Rubrique ‘Discours 2005’

Projection du film 1802, l'Epopée Guadeloupéenne – cinémathèque française

29 novembre 2005

Madame la Ministre, Chère Lucette Michaux-Chevry,

Monsieur le Directeur Général de la Cinémathèque, Cher Serge
Toubiana,

Monsieur le Directeur Général de Réseau France Outre-mer, Cher
François Guilbeau,

Cher Christian Lara,

Cher Yann Chayia,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis très heureux de vous accueillir à la Cinémathèque française,
au 51 rue de Bercy, dans ce haut lieu de la cinéphilie, de l’amour du
cinéma, de la passion des images et de la création, qui est avant
tout ce qui nous réunit ce soir. J’ai eu le plaisir de l’inaugurer il y a
quelques semaines, aux côtés de Martin Scorsese, juste avant que
la communauté internationale adopte, le 20 octobre dernier, sous
les auspices de l’Unesco, à la quasi-unanimité, la convention qui
inscrit pour la première fois la diversité culturelle dans le droit
international.

Et ce soir là, Scorsese a déclaré que c’est en regardant les films de
patrimoine, les films qui ont marqué l’histoire du cinéma, comme
ceux qui sont régulièrement projetés ici, qu’il a réalisé « que le
cinéma était un langage international et un art international pour
tous ».

Oui, je tiens à vous dire combien le combat pour le respect des
droits des créateurs, pour la diversité culturelle, unit tous ceux qui,
de part et d’autre des mers, et sur tous les continents, ont à coeur
de défendre l’expression des identités et de la créativité dans
l’égale dignité de toutes les cultures.

La présentation, ce soir, ici, de vos films, cher Christian Lara, cher
Yann Chayia, est doublement symbolique.

D’abord, ce lieu est un lieu de mémoire, la mémoire du cinéma,
mais aussi la mémoire des hommes. Et le film que nous allons voir
ce soir, cher Christian Lara, 1802 L’Epopée guadeloupéenne, est
une grande fresque historique. La fresque d’un peuple en quête de
sa liberté alors que, Bonaparte étant premier consul, les tractations
reprennent, pour rétablir l’esclavage, qui avait été aboli en 1794 par
la Convention, par le fameux décret du 16 pluviôse, An II.

A quelques jours du 2 décembre, c’est un pan de l’histoire de la
Guadeloupe, de l’histoire de France et de l’histoire de l’humanité
que votre film nous fait revivre, avec la lutte de tous ceux qui, sous
l’impulsion du lieutenant-colonel Louis Delgrès, ont choisi, il y a
deux cents ans, d’offrir leur vie en sacrifice à leur liberté, à leur
dignité, à nos valeurs.

Cher Christian Lara, vous êtes un pionnier. Depuis votre premier
court métrage, Lorsque l’herbe court, en 1968, jusqu’à votre premier
long métrage, en 1978, Coco la fleur, candidat, c’est avec votre
oeuvre que naît le cinéma antillais. Depuis, vos treize films nous
parlent des Antilles, de l’histoire de ces îles et de leurs peuples, de
leur quête d’identité et de leur lutte pour la liberté, cette « arme
miraculeuse » selon l’expression d’Aimé Césaire.

Depuis, vous avez été suivi par de nombreux talents. Je pense en
particulier à Gabriel Glissant, Constant Gros-Dubois, Benjamin
Jules-Rosette, Julius Amédée-Laou, Willy Rameau, Guy Deslauriers
et enfin Euzhan Palcy qui, grâce au succès international de Rue
Cases Nègres, d’après le livre de Joseph Zobel, a donné une
reconnaissance mondiale au cinéma antillais.

Je souhaite que vos films et que le film que nous allons voir ce soir,
soit vu sur nos écrans, petits et grands, partout en France, dans
l’hexagone, et je tiens à remercier pour leur engagement à vos
côtés, le Conseil régional de Guadeloupe – Lucette Michaux-Chevry
a soutenu dès le départ votre projet – et RFO, ainsi que votre
coproducteur Albert Pigot, qui vous ont permis de réaliser ce film.

Je tiens à saluer l’action de RFO pour diffuser et faire connaître la
créativité artistique exceptionnelle de l’Outre-mer, au sein de notre
paysage audiovisuel.

Tout récemment, le Président de la République, en décidant qu’un
canal de la TNT serait attribué à France Ô, dans des conditions à
définir, a manifesté à RFO cette confiance, et a pris là une décision
pleine de sens.

Et au-delà, je veux saisir l’occasion de votre présence ce soir pour
vous dire combien nous avons besoin de votre richesse, de votre
expression, de votre identité, dans leur diversité, dans leur pluralité,
qui doivent s’exprimer dans la production artistique et culturelle en
général, et notamment au cinéma et dans les médias.

C’est pourquoi, et c’est la seconde portée symbolique forte de notre
rencontre ce soir, je suis heureux de découvrir avec vous le court
métrage Monsieur Etienne de Yann Chayia. Ce film qui est votre
quatrième court métrage, a été sélectionné à Cannes cette année
par la semaine de la critique. Depuis, il a été présenté dans une
quinzaine de festivals à travers le monde. Et je sais que vous
travaillez à votre premier long métrage, intitulé Chroniques
antillaises.

Vous incarnez la nouvelle génération aux côtés de Christian
Grandman, Jean-Claude Flamand Barny, dont nous avons pu
apprécier le premier film très réussi Neg Marron, produit par
Mathieu Kassovitz, Marc Barrat, Chris Delaporte et Djibril Glissant,
ancien élève de la Fémis, dont le premier film, L’Eclaireur, a reçu l’avance sur recettes et sort le 15 février prochain. Je prie ceux que
j’aurais oubliés de bien vouloir m’en excuser.

J’ai tenu à ce que vos films soient présentés, non seulement aux
professionnels du cinéma ici présents – et c’est très important –
mais aussi à de jeunes talents, à des artistes, à des créateurs, que
je salue, et qui sont actifs dans de nombreuses disciplines
artistiques, et notamment les arts plastiques, mais aussi les arts de
la scène.

Vous ne faîtes pas seulement partie de votre paysage culturel. Vous
n’êtes pas seulement « différemment français », comme le disait
Greg Germain du théâtre de l’Outre-mer en Avignon, vous faites la
force du rayonnement culturel de la France, qui a beaucoup à
gagner à reconnaître, à respecter, et à mettre en commun, à
rassembler, non seulement votre histoire et votre mémoire, mais
aussi vos talents d’aujourd’hui.

Je vous remercie.

Présentation de « Jours de Fêtes » au Grand Palais

29 novembre 2005

Je suis très heureux de vous rencontrer ce matin pour vous présenter un
événement exceptionnel.

Vous le savez, la réouverture de l’immense nef de verre et d’acier restaurée, à
l’occasion des XXIIe Journées européennes du patrimoine, a rencontré un très
grand succès public. Plus d’un demi-million de personnes l’ont redécouverte
avec émerveillement, ornée des globes monumentaux de Coronelli et mise en
valeur par la scénographie de Patrick Bouchain et la création lumineuse et
sonore de Thierry Dreyfus et Frédéric Sanchez.

Je donnerai dans un instant la parole à Patrick Bouchain, scénographe, à
Thierry Dreyfus, plasticien et scénographe, et à Christophe Monier alias The
Micronauts, compositeur.

Tous les visiteurs qui ont ressenti, lors de la réouverture, l’extraordinaire
énergie transmise par ce lieu unique, retrouveront, j’en suis convaincu, ces
sensations, sur un mode ludique, grâce aux « Jours de Fêtes au Grand
Palais », auxquels je vous invite, du jeudi 15 décembre au lundi 2 janvier
2006, et je vous donne dès aujourd’hui rendez-vous pour l’inauguration le
mercredi 14 décembre prochain.

En effet, j’ai souhaité qu’à l’occasion des fêtes de fin d’année, le Grand Palais
soit à nouveau ouvert au grand public. Grâce au savoir-faire de l’établissement
public du parc de la Villette, avec le concours du comité de promotion de la
fête foraine française, présidé par Frank Fréchon, et de l’Ecole nationale des
arts du cirque de Rosny-sous-bois, la verrière, illuminée par le talent des
artistes et des musiciens, par l’architecture et la scénographie de Patrick
Bouchain et de Thierry Dreyfus, par la bande son de Christophe Monier, alias
The Micronauts, faite d’un mix de musiques électroniques, par l’ambiance de la
fête foraine et les mouvements des deux grandes roues, l’une de trente mètres
de haut et l’autre de quatorze mètres de haut, offrira un parcours festif, ludique
et artistique, dédié au cirque, aux spectacles et aux arts forains.

Le public découvrira le travail de qualité des écoles de cirque en France, grâce
à L’Ecole nationale du cirque de Rosny, présidée par Bernard Turin,
représenté aujourd’hui par sa directrice Anny Goyer. Les spectacles seront en
effet présentés par des artistes dont la grande majorité ont été formés par cette
Ecole. Des musiciens feront le lien entre les numéros et accompagneront les
artistes pendant leurs prestations. Dix-huit artistes de cirque, qui travaillent
dans des compagnies de cirque contemporain, et les quatre musiciens de
Thomas Fersen, se relaieront en alternance, sur la piste du chapiteau à ciel
ouvert, sous la verrière.

Sous la direction artistique de Bernard Turin et Luc Richard, directeur
pédagogique et enseignant à l’Ecole nationale des arts du cirque de Rosny,
deux spectacles par jour seront proposés, à 17H30 et 21H00. 540 places
seront disponibles dans les gradins.

Les disciplines suivantes seront présentées : Trapèze ballant, Trampoline,
Mât chinois, Roue allemande, Corde volante, Jonglerie, Cadre aérien,
Portique Coréen, Corde volante, Equilibres, Diabolo élastique, Acrobaties.

Ces « Jours de Fêtes au Grand Palais» seront aussi des jours de partage :
des ateliers de découverte de quelques disciplines du cirque seront proposés
au public de 7 à 77 ans, qui pourra s’initier, chaque jour, avec des artistes et
des enseignants de cirque, à la jonglerie, à l’équilibre sur engin, à l’acrobatie
portée et au trampoline.

Vous trouverez la liste des attractions foraines dans votre dossier de presse,
page 5. Elles seront accompagnées de stands de restauration qui
embaumeront le Grand Palais des senteurs de nougat, de barbe à papa et de
pommes d’amour.

Les arts du cirque, les arts forains, contribueront à faire de ce haut lieu de
culture un lieu de convivialité et de partage.

Depuis l’exposition universelle de 1900, le Grand Palais a toujours été dédié
au rayonnement de la France dans ses multiples dimensions artistiques,
culturelles et festives. C’est dans cet esprit que des visites-conférences
seront régulièrement proposées aux visiteurs par le Centre des monuments
nationaux, à partir du 16 décembre prochain, pour leur permettre de découvrir
l’histoire et l’architecture de ce magnifique vaisseau de fer et de verre.

Vous savez que j’ai proposé au Premier ministre, qui l’a accepté et annoncé à
la FIAC, le 10 octobre dernier, de rendre au Grand Palais toute sa vocation
culturelle.

Après ces « Jours de Fêtes au Grand Palais » et le Téléthon, qui sera lancé
en direct du Grand-Palais, le 2 décembre prochain, après les défilés de
couture et de prêt-à-porter, au début de l’an prochain, le Grand Palais
accueillera Art Paris, évènement consacré au marché de l’art moderne et
contemporain, du 16 au 20 mars 2006, puis, en mai et juin, une exposition
consacrée à la création contemporaine en France, réalisée par la Délégation
aux arts plastiques de ce ministère.

Du 14 juillet au 15 août, dans le cadre de « Paris quartiers d’été », Le Grand
Répertoire, une exposition-spectacle unique, conçue et réalisée par François
Delarozière, rassemblera de façon ludique et vivante, d’extraordinaires
machines de spectacle, issues notamment des scénographies de la
compagnie Royal de Luxe.

En septembre, ce sera le tour de la Biennale des antiquaires, puis, début
octobre celui de défilés.

Ensuite, du 26 au 30 octobre, après avoir participé à la réouverture du Grand
Palais, en présentant un ensemble de performances, de projections et
d’installations, la FIAC 2006 occupera l’ensemble de la nef, soit plus de
12000 m², dans le cadre d’un projet nouveau, qui vous sera présenté dans le
semaines à venir.

Enfin, novembre, dans un an, sera le temps du rassemblement des salons
d’artistes, sous la verrière, qui les a vu naître.

Ainsi, le Grand Palais redevient l’un des coeurs battants du rayonnement
national et international de la création et de l’art français.

Remise des insignes de Commandeur dans l’ordre des Arts et Lettres à Alain Rey

29 novembre 2005

Mesdames, Messieurs, Chers Amis,

Nous sommes réunis ce soir, et fort nombreux, je m'en réjouis, pour faire
l’éloge d’un architecte ; de l’architecte d’un monument, au sens que le
Robert donne à ce mot : “une oeuvre imposante, vaste, digne de durer”.

Cher Alain Rey,

Comment qualifier autrement la colossale entreprise que Paul Robert vous
confia naguère et à laquelle vous avez consacré tant d’années de votre
vie ? Il ne s’agissait pas moins que de bâtir le Littré du XXe siècle. Ces
neuf volumes consacrés à notre langue se sont d’emblée imposés comme
une autorité indiscutée, tant en France qu’à l’étranger.

C’était en effet un ouvrage révolutionnaire : pour la première fois, un
dictionnaire prenait en compte, par de multiples renvois entre articles, la
circulation du sens, ce fin réseau d’échos entre les mots de notre langue
qui font partie de son génie. Du même coup, et bien avant l’arrivée de
l’informatique, vous inventiez la notion d’hypertexte, cette capacité d’aller
voir derrière le décor, pour ainsi dire, dans les coulisses des mots.

Un architecte n’est jamais seul. Et je m’en voudrais d’oublier ici tous ceux
qui, auprès de vous, s’attelèrent à cette tâche immense, et tout
particulièrement Henri Cottez et Josette Rey-Debove, votre épouse, qui
n’est plus parmi nous, hélas, pour partager aujourd’hui l’honneur qui vous
revient, mais vers qui ce soir se tournent nos pensées.

Autour de ce château, vous avez continué à construire. Le Petit Robert est
aujourd’hui dans tous les foyers. Il est aussi, et c’est dire sa consécration,
la référence incontournable des jeux de société, qui se multiplient à la
télévision comme ailleurs, et qui font de notre langue un véritable sport
national !

Pour les amoureux d’arbres généalogiques, le Dictionnaire historique du
français raconte l’évolution des mots, leur pedigree, leurs cousinages, les
péripéties de leurs transformations au cours des âges, depuis leur plus
lointaine origine jusqu’au français contemporain.

Je n’aurais garde d’oublier un ouvrage plus inattendu, le Dictionnaire du
français non conventionnel, dans lequel, avec votre complice Jacques
Cellard, vous analysez la langue verte avec un sérieux imperturbable où
perce, derrière l’érudition du savant, l'humour du clin d’oeil.

Enfin, vous venez à nouveau de créer l’événement, certains ont même
parlé de « Reyvolution », culturelle, bien sûr, sans doute en hommage à
l’aspect encyclopédique de cette formidable aventure humaine et
éditoriale. Je veux bien sûr parler de votre dernier-né, après dix années
de travail, avec Danièle Morvan et une centaine d’auteurs, le
Dictionnaire culturel en langue française, en quatre volumes, près de dix
mille pages magnifiquement imprimées sur un papier ivoire très fin, plus
de 70 000 mots et de 1300 encadrés passionnants qui leur confèrent
épaisseur, saveur et vie. C’est une véritable mine, ou plutôt un splendide
jardin de mots, de signes, de symboles et de sens, pour évoquer cet
enclos dont le nom persan est devenu notre paradis, comme vous le
rappelez dans votre lumineux « avant-propos, et après-faire ». Un jardin
ouvert sur le monde et sur toutes les richesses de la francophonie, un
espace multiculturel d’échanges et d’influences, une Babel où les mots
sont les instruments du dialogue des cultures et d’un « gai savoir »
humaniste. Une entreprise qui renoue avec l’inspiration de Pierre Bayle,
et surtout de Diderot et D’Alembert, au sens où ils avaient le dessein
« d’indiquer les liaisons éloignées ou prochaines des êtres qui
composent la nature , et qui ont occupé les hommes, …de former un
tableau général des efforts de l’esprit humain dans tous les genres et
dans tous les siècles ». Oui, au-delà des mots et de leurs définitions,
vous proposez une « bibliothèque imaginaire » – comme le musée de
Malraux – permettant d’appréhender, dans son ensemble, le « fait
culturel humain ». La diversité et l’originalité des citations ne sont pas
les moindres des attraits de la lecture de cette oeuvre, de cette somme
magistrales.

Cher Alain Rey, aujourd'hui, vous incarnez à vous seul un véritable
monde. Tout un monde. Le monde des mots. L'amour des mots, la
connaissance des mots : qui d'autre dans notre pays peut vous
surpasser dans l'érudition, la passion du verbe ? Je ne vois personne.

Vous avez accompli un tel travail lexical, vos dictionnaires représentent
une telle somme de savoir que vous êtes devenu un mythe vivant, celui
par qui le sens arrive. Combien de mains ont tourné les pages de vos
dictionnaires, combien de regards les ont parcourues en quête de la
signification exacte d'un mot, de son synonyme, d'un exemple d'emploi ?

Et puisqu’un ministre n’est qu’un serviteur, c'est tout un peuple qui
voudrait, ce soir, j'en suis persuadé, vous témoigner sa gratitude, son
besoin d'être guidé par vous à travers l'univers des mots. Oui, dussiez-vous
vous en défendre, vous êtes devenu une institution, c’est-à-dire un
repère essentiel. Et pourtant, malgré l'admiration que l'on vous porte de
tous côtés, vous êtes resté jeune, libre, audacieux. Parce que vous
gardez éternel, frais, intact en vous cet esprit d'aventure, ce goût du défi
intellectuel, cette envie d'arpenter tous les territoires du langage, de
traverser tous les pays, tous les territoires de la langue. Vous ouvrez
sans cesse des chantiers, vous recherchez toujours d'autres racines,
d'autres origines, tel un explorateur obstiné, hardi, seulement soucieux
de creuser, de révéler les merveilles enchevêtrées de notre langue.
C'est ainsi que vous allez désormais vous consacrer au trajet historique
de la langue française depuis le monde gaulois.

Une langue ne vit qu’à condition de se renouveler tout en restant fidèle à
elle-même. Cette tension entre la norme et la néologie est constitutive
de votre travail de lexicographe, « un travail bien dur et bien ennuyant
pour lui, mais bien utile aux autres », selon Trévoux – exemple de citation extraite de votre Dictionnaire culturel. Vous restez fidèle aux
deux forces concurrentes de l’histoire de notre langue, qui ont fondé sa
vitalité : affiner et inventer. Vous êtes soucieux de ne pas figer le
lexique, mais au contraire de l’enrichir de termes vivants et actuels. Pour
vous, la langue est un immense organisme qui n'a cessé de bouger, qui
bougera encore. Notre langue a une vie. Vous lui donnez la vôtre.

Cher Alain Rey,
Un abécédaire n’est pas un dictionnaire, loin s’en faut ! Mais puisque
l’alphabet est consubstantiel à votre oeuvre immense, sans pouvoir
l’évoquer tout entière, permettez-moi simplement d’essayer d’énumérer
quelques-unes de vos vertus, en veillant à les ranger, suivant votre
exemple, dans l’ordre alphabétique.
En commençant par A comme
amoureux des mots, car vous l’êtes à l’évidence ;

B comme Bourreau de travail, cela va sans dire ;

C comme Chercheur, évidemment.

D comme Déterminant, dans le sens de celui qui délimite, et Déterminé,
au sens de celui qui le fait avec résolution ;

E comme Étymologiste ; et là, je voudrais souligner votre passion de la
généalogie des mots, de tout ce qui va puiser du sens au creux de leur
origine.

F comme Fin et G comme Géomètre, puisque selon Pascal, ces deux
qualités fondent l’esprit scientifique.

Pour la lettre H, la Hache du censeur ne saurait vous convenir, mais
bien plutôt la Houlette du berger, ce bâton de rassembleur des mots que
vous avez choisi d’être.

I comme l’Investigation Incessante qui est votre lot et suppose
évidemment une Interaction permanente entre Intelligence et
Imagination.

J comme cette Jubilation, cette Jouissance que vous avez toujours
trouvées dans les mots ; vous-même confessez avoir dès votre prime
Jeunesse développé ce goût pour le Jeu entre le mot prononcé et le mot
écrit. Selon votre légende familiale, vous saviez parler avant de
marcher !

Goût du jeu qui vous a sans doute conduit à voir dans un dictionnaire
non une liste sèche et aride de termes, mais un véritable Kaléidoscope
d’idées, de sons et de couleurs.

Les vertus que je trouve ensuite dans ma liste décrivent le coeur de
votre métier : Lire et lire encore, être Méticuleux et méthodique,
Novateur et nuancé, Observateur et objectif, Patient et prudent,
Questionnant quotidiennement la langue… Avec évidemment la Rigueur
qu’exige la Science pour mener à Terme ces travaux titanesques que
nous célébrons aujourd’hui.

Mais vous ne vous contentez pas du calme de votre cabinet de travail.

Vous êtes partout le chantre de la langue, sur tous les fronts : cela
s’appelle l’Ubiquité.

A la radio, sur France Inter, chaque matin, c’est bien vous, la Voix de la
langue française, dans vos chroniques où votre verve débusque avec
virtuosité les sens secrets du vocabulaire.

Parvenu à ce point, je me sais, je me sens un peu guetté …

Je rappellerai simplement, en prélude à l’année de la francophonie, que
vous avez su accueillir, sans remonter aux Wisigoths, ce qui, en wallon
ou en wolof, avait contribué à enrichir notre langue.

Nulle Xénophobie chez vous, en effet, bien au contraire, puisque vous
faites place à la richesse de ces mots, de ces idées, de ces hommes
venus d’ailleurs, et puisque votre culture, n’en déplaise aux « puristes
pleureurs », et pour notre plus grand bonheur, est vraiment sans
frontières.

Toutes vertus qui supposent bien sûr cette patience qu’on n’attribue
guère qu’aux Yogis, et en tout cas à ceux qui savent rester Zen en toute
circonstance.

J’aurais aussi bien pu terminer sur zénith, mais je lui préfère le beau mot
de zèle ; ce zèle, cette “vive ardeur — selon votre propre définition — à
servir une cause à laquelle on est sincèrement dévoué”, qui vous a
permis d’édifier mot à mot, pierre à pierre, année après année, votre
monument au coeur de notre culture.

Alain Rey, au nom de la République, nous vous faisons Commandeur
dans l’ordre des Arts et des Lettres.

Concert d’anniversaire des cent ans de l’Orchestre national de Lyon

26 novembre 2005

Monsieur le Ministre, Cher Dominique Perben,

Monsieur le Président du Conseil régional,

Monsieur le Sénateur-Maire,

Cher Jun Märkl,

Chère Anne Poursin,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Après ce magnifique concert anniversaire et après la visite de cette exposition
inédite, je suis très heureux de célébrer avec vous le dynamisme et la vitalité
de l’orchestre national de Lyon. Un centenaire, fidèle à sa tradition, qui ne
cesse d’innover et qui a su créer une véritable osmose avec son public.

J’en veux pour preuve – et quelle plus belle preuve de réussite ? – que nous
venons d’acclamer le choix du public lyonnais.

Transmettre le plus grand répertoire, mais aussi mettre en lumière la création
la plus contemporaine, pour faire vivre la musique d’hier et d’aujourd’hui, telles
sont, tout au long de ce siècle, pour le présent et pour l’avenir, l’audace et
l’excellence de votre phalange, devenue une institution majeure de notre vie
musicale, aux côtés de l’Opéra national et du Conservatoire national supérieur
de musique et de danse de Lyon, et un atout maître du rayonnement culturel
de votre métropole européenne, inscrite au patrimoine mondial de l’humanité.

Je veux à mon tour rendre hommage à la mémoire de votre père fondateur,
Georges-Martin Witkowski, fils de l’émigration polonaise de 1831, lieutenant de
lanciers et pianiste, qui crée en 1905 la Société des Grands Concerts, devenue
ensuite l’Association Philharmonique.

La passion et l’engagement de cette communauté de 80 musiciens, pour la
plupart amateurs au sens le plus fort de ce terme, inspirent encore aujourd’hui,
j’en suis sûr, les 102 solistes et instrumentistes qui ont brillamment repris le
flambeau et perpétué la flamme.

Après le premier concert donné il y a cent ans, presque jour pour jour, avec,
déjà, une ouverture de Wagner, l’orchestre affirme déjà sa vocation de
défendre les compositeurs français vivants, avec César Franck et Vincent
d’Indy, puis avec Florent Schmitt, Arthur Honegger, Albert Roussel, Paul
Dukas, Francis Poulenc, Darius Milhaud, André Jolivet.

Cette tradition d’ouverture à la création et aux compositeurs n’a cessé de se
développer jusqu’à nos jours, empruntant de nouvelles formes. C’est ainsi que,
dès 1991, l’Orchestre National de Lyon a été le premier à accueillir des
résidences de compositeurs, parmi lesquels Michaël Jarrell, Pascal Dusapin,
Jean-Louis Florentz et Philippe Hersant. Vous savez combien je suis attaché
au principe de résidence et à son développement. L’Orchestre National de
Lyon a su ouvrir la voie.

Il y a quarante ans, Lyon fut la première ville française où Marcel Landowski
installa un orchestre permanent.

Il y a trente ans, il devient le premier orchestre symphonique français doté
d’une salle, cet Auditorium Maurice Ravel et ses 2000 places, première salle
construite en France pour le seul usage musical. En ce domaine comme dans
d’autres, Lyon montre l’exemple. Et je me garderai ici de toute allusion à
Paris…

En 1979, il est la première formation symphonique européenne à se rendre
en Chine.

Votre orchestre est aussi pionnier pour sa conquête des jeunes publics et son
ouverture au futurs musiciens.

Je pense non seulement aux concerts scolaires qui, depuis 1983, font partie
intégrante de vos activités, mais aussi au travail exceptionnel de l’Orchestre
des Juniors et de l’Orchestre des Jeunes – issus des conservatoires de la
région et animés par le jeune chef associé Yannis Pouspourikas.

A vous tous, aux anciens et aux nouveaux venus, j’exprime, au nom de l’Etat
et de la France toute entière, ma reconnaissance pour l’oeuvre accomplie et à
poursuivre. Et je tiens à adresser ce soir un salut tout particulier à votre
doyenne, Madame Jeanne Severinoff, violoniste.

Je veux aussi rendre un hommage particulier aux maestros qui, dès lors que
l’orchestre est devenu permanent, en ont fait la phalange ambitieuse et
moderne que nous connaissons aujourd’hui. Louis Frémaux, bien sûr.

Et vous, cher Serge Baudo, cher Maître, qui êtes parmi nous aujourd’hui.
Votre direction musicale, de 1971 à 1987, a été décisive pour l’orchestre.

Vous avez assuré à votre formation un ancrage sans précédent dans la vie
régionale, en multipliant par dix le nombre des abonnés. Vous lui avez donné
sa pleine dimension internationale, avec des tournées de prestige, en Grèce,
à Prague ou en Chine, ainsi qu’au Japon et en Corée, sans oublier les
invitations aux festivals de Besançon et d’Aix-en-Provence. Sous votre
direction, cher Serge Baudo, l’orchestre forge son identité artistique, sa
« couleur » et explore un vaste répertoire de musique française. Je vous
exprime ici toutes mes félicitations.

Notre reconnaissance va aussi à Emmanuel Krivine qui, de 1987 à 2000,
offre à son tour à l’orchestre son exigence d’excellence, sa revendication
d’éclectisme, comme en témoigne le premier concert qu’il dirige, réunissant
les noms de Dvorak, de John McLaughlin et de Gershwin. Sous sa direction,
l’orchestre conforte son rayonnement national et international et ouvre son
répertoire à des intégrales : Varèse, Mahler, Webern.

Puis à David Robertson, de 2000 à 2004, joue avec inventivité et audace la
carte d’une relation renouvelée au public, innove dans la forme du concert et
dans l’ouverture de la programmation avec des moments forts tels « la
semaine Reich » ou « la semaine Boulez ».

Tous mes voeux s’adressent maintenant à vous, cher Jun Märkl, qui êtes en
fonction depuis septembre et désormais en charge de cet enfant d’un siècle,
de cette formation exceptionnelle, riche de son histoire et de ses projets.

Vos ambitions sont à la mesure de nos attentes. Vous savez que vous
pouvez compter sur notre soutien et sur celui de toute l’équipe de l’Orchestre
et de l’Auditorium, sous la direction générale d’Anne Poursin.

Je salue tout particulièrement l’initiative que vous avez lancée, conforme à
votre vocation européenne, avec les orchestres de Birmingham, de Francfort,
de Katovice et d’Helsinki, pour renforcer vos échanges. C’est ainsi que se
construit l’Europe de la culture, l’Europe concrète des oeuvres, des artistes et
des publics.

Je tiens à remercier particulièrement les représentants de l’Orchestre
symphonique de Birmingham et de l’Orchestre de la Radio de Francfort, ici
présents, dont les concerts ont marqué la célébration de ce centenaire.

Je remercie enfin l’ensemble des partenaires publics et privés qui, auprès de
l’Etat, de la région et de la ville, apportent leur soutien à l’Orchestre National
de Lyon.

Et je vous souhaite à tous un très heureux anniversaire et surtout, comme le
disait Verlaine :
De la musique avant toute chose,
De la musique encore et toujours !

88e Congrès de l’Association des Maires de France

24 novembre 2005

Monsieur le Président, cher Jacques Pélissard,

Mesdames, Messieurs les Maires,

Mesdames, Messieurs les Présidents de communautés,

C’est un grand honneur pour moi de participer à votre congrès et je vous remercie
pour votre invitation à m’exprimer lors de cette séance de clôture. C’est aussi une
grande émotion, pour l’élu municipal, pour le ministre que je suis, de pouvoir, pour la
première fois, à travers votre assemblée, m’adresser ainsi à l’ensemble des maires
de France.

Il n’est pas de sujet plus actuel que celui de votre table ronde de cet après-midi : les
maires, les jeunes et la culture. Vous êtes en première ligne, lorsqu’il s’agit de lutter
contre toutes les formes de violence, et le Premier ministre vous a clairement dit, en
ouvrant solennellement votre congrès mardi, combien il entendait renforcer vos
prérogatives dans ce domaine, aux côtés et en complément de l’action déterminée et
forte menée par l’ensemble des services de l’Etat, et notamment ceux qui sont
chargés, sous l’autorité de Nicolas Sarkozy, du respect de l’ordre public et de la loi,
essentiel à la vie en société. Vous êtes aussi en première ligne de la « mobilisation
des coeurs et des esprits » à laquelle a appelé le Président de la République.

Vous jouez un rôle majeur en faveur de la cohésion sociale de la cité, dans chacune
de vos communes, et dans la République dans son ensemble.

C’est pourquoi vous êtes les élus les plus populaires auprès de nos concitoyens.

Vous êtes les élus les plus proches et vous connaissez parfaitement leurs besoins et
leurs préoccupations. Je sais aussi les difficultés que vous rencontrez dans l’exercice
de vos responsabilités, que je mesure à l’occasion de chaque réunion du conseil
municipal, dans la ville dont je suis l’élu, et lors de chacun de mes nombreux
déplacements à travers la France, où chaque rencontre avec vous, me permet de
mieux cerner vos attentes et celles de nos compatriotes, afin de mieux y répondre.

Lorsque je suis allé, il y a une quinzaine de jours, dans le théâtre de Cergy-Pontoise
– scène nationale – dévasté par les flammes, sans la presse, mais aux côtés du
maire de Pontoise et du président de la communauté d’agglomération, au-delà
même de notre désarroi et de la souffrance des équipes et des habitants devant la brutalité et la violence d’un tel acte destructeur, sans parler de son coût, ce qui était
sans doute le plus douloureux, c’était l’atteinte portée au symbole même, à la volonté
d’ouverture, de création, d’échange et de partage que ce lieu de culture et de vie
incarne. Je parle au présent, parce que fort heureusement il n’est pas entièrement
détruit. Je parle au présent parce que cette volonté, cette énergie, je sais, lorsque je
vous rencontre, qu’elles sont présentes en chacun de vous. Et je suis venu vous dire
que vous pouvez compter sur l’Etat pour les accompagner, pour les stimuler, les
encourager. Car elles sont plus fortes que toutes les fractures de notre société, que
tous les clivages partisans. Elles expriment l’intérêt général. Et elles illustrent le rôle
fondamental de la culture dans nos communes, comme à l’échelle nationale et
internationale, fondé à la fois sur une vision de l’avenir, ouverte sur la liberté, des
liens entre les hommes, créateurs de solidarité, en faisant appel à ce qu’il y a de
meilleur en eux. L’identité d’une ville, comme de tout territoire, est profondément
enracinée dans sa culture, dans son patrimoine, dans sa mémoire, sans aucune
nostalgie, sans l’enfermer dans le passé, mais en proposant au contraire des
perspectives d’avenir, de construction, de création.

La culture est au coeur de l’activité et de l’attractivité de nos villes et de nos
territoires. Les milliers de monuments et de sites, dont vous pouvez être légitimement
fiers, les musées, les quelque 2000 festivals que vous organisez ou accueillez
chaque année, les expositions, les manifestations et les équipements culturels que
vous développez, le plus souvent en partenariat avec l’Etat, j’y reviendrai dans un
instant, sont à la fois déterminants pour la qualité de la vie de vos habitants et de
tous les visiteurs que vous accueillez, mais aussi pour le développement et le
rayonnement de vos communes, qui sont avant tout des communautés humaines.

La première forme de citoyenneté, c’est-à-dire d’insertion dans la cité, dans la
République, est souvent de nature culturelle. L’action culturelle, comme l’éducation
artistique et culturelle, comme l’épanouissement personnel de chacun, reposent sur
une même démarche : découvrir, apprendre, comprendre et créer. Une démarche
qui demande du talent, du travail et des efforts, quelles que soient les formes
d’expression ou de pratique artistiques. Et je tiens à citer quelques uns de ces
domaines où l’engagement de l’Etat est significatif à vos côtés, où nous menons cote
à cote cette politique culturelle commune, qui repose sur le rassemblement des
énergies, dans le respect et la reconnaissance du rôle et des responsabilités de
chacun.

C’est d’abord le soutien aux lieux et aux formations permettant d’accueillir et
d’accompagner les pratiques artistiques dites émergentes, qui sont très répandues
chez les jeunes, et je pense en particulier au réseau des scènes de musiques
actuelles (SMAC), comme le Florida à Agen, non loin de chez vous, cher Francis
Cabrel, Cher Monsieur le maire d’Astaffort, où il n’y a pas eu une voiture brûlée.

Dans le domaine si essentiel du spectacle vivant, dans l’immédiat, grâce au travail
mené avec Jean-Louis Borloo, le gouvernement est déterminé à ce que, au sein 100
millions d’euros de crédits destinés aux associations pour relancer la politique
d’égalité des chances dans les banlieues, des moyens forts soient dégagés pour que
les acteurs du monde culturel participent pleinement à cette politique d’intégration.

Ces crédits d’intervention, déconcentrés dans les directions régionales des affaires
culturelles (DRAC), animatrices des pôles culture auprès des préfets de région, iront
en priorité au soutien aux compagnies, dont nous connaissons le travail de proximité
irremplaçable qu’elles effectuent dans les quartiers difficiles pour développer l’éveil et
l’intérêt des jeunes pour la création artistique, participant ainsi, de manière
emblématique, au renforcement de la cohésion sociale. Je pense par exemple à
Gare au Théâtre à Vitry, dans le Val-de-Marne, où j’étais dimanche dernier, ou à la
friche de la Belle de Mai, à Marseille, où j’ai lancé au début de cette année le Temps
des Arts de la Rue, cher Jean-Marie Songy. Mais aussi, pour le cinéma, à l’opération
Cinéville, pilotée par le Centre national de la Cinématographie, qui consiste à
organiser dans les quartiers sensibles, hors temps scolaire et durant toute l’année,
des opérations d’éducation à l’image ou des ateliers de pratiques artistiques liées au
cinéma ou à l’audiovisuel, en partenariat avec vous et vos services, avec les
exploitants, et avec la collaboration active des professionnels du cinéma.
Notre patrimoine, qui est notre mémoire, notre identité, appartient à tous. Il est ouvert
à tous. Il doit être accueillant aux arts vivants et à la création d’aujourd’hui. Il a un
rôle à jouer pour créer de nouveaux liens entre les générations.

L’opération « les
Portes du temps » organisée cet été à Fontainebleau a ainsi permis à 8000 jeunes
de la région Ile-de-France de découvrir cet élément prestigieux de notre patrimoine
national, au coeur de cette ville historique. Le succès de cette expérience et l’intérêt
manifesté par les élus nous incitent à la reconduire et à l’élargir à d’autres
monuments historiques de l’Etat, dans plusieurs régions, en coopération, bien sûr,
avec vous et plusieurs d’entre vous m’ont déjà contacté.

Dans le domaine si important de la langue, de la lecture, du livre, qui est aussi l’une
des clés de la relation à soi et aux autres, les bibliothèques, les médiathèques de
proximité, les « Ruches », qui bénéficient de l’aide du ministère de la culture, aussi
bien pour l’investissement que pour le fonctionnement, ont un rôle essentiel à jouer,
sur l’ensemble de notre territoire, dans les zones fragiles, rurales, éloignées des
« villes-centres », mais aussi dans les quartiers urbains périphériques.

Ces quelques exemples nous donnent la mesure des défis que nous avons à relever
ensemble, dans chacune des communes, des communautés, des villes et des
villages de France, pour placer la vie culturelle, facteur de développement, de
rassemblement, d’identité, de reconnaissance, d’initiative, de dynamisme, de lien
social, au coeur de la cité. Oui, j’espère vous avoir convaincu que votre politique
culturelle, notre politique culturelle, car vous êtes les partenaires de l’Etat, n’est pas
un supplément d’âme, mais devient aujourd’hui le socle de notre vivre ensemble.

Je vous remercie.

Clôture de la semaine de la publicité au Palais de Tokyo

24 novembre 2005

Monsieur le Président de l’Association des agences de conseil en
communication, Cher Hervé Brossard,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis très heureux de vous retrouver au Palais de Tokyo. C’est un lieu idéal
pour la semaine de la publicité, parce que c’est un lieu emblématique de la
modernité et de la création très contemporaine, dans toute sa diversité ; parce
que c’est un lieu en devenir, à l’image de votre activité qui ne cesse d’évoluer.

Bâti pour l’exposition universelle de 1937, ce palais était, dès l’origine, celui
des musées d’art moderne. L’aile Ouest, où nous nous trouvons, entièrement
réhabilitée, a été réinventée en 1999 comme un laboratoire, entièrement dédié
à la création actuelle, sous la direction de Jérôme Sans et Nicolas Bourriau. Et
le conseil d’administration est présidé par Maurice Lévy. Je souhaite en faire
un lieu phare, non seulement des arts plastiques français, mais aussi du
rayonnement international de toutes les formes de création. Vous y avez donc
toute votre place.

Prospectif, actif, mobile, interdisciplinaire et convivial, planétaire et local,
imaginatif et concret, ce lieu de culture, qui est aussi un lieu de vie, propose
des rencontres, souvent inattendues, parfois exceptionnelles, entre les arts
plastiques, le design, la mode, la littérature, la musique, la danse, la vidéo et le
cinéma. Et aujourd’hui, la publicité. Il me parait tout à fait naturel que ce lieu
vous soit ouvert. Ce n’est assurément pas un hasard si, dans notre belle
langue, les « créatifs » et les directeurs artistiques, sont au coeur de vos
métiers. Des métiers que vous exercez avec professionnalisme, fierté et
passion.

La pub fait appel à tous les arts, du graphisme, du design, du langage,
jusqu’aux sons, aux arts visuels, au cinéma. Dans tous ces domaines, la pub
est un creuset des jeunes talents.

C’est pourquoi, j’ai souhaité personnellement apporter mon parrainage à votre
manifestation. Oui, cette maison vous est ouverte. Le ministère de la culture et
de la communication aussi. Parce que les passerelles se multiplient entre la
pub et la création artistique. Ce fut sans doute toujours le cas, même au temps
bien révolu de la bonne vieille « réclame », chère à Marcel Bleustein-Blanchet,
car il n’a pas fallu attendre le mouvement profond, né Outre-Atlantique, du
Pop-Art, ni le génie d’Andy Warhol, pour que de nombreux artistes contribuent
à la création publicitaire. Leurs objets, leurs affiches, leurs figurines,
deviennent aujourd’hui des objets de collection, très recherchés sur le marché
de l’art.

Les artistes portent aussi sur elle, en l’utilisant, en la détournant, en la
tournant en dérision, un regard ironique, critique, caustique, qui interroge,
non pas seulement les modèles qu’elle propose, mais aussi la société de
consommation, aujourd’hui mondialisée, dont elle reflète à la fois les
aspirations et les frustrations.

Je tiens à rendre hommage à l’ouverture, à la diversité des thèmes que vous
avez traités pendant toute cette semaine, dans un esprit d’écoute,
d’échanges, de confrontations d’idées et de construction. Ce Forum, cette
agora de la publicité, que vous avez regroupé sous le thème de New Deal,
est lui aussi conforme à l’esprit de ce lieu et à l’ouverture, au
décloisonnement, que je souhaite promouvoir dans tous les domaines de la
culture et de la communication.

En effet, vous êtes les acteurs et les témoins de notre temps. Des capteurs
de tendances, souvent plus lourdes que le simple « air du temps ». Des
défricheurs d’idées et de formes nouvelles. Des précurseurs, des pionniers
qui dessinent nos rêves, nos envies, nos désirs, nos images. Parce que, dans
tous ces domaines, elle épouse ou provoque les convictions, les réflexions,
les prescriptions, les imaginations des hommes et des femmes, et aussi des
enfants, la publicité tout à la fois stimule, se nourrit de la créativité artistique
et prépare l’avenir. Ce faisant, elle interroge aussi notre modèle social, dans
ses forces, comme dans ses failles.

Parce que les nouveaux consommateurs, dont vous sondez les besoins et les
désirs, sont aussi des citoyens, face aux produits, aux services, comme aux
causes d’intérêt général, que vous avez pour mission de promouvoir, de faire
connaître, et non pas, simplement de « vendre », même si c’est – bien sûr –
très important.

Et je me réjouis que les Prix de la campagne citoyenne, parrainés par votre
association, avec le soutien de Radio France, aient été remis, à l’Assemblée
nationale, par son Président, pour récompenser le talent et l’originalité de ces
campagnes qui appellent à la générosité et à la prise de conscience. Les
liens que vous tissez, par votre travail, entre la citoyenneté et la publicité, sont
multiples.

Je vous l’ai dit, je connais, j’apprécie, et je tiens à rendre hommage au rôle
économique que vous jouez. Et je vous sais gré d’explorer les nouvelles
perspectives ouvertes par le développement des nouveaux médias. La
publicité se diversifie, en particulier sur Internet, et ces nouveaux territoires de
la communication sont pour beaucoup dans le dynamisme international du
secteur. Leur développement met en lumière, à la fois votre sensibilité à la
conjoncture économique générale, comme à celle de chacun des secteurs où
vous intervenez, mais aussi votre rôle moteur dans la croissance, et
l’économie dans son ensemble, en faveur de la consommation, de la
demande, de la création de richesses et de l’emploi.

La publicité est elle-même un gisement d’emplois. Je tiens à vous féliciter
d’avoir associé à ce Forum, non seulement les professionnels, mais aussi les
étudiants, les écoles, afin de leur faire découvrir concrètement l’univers de
vos métiers. On ne sait pas assez d’ailleurs, que le ministère de la culture et
de la communication est aussi celui de l’enseignement supérieur artistique et
culturel, et j’ai été très heureux d’inaugurer ce matin le Salon de l’éducation.

La publicité offre des débouchés importants aux étudiants formés dans nos
écoles prestigieuses, comme l’Ecole nationale supérieure de la création
industrielle ou l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs, au graphisme,
au design, à la création sur tous les supports.

La publicité, c’est un domaine d’excellence de la France, qui compte plusieurs
champions mondiaux de ce secteur, extrêmement concurrentiel.

Vous êtes porteurs de l’attractivité et de l’image de la France dans le monde,
mais aussi, bien sûr, au sein même de notre pays.

Je note avec satisfaction que vous vous êtes attachés à traiter, non
seulement de la créativité, de l’innovation, des nouveaux langages de la
publicité, mais aussi de l’éthique, de la qualité de la création et du respect du
consommateur, qui me paraissent essentiels pour entraîner, sinon son
adhésion, du moins sa confiance.

Dans une société qui est sans doute plus optimiste qu’on ne le dit, mais
néanmoins prompte à se focaliser sur ses angoisses, sur ses peurs, sur ses
incertitudes face à l’avenir, nous vivons une crise de la représentation qui
touche à la fois le monde politique et les pouvoirs publics, sans doute aussi
un certain nombre d’organisations sociales et professionnelles, et plus
généralement un grand nombre d’instances de médiation, dont les médias et
le monde de la publicité font partie.

Dans ce contexte, je sais que vous êtes conscients de vos responsabilités.

Vous jouez merveilleusement avec les images, les couleurs, les sons et les
mots. Continuez à innover, à nous surprendre ! Et dans le domaine, qui m’est
cher, du respect de notre langue, faites-le en français ! Dans une société en
quête de sens, comme le dit justement votre président, les marques sont des
repères. La langue aussi, et plus généralement le respect qui fonde notre
« vivre ensemble ».

Tel est aussi, sans doute, le sens profond du New Deal que vous avez forgé
cette semaine. Plus qu’un pari, c’est un véritable défi, que je suis prêt à
relever avec vous. Soyez inventifs ! Soyez créatifs ! Osez ! Apportez-nous de
nouvelles idées, de nouvelles visions, pour accompagner les évolutions des
tendances du monde contemporain ! Allez plus loin ! Aidez-moi à faire
comprendre et partager cette conviction que la culture et la communication,
que la création, sont au coeur du rayonnement, de l’activité et de l’attractivité
de la France !

Je vous remercie.

Assemblée générale du SPPMO

23 novembre 2005

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

L’an dernier, nous avions célébré ensemble, et débattu des « 60 ans d’action
et de conviction » qu’incarne votre syndicat. Je me réjouis d’être à nouveau
parmi vous aujourd’hui pour rappeler notre attachement commun à la presse
d’opinion et souligner le rôle éminent qui est le sien dans la formation du débat
public.

La simple lecture de la liste des titres membres du Syndicat professionnel de la
presse magazine et d’opinion illustre ce qui me semble être la singularité
première de votre organisation professionnelle, Monsieur le Président : la
diversité des sensibilités, notamment culturelles et politiques, de vos
adhérents. Le pluralisme d’expression prend ici tout son sens et la référence
jusque dans l’appellation du syndicat à la presse d’opinion n’est pas le fait du
hasard.

Et pourtant, c’est cette diversité même qui vous rapproche sur bien des points.

Je sais votre attachement à la solidarité qui, depuis la Libération, a cimenté la
presse française et qui s’est manifesté à travers la création d’organismes
coopératifs tels que les Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne ou la
Société Professionnelle des Papiers de Presse.

Je sais aussi Monsieur le Président, que votre syndicat est composé
d’entreprises à la personnalité forte et soucieuses de leur indépendance.

Je sais également que, pour nombre de vos adhérents, la faiblesse des
recettes publicitaires – qui bien évidemment n’est pas sans lien avec le choix
courageux d’être une presse d’opinion – est une spécificité d’ensemble, parfois
voulue, mais le plus souvent subie.

Bien évidemment, depuis la création de votre syndicat, le paysage de la presse
s’est singulièrement transformé et lorsque l’on examine aujourd’hui
l’environnement économique dans lequel évolue la presse, on ne peut
manquer de constater combien l’équilibre des entreprises de presse s’est
fragilisé.

La presse dans son ensemble et plus particulièrement la presse d’opinion
traverse une période difficile, marquée par l’érosion du lectorat, une
conjoncture publicitaire dégradée, tandis que les charges ne cessent de
croître.

Conscient de cette fragilité, l’État consent actuellement, pour la
modernisation de la presse française, un effort sans précédent. J’avais
obtenu l’année dernière du Parlement que la loi de finances pour 2005
consacre à la presse des moyens exceptionnels par leur ampleur, à hauteur
de 278 millions d’euros, en progression, à périmètre constant, de près de
30 % par rapport à l'année précédente, tandis que les seules aides directes à
la presse faisaient plus que doubler.

Avec un budget total de 280 millions d’euros, le projet de loi de finances pour
2006, adopté le 7 novembre par l’Assemblée nationale, et que je défendrai
prochainement devant le Sénat, consolide à la hausse l’effort sans précédent
consenti cette année. Cette persévérance dans le soutien à la presse écrite,
dans un contexte où les finances publiques restent fortement contraintes,
marque la cohérence de l’action du Gouvernement et sa volonté
d’accompagner des initiatives structurantes, susceptibles d’orienter
durablement le secteur sur la voie du développement éditorial, de
l’indépendance économique et du redressement.

Notre conviction, c’est que ces moyens doivent aller en priorité à la
modernisation du secteur. Car c’est l’indépendance économique, la viabilité
financière de chaque titre qui sont les meilleures garanties du pluralisme et de
l’indépendance de la presse.

Cela vaut plus pour les quotidiens qui supportent des coûts de fabrication
particulièrement élevés, mais cela vaut aussi pour l’ensemble des familles de
presse.

J’avais tracé devant vous l’année dernière notre feuille de route pour 2005. Je
souhaite saisir l’occasion que vous m’offrez de faire un premier bilan de cette
action et de vous indiquer les pistes de travail que nous explorerons l’an
prochain.
2005 a été en effet la première année d’application de nouveaux dispositifs
d’aide.

Je sais l’importance que revêt, pour vous, la diffusion par abonnements.
Signés le 22 juillet 2004, les accords État-Presse-Poste ont jeté les bases
d’un nouveau mode de relations entre les éditeurs, La Poste et l’État.

Ils permettent d’assurer l’avenir du transport postal de la presse, de garantir
l’égal accès de tous les lecteurs aux publications sur l’ensemble du territoire,
de préserver les conditions du pluralisme, d’améliorer la qualité du service, de
tenir compte aussi des exigences de rationalité économique qui s’imposent à
tout opérateur.

Après une première année d’application, je me félicite que la première
réunion de l’Observatoire constitué pour leur suivi ait été l’occasion d’en
dresser un bilan globalement satisfaisant même si, à ce stade, un certain
nombre de points restent à aplanir, s’agissant notamment de la mécanisation
des envois de presse.

Outre les profondes mutations du dossier postal, où la presse d’opinion s’est
particulièrement impliquée, nous nous sommes attaqués cette année avec
vigueur aux difficultés du système de diffusion de la presse.

Nous avons créé une nouvelle aide à la modernisation du réseau des
diffuseurs de presse, pour laquelle 3,5 millions d’euros ont été dégagés, afin
d’accompagner la refondation lancée par le Conseil supérieur des
messageries de presse. Ce dispositif, qui vient renforcer le plan global de
consolidation du réseau mis en oeuvre par la filière elle-même, vise à soutenir
les diffuseurs de presse dans l’effort de modernisation qu’ils doivent
accomplir pour dynamiser leur performance commerciale, dont dépend
directement la diffusion de la presse vendue au numéro. En 2006, le champ
des investissements éligibles au titre de l’aide sera étendu à certaines
dépenses liées à l’informatisation des points de vente, nécessaire pour
améliorer la réactivité commerciale du réseau et la gestion des flux et des
stocks. A cet effet, les crédits dédiés à cette aide augmenteront de près de
15 % par rapport à ceux de cette année.

Parallèlement, les autres fonds d’aide, dont la presse d’opinion bénéficie plus
particulièrement, verront leur dotation globalement maintenue. Ils ont d’ores
et déjà fait l’objet d’une modernisation importante afin d’en accroître
l’efficacité. C’est le cas, notamment, du « fonds d’aide à la distribution et à la
promotion de la presse française à l’étranger » dont bénéficient nombre de
titres présents ici aujourd’hui. Les aides ont été recentrées et ciblées sur des
zones géographiques définies comme prioritaires.

C’est également le cas de l’ancien « fonds presse et multimédia » qui, sous
sa nouvelle dénomination de « fonds d’aide au développement des services
en ligne des entreprises de presse » doit continuer à aider les éditeurs, au
moyen d’avances partiellement remboursables, à mettre à la disposition du
public leur contenu éditorial sur support numérique. Le développement des
services en ligne constitue en effet un enjeu majeur pour les entreprises de
presse, à la fois pour diversifier leurs sources de revenus, mais aussi pour
inverser la tendance à la baisse du lectorat. Un premier comité de sélection
de ce fonds s’est tenu le 11 octobre dernier et les premières aides accordées
sont en cours de versement.

La reconquête du lectorat passe évidemment par un effort spécifique et
stratégique en direction des jeunes lecteurs.

Malheureusement, la presse française ne souffre pas que d’une désaffection
du lectorat. L’une de ses faiblesses traditionnelles réside dans ses difficultés
à mobiliser des capitaux suffisants pour développer des projets
d’investissements répondant à ses besoins. En particulier, le défaut de fonds
propres est une caractéristique récurrente des entreprises de presse.

C’est la raison pour laquelle j’ai décidé que plusieurs mesures nouvelles de
nature à renforcer les fonds propres des entreprises de presse soient mises
en oeuvre ou étudiées dès 2006, telles qu’une réduction d’impôt pour les
personnes physiques qui décideraient de prendre des parts dans le capital de
certaines entreprises de presse, ou l’application au secteur de la presse des
dispositions de la loi relative au mécénat, aux associations et aux fondations.

Par ailleurs, la création d’un fonds de garantie dédié aux entreprises de
presse au sein de l’Institut pour le financement du cinéma et des industries
culturelles (IFCIC) devrait faciliter l’accès de ces entreprises aux prêts
bancaires nécessaires au financement de leurs investissements.

Vous le voyez, plus que jamais, l’État accompagne les mutations que vit
actuellement le secteur de la presse. Il le fait avec détermination, conscient
d’oeuvrer pour le bien de la démocratie elle-même. Il fait beaucoup mais il ne
peut tout faire.

La question de l’avenir de la presse d’opinion se pose en effet d’abord à la
presse elle-même. C’est la question de la qualité de l’information, de
l’impératif de rigueur, de la satisfaction de lecteurs devenus plus exigeants en
même temps que plus versatiles. C’est finalement le défi commun qu’ont à
relever les politiques et les médias : convaincre jour après jour par l’action,
par l’engagement, par la vérité des convictions et la réalité des faits, des
citoyens qui ne s’en laissent plus compter.

Le défi à relever est grand, pour vous comme pour nous. Il n’en est que plus
passionnant.

Je vous remercie.

Remise des insignes de Chevalier dans l'ordre national de la Légion d'honneur à Régis Durand

22 novembre 2005

Cher Régis Durand,

De votre jeunesse périgourdine, permettez-moi de retenir que
vous avez fait de solides études classiques jusqu'à l'obtention de
l'agrégation d'Anglais en 1965 à Bordeaux.

Votre esprit curieux vous pousse à effectuer votre service national
au titre de la coopération auprès de l'Université de Toronto. Ce
sera le début d'une longue et fructueuse carrière dans
l'enseignement, tout d'abord comme assistant à l'Université de
Bordeaux III, où vous préparez dans le même temps votre
doctorat. Votre thèse porte sur David Herbert Lawrence. Très
attaché à votre vocation d'enseignant et de chercheur, qui se
manifeste avec la publication en 1980 de votre premier ouvrage
consacré à Herman Melville, Signes et métaphores, vous
poursuivez votre carrière comme maître de conférences puis
professeur d'Anglais à l'Université de Lille III, et ce jusqu'en 1992.

Mais vous n'êtes pas homme à vous contenter d'un seul terrain
de réflexion. Vous développez dans le même temps une activité
d'écriture, comme critique d'art théâtral, qui vous conduit à fonder
en 1985, avec Antoine Vitez, Art du théâtre, publication de
référence dans ce domaine. La revue Art Press remarque vos
écrits et vous sollicite d'abord pour publier vos analyses sur le
monde du théâtre, puis vous signez de nombreux articles sur l'art
américain, et sur l'art contemporain, avant de développer vos
réflexions sur la photographie.

En 1988, vous publiez votre premier essai théorique aux éditions
de la Différence, Le Regard pensif et, au cours de cette même
année, vous organisez votre première exposition sur la
photographie plasticienne à la chapelle de la Salpétrière, et ce
dans le cadre du mois de la photo.

Dès lors, vos ouvrages sur la photographie seront très attendus,
qu'il s'agisse en 1990 de La part de l'ombre aux éditions de la
Différence ou en 1994 Habiter l'image aux éditions Marval.

Auteur de nombreux articles et essais dans les revues les plus
prestigieuses, vous n'avez de cesse d'interroger la place de la
photographie dans la pensée contemporaine.

Votre arrivée à la Délégation aux arts plastiques en 1992, vous
conduit pendant trois ans à analyser le fonctionnement et les
collections des Fonds régionaux d'art contemporain, à un
moment où leur rôle a parfois été contesté, et l'on vous doit
d'avoir mis en relief les fonctions artistiques et sociales
essentielles que jouent ces institutions en région.

Toutefois votre intérêt pour la photographie ne se dément pas et
Marie-Thérèse Perrin vous confie la direction artistique du
Printemps de Cahors. Entre 1993 et 1997, vous aurez à coeur de
montrer, au travers de votre programme, votre recherche sur la
photographie plasticienne comme ouverture sur les nouvelles
formes de l'art contemporain.

Nous savons par ailleurs que la réflexion que vous avez menée
sur le rôle que joue la photographie, comme interface entre l'art
et les medias, a nourri votre programmation à Cahors, au Centre
national de la Photographie, que vous dirigez depuis 1996, mais
aussi au travers d'expositions remarquées, comme Le monde
après la photographie, présentée en 1995 au musée d'art
moderne de Villeneuve d'Ascq et Sans commune mesure,
proposée en 2002 au Fresnoy.

Vous dirigez et animez le Centre national de la Photographie
jusqu'en 2003, date à laquelle vous prenez en charge la
direction du nouveau Jeu de Paume. C’est une mission difficile.

Vous parvenez à mener à bien la transformation de
l’établissement, désormais dédié à la diffusion de la
photographie et de l’image. Avec votre immense culture et votre
aptitude à fédérer les compétences et les énergies, vous
développez l’approche transversale et ouverte qui est désormais
la marque de ce musée, tant sur le plan chronologique, du XIXe
au XXIe siècle, que sur celui du décloisonnement des disciplines
et des pratiques, que vous vous attachez à mettre en valeur, en
réunissant la photo, la vidéo, le cinéma, les installations. Dans
ce lieu où vous avez à coeur de d’inviter le public à de nouvelles
rencontres et de nouvelles découvertes, tout en continuant
aussi à développer votre propre pensée, vous croisez des
mondes, pour reprendre le titre d’une exposition en cours sur le
document, en nous proposant des regards multiples, sur les
images, sur le réel et sur l’art d’aujourd’hui.

Vous avez souhaité associer les jeunes artistes à votre action,
ce dont je tiens à vous féliciter, en créant et en programmant
l'Atelier, véritable pépinière, qui a permis de révéler au public
une jeune génération de talents, et vous avez su mettre en exergue le rôle déterminant des entreprises privées, en
présentant les prestigieuses collections d'entreprises telles que
celles de Lhoist ou de NSM Vie.

Cher Régis Durand, au nom du Président de la République et en
vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons
Chevalier de la Légion d’honneur.

Remise des insignes de Chevalier dans l'ordre national de la Légion d'honneur à Patrick Raynaud

22 novembre 2005

Cher Patrick Raynaud,

C’est un très grand plaisir d’honorer ce soir l’artiste aux multiples
facettes que vous êtes, mais aussi l’enseignant, toujours attaché
à la transmission de son savoir, de son savoir-faire et à faire
éclore de nouveaux talents, et le directeur de la prestigieuse
Ecole de la rue d’Ulm, l’Ecole nationale supérieure des arts
décoratifs, où vous avez été nommé il y a trois ans, et dont j’ai
inauguré, le 24 novembre dernier, les nouveaux locaux, sur son
site historique.

Vous avez vu le jour en 1946 à Carcassonne, et pendant 20 ans,
vous resterez fidèle à cette belle région (dont vous gardez une
petite pointe d’accent). C’est à la Faculté de lettres de Toulouse
que vous faites vos études, avant de « monter à Paris » pour
intégrer l’IDHEC (institut des hautes études cinématographiques),
devenu depuis la FEMIS.

Votre diplôme en poche, vous entrez naturellement dans le
monde du cinéma, en devenant, dès 1970, assistant, monteur,
monteur-son, puis chef monteur, auprès notamment de Serge
Leroy, pour Le Ciel est bleu, Jacques Tati pour Trafic et de Jean-
Pierre Melville pour Un flic, tout en vous consacrant à des travaux
graphiques. Vous réalisez notamment des mises en pages de
livres et des couvertures de revues.

En 1973, vous rencontrez Sonia Delaunay. Vous lui apportez
votre assistance pour plusieurs de ses réalisations plastiques.

Vous réalisez ainsi les costumes de la pièce de Pirandello Dix
personnages en quête d’auteur présentée à la Comédie
Française, en 1978, et dont elle signe la scénographie.

Vous lui consacrez également un court métrage, intitulé Prises
de vue pour une monographie et un livre Nous irons jusqu’au
soleil publié chez Robert Laffont en 1974 ; et la même année,
vous réalisez un moyen métrage sur l’oeuvre de Robert Delaunay.

Pendant cette période, votre pratique personnelle évolue et vous
vous révélez artiste-plasticien à part entière.

C’est en 1977 que le galeriste parisien Harry Jancovici organise
votre première exposition. Elle sera suivie de beaucoup
d’autres : plus de deux cents expositions personnelles,
notamment à la fondation Gulbenkian à Lisbonne, au musée des
Beaux-Arts de Rennes, au musée Ludwig d’Aix-la-Chapelle, au
musée national d’art moderne de Vienne, à la galerie Brigitte
March à Stuttgart et au musée de Tel Aviv ; et vous avez
participé à plus de trois cents expositions de groupe, en Europe,
en Amérique et en Asie.

A vos talents graphiques et cinématographiques vous ajoutez la
photographie, la sculpture, le ready-made, et naturellement
l’installation.

Grâce à votre travail, vous sillonnez la planète et devenez un
véritable globe-trotter en quête de visions nouvelles.

Vous intervenez dans l’espace urbain, de manière durable ou
provisoire, notamment à Thiers avec Rivière sans retour en
1985, au Forum des Halles à Paris avec le Sonnet des voyelles,
à Tarbes avec Belvédère en 1997, et en Israël.

Vous réalisez la scénographie de nombreux ballets, par exemple
Dance Power à l’opéra national de Paris.

Votre générosité naturelle vous conduit à faire bénéficier
l’Association nationale des directeurs d’écoles d’art (ANDEA),
que vous présidez un temps, du réseau des liens professionnels
et amicaux que vous avez noués dans le monde entier avec de
très nombreuses personnalités culturelles, mais aussi les écoles
supérieures d’art de Nantes et de Cergy, que vous dirigez tour
à tour, en leur conférant un rayonnement sans précédent, avant
de prendre en 2002 la tête de l’Ecole nationale supérieure des
arts décoratifs, où vous avez su mener à bien la réforme dite
LMD (licence-master-doctorat) et saisir cette occasion pour
accentuer l’interdisciplinarité, le décloisonnement, que votre
propre parcours illustre, et qui sont plus nécessaires que jamais
aujourd’hui. Vous avez organisé, avec vos équipes, plusieurs
expositions qui mettent en valeur la diversité culturelle, artistique
et scientifique des talents qui s'y déploient.

Pierre Restany écrivait que vos objets « n’existent qu’en tant que
prétexte à occuper l’espace, ils n’ont pas de présent, mais une
immense présence. Ils échappent à la durée, ils existent hors du
temps ».

C’est bien à l’artiste, auteur d’oeuvres intelligentes et fortes que
je rends hommage ce soir, mais également à l’infatigable
pédagogue que vous êtes.

Cher Patrick Raynaud, au nom du Président de la République, et
en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons
Chevalier dans l’Ordre National du Mérite.

Remise des insignes de Chevalier dans l'ordre national de la Légion d'honneur à Pierre Cornette de Saint-Cyr

22 novembre 2005

Cher Pierre Cornette de Saint-Cyr,

Je suis très heureux de rendre hommage à un très grand ami des
musées, des arts plastiques et de l’art contemporain.

Je suis particulièrement fier de vous distinguer au lendemain des
« journées marteau », premières journées nationales des ventes
aux enchères organisées par le syndicat des ventes volontaires,
dont vous êtes l’une des grandes figures. Une vente, c’est
d’abord une ambiance, une rencontre, qui doit beaucoup à
l’alchimie entre la curiosité, les passions, le désir et les objets que
le commissaire-priseur orchestre avec talent. Et il règne dans les
ventes que vous animez, une atmosphère unique, lumineuse, qui
doit beaucoup à votre sens de l’humour, à votre sourire éclatant,
à votre goût du soleil et des couleurs, qui vous vient sans doute
de votre Maroc natal, dont vous savez si bien parler.

Très jeune, vous vous intéressez aux dessins anciens, puis vous
vous tournez très rapidement vers l’art contemporain, qu’il soit
photographique, pictural ou multimédia. Vous défendez la place
de l’art contemporain en France, à travers les ventes de votre
étude, mais aussi grâce à vos talents de connaisseur, qui vous
ont fait élire au Conseil d’Administration du Palais de Tokyo, dont
vous êtes le vice-président. Vous savez tout mon attachement à
l’art contemporain, voilà quelques semaines à l’occasion de
l’inauguration de la FIAC, j’ai invité la commission du Fonds
national d’art contemporain a profiter de cette exceptionnelle
concentration d’oeuvres pour procéder à une série d’acquisitions
à hauteur de 420.000 euros. C’est là je pense une illustration de
ma volonté de soutien au marché de l’art contemporain en
France, à travers l’une de ses manifestations majeures. Vous
savez aussi que mon soutien à la FIAC passe par son site
historique du Grand Palais, pour une manifestation exceptionnelle
et festive, rassemblant à la fois des installations d’oeuvres et une
programmation de performances et de films d’artistes.

Avant d’entrer de plain pied dans l’art contemporain, vous vous
consacrez à la photographie, avec la collection de Man Ray, de
Brassaï et vous lancez les ventes du mois de la photo. Le
succès de cette opération, lancée voilà vingt-cinq ans, ne se
dément pas d’année en année. C’est une heureuse rencontre
entre les collections publiques et privées, et le marché de l’art au
niveau français, mais aussi européen.

Créée en 1973, votre étude acquiert au fil des ans une place de
premier rang sur le marché des tableaux modernes et
contemporains. Aujourd’hui avec vos deux fils, Arnaud et
Bertrand, votre étude garde une part importante de son activité
dans le domaine du mobilier et des tableaux anciens. Dans le
milieu des ventes publiques, vous avez toujours fait figure de
pionnier, en organisant, par exemple, les premières ventes
spécialisées de photographies, mais aussi d'objets publicitaires.

Vous mettez également tout votre art et votre savoir-faire au
service de grandes causes humanitaires, en animant de
multiples ventes au bénéfice de ces actions caritatives. C’est là
une parfaite illustration de votre manière de penser, que vous
avez exprimé dans votre livre : L’art, c’est la vie.

Vous êtes animé d’une certaine idée de la France, intimement
liée au rayonnement international de l’art. C’est cette idée que
vous portez à travers le monde ; qui ne vous a pas entendu
proférer : « il faut aimer les artistes français » ? Je sais ainsi,
sans révéler un secret, que parmi vos nombreux projets, vous
travaillez à une exposition à New-York, pour le Palais de Tokyo.

La distinction que j’ai le plaisir de vous décerner vient
reconnaître vos talents et votre engagement au service de l’art,
de la création et de la culture. Vous savez qu’elle a également
de ma part, valeur de reconnaissance et d’encouragement à
l’égard de tous les acteurs du marché de l’art, dont vous êtes
une figure particulièrement emblématique.

Pierre Cornette de Saint-Cyr, au nom du Président de la
République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés,
nous vous faisons Chevalier de la Légion d’honneur.