Rubrique ‘Discours rue de Valois’

Remise des insignes d’Officier dans l’Ordre des Arts et des Lettres à Nicole Dassault

11 avril 2007

Chère Nicole Dassault,

C’est un très grand plaisir pour moi de vous accueillir aujourd’hui, pour
vous témoigner autant mon admiration que mon amitié.

C’est, je crois, alors que vous étiez étudiante à l’Institut d’études politiques,
que vous avez fait la connaissance d’un jeune ingénieur et polytechnicien
du nom de Serge Dassault. Et lorsque vous l’avez épousé, en juillet 1950,
vous avez lié votre destinée à celle d’un homme exceptionnel, qui est à la
fois une grande figure de la vie politique de notre pays et l’un de nos plus
grands chefs d’entreprise.

Nous savons tous la qualité et la force des liens qui vous unissent l’un à
l’autre : mère de quatre enfants, Olivier, Laurent, Thierry et Marie-Hélène,
vous avez su leur apporter à tous cette solidité du cadre familial qui est la
meilleure base du développement et des combats personnels. Et vous avez
à coeur de transmettre à présent ces valeurs essentielles à vos petits-enfants.

Solidaire de tous les engagements de votre mari et des activités du Groupe
Dassault, dont vous êtes membre du Conseil d’administration, vous vous
êtes aussi engagée personnellement dans des causes d’intérêt général.

Je
voudrais rendre notamment hommage à l’action que vous avez menée au
sein de l’association « Les Ailes Brisées », organisme d’entraide aux
aviateurs blessés en service aérien, et à leur famille. Pendant plus de vingt
ans, vous avez, pour cette association d’utilité publique, multiplié les levées
de fonds, la recherche de sponsors et l’organisation de ventes de charité,
avec une redoutable efficacité. Cette oeuvre, dont vous étiez l’âme, et sur
laquelle vous continuez de veiller avec la discrétion que nous connaissons,
vous a valu d’être promue officier dans l’Ordre du Mérite.

Aujourd’hui, vous poursuivez un engagement philanthropique au sein de la
Fondation Serge Dassault, dont vous êtes l’un des administrateurs, et dont
vous vous occupez avec une très grande attention aux côtés de votre mari.

Forte de quelque 180 salariés, cet organisme d’utilité publique, implanté à
Corbeil-Essonnes et Mennecy, oeuvre en faveur des personnes
handicapées mentales adultes, hommes et femmes, originaires d'Ile-de-
France.

Mais vous êtes aussi, chère Nicole Dassault, une grande amie des arts et
de la culture. Vous avez ainsi soutenu l'organisation de concerts dans le
cadre de la Fondation Michel Soigny, offrant à de jeunes pianistes prodiges
des pays de l'ancienne Europe de l'Est la chance de se produire en France.

En matière d'art, si vos goûts personnels vous portent plutôt vers les arts
décoratifs et le mobilier du XVIIIe siècle, les arts asiatiques et la peinture
française de l’impressionnisme aux débuts de l’art moderne, vous êtes
une familière de toutes les grandes expositions, et vous n’hésitez pas à
vous déplacer lorsqu’un événement, à Londres ou à New York, attise
votre insatiable curiosité.

Au sein de la Galerie d’Art Moderne Artcurial, dont vous êtes membre du
Conseil d’administration, vous vous occupez particulièrement des
orientations artistiques et du choix des oeuvres présentées au siège du
Rond Point des Champs-Elysées. Vous intervenez également dans le
mécénat artistique et culturel du groupe Figaro, et dans l’organisation des
opérations de relations publiques qui l’accompagnent.

Cette attention à la vie artistique et culturelle vous a d'ailleurs valu d'être
invitée à siéger aux conseils d'administration des prestigieuses sociétés
d'amis du musée du Louvre et du musée d'Orsay. Je vous suis pour ma
part très reconnaissant de l'intérêt que vous avez manifesté pour le
renouveau du château de Fontainebleau, en honorant de votre présence
la soirée que j'y avais donnée le 27 janvier dernier.

Permettez-moi, pour conclure ce propos, de souligner, chère Nicole
Dassault, les qualités personnelles qui sous-tendent toutes vos activités et
bénéficient tant aux causes que vous soutenez : pragmatisme dans
l'action, franchise, humanité, chaleur et attention aux autres, ce sont là, je
crois, les maîtres mots de votre dévouement et de votre générosité.

Nicole Dassault, au nom de la République, nous vous faisons Officier
dans l’Ordre des Arts et des Lettres.

Remise des insignes de Chevalier dans l’Ordre de la Légion d’Honneur à Anita Hausser

10 avril 2007

Chère Anita Hausser,

C'est un grand plaisir de vous recevoir aujourd'hui, afin de saluer votre
parcours exemplaire de journaliste politique, votre sens inné des médias et
votre détermination à révéler les personnalités qui dirigent notre pays.

Avec
vous, les termes de pugnacité, de liberté d'expression et de quête de vérité
prennent tout leur sens.

Cette carrière exceptionnelle, vous la débutez très tôt : originaire de
Colmar, vos études de lettres vous amènent à l'Institut supérieur de
journalisme de Strasbourg et, à vingt ans à peine, votre vocation devient
évidente.

Très jeune donc, vous rédigez vos premiers articles pour le quotidien
L'Alsace qui vous nomme, dès 1974, correspondante à Paris pour y suivre
notamment ses dossiers régionaux. Vous êtes alors chargée des élections
municipales, et vous couvrez déjà les grands sujets en région. Votre appétit
de l'actualité politique se dévoile, il ne vous quittera plus.

RTL fait appel à votre talent en 1977 et vous développez donc, sur les
ondes, avec la même passion, le même engagement, votre goût pour la
politique. Cette expérience durera cinq ans, couronnée par une nomination
d'envoyée spéciale permanente à Washington. En cette période de grande
tension mondiale, où vous voyez les diplomates russes expulsés de la
capitale américaine, vous dormez très peu, décalage horaire oblige, et vous
passez votre temps accrochée au téléphone et au téléscripteur. Vos efforts
sont récompensés par de belles exclusivités. Vous serez ainsi la seule
correspondante à annoncer en France la première greffe d'un coeur
artificiel réalisé par une équipe américaine. Vous vous souvenez encore du
nom du patient, Barney Clarke et du jour de son opération, le même que
choisit Ted Kennedy pour déclarer sa non candidature à l’élection
présidentielle. Votre aptitude étonnante à obtenir, et à mesurer l’importance
des informations avant tout le monde dépasse déjà les frontières.

Après trois années stimulantes aux États-Unis, vous décidez de reprendre
le chemin de la France. La direction vous alors confie les commandes du
journal de 22h30. Vous animez ensuite une rubrique culturelle quotidienne,
Qu'est-ce qu'ils font, qu'est-ce qu'ils disent, pour laquelle vous accueillez
des cinéastes, des écrivains, des musiciens, dont vous sondez l’oeuvre et
le génie avec beaucoup de finesse.

C’est ce même appétit de connaissance des artistes et de l'actualité qui
vous conduit, quelques années plus tard, sur France Inter, à présenter Si
c'était à refaire ou encore le bien nommé Politique au laser.

Mais c'est en juillet 1987 que vous arrivez sous le feu des
projecteurs avec le lancement de La Cinq où, sous la direction de Patrice
Duhamel et aux côtés de Pierre-Luc Séguillon, vous devenez la référence
des chroniques politiques télévisées. TF1 n'hésite d’ailleurs pas à vous
confier en 1993 une mission des plus stratégiques : le suivi des dossiers
journalistiques relatifs à Matignon, qui n’a plus de secret pour vous
puisque vous avez réussi à obtenir un accès à la rue de Varenne dès le
début des années quatre-vingts.

Votre carrière est donc déjà très bien lancée, lorsqu'un nouveau défi se
présente à vous : vous contribuez aux débuts de la première chaîne
d'information en continu, LCI, en 1994. Commence alors une aventure
formidable qui se poursuit encore aujourd'hui, scellant treize années d’une
collaboration sans faille.

Vous créez et animez de nombreuses émissions qui font date, comme Le
week-end politique, L'invité du matin ou encore le fameux débat du Grand
jury RTL-Le Monde. Votre talent est consacré en 2001 avec votre
nomination à la tête du service politique de la chaîne LCI. Avec la rigueur
et le talent que nous connaissons, vous brossez le portrait de nos femmes
et hommes politiques, et vous en dévoilez toutes les ambitions.

Installation de l’Autorité de régulation des mesures techniques

6 avril 2007

Je suis très heureux de vous accueillir aujourd’hui pour installer l’Autorité de
régulation des mesures techniques, qui a été créée par la loi du 1er août 2006
relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information. J’ai
tenu à en concrétiser la mise en place effective car elle est au coeur de l’équilibre
voulu par le législateur.

Le droit d’auteur est un enjeu majeur pour la culture et la création à l’ère
numérique. L’internet et la technologie doivent offrir de nouvelles chances à
la création et à la diversité culturelle, afin de faciliter l’accès de tous à la
culture, dans le respect du travail et des droits des créateurs.

En transposant la directive européenne sur le droit d’auteur, la France s’est inscrite
dans un cadre européen harmonisé concernant les mesures techniques.

Nous
sommes néanmoins allés plus loin que la directive et que nos voisins européens
sur deux points, qui sont au coeur de la mission d’équilibre de cette nouvelle
Autorité : l’interopérabilité des mesures techniques et la garantie de la copie privée.

Faut-il rappeler qu’il y a un an, d’aucuns n’hésitaient pas à faire le procès de la
France et qu’Apple menaçait de quitter notre territoire ? Nous avons lancé un
débat sur l’interopérabilité qui a dépassé nos frontières et qui s’est ouvert dans
d’autres pays. Et depuis la fin de l’année 2006 les acteurs de la musique en ligne
proposent de nouvelles offres musicales prenant en compte cet impératif
d’interopérabilité : je pense notamment aux catalogues indépendants qui, depuis le
début de l’année, sont disponibles sur les plates-formes Fnac et Virginméga sans
mesures techniques, puis à l’annonce récente d’Apple et EMI.

Cela fait d’ailleurs mentir ceux qui l’année dernière caricaturaient notre débat
parlementaire, en prétendant que les mesures techniques seraient rendues
obligatoires. Bien au contraire, nous n’avons rien interdit mais tout rendu possible.

Mais il faut également éviter de tomber dans la caricature inverse et considérer
que la fin des mesures techniques serait annoncée : celles-ci existent depuis
longtemps, notamment pour les télévisions à péage, et continueront d’exister. Car
l’existence des mesures techniques dépend aussi des modèles économiques
finançant les différents genres de création. Or, le cinéma, la musique, et la
littérature n’ont pas la même économie.

Les mesures techniques permettent aussi d’innover et de proposer au public de
nouvelles offres et de nouveaux modèles qui ne pourraient pas exister sans elles.

Je pense en particulier aux offres de location, notamment en vidéo à la demande,
mais également à certaines offres d’abonnement. Car les nouvelles technologies
doivent être aussi une chance pour créer des offres différenciées et pour les
personnaliser : chacun doit pouvoir trouver l’offre qui lui convient.
Le fonctionnement de cette nouvelle autorité administrative indépendant sera régi
par le décret du 4 avril 2007, qui a été publié au Journal Officiel hier.

L’Autorité est composée de six membres, nommés par décret pour un mandat de
six ans, sur proposition des responsables de leurs organismes d’origine,
conformément à la loi, afin de garantir l’indépendance de cette Autorité.

Monsieur Jean Musitelli, conseiller d’Etat, est un fin connaisseur des questions de
culture et de diversité culturelle, puisqu’il a été la cheville ouvrière et le rédacteur
de la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité
des expressions culturelles, entrée en vigueur le 18 mars dernier.

Madame Marie-Françoise Marais, conseillère à la Cour de Cassation, est une
spécialiste reconnue des questions de propriété littéraire et artistique.

Monsieur Patrick Bouquet, conseiller-maître à la Cour des comptes, fera bien sûr
bénéficier l’Autorité de son expertise économique mais également de sa
connaissance du secteur des nouvelles technologies.

Monsieur Pierre Sirinelli, membre du Conseil supérieur de la propriété littéraire et
artistique, professeur à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne, est un spécialiste
reconnu de la propriété littéraire et artistique dans l’environnement numérique.

Monsieur Christian Saguez, président de la commission des Technologies de
l’Information et de la Communication de l’Académie des Technologies, professeur
à l’Ecole Centrale, aura, je n’en doute pas, à coeur d’éclairer les questions
techniques dont l’Autorité sera saisie. Il n’a malheureusement pas pu se libérer ce
matin.

Enfin, Monsieur Tristan d’Albis, président de la commission de la rémunération
pour copie privée, pourra éclairer l’Autorité sur les supports de copie privée et
participera avec voix consultative aux travaux de l’Autorité, comme le prévoit la
loi.

L’autorité de régulation des mesures techniques aura un rôle fondamental dans
l’équilibre de la loi droit d’auteur.

Parce que les possibilités techniques et les usages ne cessent de se modifier et
évoluent rapidement, l’autorité de régulation des mesures techniques s’adaptera
et sera constamment en phase avec l’innovation technologique, afin de préserver
à la fois le droit d’auteur, l’exception pour copie privée et l’interopérabilité.

Afin de garantir le bénéfice de l’exception de copie privée, ainsi que les
exceptions pour les personnes handicapées, pour l’enseignement et la recherche
et pour la conservation dans les bibliothèques, l’Autorité de régulation des
mesures techniques a pour mission de déterminer les modalités d’exercice de
ces exceptions. Elle fixera notamment le nombre minimal de copies privées, en
fonction du type de support. A défaut de mesures volontaires de la part des
titulaires de droit, elle pourra être saisie par les consommateurs, les bénéficiaires
des exceptions ou les associations agréées les représentants, et enjoindre aux
titulaires de droit de prendre toute mesure nécessaire, en appréciant l’exercice
des exceptions au regard du test en trois étapes, c’est-à-dire lorsqu’il ne porte
pas atteinte à l’exploitation normale de l’oeuvre ni ne cause un préjudice injustifié.

La garantie de la copie privée est nécessaire pour préserver la liberté des
utilisateurs, et pour tenir compte de la multiplication des usages et des supports
de lecture, des baladeurs aux ordinateurs, en passant par les lecteurs installés
dans les automobiles. Cette liberté trouve sa contrepartie dans la rémunération
pour copie privée, payée par les fabricants de supports d’enregistrement. Je tiens
à rappeler que la rémunération pour copie privée permet de soutenir de
nombreuses manifestations culturelles, des festivals, et des spectacles.

Le Gouvernement français a vigoureusement défendu cet équilibre auprès de la
Commission européenne à la fin de l’année dernière et reste très vigilant sur ce
dispositif qui participe à la diversité culturelle.

Pour favoriser l’interopérabilité, le législateur a confié à l’Autorité le pouvoir
d’ordonner l’accès aux informations essentielles à l’interopérabilité des mesures
techniques à tout éditeur de logiciel, à tout fabricant de système technique ou à
tout exploitant de service afin de permettre au consommateur de lire les oeuvres
sur le support de son choix.

Comme l’a précisé le Conseil constitutionnel, dans le souci du respect de la
propriété intellectuelle, cet accès donnera lieu à une juste et préalable indemnité.

L’Autorité favorisera, bien sûr, la conciliation. Il est toujours souhaitable qu’un
accord puisse être trouvé au cas par cas pour résoudre un problème.

Pour
autant, le législateur a tenu à doter l’Autorité de pouvoirs étendus, en lui
permettant notamment de prononcer des injonctions sous peine d’astreinte
financière pour faire exécuter ses décisions. Elle aura également, en matière
d’interopérabilité, la possibilité de prononcer des sanctions pécuniaires lourdes
pour ceux qui ne respecteraient pas leurs engagements ou les injonctions de
l’Autorité.

Ses décisions pourront néanmoins être contestées en appel auprès d’une
juridiction usuelle, la Cour d’appel de Paris.

Conformément à la loi, la publication d’un code source pour le logiciel libre
indépendant bénéficiera d’une présomption favorable.

Bien sûr, la création de cette Autorité ne remet pas en cause les droits des
développeurs de logiciels : ainsi, en cas d’abus de position dominante, il est
préférable de saisir le Conseil de la concurrence. Des dispositions d’articulation
avec l’Autorité ont d’ailleurs été prévues. De plus, il reste toujours possible,
comme la loi l’a rappelé, de bénéficier de l’exception de décompilation à des fins
d’interopérabilité, qui évite le passage par une procédure.

Tout le monde reconnaît l’interopérabilité comme un facteur important de
l’attractivité des nouvelles offres en ligne. L’Autorité sera donc un élément clé
pour renforcer cette attractivité. Ce mécanisme unifié permet à la fois la
souplesse pour s’adapter aux évolutions technologiques rapides, l’égalité pour
que la copie privée soit la même pour tous.

L’ensemble de ce dispositif s’inscrit pleinement dans une ambition politique
cohérente, qui vise à mettre la technologie au service de la création et de la
diversité culturelle. Elle complète les mesures récentes votées dans la loi sur la
télévision du futur, qui élargit le financement du compte de soutien à la production
des programmes aux distributeurs de télévision par les différents réseaux de
communication. Il est en effet nécessaire d’adapter notre politique de soutien à la
diversité culturelle, pour en assurer la pérennité à l’ère numérique, afin de
défendre la vitalité de notre culture et son rayonnement dans le monde, à l’ère
numérique.

Je vous remercie.

Visite du salon de la Réception numérique

4 avril 2007

Monsieur le Président du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, Cher Michel Boyon,

Monsieur le Président du Salon de la Réception Numérique,

Monsieur le Président de Groupe Télésatellite,

Cher Daniel Renard,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Le monde audiovisuel est entré de plain pied dans la révolution numérique : bien
plus que d’une simple innovation technologique, il s’agit d’une véritable révolution
pour nos concitoyens. La numérisation permet de multiplier par trois l’offre de
programmes gratuits de télévisions pour tous les Français. C’est une chance pour
le téléspectateur. C’en est une aussi pour la création. Je crois profondément que
l’innovation technologique doit bénéficier au développement des contenus, à la
diversité culturelle et au pluralisme.

Notre cadre réglementaire et législatif devait évoluer pour répondre à ces
nouveaux défis. C’est l’objet de la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation
de la diffusion audiovisuelle et la télévision du futur, qui organise notamment la
généralisation de la télévision numérique sur l’ensemble du territoire national et le
basculement définitif de l’analogique vers le numérique.

[Le numérique représente un enjeu majeur pour la culture, et je tiens à rappeler
par ailleurs qu’une autre loi importante et complémentaire avait permis d’adapter le
droit d’auteur à l’ère numérique. Je me souviens qu’il y a un an, on annonçait
qu’Apple allait quitter la France parce que je demandais comme un droit pour tous,
l’interopérabilité, c'est-à-dire la liberté pour un internaute de lire une oeuvre
acquise légalement sur tout type de support. Le récent accord entre Apple et EMI
montre que cette exigence d’interopérabilité est désormais partagée et je m’en
réjouis.]

Les deux textes de loi ont d’ailleurs au regard de la création des résonances
communes. C’est dans le cadre de la loi sur la modernisation de la diffusion
télévisuelle qu’ont été adoptées les dispositions concernant la réforme de l’assiette
de la taxe alimentant le compte de soutien à l’industrie cinématographique et
audiovisuelle ainsi que le contribution à ce compte de la télévision haute définition
et de la télévision mobile personnelle. Désormais, les distributeurs de services,
dont les fournisseurs d’accès à Internet, contribueront à la création.

Cette
disposition est fondamentale pour l’avenir du financement de la production
audiovisuelle et cinématographique.

Le succès de la télévision numérique terrestre (TNT) depuis son lancement en
mars 2005, n’est plus à prouver. A la fin janvier 2007, 3 millions d’adaptateurs et
près de 1,1 millions de téléviseurs avec récepteur TNT intégré avaient d’ores et
déjà été vendus. Si l’on ajoute à ces chiffres les foyers recevant les chaînes de la
TNT grâce aux offres dites « triple play » des fournisseurs d’accès à Internet ou
encore les foyers recevant les chaînes de la TNT par le satellite ou le câble, ce
sont désormais plus de la moitié des foyers français qui sont passés à la télévision
numérique. Et ce chiffre va encore augmenter : la loi prévoit en effet que, d’ici un
an, tous les téléviseurs seront vendus avec un tuner TNT intégré.

Pour que tous les Français aient accès à la télévision numérique le 30 novembre
2011, date à laquelle la diffusion analogique cessera, la loi prévoit également un
fonds d’aide spécifique, pour que les foyers les plus modestes puissent s’équiper,
à l’extinction de la diffusion analogique, en moyen de réception de la télévision
numérique.

Aujourd’hui, 68 % de nos concitoyens peuvent recevoir la TNT, et ils seront 85 %
d’ici la fin de l’année. La loi a introduit en outre plusieurs dispositions pour
favoriser de nouvelles extensions de la couverture du territoire par la TNT :

• Les chaînes analogiques gratuites, dont notamment TF1 et M6, sont ainsi
tenus de couvrir en TNT 95% de la population selon des modalités et un
calendrier qui seront arrêtés par le CSA avant la trêve estivale ;

• Un mécanisme d’incitation est prévu pour les autres éditeurs privés ; s’ils
souscrivent à des engagements complémentaires en matière de couverture du
territoire, ils bénéficieront d’une prorogation de leurs autorisations ;

• J’ai par ailleurs demandé au CSA d’attribuer une dizaine de fréquences
supplémentaire à France Télévisions afin d’accroître et d’améliorer la
couverture de ses services en TNT à Ajaccio, Auch, Clermont-Ferrand Royat,
Fontainebleau Avon, Grasse, Igny Palaiseau, Melun, Saintes, et Vichy
Hurlevent.

Enfin, pour les zones qui ne pourront pas, pour des raisons techniques, être
couvertes par la diffusion numérique terrestre, une offre par satellite sera très
prochainement mise en place, qui permettra à 100 % de la population de recevoir
sans abonnement l’ensemble des chaînes nationales gratuites de la télévision
numérique. Une offre gratuite par satellite devrait ainsi être lancée par Canal+ dès
le 15 juin 2007.

Mais la loi du 5 mars 2007 ne se contente pas d’organiser le basculement de
l’ensemble de nos concitoyens vers la télévision numérique : elle dresse également
le cadre dans lequel se développeront très prochainement les nouvelles formes de
télévision que sont la télévision mobile personnelle et la télévision en haute
définition. Elle fait ainsi définitivement entrer la télévision dans le XXe siècle.
La télévision mobile personnelle, tout d’abord, est appelée à enrichir
considérablement l’expérience des téléspectateurs, en leur ouvrant de nouveaux
espaces de liberté dans leurs modes et leurs lieux de consommation de la
télévision. La loi prévoit les modalités et le cadre du lancement de ces services sur
la télévision numérique terrestre dans les tout prochains mois.

La télévision du futur, c’est aussi la télévision en haute définition. Celle-ci doit
apporter une qualité d’image sans précédent aux téléspectateurs. La loi prévoit
ainsi le cadre dans lequel, dans les prochains mois, les premiers services de
télévision en haute définition, et notamment des services gratuits, seront lancés sur
la télévision numérique de terre. Ainsi, la haute définition sera, d’emblée, sans
abonnement et sans installation technique particulière, accessible au plus grand
nombre. La loi prévoit également que les téléviseurs et les enregistreurs
compatibles avec la haute définition (connus aujourd’hui sous les vocables « Full
HD » ou « HD Ready ») vendus après le 1er décembre 2008 devront tous être
équipés d’un adaptateur à la norme de compression MPEG 4 HD, qui permet la
réception de la télévision numérique en haute définition.

Je souhaite, et je sais que je peux faire confiance sur ce point, au président du
CSA, que, comme je l’ai annoncé aux parlementaires, les appels à candidatures pour la télévision haute définition et la télévision mobile personnelle soient lancés
afin que ces services puissent être autorisés au moment de la retransmission de
l’évènement sportif que constitue la coupe du monde de rugby. Pour ma part, je
préempterai la ressource nécessaire à la diffusion du Tour de France 2007 par
France 2 et France 3 en haute définition.

Avec plus de chaînes grâce à la télévision numérique terrestre, avec des
programmes en haute définition, avec la mobilité, la loi sur la télévision du futur
accompagne la révolution de l’audiovisuel français. Elle annonce et organise, pour
tous les Français, le passage à la télévision du futur.

La mise en oeuvre rapide des dispositifs prévus par cette loi est donc prioritaire :

o deux décrets d’application sont particulièrement importants : l’un permettra
d’éteindre la diffusion analogique dans les zones de pénurie de fréquences
en vue du lancement de la TNT ; l’autre concerne la mise en oeuvre des
engagements qui seront pris par les éditeurs privés (hors TF1 et M6) pour
améliorer la couverture du territoire par la TNT. Pour ces deux décrets, des
projets de texte ont été d’ores et déjà transmis pour avis au CSA.

o Un schéma national d’arrêt de la diffusion analogique et de basculement vers
le numérique doit être arrêté dans les prochains mois ; il permettra de fixer le
rythme des opérations d’extinction, qui doivent s’étaler de 2008 à 2011.

o Un groupement d’intérêt public sera par ailleurs constitué entre l’État et les
éditeurs de chaînes analogiques ; ce groupement permettra d’organiser de
façon opérationnelle le processus d’extinction et la communication auprès du
grand public, afin de faire de cette mutation technologique une révolution au
service de tous nos concitoyens.

Vous pouvez compter sur ma détermination pour faire adopter rapidement ces
décrets et pour mettre en place le groupement d’intérêt public. Je sais quel est
votre engagement. Professionnels des métiers de l’antenne, du câble, du
multimédia et des courants faibles, vous êtes des acteurs de premier plan de ces
évolutions qui bénéficient à l’ensemble de nos concitoyens.

Je vous remercie.

Remise des insignes d’Officier dans l’Ordre national du Mérite à Sylvie Forestier

4 avril 2007

Chère Sylvie Forestier,

Je suis très heureux de vous accueillir aujourd’hui, pour rendre l’hommage de
la France à la fois à votre talent et à vos compétences, mais aussi à la passion
qui a animé votre action au sein des musées.

Diplômée d’un certificat de sociologie musulmane à Alger, agrégée de
philosophie à la Sorbonne, vous entamez votre carrière comme chercheuse au
prestigieux Centre d’Études supérieures de la Renaissance qui contribue au
rayonnement de Tours et de l’université française. J’ai eu la joie et la fierté de
fêter, il y a presque un an jour pour jour, le cinquantenaire du Centre fondé par
Gaston Berger. Après Tours, c’est le service éducatif du Musée du Louvre qui
vous appelle, puis le Musée national d’art moderne, où vous êtes chargée de
conférences.

Diplômée de l’École du Louvre, vous rejoignez très vite le corps des
conservateurs d'État au musée national de Compiègne. Quelques années plus
tard, vous prenez en charge l’iconothèque au musée des Arts et traditions
populaire à Paris. Vous vous distinguez très tôt par vos compétences
scientifiques, votre sens des responsabilités, mais aussi votre volonté de faire
connaître la beauté de ces expressions spontanées, de ces traits culturels
propres à un groupe ou une société, qui sont autant de façons de dire le désir
de vivre ensemble. Cette volonté vous pousse également vers la recherche en
anthropologie sociale et culturelle, et vous obtenez en cette matière, en 1977,
un Diplôme d’Études Approfondies à l’École des Hautes Études en Sciences
Sociales.

En 1984, votre nomination à la tête du musée national Message Biblique Marc
Chagall marque le début d’une grande aventure. Animée d’une réelle envie de
faire partager l’univers poétique, onirique, mystérieux et mystique de ce
magicien de la couleur et de l’esprit, vous organisez de nombreuses
expositions à travers le monde, à Tokyo, à Moscou, Mexico, Buenos-Aires,
Sarrebourg, Ferrare, ou encore Florence. Passeur inspiré, vous concevez des
films pédagogiques autour de son oeuvre, pour toucher le public le plus vaste
possible.

Vous vous lancez également dans un grand travail de publication de l’oeuvre
de Marc Chagall, dans toutes ses dimensions : les vitraux et les sculptures en
1984, l'oeuvre gravée en 1987, les céramiques en 1990. Vous publiez même
des oeuvres conservées à l'étranger, comme en 1989, avec les collections des
musées russes et des musées privés. Vous vous imposez rapidement comme
l’une des plus grandes spécialistes de cet artiste universel.

En 1985, vous prenez également la tête du musée Picasso à Vallauris ; en
1990, on vous confie la direction des collections nationales d'art du XXe siècle
de la région Provence Alpes Côtes d'Azur, conservées par les musées Marc
Chagall à Nice, Picasso à Vallauris, et Fernand Léger à Biot. Vous assurez
alors l’intégration de ce dernier établissement au sein des musées nationaux.

Depuis 1996, vous mettez votre grande connaissance, votre savoir-faire
admirable, et votre appétit de transmettre au service de musées, de fondations,
et d’organismes privés comme publics, en tant que commissaire d’expositions,
souvent hors de nos frontières, et sous l’égide du Ministère des affaires
étrangères. Vous concevez les catalogues d’exposition et les textes de
présentation pour des manifestations au quatre coins du monde, au Japon en
1996, à Madrid et à Barcelone en 1999, à Johannesburg et à Cap Town en
2000, et à Lugano en 2001.

En 1997, à la demande des éditions Gallimard, vous présentez une nouvelle
édition critique de l’essai de Frenand Léger, Fonctions de la peinture.

Vous
réactualisez également l’ouvrage que vous avez consacré aux vitraux de Marc
Chagall.

Vous êtes naturellement sollicitée pour les Rencontres internationales de Minsk
et Vitebesk consacrées à Marc Chagall en 2002, et l’année suivante, pour la
rétrospective de son oeuvre au Grand Palais.

Je suis très heureux de distinguer aujourd’hui le travail et l’engagement
admirable d’une grande conservatrice, qui a voué sa vie et son talent au
rayonnement des musées français, et à la transmission de l’oeuvre de nos plus
grands artistes.

Sylvie Forestier, au nom du Président de la République, et en vertu des
pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Officier dans l’ordre
national du Mérite.

Remise des insignes de Chevalier dans l’Ordre national de la Légion d’Honneur à Jacques Charpillon

4 avril 2007

Cher Jacques Charpillon,

Je suis très heureux de vous accueillir aujourd’hui, afin de rendre hommage à un
serviteur de l’État, qui est aussi un homme de culture. Vous avez su mettre, tout
au long de votre brillante carrière, votre expertise, votre ardeur et votre habileté au
service de vos missions, mais aussi de votre passion pour notre patrimoine, pour
notre culture.

Vos premières années d’apprentissage, vous les faites à l’université de Lyon, où
vous obtenez une licence en droit public, puis vous passez, avec succès, le
concours du commissariat de l’air. Vous en profitez pour obtenir le brevet de
parachutisme. Pendant deux ans, de 1967 à 1969, vous êtes lieutenant à Paris,
dans les services de l’armée de l’air. Mais, très vite, vous vous fixez un nouveau
défi, celui de l’École nationale d’administration, que vous relevez avec succès.

Vous faites partie de la promotion Léon Blum, de 1975. A votre sortie, vous
choisissez, par passion, le Ministère de la Culture, que vous ne quitterez jamais.
Jeune administrateur civil, vous êtes affecté à la direction de l’administration
générale, en tant qu’adjoint au chef de la division de l’action régionale.

A ce titre,
vous participez à l’installation des premières directions régionales des affaires
culturelles, et vous ouvrez un dialogue transversal et interdisciplinaire avec les
collectivités territoriales.

Volontaire et tenace, animé d’une conscience aiguë de la nécessaire protection du
patrimoine, vous prenez la tête, en 1977, du bureau du patrimoine mobilier et des
orgues à la direction de l’architecture. Vous découvrez alors l’univers
extraordinaire des orgues historiques, ainsi que les impératifs imminents de leur
protection. Et vous prenez part à ce devoir, en rencontrant les restaurateurs, les
maîtres ouvriers, ces alchimistes des matériaux d’aujourd’hui. Vous n’oubliez pas
le patrimoine mobilier hors musée, et vous gérez également les grottes ornées en
mettant toute votre énergie et votre talent au service des procédures – parfois
complexes – de protection et de restauration.

Vous devenez ensuite secrétaire général au Centre national du livre. Nous
sommes à la fin des années soixante-dix, et la France s’équipe en photocopieurs.

Grâce à la taxe parafiscale, le budget de l’établissement double en quatre ans, ce
qui vous permet de développer l’institution de façon remarquable.

En 1983, de retour à la direction du patrimoine, vous devenez sous-directeur, ainsi
que chef du service des monuments historiques. Vous poursuivez le travail que
vous avez mis en place en 1975 avec les DRAC en organisant, avec diplomatie et
habileté, la déconcentration de la protection des monuments historiques, la
réforme des modalités d’intervention des architectes et la modernisation de la
promotion des monuments. Toujours en quête de projets innovants, vous mettez
en place en 1984 la première édition des Journées du patrimoine, opération
remarquable qui connaît, à chaque édition, un magnifique succès.

Vous êtes promu, trois ans plus tard, sous-directeur de l’environnement culturel à la
direction de l’administration générale. Vous ouvrez, là encore, une voie nouvelle,
avec le pilotage d’ensemble des DRAC. Très impliqué dans le développement
culturel, vous réfléchissez au meilleur moyen de créer un environnement favorable à
l’épanouissement des arts, avec notamment l’aménagement de la fiscalité et la loi
sur le mécénat.

En 1988, vous prenez en charge, au sein de la direction des musées de France, la
sous-direction des affaires scientifiques et culturelles. Parmi de nombreuses actions
pionnières, vous développez les premières conférences en langue des signes et
évaluez la qualité des expositions du point de vue des publics. Fort de votre
expérience des monuments historiques et des musées, vous concevez, pour l’École
nationale du patrimoine, le premier module de diffusion du patrimoine culturel,
aujourd’hui appelé médiation. Vous participez également à la réorganisation de la
direction centrale, ainsi qu’aux prémices du rapprochement organique des deux
services de restauration des peintures des musées nationaux et des musées classés
et contrôlés qui formeront, en 1991, le service de restauration des musées de
France.

1991 marque un tournant, mais également une belle opportunité dans votre brillante
carrière, puisque vous prenez la tête du département de l’organisation des systèmes
d’information. À ce titre, vous pilotez la délocalisation du service à Saint-Quentin-en-
Yvelines, et vous mettez en ligne les principales bases de données scientifiques.

Vous imaginez alors, non seulement les configurations techniques, mais aussi le
schéma directeur et stratégique du ministère dans ce domaine et vous mettez en
oeuvre le plan de bureautique de sept ans, afin de doter chaque agent d’un
ordinateur, et de mettre les informations en réseau.

En 1997, vous devenez haut fonctionnaire chargé de la déconcentration. Vous
réalisez plusieurs études et rapports, notamment sur La déconcentration du
ministère vue des DRAC, sur La mobilité des collaborateurs des directeurs
régionaux, les disparités ou encore la féminisation.

Vous entrez, deux ans plus tard, dans le corps prestigieux des inspecteurs généraux
de l’administration des affaires culturelles. Parmi les nombreuses missions qui vous
sont confiées, vous réalisez, notamment, l’audit ainsi que le premier rapport
d’évaluation de la Fémis, qui passe alors du statut d’association à celui
d’établissement public. En 2001, vous réalisez le premier bilan de la politique des
Monuments Nationaux et en 2003, vous traitez de l’archéologie préventive avec le
premier rapport d’audit sur l’INRAP.

Parmi les rapports importants que vous rédigez, je signale celui sur l’adaptation des
programmes télévisés aux personnes sourdes et malentendantes, qui permit d’ouvrir
la voie aux progrès qui ont depuis été réalisés dans ce domaine, où il reste
évidemment beaucoup à faire. Votre expertise et votre expérience ont été
également précieuses pour analyser précisément la situation des intermittents et
pour mener à bien les réformes de fond ou de structure, comme la création du
secrétariat général.

De vos débuts au ministère, jusqu’à votre travail remarquable en tant que Chef de
l’inspection générale, depuis le 1er septembre 2003, vos actions et vos idées ont
toujours ouvert de nouvelles voies. Je salue ce soir le talent, l’intelligence, et
l’audace pionnière dont vous avez su faire preuve au service du développement de
la culture dans notre pays.

Jacques Charpillon, au nom du Président de la République, et en vertu des pouvoirs
qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalier de la Légion d’Honneur.

Remise des Insignes de Chevalier dans l’Ordre National des Arts et des Lettres à Frédéric Botton

2 avril 2007

Cher Frédéric Botton,

Je suis très heureux de distinguer en vous ce soir un grand auteur
compositeur, qui s’est illustré aussi bien par ses chansons que par ses
musiques de films.

Ce sont les légendaires petits cabarets de la rive gauche et leurs
mythiques divas qui assistent à votre entrée en chanson. Mais c'est une
entrée par la grande porte. En 1957, vous avez vingt ans, ou à peine plus.

Votre chanson, Rue du chien qui fume, est choisie par Barbara, qui la
chante à l’Écluse, puis enregistrée par Catherine Sauvage.

Avec Barbara, vous écrirez également Absinthe, et Il me revient. Vous
signez ensuite de nombreux autres succès, dont les interprètes, étoiles de
la chanson, du music-hall, de la scène ou de l'écran, ne sont autres que
Zizi Jeanmaire, Joséphine Baker, Dani ou encore Sylvie Vartan.

Pour Betty Mars, vous signez Comé-comédie, pour Mireille Darc
Compartiment 23, pour Juliette Gréco Les Pingouins, Zanzibar, et Toi je
veux.
Nous vous devons aussi l’immense succès La grande Zoa, auquel Régine
a offert un cachet et une interprétation inoubliables.

Pour la grande Alice Sapritch, vous composez Les hommes sont tous des
poupées, et Milady, que vous co-signez avec Françoise Sagan, l'une de
vos grandes complices en écriture, comme le sont Jean Claudric, Alain
Goraguer, Nathalie Rheims, et, bien sur, votre épouse Patricia, que je ne
saurais oublier.

Votre sens artistique aiguisé, votre intuition très vive de la personnalité des
interprètes, votre empathie avec les artistes, ont également fait de vous un
« découvreur » inspiré. Vous produisez ainsi en 1972 le premier disque
d’un jeune talent méconnu, Yves Duteil, un 45 tours intitulé Virages.

C’est également grâce à votre créativité que l’un des hauts lieux de la nuit
parisienne, « Le Paradis Latin », connaît un véritable second souffle dans
les années soixante-dix. Auprès de Jean-Marie Rivière, vous êtes en 1977
l'artisan de sa renaissance avec un spectacle poétique et burlesque,
« Paris Paradis », puis avec une autre revue, « Paradisiac », en 1981.

Vos
assistants sont alors Francis Lai, et un jeune talent très prometteur : Michel
Berger.

Votre talent de compositeur, vous l’avez mis également au service du
septième art, pour des films tels que Un crime de Jacques Deray, ou
encore, récemment, Camping, de Fabien Onteniente, mais aussi de téléfilms
comme L'excès contraire, écrit par Françoise Sagan et réalisé par
Yves-André Hubert.

Mais c’est avec Claude Berri qu’a eu lieu l’une de vos plus belles
rencontres artistiques. Votre goût de la mélodie, sa volonté de servir un
cinéma d'auteur populaire, votre inclination commune pour une réelle
délicatesse de ton, ont donné lieu ces dernières années à trois
magnifiques réussites : Une femme de ménage, L'un reste, l'autre part et
enfin Ensemble, c'est tout, à l'affiche depuis quelques jours et déjà un
grand succès.

En déclinant, de la première image jusqu'à la dernière lettre du générique,
un thème tendre et attachant, vous accompagnez et exprimez
superbement cette subtile symphonie sur l'amour et l'amitié orchestrée par
Claude Berri.

La chanson représente à mes yeux un genre majeur, qui rassemble les
êtres, traduit la sensibilité d'une époque, construit nos souvenirs les plus
intimes comme notre mémoire collective. Vous avez contribué à enrichir
l'histoire de la chanson de notre pays, et vous avez offert à notre cinéma
la vaste palette de votre musique et de vos mélodies.

Frédéric Botton, au nom de la République, nous vous faisons Officier dans
l'Ordre des Arts et des Lettres.

Remise des Insignes de Chevalier dans l’Ordre de la Légion d’Honneur à Eglal Farhi

2 avril 2007

Chère Eglal Fahri,

C’est un très grand plaisir de vous recevoir aujourd’hui, pour rendre
hommage à votre destin exceptionnel, et au rôle éminent que vous jouez
depuis maintenant plus de vingt-cinq ans sur la scène du jazz en France.

C’est sur les bord du Nil, au Caire, que ce destin prend sa source, et que
votre personnalité hors du commun s’affirme, au fil des années et des
épreuves de l’Histoire. Première de la session du baccalauréat français,
vous êtes aussi classée parmi les trois championnes de natation interclubs
d’Égypte ! Vous êtes, entre autres, fille d’Harpagon sur les planches ; vous
jouez aussi des rôles d’Opéra ; et surtout, vous dansez sur Louis
Armstrong, Gene Krupa et Frank Sinatra dans les clubs anglais du Caire.

Votre parcours est placé, dès vos plus jeunes années, sous le signe de
l’excellence, et d’une curiosité, d’un appétit insatiables pour les oeuvres de
l’esprit, mais surtout les tempos des savoureuses notes bleues.

A la maison, le tourne-disque vibre aux sons du fox-trot, du shimmy et du
boogie-woogie, au cinéma, vous découvrez les films musicaux, avec Nat
King Cole et Benny Goodman.

Votre vie est à l’image de cette passion de toujours, syncopée, rythmée,
étourdissante, authentiquement libre : volontaire à la Croix Rouge pendant
la seconde guerre mondiale, vous êtes, en même temps, journaliste pour
Images, et le Journal d’Égypte. Diplômée du Bachelor of Arts and Social
Sciences de l’Université américaine du Caire, enseignante dans une école
française, pendant la Guerre des six Jours, vous vous envolez pour Paris,
où vous travaillez un temps aux éditions du Seuil, avant de partir à
nouveau, pour New York cette fois, où vous devenez responsable de la
section française d’information des Nations Unies.

Oui, votre vie est un grille proposée par un Dieu virtuose, sur laquelle vous
jouez avec toute la fougue et l’audace que nous vous connaissons.

Et lorsque les deux fils de votre mari Berto, fondateurs du club New
Morning à Genève, qui a fait résonner, sur les rives du Lac Léman, les
sons enchanteurs des orchestres les plus célèbres des États-Unis, vous
font part de leur projet de lancer un New Morning à Paris, vous vous lancez
sans hésiter dans l’aventure.

En 1981, à l’ouverture de la salle, rue des Petites Écuries, dans l’ancienne
imprimerie du Petit Parisien, vous êtes chargée de la promotion. Mais
vous découvrez très vite, par nécessité, que vous savez aussi
parfaitement improviser sur d’autres thèmes, comme les finances, la
gestion, la direction, mais aussi l’art subtil de dénicher les nouveaux
talents. Vous devenez ainsi l’âme de ce lieu unique, magique, dont vous
avez fait, en vingt-cinq années de dévotion, et de détermination, un lieu
mythique de notre capitale, à la renommée mondiale.

Dès son ouverture, le club se place sous les meilleurs auspices, avec Art
Blakey et ses Jazz Messengers, qui enflamment le public. Un an plus tard,
c’est Stan Getz qui y enregistre son Live in Paris. Il deviendra, avec Chet
Baker, Dizzy Gillespie, et de nombreux autres grands noms, un habitué,
mais surtout un ami. Entre les murs rouges du club se joue peu à peu
l’histoire du jazz en France, mais aussi celle de la belle diversité des
musiques du monde.

Vous accueillez Dexter Gordon, Ray Barreto, Dee Dee Bridgewater, mais
aussi Prince, Cesaria Evora, avant qu’elle connaisse un grand succès en
France, ou encore Diana Krall, et le maître de l’électro jazz, Erik Truffaz .

Pour les vingt ans du New Morning, en 2001, les fidèles se sont pressés
pour vous rendre hommage, à vous qui êtes leur hôtesse la plus
chaleureuse et bienveillante, le temps d’une série de concerts, qui a pris
la forme d’un véritable défilé de géants de tous les styles de jazz, Julien
Lourau, Dave Holland, Manu Dibango, Hank Jones, ou encore Kenny
Garrett.

Vous n’êtes pas plus une nostalgique que le New Morning n’est une
légende figée dans le passé. Vous offrez aujourd’hui à de nombreux
jeunes talents la chance de marcher sur les pas de leurs idoles.

Vous exaltez ainsi un répertoire ouvert et éclectique, de la nouvelle icône
pop Mathieu Chedid aux sons des Gnawas de Tanger, en passant par le
clarinettiste David Krakauer, et son klezmer déjanté, scandé par le hip hop
et les samples de l’étonnant DJ So Called. C’est cette alchimie rare,
propre à faire surgir des moments intenses, uniques, que votre public
vient goûter dans votre officine.

Les plus fidèles guettent, dans la salle, la silhouette de la grande dame du
jazz parisien, première admiratrice fervente des grands talents de la
scène, auxquels elle a ouvert ses portes et offert une renommée
internationale.

Eglal Farhi, au nom du Président de la République, et en vertu des
pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalier de la Légion
d’Honneur.

Visite de presse du chantier du Palais de Tokyo

2 avril 2007

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

Je suis particulièrement heureux de vous accueillir dans ce lieu pour vous faire
découvrir ces espaces, trop longtemps abandonnés, trop longtemps laissés sans
destination dans un quartier où l’offre culturelle est exceptionnelle, un des quartiers
de la capitale qui, dans ce domaine, est l’un des plus attractifs de notre territoire.

Je dis bien territoire, car le projet qui nous réunit ce matin est un grand projet
national nécessaire aux créateurs, à la création de notre pays.

Depuis mon arrivée au ministère de la culture et de la communication, j’ai décidé
avec mes équipes de mettre en place un plan cohérent de développement des arts
plastiques dont cette initiative, concernant les espaces non utilisés du Palais de
Tokyo, est un élément essentiel.

Dans le cadre de cette politique d’ensemble, je suis particulièrement heureux de
vous annoncer qu’à la suite de la communication du Président de la République à
l’occasion du 30ème anniversaire du Centre Pompidou, le 31 janvier 2007, et en
confirmation des annonces faites par le Premier Ministre le 10 octobre 2005 à la
Foire internationale d’art contemporain, une nouvelle structure pour l’art
contemporain va être créée à Paris, dans les espaces vacants du Palais de Tokyo.

Installée aux côtés du Site de création contemporaine – Palais de Tokyo, cette
structure, placée sous l’égide du Ministère de la culture et de la communication et
associée au Centre Georges Pompidou, rendra au public l’usage de ces grands et
prestigieux espaces inoccupés, dans un lieu symbolique de la vie culturelle
française. J’ai souhaité que soit utilisé et valorisé ces espaces magnifiques, pour
une fonction qui l’est tout autant : faire mieux vivre, comprendre et aimer l’art
contemporain, donner aux artistes français ou vivant en France le public plus large
qu’ils méritent et les inscrire dans une perspective internationale.

Je voudrais, avant toute chose, réaffirmer mon attachement à la fois personnel et
comme Ministre de la culture, au Site de création contemporaine – Palais de Tokyo,
dont l’originalité et le dynamisme sont exemplaires. Comme vous le savez, je me
suis toujours engagé à ses côtés pour mieux le faire connaître et pour permettre
son développement. Son autonomie et sa vitalité seront entièrement conservées.

L’installation à ses côtés d’un nouveau lieu d’exposition, dont les missions sont
différentes mais complémentaires aux siennes, permettra des projets singuliers,
contradictoires, stimulant les débats comme les collaborations fructueuses. Pour
être parfaitement clair sur les modalités de coexistence de ces deux entités, voici
le dispositif adopté : le bâtiment dans son ensemble sera désormais affecté au
Centre Georges Pompidou.

Il en aura la gestion, mais ceci n’implique aucun contrôle sur les activités et la
gouvernance du Site de création contemporaine – Palais de Tokyo. En tant que
responsable du bâtiment, le Centre Pompidou sera chargé de mener les travaux de
rénovation, qui devraient être achevés en 2009, d’assurer la sécurité du lieu et la
gestion des parties communes. Il n’aura ni autorité scientifique, ni autorité
administrative sur le Site de création contemporaine – Palais de Tokyo, qui
conservera son statut associatif et son mode de fonctionnement actuel.

J’ai
maintenu, soutenu et voulu le développement du Site de création contemporaine –
Palais de Tokyo. Cette action sera poursuivie et accrue : son périmètre sera
agrandi des espaces nécessaires, au 3ème étage, notamment pour les activités
pédagogiques du « Pavillon » qui me tiennent à coeur, des travaux
d’aménagements seront effectués, dès cet été, en vue d’obtenir un classement en
catégorie « L » permettant de développer les programmes artistiques (concerts,
performances) comme les moyens propres de l’association. J’ai par ailleurs décidé
d’augmenter la subvention annuelle de l’Etat de 100 000 euros.

La programmation de la nouvelle structure sera dédiée aux arts plastiques et au
design, dans toute leur diversité. Cette structure sera orientée en particulier vers
des présentations monographiques d’artistes à mi-carrière ou confirmés, dont
l’amplitude du travail doit être présentée dans des expositions originales. Le design
sera envisagé sous toutes ses formes, et particulièrement à travers le rôle qu’il joue
dans l’invention de nos vies quotidiennes, dans son implication dans la société
contemporaine.

A côté d’expositions rétrospectives, ce lieu accueillera aussi, sur un
rythme rapide et dynamique, l’actualité de la recherche ou des projets d’artistes, qui
trouveront là un espace d’échange et de proposition accompagnant l’évolution de
leur travail. Enfin, un axe international permettra des confrontations avec des
artistes étrangers et des mises en perspective, afin de mettre en relation la création
en France et le contexte mondial. Ce lieu ne sera pas une annexe de ce qui se
passe ailleurs, mais un lieu dont je souhaite qu’il ait son identité, ses méthodes et
son dynamisme propre. Ce n’est qu’à cette condition qu’il pourra remplir pleinement
sa mission.

Cet équipement doit être avant tout un espace de collaboration : avec les artistes,
mais aussi avec tous les acteurs de la scène artistique, et tout particulièrement
avec les acteurs en région, ainsi qu’avec les différentes structures de diffusion de
l’art contemporain, en France et à l’étranger.

Une association de préfiguration, pilotée par le Centre Pompidou, a été mise en
place. Le Site de création contemporaine – Palais de Tokyo est l’un des membres
fondateurs de cette association, aux côtés du Centre Pompidou, du Ministère de la
culture et de la communication (Délégation aux arts plastiques et Direction de
l’administration générale) et du Centre national des arts plastiques. Ils composent
un conseil d’administration équilibré et porteur d’innovation. En complément, ce
conseil s’adjoindra, au travers d’un comité de programmation très ouvert,
l’expertise de nombreux acteurs de la vie artistique.

La direction de cette association de préfiguration est confiée à Catherine Grenier,
qui a été nommée à cette fonction par le conseil d’administration du 15 mars 2007.

Conservateur du patrimoine, spécialiste de la création contemporaine, responsable
pendant plusieurs années des collections contemporaines du Centre Pompidou,
avant de venir me rejoindre en tant que conseiller technique pour les arts
plastiques, elle a réalisé de très nombreuses expositions, souvent monographiques,
et écrit plusieurs ouvrages et essais. Sous l’autorité du conseil d’administration, elle
sera chargée de la coordination des études, de l’organisation et de la valorisation
des espaces (qui comprendront plusieurs modules d’exposition, des salles de
cinéma, des espaces de documentation, de médiation et d’accueil du public), de la
programmation artistique, ainsi que de la mise en place d’un dispositif original de
médiation et d’un réseau national et international.

Ce projet est particulièrement prometteur, car il crée, dans ce lieu, un extraordinaire
foyer d’art contemporain en relation avec le Site de création contemporaine – Palais
de Tokyo et le Musée d’art moderne de la Ville de Paris, dont les directeurs feront
partie du comité de programmation. Il se situe à proximité du Musée du Quai
Branly, de la Cité de l’architecture et du patrimoine et du Palais Galliera, de
l’ensemble des autres musées et fondations qui composent un pôle d’attractivité
culturelle ayant peu d’exemple au monde. Sachez que je ne l’ai pas conçu de
manière isolée. Il prend tout son sens dans le cadre de la politique culturelle que j’ai
menée en l’associant à la mise en place du Centre européen de création
contemporaine à l’Ile Seguin, lieu d’ateliers de production, de résidences, de
formation et de recherches. C’est une dynamique nouvelle que j’ai voulu donner à
la création contemporaine en France, par la reconnaissance de l’importance de la
création en arts plastiques sur notre territoire, la construction de nouveaux outils
pour les créateurs, enfin des invitations renouvelées en direction du public qui, je le
crois, découvre et se passionne, chaque jour d’avantage, pour la création de son
temps.

J’ai souhaité que la mise sur pied de ces équipements soit associée à de grands
événements, qui déjà signifient le renouveau de notre scène artistique.

L’exposition
Monumenta, véritable défi pour les artistes, sera consacrée cette année à Anselm
Kiefer, artiste ayant choisi de vivre et de créer en France depuis plus de 12 ans. Ce
rendez-vous régulier attirera, je le crois, le public et les professionnels du monde
entier, dans ce lieu prestigieux qu’est le Grand Palais. L’exposition, pour laquelle
l’artiste a conçu un dispositif totalement inédit, ouvrira ses portes le 30 mai
prochain. Elle sera le signe des expériences exceptionnelles ayant lieu sur notre
territoire. Autre rendez-vous d’importance, dans le même lieu, mais ayant une
ambition différente : exposer la vitalité de la création en France, la triennale : la
Force de l’art, qui présentera sa deuxième édition en 2009. Les quatre
commissaires en sont : Marie-Claude Beaud, Jean-Louis Froment, Jean-Yves
Jouannais et Didier Ottinger, quatre personnalités très inventives qui ont commencé
à concevoir la prochaine manifestation et qui sauront assurer l’originalité cette
nouvelle édition. Structurer, monter, mettre en valeur la création dans notre pays
par des moments rares, des événements comme par la création de nouveaux
outils, de nouveaux moyens de diffusion et de production, voilà l’objectif qu’il faut
poursuivre.

Pour conclure, je crois qu’il est important de rappeler, d’affirmer que l’art
contemporain est déjà une part essentielle de notre patrimoine, de notre culture,
c’est pourquoi je viens de procéder au transfert de propriété de douze ensembles
d’oeuvres exceptionnelles du Centre national des arts plastiques de son Fonds vers
douze musées de France en région. Ainsi 426 oeuvres, réalisées par 218 artistes
majeurs, dont la valeur estimée dépasse les 20 millions d’euros, ont été offertes
aux institutions qui les avaient en dépôt, afin de conforter le travail remarquable et
l’engagement dans le domaine de l’art contemporain de ces musées.

Toutes ces actions contribuent à la richesse et à la vitalité de notre pays dans le
domaine de la création contemporaine. Je suis fier de l’action accomplie, fier de nos
artistes, de nos institutions, et de tous ceux qui contribuent à la richesse et à
l’inventivité de notre culture. Cette culture qui est faite de l’importance du passé, de
« la force révolutionnaire du passé » disait Pasolini, mais qui ne prend tout son
sens que lorsqu’elle s’allie à l’innovation qui définit toute société par sa capacité à
se porter dans l’avenir. « La forme d’une ville change plus vite que le coeur d’un
mortel » : les poètes ont bien sûr raison, mais je crois, malgré toutes les
inquiétudes de notre époque, que les formes nouvelles, architecturales, artistiques,
urbaines, que les métamorphoses culturelles contribuent à changer le coeur des
humains. C’est notre mission que de le permettre. Je souhaite que ce nouveau
projet, prenant toute sa valeur, son efficacité au sein de l’ensemble des mesures
qui l’accompagnent et expriment la politique pour les arts plastiques que je mène
depuis trois ans, y contribue pleinement.

Je vous remercie.

Remise du troisième Grand Prix de littérature dramatique

2 avril 2007

Monsieur le Président du jury, cher Olivier Py,

Monsieur le Président d’Aneth, cher Michel Corvin,

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

Je suis particulièrement heureux de vous accueillir ici aujourd’hui pour rendre
hommage aux auteurs et à leurs oeuvres, sans lesquels il n’est pas de
théâtre. Les femmes et les hommes de lettres et de théâtre que nous
mettons en lumière aujourd’hui contribuent par leur travail et leur talent à la
richesse de la scène française et internationale. Au moment de récompenser
les lauréats de cette troisième édition du Grand prix de littérature dramatique,
c’est un métier, une profession, ou plutôt une vocation, que nous avons voulu
mettre en valeur : la vocation de ceux qui se sont engagés au service de la
création théâtrale, dans l'écriture, dans l'invention, dans la recherche, pour
enrichir le corpus des oeuvres destinées aux acteurs, aux metteurs en scène,
au public d'aujourd'hui, et pour constituer le patrimoine théâtral de demain.

Ce n'est pas sans émotion que j'ouvre ce matin la troisième édition de ce prix
qui, déjà, s'est installé durablement dans notre calendrier culturel. Il y a trois
ans, j'ai souhaité, avec de très nombreux partenaires, la création de cet
événement novateur, parce que j'avais la conviction que l'écriture
dramatique, qui souvent reste à l'écart de l’actualité littéraire, méritait d'être
mise en lumière, d'être encouragée et récompensée, à la mesure de l'apport
inestimable qu'elle offre chaque année aux théâtres, aux acteurs, aux publics
et aux lecteurs. Aujourd'hui, trois ans après sa création, le succès que
rencontre ce prix, manifesté en particulier par votre présence ici, est venu
vérifier l'intuition qui en était à l'origine.

Je sais désormais que je partage
cette intuition avec les passionnés de théâtre que vous êtes, tous, chacun
dans votre domaine : éditeurs d’abord qui, avec détermination et souvent
avec courage, permettez que les textes existent et se diffusent
indépendamment de leur représentation, et aussi bien sûr auteurs, acteurs,
metteurs en scène et directeurs de théâtre, journalistes, acteurs publics et
responsables associatifs. Tous, nous partageons la conviction que l'écriture
dramatique est une création artistique à part entière, une écriture qui fait
partie intégrante de la littérature ; si parfois elle vient en bouleverser les
critères et les canons, si elle s'affranchit de ses codes et de ses formes, c'est
pour rendre au verbe, à la poésie, au langage, toute sa puissance, celle qu'ils
prendront sur scène, portés par la voix, par le souffle, par le corps des
acteurs.

Oui, l’auteur, l'écrivain de théâtre, fait oeuvre de littérature ; il fait aussi oeuvre
de vie et d'avenir, en apportant au répertoire de nouveaux textes, qui sont
autant de nouvelles occasions de jeu, de plaisir, de réflexion et de
découverte. L'enjeu de ce renouvellement, est, bien sûr, avant tout, de
porter, dans le patrimoine théâtral, l'empreinte de notre époque, de notre
temps, de notre actualité – au sens le plus haut de ce terme. Je suis d'ailleurs
heureux d'observer que les oeuvres qui concourent pour ce troisième prix ont
ceci en commun, qu'elles ouvrent la scène aux grandes interrogations, aux
angoisses et aux espoirs de nos sociétés. La violence, la guerre et le
fanatisme, les problèmes sociaux ou écologiques, la mondialisation, telles
sont en effet, les thématiques qui courent tout le long des oeuvres
sélectionnées par le jury ; traitées avec les mots, les accents, les références
de notre temps, ces questions apportent un témoignage significatif sur les
failles de notre époque.

Soutenir la création contemporaine, c'est donc soutenir le théâtre dans son
ensemble, promouvoir ce qui constitue sa richesse et son avenir, encourager
son renouvellement, contribuer à sa diversité. Ce Grand prix de littérature
dramatique s'inscrit dans le cadre d'un projet global de soutien, sur tous les
fronts, au théâtre et au spectacle vivant. Parfois, j’entends caricaturer
hâtivement l'action qu'a menée le ministère de la Culture et de la
Communication dans ce domaine si difficile, si exigeant mais si passionnant,
qui peine parfois à trouver ses ressources et son équilibre. Trop souvent, on
s'est refusé à considérer tout ce qui avait été fait, toutes les mesures prises,
toutes les aides apportées, toute l'attention accordée dans notre pays à l’art
dramatique.

Pour en prendre un exemple, c'est grâce en particulier à la
persévérance du ministère de la Culture que nous avons pu fêter, au cours
des derniers mois, la rénovation ou la construction de lieux de théâtre partout
en France, parmi lesquelles la réouverture de l'Odéon, à Paris, a constitué un
événement exceptionnel. Quant au soutien à la création dramatique, dont ce
Grand prix est l'une des illustrations, il faut rappeler que nous fêtons cette
année le soixantième anniversaire de l'aide aux auteurs de théâtre : c'est en
1947, en effet, que Charles Dullin proposa à Jeanne Laurent d'instituer un
dispositif ministériel durable chargé de découvrir et de subventionner les
écrivains produisant de nouvelles pièces de théâtre. L'aide à la première
pièce était née ; elle allait compter parmi ses membres Albert Camus ou
Pierre Renoir, et parmi ses lauréats, Julien Gracq ou Emmanuel Robles.

Vingt ans après, elle devient une aide, plus large, à la création dramatique,
conduite par Jean Vilar, puis, entre autres, par Henri Gouhier ou Antoine de
Clermont-Tonnerre. L'aide de l'État, qui consistait alors dans un simple
soutien a posteriori, s'est améliorée, élargie et développée jusqu'à
aujourd'hui. Car au cours des dernières années, contrairement à ce que l’on
entend parfois ici ou là, l'État ne s'est pas désengagé ; bien au contraire, il a
tenu et affermi ses engagements. Au cours des huit dernières années, ce
sont 656 projets ou textes qui ont été soutenus, parmi lesquels plus de 95%
ont été réellement menés à bien. Aujourd'hui, si nous venons d'installer la
Commission nationale consultative d'aide à la création d'oeuvres dramatiques
sous l'égide du Centre national du théâtre, c'est pour faire en sorte que l'aide
de l'État soit rendue à la fois plus stable, plus concentrée et plus efficace, et
que de plus en plus d'auteurs et de textes puissent en bénéficier.

Parmi les décisions que j’ai eu à prendre rue de Valois, je suis heureux et fier,
– et dois-je préciser, je le rappelle, dans le respect le plus absolu de leur
liberté de créateur et de leurs convictions de citoyen – d’avoir nommé Pascal
Rambert, auteur, à Gennevilliers, Jean Lambert-Wild, auteur, à Caen, et
Olivier Py, auteur, à l’Odéon, car ils manifestent que le talent se joue des
frontières et des disciplines. C’est aussi dans cet esprit qu’avec Bertrand
Delanoë, j’ai renouvelé le mandat de Jean-Michel Ribes au Théâtre du Rond-
Point, accordant à ce théâtre, né pour et par les auteurs, des moyens
renforcés.

Dans le même esprit et la même volonté de décloisonnement, je souhaite que
soit mise en place, parallèlement au soutien et à l'encouragement que
l’engagement de l’État doit apporter aux auteurs, une véritable "filière des
textes", par laquelle les oeuvres ainsi soutenues seront diffusées auprès des
directeurs de théâtre, des metteurs en scène, ainsi que des éditeurs. La
circulation des informations, des textes, des projets, est un élément essentiel
pour permettre à la création dramatique de "monter sur scène", de trouver
son public, ses lieux, ses débouchés ; et je veux d'ailleurs remercier et
féliciter tous ceux, de Marseille à Sarran, de Pont-à-Mousson à Limoges, qui contribuent à cette circulation, à cette ouverture réciproques, à ce dialogue
constant et fécond des créateurs et des acteurs du théâtre au sens large.

Parmi ceux-ci, je veux citer en particulier l'association Aux Nouvelles Ecritures
Théâtrales (ANETH), qui organise cette année encore le Grand prix de
littérature dramatique ; je remercie également, au nom de toute la
communauté des gens de théâtre, les acteurs publics que sont le Centre
national du Théâtre, le Centre National du Livre et la Direction de la Musique,
de la Danse, du Théâtre et des Spectacles, la Société des Auteurs et
Compositeurs Dramatiques, ainsi que les Écrivains Associés du Théâtre.

C'est grâce à eux, grâce à tous les organismes qui contribuent, avec les
pouvoirs publics, à soutenir et à faire vivre la création théâtrale, que nous
pouvons aujourd'hui fêter et admirer la littérature dramatique contemporaine,
dont ce Prix reflète toute la richesse.

Vous accueillir ici aujourd’hui, c’est témoigner du rôle éminent des auteurs
dans la création, qui légitime que l’État s’engage fortement, comme je l’ai
voulu, comme je n’ai cessé de la faire depuis trois ans, pour défendre et
promouvoir leurs droits, leur travail et leurs talents.

Puissions-nous, chaque jour, dans l’exercice de nos métiers et de nos
responsabilités, ne jamais perdre de vue cette conviction prophétique de
Jeanne Laurent « que l’essentiel est d’avoir des auteurs et, si possible, des
poètes qui travaillent pour la scène ».

Je vous remercie.

Je passe la parole à M. le Président du jury, Olivier Py.