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Remise des Insignes de d’Officier dans l’Ordre national de la Légion d’Honneur à Valery Gergiev

Cher Valery Gergiev,

C'est un honneur de vous recevoir, pour votre premier concert à Paris en
tant que chef principal du London Symphony Orchestra, ce magnifique
orchestre tout à la fois invité et résident dans cette Salle Pleyel rénovée et
rendue à sa vocation d’excellence.

Je veux tout d'abord vous féliciter et vous dire mon émotion. Vous nous
avez offert un moment de musique exceptionnel, réunissant dans un même
élan artistique musique russe et musique française, Stravinski et Debussy,
avec la fougue et la grâce qui sont votre signature.

On vous considère aujourd'hui comme l’un des plus grands chef
d'orchestre au monde. La scène musicale internationale vous réclame et
vous acclame, de votre Russie natale jusqu'aux États-Unis, en Chine ou au
Japon, comme à travers l'Europe, et chez nous bien sûr.

L'appel de la musique a retenti pour vous très tôt. A 14 ans, au moment
même où votre père disparaît prématurément, vous découvrez Mozart et
Beethoven. Votre jeune âge devient celui des choix et d'une maturité
précoce. Vous étudiez le piano et la direction d'orchestre. Très vite, des
Prix viennent consacrer votre vocation, notamment le Premier Prix au
Concours de direction d'orchestre des Républiques soviétiques, en 1975,
alors que vous êtes encore étudiant.

Vous n'avez que 23 ans quand vous remportez à Berlin le Premier Prix du
Concours Herbert von Karajan. C'est une rencontre forte entre vous et le
maître, qui restera pour vous un modèle et un inspirateur. C'est aussi la
porte ouverte à une carrière aussi brillante que fulgurante, qui a certes pour
théâtre le monde entier, mais dont l'âme vibre à Saint-Pétersbourg, dans ce
Théâtre Mariinsky où vous avez fait vos premières armes alors qu'il était
encore le Kirov, et que vous avez porté au firmament de la vie musicale
internationale.

Vous y devenez en 1978 l'assistant de Yuri Temirkanov. Dix ans après, à
35 ans à peine, vous en devenez le très jeune et très talentueux directeur
artistique, élu par l'ensemble des musiciens et par les artistes. Cette
confiance vous électrise, et décuple votre énergie ! Votre engagement est
total dans la vie du Mariinsky, qui regroupe près de 2000 personnes.

Vous
y remettez à l'honneur, dans une approche résolument moderne, le grand
répertoire russe, de Glinka à Chostakovitch. Vous ouvrez vos premières
saisons avec Moussorgski et Borodine, animé de la volonté de porter vos
troupes à un niveau d'excellence, de dépasser les contraintes de l'époque
et de rendre à ces grandes pages de l'histoire de la musique toute l'ardeur
sans afféterie de l'âme russe.

Mission accomplie ! Aujourd’hui, cher Valery Gergiev, vous êtes l’âme
artistique de Saint Petersbourg, cette ville à laquelle vous avez encore offert
l’incroyable festival des « Nuits blanches », l’une des plus belles vitrines de
la vie musicale russe que vous animez avec une fougue inimaginable, en ne
dormant sans doute pas plus que le soleil, à cette époque de l’année, dans
cette ville éternelle. Comment s’étonner, dès lors, que l’on vous présente
souvent comme le maestro qui incarne à la fois la tradition musicale russe
et son renouveau, l'artiste qui ignore les frontières, le caucasien fougueux,
le musicien inspiré qui a de longue date imposé sa personnalité artistique,
conquis l'Occident… et Paris !

C'est en effet, cher Maître, entre vous et la France une longue et belle
histoire, émaillée de grands moments.

Je n'oublie pas la soirée de gala que j'ai eu l'honneur de présider, en
novembre 2005, à l'Opéra national de Paris, en témoignage de l'amitié qui
unit nos deux pays et du soutien que la France apporte au Théâtre
Mariinsky. Vous l'aviez engagé dans d'ambitieux travaux pour le restaurer et
le doter d’une salle moderne de 2000 places. Paris vous avait alors accueilli
pour une résidence de près de deux mois à l'Opéra national de Paris et au
Théâtre du Châtelet, avec l'ensemble des forces vives du Mariinsky,
orchestre, ballet et solistes. C'est un très beau souvenir, de même que la
« saison russe » que vous aviez signée en 1995, ou encore votre présence
comme chef invité au pupitre de nos formations, de nos festivals et de nos
maisons d'opéra.

Vous êtes actuellement l'un des chefs réguliers de l'Opéra national de Paris.

Votre présence charismatique a illuminé en 2005 le drame d'Otello, et nous
vous attendons avec impatience pour la reprise de Lohengrin en mai
prochain, de même que nous serons heureux de vous retrouver en octobre
ici-même, au pupitre de l'Orchestre de Paris, pour ces pages de Borodine
dont vous faites un emblème.

Outre votre rôle décisif depuis près de 20 ans au Théâtre Mariinsky de
Saint-Pétersbourg, vous êtes depuis 1995 le chef principal de l'Orchestre
philharmonique de Rotterdam, et, depuis le début de cette année, je l’ai
rappelé, le chef principal de l'Orchestre symphonique de Londres,
succédant à Sir Colin Davis. Vous vous inscrivez dans la longue lignée de
baguettes prestigieuses qui ont construit le son de cette splendide
formation. Entre vous, la communion est d'ores et déjà profonde : ce soir, la
palette de l'orchestre et votre extraordinaire puissance expressive nous ont
offert le meilleur de l'émotion musicale.

Je n'oublie pas enfin votre engagement pour la cause de la paix. Élevé au
Caucase, ce pays ossète qui réunit tant de communautés, vous connaissez
la richesse et le prix de la diversité : très jeune chef, vous avez vous-même
dirigé divers orchestres de la Russie d'alors, et occupé, de 1981 à 1985, le
pupitre de chef permanent de l'Orchestre de l'État d'Arménie. Le « Festival
de la Paix pour le Caucase », le « Festival de la Mer Rouge » sont des
tentatives courageuses, impensables sans le dynamisme et sans le
tempérament solaire qui vous caractérisent.

Je me fais ici l'interprète, cher Valery Gergiev, de l'admiration qu'inspire
l'artiste dionysiaque, le travailleur acharné, le défenseur d'une Russie
moderne et d'une musique éternelle que vous êtes.

Valery Gergiev, au nom du Président de la République et en vertu des
pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons officier de la Légion
d’honneur.

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