Rubrique ‘Blog’

Les devoirs de vacances de la commission VGE…

13 juillet 2011

Baptiser la Rue des Métiers d’Art de notre projet l’Allée de la Concorde ! Trop fort !

Prévoir que le Cercle de la Royale de notre projet accueillera – ce qui est naturel et prévu – l’Académie de Marine ! Trop fort !

Accueillir dans les salons du 1er étage de prestigieuses institutions culturelles comme le proposait le projet de la Royale ! Trop fort !

Allécher les gourmands autour de la gastronomie comme l’imaginait notre projet qui avait même conçu le potager et la ferme de « La Royale » ! Trop fort !

Oublier qu’il faut restaurer 23650m2 intégralement classés Monuments Historiques, car seuls 350m2 l’ont déjà été grâce à une convention de mécénat! Trop nul !

Découper l’Hôtel de la Marine et attribuer les lots aux administrations gourmandes ! Trop nul !

Récuser le partenariat public-privé et refuser le nouveau type de bail de valorisation qui donne de nombreuses prérogatives à l’Etat propriétaire ! Trop nul !

Faire l’impasse totale sur le financement ! Trop nul !

Mépriser les talents artistiques et les créateurs qui ont besoin d’un lieu emblématique au cur de la capitale pour présenter leur travail ! Trop nul !

Ignorer que les maîtres d’art ont besoin de recevoir des commandes privées ou publiques, faute de quoi ces trésors nationaux vivants disparaîtront ! Trop nul !

Interdire de séjour les mécènes français et étrangers, alors qu’ils participent à la fierté française ! Trop nul !

Libaniser et morceler un monument historique sans réfléchir à la cohérence d’ensemble qu’un projet doit avoir pour faire vivre un lieu aussi prestigieux ! Trop nul !

Bref, les membres de la commission présidée par Valéry Giscard d’Estaing sont privés de vacances !
Leur rapport « d’avant l’été » qui se fait attendre sera en fait celui d’un automne-hiver triste et frileux, loin d’une vision novatrice, stratégique et mobilisatrice nécessaire à l’avenir culturel de la France.

Les Français, fiers de leur patrimoine, doivent faire entendre leur exigence d’une excellence artistique vivante, diverse, attractive, pour chaque lieu.

Le vrai « trésor », ce sont talents, créateurs, artistes, artisans d’art, pour lesquels notre pays doit redevenir un phare.

La vraie richesse, c’est celle de l’imagination, du respect de l’histoire, de la fièvre de l’avenir.

Le combat pour « La Royale » me remplit de fierté

4 juillet 2011

La passion est légitime et même salutaire dès lors qu’est en perspective l’avenir d’un haut lieu de notre patrimoine. La caricature qui a fait de nous une cible emblématique permanente, vient de trouver son terme car nous pouvons désormais nous exprimer puisque le concours lancé par l’Etat est arrêté, en attente des recommandations du Président Giscard d’Estaing et de sa Commission.
Les tristes sires de sinistre mémoire, qui se sont exprimés sans information réelle, sont maintenant démentis et démunis par la vérité de notre projet, à découvrir sur www.la-royale.fr.
Qui a d’ailleurs remarqué qu’il s’agissait de ceux qui se sont, en son temps, opposés au Louvre à Abou Dhabi, voire même à Lens ? Le succès de ces projets en cours de réalisation, la reconnaissance qui les entoure désormais, sont au fond la seule belle revanche, car c’est la vengeance des esprits éclairés contre les caractères étriqués et passéistes.
Souhaitons que « La Royale » réussisse enfin par la force et l’exigence qui ont présidé à sa conception à créer pour Paris et pour la France une belle dynamique de fierté, un rassemblement des Français autour d’une perspective rayonnante de valorisation de leur patrimoine national.
Ce haut lieu, témoin de l’histoire de France, restera de manière indéfectible propriété de l’Etat. Ceux qui ne l’ont pas rappelé alors que c’était leur devoir ont délibérément voulu alimenter la polémique pour être les complices des intégrismes. Dans l’Hôtel de la Marine, l’excellence doit être au rendez-vous avec la fièvre de faire école pour que nos monuments historiques apparaissent enfin pour ce qu’ils sont, des chances et non des fardeaux.
Nous partons d’un respect. Nous le faisons vivre par une vision.Respect de l’histoire. Du Garde-meuble du Roi voulu par Louis XV jusqu’à sa fonction actuelle d’Etat-major de la Marine.
Notre objectif est de lui restituer son énergie initiale.Tout d’abord, notre engagement sans être propriétaire, et au-delà des 350 m2 déjà faits, c’est de restaurer magnifiquement l’intégralité des 24000m2 en recourant aux métiers d’art qui sont un trésor national vivant. Coût : 50% du budget annuel de l’Etat pour l’ensemble des monuments historiques, c’est-à-dire plus de 200 millions d’euros, sans que cela ne coûte quoi que ce soit aux contribuables…
Qui a la simplicité de reconnaitre et de dire publiquement que c’est un remarquable acte de mécénat ? Qui se félicite d’un nouveau modèle économique où chacun est gagnant ?
Notre ambition et notre vision consistent à exprimer que, pour la France, la culture est son avenir. Ce n’est pas une dépense, mais c’est un investissement.
L’Hôtel de la Marine est intégralement classé au titre des Monuments historiques. Sa partition, et disons-le, sa découpe, seraient une véritable honte, un abandon, une trahison.Même si certaines parties du monument n’ont pas l’excellence des fameux salons et appartements du 1er étage, c’est l’unité du lieu, sa cohérence, son esprit, sa fonction, sa diversité qui ont été protégées et qu’il faut faire revivre totalement.
Ceux qui imagineraient son démantèlement doivent s’attendre à une réplique qui sera d’autant plus cinglante qu’ils ont été préventivement vindicatifs et péremptoires.
L’enjeu est pour Paris, et pour la France, de faire de l’Hôtel de la Marine, un lieu foisonnant, symbole de la vitalité française, centre de création, vitrine des talents, phare de l’aventure et de la passion du monde de la mer, maison des fondations, ouvert, ou plutôt ré-ouvert aux Français et à tous les étrangers qui aiment et admirent notre pays.Je ne vais pas commencer à m’excuser d’avoir imaginé auprès d’Alexandre Allard, avec Jean Nouvel, Christiane Schmückle-Mollard, architecte en chef des monuments historiques, Marcelle Guillet-Lubrano, présidente de l’association nationale des Maitres d’Art et de leurs Elèves, Gérard Desquand, Président des Grands Ateliers de France, avec les talents les plus reconnus de la mer, du droit, de la banque, de la culture et de l’histoire de l’art, l’esprit d’une Villa Médicis du XXIè siècle.
Je pense possible un nouveau partenariat public-privé pour ce faire.Dans ce lieu très prestigieux, nos institutions culturelles nationales voisineront avec artistes et artisans d’art, collectionneurs, mécènes, navigateurs, amoureux de la mer et simples visiteurs.
La Royale hébergera de nombreuses fondations, dont la nôtre, qui seront autant de chances pour les nouveaux talents, pour la jeune création, pour les artistes et les artisans d’art qui ont besoin de façon urgente que Paris soit, comme c’est sa vocation, la capitale des arts, le centre foisonnant du marché de l’art, le temple vivant des métiers d’art.
Pas un euro demandé aux contribuables. Un peuple qui reste propriétaire de son histoire, mais qui décide non seulement de la respecter, pas uniquement de la faire vivre, mais de la considérer comme un atout stratégique d’avenir.
Chaque fois qu’il y a un encombrement devant le Grand Palais, le fantôme que je suis est fier.La Place de la Concorde mérite mieux que l’éclairage hémiplégique de l’Hôtel Crillon. La Royale doit être un phare, un emblème, ouvert à chacun, mais rayonnant de sa lumière et de sa force dans le monde entier.
Notre engagement n’est pas de circonstance. Il ne s’agit pas d’une « bonne affaire », mais plus solennellement d’un engagement. Pérenne. Définitif.
Les instruments juridiques prévus par l’Etat à juste titre sont des garanties essentielles. Pourquoi ne pas le rappeler ? Pourquoi occulter par ruse la magnifique avancée de la loi du 23 juillet 2010 qui permet de quitter le terrain de la vente du patrimoine de l’Etat pour ouvrir le magnifique dessein de sa valorisation ?Dans la concurrence redoutable des grandes capitales du monde, le sort de l’Hôtel de la Marine scellera la vision que notre pays a de son avenir et de ses atouts.
Non ! La France ne saurait se restreindre à l’excellence très emblématique de ses prestigieux musées. Elle est et reste – avouons plus modestement peut-être qu’elle doit redevenir – une grande nation de création et de culture, une capitale mondiale, forte de ses racines et joyeuse de son effervescence artistique.
La Royale se situe à ce niveau d’ambition. Ce n’est pas théorique. C’est un engagement concret, incarné, financé. Ce n’est pas une chimère. C’est l’alliance retrouvée de l’histoire et du futur !

Tous au Grand Palais pour « Monumenta » d’Anish Kapoor !

10 mai 2011

Chaque lieu de notre patrimoine national doit être une chance pour l’image internationale de notre pays.

Chaque lieu doit accueillir et faire rayonner talents français et étrangers. Lorsque le patrimoine le plus prestigieux de notre pays s’ouvre à la création contemporaine, non seulement c’est l’énergie initiale du lieu qui est sacralisée mais c’est aussi l’image d’un pays fier de ses racines et de son identité qui est célébrée.

La foule française et internationale qui va se précipiter aux portes du Grand Palais donnera de Paris et de notre pays une image particulièrement dynamique et ouverte qui nous permet de concurrencer les grandes capitales mondiales. C’est cette même excellence que le Grand Palais projette lorsque la verrière s’ouvre à la Biennale des Antiquaires, à la FIAC, au Salon du Livre Ancien, au défilé haute couture Chanel, au Jumping Hermès.

Je suis extrêmement fier d’avoir contribué à refaire du Grand Palais le lieu effervescent qu’il a dans son histoire toujours été.

« Monumenta » est un moment phare de sa programmation annuelle. Le fantôme du Grand Palais que je suis se réjouit de cette nouvelle édition. Il regrette seulement qu’on ait préféré pour « La Force de l’Art » à terme le Palais de Tokyo plutôt que le Grand Palais. Même si l’électricité potentielle du Palais de Tokyo est aussi un atout majeur de la France!

Vive l’europe de la culture

9 mai 2011

« L’Europe, avant d’être une alliance militaire ou une entité économique, doit être une communauté culturelle dans le sens le plus élevé du terme ».

Robert Schuman

Depuis 1945, l’Europe a garanti la paix. Elle a favorisé la croissance mais bute aujourd’hui sur les tentations de repli identitaire. La focalisation du débat public européen sur les réformes des institutions communautaires et les révisions accélérées des traités entre 1992 et 2007 ont concentré l’attention européenne sur des questions organisationnelles majeures, mais somme toute secondaires. Elles ont en effet semblé mettre au second plan la question essentielle du fondement même de l’entreprise commune qu’est l’Europe : son identité. Pris au piège des souverainismes frileux, du refus des élargissements incontrôlés et de l’absence d’ambition fédératrice, l’approfondissement de la construction européenne a ainsi rencontré un obstacle qu’elle ne parvient pas à dépasser.

En réponse à cette question identitaire et au déficit de sentiment d’appartenance à une communauté et à une civilisation, la culture peut jouer un rôle fédérateur majeur pour les Européens.

La culture a été et demeure au fondement de la création des Etats-nations qui structurent l’Europe. Que celle-ci emprunte à l’avenir la voie fédérale ou celle de « l’Europe des Etats », elle ne pourra approfondir sa construction ou s’élargir qu’en ayant répondu au besoin inhérent de tout citoyen à se reconnaître dans l’uvre en cours d’édification et à adhérer à ses fondements et valeurs. Les théories fondées sur l’émergence de nouvelles formes de citoyenneté, reposant sur l’adhésion à des principes abstraits, telle que celle développée par Jürgen Habermas sous la forme du « patriotisme constitutionnel », ne me semblent pas pouvoir répondre au besoin de rattachement et d’ancrage historique au cur de la plupart des constructions identitaires étatiques. Dotés d’histoires et de mythes fondateurs séculaires, d’institutions puissantes et de système politiques reconnus, les Etats d’Europe ne laisseront pas leur place à de simples constructions théoriques dans l’imaginaire des citoyens européens du jour au lendemain. Cette transition longue devra s’accompagner de passages de flambeaux, de constructions de signes objectifs de reconnaissance et de la mise en lumière de ce qui nous est communs.

La culture européenne tire notamment sa richesse de son extraordinaire patrimoine, antidote aux sentiments de déracinement et de dépossessions que ressentent nombre de nos concitoyens en raison des mutations accélérées de nos sociétés et d’une mondialisation désincarnée. Les politiques nationales contribuent à la mise en valeur des lieux de patrimoine. Afin de les amplifier et de mettre en lumière la dimension européenne de certains d’entre eux, l’Europe s’est dotée en 2007 d’un label européen du patrimoine. L’Acropole, l’abbaye de Cluny, les maisons natales de Puccini, Rossini et Verdi ou les chantiers navals de Gdansk constituent les premiers sites reconnus comme étant aux fondements de notre identité commune en raison de leur contribution à la pensée philosophique ou religieuse, à la création ou aux valeurs européennes.

L’émergence d’un espace mental commun pourrait également se nourrir de la reconnaissance d’une spécificité européenne dans le monde : l’existence d’indépendants culturels. Maison d’édition spécialisée, théâtre de quartier, producteurs de musique indépendants ou simple café emblématique ayant résisté à la concentration du secteur et aux chaines prodiguant un cadre standardisé de Porto à Riga, ils contribuent par leur spécificité et leur indépendance mêmes à la diversité culturelle dont l’UNESCO a reconnu le caractère essentiel. Leur protection et la sauvegarde de leur existence, en prise aux logiques concurrentielles aveuglément niveleuses, devrait constituer un nouveau défi de la politique culturelle européenne.

Pour favoriser la visibilité de notre patrimoine et des indépendants culturels et leur échanges, il nous faut désormais innover, mettre en relation et créer des réseaux sans lesquels les initiatives isolées sont condamnées à l’obscurité. Les lieux de patrimoine sont une chance, leur histoire et la qualité de leur architecture sont des signes de reconnaissance, des objets de fierté. Ils s’inscrivent en outre dans des stratégies d’attractivité souvent mises en uvres par les territoires qui souhaitent mettre en avant la richesse de leur culture. Le patrimoine constitue le lieux tout indiqué pour accueillir des projets de promotion des trésors culturels de l’Europe

A Paris, une initiative a vu le jour dans ce sens. L’Hôtel de la Marine, laissé vacant par le départ de l’Etat-major de la Marine nationale en 2014, est promis à un nouvel avenir. Un appel à projet a ouvert la voie à l’émergence de propositions de mise en valeur d’un haut lieu du patrimoine national aujourd’hui fermé au public. Le projet que je porte propose de faire de ce bâtiment situé au cur de Paris une nouvelle Villa Médicis. Accueillant en résidence des artistes français et européens, elle serait une vitrine du Haut-artisanat et un soutien à la création artistique et artisanale. Propriété de l’Etat, le bâtiment serait intégralement rénové par un investisseur privé assurant la gestion et la programmation des différents espaces de production et d’exposition artistique, en accordant une place particulière et centrale aux indépendants culturels.
Persuadé qu’une véritable restauration d’un monument historique ne se limite pas à une approche purement architecturale mais consiste à restituer à un lieu l’énergie de ses fondateurs et à lui insuffler la vie, l’Hôtel de la Marine redeviendrait le manifeste des talents et de la création qu’il fut à l’origine. Il conserverait par ailleurs la mémoire de ses différentes affectations historique en comportant un espace vivant dédié au monde de la mer et à l’aventure maritime.

Si ce projet parvenait à vaincre les conservatismes et les frilosités, il pourrait devenir un relais dans un itinéraire européen de la culture que j’appelle de mes vux. Parallèle au programme Erasmus d’échanges entre universités européennes, dont la contribution à l’émergence d’une communauté européenne parmi les jeunes est incontestable, cet itinéraire regrouperait des résidences d’artistes et lieux de patrimoine contribuant à la création contemporaine et au rayonnement de notre culture. Il serait un élément de visibilité souhaitable pour l’action communautaire culturelle dont les citoyens peinent à voir les effets au-delà des Journées européennes du patrimoine organisées à l’échelon national. Il ferait vivre la devise « Unis dans la diversité » avec une dynamique de la fierté retrouvée de ses racines vivantes et créatrices.

La religion n’est pas une « origine ». C’est une liberté!

4 avril 2011

Pourquoi parle-t-on régulièrement des Français « d’origine » musulmane et jamais des Français « d’origine » chrétienne ou juive?

Les mots et les habitudes verbales ne viennent jamais du hasard…

Est-ce pour rattacher la religion musulmane à l’immigration, à la rive sud de la Méditerranée, à l’Afrique?

Est-ce pour stigmatiser, exclure, pointer du doigt, désigner comme bouc-émissaire ceux de nos compatriotes, qui pratiquent librement la religion musulmane?

En ces temps de débat sur la laïcité, sur l’identité française, sur la diversité culturelle, sur l’égale dignité des religions et des croyances, nous devons nous rappeler que notre pays garantit comme un droit fondamental la liberté de conscience.

Disons avec force que la religion n’est pas une origine. La religion est une liberté de la personne humaine. La tradition judéo-chrétienne française s’est enrichie d’une nouvelle pratique religieuse, largement célébrée parmi nos concitoyens. Elle n’est pas remise en cause, défiée, menacée par cette affirmation qui est dans une même dynamique la célébration d’une foi et la recherche d’une identité culturelle et spirituelle.

Qui ne voit dans la France et dans le monde d’aujourd’hui que les références religieuses sont souvent davantage une démarche de recherche de valeurs et de repères, qu’à proprement parler une croyance en un Dieu, quel que soit son nom?

Si nous laissons s’enclencher une logique de peur, de défiance, d’anathème, d’exclusion, de repli, la fraternité française ne sera plus la devise républicaine. Elle apparaîtra comme une arme des uns contre les autres, d’une majorité contre une ou des minorités.

L’ouverture des esprits et des curs, le respect dû à chaque croyance, l’absolue égalité des religions, mais également l’unité et la supériorité des principes et des valeurs de la République et des Droits de l’Homme, sont des impératifs et des maîtres-mots que chacun doit « chanter ».

Ce magnifique défi n’est pas seulement celui du Ministre de l’Intérieur. Ce doit être l’honneur du Ministre de la Culture que de porter dans l’opinion une parole forte de réconciliation et de tolérance et de faire entendre la voix libre et joyeuse de l’harmonie entre les cultures, les spiritualités, les origines.

Notre ville est en deuil

29 mars 2011

Jean Royer !

Notre ville est en deuil.

Les citoyens de Tours, dans l’arc-en-ciel de leur diversité, vous saluent avec une immense émotion. Celle qu’inspirent dans un même élan l’admiration, la reconnaissance et même l’affection, ce qui est rare dans la vie d’une cité, ce qui est exceptionnel dès qu’il est question de vie politique et de responsable public.

Notre pays ressent qu’une grande figure de l’Histoire de France quitte la bataille des idées, des convictions, des projets, des valeurs, des débats salutaires parce qu’enflammés.

Jean Royer, vous avez été un Homme d’Etat proche de chacun.

C’est donc toute une foule rassemblée autour de vous, de votre famille, dans cette magnifique cathédrale, qui souhaite vous dire : Merci.

Une foule dont la beauté, la force et la ferveur sont en fait une fois de plus portées, habitées et inspirées par l’élan, la fougue et la générosité qui étaient les vôtres.

Vous aimiez abolir toute distance, faire vivre à chaque instant notre devise républicaine de liberté, d’égalité et de fraternité, arborée comme un blason personnel exigeant le respect dû à chacun, riche ou pauvre, savant ou ignorant, jeune ou vieux, valide ou invalide.

Vous aimiez passionnément convaincre, entraîner, provoquer même pour faire céder les conformismes, les conservatismes, les frilosités.

« Les vents empêchent les eaux du lac de pourrir » disait Thucydide. Le souffle de votre passion a bousculé les uns, galvanisé les autres, impressionné chacun, quelle que soit sa propre conviction, car votre personnalité était vraie, franche, authentique, directe. Vous étiez respecté, car votre caractère était trempé, sincère, ouvert. Même s’il n’était pas facile de vous faire changer d’avis, votre écoute n’était pas une ruse mais un principe éthique, le reflet de votre attachement au peuple, qu’il faut savoir entendre pour mieux le conduire.

Lorsque vous plaidiez pour notre ville, pour un projet qui vous tenait à cur, lorsque vous évoquiez les grands dossiers du monde et les priorités politiques de la France, il était difficile voire impossible de vous dire non, tant vous aimiez pousser le cri d’Antigone:  » tout, tout de suite ou alors je refuse ! »

Travailleur infatigable et doué d’une immense culture, vous connaissiez vos dossiers avec une précision redoutable, qui vous permettait d’avoir préventivement réfuté toutes les objections. Et si vous ne parveniez pas immédiatement à vos fins, vous agissiez directement, ne cédant jamais aux esprits démagogues ou étriqués. Apporter un résultat concret aux Tourangeaux, créer une dynamique positive pour de nombreux Français, étaient des maîtres-mots et des impératifs qui vous permettaient de dépasser contingences et réalités fâcheuses.

Détourner un fleuve, rénover un quartier ancien emblématique, décider de créer une école supérieure, bâtir les fameux pavillons du maire, élargir les frontières de notre ville, promouvoir les équipes sportives, construire un barrage, endiguer le capitalisme financier et commercial, autant d’exemples qui prouvent que rien ni personne ne vous a jamais empêché d’agir, d’entreprendre, de réaliser.

Le vrai ruban rouge de votre Légion d’Honneur, ce sont en fait les innombrables rubans tricolores que vous aimiez couper pour ouvrir une nouvelle réalisation, sans jamais vous arrêter d’imaginer, de lancer, de créer, tant vous ressentiez l’exigence de résultats espérés par vos concitoyens.

Vous n’avez jamais attendu de reconnaissance, même si l’élection – vous avez été Maire pour 6 mandats municipaux et Député pour les 10 premières législatures de la Vème République – a été pour vous plus qu’une juste récompense. La confiance du peuple était pour vous plus qu’une réussite personnelle, c’était un principe vital, une incitation à continuer d’agir, de réformer.

Jean Royer, vous avez magnifiquement incarné les valeurs décrites par le Général de Gaulle dans « le Fil de l’Epée » :

 » Face à l’événement, c’est à soi-même que recourt l’homme de caractère. Son mouvement est d’imposer à l’action sa marque, de la prendre à son compte, d’en faire son affaire. Et loin de s’abriter sous la hiérarchie, de se cacher dans les textes, de se couvrir des comptes rendus, le voilà qui se dresse, se campe et fait front. Non qu’il veuille ignorer les ordres ou négliger les conseils, mais il a la passion de vouloir, la jalousie de décider. Non qu’il soit inconscient du risque ou dédaigneux des conséquences, mais il les mesure de bonne foi et les accepte sans ruse. Bien mieux, il embrasse l’action avec l’orgueil du maître, car s’il s’en mêle, elle est à lui; jouissant du succès pourvu qu’il lui soit dû et lors même qu’il n’en tire pas profit, supportant tout le poids du revers non sans quelque amère satisfaction. Bref, lutteur qui trouve au-dedans son ardeur et son point d’appui, joueur qui cherche moins le gain que la réussite et paie ses dettes de son propre argent, l’homme de caractère confère à l’action la noblesse; sans lui morne tâche d’esclave, grâce à lui jeu divin du héros. »

Votre voix résonne dans nos curs malgré le silence de la mort.

Les grandes orgues étaient pour vous le passionné de politique un instrument familier, où vous saviez parfaitement jouer de tous les registres et de tous les claviers avec comme seule partition, la fougue, la foi, le travail, la ferveur.

Lorsque vous montiez à une tribune sans notes, chacun célébrait la virtuosité de votre talent, fruit d’une grande réflexion nourrie par l’Histoire, mais aussi enrichie par la multitude des contacts directs, simples, chaleureux que vous saviez avoir dans la rue, dans votre bureau, sur un chantier, dans un atelier, à 6 heures du matin, comme tard le soir.

Chez vous, l’autorité et la responsabilité n’allaient pas de pair avec l’éloignement, la distance ou le mépris. Votre vision stratégique était enrichie par les échanges quotidiens et chaleureux avec le peuple de Tours, le peuple de France, qui ressentaient pour vous un vrai respect, même s’ils conservaient, comme chaque Français digne de ce nom, leur liberté de critique citoyenne !

Lorsque nous recevions vos paroles, vous faisiez de nous, non pas de simples auditeurs, subjugués par votre talent oratoire, mais d’authentiques combattants. Je n’utilise pas le terme de militant car il fait référence aux partis que vous n’avez jamais vraiment aimés, sauf lorsqu’il s’est agi d’être au côté du Général de Gaulle au sein du Rassemblement du Peuple Français.

Jean ROYER, vous avez aimé l’indépendance et la liberté parce qu’il s’agissait pour vous d’un moteur vital, de votre oxygène politique, de votre éthique et de votre manière personnelle de suivre l’exemple du Général de Gaulle.

Vous avez toujours choisi vos équipes avec le souci de l’authentique, de l’humain, avec la recherche inlassable d’hommes et de femmes, disponibles, ouverts, généreux. Vous avez aussi attiré de nombreuses personnalités fortes venues de larges horizons de la société, réunies et mobilisées par votre capacité d’entraînement et votre goût de l’action concrète et du résultat.

Personne de l’extérieur n’était en mesure de vous imposer quoi que ce soit ! Votre légendaire répartie était une sorte d’arme préventive !

En vous remettant la légion d’honneur le 3 mars 1988 à l’Assemblée nationale, Alain Peyrefitte a rappelé cette réplique extraordinaire. En réunion publique, on vous demande un jour : « mais alors, si vous êtes élu, où allez-vous siéger dans l’hémicycle ? » Et vous répondez du tac au tac : « si on ne me donne pas de siège, je resterai debout. »

Vous avez été un enseignant, un maire, un député, un ministre, un homme, debout.

Exigeant pour lui-même. Exigeant pour répondre aux attentes de son prochain. Exigeant pour faire rayonner Tours et la Touraine. Exigeant pour incarner la fierté française.

Dans le même discours, Alain Peyrefitte rappelle un extrait des paroles du Général de Gaulle à Tours en mai 1958 devant 30 000 personnes : « Nous continuons de faire notre devoir; nous l’avons toujours fait. Et quand on nous fermera les yeux, nous ne demanderons pas d’autre récompense ».

Vous saluer aujourd’hui, c’est essayer de porter haut le sens du devoir, de l’honneur, du travail, du dévouement, de l’intérêt général. C’est faire vivre votre mémoire pour continuer le chemin de l’action sans être un chaînon manquant.

Vous saluer aujourd’hui, c’est vous dire merci.

Pour ce que vous avez été. Pour ce que vous resterez pour nous. Une personnalité forte, hors du commun, passionnée, humaine et enracinée dans les valeurs de notre République et de notre terre.

Un élu, un ministre dont nous avons été et resterons fiers.

Le vrai tombeau des morts, c’est le cur des vivants. Jean Royer nous vous aimons.

Pour vous dire personnellement merci, vous qui m’avez dit au pied de ma permanence de la rue Nationale avec chaleur et gravité « je vous serre la main » le soir où je vous ai succédé à l’Assemblée Nationale, j’ai choisi dans l’Anthologie de la Poésie Française du Président Pompidou, qui vous a fait 2 fois ministre, quelques vers d’Apollinaire :

« …
Je juge cette longue querelle de la tradition et de l’invention
De l’Ordre de l’Aventure

Vous dont la bouche est faite à l’image de celle de Dieu
Bouche qui est l’ordre même
Soyez indulgents quand vous nous comparez
A ceux qui furent la perfection de l’ordre
Nous qui quêtons partout l’aventure

Nous ne sommes pas vos ennemis
Nous voulons nous donner de vastes et d’étranges domaines
Où le mystère en fleurs s’offre à qui veut le cueillir
Il y a là des feux nouveaux des couleurs jamais vues
Mille phantasmes impondérables
Auxquels il faut donner de la réalité

Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait
Il y a aussi le temps qu’on peut chasser ou faire revenir
Pitié pour nous qui combattons toujours aux frontières
De l’illimité et de l’avenir
Pitié pour nos erreurs pitié pour nos péchés

Voici que vient l’été la saison violente
Et ma jeunesse est morte ainsi que le printemps
O Soleil c’est le temps de la raison ardente
Et j’attends

Pour la suivre toujours la forme noble et douce
Qu’elle prend afin que je l’aime seulement
… »

Jean ROYER, un Homme d’Etat proche de chacun

25 mars 2011

Je ressens une immense émotion à l’annonce de la mort de Jean Royer. C’est une grande figure de notre pays qui quitte la terre tourangelle qu’il aimait passionnément.
Homme d’engagement, de passion, de conviction, Jean Royer a été l’architecte des grands projets de Tours. Il a dans son action ministérielle servi avec fougue les grandes priorités économiques du développement de la France.
A l’écoute de chacun, disponible en toute circonstance, proche des réalités quotidiennes mais fervent défenseur des grandes causes nationales et mondiales, Jean Royer a été un véritable homme d’Etat.
Lui succéder à l’Assemblée nationale a été pour moi un redoutable honneur. Je pense aujourd’hui à sa femme et à ses enfants avec affection et respect.

L’art de vivre à la Française : l’excellence du patrimoine !

10 janvier 2011

Lors des journées européennes du patrimoine, la foule visite avec passion les monuments français. Elle se les approprie avec fierté. Et lorsque les portes se referment, malgré un foisonnement d’initiatives tout au long de l’année et une fréquentation soutenue de nos lieux emblématiques, la question de nos monuments historiques semble également disparaître du champ des priorités stratégiques les plus urgentes.
Il faut donc à nouveau proclamer que la force d’un passé prestigieux n’est pas une assurance tous risques permettant de se reposer sur de puissants lauriers. C’est une exigence, une richesse et un défi de tous les jours. Une chance et non une charge, pour peu que l’on s’attache avec beaucoup d’énergie, d’intelligence et d’imagination à bâtir, cas par cas, une vraie stratégie de valorisation et de rayonnement.
En ces temps de crise économique, sociale et morale, nous n’avons tout simplement pas le droit de ne pas considérer comme un atout d’avenir prometteur ces trésors que constituent les monuments historiques publics et privés, et qu’incarnent avec passion tous ceux qui font des métiers d’art leur étendard et leur blason.
L’art de vivre à la Française ? Faire de l’excellence du patrimoine une réalité vivante !
Cela suppose un sursaut, une vision, une vraie volonté, qui vont bien au-delà des considérations purement financières. Certes, il faut de l’argent, public et privé, pour faire vivre et rayonner ces lieux magiques. Les restaurer, leur redonner leur énergie initiale. Les ouvrir, à tous les sens de ce beau mot. Mais, cela ne suffit pas.
Un vrai projet, fait d’audace et de respect, incarné par d’authentiques passionnés de l’histoire et de la création doit être imaginé pour chaque monument.
Se contenter d’admirer sans agir, se limiter à célébrer sans s’engager concrètement, sont des réflexes de nostalgie sympathique, mais très en deçà de nos responsabilités que nous devons tous ensemble assumer.

C’est d’un vrai plan d’avenir qu’il s’agit. L’Etat, les collectivités locales, les associations d’amis, les propriétaires privés, les mécènes sont l’arc-en-ciel des talents et des acteurs qu’il faut rassembler et mobiliser.
Leur union, leur concert, l’addition de leurs efforts sont tout à la fois un impératif politique et l’annonce d’une grande force économique apte à investir pour l’avenir en liaison avec tous les professionnels concernés.
Du village le plus emblématique au café le plus authentique, de la place la plus célèbre à la librairie la plus préservée, du paysage le plus intact au bistrot le plus typique ! Innombrables sont nos atouts qui symbolisent notre art de vivre.
Le patrimoine, levier de croissance, facteur de richesses et de développement, phare de l’attractivité! Autour de slogans qui doivent s’ancrer dans l’actualité !
1) Et si les « vielles pierres » étaient nos nouvelles armes pour réussir dans la mondialisation à éviter les engrenages de la délocalisation, de la standardisation et de la perte d’identité ?
2) Et si les métiers d’art redevenaient une vraie valeur d’avenir créatrice d’activités, d’emplois, de fiertés ? Les maîtres d’art sont des trésors nationaux vivants. Alors, plaçons-les au cur des monuments historiques au lieu de les reléguer dans les espaces où leur fragilité les contraint de travailler.
Que coûterait-il d’ « affecter » systématiquement à chaque monument historique d’Etat plusieurs artisans d’art pour qu’ils puissent y travailler et même y résider ? Cela constituerait en France et même en Europe un parcours emblématique, une sorte de Route des talents ! Nul doute que s’y associeraient nombreuses collectivités et propriétaires privés.
3) Et si un nouveau modèle économique était imaginé pour valoriser notre patrimoine en en faisant une chance pour de nombreuses activités menacées, et une perspective concrète pour promouvoir les talents, de notre pays.
Chaque pièce d’un château, chaque partie d’un monument peut, dans le respect de son identité, être déclencheur de chances nouvelles, d’évènements féconds, qui recréent l’énergie initiale de l’espace au moment où il a été conçu, en lui donnant de surcroît une force contemporaine.
4) Et si pour remercier les mécènes étrangers de la France, qui financent une grande partie de notre rayonnement dans le monde, nous prévoyions qu’un ou plusieurs appartements de certains châteaux leurs soient ouverts en guise de remerciement, pour résider lorsqu’ils viennent dans notre pays ? Ce serait un geste au symbole fort et aux suites concrètes substantielles…
5) Et si pour faire des journées européennes du patrimoine un événement mêlant la beauté de la pierre à la dynamique du spectacle vivant nous décidions d’organiser dans 27 chaînes de télévisions publiques de chacun des pays de l’Union Européenne une « Nuit de la culture européenne » en direct de sites exceptionnels ?
L’engouement populaire d’un tel événement mêlant fierté des racines et énergie de la création musicale, chorégraphique, plastique, théâtrale en ferait vite un rendez-vous mensuel très plébiscité !
6) Et si nous lancions un nouveau plan national de valorisation de notre patrimoine, permettant à chaque monument d’être fortement valorisé, authentiquement restauré et magnifiquement habité par d’audacieux projets ?
C’est une grande cause, fédératrice et productrice de très nombreuses retombées politiques, sociales et économiques. Ce n’est pas une dépense ; c’est un investissement ! L’Etat a récemment augmenté de 33% sa dotation annuelle, ce qui est une avancée considérable, car c’est un engagement dans la durée rappelé solennellement par le Président de la République. Mais reconnaissons que c’est totalement en deçà des enjeux si l’on veut véritablement donner au patrimoine français son rayonnement mondial.
7) Et si nous ouvrions davantage le soir les monuments ce qui permettrait d’accueillir tous ceux qui travaillent dans la journée ? Pourquoi d’ailleurs ne pas lancer de façon expérimentale des haltes-garderies pour que les jeunes couples puissent sortir et faire garder sur places leurs bébés ?
8) Et si chaque monument, public ou privé, était jumelé avec une classe de France, donnant une ouverture et une découverte à nos jeunes concitoyens, géographiquement ou mentalement très éloignés des splendeurs de notre – de leur – patrimoine ? Ce serait une vraie main tendue pour que s’estompe la frontière entre les curs historiques de nos villes et leurs banlieues, un choc des imaginaires et un croisement fécond des esprits.
9) Et si nous inventions les « mécènes du 3è type » que constitueraient les étudiants et les élèves de nos grandes écoles, créant dans chaque lieu un club d’initiatives pour parrainer, ouvrir, donner le goût de la découverte, inciter à la visite par l’organisation d’événements.
10) Et si l’Union Européenne s’engageait fortement dans le soutien à tous les monuments majeurs constitutifs de l’âme européenne, en contribuant à leur restauration, leur ouverture, leur valorisation, leur mise en réseau ? On peut même imaginer une sorte de « Google earth culturel et touristique du patrimoine européen » avec notre propre moteur de recherche et nos propres images ! Ce « guide du routard » de l’Europe serait à la pointe de la technologie et à l’avant-garde des nouvelles aspirations qualitatives et éthiques des touristes du monde, puisque l’on constate un retour – et c’est un progrès – au beau, au rare, au physique, au vrai, à l’authentique. Qu’il s’agisse d’un château, d’un café, d’une librairie indépendante, d’une abbaye, d’un musée, d’une place ou d’un site pour ne citer que quelques vecteurs de magie et de dépassement de soi.
Innombrables sont les potentialités offertes par notre patrimoine : de l’attractivité touristique à la création d’activités nouvelles, de la fierté de ses racines et de son histoire à l’effervescence d’événements forts de valorisation, autant d’atouts en nos mains. C’est le contraire d’une contemplation passive et satisfaite. C’est une prise de conscience exigeante des vrais enjeux, du capital que nous n’avons tout simplement pas le droit de négliger. Alors, mobilisons-nous pour que ce soit une grande cause nationale.
Il y va de la vocation de notre pays d’ouvrir le chemin de cette nouvelle stratégie de mise en valeur de notre patrimoine historique, sans attendre que de nombreux projets ambitieux et audacieux magnifiquement menés dans le monde nous fassent apparaître comme une « belle endormie ». Action ! Soyons les jardiniers passionnés de l’art de vivre à la Française !

Agir c’est partager la fierté

9 novembre 2010

Remise du prix « Doha Capitale Culturelle Arabe » à Abd Al Malik et Renaud Donnedieu de Vabres

Monsieur l’Ambassadeur, cher Mohamed, Madame la Directrice Générale de l’UNESCO, chers amis,

Remercier le Qatar pour l’honneur qui m’est fait, te remercier, cher Mohamed, de m’avoir permis d’exprimer mon admiration et mon affection à un grand artiste français, Abd Al Malik, en liant nos sorts, grâce à ce prix, autour du commun culturel entre le monde arabe et la France, c’est affirmer une volonté, c’est tout simplement agir.

C’est bâtir un véritable arc en ciel, où se conjuguent les talents, les origines, les perspectives, les contraires et les différences, au lieu de laisser s’antagoniser les peurs, les rancurs, les mépris et les haines, qui sont la réponse de plus en plus ordinaire et banale à la crise, le terreau nauséeux dans lequel prospèrent intégrisme, fanatisme et racisme.

C’est construire le « monde-pont » cher au grand poète arabe, Adonis, que je cite :
« Le MONDE-PONT est pareil à la poésie, nous emportant loin de nous-mêmes pour nous rendre plus proche à la fois de notre être profond et des autres. Il est symbolisé géographiquement et culturellement par notre Méditerranée, notre mer-mère commune dont je crois voir les deux rivages se rencontrer dans l’acte de création comme se rencontrent les deux lèvres, ou comme se nouent les deux bras autour d’un même corps, une création qui dit à chacun de nous : tu seras toi-même seulement dans la mesure où tu seras l’autre. »

Agir, c’est partager la fierté, c’est faire rayonner le meilleur de chacun, c’est ouvrir la dynamique de la fraternité par l’hospitalité des lieux, l’audace de la rencontre, la morale de l’énergie, de la création, de la découverte, du respect. Il faut vivre les lieux, incarner les fonctions, habiter les symboles. C’est cela qui porte leur énergie initiale au paroxysme.
Dire cela, à l’ambassade du Qatar, c’est naturellement célébrer l’uvre de Pei et de Jean-Michel Wilmotte pour la création du Musée d’Art Islamique de Doha, c’est attendre avec impatience celle de Jean Nouvel, à Doha pour le Musée National du Qatar.

Mais c’est aussi pour moi évoquer la couverture de la cour Visconti du Louvre qui accueillera grâce à Rudy Ricciotti un magnifique département des Arts de l’Islam, c’est rendre concrète la présence de notre premier Musée National à Lens comme à Abu-Dhabi, c’est se rappeler avec joie et émotion, Cher Abd Al Malik, l’ouverture du Grand Palais aux cultures urbaines ! « Rue au Grand Palais » Ce n’était pas une provocation mais une main tendue. Une réconciliation…

C’est là que nous nous sommes connus, un an après les violences qui avaient marqué les banlieues, où j’avais voulu dédier l’un de nos phares les plus emblématiques de la fierté française à la jeunesse, au rap, au hip-hop, au skate, au graff, aux battles pour que tous ensemble, quelle que soit notre couleur de peau, notre religion ou notre vie personnelle, nous puissions vivre joyeusement notre devise républicaine.

Vous m’avez dédicacé une photo de votre concert avec cette légende maxime :
« Dans le jardin, les fleurs sont multiples, mais l’eau est une . »
« Nous sommes tous issus de la même lumière. »

Evoquer tout cela grâce à toi, cher Monsieur l’Ambassadeur, cher Mohamed, ce n’est pas ressentir une bouffée de nostalgie.
Bien au contraire. C’est prendre l’engagement d’avoir en permanence de beaux réflexes, à chaque fois qu’une perspective se dégage, qu’un choix est à faire, qu’une option est à retenir.

Faire vivre la diversité, c’est chanter le respect, créer de vraies passerelles entre les cultures, entre les époques, entre les religions. Ce n’est pas une posture à éclipses liée aux responsabilités temporaires. C’est une respiration quotidienne. Ce doit être un réflexe exigeant, une ambition permanente.
C’est certainement également une urgence, si l’on veut éviter les incendies, les engrenages et les violences. Cela doit concerner ainsi bien les écoles dans les quartiers de nos villes que les palais prestigieux.

C’est ainsi qu’aujourd’hui, pour l’ouverture du nouveau Royal Monceau, propriété du Qatar, j’ai été heureux et fier avec Alexandre Allard de pouvoir accueillir dans la galerie Art District, première du genre dans un palace à Paris, l’uvre de Jean-Michel Basquiat, grâce au concours amical d’Enrico Navarra, fier et heureux que les photos exposées dans les chambres soient un voyage dans la création mondiale.

C’est ainsi que si nous avons l’honneur de nous occuper de l’avenir de l’Hôtel de la Marine, place de la Concorde, nous y ferons une Villa Medicis qui, dans un même élan fera rayonner les talents français et s’ouvrira sur le monde en étant le point de rencontre des mécènes, des fondations, des artistes, des maîtres d’art, des collectionneurs et des amateurs d’art de tous les pays.

Cette main que nous devons tendre, ce cur que nous devons tous ouvrir, c’est partout où cela est possible.

Le prix que vous nous remettez, Monsieur l’Ambassadeur, met en lumière la volonté particulièrement forte des autorités du Qatar de bâtir la paix et le développement sur l’intelligence, l’éducation, la culture, le respect du passé, des traditions mais aussi la fièvre et l’audace de l’avenir.

Arc électrique des sensibilités et des libertés.
Arc en ciel des talents.
Dialogue des racines, de l’énergie et de la création.

Autant de valeurs et de symboles que porte comme un étendard avec panache Abd Al Malik.

Aujourd’hui où sort votre nouvel album, « Château Rouge » et quelques jours après avoir reçu le prix « Edgar Faure » pour votre livre « la guerre des banlieues n’aura pas lieu », publié aux éditions du Cherche Midi, j’ai choisi de vous citer, j’allais dire d’essayer de vous déclamer tant vos propos sont à la fois un chant, un hymne et une devise !
Je vous ai entendu dire dans une interview cette phrase magnifique et courageuse : « je ne constate pas l’obscurité, j’allume une bougie ».

Voici le texte de l’homme engagé, de l’artiste exceptionnel que vous êtes et que le Qatar met aujourd’hui à l’honneur grâce à une belle complicité qui me relie à vous, Monsieur l’Ambassadeur, ou plutôt qui me relie à toi, cher Mohamed.

« Comment faire pour que, dans un monde globalisé, sur un globe mondialisé, chacun de nous puisse être un, sans se défaire de sa différence singulière qui fait le multiple dans l’un et la beauté du lien ?

Je parle de donner une âme au village global.
Donc, si je parle de moi, je parle de ma cité.
Et si je parle de ma cité, je parle de la France.
Et si je parle de la France, je parle de l’Europe.
Et si je parle de l’Europe, je parle de l’Afrique.
Et si je parle de l’Afrique, je parle du monde.
C’est par ce que ce qui est vrai pour un être est vrai pour un pays.
Et ce qui est vrai pour un pays est vrai pour l’Humanité.
Maintenant, imaginez un être sans âme…
Imaginez un être sans vertu.
Imaginez un être sans générosité, un être sans principe, un être sans éthique, un être sans bravoure, un être sans justice, un être sans regret, un être sans respect, un être sans cause, un être sans rai
son, un être sans mémoire, un être sans sagesse, un être sans savoir, un être sans devoir, un être sans art, un être sans musique, un être sans mystique avec ou sans Dieu.
Imaginez un être sans cur, un être sans amour.
Imaginez un être-animal féroce, drapé dans les oripeaux de l’humanité.
C’est peut-être moi, c’est peut-être vous, c’est peut-être nous, et nos actes témoignent toujours, pour ou contre nous-mêmes.

L’histoire, ou le cheminement, d’un individu particulier est notre histoire à tous,
puisque l’on pleure tous salé,
puisque l’on saigne tous rouge.
L’événement historique est à l’anecdotique ce que le tremblement de terre est au battement des ailes d’un papillon.

C’est le pourquoi de mon récit,
et les questions que se posent – et que nous posent ! – mes personnages sont des réponses que je me suis moi-même donné à force de vivre.
Pour me bouger, pour me lever et essayer d’atteindre l’inaccessible étoile.
Les plus grands voyages commencent toujours par le premier pas…

Je parle de ma voix, je pars de ma voie, celle que j’ai choisie pour être moi, pour être en paix avec moi
et avec les autres, puisque nous devons vivre ensemble.
Voilà mon propos : c’est à chacun de trouver la voie qui lui correspond pour une solution commune.
Et je témoigne simplement, je parle de la réalité de ma voie.
Je parle de la vérité d’un Islam vécu dans le cadre d’un cheminement harmonieux, humblement et authentiquement spirituel.
Et si l’humanisme est la nécessité du collectif et le respect de l’individu, alors l’Islam est un humanisme.
Mais, encore une fois, à chacun sa voie !
Ce sont les mêmes objectifs que l’on doit avoir en partage.
Objectif commun et règle de vie commune : Liberté, Egalité, Fraternité.
C’est la République qui donne le cadre dans lequel chacun pourra sainement trouver sa voie.
C’est la République qui orchestre la concordance des différences.
Etre universel, c’est s’appuyer sur des références peut-être différentes, mais avoir les mêmes idéaux.
Il ne s’agit pas de trouver le remède miracle mais de trouver l’harmonie, entre nous, afin que nous puissions tous ensemble trouver des solutions.
Et l’orage a beau gronder de plus en plus fort de l’autre côté du périphérique, je ne cherche qu’à atteindre celui qui gronde à l’intérieur de moi.
Parce que les lieux ne sont que des métaphores des êtres qui y vivent.
J’insiste. Comprenez bien : un message de paix dans les banlieues est un message universel.
Si vous n’avez pas compris mon récit, voilà ce qu’il signifie !

Qu’on se reconnaisse ou pas, on est tous ces jeunes dans ces cages d’escaliers, tous ces fidèles qui sortent de la mosquée, tous ces jeunes diplômés au chômage, tous ces jeunes qui crachent leur douleur et leur rage dans des disques de rap, tous ces parents brisés par la vie (et accablés par tous ceux qui ergotent sur leur prétendue démission) : puisque nous sommes tous objectivement la France !
Mais on en flicaille certains, toujours les mêmes, pour être sûr, pour vérifier s’ils correspondent à une identité nationale qu’on peine à définir, qu’ils instrumentalisent pour parler de l’immigration, des banlieues et de l’Islam.

Cest l’arbre qui cache la forêt de la crise, de la solidarité qu’on délocalise au fin fond de l’oubli en même temps que les entreprises qui ferment, en même temps que tous ceux qui, avec tout ça, finiront par crever pour de bon.
Et tout va tellement vite…

La crise économique n’est qu’une conséquence d’une crise bien plus profonde.
C’est l’Humanité qui est en crise.
Vidée de l’intérieur, elle devient avide à l’extérieur, monstrueuse et sans cur.
On est par rapport à ce qu’on a.
Les centres-villes représentent le Nord et l’Occident,
Et les banlieues le Sud et les damnés de la terre.
Ce qui est vrai pour un être est vrai pour le monde, on est d’accord.
Si l’on arrive à pacifier l’être, à résoudre cette crise intérieure, à combler ce vide essentiel, on aura les outils au-dedans pour que le changement se fasse au-dehors.
Brandir la littérature comme on brandirait un fusil et tirer en l’air : PAN ! J’ai votre attention ?
S’arrêter un instant, s’asseoir sereinement sous l’arbre à parole.
Ecouter, donc, et prendre de la distance tout en étant là, tout en restant là.
De la tenue…intellectuelle, de la retenue…émotionnelle.
Et témoigner, partager, s’apaiser les uns les autres, apaiser les uns et les autres.

La banlieue sera peut-être demain le lieu du début et de la fin de la quête de tous ceux qui sont à la recherche de la paix perdue.
Ces quartiers, que l’on accuse d’être à l’origine de tous les maux qui gangrènent notre société, seront peut-être le lieu où tous viendront chercher le salut.
Et parce que le spirituel ne se traduit pas nécessairement par du religieux, alors, c’est sûr, tout le monde s’y rendra dans cette cité qui sera redevenue alors un peu grecque…
C’est ce à quoi je m’attelle, ce qui me met en mouvement en tant qu’homme, en tant qu’artiste et en tant que citoyen.
La guerre des banlieues n’aura pas lieu… (insh’Allah !)

Apollinaire , Claude Pompidou , Bernadette Chirac , la dialectique de l’Ordre et de l’Aventure …………

7 septembre 2010

40è anniversaire de la Fondation Claude Pompidou
7 septembre 2010

Avec autant d’élégance que de simplicité, autant d’intelligence que de discrétion, autant d’indépendance d’esprit que de sens du devoir, Madame Pompidou a assumé sa fonction de Première Dame de France, accompagnant le Président Pompidou dans les moments de réussite politique comme dans les duretés des épreuves physiques qu’il a connues.
Claude Pompidou – elle aurait aimé que je dise Madame Georges Pompidou – était une femme d’action, d’engagement. Sa curiosité intellectuelle était en permanence en éveil. Rien ne lui échappait de la pointe de la création, ni des illusions et des fausses valeurs. Comme protégée par son humour, elle avait un jugement sûr, précis et parfois très clair, lorsqu’elle n’aimait pas quelque chose ou quelqu’un. Elle avait aussi le culte de l’amitié vraie et authentique avec d’infinies attentions.
Elle a mis son talent, son énergie et sa générosité au service de la cause qui ce soir nous réunit à nouveau.
Se souvenir avec émotion, c’est agir. C’est continuer le chemin. C’est avoir le goût du résultat, sans jamais se satisfaire de l’uvre accomplie, mais en regardant devant tout ce qui reste à faire. En recherchant l’addition des énergies avec l’Etat et l’ensemble des acteurs de la santé et de la solidarité sociale.
Témoigner la ferveur de notre fidélité à la magnifique générosité humaine de Madame Pompidou, c’est aujourd’hui accompagner Madame Chirac dans sa mission de Présidente de la Fondation Claude Pompidou.
Il y a comme un lien sacré et naturel entre Madame Pompidou et vous-même, Madame. Nous sommes les témoins de la très belle et frappante unité qui vous relie à elle : l’exigence personnelle, le dévouement sans limite et aussi une volonté de fer pour faire aboutir les projets, qui sont un espoir concret et attendu pour de nombreuses familles françaises.
Bref, face à autant de mobilisation et de passion, nous devons tous ensemble ce soir prendre l’engagement lors de ce 40° anniversaire de la Fondation de continuer le chemin de la solidarité active, avec la belle devise qu’elle aimait citer « N’être utile à personne c’est n’être utile à rien ».
En vous donnant la parole Madame la Présidente, et avant que nous découvrions le film particulièrement émouvant de Gilles Paquet-Brenner – écrit par Serge Joncour et par le réalisateur, d’après le magnifique roman de Tatiana de Rosnay, et avant d’applaudir les interprètes d’ « Elle
s’appelait Sarah » produit par Stéphane Marsil, notamment Kristin Scott-Thomas,
je voudrais lire quelques vers d’Apollinaire, extraits de l’Anthologie de la Poésie Française du Président Georges Pompidou, qui a été une sorte de livre de chevet pour Madame Pompidou, dans lequel elle aimait se réfugier chaque soir, après la disparition de son mari.

Le titre du poème est « La Jolie Rousse » :
A travers ce texte, Madame Pompidou revit quelques instants, même si dans nos curs elle ne nous a jamais quittés :
« …
Je juge cette longue querelle de la tradition et de l’invention
De l’Ordre et de l’Aventure
Vous dont la bouche est faite à l’image de celle de Dieu
Bouche qui est l’ordre même
Soyez indulgents quand vous nous comparez
A ceux qui furent la perfection de l’ordre
Nous qui quêtons partout l’aventure
Nous ne sommes pas vos ennemis
Nous voulons nous donner de vastes et d’étranges domaines
Où le mystère en fleurs s’offre à qui veut le cueillir
Il y a là des feux nouveaux des couleurs jamais vues
Mille phantasmes impondérables
Auxquels il faut donner de la réalité
Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait
Il y a aussi le temps qu’on peut chasser ou faire revenir
Pitié pour nous qui combattons toujours aux frontières
De l’illimité et de l’avenir
Pitié pour nos erreurs pitié pour nos péchés
Voici que vient l’été la saison violente
Et ma jeunesse est morte ainsi que le printemps
O Soleil c’est le temps de la raison ardente
Et j’attends
Pour la suivre toujours la forme noble et douce
Qu’elle prend afin que je l’aime seulement
… »

Madame la Présidente, chère Bernadette, je vous donne la parole !

Renaud Donnedieu de Vabres