Rubrique ‘Discours 2006’

Remise des insignes de Chevalier dans l’ordre des Arts et Lettres à Michel Younsi

12 juin 2006

Cher Michel Younsi,

Je suis très heureux de vous accueillir aujourd’hui rue de Valois pour
honorer un parcours d’une fidélité rare, qui témoigne d’un même
engagement exemplaire au service d’une entreprise, et d’une passion.

Vous êtes entré aux Charpentiers de Paris en 1963, et vous n’en
partirez que le 31 juillet 2006, pour goûter à une retraite que je sais bien
méritée. Tout au long de votre brillant parcours professionnel, comme
charpentier, vous avez oeuvré, et c’est le mot, car vous avez
véritablement fait oeuvre, à la restauration des monuments historiques.

Vous entrez donc à seize ans aux Charpentiers de Paris, d’abord
comme apprenti. Vous y suivez une formation interne, complétée chez
les Compagnons du devoir, et aux Arts et Métiers, à Paris.

Votre grand talent, votre détermination et votre ardeur au travail vous
font gravir successivement les échelons de cette entreprise : d’apprenti
dessinateur, vous passez à commis de ville, avant de devenir ingénieur
d’études, puis ingénieur chargé d’affaires. Aujourd’hui vous occupez le
poste éminent de responsable du département de restauration des
Monuments Historiques, et vous siégez comme membre du conseil
d’administration des Charpentiers de Paris.

Quel parcours exemplaire ! Il témoigne, sans aucun doute, d’un
dévouement hors du commun pour notre patrimoine, pour ces
monuments qui font la fierté française, témoins des heures glorieuses
de notre nation. Vous avez pris soin des chefs d’oeuvre de notre passé
avec une attention admirable, avec une précaution infinie.

Car la restauration est un art d’orfèvre, et d’équilibriste, un art fait de
respect et de prise de risque, un art qui utilise les technologies de
demain pour redonner leur lustre, leur éclat, leur superbe aux merveilles
du passé. Vous avez fait revivre de très nombreux monuments, dont les
murs restaurés nous évoquent aujourd’hui, dans toute leur splendeur,
l’histoire, et les histoires, dont ils ont été les témoins.

Vous avez, notamment travaillé à restaurer l’un des lieux les plus
prestigieux de la République, l’Hôtel qu’Armand de Madaillan de
Lesparre, marquis de Lassay, avait fait bâtir aux côtés du Palais-
Bourbon et qui héberge aujourd’hui la Présidence de l’Assemblée
nationale.

Le « Noble Faubourg » peut s’enorgueillir de votre expertise puisque
vous avez également participé à un chantier de restauration de l’Ecole
Nationale Supérieure des Beaux-Arts, quelques rues plus loin.

Très attaché aux trésors du patrimoine régional, vous êtes également
intervenus sur de nombreux chantiers de Champagne-Ardenne : le
Château de la Motte Tilly, l’Abbaye de Clairvaux, l’Eglise de
Monthieramey, la Cathédrale Saint Urbain de Troyes, la Cathédrale de
Reims, le Palais du Tau, également à Reims, l’église de Puellemontier,
et bien d’autres joyaux du patrimoine de cette région vous doivent une
partie de leur splendeur retrouvée.

Nous rendons aujourd’hui hommage à votre exigence, à votre grande
compétence, reconnue par vos pairs, dans les techniques de charpentes
en bois comme en métal, mais aussi à l’enthousiasme que vous avez su
communiquer à vos équipes, tout comme votre grand savoir-faire, que
vous avez partagé et transmis avec beaucoup de coeur, de patience et
de générosité.

Michel Younsi, au nom de la République, nous vous faisons chevalier
dans l’ordre des Arts et des Lettres.

Remise des insignes de Chevalier dans l’ordre national du Mérite à Gérard Bourgeois

12 juin 2006

Cher Gérard Bourgeois,

Je suis très heureux de vous accueillir ce soir rue de Valois pour
honorer en vous un compositeur mythique, qui a écrit parmi les plus
belles pages de la chanson française. Nos plus grands interprètes ont
trouvé en vous, plus qu’un auteur, un partenaire fidèle, talentueux,
prolifique et éclectique.

C’est à une carrière d’ingénieur que vous vous destinez tout d’abord,
lorsque, votre baccalauréat en poche, vous bûchez sur les bancs d’une
classe préparatoire scientifique. Mais votre imagination vogue déjà vers
d’autres horizons et votre fibre artistique vous fait rêver à l’écriture de
chansons. Votre père, qui travaille alors à Pathé Cinéma, entend parler
d’un disque que souhaite enregistrer Brigitte Bardot. Il vous défie
d’arrêter vos études, pour faire chanter la moue la plus célèbre de
l’époque.

Doux rêve qui vous berce d’illusion pendant quelques mois, jusqu’à ce
que vous rencontriez, totalement par hasard, chez une de vos amies,
un certain Jean-Max Rivière, ami d’enfance de l’actrice légendaire, qui
travaille sur le projet. Qui peut alors se douter que naît alors, pendant
cette surboum, le tandem d’auteur-compositeur parmi les plus célèbres
de la seconde moitié du siècle ?

Et pourtant, le lendemain même, vous rejoignez Jean-Max Rivière, au
studio Waker, place de Clichy, où vous écrivez, la même journée, C’est
rigolo et La Madrague, tube planétaire, souvent appelé Sur la plage
abandonnée, qui a enflammé la France et le monde entier, en restant
par exemple longtemps numéro un au Japon.

Tout démarre alors très vite pour vous : ces deux premières chansons
marquent le début d’une collaboration de dix ans avec Jean-Max
Rivière, et d’une grande complicité avec Brigitte Bardot, pour qui vous
composez vingt-cinq chansons, libres, mutines et sensuelles, à son
image. Car tel est bien le secret de votre art, l’invention de couleurs
originales, propres à chaque artiste.

Votre talent explose en pleine période « Yé-Yé », et vous devenez
rapidement, avec Jean-Max Rivière, les partenaires très sollicités des
étoiles des années soixante, telles que Sylvie Vartan, Antoine, Richard
Anthony, Françoise Hardy, Dick Rivers, France Gall, pour ne citer
qu’elles.

Mais votre virtuosité excelle dans tous les genres, et des artistes aussi
différents que Marcel Amont, Georges Brassens, Petula Clark, Annie
Cordy, Juliette Gréco et Luis Mariano demandent rapidement des
chansons du fameux tandem « Rivière et Bourgeois ».

Je ne vais pas citer ici, faute de temps, toutes les perles que vous avez
offertes au répertoire de la chanson française, tous ces titres mythiques
que vous avez composés pour les plus grands interprètes.

Je pourrais citer la chanson que vous composez en 1966 pour Dalida, El
Cordobès, qui devient en à peine 48 heures numéro un en France, puis
en Espagne, avant d’enflammer l’Amérique du Sud. Luis Mariano la
reprend, et les grands accordéonistes, tels q Aimable, André Verchuren,
et Bruno Lorenzoni s’en emparent à leur tour. On compte aujourd’hui
150 enregistrements de ce tube planétaire.

Je pourrais citer également les nombreux succès que vous avez offerts
à Brigitte Bardot, et notamment la célèbre chanson Une histoire de
plage.

Je pourrais citer enfin les tubes que vous avez composés pour Serge
Reggiani, Il suffirait de presque rien et Gabrielle.

Mais ce serait passer sous silence trop d’airs inoubliables, de Rendez-vous
d’automne de Françoise Hardy à T’es belle comme une locomotive
de Michel Delpech, trop de chansons cultes, trop de refrains qui sont
aujourd’hui emblématiques de cette époque sensationnelle, qui vit fleurir
le rock and roll aux côtés des grands chanteurs à texte.

Vous montez en 1966 votre propre société d’édition musicale, baptisée
« Tilt Music », et vous devenez sociétaire définitif de la Sacem.

Vous volez ensuite de vos propres ailes, et poursuivez votre travail de
composition pour, notamment, Nicoletta, Daniel Guichard, Enrico
Macias, et Nicole Croisille.

Vous faites également une rencontre essentielle, avec l’émouvante, la
mystérieuse et fascinante Barbara, qui vous inspire plusieurs chansons,
notamment L’homme en habit rouge, et que vous suivez en tournée
dans toute la France.

Très ouvert, mais surtout très libre et audacieux, vous vous lancez dans
la comédie musicale, mais aussi dans des compositions pour la
télévision et le cinéma.

Infatigable, toujours prêt à vous lancer dans de nouvelles aventures,
vous dirigez aujourd’hui des ateliers « piano, musique et chansons », au
sein de l’association Salut l’artiste, qui réalise l’animation culturelle du
site du Futuroscope, près de Poitiers.

Vous nous avez offert parmi les plus beaux airs du répertoire de la
chanson française. Vous avez inspiré les plus grands artistes, dont vous
êtes devenu un complice précieux, un partenaire fidèle, enthousiaste et
talentueux.

Cher Gérard Bourgeois, au nom du Président de la République, et en
vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons chevalier
de l’Ordre National du Mérite.

Remise des insignes de Chevalier dans l’ordre national de la Légion d’honneur à Etienne Chatiliez

7 juin 2006

Cher Etienne Chatiliez,

Je suis très heureux de vous recevoir aujourd’hui rue de Valois, pour
honorer en vous un réalisateur de génie, qui a fait rire et grincer les
dents de millions de spectateurs. Vous avez allègrement versé du vitriol
sur les photographies de famille parfaite, et définitivement bouleversé le
mythe du couple idéal, des parents idéaux, de la grand-mère idéale, de
l’enfant idéal, vous avez instillé la cruauté jouissive, l’aigreur
revancharde et la méchanceté jubilatoire dans la tranquillité de la
bourgeoisie bien-pensante, vous avez donné vie à des personnages
cultes, qui sont devenus de véritables types sociaux, des familles
Groseille et Le Quesnoy à Tanguy, en passant par l’acariâtre Tatie
Danielle.

Et pourtant, c’est au pays des dents blanches et des brushings
impeccables que vous faites vos débuts. Après un passage à Europe 1,
vous entrez dès 1980 comme concepteur-rédacteur à l’agence
CLM&BBDO, où vous réalisez des films publicitaires pendant sept ans.

Vous y soufflez un vent radicalement nouveau, et imposez un univers
bien à vous, décalé, audacieux, irrésistible. Les seize clips débridés
d’Eram, qui ont imposé la marque populaire dans les rédactions des
magazines féminins les plus exigeants, le fameux « My teinturier is
rich », scandé par Christophe Salengro pour Free Time, la saga des
« fêlés des pâtes » pour Lustucru, et le papier toilette Trèfle filmé façon
Parapluies de Cherbourg, toutes vos réalisations marquent le petit
monde de la publicité et vous propulsent rapidement au rang de génie
de la réclame, de visionnaire de l’image et de grand prêtre du slogan.

Mais le grand écran vous attire et vous décidez, en plein succès, de
vous lancer dans la réalisation d’un long-métrage, avec votre assistante
en publicité, Florence Quentin. En élèves exemplaires, vous achetez
des petits guides sur l’écriture de scénario, et partez vous isoler quinze
jours à Porquerolles. Vous en revenez avec un synopsis, intitulé La Vie
est un long fleuve tranquille.

Qui pouvait alors imaginer que vingt ans plus tard, le public entonnerait
encore l’hymne Jésus revient du Père Aubergé, et aurait encore les
larmes aux yeux à la simple évocation de la petite phrase « Le lundi,
c’est ravioli » ?

Pour votre premier long-métrage, vous campez une comédie acerbe,
grinçante, insolente, en imaginant deux familles que tout oppose : d’un
côté, les Le Quesnoy, les bourgeois propres sur eux, bigots et bienpensant,
de l’autre, les Groseille, les prolétaires, voleurs, menteurs,
sales et vulgaires. Deux mondes qui n’auraient jamais dû se rencontrer,
deux mondes que vous réunissez grâce à une idée de Florence
Quentin : l’échange de bébés à la naissance. « C’était suffisamment
vicieux pour nous intéresser », avez-vous affirmé. C’était suffisamment
génial pour faire pleurer de rire la France entière, qui a plébiscité le film.

Mais vous avez trouvé plus vicieux encore : après avoir détruit le mythe
familial dans La vie est un long fleuve tranquille, Florence Quentin a l’idée
de s’attaquer au cliché de l’angélisme naïf : le personnage stéréotypé de
l’adorable vieille femme. Dans votre univers, la tantine se gave de
bonbons en cachette, torture sa femme de maison, Odile, qui meurt sous
ses yeux, et tyrannise la famille de son neveu qui l’accueille à bras
ouverts. Cela donne, en 1989, une Tatie Danielle magistralement
interprétée par Tsilla Chelton, un personnage abject, diabolique, et féroce,
qui nous trouble, nous rend mal à l’aise, mais aussi, par on ne sait quelle
magie, nous fait rire, et nous touche. Parce que Tatie Danielle finit par
tomber sur plus dur qu’elle, en l’occurrence sur sa garde malade, la
coriace Sandrine, jouée par la fantastique Isabelle Nanty. C’est alors à un
combat sans merci de deux titans du sans-gêne et de la méchanceté, à
une lutte à mort de deux monstres du cynisme que vous conviez le public,
qui assiste, médusé et ému, à l’éclosion de leur incroyable amitié.

Je le disais tout à l’heure, vos personnages ne sont pas des caricatures,
ce sont des types, des caractères, ils sont universels, ils sont justes, au
point qu’il existe aujourd’hui en psychologie un « syndrome Tatie
Danielle » !

Tout comme il devrait exister le syndrome Francis Bergeade, du nom du
héros du film que vous réalisez ensuite, en 1995, Le Bonheur est dans le
pré, joué par le génial Michel Serrault. Chef d’une entreprise de lunettes
de toilettes, harcelé par les impôts et par ses ouvrières, flanqué d’une
femme et d’une fille insupportables, il trouve refuge auprès de son copain
bon vivant, le décapant Eddy Mitchell, avant de s’enfuir trouver le bonheur
à la campagne. Fable réjouissante sur le désir de changer de vie, de
goûter à des plaisirs plus simples, plus authentique, loin des fâcheux, Le
Bonheur est dans le pré est encore une fois l’histoire touchante et drôle
d’une rencontre improbable, qui transforme profondément chacun des
protagonistes, un conte de fées insolent et moderne, une fois de plus
plébiscité par le public.

Vous faites ensuite une pause dans votre nouvelle carrière de réalisateur,
interrompue seulement en 1999, lorsque vous passez devant la caméra
pour la comédie survoltée Doggy Bag, de Frédéric Comtet, et l’année
suivante, pour la réalisation d’un court-métrage, La Famille Médicament,
dans le cadre du concours Scénario sur la drogue, lancé par le Centre
régional d'information et de prévention du SIDA d’Ile-de-France. Vous y
gardez votre liberté de ton, ce mélange explosif de réalisme et de
bizarrerie, pour décrire la folie ordinaire d’une jeune mère moderne, qui
résout chaque contrariété de la journée par un médicament.

A l’aube du nouveau millénaire, vous décidez de vous attaquer à un
nouveau cliché, aussi coriace que la Tatie gâteaux : celui de l’amour
parental et de l’enfant parfait. En 2001 sort sur les écrans français une
comédie désopilante sur l’exaspération profonde de deux parents, Sabine
Azéma et André Dussolier, hilarants, qui déclarent une guerre ouverte à
leur fils, Tanguy, trentenaire envahissant, surdiplômé pot-de-colle,
sinologue pédant, irritant de dévotion filiale, qui s’acharne à ne pas vouloir
quitter le cocon familial. Aussi acide que les remontées gastriques qui
taraudent Sabine Azéma, le film remporte un immense succès et donne
encore une fois son nom à un nouveau type social.

Dans votre dernier opus, La Confiance règne, en 2003, vous faites naître
l’amour entre deux marginaux joués par Cécile de France et Vincent
Lindon, deux êtres insouciants, burlesques, excessifs, deux électrons
libres qui bouleversent la tranquillité des demeures où ils travaillent
comme domestiques. Encore une très belle rencontre, entre deux mondes
que tout oppose, et que vous confrontez avec délectation et irrévérence.

Vous êtes le poil-à-gratter de la bienséance et des mythes familiaux, que
vous avez soigneusement rongés de votre humour abrasif. Vos films
dérangent et font rire, ils mettent mal à l’aise et touchent profondément le
spectateur, au coeur et à l’esprit. En conférant à vos personnages une
portée universelle, en parant ces monstres de cynisme d’une grande
tendresse, en épinglant avec une grande justesse les hypocrisies et les
failles de vos contemporains, en analysant et en devançant avec autant
de finesse que de profondeur les évolutions de notre société, vous êtes
devenu l’un des réalisateurs préférés des Français.

Cher Etienne Chatiliez, au nom du Président de la République et en vertu
des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons chevalier dans
l’ordre de la Légion d’honneur.

Remise des insignes de Chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres à Sylvie Joly

7 juin 2006

Chère Sylvie Joly,

Je suis très heureux de vous accueillir aujourd’hui rue de Valois. Votre
humour, votre tempérament, votre charisme, votre esprit et votre amour
des mots, avec lesquels vous jouez allègrement, ont fait de vous une
grande dame de la scène française, une artiste unique, attachante, dont
les faux grands airs masquent à peine une réelle générosité. Vous avez
largement contribué à donner ses lettres de noblesse à l’humour au
féminin, ouvrant la voie à des générations de comédiennes.

De l’humour, de la personnalité, et de l’audace, vous n’en avez
certainement jamais manqué, et si les nombreuses institutions
religieuses que vous avez fréquentées pendant votre jeunesse n’ont
pas décelé à l’époque la grande artiste qui pointait derrière l’élève
dissipée, vous pouviez toujours compter sur vos amies d’enfance, parmi
lesquelles celle qui devint plus tard Madame Jacques Chirac, pour vous
fournir les cours que vous aviez manqués !

Ce goût des mots, du jeu et de l’emphase, vous l’avez sans doute
affermi grâce à votre première profession d’avocate, que vous avez
exercée pendant cinq ans, le temps de faire plaisir à votre père qui vous
rêvait en actrice principale à la barre, alors que votre imagination
voguait déjà vers d’autres scènes.

Vous décidez d’abandonner votre carrière d’avocate après ces cinq
années, afin de vous consacrer entièrement à votre passion pour les
planches et vous vous lancez dans un apprentissage intensif de l’art de
la scène, au Cours Simon tout d’abord, mais aussi au « Petit
Conservatoire de la chanson », et au cours de music-hall de l’Olympia.

Quelques bonnes fées ont veillé sur vous, notamment Tania Balachova,
qui vous permit d’interpréter La matinée d’un homme de lettres, d’après
Tchekhov, et Mireille, qui avait le don de révéler le meilleur de chacun ;
« Toi, tu parles » disait-elle. Et vous êtes effectivement montée sur
scène pour parler, lors de spectacles d’abord improvisés, dès le début
des années 70, dont vous redoutiez, avec votre soeur Fanny, et votre
frère Thierry, co-auteurs, qu’ils ne fassent rire que votre famille, mais
qui ont marqué en réalité le début d’une grande histoire d’amour avec le
public.

Le public vous a effectivement adoptée dès votre premier spectacle,
enlevé, décalé et irrésistible, Show bourgeois, donné en première partie
d’un récital de Georges Brassens à Bobino.

Les succès s’enchaînent ensuite, avec le désopilant J’peux pas jouer, à
l’Olympia, écrit avec votre soeur Fanny, puis Heula c’travail, avec votre
soeur et votre frère, tout comme La vie, c’est pas d’la rigolade, et Sylvie
Joly au Palais des Glaces. Henri Mitton co-écrit Ne riez jamais d’une
femme qui tombe, et, avec Fanny et Thierry Joly, Je suis votre idole, que
vous jouez et chantez au Casino de Paris, toujours avec le même succès.

Seuls votre frère et votre soeur pouvaient écrire La si jolie vie de Sylvie
Joly, votre spectacle en partie autobiographique, dont la reprise à
l’Olympia, dans la mise en scène de François Bourcier, a été nommé
meilleur spectacle comique aux Molière en 1995. Ce dernier réalisa
également La Cigale et la Joly, qui a également été nommé Molière du
meilleur « one man show » en 1999.

Vous travaillez donc « en famille », fidèle à ceux qui ont su vous donner, à
travers tous ces spectacles, ce ton si particulier, à mi-chemin entre
tendresse et cruauté, et inventé cette galerie de personnages, tous plus
fous les uns que les autres, de Madame Touchard à La mère super
dépassée, en passant par la fabuleuse Catherine, la formidable Catherine,
mère et épouse bouffie de prétention, qui n’a qu’un secret, qui est aussi le
vôtre : « Je suis moi, c’est tout. »

Votre dernier spectacle, La Cerise sur le gâteau, concentre tout votre art,
absurde, insensé, hilarant, et prend des airs de comédie musicale,
puisque vous y livrez un répertoire de chansons que vous conserviez
précieusement depuis le Petit Conservatoire de Mireille. Vos personnages
sont toujours aussi illuminés, de la Baronne du XVIe qui rackette les
adolescents du quartier pour leur dérober leurs vêtements de marque, à la
patiente dépressive d’un psychiatre alcoolique, en passant par une grand-mère
empêtrée dans son fauteuil roulant.

Snobs, paumées, agressives, frustrées, hystériques, gouailleuses,
souvent fragiles, toujours loufoques, vos héroïnes habitent un univers
débridé, coloré, un monde parallèle dans lequel le public plonge avec
délectation et ressort ébloui, et hilare.

Vous vivez mille vies sur scène, comme à l’écran, puisque vous vous êtes
illustrée dans de très nombreux rôles à la télévision et au cinéma, où,
depuis vos débuts, vous avez prouvé que l’expression « second rôle » est
particulièrement mal choisie en ce qui vous concerne : vous avez tourné
avec les plus grands réalisateurs, et notamment avec Jean-Pierre Mocky,
aux côtés de Michel Serrault, dans Le Miraculé, avec Bertrand Blier dans
Les Valseuses, Préparez vos mouchoirs et Calmos, avec Henri Verneuil
dans 588 rue du Paradis, mais aussi avec Claude Lelouch dans Les
Misérables et Jean-Marie Poiré pour Les Visiteurs II.
Votre talent n’a d’égale que votre générosité puisque vous n’avez jamais
hésité à mettre le pied à l’étrier de jeunes artistes, comme Pierre
Palmade, dont vous avez signé la mise en scène pour le spectacle Ma
mère aime beaucoup ce que je fais, au Point Virgule.

Libre, ouverte, curieuse et audacieuse, vous avez également ouvert, et
tenu, un dépôt-vente de vêtements de luxe à Paris, le Saint Frusquin,
peut-être parce que pour vous, à l’image de ces femmes dont vous
croquez les travers et les folies dans vos spectacles, ces vêtements qu’on
a abandonnés parce qu’on les trouve vieux, bizarres, criards, tristes,
vieillis, importables, recèlent des trésors, et des histoires extraordinaires.

Oui, vous vivez mille vies à la fois, avec cette énergie et cet bonne
humeur incomparables qui ont fait de vous une véritable diva de l’humour
français.

Chère Sylvie Joly, au nom de la République, nous vous faisons chevalier
dans l’Ordre des Arts et des Lettres.

Remise des insignes de Chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres à Philippe Harel

7 juin 2006

Cher Philippe Harel,

Je suis très heureux de vous recevoir aujourd’hui au Ministère de la
Culture et de la Communication. Vous êtes un acteur et un réalisateur
hors norme, aventureux, atypique, qui n’a pas peur de surprendre,
capable aussi bien de faire rire que d’émouvoir le public, conquis depuis
vos débuts par votre audace et votre style. Un style très personnel, qui
s’impose malgré la très grande palette de genres auxquels vous vous
êtes essayé.

Après un an d’études aux Beaux-Arts, vous vous lancez dans le monde
de l’image et du spectacle en travaillant comme cadreur et monteur
vidéo de 1975 à 1985, puis en tant que metteur en scène de théâtre.

Vous réalisez ensuite des reportages télévisés, des films industriels,
des films institutionnels, et des publicités, avant de signer votre premier
court métrage, Tentative d’échec, en 1980, « juste pour savoir, dites-vous,
comment fonctionnait le cinéma ».

Vous avez continué d’explorer les possibilités offertes par le septième
art, avec deux autres courts métrages : Mon inconnue, tout d’abord,
l’histoire d’une quête infructueuse, d’un homme qui part à la recherche
d’une femme croisée au détour des rayons d’une librairie, puis Fin de
série, un polar « pirandellien », dans lequel un héros de film noir tue
l’équipe de tournage pour sortir du film. Deux réalisations à l’image très
travaillée, très sophistiquée, dans lesquelles vous montrez déjà toute
l’étendue de votre virtuosité et de votre ingéniosité techniques.

Mais c’est avec le court métrage Deux pièces cuisine, que vous trouvez
véritablement votre forme, épurée, et en même temps complètement
décalée : vous y peignez la vie d’un couple, dans un petit appartement,
envahi par un éléphant qu’on leur a livré par erreur. Film sur une
situation extraordinaire tournée de façon très réaliste, Deux Pièces
Cuisines remporte de nombreux prix, qui vous permettent d’investir
dans votre premier long métrage, Un été sans histoire, en 1991, né de
votre rencontre avec l’écrivain et scénariste Dodine Herry.

Vous y campez un râleur frustré, maniaco-dépressif, enfermé dans le
quotidien faussement banal de son camping de la Creuse et filmé de
façon hyperréaliste. Lorsque vous le présentez à l’équipe de tournage
au Max Linder, la propriétaire de la salle, qui attendait que vous lui
régliez la location du cinéma, tombe sous son charme et vous aide à lui
trouver un distributeur. C’est Jean-Michel Rey qui s’empare du projet et
crée pour cela Rezo Films. Votre film lui a, semble-t-il, porté chance !

Après le succès d’Un été sans histoire, vous continuez d’explorer la
solitude et le mal-être avec la même ironie douce-amère, en 1994,
L’Histoire du garçon qui voulait qu’on l’embrasse, dans lequel vous
décrivez vos souvenirs douloureux d’adolescent maladroit avec les filles.

Le malaise, le non-dit, l’incommunicabilité deviennent vos champs de
recherche privilégiés, magistralement interprétés en 1995 par Karin Viard
dans votre moyen métrage Une visite, peinture d’une jeune parisienne qui
reçoit ses parents pour un week-end. Vous parvenez à instiller,
délicatement, mais sûrement, un malaise très palpable, par des gestes
apparemment anodins, par des divertissements tout pascaliens, qui ne
parviennent pas à masquer le vide profond des relations que vous
disséquez.

Avec Les Randonneurs, en 1997, vous réussissez à convaincre Benoît
Poelvoorde d’embrasser une carrière d’acteur, pour venir grossir les rangs
de votre expédition de choc au casting remarquable : Karin Viard, une
nouvelle fois, en jeune femme maladroite, paumée, qui rêve au prince
charmant, Vincent Elbaz, éternel adolescent, Géraldine Pailhas, en
maîtresse revancharde, et vous-même, en fiancé hésitant, englué dans
une histoire d’amour passionnelle, à laquelle il n’arrive pas à mettre un
terme. Cette mémorable randonnée que nous avons pu revoir sur nos
petits écrans avant-hier soir, devient un exercice périlleux, susceptible de
se transformer en un huis clos infernal, qui fait ressortir les faiblesses et
les travers de chacun. Vous avez l’art et la manière de plomber
l’ambiance, de façon d’abord tout à fait imperceptible, et d’installer un
malaise grandissant, tout en déclenchant des fous rires irrépressibles. Le
film remporte rapidement un immense succès, et la leçon de marche de
Benoît Poelvoorde, exaspérant de condescendance, devient un modèle
du genre.

C’est d’ailleurs sur le tournage des Randonneurs que vous avez eu l’idée
de réaliser Le vélo de Ghislain Lambert, en 2001. Benoît Poelvoorde y
incarne un héros encore une fois professoral, rigide, obsessionnel et
pathétique, aux rêves démesurés de gloire cycliste.

Vous aviez entre temps exploré un tout nouveau registre, en 1997, avec
La femme défendue, un film intimiste sur l’adultère entièrement tourné en
caméra subjective, qui scrute, épie, et observe les plus petits gestes de la
délicate et envoûtante Isabelle Carré, maîtresse tour à tour heureuse,
rieuse, abattue, souffrante, au gré d’une histoire qui passe de l’espoir aux
regrets. Et si vous choisissez d’offrir aux spectateurs le regard du mari
infidèle, c’est pour mieux lui renvoyer, en miroir, l’image de sa lâcheté et
de ses faiblesses. Vous signez un film profond et surprenant, drôle,
émouvant, et totalement atypique.

L’année suivante, vous vous lancez dans le documentaire, en co-réalisant
avec le journaliste écrivain Denis Robert un pamphlet sur les affaires
politico-financières, épinglant les malversations des grands et petits
patrons, juges, avocats et hommes politiques.

L’année 1999 marque votre retour à la fiction avec l’adaptation
d’Extension du domaine de la lutte. Vous y jouez, aux côtés de José
Garcia, dans le contre-emploi magistral de l’informaticien en goguette sur
les routes de Vendée, le héros frustré, névrosé et apathique du roman de
Michel Houellebecq, qui a lui-même participé à l’écriture du scénario. La
transposition est fidèle, la satire cruelle, les portraits caustiques et
mordants. « Une vie peut fort bien être à la fois vide et brève», assène la
voix off. Et le film qui la dépeint, parfaitement réjouissant.

Après une incursion en 2003 dans le genre policier avec Tristan, dans
lequel vous plongez Mathilde Seignier, alias le commissaire Emmanuelle
Barsac, dans une histoire sombre de serial killer aux rituels macabres,
vous changez radicalement de registre pour vous tourner vers la comédie
romantique acidulée avec Tu vas rire mais je te quitte. Judith Godrèche y
joue une comédienne sexy, légère et pas très maligne, qui, après avoir
enchaîné les sitcoms stupides, les dîners arrosés entre copines et les
hommes à éviter, décide de se prendre en main. Tableau désopilant de la
trentaine esseulée, frénétique et immature, votre dernière oeuvre dévoile
une nouvelle facette de votre art, et ajoute un nouveau personnage à
votre impressionnante galerie de portraits.

Réalisateur de grand talent, vous êtes aussi un excellent
comédien servant vos propres films, mais également ceux d’autres grands
réalisateurs, et notamment Jacques Audiard, pour Un héros très discret,
Pierre Salvadori pour Les Apprentis, dont vous avez également co-écrit le
scénario, et Tonie Marshall dans Vénus Beauté (Institut).

Vous êtes un artiste complet et éclectique, un créateur courageux,
inventif, qui passe d’un genre à l’autre avec la même virtuosité, la même
maîtrise, et joue avec une gamme infinie de sentiments humains, des plus
superficiels aux plus profonds, avec toujours ce style reconnaissable entre
mille, comme un clin d’oeil amusé et distant adressé aux spectateurs.

Cher Philippe Harel, au nom de la République, nous vous faisons
chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres.

Remise des insignes de Chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres à Manu Katché

7 juin 2006

Cher Manu Katché,

Je suis très heureux de distinguer aujourd’hui l’un des batteurs les plus
sollicités et reconnus de la planète, et de rendre hommage à votre talent
comme à la personnalité si attachante qui est la vôtre.

Musicien dans
l'âme, étranger à la notion de frontière, familier de ces généreux
métissages qui exaltent la diversité des musiques, des artistes et des
publics, vous avez nourri et approfondi votre vocation, pour accomplir un
parcours exigeant, authentique et courageux.

Enfant de la banlieue parisienne, né d'un père ivoirien et d'une mère
française d'origine haïtienne, vous trouvez la source de vos premiers
métissages dans l'environnement familial comme dans l'éclectisme de
vos goûts et de vos dons : vous étudiez en effet très jeune la danse,
mais n’ayant pas l’âme d’un Billy Elliot, vous vous tournez plutôt vers le
piano, parallèlement à votre passion du moment, le sport, dont vous
éloignent des ennuis de santé.

Privé de rugby, vous mettez toute votre énergie dans la musique. A l’âge
de 13 ans vous entrez au Conservatoire Régional de Saint-Maur pour
commencer une formation classique en percussion. Votre parcours,
récompensé au bout de quatre années par un premier prix, se poursuit
au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, où vous vous
initiez au Jazz en vous berçant des volutes de Charlie Parker, John
Coltrane, Thelonious Monk, Sonny Rollins et Miles Davis.

La découverte de ces grandes figures du jazz affirme votre sensibilité si
particulière de « peintre musical », qui perçoit les sons comme des
couleurs et la musique comme un paysage.

Cette singularité est votre griffe. Elle attirera l'attention des plus grands
artistes français, parmi lesquels Alain Souchon, Louis Chedid et Michel
Jonasz, mais aussi des étoiles internationales, telles que Kate Bush,
Peter Gabriel, Sting, Dire Straits, Tracy Chapman, et Youssou N'Dour.
Vous enrichirez leurs aventures musicales de vos rythmes, de vos
couleurs, de votre musicalité inspirée.

C'est en effet dans la lignée de Max Roach, qui voulait « faire avec le
rythme ce que Bach faisait avec la mélodie », que vous cultivez une
approche très mélodique de la batterie – et en ce sens, en effet, vous
êtes plus proche d’un musicien de jazz que d’un musicien de rock.

Rétif à toute démonstration de force, musicien très instinctif, privilégiant
un usage régulier et délicat des toms et des fameuses petites cymbales
splash, votre jeu se fonde sur une subtile combinaison entre
accompagnement mélodique des harmonies et tension rythmique
maîtrisée. Musicien de studio et de scène, auteur, compositeur et
interprète, votre style, incomparable, oscille subtilement entre jazz, rock,
funk, improvisation et musique instrumentale.

La musique est aussi pour vous une formidable façon d'exprimer votre
plein engagement pour les grandes causes de notre temps. Vous avez
notamment participé avec Peter Gabriel à la tournée Human Rights Now,
organisée par Amnesty International, à des concerts en faveur de la
sauvegarde de l'Amazonie auprès de Sting, et à la célébration du retour
de la démocratie à Santiago du Chili. Autant de manifestations
emblématiques auxquelles vous avez apporté rythme et pulsation venus
autant du coeur que du talent.

Un talent qui a été récompensé par de nombreux prix et récompenses. En
1986 vous recevez une Victoire de la Musique dans la catégorie
« Meilleurs Arrangements de l’année » pour La Boite de Jazz de Michel
Jonasz. En 1987, vous êtes sacré « meilleur musicien studio » par
l’Académie des Victoires de la Musique. Cette même année, le magazine
Modern Drummer vous décerne le prix du « Best Coming up Drummer of
the year ». En 1996, la bande originale du film Un indien dans la ville, née
de votre collaboration avec Tonton David et Geoffrey Oryema, reçoit la
« Victoire de la musique de film ».

Après avoir connu ce que la scène mondiale du rock a de plus glorieux,
vous revenez en 2004 à vos premières amours : le jazz, en créant le
« Manu Katché Tendances ». Avec ce groupe vous reprenez le chemin de
la scène, en défendant « une musique du coeur et de l’esprit », exempte
de tout formatage, et entreprenez une longue série de tournées. Votre
album Neighbourhood, tout de grâce et d'élégance, qui témoigne de la
variété, de la richesse et des nuances infinies de votre palette artistique,
connaît un très grand succès.

Avec cet album comme avec votre formation, le « Manu Katché
Tendances », vous participez à la démocratisation du Jazz et de la
musique instrumentale improvisée en générale. Le jazz doit redevenir une
musique populaire, tel est votre plus grand souhait.

Ainsi votre présence en tant que membre du Jury de la célèbre émission
de télévision A la recherche de la nouvelle star, illustre bien les multiples
facettes de votre engagement en faveur de la musique que vous aimez et
cette volonté de rapprochement entre musique savante et musique
populaire.

Tout en gardant une démarche sincère et intègre, vous vous jouez des
clivages, en défendant devant une large audience vos valeurs musicales
et artistiques. Batteur de génie, artiste profondément engagé, et
aujourd’hui passeur inspiré, vous communiquez votre passion au plus
grand nombre, avec l’ouverture, la flamme et la chaleur dont vous ne
cessez de faire preuve, tout au long de votre carrière exceptionnelle.

Cher Manu Katché, au nom de la République, nous vous faisons
Chevalier dans l'ordre des Arts et des Lettres.

Conférence de presse de lancement de la 25e Fête de la musique

6 juin 2006

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis très heureux et très fier de vous accueillir rue de Valois pour
célébrer un événement dans l'événement : la Fête de la Musique souffle
aujourd'hui ses 25 bougies. Un quart de siècle, déjà !

C’est au sein du ministère de la culture et de la communication, sur
l’initiative de mon prédécesseur, Jack Lang, et sur la proposition du
Directeur de la Musique de l’époque, Maurice Fleuret, convaincu que la
musique, plus qu’un divertissement, est une nécessité vitale pour
l’individu, que s’est allumée, en 1982, cette étincelle qui allait éclairer
notre vie musicale d’un jour totalement nouveau, festif, joyeux et
fédérateur, qui allait faire vibrer la France entière et bientôt l’Europe et
le monde, au rythme d’un vaste élan collectif.

Dès sa première édition, la Fête s'est étendue à tout le territoire. Le
concert improvisé d'un soir a aussitôt mobilisé les 5 millions de Français
pratiquant un instrument, ces « amateurs », au sens si noble du terme,
à qui la Fête, de façon emblématique, reste toujours dédiée. C'est là
une tradition à laquelle je reste personnellement attaché et
particulièrement attentif, puisqu’elle est si chère au coeur des Français.

Certains s'en souviennent peut-être : les concerts de la première Fête
de la Musique, le 21 juin 1982, devaient durer une demi-heure !

Qui pouvait prédire que cette demi-heure allait durer 25 ans ?

Aussi ai-je souhaité cette année donner à cette édition historique de la
Fête une forte portée symbolique, en l'investissant de deux grands
messages, pour nous guider et nous inspirer dans le nouveau monde
qui se dessine, et que nous inventons, ensemble.

En premier lieu, j'ai voulu inscrire la Fête de la Musique au sein de
l'Année de la Francophonie.

J'ai déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, ici même : le projet
francophone apporte une réponse à l'un des plus grands et des plus
beaux défis du siècle, pour établir un dialogue constructif entre des
identités diverses, dans le respect de chacune d'elles.

J’ai souhaité que la Fête de la Musique porte ce message haut et fort
pour son 25e anniversaire. J’ai souhaité qu’elle fasse rayonner, par ses
rythmes et ses couleurs, l'idéal d'échange et de diversité que porte le
langage conjugué de la musique et des mots.

A mi-parcours du « Grand festival francophone en France » – placé lui-même
sous le signe de la musique, avec, dans son intitulé,
« Francofffonie », le triple fff d'un victorieux fortissimo – la Fête de la
Musique en sera l'un des temps forts. Elle lui offrira l’écho du grand
concert mondial qu'elle est devenue.

Le 21 juin 2006, jour du solstice d'été, verra ainsi se rejoindre, en une
même célébration, la polyphonie des cultures et de leurs métissages,
orchestrée par la langue française, et l'infinie richesse des musiques du
monde, participant de la grande aventure francophone.

Quel plus beau message, aujourd'hui, que celui porté à travers le monde
par la musique, pour construire le dialogue des identités et des cultures,
si nécessaire, si fructueux ? Une multitude d'artistes l'exprimeront le 21
juin à travers toute la France, illustrant la richesse et la diversité de la
palette musicale francophone.

Ainsi, à Paris, le Mali sera représenté par Salif Keita, l'Algérie par Souad
Massi, le Cambodge par Prach Chhoun, la Hongrie par Mitsou, le Congo
par Kékélé – tandis que Soft à Reims, Youssou n'Dour à Toulouse, Ba
Cissoko à Nanterre, Tabarnouche à Barentin, parmi bien d'autres,
défendront les brillantes couleurs des scènes musicales de Guadeloupe,
d'Afrique, et du Québec.

J'ai tenu également à ce que la jeune création musicale francophone
soit à l’honneur, dans l'éclat de sa diversité, lors d'un concert
exceptionnel dans la Cour d'Honneur du Palais-Royal.

Je vous invite à y écouter Davy Sicard, l'une des plus belles voix de
l'Océan indien ; mais aussi Darko Rundek et Cargo Orkestar, qui
revisitent la musique slave entre jazz, musette et électro. J'ai souhaité
également que participent à cette soirée Arthur H, conteur d’histoires
douces amères qui emprunte sur son piano au jazz, au musette, au
tango autant qu’au rythmes africains, orientaux et tzigane, ainsi que
l'Orchestra Baobab du Sénégal, dont l'audace musicale n’a pas de limite
!

Autant de talents, d'artistes et de couleurs musicales qui porteront au
plus haut, j'en suis persuadé, leur message d'ouverture, de partage et
de diversité dans le concert des cultures du monde, comme dans cette
édition exceptionnelle de la Fête de la Musique.

Un message de solidarité, et d’espoir également, adressé à tous ceux
qui ont souffert, et souffrent encore, des conséquences de l’ouragan
Katrina, qui a ravagé l’une des plus belles villes au monde, la Nouvelle-
Orléans, dont des jazz bands nous chanteront l’âme, le 21 juin, lors d’un
concert exceptionnel à l’Hôtel Kinski, qui abrite aujourd’hui la Direction
de la Musique, de la Danse, du Théâtre et des Spectacles.

Le second message que j'ai souhaité assigner à cette édition
anniversaire est précisément celui de la pérennité, de la longévité de la
Fête.

Parce qu'une manifestation spontanée qui réunit plus de 18 000
concerts dans tout le pays et plus de 1000 événements à Paris et en Ile-de-
France, qui attire 10 millions de spectateurs pour 800 000 musiciens,
et entraîne 5 millions de personnes dans le plaisir de chanter ou de
jouer d'un instrument, en progression constante d'année en année ; une
manifestation de cette ampleur, coordonnée certes, mais non organisée,
une manifestation qui s'est muée au fil du temps en une véritable fête
républicaine, et dont les jeunes, entre quinze et vingt ans, sont pour la
plupart intimement persuadés qu'elle a de tout temps existé, une telle
manifestation nous parle. A nous de l'écouter, et de l'entendre.

Je vous le disais au début de cette brève allocution : je reste
personnellement très attaché au lien fondateur de la Fête avec la
pratique musicale des amateurs, mais aussi à son pouvoir intrinsèque
de resserrer le lien social, les relations entre les générations, et de
promouvoir le métissage culturel.

C'est que, dans sa richesse et sa multiplicité, la Fête nous révèle un
grand appétit de musique, et, au-delà, une profonde attente de dialogue,
d'échange et de culture. Elle se révèle un puissant ferment de vie
citoyenne et de cohésion sociale.

Porteuse de nouveaux courants musicaux que parfois elle annonce, que
toujours elle traduit, elle est animée, par essence, d’un souffle
précurseur.

La Fête de la musique est aussi l’événement culturel conçu, par
excellence, pour dépasser toutes les barrières érigées par les frontières,
les langues, les écritures, les disciplines.

Vous savez combien je suis attaché au rôle de la culture dans la
construction d'une identité européenne, de même qu'au respect de
l'égale dignité des cultures dans le cadre d'une mondialisation maîtrisée.

Devenue européenne avec la Fête Européenne de la Musique, puis
pleinement internationale en s'étendant aujourd'hui à 120 pays et 250
villes sur les 5 continents, la Fête, là aussi, a su ouvrir la voie. Elle
incarne brillamment cet idéal de diversité culturelle qui m’est si cher, cet
idéal qui fait aujourd’hui l’objet d’une convention adoptée le 20 octobre
2005 par 191 Etats membres de l’UNESCO, actuellement en cours de
ratification dans notre pays. Le 22 mars dernier, le ministre des Affaires
étrangères a présenté un projet de loi autorisant l’adhésion à la
convention en Conseil des Ministres. Il a été déposé le même jour à
l’Assemblée nationale en vue d’un examen et d’un vote par les députés,
avant d’être soumis au Sénat.

La diversité musicale passe par la diversité des oeuvres et des
répertoires et par la diversité des acteurs de la musique.

Dans cet esprit, le crédit d’impôt en faveur de la production
phonographique, validé par les autorités de la concurrence de Bruxelles le 18 mai dernier, est une innovation majeure pour garantir l’avenir de la
diversité musicale et de l’emploi dans l’industrie musicale.

Je rappelle que cette mesure fiscale s'appliquera à toutes les dépenses
artistiques, de développement et de numérisation des nouveaux talents,
dans la limite d'un plafond de 500 000 euros par entreprise et par
exercice. Une centaine d’entreprises devraient pouvoir en bénéficier.

Cette mesure, qui a été inscrite dans le cadre de la loi sur les droits
d’auteur et les droits voisins dans la Société de l’Information, aura, dès
lors que la loi sera promulguée, un effet rétroactif au 1er janvier 2006 et
fera l'objet d'une évaluation dans 4 ans, au 31 décembre 2009.

La loi permet le développement des offres légales de musique en ligne,
selon des modèles innovants et différenciés, pour satisfaire les attentes
de chacun, en garantissant l’accès le plus large aux oeuvres, dans le
respect essentiel du droit d’auteur, droit fondamental, qui sait s’adapter
aux innovations technologiques.

J’ajoute que le crédit d’impôt en faveur de la production phonographique
est l’élément clef d’un ensemble de mesures importantes que j’ai
présenté au début de l’année, lors du Midem à Cannes. Ainsi, le fonds
d'avances remboursables, géré par l'Institut pour le Financement des
Industries Culturelles (IFCIC) et doté de 1,8 millions d'euros, mis en
place en avril dernier, contribue, par des prêts remboursables, au
développement de projets structurels d'entreprises indépendantes de la
filière musicale (producteur, éditeurs, distributeurs).

En ce 25ème anniversaire, je ne vois donc pas de meilleur message
pour cette Fête, que celui de la confiance et de la foi en la force de la
musique, ainsi que de la diversité dont elle est elle-même porteuse.

Et maintenant, Mesdames et Messieurs, je résiste évidemment avec
peine au plaisir d'énumérer quelques-uns des temps forts de cette
édition anniversaire. Le site Internet de la Fête et le dossier de presse
qui vous sera remis vous en fourniront le détail.

Sachez simplement que cette année, la Fête de la Musique qui, chaque
21 juin, fait le tour de la planète au rythme des fuseaux horaires,
entraîne dans sa ronde un nouveau pays, l'Australie, et que, en phase
avec Sydney, le coup d'envoi de la Fête sera donné à Paris à minuit et
une minute, dans la nuit du 20 au 21, aux premières heures du 21 juin
donc, par un concert d'orgue à Saint-Eustache, tandis que, dans toute la
France, dès les premières heures de la matinée, harmonies et chorales
donneront l'aubade pour cette édition exceptionnelle.

A Paris, le studio
Campus proposera La Roue musicale, soit 24 heures de musique
pendant lesquelles de nombreux artistes improviseront librement autour
des musiques contemporaines, du free rock et du jazz. Et pour la
première fois je crois cette année, c'est véritablement une
programmation ininterrompue qui investira l'ensemble du territoire de
minuit à minuit, donnant partout droit de cité à la musique.
Je voudrais citer aussi « Le Parcours de la Seine Harmonique », qui
proposera aux Parisiens et aux Franciliens une promenade le long du
fleuve et des canaux : de Boulogne-Billancourt au quai François Mauriac, du Parc de la Villette au bassin de l'Arsenal à Bastille, on
pourra assister à 25 concerts aux univers musicaux multiples, à l'image
de la Fête. Musique classique, musiques du monde, jazz, chanson,
musique électronique : enfants et adultes, amateurs et professionnels,
tous s'y retrouveront pour célébrer, dans un même enthousiasme, 25
ans de Fête de la musique.

Je veux aussi rappeler que, grâce à la détermination et à la passion de
Louis Bricard, inlassable promoteur de toutes les musiques, nous
accueillons avec fierté aux Invalides la renaissance du World
Philharmonic Orchestra, formation éphémère composée de 112 chefs
de pupitres issus des orchestres de 80 pays différents.

En régions, Xavier Ribes, chef de choeur de l'Opéra de Nantes, dirigera
20 chorales qui interprèteront Nabucco de Verdi. A Septèmes-les-
Vallons dans les Bouches-du-Rhône, la musique électronique de Barbès
D. de Marseille et les chants sacrés du désert des artistes algériens de
Béni Abbès s'uniront pour un concert exceptionnel. A l'Opéra de Lille, on
assistera à une création de Georges Aperghis, interprétée par des
musiciens de l'ensemble Ictus, des étudiants du Centre de Formation
des Musiciens Intervenants de Lille et des musiciens de Naplouse et de
Nazareth. A l'occasion de ce concert, une collecte d'instruments sera
organisée par Music Fund, afin d'offrir un soutien matériel aux musiciens
des pays en voie de développement et des zones de conflits. Au centre
pénitentiaire de Saint Martin de Ré, La Rue Kétanou participera à un
concert rencontre avec les détenus, tandis que Rachid Taha se produira
à la Maison d'arrêt de Fresnes.

Autant d'exemples qui illustrent l'esprit de la Fête et les valeurs, les
envies qu’elle incarne, des valeurs de solidarité et de partage, des
envies d’émotions collectives, de mieux vivre ensemble.

Je tiens enfin à remercier tous les partenaires et participants, sans qui la
Fête ne pourrait avoir lieu. La Sacem, tout d’abord, fidèle partenaire de
la Fête depuis l'origine ; le ministère des affaires étrangères, ensuite, qui
offre chaque année un magnifique concert dans les jardins du ministère
de la coopération, rue Monsieur, et qui a largement contribué au
développement de cet événement à travers le monde grâce au réseau
culturel français à l'étranger, que je tiens ici à féliciter pour le travail
accompli ; Radio France et France Télévisions, également, qui relaient
avec enthousiasme l'événement sur tout le territoire ; A Nous Paris,
enfin, qui informe les Franciliens sur tous les programmes en Ile-de-
France.

Je tiens à remercier également tous les établissements publics qui
participent à la Fête et en particulier le Centre des monuments
nationaux, qui, avec la Fnac, offre chaque année des concerts de qualité
dans des lieux exceptionnels ; merci aussi au Forum des Instituts
culturels étrangers à Paris, de plus en plus impliqués dans la fête, à
Ricard Live Music et au Fonds d'Aide aux Initiatives Rock pour leur
implication sans faille, ainsi qu’au Syndicat des Transports d’Ile-de-
France, qui met tout en oeuvre, à l'occasion de cet événement, pour
faciliter les déplacements des millions de Parisiens et Franciliens.

Je félicite tout particulièrement toutes les équipes de l’Association pour
le Développement de la Création, Etudes et Projets, Hervé Bordier,
Sylvie Canal et tous ceux qui les entourent. Ils assurent chaque année
la coordination de ce gigantesque événement qui, pour être spontané,
n'en réclame pas moins une attention minutieuse et un travail de longue
haleine.

Les remerciements sont évidemment nombreux, mais ils ne sont que le
reflet de l’engouement provoqué par cette grande Fête ! Mes derniers et
vifs remerciements iront donc à chacune et à chacun des millions
d'amoureux de la musique qui, cette année encore, le 21 juin,
participeront ou assisteront à ce grand rassemblement : ce sont eux qui,
par leur pratique, leur engagement et leur enthousiasme, contribuent à
nous donner foi et confiance en cette magnifique mission qui nous est
confiée, de conduire les politiques publiques en faveur de la musique.

Et à tous – puisque nous sommes tous un peu des enfants de la Fête,
nés avec elle à une autre écoute de la musique – je souhaite pour ce 21
juin un heureux anniversaire et une confiance toujours renouvelée dans
l'infini pouvoir de la musique.

Je vous remercie.

« Rencontres de Fès : une âme pour la mondialisation » Fès au Maroc

3 juin 2006

Monsieur le Conseiller, Cher Mohamed Kabbaj,

Monsieur le Président du Festival des musiques sacrées du monde,

Monsieur le Professeur Faouzi Skali,

Madame la Présidente, Chère Katherine Marshall,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Il est des moments inoubliables, des moments d’intenses émotions et
de grandes joies partagées, comme ceux que nous sommes en train de
vivre. Je tiens tout d’abord à vous remercier et à remercier tout
particulièrement Monsieur le Ministre Mohammed Achaâri de m’avoir
invité aujourd’hui dans ce cadre somptueux, magique, au coeur de cette
ville de Fès qui porte en elle la prestigieuse histoire du Maroc.

Une
histoire qui a imprimé dans les pierres, les esprits et les coeurs de cette
cité, les traits d’une brillante et vibrante culture. La chaleur de votre
accueil et la force de votre amitié témoignent de la nature des liens
particuliers et anciens qui existent entre nos pays et que je ressens
personnellement et profondément, à chaque fois que je viens au Maroc.

Oui, ce sont des liens de respect, d’affection, de confiance, de
fraternité, qui nous unissent, qui nous rapprochent et qui confèrent aux
moments que nous partageons une qualité exceptionnelle, qu’il s’agisse
de nous recueillir et de vibrer ensemble à l’unisson de la virtuosité
extraordinaire des Arts Florissants de William Christie, comme hier soir,
lors du magnifique concert d’ouverture du festival, ou de construire
ensemble des projets de coopération, comme celui que nous élaborons
en faveur du rayonnement de la bibliothèque nationale du Royaume du
Maroc, ou encore, de dialoguer et de réfléchir ensemble, comme nous
avons la chance et le plaisir de le faire ce matin.

La mondialisation a-t-elle une âme ? Telle est la question, on ne peut
plus actuelle, à laquelle vous nous avez invité à réfléchir aujourd’hui, à
Fès, en ce lieu hautement symbolique de l’histoire et du rayonnement
de la culture et de la tradition marocaines, qui illustre à la fois l’héritage
et la vitalité d’une brillante civilisation et la richesse des projets d’un
grand pays moderne, largement ouvert sur le monde et résolument
tourné vers l’avenir.

Nous pouvons tenter de répondre en revenant un instant sur le concert
d’hier soir. Le philosophe Schelling disait de Mozart, ou plutôt de sa
musique, qu’elle exprimait « l’âme du monde ». C’était l’époque où Kant
imaginait et élaborait un projet de paix perpétuelle. Les philosophes des
Lumières avaient compris ce que nous éprouvions hier soir devant la
pièce écrite par Mozart pour le concert spirituel, magistralement
interprétée par les Arts Florissants, mais aussi ce que nous partagerons
sans aucun doute cet après-midi en écoutant Hassan Haffar et Omar
Sermini, venus de Syrie, et ce soir en assistant au dialogue des paroles,
des danses et des chants d’Espagne, d’Iran, d’Inde et du Mali : chacun
de ces spectacles, chacune de ses rencontres est unique. Et à chaque
fois, la musique contribue non pas à abolir les frontières, mais à les
dépasser, puisque tout en respectant, et en mettant en valeur l’identité
exceptionnelle du site unique du concert, nous percevons, ici comme
ailleurs, et sans doute plus qu’ailleurs, sa force universelle, son sens de
la solidarité humaine et de la transmission.

Oui, les musiques de Fès
s’adressent au monde entier comme à chacune et à chacun d’entre
nous. Puisque mon collègue Mohamed Achaâri est un grand poète, je
reprendrai le titre de l’un de ses livres, pour constater que nous avons
tous « Deux yeux aussi vastes que le rêve ». Et, face à la diversité et à
la profondeur des harmonies de Fès, nous sommes tous ensemble, tous
semblables. Ce qui nous rapproche est bien plus fort, bien plus grand,
bien plus évident que ce qui nous sépare : un pont jeté entre deux rives,
dans la fidélité aux enseignements que dispensèrent ici, à la Qaraouine,
l’une des plus anciennes universités du monde, parmi tant d’autres
sages illustres, Maïmonide, mais aussi Ibn Khaldoun, Ibn Arabi, Ibn Al
Banna.

Oui tel est « l’esprit de Fès », car ce Festival, et ce forum, sont bien des
lieux où soufflent l’esprit. Cet esprit est fait de cette harmonie entre
l’universalité, la singularité et la diversité, harmonie humaine autant que
spirituelle, qui s’adresse au coeur et à la raison de chaque homme
comme à l’ensemble de l’humanité.

Tel est bien le thème fédérateur choisi par le Festival de Fès cette
année : Harmonies, au pluriel. Quel plus beau mot d’ordre pour ce
nouveau monde qu’il nous appartient aujourd’hui de dessiner,
ensemble ? A l’heure où les frontières s’ouvrent, où les contours
s’estompent, où la circulation et la communication n’ont jamais été aussi
faciles, comment ne pas y voir une injonction, une exigence, une
nécessité impérieuse ? Car l’harmonie n’est pas l’unification,
l’aplanissement, l’affadissement, elle ne vise pas une tonalité unique,
une couleur neutre, une seule parole ou une seule culture. Bien au
contraire, les harmonies sont faites de diversités, de différences, de
confluences. Qu’elles viennent du corps, du coeur ou de l’esprit, elles
associent des sons, des musiques, des couleurs, des formes, qui
dialoguent et se répondent, se nourrissent et se subliment
mutuellement.

De même, les rapports entre les religions et les sociétés, entre les
pouvoirs spirituels et temporels, religieux et politiques, peuvent, doivent,
j’en suis convaincu, s’établir dans l’harmonie, en distinguant et en
respectant, la sphère de l’un et la sphère de l’autre, mais aussi les traditions collectives. Cela d’autant plus que le mondialisation est en
train de bouleverser les normes sociales et les relations de
communication. La religion revient donc à ses deux sources
étymologiques latines : relegere – recueillir, rassembler ou religare –
relier. La religion est d’abord un ensemble de relations entre les
hommes et Dieu. Elle est aussi un dépassement de soi, un
franchissement des frontières de l’individu, une ouverture au monde.

Comme l’a écrit Mohammed Bennis, né à Fès, « point de fin pour qui
élargit la source de sa soif ». Le grand mouvement spirituel prophétisé
par Malraux pour ce XXIe siècle ne doit pas se traduire par une
confusion entre pratique religieuse, engagement politique et éthique
sociale. Et ce, quelle que soit la religion et quelle que soit le pays. Car
c’est de ce terreau que se nourrissent les intégrismes, tous les
intégrismes, les violences, les replis sur soi, les incertitudes, les chocs,
les pertes de repères, les revendications identitaires qui traversent le
monde actuel. Soyons lucides et vigilants sur ce point essentiel, en
France comme au Maroc! Soyons actifs et déterminés, pour préserver
l’humanisme et l’universalisme qui doivent inspirer selon moi avec
constance, en toute circonstance, nos pratiques religieuses, mais aussi
culturelles et politiques !

Dès 1960, peu après la création du ministère de la culture en France,
l’Unesco lançait un appel pour sauver les monuments de Haute Egypte.
L’organisation internationale, qui s’efforce aujourd’hui, avec le soutien
de la France et de très nombreux pays, d’ancrer le respect de la
diversité culturelle dans le droit international, en faisant ratifier la
convention adoptée le 20 octobre dernier inventait, à l’époque, la notion
de témoignage, entre les statues et ce qu’il appelait leur âme, en
ajoutant : « Il n’est qu’un acte sur lequel ne prévale ni la négligence des
constellations, ni le murmure éternel des fleurs : c’est l’acte par lequel
l’homme arrache quelque chose à la mort ».

L’an dernier, la
communauté internationale a franchi une nouvelle étape fondatrice en
adoptant à la quai unanimité la convention internationale sur la diversité
culturelle dans le cadre de l’Unesco. Et je sais toute la part que le Maroc
a prise à cette réussite du dialogue des cultures. Je suis heureux de
vous annoncer que le projet de loi de ratification de cette convention est
inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale française la semaine
prochaine. La diversité culturelle est une valeur essentielle dans le
monde d’aujourd’hui.patrimoine commun de l’humanité, qui a permis
d’inscrire Fès sur cette liste universelle.

André Malraux dressait, avec
toute la force de son éloquence, un vibrant parallèle entre la « grandeur
spirituelle » des civilisations et des monuments qui en sont le
témoignage, entre les statues et ce qu’il appelait leur âme, en ajoutant :
« Il n’est qu’un acte sur lequel ne prévale ni la négligence des
constellations, ni le murmure éternel des fleurs : c’est l’acte par lequel
l’homme arrache quelque chose à la mort ». L’an dernier, la
communauté internationale a franchi une nouvelle étape fondatrice en
adoptant à la quai unanimité la convention internationale sur la diversité
culturelle dans le cadre de l’Unesco. Et je sais toute la part que le Maroc
a prise à cette réussite du dialogue des cultures.

Je suis heureux de
vous annoncer que le projet de loi de ratification de cette convention est
inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale française la semaine
prochaine. La diversité culturelle est une valeur essentielle dans le
monde d’aujourd’hui.

Puisque la diversité culturelle, c’est celle des expressions artistiques et
notamment celle des cinématographies du monde, j’évoquerai ici, dans
ce grand pays de cinéma, le chef d’oeuvre de Alejandro Gonzalez
Inarritu, Babel, qui vient de recevoir le prix de la mise en scène au 59e
Festival de Cannes.

Ce film a été tourné dans quatre pays différents,
Etats-Unis, Mexique, Japon et ici même, au Maroc. Il fait bien sûr
référence au fameux récit de la Genèse. Il illustre aussi de façon
exemplaire les enjeux, les risques et les défis d’une mondialisation qui,
ne passant pas par l’acceptation, la connaissance et le respect mutuels
des cultures et des identités des peuples, accroîtrait l’incommunicabilité
entre les populations. Il montre les dangers d’une circulation plus vaste
des hommes, mais qui ne se ferait qu’en cars climatisés, hermétiques,
posant un regard ouvert sur le monde, mais à travers l’écran des peurs
et des préjugés. Il expose les paradoxes d’une globalisation des
échanges commerciaux et financiers, des technologies et des moyens
de communication, qui se ferait sans les forces culturelles et spirituelles
qui ne sont pas le supplément d’âme, mais l’âme même de la
mondialisation.

Le fait religieux s’inscrit assurément au plus profond de l’histoire de
l’homme. Par-delà toutes les différences dans le temps ou dans
l’espace, comme l’a souligné le professeur Jean Delumeau, « l’homme
se définit avant tout comme un homo religiosus, qui s’interroge sur le
sens, la finitude, la mort ». Par la recherche d’absolu qu’elle véhicule, la
spiritualité est à l’origine de certaines des plus belles réalisations
humaines. Sur tous les continents, dans toutes les civilisations, c’est à
cette quête que l’on doit beaucoup des créations artistiques, musicales,
architecturales ou littéraires, parmi les plus fortes et les plus
marquantes.

Le dialogue interreligieux est certainement l’une des voies qui peut faire
aboutir notre "quête du sens" dans un monde souvent désenchanté et
assoiffé de spiritualité. Et ce monde, notre monde, est confronté à la
violence qui s’exerce parfois au nom des religions, trahissant le
message qui les a vu naître.

Au temps du brassage des populations, des cultures, des identités, où
nos sociétés sont confrontées à de nouveaux défis, soyons fiers de nos
racines spirituelles et culturelles, conscients des apports du fait religieux,
assumons sereinement la diversité, la polyphonie du monde, dans un
même souci commun d'enrichissement mutuel et de paix.

Les Français, tout comme les Marocains, et tous ceux qui ont la chance
de participer au Festival de Fès, manifestent leur attachement aux
patrimoines, aux racines, aux identités, mais aussi aux créations qui
participent à notre rayonnement culturel et spirituel, individuel et collectif.

Il me paraît particulièrement utile aujourd’hui de rappeler que notre
patrimoine n’est pas fait seulement de monuments et de pierres, de
notes et de rythmes. Il est aussi, et à Fès l’on peut dire certainement
avant tout, un héritage de valeurs que nous ont légué les siècles et que
nous avons le devoir de transmettre et d’enrichir à destination des
générations présentes et futures, pour forger un avenir, un projet, un
destin partagés, un bien commun, de part et d’autre des deux rives de la Méditerranée, comme l’harmonie, l’accord des sons d’un instrument, la
résonance des cordes, la succession des esthétiques, nous
rassemblent, ainsi que le disait Pythagore, « par la vertu de cet art qui
doit se percevoir par l’intelligence ».

Puissent vos débats d’aujourd’hui établir cette harmonie !

Je vous remercie.

Remise des insignes d’Officier dans l’ordre des Arts et des Lettres à Yvon Thiec

1 juin 2006

Cher Yvon Thiec,

Je suis très heureux de vous accueillir dans ces salons de la rue de
Valois, pour cet hommage placé sous le double signe de l’amour du
cinéma et de l’Europe. Vous êtes un défenseur ardent de la diversité
culturelle, de sa valeur intrinsèque, irréductible à une quelconque valeur
commerciale, irréductible à une logique de marché. Vous avez porté
haut et fort ce message dans les institutions européennes, afin que le
magnifique projet d’union des pays de l’Europe ne signifie pas la
dissolution, l’affadissement des cultures de chacun d’entre eux.

Oui, la construction européenne a besoin d’enthousiasme, d’énergie, de
ferveur, et elle a aussi besoin de vigilance. Votre enthousiasme de
citoyen européen, vous l’avez mis au service de la culture, conscient que
sa défense, malgré les progrès remarquables enregistrés jusqu’à
aujourd’hui, nécessite une mobilisation de chaque instant. À Bruxelles,
vous êtes aujourd’hui cette vigie des professionnels français de la
production, de la distribution, mais aussi des auteurs.

L’idée européenne vous a séduit très tôt. Adolescent, vous partiez
souvent en Allemagne dans le cadre d’échanges linguistiques. Vous y
avez notamment été le témoin de l’émotion qu’a suscitée en 1968
l’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes soviétiques. C’est à ce
moment là que vous avez pris conscience de votre appartenance à
l’Europe, cet ensemble divers au sein duquel nous sommes parvenus à
bâtir, non seulement une zone de prospérité économique, mais aussi
une paix durable.

Après vos études de droit en France, vous avez rejoint l’Institut
universitaire européen de Florence, à la Badia Fiesolana, abbaye du
XVe siècle, ancienne résidence des évêques de Fiesole, dressée, dit-on,
à l’endroit où Saint Romulus fut martyrisé. Vous obtenez un doctorat en
science politique, après vous être passionné pour les théories de
Gustave le Bon sur la psychologie, et l’irrationalisme des masses, sur
lesquelles vous avez publié plusieurs ouvrages. L’oeuvre majeure de ce
« prophète », comme vous l’avez écrit, La psychologie des foules, a été
publiée en 1895, date symbolique également pour votre autre grande
passion, le cinéma, puisque c’est aussi l’année de la fameuse première
projection des Frères Lumière au salon indien du Grand Café de Paris.

Fort de cette formation, vous avez rejoint le Parlement européen, où
vous avez conseillé le groupe libéral, d’abord sous la présidence de
Simone Veil, puis, par la suite, de Valéry Giscard d’Estaing. Votre
grande intuition politique et la connaissance profonde que vous avez
acquis des rouages et des enjeux de la construction européenne vous
font prendre conscience très tôt du rôle éminent que la culture doit y
jouer.

Les professionnels français du cinéma et de l’audiovisuel vous confient la
défense de leurs intérêts auprès des institutions européennes, et
particulièrement de la Commission. Vous créez alors Eurocinéma, une
association professionnelle qui représente les intérêts des producteurs de
l'Union Européenne pour tout ce qui touche directement ou indirectement
à la production cinématographique et télévisuelle.

Vous n’avez depuis cessé de vous battre pour que la création acquière
une place particulière, à l’écart des règles libérales prévalant pour la
plupart des secteurs économiques. Vous avez été l’un des tout premiers à
défendre la notion d’exception culturelle, concept fort qui a donné
naissance à l’exigence de diversité culturelle. Vous avez fait vôtre ce
précepte de Tzvetan Todorov, hérité de nos meilleurs philosophes du
XVIIIe siècle : « L’identité de l’Europe, et donc sa « volonté générale »,
pourra s’affirmer si l’on s’appuie sur les analyses faites à l’époque des
Lumières ; si, au lieu d’isoler telle qualité pour l’imputer à tous, on prend
pour base de l’unité le statut accordé à nos différences et les manières
d’en tirer profit. »

Depuis le Cycle de l’Uruguay, la plus vaste négociation commerciale de
tous les temps, qui a conduit à la création de l’Organisation Mondiale du
Commerce, par votre mobilisation de chaque instant, vous avez permis à
la culture d’obtenir toujours plus de garanties et de droits dans ce
nouveau monde qui se dessine. Si aujourd’hui, nous pouvons nous
féliciter d’avoir obtenu de la Commission européenne la validation des
aides d’État au cinéma et à l’audiovisuel, c’est grâce à des hommes
comme vous, qui font progresser, tous les jours, concrètement, la diversité
culturelle.

Aujourd’hui l’Europe prend un nouveau visage. Elle est plus soucieuse
que jamais des enjeux de la création et de la diffusion des oeuvres des
pays qui la forment. Ce progrès considérable de la culture en Europe
devra cependant faire l’objet d’une mobilisation constante dans les
années à venir. Je sais pouvoir compter sur votre force de persuasion, sur
votre talent, pour faire en sorte que la création puisse continuer à se
développer dans l’Union et que la diversité culturelle s’épanouisse dans le
monde.

Cher Yvon Thiec, au nom de la République, nous vous faisons chevalier
dans l’ordre des Arts et des Lettres.

Remise des insignes de Chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres à Sophie Dulac

1 juin 2006

Chère Sophie Dulac,

Je suis très heureux de vous recevoir aujourd’hui au ministère de la
culture et de la communication, pour honorer en vous une femme
passionnée, qui a mis tout son talent au service de notre cinéma, pour
offrir aux spectateurs des films de qualité, et défendre une certaine idée
de la culture, faite à la fois d’exigence artistique et d’ouverture au public
le plus large possible.

Après une solide expérience en communication, tout d’abord en tant que
responsable des relations publiques au sein de l’agence Idées Dialogues
Conseil, de 1980 à 1983, puis, jusqu’en 1989, en qualité de responsable
des relations presse au prestigieux Drugstore Publicis, vous créez, puis
gérez pendant cinq ans un cabinet de recrutement et d’études
graphologiques, la société Sophie Dulac Conseil.

En 1999, vous renouez avec le cinéma en créant la société Sophie
Dulac Productions, avec comme objectif le développement, la production
et la coproduction de fictions, de films documentaires et de courts
métrages. Vous vous intéressez plus particulièrement au cinéma
d’auteur et vous cherchez à donner toutes leurs chances aux premiers
films.

Vous avez produit principalement des films français, et je salue en
particulier le remarquable film documentaire Decryptage, de Jacques
Tarnero et Philippe Benssoussan, qui a attiré à lui seul cinquante mille
spectateurs dans la salle de l’Arlequin et dix mille spectateurs hors de
l’Ile-de-France. Je suis sûr que vos projets en cours, parmi lesquels le
prochain film de Maria Victoria Menis, La chambre obscure, et le
prochain long métrage de Nicolas Klotz, La question humaine, avec
notamment Mathieu Amalric, rencontreront le même succès.

Aujourd’hui, vous développez des coproductions françaises et
étrangères. Vous avez ainsi récemment coproduit avec l’Argentine le film
El Cielito de Maria Victoria Menis, qui est sorti en France le 8 juin 2005
et a obtenu de nombreux prix dans les festivals internationaux.

Je salue votre âme de découvreuse, votre esprit pionnier et visionnaire,
qui vous pousse à soutenir les nouveaux talents du septième art, en
produisant plusieurs courts-métrages par an. Vous avez choisi, avec
beaucoup de courage et de détermination, de miser sur le risque, plutôt
que sur la logique de marché et sur l’audace, plutôt que sur le marketing,
tout en militant constamment pour un cinéma accessible à tous.

Des convictions qui motivent également votre action remarquable à la
tête des Ecrans de Paris, dont vous êtes devenue, en 2001, Président
Directeur Général. Une action remarquable pour ces cinq cinémas voués
aux films d’auteur et aux films d’art et d’essai, dont vous avez maintenu
la qualité de la programmation, tout en cherchant à attirer un très large
public.

Vous avez ainsi développé, encouragé, et participé à de nombreuses
manifestations culturelles autour du cinéma. Certaines sont des rendezvous
réguliers, comme les ciné-clubs animés par Claude-Jean Philippe à
l’Arlequin, et Alain Riou au Majestic Passy, mais aussi les rétrospectives
qui permettent aux spectateurs d’aujourd’hui de connaître l’émotion des
plus grands chefs d’oeuvre, comme des perles méconnues de l’histoire du
cinéma. Vous avez fait de ces cinq cinémas des lieux de vie, de
rencontres avec les auteurs et les réalisateurs, des lieux chaleureux et
ouverts.

Vous en avez également fait des lieux de réflexion, et notamment de
débats autour du cinéma de demain, avec les soirées « Courts à
l’Escurial » et « Docs à l’Escurial », qui permettent au public d’aborder des
questions d’actualité, tout en découvrant l’avenir du septième art.

Je tiens à saluer votre action formidable en tant que présidente, depuis
2003, de l’association « Paris Tout Court », premier festival de Court
métrage à Paris, qui a lieu au cinéma l’Arlequin. Depuis son lancement en
2002, ce rendez-vous désormais majeur des amoureux du cinéma fait
rimer rigueur de la sélection avec décloisonnement des pratiques
artistiques et ouverture à un public toujours plus large et plus divers.

C’est
une très belle façon de mettre à l’honneur ce genre si particulier, qui est
aussi le creuset des talents demain.

Vous accueillez par ailleurs dans vos salles de nombreux festivals, qui
vous permettent d’aborder le cinéma sous des angles sans cesse
renouvelés.

Toujours animée par ce très bel esprit d’ouverture, vous avez passé des
partenariats avec des associations telles que « L’enfance de l’art » ou
encore « Les Restos du coeur », pour que vos salles s’ouvrent aux jeune
public comme aux personnes en difficulté.

Et puisque j’ai présidé ce matin ce matin la remise de la Commission
Culture Handicap, je voudrais dire quelques mots à propos de cette autre
opération exemplaire que vous avez lancée en 2001, « Cinéma accessible
à tous », toujours à l’Arlequin. Vous avez aménagé deux salles de façon à
ce qu’elles soient accessibles aux malentendants et aux malvoyants,
grâce au système d’audiodescription et de sous titrage.

Vous avez ainsi démontré, outre que le cinéma s’adresse à tous et que
c’est sur grand écran qu’un film prend toute sa valeur, que l’art a vocation
à tisser des liens, à favoriser des rencontres, à réunir les hommes.

Afin d’assurer une bonne distribution des films que vous produisez, vous
créez votre propre société, Sophie Dulac Distribution, en 2003, qui élargit
peu à peu ses activités au cinéma d’auteur français et international, ainsi
qu’aux premiers films.

Vous avez fait de la salle de cinéma un lieu vivant, accueillant, un lieu de
partage, de débats, de rencontres, un lieu ouvert sur la ville et sur le
monde. Vous êtes l’artisan indispensable de cette diversité culturelle que
nous appelons tous de nos voeux.

Chère Sophie Dulac, au nom de la République, nous vous faisons
chevalier des Arts et des Lettres.