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Remise des insignes de Commandeur dans l’Ordre des Arts et des Lettres à Charles Tordjman

Cher Charles Tordjman,

Je suis très heureux de rendre hommage à votre brillante carrière, tout
entière vouée au théâtre. C’est en 1972 que vous débutez, comme
administrateur tout d’abord, au Théâtre Populaire de Lorraine, dirigé par
Jacques Kraemer. Dès l’année suivante, vous partagez avec lui la direction
du théâtre. Gestionnaire, mais aussi artiste complet, vous passez
progressivement de la dramaturgie, en co-signant plusieurs créations avec
Jacques Kraemer, à la mise en scène, avec La Punaise, de Maïakovski, et à
l’écriture, avec notamment vos pièces C’était, en 1977, En revoir, en 1981, et
Le Chantier, l’année suivante. Votre pièce Intimité, écrite en 1979, a été
représentée en Pologne, en Tchécoslovaquie et en Macédoine.

En 1981, vous devenez Directeur du Théâtre Populaire de Lorraine, et vous
entamez une collaboration étroite avec des auteurs, auxquels vous passez
une série de commandes. Vous créez La Fiancée de l’eau, de Tahar Ben
Jelloun, La Reconstitution, de Bernard Noël, et Saint Elvis, de Serge Valletti.

Votre programmation est aussi exigeante que diverse. De La Révolte de
Villiers de l’Isle-Adam à L’Amante anglaise de Marguerite Duras, des
Créanciers d’August Strindberg, à Français, encore un effort si vous voulez
être Républicains du marquis de Sade, en passant par Tonkin-Alger
d’Eugène Durif, ou encore La Nuit des rois de Shakespeare, vous offrez à la
curiosité du public lorrain un très large éventail de pièces.

En 1992, lorsque le Théâtre Populaire de Lorraine obtient le statut de Centre
Dramatique Régional, vous êtes nommé à la direction du Centre Dramatique
National Nancy Lorraine, où vous continuez d’affirmer votre attachement au
théâtre contemporain, et votre volonté très forte d’un théâtre de service
public, ouvert au plus grand nombre. Vous mettez en scène Fin de partie, de
Samuel Beckett, et Le Misanthrope, de Molière, L’Arbre de Jonas, d’Eugène
Durif, et L’Opéra de quat’sous de Bertolt Brecht, traversant les siècles, les
courants et les frontières.

C’est ce même esprit d’ouverture qui vous anime, en 1996, lorsque vous
créez le festival « Passages », destiné à faire connaître la création théâtrale
de l’Est de l’Europe. « Passages » est aujourd’hui un rendez-vous majeur
dans les calendriers des manifestations théâtrales et européennes.

Et c’est toujours cette même volonté de décloisonnement et de partage qui
vous guide, dans les magnifiques projets que vous mettez en place avec
François Bon, à partir de 1997. Vous mettez en scène Va savoir la vie, avec
27 personnes en situation sociale précaire. Votre collaboration se poursuit
avec Voix du peuple en 1998, composé à partir de textes recueillis auprès de
sans-abri de Nancy. En mars 2000, vous mettez en scène, au Théâtre
Ouvert, Bruit, écrit, une nouvelle fois, sur la base d’un travail mené avec des
sans-abri de Nancy.

La Manufacture devient avec vous un haut lieu de l’écriture contemporaine,
grâce à votre complicité avec des talents aussi divers que François Bon,
bien sûr, dont vous mettez en scène notamment la Vie de Myriam C. en
1997, Fariboles, en 1999, mais aussi Daewoo au festival d’Avignon en
2004, et Bernard Noël, avec le Syndrome de Gramsci, en 1997, et la
création du Retour de Sade, au Théâtre National de la Colline, en 2005.

Vous animez également plusieurs ateliers et stages à destination de
comédiens professionnels, à la Comédie de Caen, au Théâtre des Deux
Rives, au CDN Nancy Lorraine, mais aussi en Turquie et en Ouganda.

Vous avez été à plusieurs reprises membre du Conseil National du Syndicat
National des Entreprises Artistiques et Culturelles. Représentant le monde
de la culture, vous êtes aujourd’hui membre du Conseil Économique et
Social de Lorraine.

Vous êtes un passeur admirable. Vous avez voué votre vie au théâtre et à
l’écriture. Vous avez fait de la Manufacture un lieu dédié au partage et à la
curiosité, un espace éclectique, ouvert à tous les talents du théâtre
contemporain, et à tous les publics.

Charles Tordjman, au nom de la République, nous vous faisons
Commandeur dans l’Ordre des Arts et des Lettres.

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