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Remise des insignes de Chevalier dans l’Ordre National de la Légion d’Honneur à Olivier Meyer

Cher Olivier Meyer,

Cette cérémonie de remise de décoration est – avant le grand rendez-vous
démocratique de dimanche… – l'une des toutes dernières de mon
« triennat » de ministre de la Culture et de la Communication.

Elle est donc empreinte pour moi d'une émotion et d'une solennité
particulières. Je suis surtout heureux qu'elle soit placée sous le signe fort
de l'amitié.

Cette amitié est, bien sûr, celle qui nous unit, cher Olivier. J'ai pu en
apprécier particulièrement la force et la qualité au cours de ces trois
années passionnantes, riches en actions, en réalisations, en joies
partagées, mais aussi, parfois, chargées d’électricité…

Cette amitié est aussi celle que vous prodiguez sans relâche et sans
compter – avec foi et enthousiasme – aux artistes, aux jeunes talents et aux
spectacles auxquels vous avez décidé de consacrer votre vie
professionnelle, vos dons, votre expérience, votre intelligence, votre
énergie.

Et je suis profondément convaincu que ce sens authentique de l'amitié
véritable, faite d'intuition, de compréhension, de dévouement, faite aussi
d'un sentiment constant de fraternité et de partage, est la clé de l’action
artistique, mais aussi d’une vie réussie.

Vos études à l'École supérieure de Commerce de Paris, et votre Licence
de Sciences Economiques, semblaient vous vouer à un destin de grand
serviteur de l’industrie ou de l’État, dans la lignée de votre illustrations
familiales, où domine la mémoire d’Auguste Champetier de Ribes, délégué
du général de Gaulle à Nuremberg, où il soutient l’accusation au nom de la
France, de la Belgique, du Luxembourg et de la Hollande.

Mais, après avoir exercé un temps le beau métier de journaliste, vous vous
tournez résolument vers le monde de l’art et de la culture vivante, en créant
et en animant, de 1978 à 2002, une société de production de spectacles et
d'organisation de tournées.

La qualité, la constance de votre travail, votre sens de l’engagement et du
contrat, vous valent très vite, auprès des professionnels du monde entier,
la réputation d’un partenaire solide et fiable, pour lequel la parole donnée
est sacrée.

Vous avez contribué au rayonnement de nos artistes sur la scène
internationale. Des nombreuses tournées que vous avez organisées, je
retiens particulièrement, pour leur prestige et leur succès, celles où vous
avez entraîné en Amérique du Sud le Ballet Théâtre de Nancy avec
Rudolf Noureev … Ou encore, les tournées en Afrique de Jacques Higelin
ou de l'Orchestre National de Lille, celles en Asie du Groupe de
Recherche Chorégraphique de l'Opéra de Paris ou de CharlElie Couture…

Parallèlement, vous faisiez tourner en France les spectacles d'Alfredo
Arias, Roland Petit ou Josef Nadj.

Une telle affiche est un remarquable témoignage de votre ouverture à
toutes les formes et à toutes les disciplines du spectacle.

C'est dans le même esprit de curiosité et de découverte que vous avez à
cette époque produit à Paris des spectacles de Laurent Pelly ou de Jean-
Jacques Vanier, encore à l'aube de leur carrière, et que vous avez été le
producteur toujours inspiré d'artistes aussi divers que Les Nouveaux Nez
ou Alex Métayer, sans oublier l'Orchestre National de Jazz, le Ballet-
Théâtre du Silence ou le Groupe TSF.

Vous avez ainsi organisé, durant 25 années, plus de 5 600
représentations en France et à l'étranger, dans 32 pays d'Europe,
d'Amérique, d'Asie et d'Afrique, en plaçant toujours très haut la barre de
l'exigence artistique.

Mais cela ne suffisait sans doute pas au boulimique d'action et de
découverte que vous êtes : le 1er mars 1990, vous avez été nommé
Directeur du Théâtre Jean Vilar de Suresnes.

Vous avez su vous y montrer digne de l'histoire et de la vocation de ce
haut-lieu de notre vie culturelle : le théâtre de Suresnes a accueilli en
1951 la première représentation du TNP dirigé par Jean Vilar; il demeure
à jamais dans notre esprit le lieu où celui-ci a créé, inventé, une nouvelle
façon de faire du théâtre.

L'ouverture, sous votre direction, du théâtre rénové, en novembre 1990,
se fait à la lumière de milliers de bougies et de torches réparties sur
l'avenue et la place du Théâtre. Vous avez voulu mettre ce lieu au service
de la création, y donner leur chance à des artistes encore peu connus et y
faire de la représentation un acte de vie. Le Théâtre Jean Vilar de
Suresnes, c'est aujourd'hui plus de 120 représentations et 40000
spectateurs par saison; c'est aussi une programmation diversifiée
d'accueils et de créations, où théâtre, danse et musiques jouent à parts
égales leur rôle au coeur de la cité.

Je salue l’une de vos grandes réussites, la création en 1991, un an après
votre prise de fonction, du Festival Suresnes-Cité-Danse, qui propose des
rencontres entre l'univers de chorégraphes contemporains et celui de
danseurs hip-hop.

De Jean-Claude Gallotta à Karine Saporta, de Laura Scozzi à José
Montalvo et Dominique Hervieu, de Blanca Li à Anthony Egéa, Marie-Agnès Gillot ou Yann Bridard, on ne compte plus les chorégraphes que
vous avez su découvrir et accompagner aux frontières de leur expérience
artistique et qui, le succès venu, retrouvent avec une fidélité remarquable
et un plaisir renouvelé, les scènes de votre théâtre, au coeur de la citéjardins
de Suresnes.

La manifestation que vous avez créée traduit non seulement votre grande
réceptivité aux courants et aux langages artistiques de notre époque, mais
aussi une reconnaissance de la vitalité des cultures urbaines. Elle connaît
un vif succès et rassemble désormais chaque année plus de quinze mille
spectateurs. Je l'ai toujours suivie avec intérêt, tant elle me semble
représentative des attentes d'une génération et des évolutions du
paysage culturel. L'événement « Rue », que j'ai initié il y a quelques mois
au Grand Palais, a prouvé combien cet intérêt est non seulement justifié,
mais aussi partagé, combien il est nécessaire à la bonne compréhension
de notre temps et à un dialogue fécond entre les diverses composantes
de notre société.

Vous êtes, cher Olivier, avec Suresnes Cité-Danse, un ouvreur d’horizons.

Mais, cher Olivier, ce n'est pas tout ! Depuis deux ans maintenant, vous
êtes également le Directeur du Théâtre de l'Ouest Parisien à Boulogne-
Billancourt. Fidèle à vous-même et à vos convictions, vous y faites une
large part à la création artistique. La majorité des nouvelles productions
est confiée à de jeunes metteurs en scène, tels Bernard Lévy, Magali
Léris ou Bérangère Jannelle. Vous avez voulu que la saison en cours soit
marquée par une volonté d'ouverture et d'exigence, qu'elle exalte la force
de l'esprit de la jeunesse, et qu'elle affirme la toute-puissance de l'amour.

C'est bien là le message que nous attendons du théâtre, des artistes et de
toutes les disciplines du spectacle vivant. J'y souscris entièrement, et
rends hommage à l'action qui a toujours été la vôtre. Vous êtes non
seulement un artisan passionné de la scène d'aujourd'hui, mais l’un de
ceux dont nous avons le plus besoin. Je suis très heureux de vous mettre
aujourd'hui à l'honneur.

Mais l'évocation de votre parcours et de vos qualités serait incomplète si
je n'y associais celle de votre famille. Et d’abord, bien sûr, Brigitte Lefèvre,
dont je salue l'action courageuse, osée et opiniâtre, à la délégation à la
danse du ministère, puis à la direction de la danse de l’Opéra national de
Paris et la personnalité solaire. Votre oeuvre commune, c’est la danse ; et
c’est aussi votre fille, Mathilde, à laquelle vous avez l’un et l’autre transmis
votre sens de l’exigence, votre passion de la scène, votre amour de l’art.

Elles seules connaissent peut-être le secret de votre goût de la difficulté et
des nouveaux défis, dont vous dites qu'il mériterait une psychanalyse de
longue durée… Je vous réunis tous les trois dans le même affectueux
hommage, mais c'est à vous, cher Olivier, que je laisse le dernier mot, en
rappelant cette phrase de l'un de vos textes, que je reprends volontiers à
mon compte : « Les artistes ne sont-ils pas les témoins privilégiés, les
acteurs attentifs, les messagers de la force et de la complexité du monde
qui nous entoure ? »

Olivier Meyer, au nom du Président de la République et en vertu des
pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalier de la Légion
d'Honneur.

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