- Renaud Donnedieu de Vabres - https://www.rddv.fr -

La crise boursière donne envie de parler d’économie du réel…

Posted By admin2011 On 5 novembre 2008 @ 12:00 In Blog | 8 Comments

Qui n’a pas envie ces temps-ci de couper la radio, de débrancher les sites d’information boursière ? Le goutte à goutte de l’information nécessaire pour des raisons de transparence financière et de fluidité des marchés renforce le sentiment de crise non maîtrisable, à déflagrations successives quasi programmées.

Le contraste avec l’activité politique intense des dirigeants de la planète tentant de contrecarrer l’ouragan financier renforce d’ailleurs le désarroi des citoyens du monde.

Qui fait quoi ? Quelle est la vraie cause ? Les tuyaux de la bourse et du marché financier interbancaire sont-ils vraiment nécessaires à l’économie ?

Les erreurs personnelles de certains financiers donnent de surcroît l’impression d’un système sans contrôle. Les chiffres sont vertigineux. Les libertés d’action de certains individus peu scrupuleux ou très aventuriers apparaissent parfaitement choquantes. Peut-être d’ailleurs parce qu’il s’agit de baisses et de pertes…

On aimerait pouvoir se passer de la bourse, du marché financier, des banques même.

On souhaiterait quitter le champ des chiffres virtuels, qui sont en fait très réels, pour entrer dans le terrain – par contradiction d’apparences paradisiaques même si les disciplines y sont rigoureuses – de l’économie du réel. De la « vraie économie ». Celle du travail. De l’effort. De la qualification. De l’innovation. De la recherche. De l’intelligence. De l’audace. De la conquête de nouveaux marchés. Celle des gens. Des hommes et des femmes qui « bossent ». Celle des entrepreneurs courageux, des salariés mobilisés, des indépendants fiers, des métiers manuels et intellectuels performants.

Dire cela ne signifie d’aucune manière oublier la finance, le crédit, le marché, la concurrence, la rareté, la mondialisation, l’argent, le micro-crédit.

Exprimer cette revendication sourde mais forte et présente dans tous les esprits, c’est peut-être en fait vouloir éviter la révolte populaire qui pointe à l’horizon.

Il se fait tard… Au sens lointain et arrogant du terme, la « finance » ne « nous » concerne pas. Nous « la » ressentons comme une pollution. Un virus dangereux. Un monde à part. Nous voulons oublier que sans financement les projets ne voient pas le jour. Nous voulons ignorer les réalités cruelles de l’endettement, du remboursement, de l’échéancier. De ce qui est malheureusement aussi la « vraie » vie économique.

La question politique centrale est de réconcilier ou plutôt de placer dans une perspective intelligible par chacun des univers aux logiques draconiennes qui apparaissent parfaitement antagonistes et étrangères.

Le spectre de la récession, de la baisse, du déclin, de l’effondrement est là. Le procès va forcément s’instruire de la spirale des responsabilités. Le bouc-émissaire facile, déjà désigné, s’appelle « la finance ». Il lui est reproché de ne plus être l’instrument du progrès – parfois du rêve chimérique et précaire – et d’être le bras armé d’une déflagration économique sans précédent.

Le 11 septembre avait son criminel identifié.

Aujourd’hui, rechercher le coupable, la cause, l’élément déclencheur plonge dans un abîme profond, car le virtuel, au sens barbare du terme, règne en maître absolu avec une puissance machiavélique et non maîtrisable.

Il est urgent, pour contrecarrer la contamination d’une crise financière vers un big-bang économique, d’oser le rétablissement de la confiance. Cela passe par la vérité.

Tant que les raisons – même si elles sont difficiles à entendre et à comprendre – ne nous seront pas TOTALEMENT données, les meilleurs intentions du monde resteront des tombereaux d’eau dans un désert de sable. Or « la parabole du semeur n’a pas recommandé les semailles en terrain pierreux » , aimait à dire mon père dans son livre posthume « Vent d’Espoir sur la Démocratie ».

L’économie politique doit redevenir intelligible. Proche.

Il ne s’agit pas de nier la réalité. Il est question de redessiner une géométrie de l’action qui implique et responsabilise chacun.

La « crise » continuera de rebondir tant que les opinions publiques mondiales n’auront pas admis et compris les raisons du drame, les efforts et les disciplines nécessaires, et les perspectives à attendre, même si elles sont difficiles. Surtout si elles le sont d’ailleurs…

L’information, au sens noble du terme, est ici au service de la survie individuelle et collective.

Le préambule de la Constitution stipule: « Toute distinction sociale doit être fondée sur l’utilité commune ».

Alors, puissent les élites politiques, économiques et financières, se mettre à la portée du peuple, qui n’a en l’occurrence, aucune leçon à recevoir, mais des comptes à exiger. Oui, « toute distinction sociale doit être fondée sur l’utilité commune » !


Article printed from Renaud Donnedieu de Vabres: https://www.rddv.fr

URL to article: https://www.rddv.fr/2008/11/05/la-crise-boursiere-donne-envie-de-parler-d%e2%80%99economie-du-reel%e2%80%a6/

Copyright © 2012 Renaud Donnedieu de Vabres. All rights reserved.