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Réunion de l’Observatoire des usages numériques culturels sur le thème : « télévision et Internet : entre convergence et différences »

Mesdames, Messieurs,

Je suis particulièrement heureux de vous accueillir aujourd'hui au Ministère
de la Culture pour cette troisième réunion de l’Observatoire des usages
numériques culturels, et je vous remercie d'avoir répondu à mon invitation.

Développer une réflexion prospective est l’ambition de cet observatoire.
Cette réflexion revêt recouvre trois dimensions d’égale importance et
étroitement liées : une dimension technologique d’abord, parce que les
innovations dans les technologies numériques se suivent à un rythme
accéléré, une dimension sociologique ensuite, parce que c’est
l’appropriation d’une innovation par les utilisateurs qui en fait le succès, une
dimension culturelle enfin, pour donner du sens à ces évolutions, et parce
qu’il est au coeur de ma politique de moderniser nos industries culturelles
en mettant la technologie au service de la création.

Avant de passer à l’examen de notre ordre du jour, je veux indiquer que
nous nous réunissons alors que le projet de loi sur la télévision du futur
vient d'être adopté par le Sénat et qu’il sera prochainement débattu à
l’Assemblée nationale.

Vous le savez, ce texte permettra à tous les Français de bénéficier de la
télévision numérique, pour accéder à une offre enrichie d’une vingtaine de
chaînes. Il organise la couverture de 100% du territoire et fixe la fin
définitive du signal analogique au profit du numérique le 30 novembre
2011, et il organise le lancement de la télévision du futur. Il organise aussi
la diffusion de la haute définition et de la télévision mobile personnelle.

Notre rencontre d’aujourd’hui est donc particulièrement utile, dans ce
contexte, pour débattre et réfléchir ensemble aux perspectives de
développement de la télévision, en pleine restructuration des usages, des
technologies de diffusion, et des modalités d'offres et d'accès aux
contenus.

Cette matinée s'articulera autour de deux séries de questions :

1) Les usages :

Les internautes, bénéficiant du haut débit, grands consommateurs de
contenus audiovisuels de toute nature, par ailleurs souvent nomades,
utilisateurs de mobiles, et notamment les plus jeunes, témoignent d’une
évolution rapide et profonde des usages.

Flexibilité, modularité, discontinuité des pratiques, transforment leur
relation aux contenus. Nous passons de la rareté qualitative, hiérarchisée,
clairement identifiée dans des programmes de chaînes mais aussi
imposée ou pré-programmée, à l'abondance de contenus et de services,
modulables dans le temps et à distance. Nous passons à des contenus à
la demande c’est à dire choisis. Une telle évolution ne peut être neutre
quant à l’offre de programmes elle-même.

La sphère familiale a tendance à laisser la place à une individualisation
plus forte des pratiques, couplée à la naissance d’une multitude de
communautés virtuelles.

Chacun peut aussi distribuer de plus en plus largement des contenus. Si
cela pose évidemment des problèmes lorsqu’il s’agit de piraterie ou
d’information, cette évolution ouvre aussi une nouvelle perspective pour le
droit d’auteur : nous sommes tous des auteurs en puissance, le droit
d’auteur n’est donc pas le privilège d’une élite, mais un principe
démocratique qui nous protège tous.

Pour illustrer ce propos, nous aurons un premier compte rendu d'une
étude menée par le département des études du ministère avec le cabinet
KR-média qui soulignera ce bouleversement des comportements.

2) Les nouvelles formes de l'offre de programmes et de contenus :

Pour le ministre de la culture et de la communication que je suis, c'est
évidemment très important tant vis à vis de la création que de l’internaute.

La technologie se situe naturellement au coeur de ces évolutions. Les
modèles économiques qui s’élaborent sont aussi déterminants et j’y
attache la plus grande importance. Leur rôle conjoint est avant tout
d’explorer tous « les possibles », de permettre l’innovation dans de
nouveaux services ou de nouveaux modèles, pour faciliter l’accès aux
programmes et aux contenus les plus diversifiés.

C’est dans cet esprit que je conçois mon action politique au sein de ce
ministère : qu’il s’agisse de la loi sur le droit d’auteur ou sur la
modernisation de la diffusion audiovisuelle, ma priorité est d’anticiper et
de créer un cadre favorable à l’innovation, à la création de nouveaux
services et de nouvelles offres : offres sur internet, sur les mobiles, sur la
télévision ; offres à la demande, par abonnement ou même offres
gratuites financées par la publicité, tous ces modèles sont explorés et
doivent l’être bien davantage encore. Il s’agit d’éviter de figer ou d’imposer
un modèle, pour favoriser le dynamisme de nos entreprises et élargir les
choix de nos concitoyens, ainsi que la diversité de l’offre.

Nous devons aussi être attentifs aux aspirations nouvelles qui
s’expriment, aux évolutions culturelles, aux besoins renouvelés de
connaissances, de divertissements, de créations, de fictions, de jeux, de
débats, de découvertes et d'informations sur le monde contemporain.
Nous devons repenser notre action, dans une révolution qui conduit de
l’économie de la rareté à une économie de l’abondance, où autant que de
permettre un accès universel il s’agit d’organiser, d’exposer, d’éditorialiser
et de différencier l’offre, de la référencer en quelque sorte, ce qui permet
d’établir des relations fructueuses entre le créateur, l’éditeur et
l’internaute.

La TNT et l'accès internet permettent de multiplier les offres, de diversifier
les services, de multiplier les interactions, de composer des communautés
nouvelles. La diversité culturelle y prend tout son sens si l’on fait preuve
d’une vigilance constante. D’où l’intérêt et l’importance de nos échanges.

Nous n'en sommes qu'au début, et des réunions comme la nôtre
aujourd'hui sont nécessaires pour mieux anticiper l'avenir. L'économie
globale, les coûts de production, les tarifs des accès, des abonnements,
les garanties de droit, tous ces paramètres sont encore à explorer pour
bâtir des modèles durables.

Ces quelques lignes directrices sont bien celles qui doivent inspirer nos
débats.

Ainsi, aujourd’hui :

– Madame Claire Leproust nous présentera les perspectives de création
de nouveaux formats et de nouveaux modèles, notamment pour la
télévision mobile.

– L'offre et l'accès à notre patrimoine grâce à l'INA, que M. Vernhet nous
présentera, est un bon exemple des nouvelles possibilités d'archivages et
de diffusions culturelles. Je suis heureux que, comme je l’ai voulu en le
dotant de moyens budgétaires appropriés, le service public soit à la pointe
de l’innovation et propose à nos concitoyens un véritable renouveau de
l’offre. Il est particulièrement important que le patrimoine audiovisuel,
notre mémoire visuelle, soit au coeur de ces explorations prospectives et
rencontre les attentes de nouveaux publics, notamment le public le plus
jeune.

– Enfin, les acteurs doivent être particulièrement attentifs aux modalités
inédites d'auto-production, de stockage, de diffusion sur Internet, le Web
2.0 [deux points zéro] et les blogs, le dépôt de ces milliers de séquences,
de toutes origines, de toutes qualités, parfois aux limites de la légalité,
mises en libre accès au profit de nouvelles formes de communication et
d'interaction sociale. L'IDATE parle ainsi d' « egocasting » par opposition
au Broadcasting, et on commence à parler de la télévision 2.0.

Dans le foisonnement par nature désordonné de ces contributions, ce
sont sans doute aussi de nouveaux langages et de nouveaux formats de
l'audiovisuel de demain qui se préparent. Cet observatoire a précisément
pour objet d’y voir plus clair.

Monsieur Olivier Abécassis nous présentera, afin d’illustrer les différentes
facettes de ce sujet, le projet WAT qu’il a mis en place et qui est au coeur
de cette vision prospective.

[De nombreuses questions se posent. Nous les examineront :
L'interopérabilité et la convergence des plateformes seront-elles garanties
? Les normes techniques, par exemple pour la télévision sur mobile, sontelles
stabilisées? Les contraintes économiques, la publicité, la gratuité
vont-elles se conjuguer pour s'adapter à la flexibilité des besoins et à
l'évolution des budgets des ménages ?]

Les atouts français autour du haut débit, l'émergence par exemple d'une
blogosphère forte dans notre pays et pour la francophonie, les capacités
reconnues de création diversifiée et de production des unités de
programme et des instituts dépositaires du patrimoine, les nouveaux
supports et les accès mobiles, tout cela dessine les prémices d'un cercle
vertueux. Le succès de la TNT illustre également cette évolution.

Je souhaite que notre réunion permette l'échange le plus ouvert, sur
l’ensemble de ces évolutions, l'exposé des points de vue les plus
contradictoires n’étant pas exclus ! Je fais aussi appel à vos réflexions,
vos analyses et vos propositions, pour éclairer le rôle de l’Etat.

Ainsi que j'avais déjà eu l'occasion de vous le proposer lors de la création
de l’Observatoire des usages culturels numériques, nous devons garder
notre principal objectif: ouvrir de nouvelles perspectives de
développement, de nouveaux marchés, de nouveaux emplois, de
nouveaux usages pour un accès plus large à la culture.

J'ai la conviction que le champ audiovisuel et la télévision, secteur
d'excellence de la tradition et de la création françaises, peut se marier
avec la fantastique révolution que représentent Internet et le numérique
pour y parvenir.

Je vous remercie.

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