoup à la fertilité de ces regards croisés.

Je crois pouvoir dire avec optimisme que la continuité de cette approche est assurée par les
encouragements que vous avez toujours toujours su prodiguer aux jeunes chercheurs,
doctorants ou étudiants.

Je tiens à saluer en particulier l’essor que vous avez donné au recueil des archives orales,
véritable modèle pour d’autres Comités d’histoire et même pour la recherche historique audelà
de nos frontières.

Je me réjouis à ce propos de la présence parmi vous d’un représentant du ministère de la
culture et de la communication du Québec (Monsieur Gérald Grandmont), avec lequel je
souhaite que se poursuive une très amicale et très utile collaboration.

La séance d’aujourd’hui nous offre l’occasion d’honorer la mémoire d’un très grand témoin
de l’action du créateur de ce ministère, et d’un très grand acteur de cette politique : André
Holleaux, qui fut directeur du cabinet d’André Malraux de 1962 à 1965 et dont vous publiez
les souvenirs, sous le titre Malraux ministre, au jour le jour.
Je tiens à remercier sa famille, ici présente (en particulier sa fille Madame Marie-Noëlle
Vuitton, sa soeur Madame Jacqueline Le Gallic et son fils, Monsieur Gérard Holleaux) pour
avoir mis à la disposition du Comité et désormais, du public, ce témoignage inestimable du
plus proche collaborateur du ministre Malraux. Témoignage tout à fait unique, tant sont rares
les documents de première main concernant André Malraux dans l’exercice de ses fonctions
rue de Valois.

Ce témoignage est d’autant plus émouvant qu’il est accompagné de la révélation de quelques
unes de ces précieuses et étonnantes petites fiches vertes de la main de Malraux, dont
certaines sont reproduites en couleur dans les planches hors texte de l’ouvrage.

Le témoignage de votre père, Madame, Monsieur, et de votre frère Madame, est celui d’un
très grand serviteur de l’Etat, un fin juriste, conseiller d’Etat. Avec une très grande modestie,
il a su, auprès de l’homme d’Etat André Malraux, selon les mots de Pierre Moinot «
construire un ministère à partir de presque rien contre presque tous », tout en lui donnant «
une âme, une ambition majeure, un destin capable de transformer une société ».

Le génie d’André Malraux, qui siégeait, nous rappelle André Holleaux, avec le titre de
ministre d’Etat, toujours à la droite du Général de Gaulle à la table du Conseil des ministres,
est, grâce à ce livre, rendu plus proche, plus concret, plus humain, sans doute aussi plus actuel
que jamais.

André Holleaux, dans le texte très bien écrit que vous éditez, nous restitue toute la magie du
verbe malrucien, que nous connaissions par ses inoubliables discours, par ses aphorismes, et
les formules parfois énigmatiques qui émaillent son oeuvre littéraire.

Mais ici, même si le directeur de cabinet demeure souvent perplexe devant les mystères de ce
verbe, c’est bien le Malraux ministre qui apparaît, dans son souci parfois étonnant du détail,
voire de la gestion et de l’administration.
Nous sommes bien loin des clichés sur un Malraux absent, hautain, n’acceptant de dialoguer
qu’avec le Général de Gaulle, un Malraux indifférent à la marche quotidienne de son
ministère.

Non, c’est un ministre très présent, très actif, et pas seulement à la tribune, que nous restitue
celui qui l’a incontestablement aidé à « mettre en musique » certains de ses plus beaux rêves,
en lui apportant sa science du droit et du fonctionnement de l’appareil gouvernemental.

C’est un Malraux, loin de mépriser ces choses, qui, selon le mot de Clemenceau, « ont
l’infériorité d’être », s’investit dans des actions très concrètes, comme le nettoyage des
façades du Paris historique, alors toutes noircies par les ans et la pollution ; un Malraux qui se
soucie des champs de compétences de son ministère et de l’indispensable travail
interministériel ; un Malraux précurseur, qui dialogue avec les maires de France, en
pressentant sans doute le rôle qu’ils seront appelés à jouer et que Jacques Duhamel
notamment – cher Jacques Rigaud – contribuera grandement à développer.

C’est une lecture passionnante pour un nouveau ministre. Et, cher Henri, pour le dernier en
date des successeurs d’André Holleaux, qui n’occupe pas son bureau, puisque cet honneur
m’est réservé, mais qui a la chance insigne d’arpenter quotidiennement le bureau d’André
Malraux.

Je souhaite que l’ouvrage que vous publiez aujourd’hui connaisse une large diffusion. Je vous
remercie de m’avoir permis, grâce à lui, de mettre en perspective les exigences de l’action
quotidienne d’un ministre conscient de l’héritage de ce ministère.

Vous nous permettez, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, de mieux connaître cet
héritage.

Vos projets pour 2004, je pense en particulier à l’histoire des établissements publics et à
l’histoire de la politique contractuelle entre l’Etat et les collectivités dans le domaine de la
culture, montrent que cet héritage est encore très présent. Car il s’est construit, non pas tant
sur des « coups » de génie, que dans la patience et l’obstination d’un travail quotidien. Un
travail collectif qui implique l’ensemble des acteurs de la culture.

Un travail qui peut, j’en suis convaincu, tirer parti de vos études pour inventer l’avenir à la
lumière du passé.

Je tenais à vous le dire et à vous en remercier.

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