Faudra-t-il bientôt faire un acte de repentance publique pour être passé par l'ENA?…
5 novembre 2002Je m’en suis déjà publiquement expliqué très souvent, car le label « énarque » est moins populaire que celui du camembert fermier au lait cru… Mon excellent collègue et ami Hervé Novelli et un deuxième député viennent de lancer une opération qui sera certainement très populaire baptisée « Stop ENA ». Le sens du vent aujourd’hui est effectivement de taper sur cette école et de la désigner à la vindicte publique, comme étant la seule responsable des pannes françaises, des retards, des lâchetés gouvernementales, des erreurs de jugement des dirigeants.
Selon eux, « supprimer l’ENA, temple de l’économie administrée, c’est donc rétablir le talent, la compétence et l’expérience et mettre fin à l’immense gâchis des intelligences généré par ce système ».
Diable !
Je ne suis pas surpris par cette proposition car j’ai naturellement constaté qu’une autosatisfaction de certains, alliée à une coupure des réalités du terrain avaient fait des ravages dans l’opinion et que du coup c’est l’ensemble du système de sélection opéré par cette école qui était sous les projecteurs. Faut-il pour autant la rendre coupable du « mal français » ?
Je m’en suis déjà publiquement expliqué très souvent, car le label « énarque » est moins populaire que celui du camembert fermier au lait cru…
J’ai toujours indiqué deux choses : la première c’est que je n’avais pas l’intention de m’excuser d’avoir réussi un concours « assez difficile »… la seconde, la plus importante, c’est que cette école ne donne droit à rien en matière politique. C’est le suffrage, le sacre républicain du peuple, de ses concitoyens, qui confèrent le pouvoir et certainement pas l’appartenance à cette « funeste » école.
Pour l’accès à la haute fonction publique, aux missions régaliennes de l’Etat qu’il faut correctement assumer et qui sont vitales pour notre peuple, le principe du concours ne saurait être remis en cause.
Pour l’exercice des fonctions d’entreprise, il est certain que les vieux circuits où les dirigeants exerçaient d’abord dans le public pour ensuite « pantoufler dans le privé » correspondent à des schémas périmés.
L’économie est d’ailleurs devenue suffisamment libérale et débarrassée d’une trop grande influence de l’Etat pour que cela perdure longtemps.
Le « vrai mal français », c’est l’absence de courage, le manque de caractère, la démagogie, le refus de la prospective, l’insuffisante préparation de l’avenir qui sont l’apanage de beaucoup à gauche comme à droite. Cela concerne d’ailleurs pas mal de monde et beaucoup n’ont pas fait l’ENA…
C’est l’incapacité à avoir un système de rémunération du travail véritablement fondé sur le mérite et le résultat.
Le fléau que nous devons combattre c’est l’absence d’autorité suffisante du pouvoir politique parfois inapte à commander effectivement l’administration, c’est une certaine confusion des genres qui peut créer une surpuissance de la technocratie, c’est le sentiment que l’alternance démocratique ne conduit pas à un changement réel de politique, c’est en outre parfois l’affichage de complicités liées au passé commun qui au lieu de n’être qu’intelligentes et fécondes débouchent sur des renvois d’ascenseur choquants.
Ce débat est important. Il dépasse largement le sort d’une école créée par un grand homme d’Etat de Touraine, Michel Debré, dont l’objectif à l’époque était d’introduire égalité des chances, démocratie et transparence dans la sélection des serviteurs de l’Etat, de mettre un terme à la cooptation très élitiste et faisant peu de place au renouvellement de l’ancien système.
Avoir fait l’ENA, une nouvelle marque d’infamie ? J’espère que c’est un peu outré…