Rubrique ‘Discours 2006’

Remise des insignes de Commandeur dans l’Ordre des Arts et des Lettres à Jean-Paul Viguier

13 décembre 2006

Cher Jean-Paul Viguier,

Je suis très heureux de vous accueillir aujourd’hui, pour honorer en vous un
architecte dont l’immense talent rayonne bien au-delà de nos frontières, un
architecte qui a fait sienne la célèbre théorie pascalienne, selon laquelle le
tout est dans la partie comme la partie est dans le tout. Vous avez en effet
un souci constant de trouver la meilleure harmonie possible entre
l’architecture et l’urbanisme, sans jamais compromettre la force, l’audace et
la poésie inhérentes à vos réalisations. Ambassadeur éminent de ce
« genius loci », qui intègre le bâtiment dans la Cité, et fait que chaque lieu
est unique, vous composez vos projets sur la gamme de la culture des
villes qui les abritent, au plus près des préoccupations, des désirs, des
rêves des usagers, du monde entier.

Diplômé en architecture de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de
Paris, vous obtenez un « Master of City Planning in Urban Design » à
l’Université d’Harvard, en 1973.

De retour en France, vous vous formez à l’école des villes nouvelles, pour
lesquelles vous construisez de nombreux logements et équipements, à
Cergy-Pontoise, à Evry ou encore à L’Isle d’Abeau. Pionnier de
l’architecture bio-climatique, vous êtes lauréat du village solaire du Nandy.

Votre carrière démarre très vite, puisque dès 1981 et en 1983, vous
participez aux concours lancés par les Grands Travaux de l’Etat, et vous
remportez un premier prix du jury pour l’Opéra de la Bastille, et le premier
prix ex-aequo pour le projet de la Tête-Défense.

De 1986 à 1994, vous réalisez, avec Alain Provost, Patrick Berger et Gilles
Clément, le parc André Citroën, à Paris. Deux ans plus tard, vous en
aménagez les berges, pour le Port autonome de Paris.

Vous prônez la légèreté, la transparence, la modernité, l’innovation, toutes
qualités qui assurent selon vous la durée des bâtiments. Pour vous, le sens
doit l’emporter sur la forme, et c’est pourquoi vous allez jusqu’à faire
l’apologie du vide, du minimum de matière, qui doit laisser toute sa place à
l’imagination et à l’émotion des observateurs.

Votre succès au concours international pour la construction, à Düsseldorf,
du World Trade Center, en 1992, marque le début d’une carrière
internationale florissante, qui vous voit notamment construire trois tours à
Casablanca, étudier un Centre universel de commerce et d’expositions à
Zhuhai [Djouhaï], en Chine, et concevoir le plan d’urbanisme de la ville
nouvelle de Bandar Nusajaya en Malaisie. En 2000, vous travaillez à la
réalisation de logements à Kuala Lumpur.

Membre assidu et passionné de la Commission Nationale des
Monuments Historiques, section des abords, vous avez été très souvent
sélectionné, en raison de votre connaissance approfondie et de votre
grande sensibilité au patrimoine, pour des projets d’équipements ou
d’aménagements dans des sites d’exception. Vous avez ainsi rendu
hommage à nos plus grands monuments, le Pont du Gard, notamment,
dont vous avez aménagé le site, mais aussi la Cathédrale de Reims, en
face de laquelle vous avez érigé un temple de culture, une médiathèque,
et les arènes de Nîmes, près desquelles vous avez imaginé des
logements. Ces magnifiques projets vous ont permis de vous exprimer,
à la fois en créateur de notre temps, et en gardien des valeurs éternelles
de notre patrimoine.

Rien d’étonnant, donc, à ce que l’on vous ait confié le soin d’imaginer et
de construire le Pavillon Universel de la France à l’Exposition
internationale de Séville, en 1992, qui a été admiré par plus de sept
millions de visiteurs.

Auteur de nombreux bâtiments abritant des sièges sociaux d’entreprises
internationales, tels que GEC Alsthom Transport à Saint-Ouen, les
laboratoires pharmaceutiques Astra et Bristol-Myers Squibb à Rueil-
Malmaison, le centre de recherche de Gaz de France à Saint-Denis,
vous avez construit également de nombreux hôtels, comme le Sofitel de
Chicago, qui vous vaut le « Best Building Award » en 1998 ou encore le
Novotel du Havre. Vous avez réalisé de nombreux logements à Paris, à
Créteil, et à Asnières, notamment, mais aussi des centres de loisirs et
de culture, parmi lesquels le pôle de loisirs de La Confluence à Lyon.

Vous avez obtenu de très nombreuses récompenses en France et dans
le monde, et notamment, Goncourt de votre profession, la mention de
l’Equerre d’argent en 1998, pour votre bâtiment « Métropole 19 », rue
d’Aubervilliers, à Paris. Je tiens également à souligner votre constant et
remarquable souci de transmettre votre art aux jeunes générations, par
de nombreuses conférences à travers le monde, et notamment à
Harvard, à la Cooper Union à New York, à l’Ecole d’Architecture de
Venise, au Chicago Art Institute Festival of Humanities et à l’ Université
de Tongji Shanghai, ainsi qu’en tant que Distinguished Lecturer, au Mac
Nay Museum of Art, à San Antonio, au Texas.

Votre génie, et cette alchimie unique que vous créez, à chacune de vos
réalisations, en conjuguant le respect du site, l’harmonie de la cité, et
l’audace, la force, la beauté inédites de vos oeuvres, rayonnent dans le
monde entier.

Jean-Paul Viguier, au nom de la République, et en vertu des pouvoirs
qui nous sont conférés, nous vous faisons Commandeur dans l’Ordre
des Arts et des Lettres.

Remise des insignes de Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres à Jacques Munvez

13 décembre 2006

Cher Jacques Munvez,

Je suis très heureux de vous accueillir ce soir, et de célébrer votre talent, et
votre grande carrière au service de nos cités et de nos espaces de vie.
Ancien élève en architecture de l’Ecole Nationale supérieure des Beaux Arts
de Paris, vous avez été, en 1966, l’un des derniers « logistes » – selon le terme
consacré – du Grand Prix de Rome. Curieux et désireux de mieux saisir tous
les enjeux liés à la ville et à ses habitants, vous avez suivi, parallèlement à vos
études d’architecte, une formation à l’Institut d’urbanisme de l’Université de
Paris, ainsi que des études de sociologie à la faculté de Nanterre.

Fort de cette formation complète, vous avez exploré la vaste palette de votre
talent, en concevant des bâtiments scolaires et universitaires, mais aussi des
logements individuels et collectifs.

Vous excellez dans l’art de revisiter, par votre regard contemporain, des
édifices anciens, en conjuguant, d’un même geste, le respect du patrimoine et
l’audace créatrice. Vous avez ainsi offert une seconde vie à de nombreux
bâtiments, tels que l’auditorium et l’école de danse à l’église Saint-Pierre des
Cuisines à Toulouse ; le service départemental d’incendie et de secours de la
Haute Garonne, à Colomiers ; l’Hôtel d’Assézat, à Toulouse, pour l’installation
de la Fondation Bemberg et le relogement des Sociétés Savantes.

Permettez-moi de saluer tout particulièrement votre travail sur l’installation de
la direction régionale des affaires culturelles de Midi-Pyrénées, dans l’Hôtel
des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem à Toulouse, et la construction
d’une aile adjacente. La réussite est totale.

Le traitement contemporain de l’aménagement intérieur de la Direction
régionale des affaires culturelles fait harmonieusement écho à la magnificence
de l’esthétique monumentale que vous avez réussi, non seulement à
préserver, mais plus encore, à redécouvrir et à mettre en lumière.

Vous avez constamment le souci de concilier la créativité architecturale avec
les contraintes liées aux commandes des maîtres d’ouvrage. Vous avez
d’ailleurs créé l’association des « Architectes et Maîtres d’ouvrages de Midi-
Pyrénées », dont vous avez été longtemps le président. Riche de cet
expérience, vous avez été un précurseur dans l’enseignement de la maîtrise
d’ouvrage, un passeur enthousiaste de la grande connaissance et du savoirfaire
que vous avez acquis sur le terrain.

Vous êtes un architecte attentif et inspiré, qui fait dialoguer les siècles et les
hommes, et rend la vie à des chefs-d’oeuvre de notre patrimoine, chargés
d’histoire, dépositaires d’une part de notre identité.

Jacques Munvez, au nom de la République, nous vous faisons Chevalier dans
l’Ordre des Arts et des Lettres.

Remise des insignes de Commandeur dans l’Ordre des Arts et des Lettres à Claude Vasconi

13 décembre 2006

Cher Claude Vasconi,

Je suis très heureux de vous accueillir rue de Valois. C’est dans la
magnifique cité de Rosheim, à la beauté toute alsacienne, que vous voyez
le jour. Nul doute que votre enfance dans ce cadre enchanteur vous a
prédisposé à cette passion de l’architecture et de la ville, qui a fait de vous
le grand bâtisseur que vous êtes aujourd’hui. Nul doute, également, que
cette région carrefour, creuset des cultures, a inspiré votre désir précoce
d’exercer votre art dans toute l’Europe.

En effet, juste après avoir obtenu votre diplôme de l’Ecole Nationale
Supérieure des Arts et Industries de Strasbourg, vous vous envolez pour
Stuttgart, pour devenir l’assistant de Rolf Gutbrod et de Frei Otto. Ce pont
symbolique que vous construisez par-dessus le Rhin est l’un des plus
solides édifices de votre grande carrière, puisque vous ne cesserez, par la
suite, de travailler à la fois en France et en Allemagne.

Vous devenez très tôt, en 1966, architecte urbaniste à l’établissement
public d’aménagement de la ville nouvelle de Cergy-Pontoise, et cette
plongée précoce dans la réflexion autour, non plus seulement d’un
bâtiment, mais d’un territoire, d’une ville, dans sa globalité, dans son
caractère organique, et sa cohérence, vous marquera profondément.

Vous
insisterez toujours, dans toutes vos réalisations, sur cette notion de
territoire, et non pas sur ses composants disparates.

Je ne peux citer ici, faute de temps, la longue liste de ces réalisations, mais
elles témoignent toutes de cette articulation essentielle de la conception
architecturale et de la réflexion urbaine. Si vous travaillez dans les « villes
nouvelles », du début des années soixante-dix, c’est le grand projet du
Forum des Halles, que vous réalisez avec Georges Pencreac’h, de 1973 à
1979, qui vous révèle au public. Au coeur d’un quartier historique de notre
capitale, les Halles, noeud ferroviaire, tombé en déshérence après le
déménagement du « Ventre de Paris » à Rungis, concentrent en effet
toutes les problématiques liées à la Ville moderne. Vous en faites un
espace de vie et de loisir, en interaction avec son environnement, un lieu
unique, qui articule savamment transports, centre commercial, espaces de
détente et de culture.

Vous enchaînez ensuite les grands projets d’architecture industrielle, avec
notamment les usines Renault à Boulogne-Billancourt, ou l’usine Thomson
à Valenciennes, et les grands équipements publics, avec notamment
l’Hôpital Paul Brousse à Villejuif, le centre culturel « La Filature » à
Mulhouse, le Palais des Congrès à Reims, ou encore la Tour Lilleurope.

Vous réalisez également le Nouveau Palais de Justice de Grenoble, et
l’Unité de valorisation énergétique du Grand Quevilly, à Rouen.

Je le disais à l’instant, vous avez traversé de nombreuses fois le Rhin
pour développer des projets en Allemagne, où vous avez créé une
agence, en 1992, dans le Berlin réunifié. Vous avez notamment réalisé
l’ensemble tertiaire « Les Portes de Spandau » à Berlin, en réhabilitant
des friches industrielles, un centre de commerce et de loisirs, à Berlin-
Tegel, ou encore un centre d’affaires à Düsseldorf. Et si vous êtes
membre de l’Académie d’Architecture depuis 1991, c’est donc tout
naturellement que vous avez été élu, également, par vos pairs, Outre-
Rhin, membre d’honneur du « Bund Deutscher Architekten-BDA ».

Francfort, Luxembourg et Lausanne, parmi d’autres grandes métropoles
européennes, ont été également les théâtres de votre virtuosité.

Vous portez haut les couleurs de votre art et de l’Europe. Une Europe
que vous avez parsemée de vos oeuvres ambitieuses, résolument
ancrées dans la Cité et dans leur environnement.

Claude Vasconi, au nom de la République, nous vous faisons
Commandeur dans l’Ordre des Arts et des Lettres.

Remise des insignes de Commandeur dans l’Ordre national du Mérite à Philippe Entremont

12 décembre 2006

Cher Philippe Entremont,

Je suis très heureux de vous accueillir rue de Valois. Vous êtes de ces
artistes d’exception qui portent haut les couleurs et l’excellence de la
France, sur les scènes du monde entier.

La musique a toujours été présente dans votre vie. Votre père était
directeur de l’orchestre du Grand Théâtre de Reims, votre ville natale, et
votre premier professeur de piano ne fut autre que votre mère. Elle fut donc
également la première à découvrir votre don.

Elle confia à Rose Aye, professeur de piano à Reims, le soin de développer
cette virtuosité précoce. Mais – à élève d’exception, professeur
exceptionnel – lorsque celle-ci prit conscience que vous étiez réellement
surdoué, elle vous présenta à Marguerite Long, la dédicataire du Concerto
en sol de Maurice Ravel. La grande dame du piano accepta de vous
préparer, avec succès, au concours d’entrée du Conservatoire, et fut la
première figure tutélaire de votre parcours.

La répétitrice de Jean Doyen en fut une autre, qui vous transmit la maîtrise
technique, prélude à toute grande carrière. Mais vous comprenez très tôt
que votre meilleur professeur, c’est vous-même, et vous volez rapidement
de vos propres ailes.

Vous volez très vite, et très haut, remportant rapidement une longue liste
de récompenses et de distinctions. A l’âge de 15 ans, vous obtenez votre
premier prix de piano au Conservatoire National Supérieur de Paris. Vous
êtes finaliste du prestigieux Concours de la Reine Elisabeth de Belgique, et
lauréat du deuxième Prix du Concours Long-Thibault. Surtout, vous
remportez, aux États-Unis, la Harriet Cohen Piano Medal, qui vous permet
d’entamer une carrière de l’autre côté de l’Atlantique, en 1953.

Vous donnez, au Carnegie Hall de New York, la première américaine du
Concerto pour piano de notre grand compositeur André Jolivet. Votre
carrière nationale et internationale prend un essor immédiat, et vous jouez
sous la direction des plus grands, Igor Stravinski, Darius Milhaud, ou
encore Leonard Bernstein. En 1967, vous vous lancez vous-même dans la
direction d’orchestre.

En plus de cinquante ans de carrière, globe-trotter virtuose, vous avez
enchanté les cinq continents, avec plus de 5.000 concerts et récitals.

Vous
avez fait une place de choix à la musique française, et vous êtes en cela un
passeur exceptionnel, au-delà de nos frontières et des Océans, de la
musique de Saint Saëns, Debussy, Ravel, ou encore Satie, Roussel, et
Milhaud.

Directeur musical de l’Orchestre de chambre de Vienne, président de
l’Académie internationale de musique Maurice Ravel, à Saint-Jean-de-Luz,
directeur musical de l’Orchestre philharmonique de La Nouvelle-Orléans, de
l’Orchestre philharmonique de Denver, chef principal de l’Orchestre
Colonne, de l’Orchestre de chambre de Hollande, de celui d’Israël, et,
aujourd’hui, principal chef invité de l’orchestre de la radio de Shanghaï, et
de l’Orchestre symphonique de Munich, vous êtes un magnifique
ambassadeur de la musique, ce langage universel, dans le monde entier.

Vous avez pris, il y a douze ans, la direction du Conservatoire de la
prestigieuse Académie américaine de Fontainebleau, où Camille Saint-
Saëns, Emmanuel Chabrier ou encore Maurice Ravel furent professeurs.

Par votre talent, votre patience, vos qualités pédagogiques, vous vous
révélez le digne successeur de Nadia Boulanger, et de Gaby et Robert
Casadesus.

Je sais que les bilans ne vous intéressent pas, vous qui, malgré votre
carrière extraordinaire, avouez avoir le trac comme à vos débuts, avant un
concert. Permettez-moi donc aujourd’hui de rendre hommage à votre
magnifique carrière, qui fait de vous l’un de nos plus grands pianistes, mais
aussi, et surtout, à vos projets, aux « souvenirs à venir », comme vous
appelez joliment ces instants uniques d’émotion que vous continuerez à
partager longtemps avec nous.

Philippe Entremont, au nom du Président de la République, et en vertu des
pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Commandeur dans
l’Ordre national du Mérite.

Remise des prix aux lauréats 2006 de l’Académie internationale d’architecture

12 décembre 2006

Monsieur le Président, cher André Dufetel,

Monsieur le Directeur de l’architecture et du patrimoine, cher Michel
Clément,

Monsieur le Directeur chargé de l’architecture, cher Jean Gautier,

Mesdames et Messieurs,

Je suis particulièrement heureux de vous accueillir aujourd’hui rue de
Valois pour la cérémonie de remise des prix aux lauréats de l’Académie
internationale d’architecture.

Vous venez de rappeler, Monsieur le Président, le rôle éminent de
l’Académie internationale d’Architecture, dont nous célébrons le vingtième
anniversaire cette année. Cette organisation non gouvernementale
reconnue par les Nations Unies, présidée par l’architecte bulgare Georgi
Stoilov et qui compte 70 Académiciens élus et 60 professeurs, se réunit en
Assemblée générale tous les trois ans, lors d'un Congrès (Interarch), à
Sofia. Cette réunion est l’occasion d’organiser séminaires, expositions,
conférences et concours d’architectes auxquels ont participé, cette année,
environ 150 architectes du monde entier.

Grand Prix de Rome, membre de cette Académie internationale
d'architecture, architecte, délégué aux relations internationales de
l'Académie d'Architecture de France, vous êtes, Monsieur le Président,
parvenu à susciter des candidatures d’architectes français, membres de
l’Académie d’Architecture de France, lors du dernier Congrès (Interarch
2006). Tous ont été récompensés par des diplômes d'honneur, et cinq
d'entre eux ont reçu une distinction supplémentaire, que je suis très
heureux et très fier de leur remettre aujourd’hui.

Mais auparavant, et sans trop prolonger votre attente, je tiens à vous dire
quelques mots de la place de l’architecture et du rôle essentiel des
architectes dans la France d’aujourd’hui, car c’est bien l’amour de cet art
qui nous rassemble ici ce matin.

Vous savez en effet que je suis très sensible à mes responsabilités dans le
domaine de l'architecture et du patrimoine, parce qu’il s’agit, non seulement
de l'identité, de l'histoire et de la mémoire de notre pays, dans sa diversité,
mais aussi du cadre de vie des Français et de l'harmonie des paysages
que nous lèguerons aux générations futures.

Comme le montrent avec éclat les réalisations qui vous ont valu les
prestigieuses distinctions que je vais vous remettre dans un instant, les
pratiques d'aménagement de nos villes doivent s’inscrire dans une
perspective de développement durable, c'est-à-dire avec le souci constant
des conséquences de nos choix d'aujourd'hui pour demain.

C’est pourquoi l’architecture concerne tous les Français. Car l’évolution de
nos espaces de vie doit être maîtrisée, dans le respect de notre patrimoine
architectural, urbain et paysager exceptionnel, en laissant toute sa place à
la créativité et à l’invention qui font la force des architectes français dans le
monde entier, et là encore, vous nous en apportez toutes et tous la preuve
éclatante.

Le palmarès de l’Académie Internationale d'Architecture est une
reconnaissance supplémentaire du rayonnement que vous incarnez, de
l’architecture française en Europe et dans le monde. Parce qu’elle est l’une
des manifestations les plus vivantes de la diversité culturelle, j’attache la
plus grande importance à rendre hommage, aujourd’hui comme dans
chacun de mes déplacements à l’étranger, aux talents des architectes
français. Parce que je suis le ministre en charge de la formation des futurs
architectes, j’attache la plus grande importance au développement des
jeunes talents pour lesquels vous êtes des exemples.

Parce que l’architecture fait partie de la culture, la culture de l’architecture
doit être largement diffusée auprès de nos concitoyens et c’est l’un des
axes forts de mon action, au service des architectes, dans ce domaine.

Je vais maintenant remplir mon office auprès de la lauréate et des lauréats,
qui expriment et illustrent brillamment la vitalité, la créativité, le sens du
présent et la conscience de l’avenir de l’architecture française d’aujourd’hui.

Ont reçu les diplômes d’honneur :

• Jean-Marie Duthilleul, pour le Quartier d'affaires et pôle d'échanges de
Xizhimen [sidjeumenne] à Pékin ;

• Patrice Novarina, pour l'Ecole La Cigogne à Bois-Colombes dans les
Hauts-de-Seine ;

• Bernard Reichen, pour Zhenru [djennjou], la nouvelle identité du
second centre de Shanghai ;

• Jean-Marie Valentin, pour l'Institut de cardiologie & Fondation Adicare,
CHU de la Pitié-Salpétrière à Paris ;

• Jean-Paul Viguier, pour l'Hôtel Sofitel à Chicago ;

• Thierry Van de Wyngaert, pour la Bibliothèque Chevreul à Lyon.
Ont reçu les diplômes d’honneur et distinctions suivants :

• Françoise-Hélène Jourda, Diplôme d'Honneur Spécial, pour son projet
de centre de formation d'Herne-Sodingen en Rénanie du Nord-
Westphalie, en Allemagne ;

• Guy Autran, Prix spécial de la Maison d'Edition Atlas Style, pour le
lycée professionnel Kyoto à Poitiers ;

• Pierre Rousse, Prix spécial de l'Union des Architectes du Kazakhstan,
pour son Université pluridisciplinaire de l'Artois, Campus d'Arras ;

• Anthony Béchu (et Tom Sheehan), Prix du Ministre de la Plannification
Urbaine de Bulgarie, pour l’Académie de formation des dirigeants de
Pudong [poudong], près de Shanghai (équivalent « hybride » de l’ENA
et de l’INSEAD en Chine).

Enfin, avant de remettre le Grand Prix du Globe de Cristal, je tiens à
décerner, en quelque sorte, une « mention spéciale » à Franck
Hammoutène, Lauréat du Grand Prix du Ministre de la Culture et de la
Communication de la République française, pour l'Eglise Notre-Dame de
Pentecôte à Paris.

Cher Franck Hammoutène,

Vous êtes architecte et urbaniste, membre de l’Académie d’architecture,
Membre de l'Union Franco-Britannique des Architectes.

Nous célébrons aujourd’hui les vingt ans de l’Académie internationale
d’Architecture et il y a vingt ans déjà, vous receviez de vos pairs de
prestigieuses distinctions, le Prix de la première oeuvre et le Prix AMO
Architecture et Lieux de travail. Et cette année aussi, après de nombreux
autres prix, vous recevrez au moins deux distinctions prestigieuses : celle
que j’ai l’honneur de vous remettre aujourd’hui et le Prix de l’équerre
d’argent, que je vous remettrai bientôt.

Au coeur de la Défense, toute proche de la Grande Arche, vous avez conçu
et construit l'Eglise Notre-Dame de Pentecôte, consacrée en 2001, sur un
site exceptionnel, où se croisent la voûte blanche du CNIT, les méandres
des carrefours automobiles, la statique noire des tours. A la fois lieu de
solitude et lieu de communion, Notre-Dame de Pentecôte est comme
suspendue au-dessus du vide, surplombant les voies rapides. Les trois
parties du programme s'y organisent verticalement : chambre haute – parvis
d'accueil et de rencontre – salles de réunions. La forme de l'architecture est
issue d'une série de plans successifs qui protègent sans enfermer,
dessinent les espaces intérieurs, en créant des variations d'échelle et de
lumières qui accompagnent et effacent à la fois le monde extérieur.

Franck Hammoutène, je vous décerne le Grand Prix du Ministre de la
Culture et de la Communication.

Cher Paul Andreu,

Je suis très honoré de vous remettre aujourd’hui, pour l’ensemble de votre
oeuvre, au nom de l’Académie internationale d’Architecture, sa plus haute
distinction triennale, le Grand Prix du Globe de Cristal. Pour situer le niveau
de cette distinction, il me suffit de rappeler que vous succédez à Oscar
Niemeyer, lauréat du congrès 2003.

Diplômé de l'Ecole Polytechnique (1958), ingénieur en chef des Ponts et
Chaussées (1963), vous êtes architecte DPLG en 1968.

Vous avez reçu de très nombreuses et très prestigieuses distinctions dans
le monde entier, parmi lesquelles je ne citerai que le Grand Prix national
d’architecture, dès 1977.

Dès le début de votre carrière, vous avez rejoint la société Aéroports de
Paris, dont vous devenez architecte en chef et Directeur des projets (en
1974) puis Directeur de l'architecture et de l'ingénierie (en 1979). Parmi vos
principales réalisations figurent les aéroports de Roissy et sa gare TGVRER,
les aéroports d'Abu Dhabi, de Djakarta, du Caire, de Dar-Es-Salaam,
de Bruneï, de Kansaï dans la baie d'Osaka, de Nice, de Bordeaux, de
Pointe-à-Pitre, la Grande Arche de la Défense, ainsi que le terminal français
du tunnel sous la Manche.

Se confronter à la modernité, répondre à des programmations complexes,
planifier des infrastructures en portant une attention particulière aux cultures
locales, réaliser des ouvrages fonctionnels de pierre, de verre et de béton
avec une technique mathématique et physique universelle, tel est, Paul
Andreu, votre grand défi. Si vous confiez aux éléments le soin de
parachever vos bâtiments, en permettant à la lumière de délimiter l'espace
et de modifier la matière, vous seul réglez les détails de la construction avec
rigueur et vérité, tout en privilégiant l'harmonie de l'ouvrage dans
l'environnement et le paysage.

De conférences en jurys de concours, d'associations en commissions, vous
vous investissez constamment dans le débat architectural international, et
vos travaux ont fait l'objet des plus importantes publications mondiales.

Depuis janvier 2003, vous avez fondé votre propre agence d'architecture à
Paris. Une aventure qui vous permet d'inscrire votre travail dans une
nouvelle perspective. Vous avez achevé le Centre des Arts Orientaux à
Shanghai, qui a été inauguré à la fin de l'année 2004. Vous poursuivez des
projets magnifiques, immenses, en cours de réalisation, tel le Grand
Théâtre national de Pékin, que j’ai visité à vos côtés l’an dernier. Et je
compte bien assister l’an prochain à l’inauguration de ce monument unique,
au coeur de l’une des cités les plus mythiques, non pas une cité interdite,
mais une cité ouverte à la diversité des expressions artistiques et
culturelles. A la fois opéra, salle de concerts et de spectacles vivants, haut
lieu de création et de culture, de patrimoine et de modernité, ce projet
unique est conçu comme une véritable "ville de théâtres", une île
transparente sur un plan d'eau artificiel, entouré d'un nouveau parc urbain.

Paul Andreu, pour l’ensemble de votre oeuvre, je suis heureux de vous
décerner le Grand Prix du Globe de Cristal de l’Académie internationale
d’Architecture.

Audition devant la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, sur la sécurisation des parcours professionnels des artistes et techniciens du spectacle vivant, de l’audiovisuel et du cinéma

12 décembre 2006

Monsieur le Président, Cher Jean-Michel Dubernard,

Mesdames et Messieurs les Députés,

je vous remercie de m’avoir invité à présenter devant vous, dans le cadre
d’un rendez-vous désormais régulier, les enjeux et l’état d’avancement de
la politique de l’emploi que je conduis sans relâche depuis ma prise de
fonction.

J’apprécie, au-delà de ce que je saurais exprimer, le soutien continu,
l’attention vigilante que votre commission apporte aux questions dont j’ai la
charge.

En vous le disant, je sais que j’exprime aussi et surtout la reconnaissance
des artistes et des techniciens du spectacle, de l’ensemble des
professionnels, qui mesurent le prix de votre engagement, de l’appui de la
représentation nationale pour la cause de l’emploi dans le spectacle.

Une page est en train de se tourner, j’espère définitivement, sur ce qu’il est
convenu d’appeler la crise « des intermittents du spectacle » et que
j’appelle, moi, la nécessaire politique de soutien à l’emploi des artistes et
des techniciens du cinéma, de l’audiovisuel et du spectacle vivant.

Des efforts considérables ont été engagés depuis plus de trois ans par le
gouvernement, par la Représentation nationale. Je tiens à saluer la
constance des membres de votre commission. Celle-ci s’est manifestée,
depuis 2003, dans votre analyse, mais aussi dans votre présence, au coeur
même des évènements, aux côtés de nos artistes et techniciens.

Depuis, Monsieur le Président, le rapport rédigé par Christian Kert de la
mission d’information, présidée par Dominique Paillé, de la commission des
affaires culturelles de l’assemblée nationale, le rapport de la commission
des affaires culturelles du Sénat, en juillet 2004, les débats en séance
publique sur le spectacle vivant qui se sont tenus à l’Assemblée nationale
et au Sénat, sous la présidence effective, de Jean-Louis Debré et de
Christian Poncelet, nous avons avancé ensemble.

Ce travail a conforté celui effectué par les partenaires sociaux du secteur
comme au niveau confédéral, par les experts qui ont été missionnés (je
pense en particulier aux travaux de Jean-Paul Guillot, qui ont éclairé les
réflexions des pouvoirs publics comme des partenaires sociaux), par le
comité de suivi, initiative originale qui a permis, grâce à la mobilisation
inlassable de votre collègue Etienne Pinte et des Parlementaires de tous
bords qu’il a su rassembler, d’apporter des contributions utiles à la
construction d’un nouveau système, tous ces efforts sont en train de porter
leurs fruits.

Un nouveau protocole est sur le point d’être signé par plusieurs
confédérations de salariés ; dès lors qu’un nouveau système
d’assurance chômage est en place, librement négocié par les
partenaires sociaux, l’intervention de l’Etat avec le Fonds de
professionnalisation et de solidarité, conformément à l’engagement du
Premier Ministre vient renforcer la protection assurée par le régime
d’assurance chômage et s’articule avec lui.

Le nouveau système qui se mettra en place l’année prochaine
additionne l’intervention de la solidarité interprofessionnelle et celle de
l’Etat.

Juger du contenu des droits pour les artistes et les techniciens suppose
donc de constater la situation résultant de cette addition de solidarités.
Vous savez que, à l’occasion de l’examen des crédits de la mission
« Culture », le Sénat a tenu, dans la nuit de vendredi à samedi dernier,
par un amendement présenté par le Président Jacques Valade, à
conforter l’engagement de l’Etat et à donner la base juridique nécessaire
au versement d’allocations financées par l’Etat dans le cadre du fonds
de professionnalisation et de solidarité.

Cette initiative traduit l’engagement pérenne de la solidarité nationale en
relais de la solidarité interprofessionnelle qu’exprime le régime
spécifique d’assurance chômage des artistes et des techniciens du
spectacle.

Les contacts nécessaires sont en cours, entre les administrations
concernées et les services de l’UNEDIC, pour garantir la mise en place
effective du nouveau système, dès le début de l’année prochaine, dans
les meilleures conditions, pour les artistes et les techniciens du
spectacle comme pour les agents des ASSEDIC.

Au-delà de la solidarité interprofessionnelle et de l’assurance chômage,
il y a l’avancée des conventions collectives.

Sans vouloir préjuger de la conclusion de négociations en cours, la
structuration de l’emploi par les conventions collectives est bien
engagée. C’est par les conventions collectives, beaucoup plus que par
l’assurance chômage, que doit être organisé l’emploi dans le secteur du
spectacle vivant et enregistré. C’est la manière la plus vertueuse de
mettre fin aux abus qui ont trop longtemps miné le système.

Malgré des difficultés et des tensions entre les représentants des
employeurs et les représentants de salariés, inévitables dans ce genre
d’exercice, les négociations progressent et plusieurs d’entre elles
semblent en voie d’aboutir.

Je prendrai l’exemple de la convention pour la production audiovisuelle,
dont la négociation est en voie d’achèvement aujourd’hui même et qui,
moyennant d’ultimes échanges, pourra être prochainement proposée à
la signature des syndicats de salariés, pour illustrer les effets concrets
sur l’emploi qui sont attendus des conventions collectives :

– elle assure la couverture des salariés permanents, faisant du contrat
à durée indéterminée la norme de référence, quand il était implicitement
admis que le contrat à durée déterminée d’usage représentait la seule
forme d’organisation du travail ;

– elle encadre le recours au contrat à durée déterminée d’usage, en
limitant les fonctions et les emplois, en précisant l’objet pour lequel il
peut être conclu ;

– elle prévoit des dispositions qui encouragent à l’allongement de la
durée du travail et, notamment, une modulation de la rémunération qui
tient compte de la durée du contrat, ainsi qu’une mensualisation de la
rémunération, qui permet de donner une plus grande visibilité et une
plus grande sécurité aux salariés ;

– elle prend en compte la très grande amplitude des journées de
travail, mais prévoit, en contrepartie, que le temps de disponibilité peut
être rémunéré ;

– en un mot, elle rapproche les dispositions des contrats de travail de
la réalité des pratiques d’emploi et fait ainsi prendre en compte les
spécificités des pratiques d’emploi du secteur du spectacle par les
conventions collectives – et non plus seulement par les dispositions de
l’assurance chômage.

Comme les autres conventions collectives, puisque ces points-là font
l’objet d’un groupe de travail commun à l’ensemble des huit
commissions mixtes paritaires, un système de prévoyance est prévu
pour les non-cadres comme pour les cadres et, avant le 1er juillet
prochain, une protection en matière de santé sera mise en place pour
les artistes et techniciens intermittents. C’est bien dans le cadre des
conventions collectives que se définit le premier niveau, indispensable,
de protection sociale pour les artistes et les techniciens.

Dans chacune des autres commissions mixtes paritaires, les
négociations sont intenses, les efforts déployés par les partenaires
sociaux, représentants des employeurs comme des salariés, sont
considérables et ils font chacun, permettez moi de leur en rendre
hommage devant vous, des concessions importantes pour parvenir à un
accord dans les délais fixés. Ils y sont aidés par l’exceptionnelle
mobilisation, que je voudrais saluer publiquement, de la direction
générale du travail, des présidents de commissions mixtes paritaires,
des services du ministère de la culture et de la communication.

C’est un effort d’une ampleur et d’une cohérence sans précédent qui est
engagé pour que, enfin, comme dans tous les autres secteurs d’activité,
l’emploi dans le spectacle vivant et enregistré soit organisé par le
dialogue social et les conventions collectives.

C’est l’occasion, pour le gouvernement comme pour les partenaires
sociaux, de confirmer la spécificité de la conception française du statut
des artistes du spectacle, qui les considère comme des salariés à part
entière et leur assure toutes les protections correspondant au statut de
salarié : droits sociaux et syndicaux, rémunération, protection contre le chômage, prévoyance, santé, congés payés, organisés par le droit du
travail et la négociation collective.

Il s’agit là, trop souvent méconnu, du volet social de l’exception culturelle
française, la présomption de salariat des artistes interprètes, reconnue
désormais, grâce à un arrêt du printemps dernier, par la jurisprudence
de la Cour de justice des communautés européennes, même si celle-ci
a pris soin d’en préciser et d’en délimiter la portée. Dois-je rappeler que,
dans la plupart des autres pays, les artistes ont le statut de travailleur
indépendant, et que seule la protection de leurs droits d’auteur ou
d’interprète est assurée ?

Par l’accent mis sur la négociation des conventions collectives, le statut
de salarié des artistes est clairement réaffirmé.

C’est le socle de la sécurisation des parcours professionnels que le
système pérenne de soutien à l’emploi des artistes et techniciens du
spectacle a l’ambition de construire. Les annexes 8 et 10, redéfinies par
le nouveau protocole, et le nouveau Fonds de professionnalisation et de
solidarité constituent, ensemble, avec les conventions collectives, le
système pérenne de protection sociale et professionnelle pour les
artistes et les techniciens auquel le Gouvernement s’est engagé.

Je sais bien qu’il ne correspond pas, intégralement, à toutes les
revendications qui s’étaient exprimées ; que certaines propositions
intéressantes qui avaient été formulées n’ont pas été retenues dans la
négociation entre les partenaires sociaux interprofessionnels. Mais l’Etat
n’a pas à se substituer à eux. En concertation avec eux, l’intervention de
l’Etat vise à prendre en compte certains éléments des pratiques d’emploi
des artistes et des techniciens qui s’inscrivent dans les objectifs
assignés à la politique d’emploi dans le spectacle.

Dans le respect des responsabilités des partenaires sociaux et du
dialogue social, ce nouveau système conjugue et articule la solidarité
interprofessionnelle et la solidarité nationale au bénéfice des artistes et
des techniciens du spectacle, dont les métiers exigeants et les pratiques
d’emploi justifient un soutien spécifique.

De manière très concrète, le nouveau système ainsi constitué par les
annexes 8 et 10 et le Fonds de professionnalisation et de solidarité
prend en compte le rythme d’activité et la saisonnalité spécifiques au
secteur du spectacle. Il permet aux artistes et aux techniciens de
retrouver, pour la recherche de leurs droits, la période de référence
annuelle qui correspond au rythme de l’immense majorité d’entre eux,
même si je reconnais qu’on aurait pu y parvenir de manière plus simple.

Il maintient un seuil de 507 heures sur 12 mois tout au long de l’année
2007, soit pendant un an après la conclusion des premières conventions
collectives, pour ceux des artistes ou des techniciens qui n’y parviennent
pas en 10 mois ou 10 mois et demi, avec une allocation calculée comme
l’allocation chômage, plafonnée à 45 – par jour, pour soutenir ceux qui
en ont le plus besoin, et versée pendant 3 mois, permettant ainsi aux
intéressés de reconstituer leurs heures pour réintégrer normalement les
annexes 8 et 10.

Il prend en compte, dans les heures travaillées, les congés de maternité,
les congés de maladie de plus de trois mois ou ceux correspondant aux
maladies dont le traitement est remboursé à 100 % par l’Assurance
maladie, les congés liés aux accidents du travail, les heures de
formation dispensées par les artistes et les techniciens dans certaines
structures, à hauteur de 120 heures par an. Il garantit le maintien de
l’allocation de retour à l’emploi jusqu’à l’âge de la retraite pour les
artistes et techniciens qui ont dépassé 60 ans et demi.

Il encourage à déclarer toutes les heures travaillées, et, avec la nouvelle
formule de calcul de l’allocation et l’abandon du salaire journalier de
référence, il prévoit des montants d’indemnisation proportionnels à la
fois à la rémunération et à la durée du travail effectué et déclaré. Il incite
à choisir des contrats plus longs. Ainsi, un artiste ou un technicien aura
toujours intérêt à choisir de travailler et à déclarer tout son travail plutôt
que d’être indemnisé par l’assurance chômage. La nouvelle formule de
calcul est plus juste : elle permet d’améliorer le niveau de
l’indemnisation pour les plus bas salaires, et de la limiter pour les plus
hauts revenus. Ce n’était le cas ni dans le système de 2003 – ni dans
les systèmes qui l’ont précédé.

Il prévoit enfin, c’était une revendication très ancienne qui n’avait jamais
été satisfaite, une allocation de fin de droits lorsque les artistes et
techniciens arrivent au terme de leurs droits à indemnisation et qu’ils ne
peuvent pas bénéficier de l’allocation spécifique de solidarité parce que
leurs pratiques d’emploi spécifiques ne leur permettent pas d’en remplir
les conditions.

La durée de cette allocation, d’un montant de 30 euros par jour, est
modulable en fonction de l’ancienneté :

– 2 mois pour ceux qui ont moins de 5 ans d’ancienneté,

– 3 mois, qui peuvent être versés jusqu’à 2 fois pour ceux qui ont entre
5 et 10 ans d’ancienneté,

– 6 mois, qui peuvent être versés jusqu’à 3 fois pour ceux qui ont plus
de 10 ans d’ancienneté.

Ainsi, un artiste ou un technicien pourra bénéficier de cette allocation de
fin de droits jusqu’à 6 fois dans son parcours.

Le versement de cette allocation sera accompagné d’un soutien
professionnel adapté à la situation et aux aspirations de chacun d’entre
eux grâce à une plus forte mobilisation et une meilleure coordination des
organismes sociaux du spectacle (AUDIENS, l’organisme de
prévoyance du secteur, l’AFDAS, l’organisme de formation, l’ANPE
spectacle).

Le Fonds permettra, en effet, de détecter les artistes et techniciens en
situation de vulnérabilité professionnelle et, sur la base du volontariat de
leur part, de leur proposer un soutien professionnel adapté.

A partir des données recueillies par Audiens, pourront être détectés, de
manière systématique et exhaustive, les artistes et techniciens qui, dans
les cinq dernières années, sans que ce soit obligatoirement le signe
d’une fragilité professionnelle de leur part, sont sortis au moins une fois
du régime d’assurance-chômage, ont eu un volume d’activité qui reste durablement fixé autour du seuil minimum d’affiliation ou qui perçoivent
des revenus durablement faibles de leur activité.

En complément de la mise en oeuvre de l’accompagnement
personnalisé prévu par le protocole d’accord du 18 avril 2006, grâce à
une coopération étroite avec le réseau ANPE spectacle et l’AFDAS, ces
personnes, si elles répondent volontairement à l’invitation qui leur sera
faite à un entretien, pourront se voir proposer un soutien en termes
d’appui professionnel, de formation dans le secteur ou, le cas échéant,
d’une formation en vue d’une aide à la reconversion si elles envisagent
de quitter un secteur dans lequel il est particulièrement difficile de se
maintenir.

Cette démarche pourra être renouvelée tous les cinq ans et apportera
ainsi aux artistes et techniciens un suivi de leur carrière sur la durée.
Ce repérage systématique n’est pas exclusif de démarches individuelles
volontaires d’artistes ou de techniciens qui voudraient bénéficier d’un
soutien professionnel adapté.

De manière plus spécifique, mais également systématique, un accueil
sera prévu pour les femmes enceintes, pour les informer très
précisément de tous les droits qui leur sont ouverts – et que, bien
souvent, au-delà de ceux dont elles sont informées par leur caisse
primaire d’assurance maladie ou leur caisse d’allocations familiales,
elles ne connaissent pas – et pour les aider à préparer leur reprise
d’emploi, au terme de leur congé de maternité. Cet accueil sera
également proposé aux artistes et aux techniciens à l’issue d’un congé
de longue maladie ou lié à un accident du travail.

Par ce dispositif, c’est bien la notion de parcours professionnel qui est
prise en compte, et, par les effets conjugués des annexes, du Fonds de
professionnalisation et de solidarité et des dispositions des conventions
collectives, l’objectif est bien de proposer aux artistes et aux techniciens
une sécurisation de leur parcours professionnel.

Vous me permettrez, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les
Députés, en terminant, de souligner que cette préoccupation de l’emploi,
de la qualité de l’emploi, est une ligne de force de l’action de mon
ministère, et pas seulement dans le spectacle.

Grâce aux budgets que vous avez votés pour mon département
ministériel, j’ai pu mettre fin à des situations d’emploi indignes d’une
administration publique, qui doit s’efforcer de donner l’exemple en
matière de qualité de l’emploi, de dialogue social et de lutte contre la
précarité :

– j’ai engagé, à cette rentrée, la contractualisation des enseignants
vacataires des écoles d’architecture, projet qui était en souffrance
depuis plus de 20 ans ;

– j’ai entrepris un plan de repyramidage de la filière d’accueil et de
surveillance, afin que soit rendue possible la valorisation de notre
patrimoine muséographique et monumental ; cela faisait plus de 25 ans
que de nombreux agents n’avaient aucune perspective d’évolution ;

– j’ai décidé de placer sur contrat à durée indéterminée 350
archéologues de l’Institut national de recherche en archéologie
préventive, qui enchaînaient les contrats à durée déterminée dans des
conditions de régularité incertaine ;

– j’ai organisé, grâce à une politique de recrutement et de formation, le
renouvellement des compétences dans les métiers d’art, qui recouvrent
des spécialités rares, qu’il est essentiel de préserver pour notre
patrimoine ;

– dans le spectacle, des projets de textes, de niveau législatif ou
réglementaire, sont en cours de finalisation :

• pour encadrer et encourager les pratiques amateurs, dans des
conditions qui ne fassent pas concurrence aux professionnels,

• pour permettre aux artistes et aux techniciens qui exercent en
dehors du secteur du spectacle de bénéficier d’une couverture
conventionnelle,

• pour mieux définir les conditions de délivrance des licences
d’entrepreneurs de spectacles,

• pour lier davantage subventions publiques et conditions d’emploi,

• pour renforcer les contrôles et leurs conséquences vis à vis des
employeurs ;

– j’ai engagé avec le concours de l’Agence nationale pour
l’amélioration des conditions de travail (ANACT), dans trois régions, une
démarche expérimentale de consolidation de l’emploi dans les
différentes structures du spectacle vivant et enregistré,

– j’ai invité les employeurs de l’audiovisuel public à constituer un
observatoire de l’emploi dans l’audiovisuel public et à élaborer un guide
des bonnes pratiques en matière de recours à l’intermittence : ils ont
confié ces missions à l’Association des employeurs du service public de
l’audiovisuel (AESPA).

Il ne s’agit pas, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les
Députés, d’une politique conjoncturelle, liée à « la crise des
intermittents » ; il s’agit d’un mouvement de fond, durable, qui traduit la
prise de conscience, par le Ministère de la culture et de la
communication, de la responsabilité éminente qui lui incombe en
matière d’emploi, avec le concours et le soutien actif des autres
départements ministériels que je voudrais remercier devant vous,
chargés de l’Emploi, certes, mais aussi de la Fonction publique et du
Budget, sous l’autorité du Premier Ministre.

Pour cet enjeu, pour cette transformation, je sais pouvoir compter sur
tout votre appui – et je voudrais très profondément, très sincèrement,
très chaleureusement, vous en remercier.

Remise des insignes de Commandeur dans l’Ordre des Arts et des Lettres à David Puttnam

12 décembre 2006

Cher David Puttnam,

Je suis particulièrement heureux de vous recevoir aujourd’hui, pour honorer
en vous un véritable visionnaire, un producteur de grand talent, passionné,
engagé, audacieux. Oui, la passion, l’engagement et l’audace sont les
maîtres mots de votre carrière dans le cinéma, une carrière jalonnée de
magnifiques succès, une carrière que vous avez passée à défendre, sans
relâche, le cinéma britannique, aux côtés de réalisateurs prestigieux, qui
nous ont livré parmi les plus beaux chefs-d’oeuvre du septième art.

Cette très belle carrière, vous l’avez commencée dans l’image, dans la
publicité tout d’abord, puis dans la photographie, notamment aux côtés du
célèbre photographe David Bailey. Curieux, ouvert et avide de nouvelles
découvertes, chaque succès vous a poussé à conquérir de nouveaux
horizons. Et c’est assez vite que vous avez rejoint le secteur
particulièrement périlleux mais ô combien passionnant de la production
cinématographique.

Votre premier film en tant que producteur fut un moyen métrage de David
Mingay, Peacemaking 1919, en 1971. La même année, vous produisez
votre premier long métrage, Melody de Waris Hussein, un réalisateur dont
la carrière s’est ensuite poursuivie avec succès, notamment à la télévision.

Il fut le premier d’une longue liste de cinéastes qui, grâce à votre talent, à
votre courage, à votre intuition, ont pu réaliser leur rêve de cinéma. Vous
avez en effet produit beaucoup de premières oeuvres, soucieux de donner
leur chance à de nouveaux talents prometteurs.

Cette intuition, ce discernement, vous ont en effet permis très tôt non pas
de parier, mais de croire en des réalisateurs aujourd’hui cultes, et
d’apporter ainsi votre soutien à des oeuvres grandioses, qui ont connu
d’immenses succès dans votre pays, mais aussi en France et dans le
monde entier : Les duellistes de Ridley Scott en 1977, Midnight Express
d’Alan Parker en 1978, avec 6 millions d’entrées dans les salles
françaises, Les chariots de feu de Hugh Hudson en 1981, La déchirure en
1984, puis Mission en 1986, de Roland Joffé. Autant d’oeuvres magistrales
qui ont remporté les plus grandes récompenses internationales et
profondément marqué l’histoire du cinéma contemporain.

Grâce à vous, la création britannique a connu un véritable nouveau souffle,
et puisé dans des sujets souvent sensibles, l’inspiration d’un cinéma
engagé, militant, humaniste.

Permettez-moi d’avoir une tendresse particulière pour le film de Bill
Forsyth que vous avez produit en 1983, Local Hero, avec notamment
Burt Lancaster. C’est un film d’une grande sobriété, sur les rapports que
nouent les habitants d’un petit village d’Ecosse et des représentants
d’une multinationale américaine qui veulent y implanter un complexe
pétrolier, mais c’est aussi une fable d’une efficacité redoutable sur les
liens complexes qui unissent l’Europe et les États-Unis.

Il est vrai que vous avez éprouvé la complexité de ces liens, de manière
très personnelle, lorsque vous avez quitté votre Grande-Bretagne natale
pour devenir Président-Directeur général des films Columbia et vice-président
exécutif de Columbia Pictures Industries à Los Angeles, de
1986 à 1988.

Pour donner une idée de la rapidité des bouleversements qui ont touché
l’industrie du film, et de la faculté d’oubli des acteurs de ce secteur, vous
aimez raconter cette anecdote, du comédien Jack Benny. Un jour, alors
qu’il passait devant les Studios Warner Bros, celui-ci dit au gardien, à
l’entrée : « Vous savez, j’ai fait un film ici, qui s’appelait The Horn blows
at midnignt. Vous l’avez vu ? » Le gardien lui répondit : « Comment ça
« vu » ? Je l’ai produit ! »

Et si vous avez, vous aussi, mis un terme à vos activités dans la
production, vous pouvez être certain que la longue liste des chefsd’oeuvre
que l’on vous doit restera, pour toujours, dans toutes les
mémoires.

L’engagement qui était le fil rouge des oeuvres que vous avez produites,
vous l’avez mis en pratique en rejoignant, en 1997, la Chambre des
Lords, pour le Labour. Vous avez également mis votre passion et votre
enthousiasme au service de la transmission et de l’éducation, en veillant
à la formation des jeunes talents du cinéma et de la télévision, en tant
que président de la National Film and Television School, où vous avez
eu la chance de compter parmi vos élèves Nick Park, le créateur des
désopilants Wallace et Gromit.

Vous avez ensuite présidé l’Université de Sunderland, dans le comté de
Tyne and Wear, au Nord-Est de l’Angleterre, pendant dix ans, et vous
venez de devenir Président de l’une des plus grandes universités au
monde, l’Open University, basée à Milton Keynes dans le
Buckinghamshire, mais qui compte des étudiants dans le monde entier,
grâce notamment à l’Internet.

Oui, vous êtes un homme engagé, et votre sincérité, votre générosité
vous ont valu d’être nommé président de l’UNICEF britannique en 2002.
Je suis très heureux d’honorer aujourd’hui en vous un producteur de
grand talent, un découvreur de génie, un passeur précieux d’art et de
savoir auprès de toutes les générations amoureuses de cinéma et de
culture, mais surtout un authentique humaniste.

David Puttnam, au nom de la République, nous vous remettons les
insignes de Commandeur dans l’ordre des Arts et des Lettres.

Remise des insignes de Commandeur dans l’Ordre des Arts et des Lettres à Claude Nobs

12 décembre 2006

Cher Claude Nobs,

Je suis très heureux de vous honorer aujourd’hui, vous qui êtes une
mémoire vivante du jazz, une figure tutélaire de ce mouvement musical
envoûtant, mouvant et protéiforme, que vous avez largement contribué à
faire connaître et aimer en Suisse et en France, en Europe et dans le
monde entier, grâce au Festival que vous avez fondé, à Montreux. Avec
vous, cette ville magnifique, qui voit plonger les montagnes dans le Lac
Léman, résonne tous les ans des sons et des rythmes des plus grands
artistes, et rayonne aujourd’hui comme la capitale internationale du jazz.

Votre passion pour cette musique est précoce, aiguisée par les 78 tours
que votre père vous laisse écouter, juger, classer et aimer. Mais, pendant
votre enfance et votre adolescence, le jazz se dispute encore vos faveurs
avec cet autre art savoureux des couleurs et des volutes qu’est l’art
culinaire. Vous préférez alors la toque blanche aux notes bleues, et, après
un bref passage par le buffet de la gare de Spiez, vous poursuivez votre
apprentissage au prestigieux Hôtel Schweizerhof de Bâle, pour devenir un
grand cuisinier.

Mais le patron de l’Office de tourisme de Montreux vous invite à oeuvrer
pour le rayonnement de cette ville et de cette région que vous adorez, et
vous vous lancez alors dans le tourisme. Vous sillonnez l’Europe pour en
faire la promotion, avec, toujours, dans les oreilles et dans le coeur, les
musiques de vos idoles, Django Reinhardt, Duke Ellington, Ray Charles et
Aretha Franklin. A l’Association des jeunes de Montreux, dont vous êtes un
fondateur, vous organisez des « petits » concerts et rêvez à un « grand »
Festival.

Dépêché à New York par l’Office de tourisme, vous décidez de frapper à la
porte de votre label favori, l’une des plus grandes compagnies de disques,
Atlantic Records. Après avoir été reçu par le Directeur, Nesuhi Ertegun,
vous croisez Roberta Flack dans les couloirs, et vous l’invitez à la Rose
d’Or de Montreux. Elle sera la première d’une longue liste de monstres
sacrés du jazz, que vous ferez venir pour la première fois en Europe. La
deuxième n’est autre qu’Aretha Franklin.

La suite, nous la connaissons tous. Vous fondez le Festival de jazz de
Montreux, et vous vous payez le luxe, pour sa première édition, d’inviter
des artistes aussi mythiques que Charles Lloyd ou Keith Jarrett. Vous
jetez un pont entre l’Europe et les Etats-Unis, un pont d’amitié solide et
durable, autour de la passion du jazz, de cette musique par essence
festive, conviviale, envoûtante, de cette musique qui rassemble, qui
libère et qui emporte.

Ces liens se resserrent encore en 1973, date à laquelle Nesuhi Ertegun
vous nomme Directeur de Warner, Elektra et Atlantic pour la Suisse.

Atlantic produit alors des artistes qui viennent jouer à Montreux pendant
l’été.

Dans les années quatre-vingt-dix, vous partagez la direction du Festival
avec Quincy Jones. Votre manifestation, que vous avez
progressivement ouvert à de nombreux genres musicaux, attire un
public de plus en plus nombreux, et en 2004, vous accueillez 200 000
spectateurs.

Aux côtés des jeunes artistes qui y trouvent tous les ans une vitrine
d’exception pour révéler leur talent, tous les « grands » sont passés à
Montreux ou y sont même revenus régulièrement, Ray Charles, Charles
Mingus, Miles Davis, Sonny Rollins et Deep Purple, mais aussi Bob
Dylan, Ella Fitzgerald, Frank Zappa, Leonard Cohen, Johnny Cash,
Joao Gilberto, les Pretenders, Stéphane Eicher, ou encore l’Orchestre
national de Lille. Oui, avec vous, Montreux ouvre les bras aux génies du
jazz, du rap, de la musique brésilienne, du reggae, du flamenco, et de la
belle et grande diversité qui fait la richesse des musiques du monde
entier.

En fondant le Festival de Montreux, vous avez réalisé un véritable
miracle, que vous perpétuez tous les ans, offrant à un public toujours
plus nombreux le meilleur de la scène musicale internationale, un
hymne éclectique à la diversité de notre monde, un véritable creuset des
cultures et des identités, dont vous tirez, alchimiste que vous êtes, des
moments précieux et uniques.

Claude Nobs, au nom de la République, nous vous remettons les
insignes de Commandeur dans l’Ordre des Arts et des Lettres.

Inauguration de la médiathèque d’Antibes

11 décembre 2006

Monsieur le Ministre, Cher Christian Estrosi,

Monsieur le Député Maire d’Antibes-Juan les Pins, cher Jean Leonetti,

Mesdames, Messieurs les élus,

Monsieur le Préfet,

Monsieur le Directeur régional des affaires culturelles, cher Jean-Luc
Bredel,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis très heureux d’être présent parmi vous, dans cette magnifique ville
d’Antibes, où j’avais eu la chance de célébrer la Nuit des musées, l’année
dernière, au musée Picasso. Ville à la fois secrète et ouverte, ancrée dans
le passé de ses remparts et tournée vers la mer, l’avenir, ville dense et
légère à la fois, alternant la paix de l’ombre et l’euphorie de la lumière, ville
des artistes, de Picasso, bien entendu, mais aussi de Nicolas de Staël, qui
y passa les dernières années de sa vie, Antibes demeure le coeur intact,
envié et aimé de la Côte d’Azur.

Je dédie l’inauguration de cette médiathèque aux populations de l’autre rive
de la Méditerranée, victimes de la violence et du fanatisme. Je pense à ce
grand pays qu’est le Liban.

Au coeur d’Antibes, au carrefour de la vie de la cité, se dresse aujourd’hui
cette nouvelle médiathèque. Il fallait rajeunir, recentrer l'offre de lecture
publique, déjà présente dans la ville, mais qui souffrait d’un éclatement
excessif. Par cette nouvelle médiathèque, à l’architecture claire et
harmonieuse, Antibes affirme la modernité et l’ambition de sa politique du
livre et de la lecture.

Cette inauguration est d’autant plus émouvante que c’est l’une dernières
réalisations de Pierre Riboulet, ce très grand architecte qui était aussi un
grand humaniste, qui concevait l’architecture comme une mission, afin que
le public se sente à l’aise, comme chez lui, heureux dans le bâtiment qu’il
avait dessiné. Une bibliothèque n’est-elle pas, ainsi que le dit joliment
Tahar Ben Jelloun, « une chambre d’amis » ?. Et je souhaite saluer
l’architecte Bruno Huerre qui a su poursuivre son oeuvre.

Pierre Riboulet était non seulement un grand architecte, mais aussi un
amoureux des livres, soucieux, par dessus tout, de les mettre en valeur ; il
a merveilleusement oeuvré, tout au long de sa vie, pour l’édification de
médiathèques qui sont devenues des exemples, des fleurons de notre
pays ; et l’on sent, ici, d’étage en étage, de palier en palier, dans la fluidité,
l’aisance de la circulation, chacun de ses pas, chacune de ses pensées ; il
savait concilier, comme il le fait merveilleusement dans cette médiathèque,
mobilité et esthétique, élégance et efficacité, subtilité et utilité, avec cet
atrium central qui semble représenter, contenir la lumière de son souvenir.

Il savait qu’une médiathèque, de nos jours, doit être l’incarnation, la
meilleure preuve, le signe le plus évident de la démocratisation de la
culture. Oui, la médiathèque est « un lieu clos, ouvert sur le monde »,
comme le disait Pierre Riboulet.

C’est pourquoi le service d’actualité et d’information proposé ici jouera un
rôle capital. Une médiathèque est aussi un lieu d’animation, et son
équipement, notamment par le biais de l’auditorium, permettra, je
l'espère, de très nombreuses rencontres, des débats, des échanges
fructueux pour l'harmonie de la cité. Sa fonction, sa vocation est d’être
ouverte à tous, de faire se rencontrer tous les âges, toutes les
sensibilités, toutes les époques, tous les modes d’expression. Et je
remarque avec plaisir combien sont atténuées ici les éventuelles
séparations entre les sections et entre les supports. Pas d’espace
strictement réservé et clos, sauf celui consacré aux fonds rares et
précieux, et ceci – je m’en félicite – grâce au rapatriement du fonds local
et patrimonial à la médiathèque. Chacun ici doit se sentir accueilli et
accueillir c’est donner l’esprit de découverte.

Elle disposera aussi d’un équipement informatique conséquent. On ne
peut rêver meilleure alliance de l’ancien et du moderne, du respect du
passé et des moyens de l’avenir.

Antibes est aussi, par excellence, la ville de la Musique avec le festival
de jazz, bien sûr, mais aussi le festival d’Art lyrique, « musiques au
coeur », le festival du jeune Soliste et le Conservatoire. La médiathèque
s’en fera l’écho, en réunissant nombre de documents sonores, et une
salle d’écoute collective. Tous les arts se trouvent donc réunis, et nous
sommes là pour écouter, ensemble, cette polyphonie.

Cette médiathèque représente un projet extrêmement ambitieux. Et sa
réalisation correspond parfaitement à cette ambition. C’est un beau navire,
confié à la capacité d’initiative, à l’imagination et au souci constant du bien
public de Marie-Hélène Cazalet, qui dirigera cet établissement, à la tête
d’une équipe sûre et dévouée. Ce beau navire vous doit tant, Monsieur le
Député Maire, vous qui en avez fait l’une des réalisations majeures de votre
programme culturel, et l’on sait combien Antibes est, grâce à vous, tout
entière baignée de culture ; vous avez veillé à la construction de ce
magnifique vaisseau, mais aussi, et surtout, comme président de la
communauté d'agglomération, vous avez pris soin de l’équiper et de le faire
naviguer dans les meilleures conditions. Le ministère de la Culture et de la
Communication a pleinement rempli son rôle de soutien et
d’accompagnement en apportant environ un tiers du financement de cette
belle réalisation, portée également par la région Provence-Alpes-Côte
d'Azur et le Conseil Général. Cette nouvelle médiathèque est le fruit de
l’addition des énergies de tous.

Tous les soutiens financiers n’ont de sens que par la volonté, le goût,
l’ardeur des hommes, en l’occurrence des élus et de la population de votre
agglomération, auxquels je souhaite désormais de jouir pleinement du
nouveau bâtiment et de son offre culturelle.

D’autres projets sont à l’étude dans le département, notamment la
rénovation du Musée Picasso. Je peux vous annoncer que l’Etat sera votre
partenaire. C’est mon 346ème déplacement en 32 mois en France et je peux
vous assurer que je reviendrai chaque fois que nécessaire pour jalonner le
parcours des projets.

Je vous remercie.

Remise des insignes d’officier dans l’Ordre national du mérite à Jean-Luc Bredel

7 décembre 2006

Cher Jean-Luc Bredel,

Je suis très heureux de vous accueillir aujourd’hui rue de Valois, pour honorer en vous un
haut fonctionnaire, dont l’engagement et l’enthousiasme quotidiens au service de la culture
et de l’intérêt général font figure d’exemple.

Vos études d’allemand, couronnées d’une agrégation, ont fait de vous un parfait bilingue.

Vous faites en effet partie de cette camarilla de DRAC germanistes, qui fut particulièrement
bien représentée à mon cabinet par Didier Deschamps. Je rends également hommage
aujourd’hui à un authentique musicien : à vous avez été élève de la Musikhochschule de
Vienne, où vous avez suivi les classes de luth Renaissance et de guitare classique. Et si
vous avez voué votre carrière au service public, vous n’avez jamais cessé d’exercer votre
art, tissant votre vie de cette double passion, de cette double vocation.

Après avoir enseigné pendant trois ans à Rouen, vous vous envolez pour l’université de Kiel,
en tant que lecteur. Vous devenez alors, pour trois années, délégué culturel de l’Ambassade
pour le Schleswig-Holstein. Vous approfondissez ensuite votre expérience et votre
exploration de notre réseau culturel en Europe, à la tête des Instituts français d’Heidelberg
tout d’abord, puis d’Innsbruck et de Vienne. Vous poursuivez votre activité d’enseignement
au sein des universités de ces villes, ainsi qu’à l’Académie diplomatique de Vienne.

Vous forgez, en parallèle, votre culture et votre pratique musicales. Premier prix de guitare
classique du Conservatoire du Havre en 1968, premier prix d’histoire de la musique du
conservatoire national de région de Rouen en 1978, vous exercez, en tant qu’interprète et
musicologue, une importante activité de concertiste. Vous vous produisez dans de
nombreuses émissions radiophoniques et télévisées et participez, dans une quinzaine de
pays, à des concerts de renom.

De retour en France, en 1991, vous décidez de mettre vos compétences au service d’une
grande collectivité territoriale qui parie, avec succès, sur la culture pour relancer son
développement et son rayonnement, et vous devenez directeur général de la culture,
secrétaire général adjoint, de la ville de Lille. En poste jusqu'à 1997, à la tête d’un service de
400 agents, vous assurez, pour la ville, la tutelle des structures prestigieuses du monde de la
culture lilloise, comme le Festival de la Ville, l’Aéronef, l’Orchestre national de Lille, ou
encore le Festival Fest’Africa.

Vous créez et gérez la saison « Musique et Patrimoine » à l’hospice Comtesse, et vous
assurerez également le suivi technique et financier du chantier de rénovation et d’extension
du musée des Beaux-arts, qui vous mobilisera particulièrement.

Parallèlement à votre mission de serviteur de l’Etat, vous vous investissez directement et
personnellement dans l’action culturelle, créant en 2001 l’Action culturelle en milieu scolaire
en Alsace, avec Marc Debène, alors Recteur de l’Académie, structure que vous présiderez
jusqu’en 2004.

Depuis 2002, vous siégez également, en qualité d’administrateur à l’Observatoire des
Politiques culturelles de Grenoble. Vous participez au groupe national de suivi des
protocoles de décentralisation culturelle jusqu’en 2003, et enfin, vous présidez la
commission Culture de la conférence du Rhin Supérieur en 2004.

Fort de votre expérience à l’étranger, vous avez joué un rôle précieux, et pionnier, dans
l’élaboration des tout premiers éléments de coopération culturelle décentralisée, avec l’une
des premières conventions Villes-Association Française d’Action Artistique. Vous créez,
avec Jean Digne, alors Directeur de l’Association, le « club AFAA-Collectivités territoriales »
qui donnera ensuite naissance aux conventions « CulturesFrance-Conseils régionaux-DRAC
».

A l’issue d’un nouveau séjour outre-Rhin, durant lequel vous dirigez l’Institut français de
Cologne, vous rejoignez le ministère de la Culture et de la Communication, pour prendre la
tête de la direction régionale des affaires culturelles d’Alsace, région dont l’histoire et la
culture sont particulièrement en adéquation avec votre formation et votre expérience. Vous y
passerez, comme vous le dites vous-même, six années de travail et de bonheur.

L’année 2004 vous verra faire un grand écart géographique puisque vous êtes nommé, dès
le lendemain de mon arrivée au ministère, à la direction régionale des affaires culturelles de
la région Provence Alpes Côte d’Azur.

Vous voici donc face à de multiples et passionnants acteurs de la culture et des arts, dans
une région au tissu culturel dense, réparti dans six départements, siège des très prestigieux
festivals d’Aix-en-Provence, d’Avignon, de Cannes ou encore de la Roque d’Antheron. Une
région où les visites ministérielles, pour fréquentes et nécessaires qu’elles soient, ne sont
pas toujours des parties de plaisir ! Mais je me réjouis de vous y retrouver dès lundi, pour
l’inauguration de la médiathèque d’Antibes.

La richesse exceptionnelle du patrimoine antique est l’une des autres particularités de cette
région, que vous appréhendez à travers le «Plan pour le patrimoine antique », en partenariat
avec les collectivités.

Votre mandat vous conduit, dans le domaine des musées, à suivre le démarrage effectif du
Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, à Marseille, qui traduit
l’engagement du gouvernement en faveur de grands investissements structurants en région.

Mélomane et musicien, professeur et haut fonctionnaire, passionné de poésie et d’histoire,
ouvert à toutes les rencontres, à toutes les cultures, à toutes les expériences et toutes les
découvertes, vous êtes l’illustration même de cette magnifique phrase de ce poète que vous
admirez tant, Rainer Maria Rilke : « Toute une constellation d'événements est nécessaire
pour une seule réussite. »

Jean-Luc Bredel, au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont
conférés, nous vous faisons Officier dans l’Ordre national du Mérite.