Rubrique ‘Journal 2002-2004’

DIVERSITÉ CULTURELLE

19 décembre 2006

La France s’est engagée avec détermination pour enclencher le processus d’élaboration d’une Convention internationale sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles dans le cadre de l’UNESCO. Avec l’aide du Canada, elle a beaucoup œuvré pour convaincre un certain nombre d’États de la nécessité de lélaboration dune convention internationale qui puisse garantir la reconnaissance de la spécificité des biens et services culturels en droit international, dans le contexte des offres de libéralisation faites dans le cadre de lOMC.

La Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles servira de cadre juridique à l’ensemble des pays signataires pour la défense et la mise en valeur de leurs identités culturelles. Elle permettra notamment de confirmer le rôle vital des artistes et des créateurs, de réaffirmer la souveraineté culturelle des États, et de légitimer et promouvoir pour chacun dentre eux des politiques culturelles spécifiques. La Convention consacre le principe de non-subordination de la Convention aux autres Traités. Elle se pose donc en égale des autres traités internationaux (notamment ceux relatifs à l’OMC) dans la hiérarchie des normes. Elle permettra ainsi de développer une jurisprudence s’appuyant sur des considérations culturelles et pas seulement commerciales, en reconnaissant la spécificité des biens et services culturels et audiovisuels dans les négociations bilatérales et plurilatérales.

Il ne s’agit pas d’une attitude protectionniste : chaque pays sera incité à mettre en valeur le dialogue des identités culturelles en facilitant la mobilité des artistes et des œuvres et ainsi, dans le respect du principe d’ouverture et d’équilibre envers les autres cultures, à prendre les mesures nécessaires à la protection et à la mise en valeur de la création artistique. À titre dexemple, les accords de coproduction cinématographique et/ou audiovisuelle conclus par la France avec ses partenaires confèrent aux œuvres (audiovisuelles ou cinématographiques) coproduites, le traitement national dans chaque pays de la coproduction et, de ce fait, leur ouvre laccès aux aides nationales. Ceci leur permet également dentrer dans les quotas européens de diffusion définis par la directive "Télévision sans frontières" de lUnion européenne. À ce titre, les accords de coproduction audiovisuelle et/ou cinématographique constituent un instrument majeur de promotion de la diversité culturelle.

Le 18 décembre 2006, grâce au dépôt conjoint des instruments de ratification par la Communauté européenne et de 13 États membres, le seuil est dépassé puisque 34 pays ont désormais déposé leurs instruments de ratification auprès de l’UNESCO. La Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles entrera en vigueur le 18 mars 2007, soit trois mois après la date du 30e dépôt. Elle aura évidemment d’autant plus de poids qu’une masse importante de pays l’auront adoptée.

Rappel historique

Octobre 2001 :
la 31e session de la conférence générale de l’UNESCO adopte une « déclaration universelle sur la diversité culturelle ». Il s’agit de faire reconnaître la légitimité des politiques culturelles afin de préserver et promouvoir la diversité culturelle. C’est une première étape devant conduire à une réflexion plus large qui permettra d’aboutir à l’élaboration d’un instrument international contraignant légitimant le droit des États à élaborer leurs politiques culturelles. 14-16 octobre 2002 : les ministres de la culture de 21 pays se réunissent au Cap (Afrique du Sud) à l’occasion de la cinquième réunion annuelle du RIPC (Réseau International sur la Politique Culturelle)¹. Ils affirment que l’UNESCO est l’institution internationale appropriée pour accueillir et mettre en œuvre cet instrument sur la diversité culturelle. 5-6 février 2003 : seize ministres de la culture membres du RIPC se réunissent à Paris. Ils affinent un projet de convention sur la diversité culturelle et le soumettent à Monsieur Koïchiro Matsuura, directeur général de l’UNESCO. Cette convention est l’instrument international qui assure un fondement juridique au droit des États à établir leur politique culturelle. Octobre 2003 : l’UNESCO se saisit du projet de « Convention sur la protection de la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques ».

Novembre 2004 : les Vingt-cinq mandatent la Commission européenne pour les négociations à l’UNESCO

Mai 2005
: lors des Rencontres pour l’Europe de la culture de Paris, 15 ministres européens signent une charte pour l’Europe de la Culture

Juin 2005 : l’ASEM (Asia-Europe Meeting) se réunit à Paris autour du projet de convention
Juin 2005 : Dernière réunion intergouvernementale d’experts à l’Unesco recommandant l’adoption du projet de convention lors de la 33e Conférence générale

20 octobre 2005 : adoption de la « Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles » par 148 états sur 154 présents. Deux États ont voté contre (États-Unis et Israël), quatre se sont abstenus (Australie, Honduras, Libéria, Nicaragua).

28 novembre 2005
: le Canada est le premier pays à ratifier la convention.

8 juin 2006 : adoption par lAssemblée nationale du projet de loi autorisant l’adhésion à la convention.

27 juin 2006
: adoption par le Sénat.

6 juillet 2006 : promulgation par le Président de la République et publication au journal officiel du projet de loi autorisant l’adhésion de la France à la convention. La France est, après la Finlande, le deuxième pays de lUnion européenne à avoir achevé sa procédure interne de ratification.

18 décembre 2006 : dépôt à l’UNESCO des instruments de ratification de la Communauté européenne et des États membres de l’Union européenne ayant achevé leur procédure interne de ratification.

¹ Créé en 1998, le RIPC est une tribune internationale réunissant aujourd’hui 59 États membres. Les ministres de la culture de ces pays se concertent sur les nouveaux enjeux et les questions de politique culturelle. Leur objectif est de favoriser la diversité culturelle dans un contexte de plus en plus mondialisé.

La « convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles » a pour objet de consacrer en droit la légitimité des politiques en faveur de la protection et de la promotion de la diversité culturelle et a vocation à devenir un cadre de référence pour les États et les autres organisations internationales. Elle permet ainsi d’établir un équilibre entre les règles du commerce international et les normes culturelles qui ne peuvent être subordonnées aux accords internationaux et doivent bénéficier d’un règlement des différends efficace. Elle réaffirme la spécificité des biens et services culturels, souligne le droit des États à mettre en œuvre des politiques culturelles pour préserver la diversité de la production et de l’offre culturelle, renforce la coopération et la solidarité en faveur des pays en développement. En effet, la diversité culturelle ne saurait justifier un repli sur soi sur une identité fermée. Elle exige par nature l’ouverture aux autres cultures.

BOURSE « JEUNES REPORTERS » DE L’UNION DES CLUBS DE LA PRESSE DE FRANCE ET FRANCOPHONE

18 décembre 2006

Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,

Je suis très heureux d’être parmi vous aujourd’hui pour remettre leurs Prix aux lauréats de la Bourse Jeunes Reporters. Je tiens tout d’abord à remercier l’Union des Clubs de Presse de France et francophones, et plus particulièrement son Président, Philippe Tallois, pour son action au service des journalistes et des professionnels de la communication. Espaces de dialogue, de réflexion et de débats, les Clubs de la presse, présents dans toutes les régions de France, et dans certains pays francophones, remplissent une mission essentielle d’information, de diffusion et de relais pour les professionnels de ce secteur. Communauté professionnelle, mais aussi humaine, intellectuelle, et, pour ainsi dire, spirituelle, fortement engagée, aux côtés de Reporters sans Frontières, dans la défense de la liberté de la presse, ce réseau a également vocation à transmettre les valeurs fondamentales du métier de journaliste aux jeunes générations, et ces bourses en sont une très belle illustration.

Le concours organisé par l’UCPF, en rapprochant les générations de journalistes en activité depuis plusieurs années de leurs confrères ou futurs confrères, et en mettant résolument en avant les exigences éthiques et les règles déontologiques qui unissent la profession, contribue ainsi à renforcer cette communauté professionnelle, pilier de notre démocratie.

Je me réjouis que ces Bourses encouragent, stimulent et valorisent le travail de jeunes journalistes autour du thème particulièrement décisif de la francophonie, et de ses implications économiques, culturelles ou humanitaires hors de France.

Je tiens à féliciter très chaleureusement toutes celles et tous ceux qui ont participé à ce concours, apportant la preuve du talent et du dynamisme des jeunes journalistes qui prennent la relève aujourd’hui. Pour remporter cette Bourse proposée par vos aînés, vous avez dû présenter un projet ambitieux et complet sur le plan de l’information, mais aussi définir les moyens concrets nécessaires à la mise en œuvre de ce projet et les pistes envisageables pour diffuser votre reportage : vous avez ainsi montré, à la fin de votre période de formation, ou au tout début de votre vie professionnelle, que vous disposiez de toute la palette des talents qui font un journaliste sérieux et compétent.

Nous en sommes tous conscients, ce sérieux et cette compétence sont plus que jamais indispensables. Le journalisme ne s’improvise pas : il est un métier, qui suppose de la technique et de l’expérience. C’est pourquoi j’attache une très grande importance à la formation des futurs journalistes, à la fois en tant que Ministre de la Communication et comme élu de la ville de Tours, dont l’IUT de journalisme est l’une des écoles reconnues par la profession. J’ai eu l’occasion de le dire, à plusieurs reprises, on ne naît pas journaliste, on le devient !

Et cependant, au-delà d’un métier, le journalisme est également un engagement personnel. Vous en avez tous déjà fait l’expérience, comme en témoignent vos travaux et votre présence ici aujourd’hui.

Oui, le journalisme est un métier, une compétence, une passion. De votre professionnalisme et de votre engagement, notre pays et notre monde ont plus besoin que jamais. C’est à vous qu’appartient, dans un environnement marqué à la fois par de grands rapprochements et par une forte tentation de rejet et de repli, de faire vivre la diversité culturelle et le débat d’idées. Arthur Miller écrivait, en 1961 : « Un bon journal, c’est une nation qui se parle à elle-même. » A vous aujourd’hui d’entretenir le dialogue de la société française avec elle-même, de porter ce dialogue dans l’espace européen et au sein de la communauté internationale. Les Clubs de la Presse sont, selon votre charte, et je puis en témoigner pour celui de la Région Centre, que je connais bien, « des lieux ouverts par excellence » : à vous de susciter largement, par votre travail, et en mettant en œuvre un pluralisme authentique, cette même ouverture.

C’est précisément cette capacité d’ouverture qui m’a frappé à la lecture des travaux des deux journalistes auxquels est accordée aujourd’hui la Bourse Jeunes Reporters, et dont vous allez révéler les noms dans un instant.

Je tiens à les féliciter très chaleureusement et je leur souhaite d’assumer, tout au long de leur parcours professionnel, cette grande responsabilité, avec toujours autant de passion, de générosité et de talent.

REMISE DES INSIGNES DE CHEVALIER DES ARTS ET DES LETTRES A HENRIETTE GENEST

16 décembre 2006

Chère Henriette Genest,

Je suis très heureux de vous distinguer aujourd’hui dans notre belle ville de Tours, dont vous contribuez à préserver et à faire vivre les riches traditions, l’excellence des savoir-faire et de la fierté du patrimoine qui en sont l’âme.

C’est ici, rue Georges Courteline, que vous avez débuté, comme apprentie Lingère-Repasseuse de fin. Vous avez ensuite exercé votre habileté, votre précision et votre soin en atelier de repassage, chez Madame Guiller, rue d’Entraigues, dont vous avez pris la succession après la guerre. Quelques années plus tard, l’atelier déménage rue Barillet-Deschamps. L’amour du travail bien fait, la patience et l’adresse, vertus de ce métier qui inspira notamment Edgar Degas, vous les avez très tôt mis au service de votre véritable passion, la broderie de Touraine, et surtout la restauration des bonnets régionaux.

C’est en 1966 que la Directrice de la Croix-Rouge de Tours, où votre fille était élève infirmière, fait appel à vos talents pour remettre en état des costumes et des bonnets traditionnels, afin que ses élèves accueillent les participants d’un Congrès International d’Infirmières en costume régional. Vous vous prenez au jeu, et vous vous lancez dans des recherches approfondies sur les bonnets tourangeaux, aidée par votre ami de toujours, Roger Lecotte.

Un article sur la qualité de votre travail, dans la presse régionale, attire de nombreux curieux et passionnés dans votre atelier. Vous confectionnez un authentique costume de tourangelle et restaurez un bonnet pour une jeune fille de Vouvray, vous coiffez les reines de cette ville pour le passage du Tour d’Indre-et-Loire cycliste, et vous offrez aux vigneronnes les bonnets de leurs aïeules pour la Fête de leur Saint Patron, Saint Vincent. De fil en aiguille, vous tissez votre toile dans toute la région.

Cette virtuosité, ce savoir-faire exceptionnel, que vous avez acquis petit à petit, auprès notamment des doyennes de la broderie du Vouvrillon, vous avez souhaité les transmettre, les partager, et les faire vivre, et vous avez monté pour cela, bénévolement, en 1987, un atelier de restauration de broderie de Touraine et de dentelle faite au fuseau. Ce lieu de création, d’application, d’imagination, est aussi un lieu de vie, de rencontres, un lieu chaleureux et convivial, où se croisent des petites mains de tous les âges.

L’association que vous avez créée, et présidée, pour la défense de la broderie de Touraine et de ses dérivés, a pris une telle ampleur qu’elle est rapidement devenue un Conservatoire, animé par deux « Meilleurs Ouvriers de France ».

L’une des brodeuses de cette association, Sylvie Lezziero, a un jour pris contact avec Yves Sabourin, Inspecteur de la Création artistique, chargé de mission pour le Textile et l’Art contemporain au ministère de la Culture et de la Communication, pour attirer son attention sur l’extraordinaire richesse de cet art tourangeau.

De là est née la rencontre avec Jean-Michel Othoniel, artiste actuel majeur, qui a imaginé avec vous une œuvre somptueuse, mêlant les techniques les plus traditionnelles et l’inspiration la plus contemporaine, la dentelle de Valenciennes et la mousseline de soie. L’ouvrage, réalisé par Sylvie Lezzerio, a été présenté en 1998, dans le cadre de l’exposition « Métissages », au Musée du Luxembourg. Depuis, il parcourt le monde, et met merveilleusement en lumière l’excellence des savoir-faire et de la création françaises en Californie, au Japon, au Pérou, en Bolivie, au Mexique, au Brésil, en Roumanie et en Pologne.
 
Tout comme la très belle collection de bonnets tourangeaux, confectionnés de 1815 aux années trente, que vous avez entamée dès 1966, et qui est aujourd’hui un véritable trésor de notre patrimoine. Vous l’avez présentée dans plusieurs expositions, en Touraine, notamment à la Bibliothèque municipale et au Château de Tours, mais aussi dans de nombreuses villes en France, en Belgique et en Allemagne.

Je tiens aujourd’hui à saluer votre dévotion à cet art extraordinaire, la générosité et l’énergie avec lesquelles vous œuvrez pour sa défense, pour sa préservation, mais aussi pour son renouvellement et sa notoriété, grâce aux inspirations les plus contemporaines.

Chère Henriette Genest, au nom de la République, nous vous faisons Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres.

Cérémonie de remise des prix aux lauréats 2006 de l' Académie internationale d'architecture

12 décembre 2006

Mesdames et Messieurs,

Je suis particulièrement heureux devous accueillir aujourdhui rue de Valois pour la cérémonie de remisedes prix aux lauréats de lAcadémie internationale darchitecture.

Vous venez de rappeler, Monsieur le Président, le rôle éminent de lAcadémie internationale dArchitecture, dont nous célébrons le vingtième anniversaire cette année. Cette organisation non gouvernementalere connue par les Nations Unies, présidée par larchitecte bulgare Georgi Stoilov et qui compte 70 Académiciens élus et 60 professeurs, seréunit en Assemblée générale tous les trois ans, lors dun Congrès(Interarch), à Sofia. Cette réunion est loccasion dorganiser séminaires, expositions, conférences et concours darchitectes auxquel sont participé, cette année, environ 150 architectes du monde entier.

Grand Prix de Rome, membre de cette  Académie internationale darchitecture,architecte, délégué aux relations internationales de lAcadémie dArchitecture de France, vous êtes, Monsieur le Président, parvenu àsusciter des candidatures darchitectes français, membres de lAcadémie dArchitecture de France, lors du dernier Congrès (Interarch 2006).Tous ont été récompensés par des diplômes dhonneur, et cinq dentreeux ont reçu une distinction supplémentaire, que je suis très heureuxet très fier de leur remettre aujourdhui.

Mais auparavant,et sans trop prolonger votre attente, je tiens à vous dire quelques mots de la place de larchitecture et du rôle essentiel des architectes dans la France daujourdhui, car cest bien lamour de cet art qui nous rassemble ici ce matin.

Vous savez en effet que je suistrès sensible à mes responsabilités dans le domaine de larchitectureet du patrimoine, parce quil sagit, non seulement de lidentité, de lhistoire et de la mémoire de notre pays, dans sa diversité, maisaussi du cadre de vie des Français et de lharmonie des paysages quenous lèguerons aux générations futures.

Comme le montrentavec éclat les réalisations qui vous ont valu les prestigieuses distinctions que je vais vous remettre dans un instant, les pratiques daménagement de nos villes doivent sinscrire dans une perspective de développement durable, cest-à-dire avec le souci constant des conséquences de nos choix daujourdhui pour demain.

Cest pourquoi larchitecture concerne tous les Français. Car lévolution de nos espaces de vie doit être maîtrisée, dans le respect de notre patrimoine architectural, urbain et paysager exceptionnel, en laissant toute sa place à la créativité et à linvention qui font la force des architectes français dans le monde entier, et là encore, vous nous en apportez  toutes et tous la preuve éclatante. Le palmarès de lAcadémie Internationale dArchitecture est une reconnaissance supplémentaire du rayonnement que vous incarnez, de larchitecture française en Europe et dans le monde. Parce quelle est lune des manifestations les plus vivantes de la diversité culturelle, jattache la plus grande importance à rendre hommage, aujourdhui comme dans chacun de mes déplacements à létranger, aux talents des architectes français. Parce que je suis le ministre en charge de la formation des futurs architectes, jattache la plus grande importance au développement des jeunes talents pour lesquels vous êtes des exemples.

Parce que larchitecture fait partie de la culture, la culture delarchitecture doit être largement diffusée auprès de nos concitoyenset cest lun des axes forts de mon action, au service des architectes,dans ce domaine.

Je vais maintenant remplir mon officeauprès de la lauréate et des lauréats, qui expriment et illustrent brillamment la vitalité, la créativité, le sens du présent et la conscience de lavenir de larchitecture française daujourdhui.

Ont reçu les diplômes dhonneur :

– Jean-Marie Duthilleul, pour le Quartier daffaires et pôle déchanges de Xizhimen [sidjeumenne] à Pékin ;

– Patrice Novarina, pour lEcole La Cigogne à Bois-Colombes dans les Hauts-de-Seine ;

– Bernard Reichen, pour Zhenru [djennjou], la nouvelle identité du second centre de Shanghai ;

– Jean-Marie Valentin, pour lInstitut de cardiologie & Fondation Adicare, CHU de la Pitié-Salpétrière à Paris ;

– Jean-Paul Viguier, pour lHôtel Sofitel à Chicago ;

– Thierry Van de Wyngaert, pour la Bibliothèque Chevreul à Lyon.

Ont reçu les diplômes dhonneur et distinctions suivants :

-Françoise-Hélène Jourda, Diplôme dHonneur Spécial, pour son projet decentre de formation dHerne-Sodingen en Rhénanie du Nord-Westphalie, enAllemagne ;

– Guy Autran, Prix spécial de la Maison dEdition Atlas Style, pour le lycée professionnel Kyoto à Poitiers ;

-Pierre Rousse, Prix spécial de lUnion des Architectes du Kazakhstan,pour son Université pluridisciplinaire de lArtois, Campus dArras ;

-Anthony Béchu (et Tom Sheehan), Prix du Ministre de la Planification Urbaine de Bulgarie, pour lAcadémie de formation des dirigeants dePudong, près de Shanghai (équivalent " hybride " de lENA et delINSEAD en Chine).

Enfin, avant de remettre le Grand Prix du Globe de Cristal, je tiens à décerner, en quelque sorte, une "mention spéciale " à Franck Hammoutène, Lauréat du Grand Prix duMinistre de la Culture et de la Communication de la République française, pour lEglise Notre-Dame de Pentecôte à Paris.

Cher Franck Hammoutène,

Vous êtes architecte et urbaniste, membre de lAcadémie darchitecture, Membre de lUnion Franco-Britannique des Architectes.

Nous célébrons aujourdhui les vingt ans de lAcadémie internationale dArchitecture et il y a vingt ans déjà, vous receviez de vos pairs de prestigieuses distinctions, le Prix de la première œuvre et le Prix AMO Architecture et Lieux de travail. Et cette année aussi, après de nombreux autres prix, vous recevrez au moins deux distinctions prestigieuses : celle que jai lhonneur de vous remettre aujourdhuiet le Prix de léquerre dargent, que je vous remettrai bientôt.

Au cœur de la Défense, toute proche de la Grande Arche, vous avez conçu et construit lEglise Notre-Dame de Pentecôte, consacrée en 2001, sur un site exceptionnel, où se croisent la voûte blanche du CNIT, les méandres des carrefours automobiles, la statique noire des tours. A lafois lieu de solitude et lieu de communion, Notre-Dame de Pentecôte estcomme suspendue au-dessus du vide, surplombant les voies rapides. Les trois parties du programme sy organisent verticalement : chambre haute- parvis daccueil et de rencontre – salles de réunions. La forme de larchitecture est issue dune série de plans successifs qui protègent sans enfermer, dessinent les espaces intérieurs, en créant des variations déchelle et de lumières qui accompagnent et effacent à lafois le monde extérieur.

Franck Hammoutène, je vous décerne le Grand Prix du Ministre de la Culture et de la Communication.

Cher Paul Andreu,

Je suis très honoré de vous remettre aujourdhui, pour lensemble de votre œuvre, au nom de lAcadémie internationale dArchitecture, sa plus haute distinction triennale, le Grand Prix du Globe de Cristal. Poursituer le niveau de cette distinction, il me suffit de rappeler quevous succédez à Oscar Niemeyer, lauréat du congrès 2003.

Diplômé de lEcole Polytechnique (1958), ingénieur en chef des Ponts et Chaussées (1963), vous êtes architecte DPLG en 1968.

Vous avez reçu de très nombreuses et très prestigieuses distinctions dans lemonde entier, parmi lesquelles je ne citerai que le Grand Prix national darchitecture, dès 1977.

Dès le début de votre carrière,vous avez rejoint la société Aéroports de Paris, dont vous devenez architecte en chef et Directeur des projets (en 1974) puis Directeur de larchitecture et de lingénierie (en 1979). Parmi vos principales réalisations figurent les aéroports de Roissy et sa gare TGV-RER, les aéroports dAbu Dhabi, de Djakarta, du Caire, de Dar-Es-Salaam, de Bruneï, de Kansaï dans la baie dOsaka, de Nice, de Bordeaux, dePointe-à-Pitre, la Grande Arche de la Défense, ainsi que le terminal français du tunnel sous la Manche.

Se confronter à la modernité, répondre à des programmations complexes, planifier des infrastructures en portant une attention particulière aux cultures locales, réaliser des ouvrages fonctionnels de pierre, de verre et de béton avec une technique mathématique et physique universelle, tel est,Paul Andreu, votre grand défi. Si vous confiez aux éléments le soin deparachever vos bâtiments, en permettant à la lumière de délimiter lespace et de modifier la matière, vous seul réglez les détails de la construction avec rigueur et vérité, tout en privilégiant lharmonie de louvrage dans lenvironnement et le paysage.

De conférences en jurys de concours, dassociations en commissions, vous vous investissez constamment dans le débat architectural international, etvos travaux ont fait lobjet des plus importantes publications mondiales.

Depuis janvier 2003, vous avez fondé votre propre agence darchitecture à Paris. Une aventure qui vous permet dinscrire votre travail dans une nouvelle perspective. Vous avez achevé le Centredes Arts Orientaux à Shanghai, qui a été inauguré à la fin de lannée2004. Vous poursuivez des projets magnifiques, immenses, en cours deréalisation, tel le Grand Théâtre national de Pékin, que jai visité àvos côtés lan dernier. Et je compte bien assister lan prochain à linauguration de ce monument unique, au cœur de lune des cités lesplus mythiques, non pas une cité interdite, mais une cité ouverte à la diversité des expressions artistiques et culturelles. A la fois opéra,salle de concerts et de spectacles vivants, haut lieu de création et deculture, de patrimoine et de modernité, ce projet unique est conçucomme une véritable "ville de théâtres", une île transparente sur unplan deau artificiel, entouré dun nouveau parc urbain.

Paul Andreu, pour lensemble de votre œuvre, je suis heureux de vousdécerner le Grand Prix du Globe de Cristal de lAcadémie internationale dArchitecture.

RDDV invité de GRAND 8 sur DIRECT 8

12 décembre 2006

VALERIE TRIERWEILER : Bonsoir, Dominique. Ce soir, nous recevons le ministre de la Culture, Renaud DONNEDIEU de VABRES…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Et de la Communication.

VALERIE TRIERWEILER : Et de la Communication. Bonsoir, Monsieur le Ministre.

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Bonsoir.

VALERIE TRIERWEILER : Est-ce que tout le monde sait qu’on vous appelle RDDV ? C’est comme ça qu’on vous appelle dans la vie courante ?


RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, ce n’est pas comme ça qu’on m’appelle dans la vie courante. Mais j’ai été, en son temps, un internaute passionné, donc lorsque j’étais parlementaire, j’avais mon propre site Internet sur lequel j’essayais de communiquer, de m’exprimer, de transmettre un certain nombre d’idées. Il s’appelle d’ailleurs, parce qu’il s’appelle toujours RDDV.COM. Voilà, c’est une abréviation, parce que DONNEDIEU de VABRES, c’est un peu long, donc je me suis dit que c’est un bon moyen d’avoir le maximum d’internautes possibles.

VALERIE TRIERWEILER : Je le disais, vous êtes ministre de la Culture, vous le disiez, vous êtes aussi ministre de la Communication, mais pendant un an vous êtes resté surtout le ministre des intermittents. Ca a été une crise difficile, on ne va peut-être pas y revenir ce soir, vous avez su la surmonter avant d’en essuyer une autre qui a été celle du téléchargement, des droits d’auteur sur Internet, cette crise est passée aussi. Mais rappelons que vous êtes aussi un spécialiste des questions de défense et d’international, on le sait moins, on en parlera un petit peu. Vous nous expliquerez aussi en quoi la culture sera présente dans le débat de cette campagne présidentielle. Nous aimerions savoir aussi quel sera le bilan des mandats de Jacques CHIRAC en matière culturelle. Mais avant ça, on va quand même parler de tous ces sujets qui nous préoccupent, la présidentielle, la droite. Comme beaucoup de ministres, vous venez de rallier Nicolas SARKOZY, est-ce que ça veut dire, RDDV, que vous ne croyez plus à aucune autre candidature à droite ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : D’abord, je n’aime pas le terme de ralliement. On est dans une phase encore d’action…

VALERIE TRIERWEILER : C’est quand même ça…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Moi, je vais dire les choses très clairement. J’ai la chance et l’honneur d’être ministre de la Culture et de la Communication et d’avoir devant moi un certain nombre d’étapes que je veux avoir terminées et réussies avant les élections présidentielles. Donc, dire que je suis très engagé dans l’action gouvernementale n’est pas éluder votre question. Jusqu’à la dernière seconde où j’aurai l’honneur et la chance d’être ministre de la Culture et de la Communication, j’essayerai de faire aboutir un certain nombre de réformes et de projets. Par contre, je suis aussi un homme politique, j’ai moi-même la perspective de ma réélection aux élections législatives, qui suivront les présidentielles, à Tours, je m’engagerai fortement dans la campagne présidentielle. Pourquoi ? Parce que je pense nécessaire d’apporter ce qui est mon tempérament, ma manière de voir la vie politique, ma manière de m’engager, d’être un homme de terrain, d’essayer de correspondre, si vous voulez, aussi à l’arc-en-ciel de la société française. C’est-à-dire que je pense que…

VALERIE TRIERWEILER : Justement, je vous ai posé une question, vous n’y avez pas répondu. En fait, maintenant, votre candidat, c’est Nicolas SARKOZY ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : On a choisi une procédure qui est très simple, le 14 janvier, notre famille politique, ma famille politique, que j’ai contribué à créer, va s’engager pour soutenir un candidat. Aujourd’hui, le seul qui se soit déclaré, c’est Nicolas SARKOZY. Avant l’été, j’ai annoncé que je m’engagerai à son côté pour cette campagne. Disant cela, je veux mettre en exergue une personnalité politique qui est pour moi absolument essentielle à la victoire présidentielle et qui doit s’exprimer librement, c’est le président de la République. Il n’y aura pas de victoire pour la majorité présidentielle au printemps prochain si nous ne réussissons pas une synergie, une addition des tempéraments pour faire en sorte que ceux qui sont les figures les plus emblématiques de la vie politique de notre pays s’engagent positivement. Donc, je souhaite que lorsque le président de la République aura annoncé sa décision et qu’il se prononcera sur les prochaines échéances, que tout cela crée une dynamique positive. Il n’y aura pas de victoire s’il n’y a pas un respect entre chacune et chacun et si on n’est pas dans l’état d’esprit d’additionner les talents et les énergies, à commencer par le président de la République.

VALERIE TRIERWEILER : Mais franchement, vous y croyez à une candidature de Jacques CHIRAC ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Ecoutez, ce n’est pas à moi de m’exprimer à sa place. Je crois en tout cas une chose très nécessaire…

VALERIE TRIERWEILER : Non, est-ce que vous y croyez ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Je pense une chose très nécessaire, c’est qu’il s’exprime et qu’il joue un rôle politique majeur dans la prochaine campagne présidentielle. Il a à son actif, notamment dans le domaine international, mais pas uniquement, dans le domaine international, une capacité internationalement reconnue. Moi, quand j’ai la chance de l’accompagner dans certains déplacements, j’étais récemment en Chine ou en Arménie ou en Italie avec lui, c’est très impressionnant de voir dans les entretiens qui sont, comme ça, bilatéraux, de voir l’écoute d’un certain nombre de chefs d’Etat étrangers vis-à-vis de lui. Donc, son engagement vis-à-vis des problèmes très concrets, je pense aux questions d’environnement, par exemple, ou les questions de développement, d’égalité entre les citoyens du monde, la diversité culturelle – qui est mon sujet, je pense qu’on en reparlera – ce sont des thèmes majeurs. On ne va pas se faire piquer ces thèmes par la gauche. Ces thèmes-là, cette vision du monde, c’est la nôtre…

VALERIE TRIERWEILER : Vous voulez dire qu’elle n’intéresse pas Nicolas SARKOZY…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Quand on voit la manière dont Ségolène ROYAL se comporte à l’étranger, je peux vous dire que ça me conforte dans ce souci de faire en sorte que le président joue un grand rôle.

VALERIE TRIERWEILER : Renaud DONNEDIEU de VABRES, quand Nicolas SARKOZY dit, lors du premier forum de l’union : “ Je ne m’inscris pas dans la continuité. ” Et que face à lui, il n’y a personne qui défende la continuité au sein de l’UMP, on a tous vu ça. Est-ce que vous n’êtes pas un peu surpris par rapport à ce que vous venez de dire précisément ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : A la page trois ou quatre du projet de l’UMP, auquel nous avons les uns et les autres travaillé, il y a, je crois, un élément d’alchimie très positive, c’est de dire qu’on a un bilan, qu’on a travaillé et qu’il faut créer et incarner une dynamique nouvelle. Donc, c’est l’un plus l’autre. Je pense que Nicolas SARKOZY, qui aura été pendant cinq ans un très grand ministre de ce gouvernement, bénéficiera de ce que les uns et les autres, on va apporter dans notre escarcelle comme bilan…

DOMINIQUE SOUCHIER : Non, non, non, il revendique ce qu’il a fait comme ministre…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Relisez, relisez…

DOMINIQUE SOUCHIER : Il ne revendique pas ce qui n’a pas été fait…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : J’espère qu’il revendique et qu’il aura dans son escarcelle l’aspect positif de ce qu’on aura fait, par exemple, au ministère de la Culture.

VALERIE TRIERWEILER : Le projet législatif est distinct du projet présidentiel qu’il finira par nous faire connaître…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui, attendez, comment vous dire ? Là aussi, il faut, bien sûr, dans une campagne présidentielle, incarner une dynamique et il ne faut pas s’asseoir sur des lauriers et se rétrécir et considérer que c’est gagné d’avance. Donc, c’est l’un plus l’autre là aussi. C’est-à-dire que c’est les actions engagées et le jugement que les Français porteront sur ce qu’on a fait, sans autosatisfaction, l’autosatisfaction, ça conduit toujours aux catastrophes, regardez ce qui s’était passé pour Lionel JOSPIN, au terme de sa période d’action gouvernementale, il avait dit aux Français…

DOMINIQUE SOUCHIER : On ne gagne pas sur un bilan, c’est sûr.

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Il avait dit tout est réglé. Quand on communique trop sur des choses pour lesquelles on a le sentiment de progresser, les gens se disent, mais c’est qui ces gens-là, ils voient qui, ils ne comprennent pas les réalités. Je prends l’exemple du chômage, nous avons la fierté d’avoir contribué, grâce à la création d’activités, d’emplois, à la baisse du chômage. Mais si on fait de l’autosatisfaction sur ce sujet, si on dit trop fortement que c’est réglé, on est complètement décalé par rapport à un certain nombre de familles françaises pour lesquelles ça reste une crainte et un souci. Donc, il faut à la fois travailler à avoir un bon bilan, chacun le reconnaît aujourd’hui et y travaille, en tout cas, c’est notre feuille de route et on n’a pas intérêt à s’en écarter. Deuxièmement, à faire en sorte, deuxièmement, qu’il y ait des propositions audacieuses, novatrices pour créer une belle dynamique. L’un plus l’autre là aussi.

VALERIE TRIERWEILER : Mais est-ce que ça veut dire quand même – puisque vous parlez du bilan de Dominique de VILLEPIN qui n’est pas mauvais en matière de chômage – est-ce que c’est fini ? Est-ce qu’il ne sera plus candidat ? Est-ce qu’il a été question qu’il le soit réellement ? Est-ce que vous le souhaitiez ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : J’ai beaucoup d’admiration pour Dominique de VILLEPIN et ce n’est pas un propos œcuménique, en cherchant à réconcilier l’irréconciliable. Je considère que c’est un homme politique d’immense talent. Le soir du Conseil de sécurité de l’ONU, quand il s’est exprimé de cette manière forte et magnifique, à l’époque, j’étais parlementaire, vice-président de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée, j’étais porte-parole de l’UMP, j’étais dans mon petit bureau, dans les toits de l’Assemblée, j’ai regardé, avec un certain nombre de vos confrères, sa déclaration, j’étais fier. Voilà. J’étais vraiment fier. Ensuite, j’ai été amené à m’exprimer. Je pense que c’est un homme d’engagement, c’est un homme de passion. Nous avons tous ensemble défini une règle du jeu, la règle du jeu, elle a été définie il y a un an, à l’Assemblée nationale d’ailleurs également…

VALERIE TRIERWEILER : Vous parlez de la procédure interne…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : … C’était le bureau politique, où on avait tous dit, tous, les principaux responsables politiques de l’UMP, que pour les prochaines présidentielles, il y aurait une règle du jeu. La règle du jeu, c’est pluralité de candidatures possibles, pourquoi pas, ce serait tranché et que les militants voteraient pour dire qui ils veulent soutenir. Cette règle – je le précise – ne s’applique pas au président de la République parce qu’on ne veut pas demander à un président de la République de se plier à une logique partisane.

VALERIE TRIERWEILER : Est-ce qu’elle s’applique aussi au Premier ministre, quand on l’entend encore ce matin, chez nos confrères de FRANCE INTER, dire que rien n’est joué, que les sondages ne sont pas l’élection et qu’on verrait en février/mars, c’est-à-dire bien au-delà de la procédure ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Ecoutez, je pense qu’on était tous présents à cette règle qui définit le comportement au sein de l’UMP. Je pense que l’échéance présidentielle est quelque chose de très important pour notre pays. La gauche est en ordre de bataille, nous avons défini une procédure pour qu’on le soit…

DOMINIQUE SOUCHIER : A quel moment, vous vous êtes dit, vous, je m’engage pour Nicolas SARKOZY plutôt que pour Dominique de VILLEPIN, éventuellement ? A quel moment vous vous l’êtes dit ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Je me suis exprimé sur ce sujet avant l’été, lorsque Nicolas SARKOZY est venu dans mon département…

DOMINIQUE SOUCHIER : C’est à ce moment-là que vous l’avez choisi, c’est à ce moment-là que vous l’avez décidé…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : … Je lui ai indiqué que je m’engagerai dans la campagne présidentielle. Mais ma feuille de route aujourd’hui n’est pas encore la campagne présidentielle, elle le sera à un moment. J’insiste là-dessus. Moi, j’ai beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail…

VALERIE TRIERWEILER : Elle va venir vite.

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, mais bien sûr, mais c’est pour ça qu’il faut qu’on soit en ordre de marche. C’est pour ça, si vous voulez, on voit bien qu’il y a un grand compétiteur à gauche, une grande compétitrice, Ségolène ROYAL ; nous, il faut qu’on ait à l’esprit ce qui s’est passé en 2002. C’est-à-dire la division et la diversité des candidatures à gauche, ça a fait le jeu du Front national. Je pense que pour la droite républicaine, pour la droite et le centre que nous représentons, nous devons avoir à cœur d’éviter la dispersion parce que la dispersion, ça peut faire le jeu du Front national.

DOMINIQUE SOUCHIER : Vous avez dit pour la droite et pour le centre, vous qui ne venez pas…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Parce que l’UMP est une grande famille politique dans laquelle il y a des tas de courants…

DOMINIQUE SOUCHIER : Exactement. Vous, vous ne venez pas de la famille gaulliste…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Je ne viens pas de la famille gaulliste…

DOMINIQUE SOUCHIER : Vous venez de la famille libérale. Comment vous expliquez que finalement, au sein de l’UMP, le débat, il se fasse entre Nicolas SARKOZY, Dominique de VILLEPIN, Michèle ALLIOT-MARIE et que les sensibilités libérales et centristes semblent totalement éteintes ? Vous êtes d’accord ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Elles ne sont pas du tout éteintes. Attendez, est-ce que vous pensez que… ? Est-ce que, par exemple, vous pensez que Jean-Louis BORLOO, il n’a pas de tempérament ? Est-ce que vous pensez que Thierry BRETON n’a pas de tempérament ? Est-ce que vous pensez que votre serviteur… ?

VALERIE TRIERWEILER : Mais Jean-Louis BORLOO n’exclut pas de se présenter en dehors de l’UMP…

DOMINIQUE SOUCHIER : On ne parle d’aucun de vous trois comme possible candidat à la présidence de la République…

VALERIE TRIERWEILER : Il dit qu’il se plie au calendrier du Parti radical.

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Je suis désolé, je pense que vous auriez aimé que je vienne ce soir vous annoncer ma candidature à l’élection présidentielle…

VALERIE TRIERWEILER : Mais on espère bien…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : … Pour cette échéance, je ne l’ai pas décidé. Voilà. Donc, moi, je vais essayer d’être un ingénieur conseil de la victoire, d’apporter mon talent, j’espère qu’il existe, en tout cas mon énergie à ce combat. Donc, on a des tas de débats internes entre nous, ne croyez pas qu’on soit silencieux entre nous, c’est normal d’ailleurs qu’on puisse débattre.

VALERIE TRIERWEILER : Renaud DONNEDIEU, vous le disiez, vous n’êtes pas tout à fait sur la même ligne politique, comme le constate aussi Dominique SOUCHIER, que Nicolas SARKOZY, est-ce que ça veut dire qu’aujourd’hui, vous vous rangez sans état d’âme, sans rien demander en retour ? Ou est-ce que vous voulez… ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Attendez, ça, demander des choses en retour, négocier quoi que ce soit, certainement pas ! Apporter mon tempérament…

VALERIE TRIERWEILER : Je parle des idées…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Voilà, mon tempérament, mes idées, mes convictions, oui, bien sûr, on parle. J’ai participé à la dernière réunion de travail du projet de l’UMP, j’étais heureux de voir que, spontanément, il était question de culture, je n’ai pas eu à attendre, vous savez, généralement, à la fin d’un discours, autrefois, on entendait une belle citation et puis ça valait lieu de politique culturelle. J’ai été très heureux, à Marseille, par exemple, dans le discours qu’il a fait, d’entendre à de très, très nombreuses reprises parler de culture. Ca m’a fait plaisir parce que je pense que c’est stratégique pour l’avenir de notre pays. Deuxièmement, vis-à-vis des jeunes et vis-à-vis du rayonnement et du lien politique qu’on doit créer, c’est absolument essentiel. Donc, bien sûr que j’ai des idées, bien sûr que je les exprime, parfois, elles peuvent être détonantes et, parfois, je me sens tout à fait en phase. Voilà, je n’ai pas de…

DOMINIQUE SOUCHIER : Mais, Monsieur le Ministre, ceux qui soutiennent Dominique de VILLEPIN, qui ne se sont pas, au moins, encore ralliés à Nicolas SARKOZY, qui peut-être ne se rallieront pas du tout à Nicolas SARKOZY, par exemple François GOULARD, par exemple Hervé MARITON, il se trouve qu’ils viennent de la même famille libérale que vous et un de leurs arguments pour expliquer leur choix pour Dominique de VILLEPIN, leur préférence pour Dominique de VILLEPIN, c’est de dire que Dominique de VILLEPIN leur apparaît plus libéral que Nicolas SARKOZY.

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Mais comment vous dire ? Dominique de VILLEPIN, c’est à lui de s’exprimer, c’est à lui de dire…

DOMINIQUE SOUCHIER : Non, mais est-ce qu’il vous apparaît moins libéral… ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, mais je ne cherche pas à faire des typologies plus ou moins libérales, ce n’est pas ça qui m’intéresse…

VALERIE TRIERWEILER : Il y a des sensibilités différentes…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, il y a des sensibilités, bien sûr, il y a des tempéraments différents. Mais Dominique de VILLEPIN…

DOMINIQUE SOUCHIER : Mais samedi dernier, quand un libéral comme PONIATOWSKI s’est exprimé, Nicolas SARKOZY a clairement dit qu’il n’était pas libéral, lui…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Moi, je ne suis pas un ultralibéral, je suis un républicain humaniste et européen. Je pense que Dominique de VILLEPIN a la liberté de s’exprimer, il fait ses choix. Pour le moment, il a clairement indiqué qu’il était Premier ministre et qu’il voulait se consacrer exclusivement à l’action gouvernementale et à ce travail de proximité qu’il fait vis-à-vis de nos concitoyens. S’il a des projets politiques présidentiels, il a bien sûr le droit de les exprimer. Je ne vois pas pourquoi on interdirait à une personnalité ayant ce talent de se brider. Donc, il peut…

DOMINIQUE SOUCHIER : Ce n’était pas plus ma question que ce n’était celle de Valérie tout à l’heure…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, non, ce n’est pas ça. Il peut parfaitement s’exprimer sur ce sujet. Il ne s’est pas exprimé en ces termes. Donc, pour le moment, j’en déduis qu’il n’a pas l’intention, à brève échéance, d’être candidat à l’élection présidentielle et, peut-être, décidera-t-il autre chose. Moi, je trouve que c’est un très bon Premier ministre, il rend régulièrement de très bons arbitrages très favorables au monde de la culture et de la communication. On a fait des projets ensemble qui apparaissent aujourd’hui comme des évidences, dans un premier temps, on nous a beaucoup attaqués. Lorsque, par exemple, à Paris, on a créé “ La force de l’art ”, grand rassemblement d’art contemporain pour tous les artistes qui travaillaient dans notre pays, qu’est-ce qu’on n’a pas entendu dire ? Qu’est-ce qu’on n’a pas entendu dire ? On vient d’annoncer la deuxième édition, elle apparaît comme évidente. Des projets qui étaient bloqués depuis des lustres…

VALERIE TRIERWEILER : On sait qu’il est très sensible, qu’il est très sensible au monde de la culture.

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : … Je prends l’exemple de l’auditorium de la Villette qui va être construit, de ce qu’on va faire à Boulogne-Billancourt dans l’art contemporain, de la décision qu’il vient de prendre, avec le président de la République, justement pour le Grand Palais, pour créer un établissement public. Bref, il prend d’excellentes décisions. Regardez la feuille de route sur un de vos concurrents, FRANCE 24, le président et le Premier ministre…

VALERIE TRIERWEILER : On en parlera, on parlera de culture dans la deuxième partie de l’émission…

DOMINIQUE SOUCHIER : Nicolas SARKOZY a dit qu’il ne resterait pas ministre jusqu’à l’élection présidentielle. Est-ce que, pour vous, il devrait rester président de l’UMP ou aussi quitter cette fonction-là ? Et si c’est le cas, est-ce que vous le voyez déjà, vous, est-ce que vous vous prononcez déjà pour un successeur ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Animer une campagne présidentielle, la porter, c’est une responsabilité absolument majeure. Nous, les lieutenants, on est certainement très utiles – je dis ça avec un peu d’humour – on n’a aucune importance par rapport à la personne qui est elle-même candidate, qui doit incarner à la fois un certain nombre de projets, d’identité, de principes, de valeurs, correspondre à tout l’équilibre de la société française, à ce que j’appelle l’arc-en-ciel de la société française. Donc, ce sera à lui et à lui seul, en liaison bien sûr avec le Premier ministre et le président de la République, d’apprécier ce qui est opportun concernant le gouvernement. Je n’ai pas de conseil à lui donner. En ce qui concerne le parti, là encore, c’est à lui de choisir le moment où il souhaitera, le cas échéant, s’en détacher. Il y a des tas de cas de figures…

DOMINIQUE SOUCHIER : Dans ce cas-là, vous avez une préférence ou pas de préférence ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES :  Il y a des tas de cas de figures très différents. Que je sache, de mémoire, il ne me semble pas que François MITTERRAND, lorsqu’il était Premier secrétaire du Parti socialiste, se soit détaché du Parti socialiste au moment de sa candidature. Il me semble, de mémoire, qu’un certain nombre de ministres ou de Premiers ministres sont restés en fonction pendant la campagne électorale. C’est à lui d’apprécier ; en ce qui concerne le gouvernement, il le fera bien sûr avec le Premier ministre et le président ; en ce qui concerne le parti, c’est à lui de décider. Donc, moi, je ne veux pas rentrer dans des campagnes de personnes d’opposition, mais je vais devancer votre question, on a besoin de tout le monde, et vous voulez que je vous dise… Non, non, non… Moi, je vais vous dire la chose suivante, dans les anciens Premiers ministres ou dans les gens qui peuvent exercer ou qui ont exercé des responsabilités éminentes à l’UMP, on a besoin et de Jean-Pierre RAFFARIN et d’Alain JUPPE. Voilà. Si on veut avoir des chances…

VALERIE TRIERWEILER : Ca, c’est un conseil que vous donnez à Nicolas SARKOZY ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, je ne donne aucun conseil, ce n’est pas ça que je veux dire. Je dis simplement que moi, je veux faire en sorte qu’on soit une dynamique positive de rassemblement. Parce que si on commence à se tirer les pattes, les uns contre les autres, alors, à ce moment-là…

VALERIE TRIERWEILER : Justement, Renaud DONNEDIEU de VABRES, un mot…

DOMINIQUE SOUCHIER : Vous le redoutez, vous le redoutez un peu, vous redoutez que ça arrive…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : De temps en temps, oui, de temps en temps, je constate des déclarations inutiles et suicidaires. Moi, je suis justement pour essayer d’être positif.

VALERIE TRIERWEILER : Un mot justement sur ces forums régionaux, des débats qui devraient ressemblés à ce qui a été fait au PS en mieux. Dominique de VILLEPIN finalement ne veut pas s’y rendre, Michèle ALLIOT-MARIE aujourd’hui se fait prier pour y retourner. Alors, est-ce que ça a un sens ces débats ? Est-ce que ce n’est pas une mascarade ? Est-ce qu’il ne vaudrait mieux pas les annuler ? Est-ce que c’est ça qui va créer une dynamique ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Débattre est toujours une bonne chose. Parce que dans une grande famille politique…

VALERIE TRIERWEILER : Mais s’il n’y a pas de débatteurs, s’il n’y a qu’un intervenant…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, il n’y a pas qu’un intervenant, parce qu’il y a des tas de gens qui ont des convictions. Il y avait une certaine forme d’ambiguïté pour savoir si c’était au fond un débat d’idées ou si c’était un débat entre candidats potentiels à l’élection présidentielle. Donc, c’est plus, en fait, visiblement, à entendre les uns et les autres et à constater la diversité – c’est une très bonne chose et je trouve que Jean-Pierre RAFFARIN fait ça avec beaucoup de talent – c’est un débat d’idées. C’est très bien. D’ailleurs, je trouve magnifique, j’allais dire, que Nicolas SARKOZY, la simplicité de dire, oui, voilà, on fait ce débat, je m’y prête, je m’y livre, je l’accepte. Il y a des gens qui ne sont pas directement candidats à l’élection présidentielle et qui jouent le jeu, je trouve ça très bien. Si ceux qui le sont ou qui voudraient l’être veulent s’exprimer, qu’ils le fassent. Là-dessus, en tout cas, c’est très bien que dans une famille politique, il y ait des nuances et de la diversité, c’est le cas…

VALERIE TRIERWEILER : Mais on ne les voit pas…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Vous ne la voyez pas, vous ne l’entendez pas, la diversité, au sein de l’UMP ?

VALERIE TRIERWEILER : Si, mais assez peu dans ces débats…

DOMINIQUE SOUCHIER : Mais s’il avait fallu un débat sur la rupture et la continuité, il aurait été bien que Dominique de VILLEPIN aille vendredi, là, il y aurait eu un débat, ça aurait été très intéressant.

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Mais on a eu le débat, on l’a animé, ce débat, et vous voyez bien d’ailleurs que dans la rédaction du programme de l’UMP, il y a eu un point d’équilibre qui a été trouvé – je ne connais pas la phrase par cœur, je n’ai pas le programme de l’UMP sous les yeux – mais on a trouvé le bon point…

DOMINIQUE SOUCHIER : Vous avez trouvé, Nicolas SARKOZY a trouvé l’adjectif tranquille pour ajouter au mot rupture, c’est ça la synthèse…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, non, la phrase n’est pas uniquement celle-là. C’est-à-dire que, si vous voulez, il me semble que la phrase exacte, en fait, c’est celle-là, parce que je la retrouve maintenant de mémoire, c’est “ Rupture par rapport à la pensée unique. ” On est tous d’accord là-dessus ? Non, mais, c’était un geste. Je crois que la morale de l’action de la victoire…

VALERIE TRIERWEILER : C’est que ce n’est pas rupture par rapport au bilan de Jacques CHIRAC…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non. La morale de l’histoire, c’est qu’il faut qu’on fasse des gestes les uns vis-à-vis des autres, et que si on ne se situe pas dans cette spirale de l’addition des énergies et des tempéraments, on aura le sort de la gauche en 2002, c’est-à-dire l’opposition. Ca, je ne le souhaite pas. C’est la raison pour laquelle, vraiment, je voudrais qu’entre nous, on se respecte. Parce que les Français, il y a des sujets sur lesquels ils trouvent que telle ou telle personnalité pense bien, s’exprime avec talent et conviction. Voilà, que chacun occupe sa place !

VALERIE TRIERWEILER : Justement, on voit qu’il y en a qui n’occupent plus leur place parce que la campagne se met en place, les petits candidats se rallient, Christine BOUTIN s’est ralliée à Nicolas SARKOZY, Jean-Pierre CHEVENEMENT à Ségolène ROYAL. Est-ce que vous pensez qu’au bout du compte, le 21 avril est tellement présent qu’il n’y aura plus de place pour les petits candidats ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : D’abord, je trouve que l’expression de petit candidat en elle-même, si vous voulez, je ne l’utiliserai pas parce que je ne veux pas apparaître blessant vis-à-vis de quiconque. Mais, oui, il doit peser l’esprit de responsabilité sur les candidats à l’élection présidentielle. Parce que la déflagration qui s’est produite pour la gauche en raison de sa division en 2002, la droite doit savoir l’éviter. Parce que sinon, ce serait absolument consternant et dramatique. J’espère que notre souci de l’action, que notre humilité, que notre détermination et que la qualité d’un projet devraient convaincre nos concitoyens de ne pas faire l’erreur de l’extrême droite. On n’a pas besoin de nous interpeller fortement pour savoir et comprendre qu’on a encore beaucoup de choses à faire. Sur les questions même de sécurité, sur les questions de civilité, on est loin du compte, on a encore beaucoup de travail. Ce n’est pas négliger l’excellent bilan de Nicolas SARKOZY, de Dominique de VILLEPIN, des gardes des Sceaux et des ministres des Affaires sociales que de dire cela. C’est parler de la réalité. Moi, dans ma ville, à Tours, je peux vous dire que dans un certain nombre d’immeubles, dans un certain nombre de quartiers, il y a encore beaucoup de violences, beaucoup d’insécurité ou ce qui n’est pas du domaine de l’insécurité et de la délinquance, mais qui est des rapports durs et violents d’habitation à l’intérieur de certains immeubles. Donc, on a encore beaucoup de travail, on en a conscience, donc on n’a pas besoin de nous secouer pour nous le faire comprendre.

DOMINIQUE SOUCHIER : … Nicolas HULOT pour vous rappeler votre bilan en matière d’environnement, par exemple…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Mais c’est toujours très bien qu’il y ait des gens qui soient passionnés. Moi, j’aime bien les gens passionnés. Mais, je ne me sens pas déclaré. D’ailleurs, ce que nous exprime très régulièrement le président de la République sur cette question, la question de l’environnement, la question du développement, ce sont des thèmes prioritaires sur lesquels nous agissons et sur lesquels il faut toujours faire mieux. Parce que, effectivement, il y a des défis qui sont planétaires. Donc, on a toujours besoin d’entendre et d’écouter, surtout des gens qui ont du talent et de la patience.

VALERIE TRIERWEILER : Mais est-ce qu’on a besoin qu’ils soient candidats ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Ca, c’est parfois difficile effectivement parce que l’éparpillement, vous savez, il y a une règle du jeu dans l’élection présidentielle, elle est fixée par la loi électorale, ce sont les deux candidats arrivés en tête qui sont les compétiteurs du deuxième tour. Donc, si on ne fait pas attention, il y a un risque évidemment qu’au deuxième tour, l’un des protagonistes soit l’extrême droite. Ce qu’aucun républicain ou démocrate ne peut souhaiter. Donc, il faut qu’on fasse extraordinairement attention…

VALERIE TRIERWEILER : Ca veut dire quoi faire attention ? Est-ce qu’il faut signer son Pacte écologique ? Puisque c’est ce qu’il demande pour ne pas être candidat. Est-ce que Nicolas SARKOZY doit le signer ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES  : En tout cas, il faut avoir une discussion attentive et sérieuse avec lui parce que je trouve qu’il s’exprime avec passion. Il y a d’autres personnalités très…

VALERIE TRIERWEILER : La condition qu’il a mise, c’est que les candidats signent le Pacte écologique.

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui, il y a certainement des discussions, il y a certainement des éléments à reprendre, d’autres à discuter, je ne pense pas que ce soit les yeux fermés. Mais en tout cas sa préoccupation et la volonté qui est la sienne, je la respecte et je trouve que ça doit faire partie de nos nouveaux réflexes, je dis bien réflexe. Donc, ça, on est loin du compte, c’est des contraintes parfois…

DOMINIQUE SOUCHIER : Dans l’hypothèse que vous venez de mentionner et de redouter, où ce serait Jean-Marie LE PEN qui serait présent au deuxième tour, imaginons que ce soit, face à lui, Ségolène ROYAL, évidemment, vous voteriez pour Ségolène ROYAL. Est-ce que ce n’est pas la démonstration que finalement le clivage droite/gauche n’est pas le clivage le plus important de la vie politique ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui, ça, bien sûr. Attendez, il y a un moment où la question des valeurs, la question des principes, elle est absolument essentielle, donc il faut s’effacer. Je pense que les électeurs de gauche, de la gauche démocrate et républicaine ont su le faire pour l’élection en 2002 du président Jacques CHIRAC. Donc, c’est bien, ils l’ont fait. On a tous des référents de ce point de vue-là qui ne sont pas glorieux, c’est une question normale, au moment des élections régionales, quand il y a eu ce problème du Front national dans beaucoup de régions françaises, on sait faire, si vous voulez, j’allais dire, les tris démocratiques…

DOMINIQUE SOUCHIER : Dans l’hypothèse, il y a quelqu’un qui dit, François BAYROU qui dit, à force d’entendre tous les matins Ségolène ROYAL, Nicolas SARKOZY, Nicolas SARKOZY, Ségolène ROYAL, à un moment donné, les Français auront envie de voter pour moi. Dans cette hypothèse-là, est-ce que vous, vous refuseriez – imaginons, François BAYROU élu président de la République – est-ce que vous, vous refuseriez de participer à un même gouvernement que des personnalités de gauche ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, mais la question ne se pose pas en ces termes. Ce n’est pas de la cuisine… Non, non, mais je ne dis pas ça par rapport à vous. Mais les choix politiques, ils doivent se faire de manière claire. Encore une fois, quand il y a une menace extérieure ou une menace qui pèse sur la démocratie, c’est normal que tous les républicains se serrent les coudes et agissent ensemble. Mais c’est normal aussi qu’on s’exprime clairement politiquement. On ne peut pas être à géométrie variable. On ne peut pas avoir des électorats, des électeurs d’un camp et pratiquer ou vouloir la politique de l’autre camp. Ca, ça n’a pas de sens. Donc, il faut dire les choses à l’avance. Cela veut dire qu’il peut y avoir diversité de candidatures, mais une coalition, elle doit être annoncée aux électeurs à l’avance. Ce n’est pas le lendemain de l’élection présidentielle qu’on doit dire si on va gouverner avec la droite ou avec la gauche et en disant que tout ça est équidistant…

VALERIE TRIERWEILER :Il le dit, il dit qu’il gouvernera avec les deux, il le dit dès le début…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : D’accord, mais la question – comment vous dire – de la perspective gouvernementale de telle ou telle personnalité, ça ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse, c’est de dire clairement à nos concitoyens, voilà le projet politique qui est le nôtre et l’annoncer à l’avance.

VALERIE TRIERWEILER : Justement, est-ce que les choses sont si claires que ça entre Nicolas SARKOZY et Ségolène ROYAL ? Est-ce que la ligne entre la droite et la gauche, vous la voyez clairement dessinée ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Il y a des tas de sujets sur lesquels on la voit très clairement se dessiner, oui, ça, c’est une évidence. Quand je vois le…

VALERIE TRIERWEILER : On voit aussi qu’ils ont un certain nombre de propositions communes, la suppression de la carte scolaire, des camps un peu renforcés pour les jeunes délinquants…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Dans le domaine économique et social, que je sache, je n’ai pas entendu Ségolène ROYAL dire qu’elle allait renoncer à une application rigide et brutale des 35 heures. Elle veut même, au contraire, aggraver les choses. Elle n’a pas encore dit grand chose de toute façon, pour le moment, elle dit tout et le contraire de tout. Pour le moment, c’est : Je veux plaire à tout le monde. Donc, ça aura une limite parce qu’il y a un moment… Pour le moment, la campagne présidentielle n’a pas commencé. Pour le moment, on est dans une période de précampagne où chacun annonce sa candidature. Il y a un moment, et ce n’est pas le cas vraiment aujourd’hui, où les Français vont se dire : Quelle va être l’équipe qui aura la charge de la gestion et du gouvernement du pays ? Ils sont inquiets…

DOMINIQUE SOUCHIER : Là, vous parlez comme parlaient, à un moment donné, lors des primaires du Parti socialiste, Laurent FABIUS et Dominique STRAUSS-KAHN, ils ont vu ce que ça a donné. Ils disaient, le débat n’a pas vraiment commencé, vous verrez, quand il commencera…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Attendez, il n’y avait aucune… Moi, je n’ai pas du tout étonné par la désignation de Ségolène ROYAL. Son seul compétiteur, c’était Lionel JOSPIN. A partir du moment où il a pris la décision de ne pas être candidat, il n’a pas su d’ailleurs exprimer aux Français, notamment aux militants du Parti socialiste, pour sa désignation, qu’il avait compris, qu’il avait changé par rapport à 2002, elle avait une voie toute tracée…

VALERIE TRIERWEILER : Une voie royale.

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Laurent FABIUS – et c’est bien fait – il a d’une certaine manière eu à solder les comptes de son non-engagement au moment de la Constitution européenne. Le non de Laurent FABIUS au moment de la Constitution européenne, il était vraiment honteux. Parce que, justement, l’Europe, ça appartient en partage à un certain nombre de gouvernements et d’équipes politiques qui ont, chacun, apporté leur pierre. Dominique STRAUSS-KAHN, qui a beaucoup de talent personnel, il s’est mis un peu tardivement dans la perspective d’une candidature à l’élection présidentielle. Donc, moi, je ne suis pas du tout étonné de la désignation de Ségolène ROYAL.

DOMINIQUE SOUCHIER : Dans les choses gentilles que vous avez dites sur Ségolène ROYAL, vous avez dit notamment une fois que vous lui reconnaissiez la qualité de dégager de la lumière. Ca, c’est une vraie qualité de dire ça d’une personnalité politique, ça revient à dire qu’elle est charismatique, que c’est elle qu’on écoute.

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : C’est vrai, je reconnais et je trouve…

DOMINIQUE SOUCHIER : D’où lui vient cette qualité-là que vous lui reconnaissez ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES :  Je trouve, si vous voulez, que ce n’est pas être photogénique, c’est beaucoup plus. Et ça, je le reconnais. Mais…

DOMINIQUE SOUCHIER : Ce serait machiste de dire ça…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, mais… On le dit aussi bien d’un candidat, d’un homme ou d’une femme, ce n’est pas le problème. Je considère, si vous voulez, que cette capacité de rayonnement que je lui concède, elle la dénature parce que sur le fond, je considère que c’est quelqu’un de sectaire et que ce n’est pas du tout quelqu’un de tolérant et d’ouvert. Deuxièmement, je considère qu’elle cède à un certain nombre de dérives populistes. Lorsque je me suis exprimé avec sévérité à la suite de ses propos sur les jurys populaires, je persiste et signe. Je crois que dans la période actuelle…

DOMINIQUE SOUCHIER : Vous avez dit que c’était du “ poujadisme crade ”.

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui. Je crois que dans la période actuelle, il faut avoir aussi de temps en temps du courage et de dire, par exemple, que les élus municipaux ou que les élus de la République, quels qu’ils soient, qui travaillent dans leurs communes jusqu’à minuit ou une heure du matin pour traiter les affaires de leurs villes, il faut bien sûr qu’ils soient contrôlés. Parce qu’il faut toujours des contre-pouvoirs. Mais là, dire qu’on va créer des jurys populaires, c’était d’une certaine manière les livrer à la vindicte et en faire des boucs émissaires.

VALERIE TRIERWEILER : Mais, elle récupère…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Parler des 35 heures pour les enseignants, franchement, c’est leur dire quoi ? C’est vouloir leur dire de manière subliminale que c’est des fainéants, donc il faudrait qu’ils travaillent davantage ? Je crois qu’il faut aussi avoir le courage de voir la réalité. La réalité, c’est que dans un certain nombre de collèges et de lycées ou de CFA, il y a beaucoup de violences et qu’ils ont de temps en temps beaucoup de difficultés à assurer leurs cours de manière équilibrée parce qu’ils sont confrontés à beaucoup de défis. Je trouve ça, pour un candidat à l’élection présidentielle, je trouve ça honteux de tenir ce genre de propos, vraiment.

VALERIE TRIERWEILER : Monsieur le Ministre, revenons à notre sujet… Justement, quand on voit le sondage de LIBERATION ce matin…  

DOMINIQUE SOUCHIER : Voilà, parlons du sondage, oui…

VALERIE TRIERWEILER : …sur les classes populaires puisque tout ça nous même à cette réflexion, elle capte beaucoup des voix de cette classe populaire qui ne votait plus. Est-ce qu’au fond ça n’est pas mieux qu’elle les récupère plutôt que Jean-Marie LE PEN ?  

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Je crois que…

VALERIE TRIERWEILER : On voit que SARKOZY a d’ailleurs un train de retard dans cette frange de la population…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non…vous savez, j’ai regardé les entrailles de ce sondage et donc il est très divers parce qu’il y a des tas de rubriques où Nicolas SDARKOZY est jugé très supérieur à Ségolène ROYAL pour mettre en place des réformes…  

DOMINIQUE SOUCHIER : Oui, oui, les Français disent que c’est plutôt de son côté que sont les projets réalisables mais ils disent aussi que du côté des idées neuves c’est Ségolène ROYAL qui l’emporte, c’est important les idées neuves…  

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui, attendez parce que pour le moment elle a eu le champ libre. Pendant tout l’automne, les projecteurs se sont braqués sur elle parce qu’elle était en pré-campagne, donc vous verrez quand la campagne aura commencé dans notre camp…        

DOMINIQUE SOUCHIER : Vous-mêmes vous venez de dénoncer les idées neuves, ne dites pas qu’elle n’en a pas…  

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Ce n’est pas des idées neuves, ce sont des propos franchement…vraiment je n’aimerais pas que mon candidat…

VALERIE TRIERWEILER : Elles sont neuves pour le Parti socialiste…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Voilà, je n’aimerais pas que mon candidat il les tienne, voilà, et s’il les tenait je lui dirai que je suis en désaccord parce que franchement je pense que dans l’ère du temps actuel il faut être plus solide que ça et il ne faut pas uniquement surfer sur les vagues. Et vous l’avez constaté, je ne vais pas revenir là-dessus, beaucoup de gens se sont exprimés, mais sur la scène internationale il faut faire preuve de responsabilité et quand on est dans une zone de conflit on ne peut pas plaire à chacun, il faut rappeler la position d’un pays, on peut condamner notre propre position, mais vous ne pouvez pas, parce que sinon c’est un grand écart absolument intenable, tenir les propos qu’elle a tenus vis-à-vis des Iraniens, vis-à-vis des Libanais, vis-à-vis des Israéliens, vis-à-vis des Palestiniens. Il y a un moment où les zigzags sont des erreurs stratégiques et mettent parfois d’ailleurs notre pays dans une situation difficile.   

VALERIE TRIERWEILER : C’est-à-dire interdire le nucléaire civil à l’Iran, pour vous c’est totalement irréalisable, y compris si le pays n’accepte pas les contrôles ?    

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Mais c’est une grave erreur politique parce que tout l’objectif est quoi, pour parvenir à la sécurité internationale et à la paix, c’est de faire en sorte que le plus grand nombre des pays du monde à l’exception de cinq d’entre eux n’aient pas et ne disposent pas de l’arme nucléaire. Et donc il faut faire le tri entre ce qui est l’arme nucléaire, dont le traité de non-prolifération, et le nucléaire comme énergie civile. Voilà, donc c’est très, très, très important.    

VALERIE TRIERWEILER : Mais concrètement, est-ce qu’on peut faire le tri ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui, bien sûr, c’est le cœur même de la manière si vous voulez de procéder sur ces sujets c’est plus qu’une erreur ce qu’elle a fait, c’est dangereux pour tout simplement la sécurité internationale.  
  
DOMINIQUE SOUCHIER : Renaud DONNEDIEU de VABRES, ce que Nicolas SARKOZY a dit à Ségolène ROYAL sur le Hezbollah, “ il ne suffit pas d’être élu(e) pour être respectable, HITLER a été élu ”. Est-ce que ça ne vaut pas a fortiori pour AHMADINEJAD et le régime iranien, c’est-à-dire dès lors qu’on a face à soi un chef d’Etat qui nie l’Holocauste, est-ce qu’on peut ne pas décider de dire “ on ne discute pas, on n’accepte rien, on ne… ”  

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Attendez, je suis le premier à condamner avec la plus extrême violence toutes celles et ceux qui sont des racistes, des antisémites, qui veulent s’inspirer de principes nazis, par définition je les condamne avec la plus extrême sévérité, mais là on ne parle pas du tout de la même chose, on parle…    
  
DOMINIQUE SOUCHIER : Vous confiez quand même le nucléaire civil à ces gens-là, vous dites parce que c’est dans les traités ?  

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, attendez, je confie, attendez…la communauté internationale qui n’est pas lâche a décidé d’une stratégie très rigoureuse avec des sanctions et des contrôles à l’appui pour interdire la prolifération nucléaire en tant qu’arme. Et donc il n’y a que cinq pays aujourd’hui dans le monde qui sont autorisés à disposer de l’arme nucléaire.

DOMINIQUE SOUCHIER : Et il y en a un sixième qui s’est déclaré, je crois…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : La communauté internationale définit une stratégie pour éviter justement le recours à l’arme nucléaire d’un certain nombre de pays jugés comme dangereux. Eh bien on ne peut pas au hasard d’une phrase remettre en cause cette stratégie qui est essentielle pour la paix. Maintenant, il faut qu’il y ait des contrôles, il faut que le cas échéant des dispositifs de sanction aient lieu et le seul lieu apte à régler ces questions fondées sur le droit c’est l’ONU. Et donc la position qui est la position de mon pays, qui est d’ailleurs une position qui normalement doit rassembler là pour le coup la gauche et la droite républicaine, c’est la position que je vous définie. Donc je trouve que s’échapper de ce genre de position à des fins de campagne électorale je trouve cela dangereux.  

VALERIE TRIERWEILER : Comment vous avez jugé aussi ses propos sur la Turquie, elle s’est exprimée il y a un mois environ en disant que sa position serait celle des Français. L’Union européenne a mis un coup de frein aux négociations en réduisant le champ des articles négociés. Qu’est-ce qu’il faut craindre aujourd’hui de la Turquie ?    

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Vous savez, moi je crois à l’Europe et je veux la rendre populaire, et pour la rendre populaire il faut convaincre nos concitoyens qu’on peut avec un certain nombre de pays progresser ensemble et il y a forcément des étapes et des paliers. Alors il y a l’étape de l’élargissement tel qu’il fonctionne aujourd’hui à 25 et demain à 27 avec la Roumanie et la Bulgarie. Il faut réussir cette étape et on vient de constater avec le référendum en France que ce n’est pas si facile que cela. Donc il faut faire progresser cette Europe que nous avons décidée de constituer et puis s’en tenir à la procédure d’élargissement ultérieur que nous avons déterminée en vérifiant à chaque fois vis-à-vis de tel ou tel pays qui se porte candidat, c’est le cas de la Turquie, qu’il satisfait aux principes, aux valeurs et aux éléments politiques de l’Union européenne. Il y a des retards constatés dans la démarche que devait suivre la Turquie, c’est la raison pour laquelle le Conseil des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne a suspendu la négociation d’un certain nombre de chapitres du traité d’adhésion. Et puis nous, nous avons été plus loin et donc il y a eu une révision de la Constitution qui est passée pratiquement inaperçue…        

VALERIE TRIERWEILER : Non, nous on a beaucoup parlé…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : …et qui a été voulue par le président de la République et par cette majorité qui est de dire que pour les futurs élargissements, notamment la Turquie… 
  
VALERIE TRIERWEILER : Les Français voteraient…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : …ce serait le peuple français qui aurait le pouvoir de décision. Je crois que c’était une mesure sage parce que vous voyez bien au fond que dans le monde actuel, c’est d’ailleurs très intéressant, la mondialisation fait craindre à chacun de perdre sa propre culture, sa propre racine, sa propre identité, et que le concept de diversité qui est souhaité il n’est pas facile à mettre en œuvre, il faut en tout cas que l’Europe apparaisse protectrice de cette diversité mais ça c’est un grand projet politique et donc il y a des étapes.   

VALERIE TRIERWEILER : Renaud DONNEDIEU de VABRES, on va vous proposer une photo que vous allez commenter, exceptionnellement nous ne l’avons pas choisie dans l’actualité, elle va vous rappeler quelques souvenirs, si elle arrive sur l’écran, merci de nous envoyer la photo. Voilà, c’est la fameuse promotion Voltaire de l’ENA 1980, vous y étiez…   
 
RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui…

VALERIE TRIERWEILER : Alors on va agrandir la photo parce qu’il y avait aussi…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Je suis un peu en haut à gauche il me semble…

VALERIE TRIERWEILER : Il y avait aussi François HOLLANDE, Ségolène ROYAL, Dominique de VILLEPIN, voilà, vous êtes entouré…

DOMINIQUE SOUCHIER : Dominique de VILLEPIN est au tout dernier rang, on aperçoit à peine sa tête, et vous, vous êtes juste au-dessus de François HOLLANDE…   

VALERIE TRIERWEILER : Sur qui vous auriez misé vous à ce moment-là en dehors de vous évidemment ?  

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, vous savez, ce qui est extraordinaire c’est qu’on était une collection de tempéraments et que donc les équipages d’aujourd’hui était déjà en préfiguration au moment où on était tous étudiants. C’est-à-dire qu’on était une promotion très politique en fait, qui avait déjà la passion de l’action publique au-delà des carrières administratives, et contrairement à ce que les gens peuvent penser l’ENA ce n’est pas un moule et donc les tempéraments existaient déjà et on s’était repéré entre nous. Ca veut dire que Dominique de VILLEPIN, que François HOLLANDE, que Ségolène ROYAL, que d’autres, que Michel SAPIN, que Frédérique BREDIN, qu’Henri de CASTRIES, un certain nombre de…    

VALERIE TRIERWEILER : Oui parce qu’on ne les a pas tous nommés mais c’est une promotion exceptionnelle…   

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : …un certain nombre de gens qui exercent aujourd’hui des responsabilités imminentes on s’était déjà repérés. Et moi je vais vous raconter l’histoire suivante : François HOLLANDE et Ségolène ROYAL et d’autres avaient constitué un syndicat d’étudiants…

VALERIE TRIERWEILER : Très à gauche…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : …autonome par rapport à la CFDT mais de gauche. Moi je n’ai évidemment pas adhéré, ce n’était pas mes convictions, j’étais un peu si vous voulez, je ne sais pas comment dire, leur provocateur de droite à l’intérieur de leur bande, je les aimais beaucoup et c’est des gens pour lesquels j’ai des liens qui existent. Et ce qui est très intéressant c’est de voir l’articulation entre Ségolène ROYAL et François HOLLANDE c’est la même qu’aujourd’hui, c’est-à-dire que François HOLLANDE il a une capacité à faire vivre une équipe, à être chef de bande, et Ségolène ROYAL elle était déjà un être à part. Eh bien c’est ce qui s’est produit pour la désignation au sein du Parti socialiste, François HOLLANDE il fait vivre ensemble une équipe, il est le Premier secrétaire du Parti socialiste, il a ce talent de faire vivre les gens ensemble, et puis elle c’est quelqu’un à part.        

VALERIE TRIERWEILER : Dites la vérité aux gens qui nous regardent et qui nous écoutent, est-ce qu’aujourd’hui il y a un espèce de lien entre tous ces gens et que vous pouvez appeler François HOLLANDE, Ségolène ROYAL, les tutoyer, leur demander un service, comment ça se passe vraiment maintenant ?     

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, il n’y a pas de complicité clandestine, ça veut dire qu’on a été sur les mêmes bancs d’une école, donc voilà ça craint évidemment des liens, je ne vais pas dire que ça ne crée pas de liens, mais ça ne change rien à la vie politique, on est tous des gens passionnés, on a des convictions, on les défens et si l’on est l’un face à l’autre dans un débat le fait qu’on ait été étudiants ensemble, bon, c’est très bien, on a des souvenirs en commun mais le choc et la confrontation des idées, des passions, etc., voilà, c’est une bonne chose. Je pense que quand même quand il y a eu des liens, parce que là c’était des liens personnels et amicaux, donc je ne serai pas enclin à avoir un comportement vraiment inacceptable sur le plan humain. De toute façon, ce n’est pas ma manière d’être, donc vis-à-vis de quiconque je n’aurai ce genre de pratique. Mais, non, non, sur le plan politique…        

DOMINIQUE SOUCHIER : Il n’y en a pas sur la photo dont vous disiez à l’époque “ s’il y en a un qui sera président de la République ce sera à coup sûr lui ou elle et qui est passé(e) à la trappe ” ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non…

DOMINIQUE SOUCHIER : Ca arrive parfois, c’est vrai…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, vous savez, moi je pense que…ce à quoi j’attache beaucoup d’importance c’est au caractère, c’est à l’énergie, c’est à la capacité de transformer la réalité, et ça je pense que ça fait que les gens se repèrent entre eux.

DOMINIQUE SOUCHIER : Vous vous étiez repérés…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Vous avez des gens qui au fond sont parfois comme ça un peu gris face à la vie, bon, c’est leur liberté ou leur manière d’être, et puis vous avez des gens qui sont assez ardents. Oui, ça paraît peut-être bizarre pour vous mais on s’était repéré, oui, ça c’est vrai.         

DOMINIQUE SOUCHIER : Et il y a un romancier, Marc LAMBRON, qui vient de publier un livre sur Ségolène ROYAL qui s’appelle “ Mignonne, allons voir ” et qui dit qu’on ne reproche pas à Ségolène ROYAL d’être énarque alors que, dit-il, “ elle est profondément énarque ”, elle était peut-être la plus…est-ce que vous êtes d’accord avec ça ?    

VALERIE TRIERWEILER : C’est-à-dire que c’est une bûcheuse…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui mais je ne sais pas, attendez, on a passé des concours, donc on ne va pas s’excuser d’avoir passé des concours…

DOMINIQUE SOUCHIER : Non mais…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Et par ailleurs le suffrage universel c’est le suffrage universel, c’est ça qui est important, c’est ça qui est intéressant et c’est la possibilité de vouloir convaincre, de transformer les choses, d’avoir ce sacre qui n’est pas celui d’un concours, qui est celui du vote du peuple, c’est la plus belle des vulnérabilités, en tout cas c’est celle qu’on a les uns et les autres choisie.      

VALERIE TRIERWEILER : Alors en même temps il y a un classement dans cette école, vous êtes sorti 50 places devant Ségolène ROYAL et il y a eu un major de cette promotion, donc le meilleur de tous, que personne ne connaît, Jean-Ludovic SILICANI, c’est ça, et sur votre proposition il vient d’être nommé président du conseil d’administration des musées nationaux

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : La réunion des musées nationaux, oui…

VALERIE TRIERWEILER : Voilà, donc il y a quand même une petite complicité ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : C’est un esprit brillant, il est conseiller d’Etat…  

VALERIE TRIERWEILER : Alors pourquoi on ne connaît pas le plus brillant de cette promotion brillante, pourquoi on ne le connaît pas ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, ce n’est pas ça, parce qu’il a choisi des fonctions très importantes mais qui sont des fonctions de la haute fonction publique et qui sont moins sous les projecteurs de l’actualité, donc de l’intérêt de la presse, que ne le sont les fonctions politiques.     

VALERIE TRIERWEILER : Et lui vous l’aviez repéré à l’époque ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui, bien sûr, oui, oui, bien sûr. Non mais, voilà, ça fait partie des gens qui avaient, oui, beaucoup de tempérament, voilà.   

VALERIE TRIERWEILER : On pourrait rester des heures sur cette photo…

DOMINIQUE SOUCHIER : Oui mais on va regarder le chiffre…

VALERIE TRIERWEILER : On va vous proposer maintenant un chiffre.

DOMINIQUE SOUCHIER : Un chiffre qui est tiré d’une statistique de l’INSEE qui est parue aujourd’hui, en 2030, il n’y aura en France plus qu’une seule région où les moins de 20 ans seront plus nombreux que les plus de 60 ans. Actuellement, il y a 13 régions où c’est le cas…   

VALERIE TRIERWEILER : C’est-à-dire que dans toutes les autres la population aura plus de 60 ans…

DOMINIQUE SOUCHIER : Mais dans 30 ans il n’y aura plus qu’une seule région où ça sera le cas, où les jeunes seront plus importants que les plus de 60 ans c’est l’Ile-de-France. Actuellement, il y a 13 régions qui sont dans ce cas, il y a notamment la vôtre de région mais ça ne sera plus le cas dans 30 ans. Est-ce que ça ça ne vous inquiète pas ? Ca annonce la France de demain, ça annonce une France de vieux, de seniors, c’est eux qui feront la politique de demain parce que c’est eux qui seront majoritaires…        

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui mais il y a toujours des adaptations. Souvenez-vous des prédictions du Club de Rome il y a 30 ans…

DOMINIQUE SOUCHIER : Ah non, non, ça c’est…attendez, dans 25 ans, les démographes savent de quoi sera composée la France…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Mais non, parce que peut-être qu’il y aura eu…

DOMINIQUE SOUCHIER : Ah vous croyez ça…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : …des immigrations et des mouvements de populations différentes avec d’autres pays de l’Union européenne, qu’il y aura eu une recomposition. Vous savez, les projections ne se trouvent jamais vérifiées, jamais, jamais, jamais. Souvenez-vous au moment du Club de Rome, donc il y a 35 ans, sur les matières premières, qu’on disait par rapport aux matières premières, au pétrole, etc., bon, il y a eu des équilibres, parce que les prix évoluent, parce que les marchés évoluent, il faut faire très attention parce que…            

VALERIE TRIERWEILER : Donc les experts ne savent à rien…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, ce n’est pas ça parce que ça…

DOMINIQUE SOUCHIER : Le papy-boom c’est une réalité démographique…   

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui, en ce moment, je reconnais qu’elle est tout à fait confirmée, en tout cas je pense qu’il faudra toujours s’adapter parce qu’il ne faut jamais s’endormir. Mais il ne faut pas être injuste parce que regardez ce qui se passe pour Internet, ça rassemble toutes les générations, bien sûr que vis-à-vis des plus jeunes de nos concitoyens c’est comme s’ils étaient nés avec Internet, ils surfent, ils pianotent, c’est leur vie, leur réalité. Nous, on a déjà été obligé de s’y mettre mais ce qui est sympathique c’est de voir que toutes les générations s’y sont mises et de ce point de vue-là moi ça me rend très optimiste sur la capacité d’évolution et d’adaptation de l’ensemble de la société française.     
  
DOMINIQUE SOUCHIER : Quand vous avez été nommé ministre de la Culture, vous vouliez faire des auto-écoles pour l’Internet, vous vouliez que dans chaque commune il y ait ?…    

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui, vous avez bien lu un certain nombre de…

DOMINIQUE SOUCHIER : Et vous ne l’avez pas fait et vous avez eu probablement bien tort parce que quand même là aussi les statistiques le prouvent, on en a parlé mardi dernier avec Brice HORTEFEUX, moins d’un Français sur deux est internaute…  

VALERIE TRIERWEILER : 43%…

DOMINIQUE SOUCHIER : C’est moins que dans les autres pays européens.  

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Attendez, c’est en train de beaucoup évoluer et de ce point de vue-là je trouve que les progressions dans la population sont très importantes, il faut qu’on accompagne le mouvement, c’est ce qu’on a fait dans un certain nombre de domaines, ce qu’on est en train de faire dans le domaine de la télévision avec des nouveaux venus, vous en êtes l’exemple le plus parfait.

DOMINIQUE SOUCHIER : La télévision du futur…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Donc c’est bien parce que ça fait vivre le pluralisme et donc ça c’est quelque chose de très important. Et donc il ne faut pas croire qu’effectivement ces nouvelles technologies soient d’un accès immédiat et donc de temps en temps il faut qu’il y ait un bon apprentissage et pas des espèces de standard où l’on fait taper 2, taper 3, taper 5, taper 18 et puis on a personne au bout du fil et puis finalement, voilà, quand son ordinateur est déréglé, quand sa télé ne marche plus, on a le sentiment qu’on est pommé.      

DOMINIQUE SOUCHIER : Et vous auriez dû les faire vos auto-écoles…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Oui mais on ne peut pas tout faire, merci de me donner cette piste pour mon deuxième mandat si j’ai la chance d’en avoir un.  

VALERIE TRIERWEILER : La phrase, vous allez commenter une phrase. Alors nous tenons à signaler, Dominique SOUCHIER et moi-même que nous l’avons censurée : “ il faudrait stériliser la moitié de la planète ”, Pascal SEVRAN, nous n’avons pas mis la suite. Voilà, quelles sanctions vous auriez appliqué vous à Pascal SEVRAN qui travaille sur le service public ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Je me suis exprimé dès que j’ai eu connaissance de l’interview…

DOMINIQUE SOUCHIER : Vous vous êtes indigné immédiatement…  

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES :  …qu’il avait fait à VAR MATIN qui s’articulait avec des propos d’un livre pour lequel je n’ai vraiment pas envie de faire publicité, donc je ne donnerai pas le titre. Je trouve ça indigne, je trouve ça honteux, je trouve ça grave, parce que la question de la pauvreté, de la famine, du sida, du sous-développement ne peut pas être traitée par ce genre…ce n’est pas de l’invective, de propos barbares. On ne peut pas viser une communauté, en l’occurrence la communauté noire et les Africains, s’en prendre à leur sexualité et dire que cette communauté doit faire l’objet de mesures discriminatoires. Venant d’une personnalité qui a certainement beaucoup de talent, je suis extraordinairement choqué, je suis heureux de constater qu’il a été amené à s’excuser publiquement, je vois les initiatives que FRANCE TELEVISIONS est en train de prendre qui, je pense, sont utiles…      

VALERIE TRIERWEILER : Ca a mis un petit peu de temps tout de même…  

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Maintenant, il y a une plainte…

DOMINIQUE SOUCHIER : Cet après-midi, le PDG de FRANCE TELEVISIONS…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : …il y a une plainte qui a été déposée par un certain nombre d’associations, voilà, je ne sais pas quelle sera la décision de la justice, est-ce qu’elle sera recevable, pas recevable, quelle sera l’incrimination, les choses sont en cours de traitement…  

DOMINIQUE SOUCHIER : Il a reçu un avertissement de FRANCE TELEVISIONS, ça vous paraît suffisant ?  

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Je suis extraordinairement choqué, voilà. Je pense si vous voulez, pour vous dire crûment les choses, que pèse sur les élites une responsabilité particulière. Et quand vous avez la chance et le talent d’être l’animateur d’une grande émission de télévision, pèse sur vos épaules une responsabilité particulière. Pour vous ne tant que journaliste, vous êtes vis-à-vis de nos concitoyens des référents.   

DOMINIQUE SOUCHIERMais alors…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Donc pèsent sur vos épaules par définition des responsabilités supplémentaires. Et je trouve très grave dans la France d’aujourd’hui cette espèce de racisme ordinaire qui est rampant et qui s’exprime parfois de façon extraordinairement choquante.   

VALERIE TRIERWEILER : C’est-à-dire qu’il y a un climat particulier en ce moment ?

DOMINIQUE SOUCHIER : Cet après-midi, Renaud DONNEDIEU de VABRES…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : En tout cas, moi je le ressens.

VALERIE TRIERWEILER : On va terminer, on va terminer, pardon.

DOMINIQUE SOUCHIER : Cet après-midi, le président de FRANCE TELEVISIONS, Patrick de CAROLIS, s’est prononcé pour qu’on inclut dans les contrats d’animateur des clauses d’éthique…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Il a raison de la faire.

DOMINIQUE SOUCHIER : Vous dites il a raison…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Bien sûr.

VALERIE TRIERWEILER : Un mot sur le climat particulier, vous parliez de “ racisme rampant ”, est-ce qu’on est dans une  période particulière ?  

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Mais si je me bats comme un fou, comme un lion, pour agir concrètement c’est parce que je sens ça à l’état latent, c’est qu’il faut transformer cette réalité, c’est qu’il faut sortir notre pays par le haut, c’est qu’il ne faut pas laisser le chômage prospérer, c’est qu’il faut créer une dynamique positive, parce que sinon on désigne des boucs émissaires. Si dans un immeuble, dans un quartier, dans une ville, l’emploi disparaît et les comportements personnels sont insupportables, les gens désignent des boucs émissaires. Moi je veux qu’on tourne la page de ça, je veux qu’on accueille et qu’on tende la main, ce que j’ai fait au Grand Palais sur les cultures urbaines c’était pour faire en sorte qu’un certain nombre de nos concitoyens exprimant cette diversité française se sente reconnue.

VALERIE TRIERWEILER : Alors disons-le, vous avez fait venir la culture de banlieue dans ce lieu magnifique qu’est le Grand Palais à Paris mais on vous reproche aussi finalement de ne pas amener la “ vraie culture ”, je mets volontairement des guillemets à “ vraie culture ”, en banlieue. Est-ce que ce n’est pas aussi une démarche qu’il faudrait avoir aujourd’hui ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : On est très perfectible sur ce sujet, il y a beaucoup de centres dramatiques, il y a beaucoup de présence culturelle et artistique, il doit y en avoir davantage, il doit y en avoir dans tous les établissements scolaires, moi je considère que chaque lieu doit être une chance, donc on a à faire encore beaucoup de progrès, j’y travaille très activement avec Jean-Louis BORLOO et il y a des initiatives qui sont prises, on doit faire davantage, c’est une évidence, parce que moi je crois aux croisements, c’est-à-dire que je pense bien si vous voulez que si vous aimez BACH ou BRAHMS que vous découvriez qu’il y a le rap et que si vous ne vous projetez que dans la musique électro que vous découvriez aussi que d’ailleurs elle peut être interprétée dans un très beau monument historique, bref, on a cette capacité de diversité, il faut la faire vivre.  

VALERIE TRIERWEILER : Mais soyons réalistes, tout ça ce sont pour des publics différents ?  

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, non, pas forcément des publics différents, il faut justement ouvrir les esprits, faire en sorte qu’à l’école, dans toutes les écoles, il y ait ce partenariat culturel, c’est dans le projet de l’UMP, c’est dans notre projet, c’est long à mettre en place.    

DOMINIQUE SOUCHIER : Monsieur le Ministre, un des pouvoirs les plus importants du ministre de la Culture c’est de procéder à des nominations. Par exemple, de désigner celui qui va diriger le théâtre de l’Odéon ou celui qui va diriger l’Opéra de Paris. Et là vous venez de procéder à deux nominations…

VALERIE TRIERWEILER : Et vous avez l’air content…

DOMINIQUE SOUCHIER :  …qui ont surpris parce que vous avez nommé des personnalités qu’on n’attendait pas. Vous avez nommé à la tête de l’Odéon Olivier PY qui est un homme de théâtre d’une quarantaine d’années, qui est aussi auteur, puis vous avez nommé pour l’Opéra de Paris celui qui dirige le théâtre, le Capitole de Toulouse, Nicolas JOËL. Pourquoi cela et surtout expliquez-nous comment vous arrivez, comment on fait lorsqu’on est ministre de la Culture pour désigner des personnalités à des fonctions extrêmement importantes parce qu’elles engagent…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : C’est une responsabilité très difficile et pour laquelle j’ai beaucoup consulté, j’ai beaucoup écouté, et puis ensuite j’ai fait à mes patrons que sont le Premier ministre et le président de la République une proposition pour chacun des deux lieux. Et la question était différente parce que pour l’Opéra de Paris Gérard MORTIER arrivera en 2009 au terme de son mandat et donc ce n’était pas un problème de savoir si je prolongeais ou pas sa fonction, je ne pouvais pas le faire, donc il fallait qu’il y ait un successeur. J’ai véritablement réfléchi et j’ai proposé Nicolas JOËL dont la connaissance et le rayonnement international…  

DOMINIQUE SOUCHIER : Il y avait d’autres choix possibles…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : .. et il y avait un autre candidat par exemple qui est Laurent BAYLE, qui est le patron de la Cité de la Musique, que j’aurai pu proposer au président mais auquel je viens de confier la mission de créer un nouvel auditorium à la Villette, bref, il était très occupé…

DOMINIQUE SOUCHIER : Et Stéphane LISSNER qui est un…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Il fait rayonner la musique à Milan à la Scala…

DOMINIQUE SOUCHIER : Donc vous ne vouliez pas le…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : …donc c’est l’esprit européen, je n’allais pas piquer aux Italiens une personnalité qui a beaucoup de talent mais qui pour le moment se consacre…  
  
DOMINIQUE SOUCHIER : Et pour Olivier PY ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Et pour Olivier PY la question était très différente parce qu’il y a un très grand artiste qui dirige actuellement le théâtre de l’Odéon qui est Georges LAVAUDANT, qui le dirige depuis…

DOMINIQUE SOUCHIER : Et qui aurait bien aimé rester…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : …qui le dirige depuis 11 ans. Et la question était de savoir si on provoquait un renouvellement sans pour autant interrompre les possibilités de carrière de Georges LAVAUDANT. Donc Georges LAVAUDANT sera soutenu par l’Etat…

VALERIE TRIERWEILER : On est dans le débat d’initiés là…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, mais Georges qui était le patron du théâtre de l’Odéon, mais ce n’est pas uniquement un débat d’initiés parce que ce sont des lieux qui doivent être ouverts à tous les publics. Et donc il pourra continuer à faire un certain nombre de mises en scène dans un certain nombre de lieux bénéficiant du concours de l’Etat et je lui ai donné aussi un certain nombre de perspectives européennes. Et puis voilà, j’ai choisi et proposé au président…

DOMINIQUE SOUCHIER : Et vous êtes fort parce qu’il n’y a pas eu de cabale là, ça aurait pu pour les deux ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : …un jeune artiste qui est à la fois un auteur, un metteur en scène et un acteur, qui va régner sur deux lieux, l’Odéon et les Ateliers BERTHIER, qui va les ouvrir et les faire marcher j’espère 365 jours sur 365, parce que là-dessus je suis très exigeant. Vous savez, il y a eu effectivement comme vous l’avez indiqué tout à l’heure la crise des intermittents du spectacle, je crois que les artistes ont besoin de lieux pour travailler et donc moi je souhaite que tous les lieux qui existent soient ouverts au maximum d’artistes et que ça ouvre aussi au maximum de public différent. Voilà, je n’accepte pas qu’un lieu géré ou financé par l’Etat, même si chacun a droit à des congés et à des repos, soit fermé, on doit pouvoir trouver des systèmes pour que le rayonnement soit permanent.   

VALERIE TRIERWEILER : Revenons à la présidentielle, on y revient toujours, quelle place pour la culture dans cette campagne parce qu’on a l’impression qu’au fond ça sera un débat très secondaire ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, c’est le débat politique central, moi je ne dis pas par rapport…

VALERIE TRIERWEILER : C’est ce que vous souhaitez…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, non, regardez la question de l’identité, la question de la diversité, la question de la fierté, la question de la religion, la question de l’attractivité, tout ça sont des questions éminemment culturelles. Les questions culturelles seront absolument au centre de la campagne électorale. Je pense que ça sera moins les débats sur la fiscalité ou sur les charges sociales, même s’il faut dans ce domaine éviter un retour en arrière qui serait catastrophique avec l’arrivée de la gauche au pouvoir, je pense que les questions qui sont aujourd’hui dans les esprits, dans l’ébullition française, ce sont des questions culturelles au sens large du terme. Diversité, pas diversité française, comment protéger nos racines, notre identité, notre patrimoine ? Comment s’ouvrir à la création ? Comment s’ouvrir à l’autre quel qu’il soit ?  

VALERIE TRIERWEILER : Alors est-ce que sur tous ces sujets il y a une différence entre la droite et la gauche aujourd’hui ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Ecoutez, dans la pratique et dans le courage, oui. Je prends l’exemple d’une question culturelle qui était très complexe, qui était celle du droit d’auteur, vous l’avez évoquée tout à l’heure, il y a celles et ceux qui ont eu le courage de parler de la rémunération et du travail des artistes, qui ont eu le courage de dire que la gratuité absolue ça ne permettait pas toujours la rémunération des artistes, en tout cas c’était à eux de le décider, et ceux qui ont surfé là-dessus sur la démagogie.

DOMINIQUE SOUCHIER : Alors précisément qu’est-ce que vous allez donner, parce que vous dites que vous allez le faire, peut-être que vous l’avez fait, alors vous allez nous dire ce que vous avez écrit au procureur de la République sur l’application de la loi, vous avez fait voter sur Internet, vous avez dit “ je vais dire au procureur de la République, j’imagine avec le Garde des Sceaux, Pascal CLEMENT quelles sanctions on va prendre contre les internautes qui ne respectent pas la loi. Qu’est-ce qu’il va y avoir dans cette circulaire ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : J’étais et je suis pour la différenciation des sanctions. C’est-à-dire que l’entreprise qui fait de l’argent pour casser et pirater et casser le système de protection des droits d’auteur, il faut qu’elle soit lourdement sanctionnée, avec des amendes très lourdes et, le cas échéant, d’ailleurs, des peines d’emprisonnement Pour…

DOMINIQUE SOUCHIER : Y compris la prison pour eux…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Pour l’internaute ordinaire, qui télécharge une œuvre occasionnellement, la sanction, c’est une amende et ça ne peut pas être la prison.

DOMINIQUE SOUCHIER : Ca, c’est vous qui le dites. Mais le juge, il peut en décider autrement parce que la loi n’est pas aussi précise que ça.

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : La loi l’était…

DOMINIQUE SOUCHIER : Et elle ne l’est plus…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : La gauche a fait un recours devant le Conseil constitutionnel, le Conseil constitutionnel a cassé une disposition de différenciation. Le garde des Sceaux et moi sommes en train de travailler à une circulaire qui sera donc envoyée à tous les procureurs et dans laquelle il y aura cette différenciation. Elle est juste, elle est équitable, donc elle est nécessaire.

VALERIE TRIERWEILER : On voit aussi que dans cette campagne – moi, j’y reviens toujours, pardon – qu’il y a une véritable chasse à l’artiste du côté des candidats, chacun veut ses artistes, SARKOZY…

DOMINIQUE SOUCHIER : Valérie veut des noms là ! Pour le coup, des noms…

VALERIE TRIERWEILER : … Et Nicolas SARKOZY et Ségolène ROYAL. Non, pas forcément d’abord des noms… Mais est-ce que ça sert à quelque chose ? Est-ce que vous, vous serez dans ce rôle-là ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non.

VALERIE TRIERWEILER : Est-ce que vous serez un rabatteur pour Nicolas SARKOZY ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non.

VALERIE TRIERWEILER : Non, vous ne lui ramenez pas d’artistes ?
 

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Non, mais ce n’est pas ça…

VALERIE TRIERWEILER : Vous en voyez à longueur de journée…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : C’est un concept qui me paraît choquant. Si un artiste veut s’engager, bienvenue à bord. C’est magnifique de voir des artistes qui acceptent de s’engager pour un combat politique, je trouve ça très bien. Mais le côté dénombrement, etc, ce n’est certainement pas la manière de faire. Moi, au contraire, j’essaye de faire en sorte, en tout cas dans ma fonction de ministre de la Culture et de la Communication, de les respecter, de ne jamais utiliser leur image et de faire en sorte justement qu’ils se sentent libres. Donc, je ne vais pas faire, je ne vais pas chercher à les immatriculer, je les respecte et il faut les respecter dans leur liberté. S’ils croient et s’ils veulent s’engager, c’est très bien. J’ai été très heureux, par exemple, au moment du débat européen, que des artistes s’engagent pour la Constitution européenne parce qu’ils considéraient que c’est quelque chose de très important. Mais c’est eux qui l’ont déterminé. Je pense qu’il faut leur donner la première place. Lors de cette préparation du débat européen, j’avais organisé à la Comédie française un grand débat où il y avait des artistes des vingt-cinq pays. Nous, les ministres, les vingt-cinq ministres de la Culture qui étaient présents, on s’est un peu effacés pour que ce soit eux qui s’expriment librement. Les artistes, moi, je les respecte, je ne veux pas les utiliser. S’ils veulent nous rejoindre dans le combat politique, avec joie et oui, bien sûr. Mais on ne va pas commencer les espèces de comparaison d’équipage, c’est méprisant vis-à-vis d’eux.

DOMINIQUE SOUCHIER : Juste une dernière question, Renaud DONNEDIEU de VABRES, avant qu’on termine. Si un jour vous deviez choisir, si vous étiez contraint de choisir entre une fonction ministérielle et la fonction de maire de Tours ?

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : J’agis avec passion comme ministre de la Culture et de la Communication, j’aime beaucoup ma ville, donc ce serait un débat absolument redoutable. Est-ce que cette règle sera en vigueur au moment où la question se posera ? Je ne sais pas. On verra.

VALERIE TRIERWEILER : Oui, elle le sera, il va falloir choisir, non, non, il faut choisir, il nous faut une réponse…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Il faut choisir, il faut choisir… J’aime bien ma ville, voilà, donc…

VALERIE TRIERWEILER : Voilà, donc ce sera Tours…

RENAUD DONNEDIEU DE VABRES : Et puis, vous savez, il y a – je dis ça avec humour – il y a déjà vingt personnes à droite et vingt personnes à gauche qui sont certaines de me succéder. Alors, on verra.

DOMINIQUE SOUCHIER : En tout cas, on vous remercie d’avoir été le dernier invité politique de cette année. Puisque mardi prochain, pour le dernier “ Grand 8 ” de l’année, on invitera exceptionnellement un intellectuel, Thierry de MONTBRIAL, qui dirige l’IFRI, avec lequel on fera le bilan de cette année et on parlera aussi des perspectives de l’année prochaine. Et puis, ne quittez pas DIRECT 8, dans un instant, “ Dites-moi tout ”, avec Elisabeth TORDJMAN, et on ne va pas quitter la politique puisqu’elle reçoit ce soir Edith CRESSON. Monsieur le Ministre, merci beaucoup.

Communiqué

8 décembre 2006

Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et delacommunication, a proposé à Olivier Py de prendre la directionduThéâtre National de l’Odéon

Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, a proposé à Olivier Py, 41 ans, actuellement à la tête du centre dramatique national d’Orléans, de prendre la direction du Théâtre National de l’Odéon à Paris. Nommé par décret du Président de la République, il succèdera à Georges Lavaudant, dont le troisième mandat arrive à échéance le 28 février 2007.

Olivier Py, 41 ans, dirige depuis 1998 le centre dramatique national d’Orléans. Dès 1990, il entame une aventure parmi les plus riches et les plus singulières du théâtre français, créant des oeuvres engagées et fortes (« La servante », « Le soulier de satin », « Les vainqueurs »…). A la fois auteur et metteur en scène, souvent acteur, il unit autour de son nom toute une génération d’artistes parmi les plus talentueux. Héritier affirmé de la décentralisation théâtrale, ses épopées savent enthousiasmer un public fervent et nombreux qui retrouve à travers lui le sens du théâtre populaire. Fort d’une expérience internationale grâce à ses mises en scène de théâtre et d’opéra au Festival d’Edimbourg, au Grand théâtre de Genève, au Bam de New-York etc., il est également traduit et joué dans de nombreux pays.

De l’Odéon, un théâtre dans la cité, Olivier Py veut faire une « cité du théâtre » ouverte aux poètes d’une Europe élargie aux rives de la Méditerranée et aux frontières orientales. Il y établira un dialogue renforcé et généreux entre écrivains, penseurs, interprètes, metteurs en scène à la tête de compagnies ou d’institutions, accueillis dans la grande salle de l’Odéon ou aux ateliers Berthier, en fonction de leur projet artistique.

Au cours de sa carrière et au terme de ses onze années de responsabilité à l’Odéon, Georges Lavaudant a contribué au renouveau de la scène théâtrale française. Il a accompagné la restauration du Théâtre de l’Odéon, dont la programmation bénéficie de deux salles depuis la décision du Ministre de lui attribuer définitivement les Ateliers Berthier.

Le Ministre a indiqué à Georges Lavaudant qu’il continuerait de bénéficier d’un important soutien de l’Etat pour prolonger et développer son aventure artistique en France et au-delà de nos frontières. Il lui a également proposé de mettre son talent et son expérience internationale au service du rayonnement du théâtre français en Europe et de contribuer à la réflexion sur la permanence théâtrale européenne en Avignon.

DINER DU CRIF REGION CENTRE

7 décembre 2006

Monsieur le Président national du Conseil représentatif des institutions juives de France, cher Roger Cukierman,
Monsieur le Président régional du Conseil représentatif des institutions juives de France, cher François Guguenheim,
Chers Amis,

En remerciant votre président, François Guguenheim, pour son invitation, je souhaite vous exprimer tout d’abord, en même temps qu’un message personnel de chaleureuse affection, où se mêlent l’émotion, l’amitié et le cœur, mon profond regret de ne pouvoir être présent parmi vous ce soir, pour cette grande première – pour notre ville de Tours et pour notre région – le dîner annuel régional du Conseil Représentatif des Institutions juives de France. Je suis retenu en ce moment même à Paris, par mes obligations de ministre en charge de la Communication, auprès du Président de la République, pour le lancement de la chaîne France 24.

J’ai entendu votre message, vos inquiétudes et vos espoirs, et je souhaite vous adresser ces quelques mots.

Le gouvernement de Dominique de Villepin a fait de la lutte contre l’antisémitisme une priorité, et un combat de tous les jours. Parce que l’antisémitisme est la négation même de l’esprit républicain, parce qu’il est un véritable fléau, insupportable, enfanté dans la peur et la haine, grandi dans la bêtise et l’ignorance, et qui menace non seulement la sécurité, mais la vie même de nos concitoyens. Les actes antisémites doivent être combattus sans relâche et punis avec la plus grande sévérité. Personne, en France, ne doit pouvoir être agressé à cause de son origine ou de sa religion. Dans la patrie des droits de lHomme, comme partout ailleurs, personne ne doit souffrir pour ce quil est. Tous nos compatriotes, doù quils viennent, quelles que soient leur histoire ou leurs croyances, ont leur place dans cette maison commune quest la République française.

Parce que la lutte contre l’antisémitisme est un devoir moral, celui d’une République du vouloir vivre ensemble, elle doit impliquer la société toute entière, les familles, mais aussi les enseignants, les élèves, les agents publics, les associations, les entreprises, les salariés. C’est une mobilisation des esprits.

L’histoire des Juifs de France est elle-même intimement liée à celle de la défense de l’esprit républicain et de ses principes universels. Et c’est un devoir de mémoire, un devoir républicain, qui nous engage tous, que de le rappeler, de le célébrer, de mieux le faire savoir. Une mémoire dont le CRIF a fait, à juste titre, une priorité. C’est mon devoir, en tant que ministre en charge des célébrations et des commémorations nationales. Cette année nous commémorons le centenaire de la réhabilitation d’Alfred Dreyfus, qui marque particulièrement le lien indéfectible qui unit les Juifs de France et le destin de la République.

C’est aussi mon devoir, en tant que ministre chargé du Patrimoine, que de partager, de mieux faire connaître l’héritage précieux que nous a légué la culture juive. Vous le savez, il y a trente ans, nous découvrions, par hasard, à Rouen, sous la dalle du Palais de justice, les vestiges de la plus ancienne école talmudique d’Europe, la « Maison sublime ». Les recherches ont permis de déterminer quil sagissait du plus vieux monument juif de France et de la seule école rabbinique médiévale au monde dont on ait conservé des vestiges.

C’est un patrimoine inestimable, qui montre combien votre histoire est la nôtre, depuis des temps ancestraux. Je crois que ces monuments, cet héritage, parce qu’ils sont tangibles, parce qu’ils suscitent admiration et réflexion, sont à même de véhiculer les valeurs essentielles que nous souhaitons partager. Le respect envers une culture et un culte qui font pleinement partie de l’histoire de notre pays, la fraternité d’un destin partagé. C’est pourquoi nous devons nous mobiliser afin de mieux le faire connaître, de mieux le faire vivre, de mieux le transmettre aux générations futures. J’ai ainsi demandé à mes services, en concertation avec les élus et les associations concernées, d’étudier la possibilité d’ouvrir l’école de Rouen aux visiteurs.

Je suis intimement persuadé que pour lutter contre l’ignorance, la méfiance, la peur qui entretiennent toutes les haines, nous devons encourager tout ce qui permet la découverte et la connaissance des cultures qui ont forgé, et continuer de construire notre pays, notre identité. En hébreu, la France ne se dit-elle pas Tsarfat, le creuset de l’orfèvre ? Et dans ce creuset de notre République laïque, toutes les cultures, toutes les religions ont leur place, dans le respect de chacune. C’est notre richesse, c’est notre force, c’est notre devoir.

Nous savons combien l’art, le patrimoine, la culture, la création, ont un rôle essentiel à jouer pour construire une nouvelle harmonie fondée sur le dialogue. Dialogue des cultures, dialogue des religions, dialogue des civilisations, qui enjambent les siècles et les mers, dépassant les frontières hérissées par les obscurantismes et les violences.

Oui, vivre ensemble, c’est se donner les outils pour comprendre les autres, autant que sa propre identité, et créer les moyens d’un projet de vie en commun, au sein comme en dehors de nos frontières.

C’est pourquoi nous devons lutter, également, contre les appels à la haine et à l’intolérance. Je me suis personnellement investi, vous le savez, pour obtenir non seulement l’interdiction en France de la chaîne Almanar, qui bafoue un certain nombre de principes élémentaires pour nos démocraties, mais surtout pour obtenir le soutien de l’Europe dans cette bataille, et notamment la révision de la directive Télévision sans frontières. Au niveau national comme au niveau européen ou international, il est de notre responsabilité d’intervenir pour faire interdire ces dérives, surtout si elles se drapent dans le principe de la liberté d’expression. Parce qu’elles se réclament de cette dernière, elles sont d’autant plus susceptibles d’en entamer la légitimité. La mondialisation de nos moyens de communication doit nous rendre d’autant plus vigilants face aux discours et aux images de haine et de violence, face aux intégrismes qui trouvent, eux aussi, malheureusement, dans les nouvelles technologies, de formidables relais. Cela vaut naturellement aussi pour tous les autres vecteurs de haine que vous avez cités.

Nous le savons, les enjeux nationaux et internationaux sont de plus en plus intimement liés. Comme l’a déclaré le Président de la République, en août dernier, lors de louverture de la XIVème Conférence des ambassadeurs : « le Moyen-Orient interpelle la conscience universelle. En quelques jours, nous avons vu le Liban dévasté, son peuple meurtri, quinze années defforts réduites à néant. Au même moment, Israël vivait lépreuve de la vulnérabilité, qui a fait resurgir danciennes hantises. Quelques semaines plus tôt, cest le peuple palestinien sur qui se refermaient les portes de lespoir. Dans les deux cas, des provocations irresponsables, et les réactions parfois excessives quelles ont engendrées, ont conduit la région entière au bord du gouffre. »

Israël aspire à la sécurité, le Liban a soif de liberté, le peuple palestinien crie justice. Les crises sadditionnent. Linstabilité en Irak, les tensions dans le Golfe, comme les déclarations inconsidérées et menaçantes de certains responsables iraniens,  diffusent leurs effets dans tout le Proche-Orient. Des groupes radicaux veulent exercer un droit de veto sur la paix. Riche de sa diversité, le Liban concentre sur lui les coups que les protagonistes nosent mutuellement sinfliger. Au-delà de ces affrontements se profile un danger majeur, celui du divorce entre les mondes, Orient contre Occident, islam contre chrétienté, riches contre pauvres.

La France sest mobilisée pour arrêter lescalade des violences. La résolution 1701, élaborée largement à son initiative et adoptée à lunanimité par le Conseil de sécurité, a permis de mettre un terme aux combats. Ce texte offre également le cadre dune solution durable fondée sur la sécurité dIsraël et la souveraineté du Liban sur la totalité de son territoire.

Cette crise dune nature sans précédent est le produit dautres impasses. Le conflit israélo-palestinien cristallise toute lincompréhension entre les mondes. Pourtant, un consensus existe, y compris entre Israël et les Palestiniens, sur la coexistence de deux Etats vivant en paix et en sécurité. Mais en vérité, et cest le plus grave, chacun a perdu confiance en lautre.

Le défi, cest de rétablir cette confiance afin de relancer laction diplomatique et de poser les conditions d’une paix juste et durable. La France s’y emploie, en agissant auprès de tous les peuples de la région.

Intransigeante sur l’antisémitisme qui met en jeu lessentiel, la France lest également pour affirmer le droit absolu dIsraël à vivre en paix et en sécurité au sein de sa région.

Cette exigence nest pas seulement celle que commande le droit international, qui a donné à lEtat dIsraël sa pleine légitimité lors du partage du mandat de Palestine. Elle va bien au-delà ; elle touche à la reconnaissance incontestable du droit du peuple juif à un Etat, après tant de siècles de dispersion et de malheurs.

"Un tel pays, observait déjà Lamartine, repeuplé dune nation jeune et juive, cultivé et arrosé par des mains intelligentes, fécondé par un soleil de tropique, produisant de lui-même toutes les plantes nécessaires ou délicieuses à lhomme, serait encore la terre de promission aujourdhui si la Providence lui rendait un peuple, et la politique du repos et de la liberté".

Cest cette même conviction qui conduisit la France à prendre une part active à la fondation de l’Etat d’Israël et à lui apporter un appui résolu dans sa phase de construction. Fidèle à cet héritage dont elle est fière, cest cette même conviction, inébranlable, qui lanime aujourdhui.

Les prochaines années sont riches d’échéances capitales. Pour la France, bien évidemment, qui choisira son Président, puis ses députés, pour un nouveau mandat ; pour la communauté juive de France, également, et particulièrement pour le CRIF, cher Roger Cukierman, qui assurez, avec tant de talent et d’énergie, la lourde tâche dêtre, avec les autorités religieuses, le porte-parole du judaïsme français ; année capitale aussi, parce que ce sera celle de la célébration de la réunion du grand  Sanhédrin qui préfigura la création du consistoire de Paris, chargé d’organiser le culte pour une communauté forte alors de 3 500 âmes, aujourd’hui proche du demi-million ; pour la paix, enfin, une paix juste et durable, qu’il nous appartient tous de construire.

Signature de la convention « ambition réussite »

5 décembre 2006

Monsieur le Ministre, cher Gilles de Robien,
Monsieur le Président de l’Ordre National des Architectes, cher Bernard Fiegel,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,

Je suis très heureux de marquer aujourd’hui cette nouvelle étape dans la collaboration entre le ministère de l’Education nationale, l’Ordre National des Architectes, et le ministère de la Culture et de la Communication. Une collaboration qui va de soi aujourd’hui, et je tiens à rendre hommage, Monsieur le Président, à l’action de l’ordre des architectes en direction du grand public, et plus particulièrement des plus jeunes de nos concitoyens.

Oui, Monsieur le Président, la France de demain a besoin des architectes, et si mes obligations me retiennent, hélas, d’assister demain à la convention nationale que vous réunirez à l’UNESCO, avec les Présidents des jeunes mouvements politiques, sachez que je vous encourage dans cette voie. Une voie où le ministère de l’Education nationale et le ministère de la Culture et de la Communication, se sont, pour leur part, résolument engagés.

En effet, le lancement des « Pôles d’excellence », et le plan de relance en faveur de l’éducation artistique et culturelle ont permis de développer des partenariats entre les Réseaux « Ambition Réussite » et des structures culturelles, notamment grâce aux jumelages entre les lieux culturels et les établissements scolaires. Par circulaire du 3 janvier 2005, nous avons demandé à toutes les structures subventionnées par le Ministère de la Culture et de la Communication de mener une action éducative. Parallèlement, au ministère de l’Education Nationale, tous les projets d’établissements doivent désormais comporter un volet d’action artistique et culturelle.

En janvier prochain, un grand séminaire national réunira les cadres de l’éducation nationale et de la culture, et le Centre Pompidou accueillera un symposium européen et international sur la recherche en matière d’évaluation des effets de l’éducation artistique et culturelle. Ce colloque permettra pour la première fois de donner une évaluation scientifique de limpact de la formation artistique sur la réussite de chacun, sur la construction de l’identité et le respect de celle de l’autre, qui sont les objectifs essentiels de l’éducation artistique et culturelle aujourd’hui.

En effet, lorsque nous ouvrons les portes de notre patrimoine, de notre histoire, mais aussi de l’architecture et de la création contemporaines aux plus jeunes de nos concitoyens, nous leur transmettons, non seulement des connaissances et des émotions, mais surtout les valeurs du vivre ensemble. C’est pourquoi, en tant que ministre de la Culture, et donc de l’Architecture, je souhaite que la connaissance de nos villes, la réflexion sur nos espaces et nos territoires soient mieux partagées, et ce dès l’école.

Oui, l’architecture est un volet essentiel de l’éducation artistique. Parce qu’elle est un art à part entière, mais un art tourné vers la Cité. Un art qui construit notre quotidien, notre relation à l’autre, un art dont nous pouvons admirer, sur les façades de nos villes, l’histoire et les évolutions, un art ancré dans la société et ses problématiques les plus contemporaines, un art tourné vers le futur, l’amélioration du cadre de vie et le développement durable. Un art propre à éveiller les regards et les esprits de nos futurs concitoyens.

Il ne s’agit pas là d’enseignements accessoires, d’un vernis superficiel qui viendrait recouvrir d’autres matières dites « de base ». Il s’agit des valeurs et des connaissances fondamentales dont nous avons besoin pour vivre en société, pour comprendre le monde d’aujourd’hui et y tracer notre chemin, il s’agit des valeurs que nous voulons vivre et transmettre aux générations présentes et futures.

Mais l’architecture, ce sont aussi des métiers, des voies d’excellence, sources de grandes satisfactions. Et ces voies ne doivent pas être fermées aux élèves méritants des zones en difficulté. C’est pourquoi, en tant que ministre de l’enseignement supérieur des métiers artistiques, il est de mon devoir de mieux faire connaître ces métiers, et d’ouvrir largement le chemin des écoles d’architecture, afin de donner leur chance à tous les jeunes talents.

La convention que nous signons aujourd’hui permettra aux architectes d’intervenir aux côtés des enseignants, afin de donner à chaque collégien et futur citoyen des clés pour mieux comprendre son environnement et son cadre de vie. Elle favorise également les parrainages et l’accompagnement professionnel des jeunes du Réseau « Ambition Réussite », qui se destinent aux métiers de l’architecture, de l’urbanisme et de l’environnement.

Cette convention s’inscrit dans le vaste programme de sensibilisation à l’architecture contemporaine, que j’ai souhaité mettre en place, dès mon arrivée au ministère de la Culture et de la Communication. Parce que je pense que c’est une discipline, un art, insuffisamment connu, mais aussi parce que je ressens un nouveau besoin d’architecture de la part du grand public. Le grand succès, en mars dernier, de l’édition 2006 de « Vivre les villes », en a apporté une nouvelle preuve.

C’est pourquoi j’ai souhaité que tous les talents de cet art essentiel soient mieux mis en lumière, des plus renommés, avec notamment le Grand Prix national de l’architecture, que je remettrai prochainement à Rudy Ricciotti, aux jeunes professionnels, avec les Nouveaux Albums des jeunes architectes et des jeunes paysagistes.

Nous avons la chance, en France, de posséder un patrimoine architectural extraordinaire, et des créateurs d’exception. J’ai ainsi inauguré, la semaine dernière, près de Saint-Etienne, l’église Saint-Pierre de Firminy, tout juste achevée, et qui fait partie d’un ensemble réalisé dans la seconde moitié du siècle dernier par Le Corbusier, ce génie qui a changé notre regard sur la ville et sur le monde. C’est un patrimoine précieux, un héritage unique, et il nous appartient d’en faire le point de départ d’une grande redécouverte de nos villes et de nos espaces de vie.

L’ouverture de la Cité de l’architecture et du patrimoine, en mars prochain, y contribuera largement. Sa programmation ambitieuse sera, j’en suis sûr, à la hauteur des attentes fortes et légitimes suscitées par l’avènement de ce qui sera bientôt le plus grand centre de diffusion de l’architecture et du patrimoine en Europe.

La convention que nous signons ce matin est l’un des volets fondamentaux de ce plan en faveur de la sensibilisation à l’architecture, puisqu’elle vise à éveiller les regards des citoyens de demain.

La culture est-elle encore un enjeu politique ? colloque Arte & France culture

1 décembre 2006

Mesdames, Messieurs,

Qu’Arte et France Culture posent à tous ceux qui, dans notre pays, font profession de penser, la question de la place de la culture dans le débat public est utile, nécessaire, indispensable. Permettez-moi de vous dire d’emblée que j’attends beaucoup de vos débats et de vos réflexions d’aujourd’hui. Je veux y apporter mon témoignage, celui de l’action.

D’autant que votre sondage confirme ce que beaucoup d’entre nous savent et disent depuis longtemps : la culture figure, après l’économie et l’environnement, mais au même titre que la politique étrangère, au premier rang des préoccupations des Français et des attentes qui sont les leurs, dans la perspective de l’élection présidentielle. Si la culture est ainsi en tête, du moins dans les esprits, c’est qu’elle est au cœur de la vie, au cœur de la société. Je crois profondément que la culture doit être au cœur d’un projet d’avenir pour la France.

Alors, tout d’abord, à votre question, « la culture est-elle encore un enjeu politique ? », évidemment, ma réponse est oui. André Malraux eût été stupéfait que l’on puisse poser la question, lui qui a construit, auprès du général de Gaulle, le ministère dont j’ai aujourd’hui la charge, non seulement, selon la belle expression de Pierre Moinot, « à partir de presque rien et contre presque tous » ; mais en lui donnant une âme, une ambition majeure, un destin capable de transformer une société, et qui continuent de nous inspirer chaque jour.

Je tiens à rappeler ici les termes mêmes du décret du 24 juillet 1959 qui a créé le ministère des Affaires culturelles :
« rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français ; assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel et favoriser la création des œuvres de l’art et de l’esprit qui l’enrichissent. » Si votre question est si utile et si nécessaire aujourd’hui, c’est que se sont écoulées, précisément depuis la disparition d’André Malraux, ce que j’appellerais les « Trente Glorieuses » de la culture. Et s’agissant de l’accès à la culture, cet objectif concerne aussi au premier chef le domaine de la communication.

Que nous apprennent ces « Trente Glorieuses », et que nous confirme aussi votre sondage ? Ce que je constate chaque jour depuis plus de deux ans et demi : n’en déplaise à certains, c’est que la culture n’est plus un enjeu partisan, un facteur de clivages. Devenue un sujet de consensus, opinion partagée par 54 % des personnes interrogées, elle ne saurait redevenir un enjeu politicien.

Cela nous engage, cela m’engage, en tant que responsable politique, d’autant plus à faire de la culture une priorité du débat et de l’action politiques.

Passer de la « culture pour tous » à la « culture pour chacun », c’est l’enjeu politique décisif de notre politique culturelle aujourd’hui et demain.

Que la culture soit une attribution régalienne de l’Etat, nul ne le conteste plus aujourd’hui. Depuis 2002, le budget de la culture na cessé daugmenter et cette augmentation sest accélérée depuis 2004. Alors, le terme, le slogan, le fantasme de désengagement, que jentends parfois agiter, ici ou là, il ne se traduit ni dans les chiffres ni dans laction.

L’enjeu politique aujourd’hui, c’est de continuer à soutenir cet effort, d’en faire une exigence, de maintenir cet engagement. Il ne s’agit pas tant de le « sanctuariser » – terme qui peut apparaître défensif – que d’adopter une vision offensive, dynamique, et non pas statique. Cette conception de l’engagement de l’Etat qui est la mienne permet d’exercer un effet de levier, une véritable capacité d’entraînement, un potentiel de développement de l’ensemble des acteurs de la politique culturelle, et je veux parler, bien sûr, du rôle essentiel des collectivités territoriales, qui sont, il faut le rappeler, à l’origine des deux tiers des dépenses publiques en matière de culture, mais aussi des contributeurs privés. C’est un acquis récent, que nous devons à notre législation, et à l’application que nous en faisons, sur le mécénat et les fondations ; leur part n’est plus taboue, congrue, frileuse, elle participe pleinement de cette addition des énergies, sans réduire en quelque façon la responsabilité et l’impulsion des acteurs publics.

L’enjeu politique clé de la culture aujourd’hui, c’est la diversité culturelle.
Dans un monde où 85% des places de cinéma vendues le sont pour des films produits à Hollywood, mais où, pour la première fois, les spectateurs des films français sont plus nombreux hors de nos frontières que dans nos salles ; dans un monde où nous parvenons à relocaliser les tournages en France, grâce aux crédits d’impôts et à l’aide des régions, l’adoption, le 20 octobre 2005, à l’UNESCO, à la quasi-unanimité des pays du monde, de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, est un acte majeur, fondateur : pour la première fois dans l’histoire, un véritable droit international de la culture apparaît, garant de la vitalité et de la singularité des créations artistiques, mais aussi du dialogue des civilisations, si nécessaire à notre temps, dont témoigne également l’ouverture du musée du Quai Branly.

Ne nous y trompons pas : aujourd’hui, il n’y a pas d’enjeu plus politique à l’échelle internationale. Dans un monde marqué par les violences, les haines, les fractures, la diversité culturelle est une valeur forte, non seulement de rayonnement, mais surtout de paix, parce qu’elle incarne l’acceptation de l’autre, la compréhension de soi, et donc des autres, de leurs différences, à la lumière de notre propre identité.La culture est donc un enjeu politique fort en Europe. Je n’hésite pas à affirmer que l’Europe,« unie dans la diversité » sera culturelle ou ne sera pas : c’est par la culture qu’il faut refonder le projet politique européen. Tel est le sens du Label européen du patrimoine, que j’ai proposé pour mettre en valeur la dimension européenne des biens culturels, monuments, sites naturels ou urbains et des lieux de mémoire. Les premiers sites devraient être labellisés le 25 mars 2007, jour du cinquantième anniversaire du Traité de Rome.

J’ai tenu à valoriser l’ensemble des métiers de la culture, particulièrement ceux du spectacle vivant, pour inciter encore davantage nos concitoyens à découvrir l’extraordinaire vitalité de la création et des activités culturelles, mais aussi, pour ouvrir tous les lieux publics du patrimoine et les écrans du service public de l’audiovisuel à toutes les expressions artistiques et culturelles.

A l’heure où plus d’un Français sur deux est internaute, et la plupart d’entre eux connectés à haut débit, à l’ère numérique où nous sommes désormais entrés de plain-pied, il y a une chance formidable à saisir pour donner un nouvel élan à l’accès de tous à la culture, en la rendant accessible en tous points du territoire.

Bien sûr, la numérisation soulève d’importants problèmes. Elle constituerait une menace grave pour la création, si aucune action appropriée de l’Etat n’était engagée. C’est pourquoi j’ai tenu à protéger la propriété intellectuelle, à défendre la liberté des auteurs, à promouvoir les offres légales d’œuvres, sans démagogie, et avec le souci de l’avenir de la création, en transposant la directive européenne relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information.

En réalité, la numérisation doit être une chance pour la culture. C’est pourquoi j’ai souhaité la numérisation des archives de l’Institut National de l’Audiovisuel, dont la mise en ligne connaît un très grand succès. C’est pourquoi le projet de bibliothèque numérique européenne est fondamental. L’ensemble des chantiers numériques est au centre d’une politique culturelle moderne.

C’est aussi dans cet esprit, après le succès du lancement de la TNT, que je défends au Parlement le projet de loi sur la modernisation audiovisuelle et la télévision du futur, qui vient d’être adopté par le Sénat et qui doit être discuté à l’Assemblée nationale en janvier. La multiplication par trois de l’offre gratuite de programmes de télévision pour tous les Français doit garantir que la culture n’y soit pas seulement présente, chère Catherine Clément, « la nuit et l’été ».
La culture a une importance essentielle pour l’économie de notre pays, pour son attractivité. Faut-il rappeler que la France est la première destination touristique dans le monde, que la culture en est une composante essentielle, puisqu’elle constitue une motivation déclarée pour la moitié des 75 millions de visiteurs ? Faut-il rappeler que les activités culturelles emploient près d’un demi-million de personnes dans notre pays ?

La vitalité de la création est un enjeu politique, mais aussi industriel, économique et social.
Ce qui m’anime, c’est qu’en chaque lieu en France, dans chaque ville, un spectacle soit proposé, que les artistes et les techniciens aient la possibilité de le réaliser, et que le plus grand nombre possible de Français puissent aller le voir. C’est dans cet esprit que j’ai agi pour la danse, le théâtre, les arts de la rue, le cirque, la musique, pour développer l’activité artistique, pour de meilleures conditions d’emploi pour les artistes et les techniciens, pour ouvrir les possibilités de créer, de jouer et de représenter.

C’est dans cet esprit que j’ai pris de nombreuses mesures destinées à stimuler, accompagner et encourager la création contemporaine, la création de nouveaux lieux et de nouvelles structures, à Paris comme en régions ; le lancement d’évènements-phares pour porter les couleurs de nos artistes par delà les frontières, comme la Force de l’Art au Grand Palais.

La culture est un facteur essentiel pour renforcer la cohésion et l’identité de notre société.
Il aura fallu attendre octobre 2006 pour que les cultures urbaines soient, elles aussi, accueillies au Grand Palais, non seulement pour enchanter 50 000 visiteurs, mais surtout pour montrer que la fierté nationale et internationale et la diversité culturelle et sociale ne se divisent pas. Elles s’additionnent, elles se multiplient et se nourrissent l’une de l’autre. Je crois profondément que la cohésion sociale et l’avenir de la société française passent par les cultures urbaines et leur reconnaissance, car celles-ci sont foisonnantes, créatives, et originales.

Il reste beaucoup à faire pour continuer à ouvrir l’accès à la culture. L’éducation artistique et culturelle, désormais inscrite dans le socle commun de connaissances qui définit le contenu de base de l’enseignement scolaire obligatoire, stimulée par la multiplication des jumelages et parrainages entre les lieux d’enseignement et les institutions culturelles, est une priorité politique forte à cet égard.

Bâtir un projet politique sur la culture, c’est agir pour donner confiance à la société française, dans toute la diversité des populations et des territoires qui la composent. Après l’effondrement des « grands récits », à l’heure où « l’ensauvagement du monde » succède au désenchantement du monde, c’est par la culture que la France est plus ancienne quelle ne le sait, plus grande quelle ne le croit, plus audacieuse, plus généreuse quelle ne limagine. Que la France déborde ses frontières, par son patrimoine, par ses créations. Une France qui porte dans le monde un message de respect, de dialogue, de solidarité. Un message plus que jamais nécessaire aujourd’hui pour créer une dynamique, pour refuser la spirale des peurs et des replis, pour réunir une large majorité de Français – je ne parle pas seulement d’une majorité politique – autour de valeurs communes et partagées.

30ème anniversaire de la mort de Malraux. Hommage de Renaud Donnedieu de Vabres

23 novembre 2006

Entendre sa voix, sa voix grave et ample, son souffle profond, son timbre si particulier, sa parole forte et libre vibrer, encore aujourd’hui, et défier le temps :
 « En face de l’inconnu certains de nos rêves n’ont pas moins de signification que nos souvenirs… »
« Les grands rêves poussent les hommes aux grandes actions ».
« L’importance que j’ai donné au caractère métaphysique de la mort, m’a fait croire obsédé par le trépas. Autant croire que les biologistes voués à l’étude de la naissance cherchent des places de nourrices. La mort ne se confond pas avec mon trépas. »
« Peu importe que l’on n’approuve pas mes réponses, du moment que l’on ne peut ignorer mes questions… »
« Il faut réveiller les gens…bouleverser leur façon d’identifier les choses. Il faudrait créer des images inacceptables que les gens écument. Les forcer à comprendre qu’ils vivent dans un drôle de monde. Un monde pas rassurant. Un monde pas comme ils croient… »

Trente ans après, la voix porte, le mythe est vivant, dans l’unité de la pensée et de l’action d’un homme, qui apparaît devant nous, avec la mobilité de son visage, la vivacité de son œil qui cligne, la profondeur de son regard, dardé vers le ciel, une cigarette qui ne s’éteint jamais, tombe en cendres sur son stylo, avant de s’élever à nouveau en volutes, en spirales successives, au rythme des gestes incessants de ses grandes mains fines, d’où émerge un doigt pointé vers son interlocuteur, qui revient vers son visage, la pensée effervescente, les citations qui fusent, le verbe éblouissant, le sourire énigmatique et complice, l’attention constamment en éveil …

Rendre aujourd’hui un hommage particulier à André Malraux, prend un sens  tout à fait spécial pour moi. Parce qu’il était de ces hommes qui nous marquent à jamais comme ils marquent les siècles, par leur esprit, par leur œuvre, par leur courage, par leur audace, par leur génie. Par la trace de son écriture, la profondeur de son œuvre littéraire, par l’engagement et le courage qui furent le sien tout au long de sa vie, contre le colonialisme, le fascisme, le nazisme, et toutes les formes d’injustice, de torture des corps et des consciences, mais aussi, bien sûr, par son action, auprès du général de Gaulle, à la tête du ministère des Affaires culturelles, dont nous lui devons la création. Une action qui continue à nous inspirer aujourd’hui, parce qu’elle fut l’expression d’un amour réel pour le patrimoine et pour les créateurs, d’une passion sans borne pour les arts, d’une quête permanente de l’esprit, de visions fulgurantes des actions à mener pour encourager et célébrer, partout où elles se trouvent, les manifestations du beau, du talent et du génie. Mais aussi pour stimuler les rencontres, provoquer les chocs, prolonger les ouvertures, fussent-elles insolites, inédites, ou dérangeantes.

En ce sens, nous savons aujourd’hui qu’André Malraux fut un précurseur. Il montra la voie, il ouvrit le chemin de tous ceux qui lui succédèrent au ministère, devenu celui de la Culture et de la Communication. Et pas seulement parce que son ambition visionnaire, conjuguée aux fondations qu’il a posées, et à l’édifice qu’il a construit, auguraient du développement des politiques culturelles à venir, sur l’ensemble de notre territoire. Son engagement constant et quotidien en faveur de la connaissance, de la préservation et de la restauration des monuments historiques ; l’invention de l’Inventaire, mais aussi son attention à la création contemporaine. Son combat pour les « secteurs sauvegardés », qui permit de sauver, parmi tant d’autres cœurs historiques de nos villes, le quartier du Marais, à Paris ; mais aussi la création des « maisons de la culture », qui sont, au fond, la préfiguration de nos grands musées d’art contemporain, de nos scènes nationales, et surtout de ces lieux pluridisciplinaires et transdisciplinaires, qui diffusent, partout, les arts et la création ; enfin, ce qui est moins connu, son enthousiasme pour le mécénat ; bref, sa conviction que « l’Etat n’est pas fait pour diriger l’art mais pour le servir », et les grands chantiers qu’il a ouverts, continuent, en revêtant des formes nouvelles, à éclairer ce que nous faisons aujourd’hui.

Oui, André Malraux a posé des jalons essentiels, mais, au-delà, si j’ai tenu à marquer cette commémoration, c’est parce qu’à mes yeux son œuvre, sa pensée, son action, sont à l’origine d’un tournant fondamental, fondateur même : à la source de sa politique culturelle, qu’il a imaginée, qu’il a inventée, et qu’il a nourrie bien longtemps avant de devenir ministre, réside une idée, une intuition, je dirais même une foi profonde, lumineuse, une conviction intime : c’est que l’art est une dimension fondamentale de l’homme, de l’humain, une manifestation même de son essence, par définition universelle. Comme le souligne magistralement Henri Godard dans son introduction à la très belle édition récente des Ecrits sur l’art dans la Pléiade : « Au terme de son parcours, Malraux a dégagé les raisons les plus profondes du privilège que nous accordons tous, plus ou moins consciemment, à l’art dans notre civilisation. Nous reconnaissons en lui, non moins que dans le rire, dans le langage, ou dans le soin que nous prenons de nos morts, une part essentielle de l’humanité qui nous lie à l’espèce, depuis son origine et sur toute l’étendue de la terre. »

Cette croyance profonde dans le caractère humain, universel, des arts et de la culture, n’a rien d’anodin. Elle irradiera véritablement l’action et l’œuvre d’André Malraux, et elle aura des conséquences majeures, au premier rang desquels l’entrée de la culture dans la sphère politique, dans l’intérêt général, dans la Cité. « La politique et la culture telles qu’il les conçoit, écrit Janine Mossuz-Lavau, naissent de la même source ». Face à la violence du monde, aux intégrismes et aux fanatismes, la culture est une offre de réconciliation pour le respect de l’autre qu’elle génère.

La deuxième conséquence, qui déterminera plus d’un demi-siècle de politique culturelle, et qui possède aujourd’hui une brûlante actualité, c’est que l’art, essence de l’homme, doit être, par définition, accessible à tous les hommes. C’est le sens de cette remarque de Maurice Blanchot, que Henri Godard a placée en exergue de son introduction : « Que l’art et tout l’art soit livré à chacun, à tout instant, c’est l’événement considérable que Malraux nous a rendu perceptible et d’où il a tiré, pour la création artistique, une vue et une exigence nouvelles. »

Oui, c’est un événement considérable, parce qu’il augure de soixante ans d’efforts pour faire surgir la culture dans tous les foyers, dans tous les cœurs, dans tous les esprits, et nous connaissons tous la définition, si belle et si féconde, si efficace aussi, qui résume à elle seule cette vaste ambition, et la première mission, fondatrice, et toujours actuelle, du ministère des Affaires culturelles : « rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français ; assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel et favoriser la création des œuvres de l’art et de l’esprit qui l’enrichissent. » Oui, l’art est un droit, une conquête, une liberté, pour tous, et l’Etat doit veiller à la protection de ce droit, au respect de cette conquête, à la liberté des artistes, et dans cette conjoncture parfois brûlante et intégriste, le rappeler est une nécessité.

Je tiens à souligner une dernière conséquence, qui aura également une portée retentissante, et dont nous ne cessons de nous inspirer, à l’aube de ce nouveau siècle dont l’impératif est la diversité culturelle : si l’art est universel, s’il est l’expression de l’humanité en l’homme, alors nous devons nous ouvrir aux expressions de toutes les civilisations, parce qu’elles expriment chacune des points de vue sur l’univers, parce qu’elles opposent à leur compréhension comme à leur incompréhension de ce qui les entourent des formes proprement humaines, et libres, des formes qui, pour certaines d’entre elles, résistent au temps, résonnent de la même force à travers les siècles, et, selon sa très belle formule, se métamorphosent en anti-destin. Parce que, écrit-il aussi, « Notre art me paraît une rectification du monde, un moyen d’échapper à la condition d’homme. »

Notre combat victorieux à l’UNESCO, c’est le sien.

Si André Malraux a exalté l’universalité de l’homme et de l’expression artistique, il a eu également la prescience de la dimension culturelle, voire spirituelle, de la mondialisation, la conscience du fondement culturel du projet européen, et l’intuition de la valeur, de la force et de la pérennité culturelles de la nation. Parmi les documents exceptionnels que nous présentons aujourd’hui au public rue de Valois, il y a un manuscrit, d’où j’extrais cette phrase, qui est une maxime, à l’approche du cinquantenaire du Traité de Rome, que nous célèbrerons en mars prochain : « l’Europe ne sera pas si elle n’est conscience et volonté »

Dans son très bel Appel aux intellectuels, lancé depuis la salle Pleyel, en 1948, et qui est devenu la postface des Conquérants, il s’adresse à « la première génération d’héritiers de la terre entière ». Mieux vaut le citer, plutôt que de le paraphraser : « D’âge en âge, des civilisations successives, qui s’adressent à des éléments successifs de l’homme, se superposent ; elles ne se rejoignent profondément que dans leurs héritiers. » Mais celui qui prit conscience, avant tant d’autres, des dangers de l’idéalisme communiste, comme des menaces des impérialismes et des hégémonies, distingua l’internationalisme de l’universalité, le libéralisme de la liberté, et le nationalisme de la nation. Ce texte, pour moi l’un de ses plus émouvants, si extraordinairement moderne, clame, avec des accents prophétiques, l’amour de l’art et de la nation, l’amour de l’homme et de la liberté. « Quand la France a-t-elle été grande ? demande-t-il, Quand elle n’était pas retranchée sur la France. Elle est universaliste. » Il aimait dire que « la France n’a jamais été aussi grande que lorsqu’elle l’était pour les autres », et que la culture a précisément pour objet, pour mission, pour promesse, de « faire prendre conscience aux hommes de la grandeur qu’ils ignorent en eux. »

Par sa foi en l’homme, par sa foi en l’art, André Malraux nous a rendus responsables des œuvres de toute l’humanité, une responsabilité qu’il a revendiquée pour préserver les temples d’Abou Simbel menacés par la construction du barrage d’Assouan, posant ainsi la première pierre de ce qui deviendra le patrimoine de l’humanité, classé par l’Unesco. Il affirme, le premier, que « […] la première civilisation mondiale revendique publiquement l’art mondial comme son indivisible héritage ».

André Malraux a donné sa signification la plus forte à la notion même de patrimoine, celle de l’âme d’un pays, d’une civilisation.  Avec lui, la culture n’est pas un supplément d’âme. Elle est l’âme même. Elle est la vie, au-delà même de la mort. Les châteaux, les cathédrales, les monuments, les musées, mais aussi les perspectives les plus familières, comme il l’a si brillamment proféré, en défendant la loi qui porte aujourd’hui son nom, depuis la tribune de l’Assemblée nationale, surplombant Clio et sa tablette, et la Renommée et sa trompette, devant les députés éberlués, sont devenus « les jalons successifs et fraternels de l’immense rêve éveillé que poursuit la France depuis mille ans. »

L’architecture participe également de cette vision, et c’est le sujet qui nous intéresse aujourd’hui. C’est un sujet peu étudié, mais c’est un sujet essentiel à défricher, et je remercie le Comité d’histoire, je vous remercie toutes et tous, d’y consacrer cette journée.

Je laisse bien évidemment le soin aux chercheurs de mettre en lumière cette facette méconnue de l’action d’André Malraux, et je serai très attentif à leurs interventions. Je voudrais simplement souligner, en tant que ministre de la Culture et de la communication, combien son héritage est précieux. Certes, Eric Lengereau a montré que le ministère des Affaires culturelles était parfois tenu isolé de la mobilisation du gouvernement français face à l’urbanisation croissante de l’après-guerre, et à la modification des paysages ruraux et urbains. André Malraux considérait l’architecture avant tout comme un art, avant d’être un élément déterminant de l’amélioration du cadre de vie des citoyens et de l’aménagement du territoire.

Mais, encore une fois, à la tête du ministère des Affaires culturelles, il fut à l’origine de tant de mesures phares, de gestes fondateurs, d’impulsions fondamentales qui rapprochèrent sensiblement l’art de bâtir de l’urbanisme et du cadre de vie, en préfigurant la mission et la portée qui sont les siennes aujourd’hui. La grande loi de 1962, sur les « secteurs sauvegardés », fut une avancée décisive en ce sens, en élargissant la protection des monuments historiques à leur environnement, aux immeubles qui forment autour d’eux des ensembles homogènes. Aux chefs-d’œuvre, on ajouta les « vieilles pierres », à l’enthousiasme propre au sublime on ajouta l’affection, l’attachement, la sensibilité naissante pour notre patrimoine national, dans sa diversité, que le tourisme, le développement des échanges, et la démocratisation de la culture se hâtèrent d’amplifier, et d’apporter au rayonnement et à l’attractivité de notre pays.

Avant de céder la parole aux spécialistes, permettez-moi de vous lire quelques lignes, tirées de ce qui est, à mes yeux, l’un des plus beaux discours de cet orateur hors pair qu’était André Malraux. Il a été prononcé le premier septembre 1965, en hommage à Le Corbusier, qui venait de disparaître, ce génie de l’architecture qui fut aussi son ami.

« Sa phrase fameuse: « Une maison est une machine à habiter » ne le peint pas du tout. Ce qui le peint, cest : « La maison doit être lécrin de la vie ». La machine à bonheur. Il a toujours rêvé de villes, et les projets de ses « cités radieuses » sont des tours surgies dimmenses jardins. Cet agnostique a construit léglise et le couvent les plus saisissants du siècle. Il disait, à la fin de sa vie: « Jai travaillé pour ce dont les hommes daujourdhui ont le plus besoin: le silence et la paix ». […] Cette noblesse parfois involontaire saccommodait fort bien de théories souvent prophétiques et presque toujours agressives, dune logique enragée, qui font partie des ferments du siècle. Toute théorie est condamnée au chef-dœuvre ou à loubli. Mais celles-là ont apporté aux architectes la grandiose responsabilité qui est aujourdhui la leur, la conquête des suggestions de la terre par lesprit. Le Corbusier a changé larchitecture – et larchitecte. Cest pourquoi il fut lun des premiers inspirateurs de ce temps. »

Ne pourrait-on pas, aujourd’hui, en dire autant d’André Malraux pour la culture, car lui aussi, fut notre inspirateur, et je vous remercie de vous en souvenir particulièrement aujourd’hui. Je sais que certains parmi vous ont été les témoins et les acteurs de sa vie, de son œuvre, de son action.

Pour Malraux, l’homme ne pouvait qu’être incarné dans le temps ; l’art fondé sur un dialogue entre les hommes et les œuvres ; l’architecture sur un dialogue entre les hommes et les pierres ; un dialogue qui dessine, par la culture, par la politique, le chemin, l’élévation, l’âme même de l’humanité à travers les siècles. Il ne séparait pas l’éthique de l’esthétique. La politique, de la vie. Pour moi, au-delà d’une morale humaniste de l’action, il nous a légué sa vision de la condition humaine. Celle d’un homme toujours porté, au-delà de ses propres limites, à se dépasser, à transformer son destin individuel en volonté collective. Cela demeure pour moi, non seulement un guide dans l’action, mais une véritable exigence, et pour nous tous, sans doute, une espérance.