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Clôture du colloque « Dialogues européens » à la Villa Medicis à Rome

Monsieur le Directeur de la Villa Médicis, cher Richard Peduzzi,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis très heureux de clore cette journée d’échanges consacrée aux
dialogues européens, que j’ai tenu à organiser pour la célébration des
cinquante ans du Traité de Rome.

Vos réflexions ont été passionnantes, et ont touché, il me semble, au coeur
des nouveaux enjeux auxquels il nous appartient de répondre aujourd’hui,
l’éducation en premier lieu. Cette éducation à l’esprit humaniste qu’a forgé
notre continent au fil des siècles, et que nous devons transmettre à notre
tour. Cette éducation à l’Europe, à sa force, à sa culture, à sa richesse, à
sa diversité, qui est le ferment de notre cohésion de demain.

Cinquante ans après la signature du Traité de Rome, il nous appartient de
faire vivre cet héritage dont nous sommes les dépositaires, de le faire vivre,
mais aussi de le conquérir, pour le transmettre à nouveau à nos
concitoyens. Cet héritage est donc d’abord un projet, qui ne prendra tout
son sens que s’il est fondé sur la culture.

C’est l’Europe des projets concrets que nous devons bâtir, et je suis très
heureux que nombre de ces projets prennent corps aujourd’hui.

Une étude réalisée ce mois-ci par l’Institut Ipsos et le ministère de la
Culture et de la Communication montre que, pour la majorité des
Européens interrogés, l’Europe ne représente pas, pour leur pays, un
risque de perte d’identité propre, mais qu’elle permet, bien au contraire, au
patrimoine de leur pays, de bénéficier de plus de protection et de chances
de rayonnement.

Dans le domaine de la culture, et du patrimoine, l’Europe est donc
comprise, vécue, comme une chance immense, et je crois que c’est là un
terreau fantastique pour nourrir et développer le sentiment d’appartenance
à une identité et un espace culturels communs chez nos concitoyens. Les
citoyens italiens et français sont, avec les Finlandais, les plus convaincus
de cette incidence extrêmement positive de l’Europe sur leur patrimoine.

Je souhaite que le Label du patrimoine européen, que je lancerai tout à
l’heure aux côtés de mon collègue Francisco Rutelli, renforce encore ce
sentiment. En mettant en valeur des lieux essentiels de notre histoire et de
notre culture communes, nous voulons faire comprendre au public le plus
large la substance de l'esprit européen, une sorte d'esprit de famille, dont
les racines plongent au sein même des fiertés nationales, qui sont légitimes
et qu’il convient d’honorer. L’Abbaye de Cluny, où j’ai apposé lundi dernier
la première plaque du Label, la Place du Capitole à Rome, et l’Acropole à
Athènes seront ainsi, pour reprendre la célèbre formule d’André Malraux,
« les jalons successifs et fraternels de l’immense rêve éveillé que poursuit
l’Europe depuis des siècles. »

Et ces siècles de rêve, nous devons mieux les faire connaître, pour mieux
les partager, dans leurs chapitres les plus glorieux, mais aussi dans leurs
pages les plus sombres. Oui, l’Europe fut d’abord une légende et un mythe.

Un rêve et une utopie. Puis elle entra dans l’histoire et devint réalité, force
profonde et projet. Elle a pris corps et chair. Elle partit à la conquête des
mers et des continents. Elle inventa la démocratie. Elle se fit la guerre à
elle-même tout au long des siècles, mais elle proposa plus tard la paix
perpétuelle. Ce destin commun, qui a forgé notre continent, nous nous
proposons aujourd’hui de le raconter dans un Dictionnaire historique de la
civilisation européenne, avec l’aide d’un comité de rédaction européen.

C’est un très beau projet, qui permettra, j’en suis certain, de sensibiliser un
vaste public à notre histoire collective, à notre destin commun.

Les dialogues européens, thème des rencontres d’aujourd’hui, sont des
dialogues que nous devons nouer à tous les niveaux. L’Europe est, depuis
toujours, celle de la circulation, du dialogue et du partage des idées, des
oeuvres et des projets.

Parmi les propositions retenues à l’issue des Rencontres pour l’Europe de
la culture, que j’ai organisées à Paris en mai 2005, il en est une qui me tient
particulièrement à coeur : la création d’un réseau de librairies européennes,
sur le modèle d’Europa Cinéma. Ces librairies s’engageraient à présenter
un fonds significatif d’oeuvres européennes traduites ou en langue originale,
pour mettre davantage en lumière auprès des lecteurs la richesse littéraire
de notre continent.

Je souhaite que l’Italie, grand pays de littérature,
s’associe étroitement à ce projet, véritable invitation à la découverte et au
voyage, ainsi que nous y invite votre grand essayiste Claudio Magris – que
j’ai rencontré en septembre 2006, pour la Journée européenne des langues,
au Centre Pompidou – dans ses passionnantes lectures et relectures des
plus grandes pages de notre littérature européenne.

Oui, l’Europe est une chance immense. Elle n’est plus l’Europe qui menace,
qui effraie, elle est l’Europe qui protège, qui conserve, qui transmet.

Depuis
la prise en compte de la dimension culturelle dans le Traité de Maastricht en
1992, depuis le protocole sur le service public de radiodiffusion annexé au
Traité de Rome par le Traité d’Amsterdam de 1997, l’Union européenne a
su, sans perdre sa mission première qui, dans le secteur culturel, consiste à
promouvoir la libre circulation des oeuvres, permettre le développement des
politiques nationales. Elle participe ainsi pleinement à l’attractivité des
territoires.

Il en va ainsi, pour la France, de la validation en mars 2006, de l’ensemble
du dispositif de soutien à l’industrie cinématographique et audiovisuelle.

Cette décision, essentielle pour la viabilité du dispositif français de soutien
au cinéma et à l’audiovisuel, participe pleinement, comme celle validant le
crédit d’impôt à l’industrie phonographique, de la diversité culturelle
européenne qui doit encourager la multiplication des contenus.

Cette décision fait suite à la validation par la Commission, en avril 2005, du
système français de financement mixte de l’audiovisuel public par la
redevance et la publicité, décision qui confirme l’application du principe de
subsidiarité en matière de financement du secteur public.

Sur ce sujet de l’audiovisuel public, je pense qu’une initiative doit être
prise au niveau communautaire, afin que l’identité et la spécificité de
l’audiovisuel public soient encore mieux reconnues. Quel vecteur serait en
effet meilleur que celui-là pour l’accès du plus grand nombre à la culture ?

Je propose qu’à l’occasion de quelques grands évènements européens, les
journées européennes du patrimoine par exemple, des télévisions publiques
européennes puissent s'unir afin de retransmettre de tels évènements.

Je veux enfin saluer le travail de la Commission et du Parlement européens
sur la renégociation de la directive sur la télévision sans frontières, qui sera
probablement adoptée par le Conseil en mai prochain. L’élargissement de
son champ d’application aux services non linéaires est un élément tout à fait
fondamental pour la diversité culturelle à l’heure où les contenus se
dématérialisent, ce qui constitue d’ailleurs une chance, si elle est régulée,
pour leur diffusion.

Avec cette dématérialisation des contenus, nous sommes entrés dans une
ère où la communication n’a jamais été aussi facile, aussi rapide et,
paradoxalement, où les incompréhensions entre les cultures et les
civilisations n’ont jamais été aussi fortes.

Vous avez abordé cet après-midi la question cruciale du rôle de l’Europe
dans le monde, des valeurs qu’elle porte au-delà de ses frontières, du poids
que peut prendre son message et d’abord celui, universaliste, des droits de
l’homme. Je suis convaincu que, sur ce terrain également, la culture doit
occuper une place de tout premier rang. C’est pourquoi je propose la
création d'un mandat européen pour l'envoi de professionnels de la relance
des institutions culturelles, dans les pays en crise. « Nos soldats sont
ensemble au Liban, nos artistes doivent être ensemble au Liban », comme
l’exprime si bien Francisco Rutelli. Parce que les dialogues européens sont
aussi ceux que nous parviendrons à nouer au-delà des frontières de
l’Europe, pour construire la paix et porter les valeurs qui font de l’Europe un
espace ouvert à l’universel.

Je vous remercie.

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