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La proportionnelle à l’Assemblée rompt le lien direct avec le citoyen !

Le quinquennat est une réforme institutionnelle beaucoup plus profonde et lourde qu’il n’y paraît. Il ne s’agit pas d’un simple rétrécissement de la durée du mandat présidentiel, d’une « oxygénation » plus fréquente par le suffrage du peuple, mais d’un changement radical du fonctionnement de l’exécutif.

Lors de la campagne présidentielle, un vrai programme est proposé, un plan d’actions concrètes soumis au vote.

L’esprit de la fonction, parfois baptisée « monarque républicain », change en profondeur. La cohabitation ne paraît plus envisageable, même si elle reste possible politiquement. Que se serait-il passé, par exemple, si une deuxième annonce style « TVA sociale » avait été faite et que l’élection était 1 ou 2 semaines après ? …

C’est dire que le Premier ministre devient quasiment vice-président. Faut-il dès lors qu’il soit désigné pour 5 ans par le peuple en même temps que le Président ? Séduisante et d’apparence logique, cette idée supprimerait dangereusement la possibilité d’ « ajustement » en cas de crise. Changer le titulaire de Matignon permet parfois de dénouer des tensions politiques majeures, sans mettre en péril la stabilité du chef de l’Etat pendant la durée de son mandat.

La volonté de Nicolas Sarkozy de pouvoir s’exprimer physiquement directement dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale pose la question de la séparation des pouvoirs, du droit de dissolution, des prérogatives du Parlement.

En cas de désaccord profond et de choc frontal entre l’exécutif et le législatif, dans la pratique politique qui s’annonce, comment ne pas penser que la démission du Président et sa candidature à la réélection sont désormais la seule voie pour que s’arbitre un conflit entre les pouvoirs ? La suppression du droit de dissolution pour le Président sonne la fin du régime parlementaire et crée alors l’obligation de se doter d’un vrai régime présidentiel, où paradoxalement les droits du Parlement sont largement renforcés.

« L’affaire » de la proportionnelle est un enjeu politique redoutable, car il y a conflit direct entre 2 valeurs politiques essentielles : la juste représentation de tous, la stabilité institutionnelle conférée par le fait majoritaire.

Mais le vrai sujet n’est pas là. L’important -et j’allais dire le vital même- est de ne pas rompre le lien direct entre l’électeur et l’élu.

C’est le peuple qui fait l’élection avec le scrutin majoritaire à 1 ou 2 tours.

C’est le parti avec la proportionnelle. Et la légitimité n’est pas de même nature. Le Député doit rester l’homme d’un territoire, d’une circonscription identifiée, délimitée, ayant un rapport personnel avec lui.

Une permanence de quartier est toujours préférable à un comité directeur du parti, pour être un bon « représentant » à l’Assemblée Nationale du peuple souverain.

C’est, d’ailleurs, le mode d’élection qui donne le sens précis du terrain, plus que le cumul avec un mandat local. Traiter d’un problème de logement, de tapage nocturne, de déambulation intempestive de punks et de pauvres chiens, de recherche parfois désespérée d’emploi, de demande de subvention pour un projet artistique, c’est le bilan des entretiens individuels que tout élu digne de ce nom doit avoir à cur d’accorder librement et sans trop de délais ….

L’Assemblée Nationale devrait, à cet égard, aider financièrement davantage les Parlementaires qui n’ayant pas d’exécutif local ont tout le fonctionnement de leur permanence à leur charge. Cela inciterait à une future règle vertueuse : un homme, un mandat…

Pour faire vivre et s’incarner la diversité politique française, ce qui est un enjeu majeur pour la vitalité de la démocratie et son ouverture permanente aux nouveaux courants de pensée et d’idée, il faut introduire au Sénat une dose de proportionnelle.

L’arc-en-ciel des territoires et des citoyens y serait ainsi célébré. Cela renforcerait l’importance politique de la Haute Assemblée. Son expertise technique, déjà reconnue et saluée à juste titre, dans l’élaboration de la loi serait confortée par la présence de tous les représentants des forces politiques françaises républicaines, extrême gauche et extrême droite comprises.

Ce n’est pas une relégation, c’est le maintien pour l’élection législative du rapport direct entre le peuple et les élus.

Sinon, il y a un risque de mériter le terme abominable de « classe politique », qui stigmatise le monde clos, fermé sur lui-même, à l’écart des réalités, des craquements, des fureurs, voire des réussites…

Les délices des jeux de la proportionnelle masquent de façon éphémère son vrai poison : le changement de légitimité dans la désignation. Etre tête de liste est alors plus important pour être élu que le résultat du choix populaire….

Dernier risque à éviter pour ne pas sombrer dans les jeux politiciens décalés des aspirations populaires : le retour au Parlement pour un ministre sans élection. Il y va peut être de la beauté, de la dignité, de la difficulté de la fonction ministérielle que d’être contraint aux « retrouvailles » avec le peuple, même si, scrutin de liste aidant, certains « habiles » réussissent à déjouer cette règle en faisant démissionner quelqu’un et en s’étant soi-même positionné à un rang utile pour l’avenir au cas où…

Pour ne pas être aussi vitale que la question du mode de scrutin à l’Assemblée, cette faculté d’aller et retour ferait perdre aux fonctions gouvernementales une partie de leur autorité.

On ouvrirait – et alors pourquoi pas – la porte à un vrai régime présidentiel.

Monsieur le Premier Ministre, Cher Edouard Balladur, vous avez du travail !

Comme vous l’écrivez dans le Nouvel Observateur, « Machiavel, c’est son mérite, a mis fin à l’hypocrisie des bons sentiments »

Alors, pour nos institutions, des évolutions, pas de mode ou de fausses bonnes idées, mais des fondements qui donnent aux citoyens plus de pouvoir, avec le juste équilibre entre droits et devoirs.

Comme voter par exemple le jour d’une élection, même si c’est une quatrième fois, un quatrième dimanche, pour un deuxième tour des législatives !

Mais ça c’est un autre débat…

6 Réponses à “La proportionnelle à l’Assemblée rompt le lien direct avec le citoyen !”

  1. Pierre a écrit:

    Quand j’entends « proportionnelle » et « législative » dans la même phrase, je sens toujours la fatigue et la lassitude monter en moi! Certains idéalistes croient pouvoir créer une république parlementaire, force est de constater, qu’au moins en France, peut être à cause de l’image idéale du chef de l’état paternaliste, un tel système est impossible! Il suffit pour s’en convaincre de regarder la Quatrième république… Pléthore de gouvernements et de ministres, parfois installés pour quelques heures seulement… Est-ca la démocratie que les Français veulent? Alors oui, quand j’entends « proportionnelle » et « législative » dans la même phrase, je sens toujours la fatigue et la lassitude monter en moi, tolut simplement parce que certains ne savent pas tirer les leçons et les eneignements de l’histoire et recommencent perpétuellement les mêmes erreurs… Alors, Mr Donnedieu de Vabres, espèrons ensemble que les sympatisants Tourangeaux abstentionnistes aient compris la leçon pour 2008! Espérons!

  2. Laurent Bazin a écrit:

    Olivier et Arlette au Sénat, voilà qui serait une révolution sans doute… Il y a fort à parier que leur présence bousculerait les fauteuils de velours rouge du Palais du Luxembourg (à moins qu’ils ne soient avalés par l’épaisse moquette?). Mais est-ce bien cette révolution là qu’attendent aujourd’hui les millions de français qui se plaignent de n’être pas représentés ?

    Militants de partis minoritaires, candidats battus, mais aussi plus largement courants de pensées, couleurs de peaux qui se vivent – à tort ou a raison – comme des oubliés du scrutin majoritaire, ne risqueraient-ils pas de vivre cette réforme comme un nouveau tour de passe-passe ? Une façon habile d’escamoter un vrai sujet.

    Bayrou et son Modem font aux législatives 3 fois plus de voix que le « Nouveau centre » mais récoltent 5 fois moins de sièges. Le Pen entre deux et quatre millions de voix selon les élections, Besancenot 1,7 millions… Et aucun siège. Peut-on continuer ainsi ? Peut-on solder l’affaire en renvoyant le ballons dans les pieds des sénateurs ?

    C’est une vraie question.

    On peut avoir tout le respect du monde pour la haute assemblée, combattre l’idée qu’elle ne serait qu’une maison de retraite formidablement confortable, et reconnaitre ensemble qu’elle n’a pas, dans notre système actuel, un rôle de premier plan. Dans ces conditions, est-il vraiment glorieux d’y envoyer tout ceux dont le scrutin majoritaire ne veut pas et qui pour autant représentent des millions de français ?

    Parallèlement, peut-on sérieusement défendre qu’une dose minime de proportionnelle à l’Assemblée porterait irrémédiablement atteinte au lien inaltérable entre le peuple des territoires et ses élus, alors même qu’il sagirait de mieux représenter, dans sa diversité, le Peuple de France ?

    Doit-on être dupe du fait que souvent, les candidats sont choisis par leur parti plus que par des électeurs qui, dans le pire des cas, n’ont que le droit de trancher entre ceux qui ont été choisi « en haut » pour porter les étendarts ? (« Le marché électoral » de Jean-Marie Cotteret reste une référence en la matière).

    Je caricature, c’est ma nature, mon métier aussi… Mais je pense que ces questions méritent d’être posées. Débattues. Elles ne peuvent se solder par un coup de botte ne touche.

    Alors, oui, sans doute, avec vous souhaitons bon courage au « Président Balladur », comme l’a appellé avec un petit sourire plein de sous-entendus et de souvenirs le Président Sarkozy l’autre jour. Du courage, il leur en faudra à ces sages pour trancher à chaud ces sujets sans paraitre faire preuve d’une excessive tiédeur dans leurs propositions.

    En attendant, savourons ce moment de débat comme il le mérite… Et saluons votre vivacité bloguesque et estivale.

  3. Luckitch a écrit:

    Je suis pour ma part un défenseur de la plus juste représentation nationale possible (comme aurait pu dire Voltaire, tiens !).
    Entendez par là que l’Assemblée Nationale doit représenter les aspirations locales, mais aussi les grands courants de pensée français.
    On accuse toujours d’immobilisme les partisans de la proportionnelle.
    C’est curieux, car nous n’avons plus depuis des années aux législatives de proportionnelle et rien n’a bougé dans le pays, tout s’est empiré !.
    Au point que Sarkozy a fait de la rupture son cheval de bataille.
    Les députés ne sont pas indépendants et votent ce que leur parti leur demande de voter.
    Une dose de proportionnelle ne résoudra peut être pas e problème de l’indépendance d’esprit des députés, mais au moins cela garantira que nos idées soient représentées.
    Ce qui accessoirment m’évitera de devoir rétablir les méfaits d’un scrutin injuste en votant contre, plutôt qu’en votant pour, car si l’histoire de la TVA sociale n’a nullemnt orientée mon vote, la promesse d’une Assemblée bleue horizon m’a incité à agir.
    A bon entendeur salut,
    Un adhérent du Modem

  4. benoit a écrit:

    Plus que de stabilité des institutions, ne s’agit il pas ici de traiter du maintien de l’hégémonie des deux grands partis politiques français, car comme l’a bien précisé notre amis du modem, cette stabilité c’est transformé ces dernières années en immobilisme, j’ajouterai en somnolence.
    Et, ce n’est pas la large ouverture voulue par le président sarkozy, ainsi que le rajeunissement des politiques qui changeront quoi que ce soit au manque de représentation de certains courants de pensée.
    question:
    la jeunesse en politique est elle un gage de qualité ???
    après avoir entendu M Wauquiez parler sur plusieurs chaînes publiques,…
    il semble évident que non!!!
    Ce monsieur indiquait que le soutient du docteur Peloux à Mme Royal, aux dernières présidentielles faisait de lui un interlocuteur suspect, en matière de santé publique.
    on croit rêver…

  5. Edouard a écrit:

    Permettez-moi de renvoyer les visiteurs assidus de votre blog vers l’article du « Monde » en date du 19 juin dernier sur ce sujet.
    Il s’agit d’une étude comparant différents systèmes de scrutin sur la base des résultats des dernières législatives. Le mode actuel n’y semble pas si déséquilibré que ça.
    D’autre part aucune « dose » de proportionnelle n’y apparait en mesure d’assurer la représentation de l’ensemble des minorités. Seul un scrutin type 1986 le ferait… pas sûr que ce soit l’objectif à atteindre!
    J’ajoute simplement qu’un système n’est jamais totalement bon ni totalement mauvais, c’est toujours aux Hommes qui en sont les Serviteurs (i.e. ministre) que revient de lui donner sa couleur…

  6. anne-sophie a écrit:

    J’ajouterais simplement que la question de la proportionnelle fait des elus l’apanage des partis et non des électeurs. Il me semble que la question urgente de la réforme des institutions et notamment celle du parlement devrait plutot porter sur le découpage electoral qui ne correspond plus à la réalité des bassins de population.
    permettez-moi de vous féliciter pour ce blog qui nous offre un lien direct avec vous, et nous démontre à quel point vous savez vous montrer disponible.

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