Rubrique ‘Discours 2004’

Nomination des maîtres d’art 2004

29 novembre 2004

Mesdames, Messieurs,

Nous sommes ici tous rassemblés pour fêter les dix ans du titre des maîtres d’art, et pour
nommer les sept nouveaux maîtres d’art de la promotion 2004. En une décennie, leur
nombre est porté à 63, et à plus d’une cinquantaine le nombre de leurs élèves. Nous fêtons
aussi l’arrivée de deux chefs d’atelier d’entreprises du luxe qui nous rejoignent et recevront
un trophée.

Dix ans, c’est à la fois peu et beaucoup pour transmettre avec passion des connaissances,
des expériences, des secrets de fabrication, créer de vrais liens entre un maître et son élève.

Je ne relancerai pas le vieux débat « artiste – artisan », qui avait fait l’objet d’une exposition
célèbre au musée des arts décoratifs, pour laquelle des grands noms de l’histoire de l’art et
de ses techniques avaient prêté leur plume, tels Georges Duby et André Chastel.

Les maîtres d’art que je nomme aujourd’hui sont à la fois des professionnels des métiers
d’art et des « métiers de l’art », dont certains sont inscrits à la Maison des artistes. Ils savent
allier à la maîtrise du « travail bien fait », de la restitution historique, la conscience de
l’évolution de leur métier, la notion de progrès et d’innovation. Car il ne suffit pas de savoirfaire.

Il faut aussi une intelligence sensible. Il faut s’adapter, écouter la matière et la
transformer. C’est ainsi que les connaissances et les expériences au service de la main et
de la pensée permettent à l’artisan d’art de devenir un véritable « maître », dans l’expression
de toutes les facettes de son art.

Aujourd’hui, plus que jamais, nos métiers d’art sont garants de nos traditions, de notre
identité et de notre rayonnement dans un environnement européen et international, qui
évolue très vite. Je pense par exemple à la protection de la faune et de la flore. Certains de
ces métiers sont menacés.

Je tiens à ce que le ministère de la culture et de la communication maintienne ses efforts
pour valoriser l’excellence des maîtres d’art et de leurs élèves, et améliorer encore la
transmission de leurs savoir-faire exceptionnels. La variété des compétences, les facettes
nombreuses de ces métiers qui touchent à la fois la grande tradition française, l’évolution
technologique, et la création contemporaine, leur permettent de relever les défis qu’ils
doivent affronter aujourd’hui.

Je sais que certains d’entre vous ont accepté, par passion, de reprendre de nouveaux
élèves, et de devenir à nouveau des pédagogues pendant trois ans, afin d’éviter la
disparition de certains secteurs.

Je tiens à vous en remercier.

Le ministère les accompagnera comme il l’a fait par le passé, et en remettant cette année
aux nouveaux nommés une allocation de 16.000 euros annuelle.

Mais je souhaite faire plus. C’est pourquoi j’ai décidé qu’il convenait d’aller plus loin et de
mettre à la disposition de vos métiers d’exception un lieu dont l’identité soit à votre image : la
Manufacture des Gobelins, à Paris. La grande galerie va être réhabilitée et abritera des
événements en faveur des métiers d’art. Cet espace de 1.000m² environ sur deux niveaux
sera accessible au public.

Je demande aux membres du Conseil des métiers d’art ici présents de poursuivre leurs
travaux dans les domaines du patrimoine, de la formation, des matériaux, et de l’innovation –
et de prendre en compte l’ensemble des problèmes rencontrés par les maîtres d’art.

Je souhaite aussi qu’il y ait à partir de l’année prochaine une plus grande transparence sur
les appels d’offres de la fonction publique. J’y veillerai particulièrement pour ceux du
ministère de la culture et de la communication, accessibles sur le site portail et sur celui des
métiers d’art du ministère, et je vais prendre contact avec le ministère de la fonction
publique pour les autres.

Je vais remettre à chaque nouveau maître d’art son diplôme, réalisé par un calligraphe, M.
Pierre Aubery, sur un très beau Velin d’Arche – fait main, bien sûr, – par le Moulin du Gué.

J’invite chacune des personnes à me rejoindre sur ce podium à l’appel de son nom :

– M. Alain BUYSE, sérigraphe. La sérigraphie offre de nombreuses possibilités
d’impressions et de matériaux que vous savez adapter et exploiter avec des artistes
contemporains ;

– M. Pierre CHARIAL, noteur. Un métier qui date du XVIIe siècle. Certaines morceaux de
Haydn ou de Mozart ont été créés spécialement pour l’orgue de barbarie. Ce métier, vous
savez le faire évoluer grâce à votre formation musicale, et à l’aide de l’informatique, en
créant un instrument qui réponde davantage aux exigences des compositeurs
contemporains.

– M. Jean-Dominique FLEURY, peintre-verrier. Vos nombreuses restaurations sont connues
au même titre que les projets ambitieux partagés avec Pierre SOULAGES ou Martial
RAYSSE. J’ai inauguré en juillet votre création, les vitraux de la Salle des Pèlerins de
l’ancien hôpital de Pons (Poitou-Charentes) ;

– M. Gilles JONEMANN, créateur-bijoutier. On pourrait dire que vous êtes inclassable, vous
travaillez aussi bien les métaux précieux que les matériaux naturels, en les détournant de
leur usage habituel. L’île de la Réunion vient de vous confier la mise en place d’une école
pour la transmission de vos savoir-faire à l’écoute de la nature ;

– M. Pierre MEYER, tourneur « figuré » sur ivoire. Vous travaillez également la nacre, les
bois précieux, l’écaille de tortue, et bien d’autre matériaux rares et réglementés. Votre très
grande dextérité et votre parfaite minutie vous ont permis d’être connu dans de nombreux
pays, et par des grandes marques ;

– M. Pierre REVERDY, coutelier d’art en acier damassé. Votre métier est un voyage dans le
temps et nous transporte chez les Celtes et les Peuples d’Orient. Vos lames ont la réputation
d’être les plus souples, les plus tranchantes, les plus dures ; elles ne peuvent ni se tordre, ni
se briser ;

– M. Eric SANSON, marqueteur. Vous recouvrez des meubles et des objets en trompe-l’oeil
avec du galuchat, de l’ivoire et de la nacre, avec patience et créativité. Vous remportez de
nombreux prix car la marqueterie, l’ébénisterie sont vraiment une affaire de famille chez les
Sanson.

Maintenant, je m’adresse aux deux chefs d’atelier des maisons Bernardaud et Puiforcat, que
j’invite également à me rejoindre, et auxquels je remets un trophée intitulé « Décor pour
service Diane – 1970 » créé par l’artiste Etienne Hajdu, dans les ateliers de la Manufacture
nationale de Sèvres :

– M. Christian BRUNET, modeleur, chef d’atelier de la société Bernardaud. Votre formation
à l’école nationale des arts décoratifs de Limoges vous permet de réaliser des porcelaines
gravées, des lithophanies, des pièces émaillées, et de modeler des pièces contemporaines ;

– M. Eric POPINEAU, planeur en orfèvrerie, chef d’atelier de la société Puiforcat-Hermès.
Vous représentez un grand savoir-faire d’un travail effectué uniquement à la main, au
contact de la flamme. Chacun de vos gestes exige force, précision, toucher et écoute, pour
réaliser des pièces de prestige en argent, en or ou en platine.

Je vous remercie Messieurs. Car cette année il n’y a pas de femme, nous attendrons l’année
2006.

L’année 2005 sera placée sous le signe de la transmission, des échanges et du progrès. Les
maîtres d’art participeront non seulement aux salons et aux manifestations du ministère. Ils
interviendront aussi dans les écoles d’art, dans les colloques, à titre d’expert.

Vous participez, je dois le souligner, au rayonnement international de la culture française. Je
tiens à signaler l’édition d’un guide des maîtres d’art, traduit en trois langues, qui vient de
paraître. Et je me réjouis de vous annoncer que l’année 2005 se clôturera par une exposition
en Chine, dans le cadre de l’année de la France en Chine.

Je vous remercie

Commission Nationale Culture-Handicap

29 novembre 2004

Madame la Ministre, Chère Marie-Anne,

Monsieur le Délégué interministériel, cher Patrick Gohet,

Messieurs les Présidents,

Mesdames, Messieurs,

Je suis particulièrement heureux de vous accueillir rue de Valois, avec ma collègue, Marie-
Anne Montchamp, pour cette quatrième réunion annuelle de la Commission Culture-
Handicap.

Le Président de la République a tenu à faire, vous le savez tous, de l’insertion des
personnes handicapés, l’un des grands chantiers de son quinquennat, afin de permettre « à
la société française de mieux accueillir la différence et de recueillir ses richesses ». A
l’occasion de la clôture de l’année européenne des personnes handicapées, à la fin de l’an
dernier, le Président de la République ajoutait : « notre conception de la citoyenneté nous
engage à rendre à nos concitoyens handicapés toute leur place au coeur de la cité, à leur
permettre de jouir des droits fondamentaux, d’être soumis aux devoirs qui s’imposent à tous
et de participer à la définition des choix publics ».

Cette année 2004, a été marquée par la discussion au Parlement, qui vous a mobilisée,
chère Marie-Anne, de la grande loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et
la citoyenneté des personnes handicapées, dont l’article premier, tel qu’il a été adopté par le
Sénat, proclame notamment : « toute personne handicapée a droit à la solidarité de
l’ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation nationale,
l’accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens, notamment (…) à l’éducation,
à la formation et à l’orientation professionnelle, à l’emploi (…) aux loisirs, au tourisme, à la
culture, à l’information et aux technologies de l’information et au plein exercice de sa
citoyenneté ».

Sans doute allez-vous revenir dans un instant, Chère Marie-Anne, sur cette oeuvre législative
majeure qui prendra, dès l’an prochain, le relais de la grande loi de 1975 et qui a pour
ambition de faire franchir à la société française une nouvelle étape.

Je tiens à vous dire aujourd’hui solennellement et à réaffirmer par ma voix que le Ministère
de la culture et de la communication prendra toute sa part de la réalisation de cette grande
ambition. C’est un devoir. C’est une chance. C’est aussi un beau projet pour réaliser
pleinement la mission qui lui a été assignée par André Malraux dès sa création : « rendre
accessibles les oeuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand
nombre possible de Français » et « assurer la plus vaste audience à notre patrimoine
culturel ».

Ce ministère est celui de l’alliance entre le patrimoine et la création. Il est celui de l’identité et
du rayonnement. Il est celui de la diversité. En prenant en compte les besoins des personnes
handicapées, en veillant à favoriser un meilleur accès de l’ensemble des publics à la culture
et aux pratiques artistiques, comme aux moyens d’information et de communication, ce
ministère accomplit sa mission et sa vocation.

La Commission nationale Culture-Handicap constitue le lieu par excellence des échanges,
des appuis nécessaires. C’est aussi le lieu idéal qui permet aux ministres, au délégué
interministériel, aux directeurs d’administration centrale, aux sociétés et aux établissements
publics, aux responsables des associations, d’impulser la mobilisation de tous, afin de faire
vivre, dans le domaine de la culture et de la communication, essentiel à la vie personnelle et
sociale, les trois grands principes, les trois grandes valeurs inscrites aux frontons de nos
édifices républicains.

Je tiens à remercier chacun d’entre vous pour votre participation à cette commission. Je
tiens à saluer :

– les associations représentatives des personnes handicapées qui s’engagent activement, je
le sais, dans chacun des groupes de travail, qui se réunissent tout au long de l’année pour
prolonger les recommandations et les orientations de cette commission ;

– les services du ministère de la culture et de la communication, et les établissements publics
sous sa tutelle, qui sont également représentés au plus haut niveau ;

– les sociétés de l'audiovisuel public, et notamment France Télévisions représentée par son
Président, M. Marc Tessier.

Le principe d’accessibilité généralisée affirmé par le projet de loi constitue le cadre général
de notre action qui doit se décliner dans toute la diversité des dimensions, des modes
d’expression et des métiers de la culture et de la communication.

Je pense, d'abord, à l'accès des personnes handicapées aux pratiques artistiques en
amateur.

Je pense, ensuite, à l'accès des artistes et les créateurs handicapés aux formations et aux
métiers de la culture. Cet accès doit être facilité. Il faut en conséquence adapter les cursus et
les techniques d'apprentissage, de médiation humaine et technique.

Je l’ai dit, la semaine dernière, en inaugurant les nouveaux locaux de l’Ecole nationale
supérieure des arts décoratifs, qui est « l’autre » grande école de la rue d’Ulm : on ne sait
pas assez que le Ministère de la culture et de la communication est aussi le ministère de
l’enseignement supérieur artistique et culturel. Et je tiens à ce qu’il assume à ce titre toutes
ses responsabilités.

Je tiens à saluer à ce propos, à titre d’exemple, l’engagement de l'Ecole supérieure des
Beaux-Arts de Marseille, qui réalise une refonte de son projet pédagogique pour accueillir
des étudiants sourds et malentendants.

Je pense aussi naturellement à l’accès de tous aux lieux de culture et notamment aux
monuments historiques : parce que notre patrimoine appartient à tous, il doit être ouvert à
tous.

Je ne manque pas de saluer et de mettre en valeur les efforts qui sont faits par les
responsables de ces lieux, en concertation avec les associations concernées et les élus, à
chacun de mes nombreux déplacements à travers la France. Ainsi, en inaugurant la
médiathèque José Cabanis à Toulouse, j’ai été sensible à l’effort d’équipement spécifique
qui a été fait pour permettre aux malvoyants l’accès au fonds des oeuvres littéraires et
artistiques.

A Chambord, j’ai salué l’accessibilité du rez-de-chaussée avec l’ouverture d’une piste de
visite, ainsi que la mise à disposition de véhicules électriques qui permettent enfin l’accès
autonome au parc, grâce à l’action déterminée de l’établissement, du ministère et le soutien
des associations et du mécénat.

Je tiens aussi beaucoup aux liens entre la culture et la communication par l’usage intelligent
des nouvelles technologies. A Chambord, un film en images de synthèse de haute définition
permet à toutes les personnes qui ne peuvent parcourir les terrasses ni les étages de
connaître l’ensemble des volumes, des façades et des ornements qui ont été entièrement
modélisés.

En inaugurant le musée des Beaux-Arts d’Angers agrandi et transformé, j’ai également
salué, non seulement l’enrichissement des collections, grâce à un apport exceptionnel des
collections nationales, mais aussi les efforts faits pour l’accès aux personnes handicapées et
de celles qui les accompagnent.

Je cite ces exemples, qui sont tous situés en Régions, délibérément. Pour vous montrer
l’importance que j’attache à ce que, bien sûr, les plus grands établissements, les plus
prestigieux, comme la Cité des Sciences et de l’Industrie, dont nous entendrons dans un
instant le Président, le musée du Quai Branly, le musée d’Orsay, le musée du Louvre, situés
à Paris, soient non seulement accessibles mais exemplaires. Mais je tiens aussi à ce que
ces efforts d’accessibilité soient répartis sur l’ensemble de notre territoire.

Et c’est sur l’ensemble de notre territoire que l'accès des visiteurs aux oeuvres doit être
développé, c’est une question de scénographie, d’adaptation de l’offre culturelle, de
dispositifs techniques et de médiation humaine.

J’attache aussi beaucoup d’importance à l'accès à l'information, aux outils de la pensée, au
discours critique, à la parole libératrice et créatrice, aux échanges culturels. C’est une
question d'apprentissage et de bonne maîtrise de la langue et des langues.

L'amélioration de l'accès à la culture exige enfin un effort de formation de l’ensemble des
professionnels de la culture et de la communication.
Notre séance permettra de décliner de nombreuses initiatives qui toutes ensemble,
constituent un véritable plan d'action en faveur de l'accès des personnes handicapées aux
pratiques artistiques et culturelles.

En premier lieu, c’est une mobilisation de l’administration centrale. La création d’un poste de
correspondant handicap, au sein de la délégation au développement et aux affaires
internationales, permettra la coordination entre les associations, le ministère de la culture et
ses établissements et les ministères partenaires.

Je me félicite que l’accessibilité au nouveau bâtiment qui abritera, dès le début de l’an
prochain les services du ministère, rue des Bons Enfants, soit exemplaire, tant pour le
personnel handicapé, que pour l’accueil des visiteurs handicapés.

J’ajoute que le ministère a fait de l'accueil des personnes handicapées au sein des
équipements culturels l’un des principaux indicateurs d’évaluation de son action à destination
des publics.

Chacune des directions régionales a été dotée d’un correspondant Handicap avec pour
mission d'assurer la mobilisation des différents secteurs de la culture, au sein de chaque
DRAC. Un plan de formation de ces correspondants Handicap et des conseillers sectoriels
des DRAC démarrera dès le mois prochain.

Jean-François Hébert nous présentera, au cours de cette séance, le bilan des six groupes
qui ont travaillé depuis l’an dernier sur l’amélioration de l’accueil des personnes handicapées
au sein des Etablissements publics. Je tiens à le remercier pour son investissement
personnel et pour le rôle moteur de la Cité des Sciences et de l’Industrie.

Le ministère de la culture et de la communication est aussi, vous le savez, le ministère de
l’architecture et en particulier des écoles d’architecture.

J’ai présenté au conseil des ministres mercredi dernier, avec mes collègues Gilles de Robien
et Marc-Philippe Daubresse une communication sur l’amélioration de la qualité architecturale
et du cadre de vie des Français. L’action que nous devons mener en faveur de l’accessibilité
du cadre bâti, et en particulier, du patrimoine dépendant du Ministère de la culture et de la
communication, où l’on estime qu’au total environ 600 établissements sont ouverts au public,
est une action résolue, qui doit commencer par un inventaire précis de l’existant.

Le domaine de la formation des architectes est également essentiel. Une étape très
importante a été franchie lors de cette rentrée universitaire, avec l’inscription de modules
consacrés à l’accessibilité pour tous les étudiants dans tous les programmes. Des
expériences pilotes ont été réalisées dans les écoles d’architecture de Rennes et de
Montpellier.

De manière plus large, afin d'encourager l'ensemble des lieux culturels à mieux accueillir les
personnes handicapées, le ministère de la culture et de la communication a engagé des
actions de sensibilisation et de formation. Je signale notamment :

– l’édition de guides pratiques ;

– la mise en place de séminaires, et notamment d'un cycle de séminaires inter-régionaux au
sein des DRAC. Je tiens à saluer l'action de la DRAC Alsace, dont le directeur est parmi
nous, qui a mis en oeuvre, le 7 octobre dernier, le premier séminaire interrégional Culture et
Handicap, sur l'accès des personnes handicapées aux pratiques artistiques. Un séminaire
national sur l’accueil des jeunes handicapés dans les établissements d’enseignement
artistique spécialisés (conservatoires et écoles de musique, de danse et de théâtre) sera
également organisé en 2005, par la direction de la musique, de la danse, du théâtre et du
spectacle vivant.

Enfin, je ne sépare pas le contact avec la culture, du lien avec l’audiovisuel et les industries
culturelles. C’est pourquoi je tiens à ce que l'accès au cinéma et à la télévision constitue un
champ d'action privilégié. Monsieur Marc Tessier, président de France Télévisions vous
présentera tout à l’heure le plan d'action de sa société pour l’accessibilité des programmes
des chaînes publiques. Je tiens également à souligner les initiatives du Centre National du
Cinéma pour l’accès au cinéma, que vous présentera Madame Catherine Colonna, et
notamment la mise en place d'un groupe de concertation rassemblant producteurs,
exploitants, diffuseurs et associations représentatives des personnes handicapées. C’est un
sujet que j’ai abordé notamment au congrès de la Fédération nationale des exploitants à
Bordeaux.

Afin d’irriguer d’avantage l’ensemble du territoire, nous souhaitons, avec Marie-Anne
Montchamp, que soit mise en place une convention culture/handicap, pour le secteur
médico-social, sur le modèle de la convention culture/santé qui concerne les hôpitaux.

Cette convention permettra le développement des pratiques artistiques au sein des
institutions d'accueil des personnes handicapées, notamment grâce à des jumelages entre
ces institutions et des équipements culturels. Cette action impliquera la collaboration des
ministères de la culture et de la communication et du Secrétariat d’Etat aux personnes
handicapées, en lien avec les associations de personnes handicapées gestionnaires
d'établissements d'accueil.

Je propose qu’un groupe de travail, se réunisse dès janvier 2005, afin de parvenir à la
conclusion d’une convention entre nos deux ministères dès le premier semestre de l’an
prochain.

L’ensemble de cette politique ne pourra porter pleinement ses fruits que si elle est ponctuée
de moments forts qui permettent au plus grand nombre d’acteurs de se rencontrer et
d’échanger, avec le relais des médias. Les rencontres “ Art, Culture et Handicap ” tenues en
octobre 2003 à Bourges ont été une vraie réussite. Forts de ce premier succès, nous devons
nous mobiliser pour organiser de nouvelles Rencontres “ Art, Culture et Handicap ” l’an
prochain.

Enfin, je me réjouis de signer aujourd’hui la charte nationale d'accessibilité, au cours de la
conférence de presse qui suivra cette séance.

Par cette adhésion sans réserve, j'entends renforcer l'engagement de mon ministère pour :

1. l’accessibilité des nouveaux aménagements et la prise en compte de la notion de chaîne
du déplacement ;

2. la concertation permanente avec les associations représentatives des personnes
handicapées ;

3. le conditionnement des aides publiques au résultat d’accessibilité, notamment dans les
contrats d'objectifs et de moyens ;

4. la qualité d’usage des équipements en fin de réalisation ;

5. l’accompagnement humain ;

6. la mise en place d’une information de qualité.

En conclusion, je voudrais insister sur le fait que la mobilisation de l’ensemble des acteurs
réunis autour de cette table est une condition essentielle de la réussite de notre action. Il est
particulièrement important que parallèlement à la mobilisation des services de mon ministère
et des établissements publics, des référents « culture » puissent être désignés et reconnus
au sein même des différentes associations nationales et de leurs délégations régionales.

Ainsi, un partenariat plus étroit entre le ministère de la culture et les associations qui siègent
autour de cette table pourra se nouer. Je pense notamment à l’accès aux pratiques
artistiques et culturelles.

Chère Marie-Anne, avant de te laisser la parole, je voudrais évoquer le souvenir de ce
samedi après-midi que nous avions passé ensemble en juin à Nogent-sur-Marne, après les
longs jours et les longues nuits que tu avais consacrés à la discussion de ton texte à
l’Assemblée. J’avais répondu à ton invitation à visiter l’exposition d’un artiste qui s’appelle
Odon. Son oeuvre très originale, et multiforme, est une oeuvre de tissage et de métissage,
constituée d’une série de tresses, à partir notamment de peintures sur papier.

Eh bien aujourd’hui, je t’invite, et je vous invite tous, en vous remerciant pour votre
participation et vos propositions, à tresser, à tisser, ensemble, de nouveaux liens. Des liens
de culture et de communication. Des liens essentiels à la cohésion et à l’avenir de notre
société.

Je vous remercie.

Inauguration de l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs

24 novembre 2004

Monsieur le Maire,

Madame l’Adjointe au Maire,

Monsieur le Président,

Monsieur le Directeur,

Mesdames et Messieurs,

Je suis très heureux de contribuer aujourd’hui avec vous
à écrire une nouvelle page de l’histoire de la Rue d’Ulm. Car le
grand public ne le sait pas assez, il y a deux écoles
extrêmement prestigieuses rue d’Ulm : l’école normale
supérieure et l’école nationale supérieure, la plus ancienne,
puisque bien qu’implantée sur ce site depuis 1920, elle est
l’héritière de l’école royale de dessin, créée en 1766.

Et l’on ne sait pas assez que le Ministère de la culture et
de la communication est aussi celui de l’enseignement supérieur
artistique. Avec trois Grandes écoles à Paris, l’ENSAD (Ecole
Nationale Supérieure des Arts Décoratifs), l’ENSBA (Ecole
Nationale Supérieure des Beaux-Arts) et l’ENSCI (Ecole
Nationale Supérieure de Création Industrielle).

Sa vocation interdisciplinaire a toujours été le gage de
sa réussite et des succès de ses élèves dans tous les domaines
de la création artistique.

J’en citerai deux exemples illustres – et quels exemples !

– Les personnalités aussi marquantes et différentes que Violletle-
Duc ou Rodin. Plus près de nous, Zao Wou ki, Annette
Messager ou encore Claude Closky, mais aussi Pierre
Huyghes, lauréat de la Biennale de Venise en 2001.

Ces quelques noms, parmi tant d’autres, si prestigieux,
témoignent de l’excellence d’un établissement dont je tiens à
rappeler le caractère patrimonial, l’ancrage dans l’histoire des
formes, la capacité jamais démentie d’adaptation qui lui a permis
d’accompagner tous les mouvements de l’art vivant, dans leur
extraordinaire diversité.

A travers l’apprentissage rigoureux et exigeant du
dessin, l’école s’est appliquée, dès l’origine, à associer métier et
culture, intelligence et sensibilité, pour que les meilleurs artisans
deviennent des artistes créateurs. Sa mission initiale s’est
affinée en même temps que son ambition s’est affirmée. Après
plusieurs changements d’appellation, l’école devient en 1877
l’Ecole nationale des arts décoratifs puis, en 1925, l’Ecole
nationale supérieure des arts décoratifs.

A partir des années 1930, elle couvre de nouveaux domaines, en
particulier les arts graphiques. L’enseignement après-guerre se recentre
sur l’architecture intérieure. Puis c’est ici qu’est créé le premier
enseignement en France de design industriel. En 1966, les arts graphiques
deviennent la communication visuelle. Puis de nouvelles disciplines
apparaissent : design vêtement, textile, photo, scénographie, vidéo,
mobilier et infographie. Entre 1990 et 2002, avec Richard Peduzzi, l’Ecole
renforce ses liens avec le monde professionnel et s’ouvre à l’international.

Cette adaptation constante se reflète aujourd’hui dans vos locaux
remaniés et conformes à l’ensemble des missions de l’établissement,
grâce au projet architectural ambitieux, réalisé avec talent et passion par
Luc Arsène-Henry et Philippe Starck pour les bâtiments, par Pascal Cribier
pour les extérieurs. L’identité visuelle de l’école a été transformée par
l’ensemble des aménagements.

Et, dès la rentrée scolaire 2004-2005, les dysfonctionnements, inévitables
lorsque les locaux de l’école étaient partagés entre les deux sites, de Paris
et d’Ivry-sur-Seine, disparaissent.

Cette cohérence plus forte se retrouve aussi dans les changements
intervenus dans le déroulement du cursus de formation.

Vous le savez, je suis très attaché au rôle et à l’attractivité des
établissements de formation au sein du Ministère de la culture et de la
communication. Ils doivent renforcer la qualité de leur enseignement et
s’inscrire pleinement dans l’Europe d’aujourd’hui, une Europe des Arts et
de la Culture.

En rendant hommage aux directeurs successifs qui ont conduit les
adaptations des enseignements aux défis de leurs temps, je ne peux que
féliciter le directeur ainsi que l’équipe pédagogique actuels pour avoir
compris les enjeux et pour avoir mis en place ce vaste chantier sans lequel
l’ENSAD aurait pris le risque de perdre son attractivité. J’ai conscience de
la somme de travail que représente la refonte d’un programme permettant
de passer d’un cursus de quatre à cinq ans !

Vous avez su mener à bien cette réforme dite du L/M/D (licence – mastère
– doctorat) et saisir cette occasion pour accentuer une interdisciplinarité
plus nécessaire que jamais.

Pour ma part, je ne peux que vous suivre dans la démarche qui vise par
ailleurs à ouvrir l’école au monde de l’entreprise. Votre Président, Monsieur
Christian Blanckaert, dont je connais le dynamisme, ne peut que vous
accompagner dans cette voie qu’il connaît bien.

Ce nouvel outil plus performant mis à la disposition des enseignants et des
étudiants doit permettre d’assurer un rayonnement encore plus fort : il doit
notamment favoriser les échanges internationaux.

Je ne peux que vous inciter à prendre les premiers rôles sur la scène
européenne (sans arrogance, bien sûr) en organisant par exemple des
assises sur les arts décoratifs. Il va de soi que je serai à vos côtés pour
ouvrir ces journées européennes !

Monsieur le Président, Monsieur le Directeur, Chers Amis, vous avez
devant vous un défi magnifique à relever.

En plus d’une solide réputation obtenue grâce à un héritage prestigieux,
grâce aux mérites de vos équipes administrative et pédagogique, grâce au
travail et au talent de vos étudiants, vous êtes désormais dotés de
bâtiments rénovés propres à servir une grande ambition. Vous pouvez
compter sur moi pour vous soutenir dans vos actions et vos projets, afin
qu’ils continuent de placer l’ENSAD au premier plan du rayonnement de
notre culture et de nos savoir-faire en Europe et dans le monde.

Je vous remercie.

Inauguration de l'Alliance Française de Polanco

18 novembre 2004

Messieurs les Présidents,

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

II y a 120 ans, en 1884, des hommes de culture, d'aventure et d'idéal, dont Jules Verne et Ferdinand de
Lesseps, réunis à Paris, créaient I'Alliance Française. au service de la langue française et des valeurs
universelles.

Quelques mois plus tard, un groupe de Mexicains et de Français s'engageaient avec passion et
générosité, en jetant les bases de ce qui allait devenir I'Alliance Française de Mexico.

Cette petite association, à l'époque, traversa, libre, la Révolution mexicaine, deux guerres mondiales et
plusieurs crises financières pour devenir, 120 ans plus tard, le premier réseau au monde. Un réseau qui
accueille aujourd'hui 35 000 étudiants et organise plus de 160 manifestations culturelles chaque année.

Quelle belle et forte aventure que la vôtre !

Je suis très heureux et très fier de célébrer avec vous, en inaugurant le siége renové de la Fédération à
Polanco, le 120ème anniversaire de I'Alliance Française au Mexique.

Forte de ses 62 antennes dans tous les Etats de la République, forte de ses prestigieux partenaires des
milieux artistiques et culturels mais aussi économiques, forte de I'appui de la France, et en particulier des
services culturels de notre Ambassade, I'Alliance Française peut se tourner vers l'avenir avec optimisme,
avec confiance. Et avec I'espoir de voir s'épanouir sur votre territoire une culture et une langue qui vous
sont chères.

Quel magnifique succés que le vôtre !

L'engouement pour le français dans votre pays où le gènie humain s'exprime avec tant de force depuis
tant de siécles, cette «Terre des hommes admirables », fière de son passé et résolument tournée vers
l'avenir, cette grande nation moderne, bruissante d'activités et de projets, oui, cet engouement, nous
remplit de joie et d'espérance. Et de confiance pour le combat que nous menons ensemble.

Un combat où la France et le Mexique sont en première ligne. Un combat pacifique pour la diversité
culturelle et linguistique, et pour le dialogue des civilisations. Un combat pour la reconnaissance de l'autre,
la tolérance et la paix. Un combat pour le respect de la dignité de l'homme, la liberté, la justice et la
solidarité.

Ici, vous ouvrez des portes, aux étudiants, et aux cadres que vous accueillez, vers notre belle langue,
mais aussi vers les sciences et les techniques, vers les échanges, culturels et commerciaux.

Vous ouvrez des fenêtres, sur le monde français et francophone. sur un patrimoine historique prestigieux
et sur des creations innovantes et contemporaines.

Vous offrez une profession de foi dans ces valeurs humanistes et universalistes que nous avons en
partage. Vous nouez de nouveaux liens linguistiques, culturels, économiques et politiques. Des liens
riches de oromesses. Des liens fondés sur la culture et sur l'humanisme.

Du fond du coeur, je suis heureux de dire mon admiration, mon estime et ma reconnaissance à toute votre
équipe, à toux ceux qui vous soutiennent, à toux ceux qui mobilisent leurs talents, leurs ressources et
leurs énergies, sans compter leur temps, au service de l'amitié franco-mexicaine.

Je forme le voeu que grâce à vous, tous ceux qui entrent ici puissent déclarer, comme Octavio Paz lors
de sa réception au Palais de I'Elysée à Paris en 1994 : Sin el francés no seria Io que soy .

Je vous remercie.

Remise des insignes de Chevalier dans l'Ordre des Arts et Lettres à Madame Lidia Camacho, Directrice Générale de Radio Educacion au Mexique

18 novembre 2004

Chère Lidia Camacho,

Je suis très fier de vous distinguer aujourd’hui dans ce haut lieu de la culture et des arts, le
Musée national d’Anthropologie de Mexico, au moment même où nos deux pays réaffirment
leur engagement commun en faveur de la diversité culturelle.

Chère Lidia Camacho, vous êtes, par votre action, au coeur de la coopération francomexicaine,
non seulement dans le domaine audiovisuel, mais aussi dans celui de la création.

En tant que directrice générale de Radio Educacion, la première radio mexicaine, vous avez
crée avec Radio France internationale, les Biennales internationales de la radio, en
accueillant les rencontres latino-américaines des radios partenaires de RFI.

Vous êtes aussi à l’origine de l’adaptation mexicaine du Festival Imagina, qui est le grand
rendez-vous international des nouvelles images.

Vous faites vivre, sur les ondes, le dialogue entre nos deux cultures.

Grâce à vous, les antennes de Radio Educacion sont toujours ouvertes aux événements
culturels franco-mexicains, dans le domaine du cinéma, avec le « Tour de Cinéma français
au Mexique ». Mais aussi avec le « Festival de Cinéma franco-mexicain », qui débute
aujourd’hui même. Et encore dans les domaines de la littérature, des spectacles et de
l’enseignement du français.

Vous êtes Docteur en communication. Après être passée par l’Institut national de
l’audiovisuel, qui est le centre d’excellence de la conservation et de la diffusion du patrimoine
audiovisuel français, vous avez dirigé le Collège de la communication de l’Université del
Claustro de Sor Juana.

Du monde de l’Université, vous êtes passée avec bonheur à celui de l’Entreprise, en faisant
de la radio publique, l’instrument de la cohésion nationale et du lien social entre toutes les
générations et toutes les communautés.

Vos antennes ouvrent à l’ensemble du peuple mexicain un très large accès à la culture, une
culture vivante, proche et ouverte sur le monde, une culture de la diversité.

Aujourd’hui, Radio Educacion fête ses 80 ans. Et vous lancez de nouveaux ateliers de
création radiophonique. Je tiens à remercier ici les services culturels de l’Ambassade de
France de leur appui à cette initiative, avec la venue d’Andrea Cohen, productrice à France
Culture.

Et vous vous engagez en faveur de la sauvegarde du patrimoine audiovisuel, qui fait partie
intégrante de notre patrimoine.

Vous avez jeté des ponts entre nos deux pays et vous avez fait progresser la coopération
culturelle Franco-Mexicaine.

Chère Lidia Camacho, je suis très heureux de vous faire, au nom de la République
Française, Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres.

IFAL : Institut Français d'Amérique Latine

17 novembre 2004

Madame la Présidente,

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

Je tiens tout d'abord à vous dire merci pour cette trés belle soirée, merci pour cette premiére journée
de ma vie au Mexique, une journée et une soirée pleines d'émotion. de chaleur et d'amitié.

Nous venons de partager un trés beau moment de musique et d'émotion au sein de l'Institut Français
d'Amérique Latine, pour ses soixante ans. Trois fois vingt ans ! Un lieu prestigieux, qui incarne, non
seulement les liens d'amitié, mais aussi cet élan trés fort, venu de I'histoire, de notre culture et de
notre langue, cet élan très fort qui nous porte les uns vers les autres, sous le regard de Molière. Par la
culture et par l'esprit.

C'est une chose toute naturelle entre le Mexique et la France ; car nos deux pays puisent aux mêmes
racines. Ils sont nourris des mêmes valeurs et des mêmes idéaux. Ils partagent l'essentiel : leur idée
de l'homme, de sa liberté et de sa dignité ; leur vision du monde, un monde en paix, en
d&eloppement, solidaire mais aussi respectueux de chacun et de son identité.

Comme le disait mon trés illustre prédécesseur André Malraux. « nous sommes chargés de l'héritage
du monde, mais il prendra la forme que nous lui donnerons ».

Aujourd'hui, à l'échelle du monde, Mexicains et Français partagent les mêmes préoccupations. Ils font
les mêmes analyses. Ils sont appelés à mener ensemble de grands combats. Parmi ceux-ci, nous
défendons ensemble le respect des identités, du dialogue des civilisations et des cultures, si
nécessaires à notre temps.

Votre pays, votre ville, fait partie de ceux qui font rêver dans le monde, qui ont marqué de leur
empreinte, des origines jusqu'aux temps les plus modernes, I'histoire de l'humanité.

Vous pouvez être fiers de cette histoire et de vos ambitions pour l'avenir.

Des ambitions que nous partageons, sous le regard de Molière, et de tous vos compatriotes qui ont
aussi traversé l'Atlantique pour occuper une place de choix dans nos coeurs, de Frida Khalo qui tint ici
sa premiére exposition personnelle a Mexico, à Siqueiros, d'octavio Paz à Alfonso Rey ou Carlos
Fuentes.

Aujourd'hui, cette salle et ce lieu renaissent. pour le soixantieme anniversaire de I'lnstitut. Un lieu
d'excellence et de rayonnement de la langue et de la culture, un lieu dédié à la rencontre et au
dialogue. Un lieu qui va s'animer, par le savoir, par la découverte, par les vibrations du cinéma, des
concerts, qui répondront. j'en suis sûr, à l'attente d'un public nombreux, exigeant et cultivé. qui sera ici
chez lui.

Chers amis, en venant partager avec vous la joie de cette inauguration, je veux vous remercier de
continuer ici une tradition incarnée par tant de noms illustres et qui nourrit notre rêve et nos projets
communs.

Meilleurs voeux à I'lnstitut français d'Amérique Latine et à l'amitié entre le Mexique et la France !

Brindamos a la amistad franco-rnexicana !

80ème anniversaire de l’Ecole supérieure de journalisme de Lille

12 novembre 2004

Monsieur le Président,

Monsieur le Premier Ministre,

Madame le Maire,

Monsieur le Président, cher Hervé Bourges,

Monsieur le Ministre, cher Philippe Vasseur,

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

Je voudrais tout d’abord, Madame le Maire, vous remercier de votre
invitation à partager, avec les Lillois, avec tous les anciens élèves et
les élèves de l’Ecole supérieure de journalisme, ce moment
particulièrement émouvant et chaleureux qui est à la fois un point
d’orgue, un prélude et une fête.

Le point d’orgue de Lille 2004, vous l’avez rappelé puisque, depuis
le 6 décembre 2003, Lille est capitale européenne de la culture.

Depuis bientôt un an, la capitale de la Région Nord-Pas-de-Calais,
cité chargée d’histoire, jeune et vivante métropole européenne, vit
chaque jour à l’heure de la culture, de la joie, de la fraternité, dans
l’ouverture, dans l’échange avec vos voisins de Belgique, de
Grande-Bretagne, et jusqu’à nos amis de Gènes.

Lille 2004 incarne l’attachement de cette région à ses racines, à son
héritage et à son avenir européen. Lille 2004 incarne cette
conviction que nous partageons : la culture et la
communication sont au coeur, je dirais même qu’elles sont la force
motrice de notre identité nationale et de notre rayonnement
international.

Lille 2004, – et je tiens à rendre hommage, Madame le Maire, à
votre engagement européen – , prouve le mouvement vers l’Europe
de la culture, dont le Président de la République Jacques Chirac fait
l’un des grands axes de son action internationale.

Une Europe ouverte sur le monde, qui porte les valeurs du
pluralisme et de la diversité, qui sont au coeur de la francophonie,
Monsieur le Président, dont vous êtes le premier ambassadeur et
l’avocat le plus convaincant.

Car la francophonie se retrouve autour de notre langue, bien sûr.
Mais c’est aussi une culture et un ensemble de valeurs, au premier
rang desquels, la liberté, l’égalité, la fraternité, qui impliquent la
tolérance et le dialogue des cultures.

Parce qu’une langue est bien plus qu’un simple mode de
communication : elle est l’élément essentiel d’une certaine vision
du monde, d’une certaine idée de l’homme.

L’avenir de cette vision et de cette idée ne se joue évidemment
pas seulement en France et en Europe. Elle se joue, notamment,
dans tous les pays francophones.

Un Français épris des cultures du monde et qui fut l’un de mes
illustres prédécesseurs, André Malraux, estimait que la France
n’est jamais aussi grande dans l’Histoire que lorsqu’elle est la
France « pour les autres », c’est-à-dire engagée dans un combat
qui la dépasse et qui a une portée humaniste et universelle.

Ce combat commun, il est le nôtre aujourd’hui, pour défendre la
diversité et promouvoir le pluralisme.

Notre rencontre est un prélude et une fête, puisque c’est la séance
solennelle de rentrée de l’Ecole supérieure de journalisme, et nous
aurons la chance d’entendre dans un instant la leçon inaugurale de
Monsieur le Président Diouf, et nous aurons la joie de célébrer
cette jeune et dynamique octogénaire, dont vous êtes tous les
enfants et les petits-enfants.

Mais je vous demande en cet instant, de partager une pensée pour
vos confrères en journalisme, Georges Malbrunot et Christian
Chesnot, qui sont encore, pour le 85ème jour, retenus en Irak,
avec leur chauffeur Syrien Mohamed Al Joundi, pris en otage, pour
avoir simplement fait leur métier, votre métier ou futur métier.

Oui, votre métier, Mesdames et Messieurs, est au coeur du combat
de chaque jour contre la violence, contre les stéréotypes, contre
l’uniformisation du monde, contre la manipulation des hommes et
des idées, un combat de chaque jour pour la liberté.

C’est pourquoi j’ai souhaité aujourd’hui rendre solennellement
hommage à ce métier qui est bien plus qu’une profession, une
vraie passion de l’information, de l’événement, de l’Histoire.

Quelques années avant la fondation de votre école, Albert Londres
écrivait : « votre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire
du tort, il est de porter la plume dans la plaie ».

Ces plaies, elles sont aujourd’hui nombreuses et profondes. Elles
sont à vif, dans un monde où la violence, où toutes les violences,
les conflits, les tragédies, se heurtent aux prises de conscience et
aux mobilisations déclenchées par le talent, le courage,
l’engagement de celles et de ceux qui mettent des mots, des
images et des sons sur les souffrances, et aussi sur les espoirs de
ceux qui, sans eux, seraient condamnés au silence.

C’est grâce à votre engagement, grâce à la présence des
journalistes, des reporters et des photographes sur les terrains les
plus dangereux que nous mesurons à quel point dans le monde
actuel, l’image, la parole, la photo, le film, sont déclencheurs de
paix, de droit, de confrontations démocratiques, ou au contraire,
facteurs de discordes, d’affrontements ou de haines.

C’est dire toute l’importance pour notre pays, et pour la
francophonie, comme pour tous ceux qui partagent nos valeurs, de la chaîne d’information internationale, qui est une nécessité
stratégique. Une nécessité qui n’enlève rien, bien au contraire, au
rôle de TV5, qui fête, cette année aussi, son anniversaire : son
vingtième anniversaire. Je veux associer à mon propos la mémoire
de Serge Adda, le Président de TV5 International, un humaniste
rayonnant et attachant, un méditerranéen, un passionné d’Afrique,
de francophonie et de communication.

Je le redis ici, la vocation de la chaîne internationale, ce n’est pas
d’être la voix de la France. C’est d’être la voix de la liberté et des
valeurs que nous avons en partage. Au premier rang desquelles la
liberté de la presse.

Benjamin Constant a écrit que la liberté de la presse était « le droit
des droits », oui, sans doute le premier, le tout premier avec, bien
sûr, le droit à la vie. La mémoire de tous les journalistes disparus,
désormais inscrite sur le parvis des Droits de l’Homme, au
Trocadéro à Paris, c’est aussi la mémoire de tous ces combattants
de la liberté, de la liberté de l’esprit.

Comme le proclame l’article XI de la Déclaration des Droits de
l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 : « La libre communication
des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de
l’homme ».

Je tenais à rappeler la force de cette liberté, au regard des
sacrifices qu’elle a coûtés, au moment de célébrer avec vous ce
80ème anniversaire.

Car, les pionniers qui ont fondé votre école, la plus ancienne école
de journalisme, l’avaient certainement présente à l’esprit, comme
tous ceux qui se sont engagés ensuite dans la Résistance.

Car cet anniversaire coïncide avec un autre : il y a soixante ans,
selon l’expression d’un très grand Lillois, le Général De Gaulle, la
France « tourne l’une des plus grandes pages de son histoire »,
et, avec les ordonnances du 26 août 1944, la liberté et
l’indépendance de la presse sont rétablies.

Le combat pour les libertés et l’engagement professionnel ne
faisaient qu’un.

Votre école est fidèle à cet héritage. Dans cet héritage, je veux voir
d’abord aujourd’hui le professionnalisme et son exigence.

Bien sûr, vous êtes recrutés par un concours difficile, très sélectif.
Et votre formation vous donne une certification de qualité très
appréciée. Mais votre métier est surtout un engagement personnel.

On n’est pas journaliste de 8 heures à 18 heures. On l’est
constamment quand l’information, l’événement, l’actualité,
l’exigent.

En ce sens, comme l’a écrit Hubert Beuve-Mery : « Le journalisme,
c’est le contact et la distance », avec cette actualité, avec ce flux
permanent des images et des informations, qui rend plus que
jamais nécessaire les formations qui sont dispensées ici,
formations générales et initiales, formations spécialisées dans les
différentes branches, par exemple, du journalisme scientifique ou
du journalisme agricole, formation continue, tout au long de la vie,
car on ne naît pas journaliste, on le devient.

L’initiative de la création de votre école suscita à l’époque, nombre
d’interrogations et de critiques dans le monde, que l’on n’appelait
pas encore, le monde des médias. Un monde où le journaliste était
autant aventurier qu’écrivain. Un monde où, quelques années plus
tôt , Proust, dans un morceau d’anthologie, décrit le sentiment qui
est le sien d’ouvrir le journal et d’y découvrir son article, en
imaginant la communion de pensée qui l’unit, en une « aurore
innombrable » aux dix mille lecteurs du Figaro de l’époque.

Nous ne sommes plus au temps de Proust.

La presse écrite est aujourd’hui bousculée, malmenée, par de
nouvelles habitudes de consommation, par l’essor des nouvelles
technologies, par l’immédiateté de l’instant, qui privilégient le fait
brut, plutôt que le commentaire, l’analyse et la réflexion ; par la
culture de la gratuité, par le marketing qui préfère le produit
formaté par le marché à l’expression de la pensée, qui, elle, est
contraire à l’uniformisation du discours.

Il appartient aux écoles de journalisme, et le succès de votre école
leur montre la voie, d’adapter la formation aux bouleversements
des techniques, des connaissances, et d’un monde qui est devenu
celui des médias.

Nous avons précisément besoin de la capacité du journaliste à
hiérarchiser et à problématiser les évènements et les enjeux. C’est
dire l’importance de son rôle et de sa place au coeur de la société
d’aujourd’hui.

Une société où la liberté d'expression est vécue par le journaliste,
non comme un simple principe, mais comme une pratique du
quotidien. Ce rôle confère à la profession sa grandeur et aussi ses
servitudes. Car la liberté d’expression ne doit pas s’analyser
uniquement comme un privilège du journaliste, mais aussi comme
un droit du public à recevoir une information pluraliste. Le ministre
de la communication que je suis ne l’oublie pas et y veillera.

Laissez-moi vous dire à ce sujet que je ne crois pas à certaines
analyses contemporaines, sur l’inexorable déclin de la qualité de
l’information et du débat public.

Je crois au contraire qu’au sein d’un environnement bouleversé
par l’avènement des nouvelles technologies, dans un monde où
les sources d’information sont devenues quasiment infinies,
seules la mise en perspective de l’information, sa vérification et
son authentification scrupuleuse, sa lecture critique et sa
hiérarchisation permettent au lecteur de lui donner un sens et
font la richesse irremplaçable de l’information écrite. Ce travail du
journaliste participe à la formation du citoyen, en lui offrant
pleinement la possibilité de s’inscrire dans la vie de la cité.

Depuis sa création, votre école a placé le souci de l’éthique au
coeur de son enseignement et de son rayonnement.

Nous vivons dans un monde de violences. Nous entrons dans le
siècle de l’éthique.

Et je sais la place que prennent dans votre formation, la réflexion
et les échanges sur la déontologie des journalistes, qui est une garantie de fiabilité et de qualité de l’information. Elle assure la
fidélité du lecteur et apparaît ainsi comme le plus sûr moyen de
lutter contre l’érosion du lectorat que connaît aujourd’hui la
presse quotidienne.

La liberté d'informer comporte des « devoirs et responsabilités »,
inscrits notamment dans les règles établies par la loi du 29 juillet
1881, fondatrice de la liberté de la presse.

Au-delà des dispositions législatives encadrant la liberté de
communication, la déontologie vise à rappeler les principes et
règles de conduite auxquels doit obéir l'activité de journaliste.

Les règles d'éthique professionnelle doivent contribuer à
accompagner le journaliste dans son activité quotidienne en fixant
les lignes directrices de sa mission d'information du public :
garantir une indépendance à l'égard de toute pression financière
ou morale, assurer une information exacte, honnête et complète et
veiller au respect des personnes.

Au coeur du métier de journaliste, les formations dispensées dans
les écoles jouent un rôle primordial dans l’apprentissage des
pratiques déontologiques, en adéquation avec l’évolution des
valeurs de la société et des exigences du public.

Je suis l’élu d’une ville, Tours, qui accueille l’une de ces écoles.
Toutefois, les journalistes, même s’ils n’ont pas bénéficié d’une
formation initiale dispensée par les écoles, peuvent y avoir accès
dans le cadre de la formation continue.

Sans une formation commune, nourrie et solidaire, proche de la
réalité quotidienne du métier, le journaliste perd sa spécificité, au
risque de compromettre sa crédibilité.

L’École supérieure de journalisme de Lille, forte de son expérience
octogénaire, a non seulement pleinement assumé ce rôle mais lui
a également conféré une dimension internationale.

Cette dimension crée une formidable attente dans le monde entier
à votre égard. Cette attente, je l’ai ressentie au cours de ce
moment particulièrement émouvant, où, avec le Président
Bourges, nous avons remis à Shanghaï, il y a trois semaines, des
diplômes à des cadres dirigeants de l’un des plus importants
groupes de médias de Chine, formés à Lille.

Je forme le voeu qu’à la mondialisation de l’information réponde
une mondialisation de la déontologie, permettant un partage des
valeurs communes de la profession qui concourent, au quotidien,
au combat pour la démocratie.

C’est aussi le sens de votre rayonnement international. Et je note
qu’Hamid Karzaï, par exemple, l’actuel chef d’Etat Afghan, s’initia,
chez vous, avec dix autres résistants, au reportage télévisuel, afin
de transmettre des images du conflit à l’Occident.

Et je me félicite que votre école soit au coeur du réseau
international, qui porte le beau nom de Théophraste, et qui fédère
dans l’espace francophone, les formations au journalisme.

Avant d’entendre la leçon inaugurale du Président Diouf, c’est
précisément sur un sage conseil du fondateur de La Gazette que
je souhaite clore ce propos : « en une seule chose ne cèderai-je à
personne, dans la recherche de la vérité ».

Je vous remercie.
Renaud Donnedieu de Vabres

Examen du budget de la communication pour le projet de loi de finances 2005 à l’Assemblée Nationale

10 novembre 2004

Messieurs les Présidents,

Messieurs les Rapporteurs,

Mesdames et Messieurs les Députés,

Avant d’entrer dans la discussion budgétaire sur les crédits de la
communication, je vous demande d’avoir une pensée pour nos
deux journalistes, Georges Malbrunot et Christian Chesnot, qui
sont encore retenus en Irak, avec leur chauffeur syrien,
Mohamed Al-Joundi, pris en otages pour avoir simplement fait
leur métier.

Le respect du pluralisme et la promotion de la diversité sont les
deux axes essentiels de mon action, en matière de
communication, comme dans le domaine de la culture. Car si
vous examinez ces crédits séparément, je tiens à vous dire
d’emblée que l’inspiration de la politique, dont ce budget est
l’expression, est la même.

Je remercie les Rapporteurs pour la grande qualité de leurs
travaux. Vous avez, l’un et l’autre, mis l’accent sur des aspects
essentiels de ce secteur de l’audiovisuel public et de la presse,
si importants pour la vitalité de notre démocratie et pour la vie
quotidienne de nos concitoyens.

Cher Dominique Richard, vous avez souligné à juste titre
l’importance économique de l’audiovisuel public, et en particulier
l’effet démultiplicateur de la redevance sur les créations
d’emplois de ce secteur. Permettez-moi de vous dire, cependant
que je vous trouve un peu injuste à l’égard d’une réforme qui
constitue un progrès majeur. Car elle conserve au secteur une
ressource affectée et pérenne. Une ressource, qui je le rappelle,
s’élève pour 2005 à 2 milliards 659 millions d’euros.

Cher Patrice Martin-Lalande, vous devez être fier de voir avec
cette réforme, l’un des chantiers que vous aviez conduits au sein
de la Mission d’Evaluation et de Contrôle aboutir enfin.

Cette réforme est une bonne réforme. Parce qu’elle est juste,
équilibrée et solide. Et ce, autant pour le secteur public
audiovisuel que pour le contribuable.

Le secteur public audiovisuel est consolidé par le maintien d’un
financement spécifique, d’une garantie de ressource propre et
directement affectée. Il est vrai que certains défauts du mode de
recouvrement de cette redevance devenaient criants et
symptomatiques d’un archaïsme fiscal.

C’est la raison pour laquelle nous avons estimé que l’adossement
du recouvrement de la redevance à la taxe d’habitation permettait
une rationalisation conforme à notre ambition de réforme de l’Etat.

La réduction du coût de la collecte constituait la principale demande
de votre commission. Désormais, le recouvrement et le contrôle de
la redevance seront à la fois plus efficace et moins coûteux, ce qui
bénéficiera à l’ensemble de la collectivité. Pour la troisième année
consécutive, le contribuable ne verra pas sa redevance augmenter.

Mais pour la première fois, le contribuable téléspectateur et auditeur
bénéficiera d’un système plus juste et plus simple :

– un système plus simple : une seule redevance due par foyer
fiscal détenteur d’un poste de télévision, quel que soit le lieu de
réception ;

– un système plus juste : en alignant les dégrèvements de
redevance pour motifs sociaux sur ceux de la taxe d’habitation,
le Gouvernement permet à un million de foyers modestes
supplémentaires, notamment les personnes âgées de 60 à 65
ans et les bénéficiaires du RMI, de bénéficier de cette
exonération.

Au total, comme l’a indiqué le rapporteur spécial, le projet de
réforme de la redevance entraîne une progression des
encaissements de 84 millions d’euros, ce qui assure au secteur
public de l’audiovisuel une progression de ses ressources de 2,4 %
en 2005 par rapport à 2004. C’est plus que l’année dernière (2,34%)
et c’est loin d’être négligeable.

Cette augmentation ne me fait pas oublier les débats qui ont animé
votre Assemblée au moment de l’adoption de cette réforme qui
constitue, permettez-moi de vous le dire, un progrès majeur.

Je souhaite aussi saluer le vote par votre Assemblée de
l’amendement de Patrice Martin-Lalande tendant à sécuriser les
ressources de l’audiovisuel public en 2005. Cette initiative permettra
dès 2005 de vous rassurer sur la collecte, ce qui n’est pas encore le
cas pour 2004. Je tiens à vous remercier de l’avoir prise.

La réforme de la collecte de la redevance est importante à mes yeux
mais ne constitue pas une fin en soi. En d’autres termes, la politique
audiovisuelle que je mène au nom du Gouvernement ne saurait se
réduire à la réforme de la redevance. Mon objectif est d’inscrire la
politique de l’audiovisuel dans la stratégie du Gouvernement en
faveur du développement de l’emploi et de l’attractivité du territoire,
tout en offrant au téléspectateur une télévision et une radio
publiques de qualité et clairement identifiées dans leur mission de
service public.

La stratégie de l’emploi d’abord. En écho au débat que vous avez
tenu sur les délocalisations, j’inscris pleinement mon action dans
cette perspective. Il faut consolider le secteur public audiovisuel au
service du développement du cinéma et de la production
audiovisuelle française, au service de la re-localisation des
tournages dans nos régions et donc de la création d’emplois. En ce
sens, les ressources de l’audiovisuel public ne couvrent pas
uniquement les besoins d’un secteur. Mon ambition est avant tout de
consolider l’attractivité de notre territoire, tout en développant un
secteur économique qui représente plus de 20 000 emplois directs.

C’est ma priorité car elle conditionne toutes les autres.

Ainsi, le crédit d’impôt cinéma voté en fin d’année dernière a tenu
toutes ses promesses puisque la part des semaines de tournages
réalisées en France est passée de 61 % à 72 % en 2004. Fort de ce
résultat, j’ai souhaité pour 2005 étendre le crédit d’impôt cinéma aux
films ambitieux, susceptibles de créer un nombre important
d’emplois.

Mon objectif est le même pour la production audiovisuelle. La qualité
et le talent de nos artistes et de nos techniciens sont reconnus dans
le monde entier. La qualité et la diversité de nos paysages et de nos
monuments en font des décors naturels incomparables. Et pourtant,
ce sont encore près de 22 % des journées de tournages de fictions
télévisées qui se déroulent à l’étranger.

Dans le même esprit que pour le cinéma, le crédit d’impôt spécifique
pour la production audiovisuelle est une réponse forte et efficace.

Il s’agit de rapatrier environ 70 000 jours de travail liés à des
tournages dans les domaines de la fiction, de l’animation ou encore
du documentaire. Bien sûr, le succès de cette mesure dépend de
l’esprit de responsabilité de chacun : diffuseurs publics et privés,
producteurs, pouvoirs publics. Comme pour le crédit d’impôt cinéma,
je souhaite une évaluation régulière de son impact.

Ces mesures nouvelles en faveur du cinéma et de la production
audiovisuelle correspondent à une aide fiscale de 40 millions d’euros
en 2005.

En second lieu, j’ai souhaité étendre à la production audiovisuelle
dès 2005 le système des fonds régionaux.

Dans le même esprit, j’ai demandé à France Télévisions d’étudier
l’amélioration du financement de certains secteurs fragiles de la
production audiovisuelle. Je salue à cette occasion l’accord qui vient
d’être passé par France Télévisions avec le secteur du
documentaire, dont vous savez qu’il est fragile et mal financé.

La consolidation de l’emploi passe aussi par la requalification de
l’emploi précaire dans le secteur public audiovisuel. J’ai réuni lundi 8
novembre, avant-hier, une table ronde des diffuseurs afin de dresser
un bilan d’étape et de faire le point sur les actions à mener. En la
matière, le secteur public audiovisuel se doit d’être exemplaire.

J’approuve et je soutiens le plan présenté par Marc Teissier,
Président de France Télévisions, tendant à faire passer le taux de
recours à l’emploi précaire de 16 % à 10 % au total. Si la politique
de l’audiovisuel public que je souhaite mener est bien sûr centrée
sur la lutte contre les délocalisations, elle n’en oublie pas pour
autant la consolidation et le développement de l’identité propre du
service public de l’audiovisuel, second objectif. En d’autres termes,
la consolidation économique d’un secteur n’a de sens que si le
téléspectateur se voit offrir des programmes plus diversifiés, plus
riches et clairement identifiés, et si la notion de service public a bien
un sens. Lorsque l’on sait que les français passent en moyenne 3 h
30 par jour devant leur petit écran, la question est loin d’être
mineure.

Les médias audiovisuels sont, pour moi, un moyen essentiel de la
politique culturelle. La large diffusion de l’offre culturelle, la conquête
de nouveaux publics passent par l’écran de télévision et les ondes
de la radio publique.

Je crois possible un enrichissement des programmes de télévision
et de radio pour donner au service public une identité plus forte, plus
audacieuse, qui est plus que jamais nécessaire dans le paysage
audiovisuel français. Je sais que vous avez souvent entendu ce
discours : ce ne sont pas des mots pour moi vides de sens. Il s’agit
d’une démarche de fond que je veux inscrire dans la durée.

En la matière, les résultats concrets sont déjà là :

– l’effort additionnel en 2005 de France Télévisions en faveur des
programmes de culture et de connaissance s’élèvera à 6,3 millions
d’euros ;

– le récent accord signé par France Télévisions avec l’Union
syndicale de la production audiovisuelle (UPSA) et le Syndicat des
Producteurs Indépendants (SPI) en faveur du documentaire de
création, qui se concrétise par un engagement financier de 64
millions d’euros en 2004 et une enveloppe supplémentaire de 10
millions d’euros pour les années 2005 à 2007. Mais là encore, j’attire
votre attention sur le fait que cet engagement financier est
conditionné par l’évolution des ressources publiques qui seront
attribuées à France Télévisions au cours des trois années à venir.

– France Télévisions, il faut le souligner, investit plus que ses
obligations dans la production audiovisuelle. L’accord signé avec le
BLOC (Bureau de Liaison des organisations du Cinéma) et l’ARP
(société civile des Auteurs Réalisateurs Producteurs) est également
très important pour le financement de l’industrie cinématographique.

Je crois aussi à une plus grande diversité culturelle, les succès du
« Silence de la mer » ou de « l’Odyssée de l’espèce » montrent tout
l’apport que peut incarner le service public qui doit savoir rendre plus
tangible encore sa différence.

Cette diversité culturelle, c’est aussi une meilleure représentation
des minorités visibles sur les antennes de service public et une
véritable place donnée dans le service public au dialogue des
peuples et des cultures.

Enfin, l’enrichissement de l’offre de programmes se concrétisera en
2005 par la place du secteur public audiovisuel au sein de la
Télévision Numérique de Terre (TNT). A tous ceux qui critiquent le
choix de la norme de diffusion de la TNT, je veux dire qu’il s’agit d’un
vrai choix stratégique apportant une réelle, concrète et rapide valeur
ajoutée à l’offre de programmes du secteur public audiovisuel. Pour
le téléspectateur français, la TNT ce sera avant tout la diffusion 24
heures sur 24 d’Arte et de France 5, deux chaînes emblématiques
de la diffusion des programmes de culture et de connaissance. De
même, la création de la chaîne Festival permettra une large diffusion
du spectacle vivant et de concerts en particulier. L’arrivée de la TNT
sur les écrans de nos concitoyens illustrera cette volonté de rendre
accessibles à tous et à toute heure nos programmes de culture et de
connaissance.

En d’autres termes, Mesdames et Messieurs les députés, ces
actions traduisent un engagement solennel que je prends devant
vous : celui de veiller à ce que chaque euro du contribuable trouve
sa contrepartie dans les programmes qui lui sont offerts par le
service public audiovisuel. Cette démarche ne peut s’inscrire dans le
seul cadre annuel.

Je souhaite que l’année prochaine permette d’améliorer, de
rationaliser et de rendre plus efficaces les rapports entre l’Etat et les
entreprises publiques de l’audiovisuel. Ainsi, le deuxième contrat
d’objectifs de l’INA pourrait être conclu dans les semaines à venir.

Les contrats d’objectifs de Radio France et de Radio France
Internationale sont relancés. Je souhaite définir avec vous le moyen
de donner à l’engagement financier de l’Etat une crédibilité et un
sens. Je sais, cher Patrice Martin-Lalande, que vous avez des
propositions en ce sens. Elles constituent un pas dans la bonne
direction. Mais, à mes yeux, il faut aller plus loin encore. Le temps
est peut-être venu d’une réflexion prospective et libre pour dissiper
les critiques injustes et définir ensemble une stratégie de
développement. Je souhaite donc réfléchir avec vous, dans le strict
respect de l’annualité budgétaire, à la constitution d’un groupe de
travail sur ce sujet auquel le Parlement pourrait être associé.

Il s’agit d’abord de soutenir les options stratégiques de Radio
France : numérisation des antennes, achèvement du plan bleu,
régionalisation de l’offre de programmes, restructuration de la
Maison de la Radio. L’adaptation des programmes de la radio
publique aux attentes des auditeurs doit être permanente.

Je veux aussi vous dire ma préoccupation concernant les radios
associatives. En effet, le Fonds de soutien à l’expression
radiophonique voit ses recettes diminuer. J’ai saisi de ce problème
récurrent mon collègue, le Ministre d’Etat afin qu’une solution puisse
être trouvée dans les meilleurs délais. Il en va, là aussi du respect
du pluralisme auquel, je le sais, vous êtes autant attachés que moi.

Le respect et la défense du pluralisme sont les fils conducteurs de
ce budget. Et cela vaut tout particulièrement pour la presse écrite.
Ce budget marque un effort historique en faveur de la presse, à la
hauteur des défis qui se présentent à ce secteur aujourd’hui. Ces
moyens doivent contribuer à la modernisation de la presse écrite.

Atteignant un montant total de près de 280 M€, soit une progression,
à périmètre constant, de près de 30 % par rapport à 2004, le projet
de budget que je vous présente consacre à la presse des moyens
exceptionnels par leur ampleur, à la mesure du soutien concret que
le Gouvernement entend apporter au pluralisme dans ce pays. La
presse en effet connaît aujourd’hui l’occasion unique de moderniser
ses structures de production, ce qui implique un effort financier de
l’Etat très important et soutenu.

L’action du gouvernement vis à vis de la presse écrite porte d’abord
sur la rénovation des aides existantes, dans un objectif de plus
grande transparence et d’efficacité.

La réforme de l’aide au transport postal de la presse s’inscrit dans
cette dynamique nouvelle : à l’issue de plusieurs mois de
négociations, le protocole d’accord signé le 22 juillet 2004 définit le
nouveau cadre des relations entre l’État, la presse et La Poste.

Les modalités du soutien public au transport postal de la presse,
d’un montant global de 242 M€, sont recentrées autour de deux
actions prioritaires : l’aide à la diffusion des journaux d’information
politique et générale et l’aide à la distribution de l’ensemble de la
presse écrite dans les zones de faible densité.

Je veux aussi mentionner la réforme du fonds d’aide à la
modernisation et à la distribution de la presse, qui est l’instrument
fondamental de la modernisation du secteur et qui entrera en
vigueur en 2005.

Elle permettra à la commission de contrôle du fonds de procéder à
une véritable évaluation de l’efficacité économique des subventions.

Cette réforme relèvera aussi les plafonds et les taux de subventions
: 40% pour les projets individuels, 80% pour les projets collectifs.
Le dispositif que je vous propose comporte en outre de nouvelles
aides, qui interviennent à chacune des étapes du processus :
fabrication, distribution, diffusion.

La première vise à moderniser la fabrication de la presse
quotidienne d’information politique et générale nationale, régionale
et départementale.

L’État consacre ra en 2005 38 M€ à soutenir la modernisation des
processus de production et la rénovation des relations du travail
susceptibles d’être mises en oeuvre par la presse quotidienne
nationale et la presse quotidienne en régions et dans les
départements. Il s’agit de permettre à ces entreprises de mieux
maîtriser leurs conditions d’exploitation, de conforter l’indépendance
économique de leurs titres, donc la liberté de la presse elle-même.

Deuxième aide nouvelle : la distribution de la presse, indispensable
à sa diffusion. La vente au numéro demeure essentielle puisqu’elle
continue de représenter plus de 60% des ventes de la presse, en
dépit de la progression soutenue des abonnements depuis plusieurs
années.

L’aide à la distribution de la presse quotidienne d’information
politique et générale, qui aurait initialement dû venir à expiration le
31 décembre prochain, est donc prorogée en 2005 à hauteur de
12,7 M€. Les Nouvelles messageries de la presse parisienne
(NMPP) doivent en effet poursuivre l’effort de restructuration engagé
depuis 2000 afin de ramener la qualité et le coût de la distribution
des quotidiens à un niveau plus acceptable, notamment sur le plan
économique et financier.

L’aide publique mise en place en 2005 a vocation à accompagner
cette nouvelle phase de modernisation. Ce dispositif s’inscrira
néanmoins dans un cadre rénové, ménageant une plus large place à
la contractualisation avec l’Etat, afin de mieux définir les efforts de
modernisation réalisés en contrepartie du versement de l’aide.

Troisième priorité : la diffusion de la presse écrite. Je veux vous faire
partager ma conviction que l’érosion de la presse écrite n’est pas
une fatalité. Certes, le nombre des points de vente de presse a
chuté de 16 % depuis 1995.

Cette situation traduit les difficultés bien connues de la profession et
que vous avez rappelées dans votre rapport.

Les professionnels ont élaboré un plan de consolidation, de
modernisation et de développement du réseau de vente de la
presse. Les grandes orientations de ce plan ont été présentées le
30 juin 2004 par le président du Conseil supérieur des messageries
de presse.

Afin que l’État soutienne et accompagne cette évolution, j’ai décidé
la création d’un fonds de modernisation du réseau des diffuseurs de
presse à hauteur de 3,5 M€.

Vous le voyez, c’est toute la chaîne de fabrication et de diffusion de
la presse qui est concernée par l’ensemble de ces mesures
nouvelles. Je crois profondément que la cohérence de ces actions
est la clé de leur efficacité.

C’est à dessein que je souhaite terminer cette présentation du
budget 2005 par les mesures qui doivent être prises en faveur du
lectorat des jeunes. Les jeunes représentent l’avenir de la diffusion
de la presse écrite et donc de la pérennité du pluralisme de
l’expression des pensées et des opinions. Une somme de 3,5 M€
pourra être mobilisée à cet effet dans le fonds de modernisation.

M. Bernard SPITZ m’a remis il y a quelques semaines son rapport
consacré à la lecture par les jeunes de la presse quotidienne
d’information politique et générale. De nombreuses pistes de
réflexion évoquées dans ce rapport méritent l’attention. J’installerai
dans les tous prochains jours un comité de suivi et d’évaluation
associant largement tous les acteurs du secteur. J’annoncerai très
prochainement les initiatives très concrètes que je compte prendre
dans ce domaine.

Telle est bien l’ambition de ce budget 2005 de la communication :
favoriser la diversité des expressions, faire éclore la pluralité des
talents, soutenir le pluralisme des opinions dans toutes ses
composantes, permettre que la liberté éditoriale éclaire au mieux le
chemin de notre démocratie.

Je vous remercie.

Tombée de Métier Alechinsky aux Gobelins

9 novembre 2004

Mesdames, Messieurs,

Je suis très honoré de vous accueillir dans ce lieu prestigieux et si chargé d’histoire, depuis
que, il y a 560 ans, Jean Gobelin, teinturier en écarlate, s’installa dans ce quartier Saint-
Marcel, à proximité des eaux de la Bièvre. Une histoire qui est aussi spirituelle, puisque cette
Maison servit de refuge pendant les guerres de religion, avant que Colbert ne rachète la
première tapisserie du Roi pour en faire, en 1662, la célèbre manufacture.

J’ai souhaité vous associer à un événement exceptionnel. Notre rencontre, à l’occasion de la
tombée de métier de Pierre Alechinsky, est, en effet, un rare privilège.

De la commande d’un carton à l’artiste, au tissage de l’oeuvre, il s’écoule un délai que l’on
estime toujours trop long, surtout quand il s’agit d’un artiste d’un tel renom.
Pierre Alechinsky, je suis très heureux de saluer votre présence parmi nous ce matin. J’ai eu
la chance d’inaugurer en votre compagnie l’exposition des « dessins des cinq décennies »
en juin dernier au Centre Georges Pompidou. Une exposition qui nous renvoie à ces mots
que vous avez écrits : « Dessiner, c’est s’interroger ». Ce questionnement vivace et sans
trêve, nous le poursuivons aujourd’hui ensemble, en parachevant avec vous un travail qui
fortifie le lien durable que vous entretenez avec le ministère de la culture et de la
communication, puisqu’il est destiné à compléter l’oeuvre située dans l’antichambre de la rue
de Valois.

Vous êtes un immense créateur. Et vous êtes vous-même très sensible au rôle des
Manufactures. Votre intérêt ne se porte pas seulement à la tapisserie, puisque vous nouez
des liens solides avec la Manufacture de Sèvres.

Cette tombée de métier est donc en elle-même tout un symbole.

Le village des Gobelins, comme l’on dit, est un lieu étonnant, divers et complexe. Il renferme
à la fois le Mobilier National et des manufactures de tapisserie dont certains ateliers ou
espaces d’expositions sont situés en dehors de Paris, à Beauvais ou Lodève. Je devrais
ajouter que les ateliers de dentelles situés à Alençon ou au Puy-en-Velay sont sous la
responsabilité de l’administrateur du Mobilier national.

Je ne vais pas insister sur la diversité des missions de ces établissements. Je veux
cependant souligner combien il est essentiel de reconnaître le travail de qualité effectué par
le personnel de cette administration qui sait concilier l’excellence des savoir-faire hérités de
la tradition avec les recherches et les réflexions des artistes contemporains.

C’est d’ailleurs pourquoi j’ai décidé d’accompagner ce mouvement en remettant, non pas sur
le métier, mais sur le devant de la scène, les réalisations des manufactures, les productions
de l’Atelier de Recherche et de Création dans le domaine du mobilier dont nous célébrons
cette année le 40ème anniversaire, et les achats du Mobilier National.

La réhabilitation de la grande galerie située boulevard des Gobelins va permettre d’ouvrir en
quelque sorte le village sur l’extérieur. Sur environ 1 000 m², le Mobilier National et les
Manufactures pourront présenter leurs collections d’une richesse incroyable et peu connues
du grand public. Ils pourront accueillir des expositions en faveur des métiers d’art, du design,
des arts plastiques et confronter les pratiques.

Je souhaite que des partenaires extérieurs à mon ministère soient associés à cette ouverture
et à cette reconnaissance de l’excellence des savoir-faire. Ces métiers de la tradition sont
des professions souvent fragilisées par la nécessité d’utiliser un matériau particulièrement
difficile d’emploi de nos jours, la seule vraie ressource rare, selon un économiste (Keynes) :
le temps !

Il est d’autant plus indispensable de les accompagner en exposant l’incomparable qualité de
leur travail.

Je vous remercie.

Réception en l’honneur de la Fédération Européenne des institutions linguistiques nationales

8 novembre 2004

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis très heureux de vous accueillir au ministère de la culture
et de la communication, à l’occasion de la réunion, à Paris, de la
Fédération Européenne des institutions linguistiques nationales,
dont je salue les délégués et les observateurs.

Je tiens aussi à remercier les artistes et les créateurs venus de
tous les pays de l'Union européenne.

Je remercie tout particulièrement ceux d’entre vous qui ont fait le
geste symbolique de marquer cet événement par une phrase,
une citation, un proverbe, dans leur langue, dans chacune des
vingt langues de l’Europe. Ce florilège est projeté en lettres de
lumière sur la façade du Palais-Royal.

Nous sommes rassemblés ce soir pour fêter un patrimoine qui
nous est commun, et où chaque nation trouve les racines qu'elle
a en propre ; pour célébrer un héritage qui, à l'échelle d'un
continent, porte sa diversité, sa richesse et aussi – je crois que
nous partageons tous cette conviction – sa chance : oui, la
polyphonie des langues européennes est une chance pour
l’Europe, parce qu’elle est l’expression par excellence de la
diversité culturelle et du pluralisme qui est la valeur
fondamentale de nos démocraties. La polyphonie des langues
fait écho à la polyphonie de l’esprit qui est au coeur de la culture
européenne.

Faire vivre nos langues, telle est notre passion commune : il
s’agit tout autant de préserver le patrimoine linguistique de nos
nations que de créer de nouvelles formes pour donner à nos
langues les moyens d'exprimer le monde actuel.

Nos langues aident aussi à construire la cohésion sociale de
chaque nation : c'est par la langue que se forment les citoyens,
qu'ils acquièrent une histoire et une culture, qu'ils éprouvent le
sentiment de la communauté à laquelle ils appartiennent, qu’ils
forment leurs projets, qu’ils bâtissent l’avenir.

La langue est également le premier instrument d'insertion
sociale et professionnelle, non seulement pour nos citoyens,
mais aussi pour tous ceux que nous accueillons chez nous, ces
migrants dont l'intégration dans nos sociétés se fera d'abord par
le partage d'une langue commune.

C’est pourquoi les langues sont les vecteurs de l’éducation et de la culture.

Ce qui fait de la langue, selon l’expression de Léopold Sédar Senghor, ce
« merveilleux outil », c’est qu’elle est pour chaque citoyen, l'instrument de sa
liberté et de son identité culturelle. C’est aussi qu’elle est, par essence,
l’instrument d’un dialogue et d’une ouverture sur les autres cultures.

Connaître les langues, c’est rencontrer l’autre, le respecter, comprendre les
peuples, dialoguer avec eux : oui, voilà ce que nous apporte, en plus de la
maîtrise de notre propre langue, l’apprentissage des autres langues dans
leur diversité.

Nos politiques linguistiques, dont vos journées d’étude permettent de
préciser les différences de définition et d'application, mais aussi les
convergences au sein de l’Europe, se rejoignent sur un constat, aussi
philosophique que politique. Un constat que je tiens à vous faire partager :

nos langues sont des éléments fondamentaux de notre personnalité et de
notre patrimoine. Elles sont l’expression de nos pensées et les instruments
de nos actions.

Elles sont les langues de l’enseignement, du travail, des échanges, des
échanges d’idées, de rêves, de créations, de projets, mais aussi des
services et des marchandises au sein de l’espace européen.

Mais les langues ne sont pas des marchandises. Elles ne sont pas des
produits comme les autres. C'est pourquoi on ne saurait les traiter comme
de simples modes de désignation de la production intellectuelle ou
matérielle. Les langues ne sont pas des étiquettes ou des codes-barres
collés sur des produits. Elles ne sont pas à vendre.

C’est pourquoi j'ai fait le choix de donner à la politique de la langue toute sa
place dans la politique culturelle de la France : dans sa dimension
patrimoniale, dans sa dimension sociale, dans l’expression de la diversité de
nos créations.

En affirmant dans sa Constitution que la langue de la République est le
français, notre pays marque son attachement à l'identité linguistique de la
nation. Aussi veillera-t-il d'abord à ce que, dans toutes les circonstances de
la vie sociale, sa langue soit respectée.

Il a pris, vous le savez, des dispositions législatives en ce sens, comme l'ont
d'ailleurs fait d'autres pays européens pour promouvoir leur langue
nationale.

Dans l’Europe d’aujourd’hui et dans la mondialisation actuelle, disposer de
législations telles que la loi Toubon, à laquelle je suis très attaché, est une
garantie pour nos démocraties, une garantie pour chaque peuple de pouvoir
exprimer ses idées dans la langue qui a forgé son identité.

C’est pourquoi pour ma part, je m’exprime en français dans les instances
européennes et je cherche à comprendre l’autre dans la langue de l’autre,
car tel est le véritable esprit européen.

Je m’exprime en français parce que c’est la langue que comprennent ceux
qui m’ont mandatés et devant qui je suis responsable, comme le font les
responsables politiques européens dans leur langue lorsqu’ils représentent
leur Etat.

Je souhaite que la nouvelle Commission européenne, qui entrera
prochainement en fonction, comprenne que les dispositions que nous avons
prises, les uns et les autres, pour assurer la primauté de nos langues sur
nos territoires respectifs, ne constituent en aucune manière des entraves à
la libre circulation des produits au sein du marché intérieur, mais la plus sûre
des garanties apportées à la diversité culturelle et à la démocratie.

Car ce qui est en jeu, c'est le défi politique d'organiser l'Europe dans sa
pluralité, avec toutes ses langues. La Constitution qui sera prochainement
soumise aux suffrages de nos concitoyens ou de nos Parlements nous
enjoint explicitement de nous engager dans cette voie. Fidèles à leur
engagement européen, nos nations se doivent de garantir l'identité
linguistique de leurs citoyens : l'intégration européenne se fera à travers la
diversité des langues, je le répète, et non pas malgré elle.

Dans le même esprit, la France entend donner à ses futurs citoyens la
meilleure maîtrise possible du français, ainsi que leur apprendre au moins
deux autres langues vivantes. Nous luttons aussi contre l'illettrisme de façon
déterminée, comme nous proposons une formation linguistique aux
migrants. Nous cherchons à protéger le consommateur, à simplifier la
langue de notre administration, à enrichir le lexique par une action
terminologique volontaire et créatrice.

Je tiens enfin à citer l'action importante que conduit mon ministère en faveur
de la traduction, littéraire en particulier. Car si nous ne maîtrisons pas le jeu
des influences réciproques, du moins écrivains et lecteurs ne doivent-ils pas
trébucher sur l'obstacle de la langue. C'est dans l'échange des oeuvres et
l'enrichissement mutuel des idées que réside l'essence du dialogue
séculaire entre nos langues et nos cultures, comme l'exprime avec bonheur
Umberto Eco, pour qui "la langue de l'Europe, c'est la traduction".

Je tiens à saluer et à remercier tous ceux, ici présents, qui s’engagent au
service de cette cause. Je reconnais en eux cette flamme, cet élan qui sont
ceux de la passion et du coeur. De la passion et du coeur, il en faut pour
nous conduire à créer, à animer, à enseigner, à entraîner les autres pour la
seule récompense de voir s’épanouir une culture et une langue qui nous
sont chères.

Mais cette récompense n’a pas de prix, comme l’illustre chacune des
phrases qui illuminent en ce moment même la façade du Palais Royal.

Car bien entendu, nos politiques de la langue sont tournées vers l'extérieur.
Là encore, les valeurs qui nous unissent nous indiquent le chemin. S'ouvrir à
toutes les langues et à toutes les cultures, s'enrichir de leurs échanges et de
leurs influences réciproques, en un mot respecter et préserver la diversité
culturelle : c'est là un combat que soutient ardemment la France, elle qui
promeut depuis longtemps cette idée et qui se
bat pour qu'elle devienne un instrument juridique international. Oui, plus
encore que la langue française, c'est une certaine idée de la langue que
nous défendons en Europe.

Car l'Europe, à l'inverse de la Grèce antique, n'a pas de langue commune.

L'identité européenne tient beaucoup moins à un modèle précis qu'à une
manière d'échanger les connaissances, de confronter les croyances, de
construire l'universel en analysant les différences.

Cet espace culturel multiple est profondément uni dans sa diversité. Pour la
première fois dans l'histoire, à rebours des empires traditionnels, un
ensemble géopolitique fonde son identité sur des différences, et même son
unité politique, économique et culturelle.

Cette construction sans précédent est à la fois un héritage et un projet. L’un
et l’autre sont à conquérir. Nos langues sont les armes pacifiques de cette
conquête que je tiens pour la vraie nouvelle frontière de l’Europe.

Une frontière ouverte, bien sûr, qui interdit les utopies unificatrices et en
particulier le monolinguisme, qui ne servirait qu'une monotonie culturelle, et
partant, une forme de soumission. Si, comme je le pense, l'âme de l'Europe,
c'est le respect du pluralisme, alors protégeons la diversité non pas contre le
recours épisodique à une langue globale, mais contre son hégémonie. Un
monde monolingue, ce serait un monde irrémédiablement appauvri, comme
l'a rappelé récemment encore le Président Jacques Chirac lors de son
voyage officiel au Vietnam. Un monde monolingue, ce serait un monde sans
racines et donc sans avenir.

Oui, la polyphonie de ses langues est une chance pour l'Europe comme elle
l'est pour le monde. L'exclamation d'Alberto Moravia, "les langues, merveille
de l'Europe !", sonne autant pour nous tous comme un constat que comme
un défi : faisons de notre diversité un atout, une chance pour la construction
de l'Europe !

Je vous remercie.