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Ouverture des Journées européennes de l’Opéra, à l’amphithéâtre de l’Opéra Bastille

Monsieur le Président de Fedora, cher Federico Mayor Zaragoza,

Monsieur le Président d’Opéra Europa, cher Bernard Foccroulle,

Monsieur le Ministre, Président de la Réunion des Opéras de France, cher
Laurent Hénart,

Monsieur le Directeur de l’Opéra national de Paris, cher Gérard Mortier,

Monsieur le Directeur d’Opera Europa, cher Nicholas Payne,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

C’est un très grand plaisir pour moi d’ouvrir la première journée de ces
rencontres européennes de l’Opéra, à l’Opéra national de Paris, dans ce
haut lieu européen de l’art lyrique et de la danse, scène dynamique et au
formidable rayonnement, qui réunit un orchestre, un choeur et un ballet,
parmi les meilleurs du monde, et des techniciens et des personnels
administratifs de tout premier plan, pour le bénéfice de plus de 800 000
spectateurs chaque année.

Merci, cher Gérard Mortier, de nous accueillir aujourd’hui dans cette
prestigieuse maison, que vous avez à coeur d’ouvrir au public le plus large,
pour faire partager aujourd’hui les interrogations permanentes, universelles,
que porte l’art lyrique à travers le temps. Nous connaissons tous, ici, votre
engagement européen, qui nous a été très précieux pour la préparation des
Rencontres pour l’Europe de la culture. L’Opéra national de Paris témoigne
de la forte volonté de l'État d'offrir au public le plus large une production
lyrique exigeante et diverse, volonté qui s'est concrétisée par la
construction, il y a près de vingt ans, d'un outil résolument tourné vers
l'avenir.

Les Journées européennes de l'opéra s'inscrivent dans une dynamique qui
me tient tout particulièrement à coeur, et qui a inspiré l’organisation, les 2 et
3 mai 2005, des « Journées européennes de la culture ». Nombre d'entre
vous y avaient apporté leur fructueuse participation, et notamment le
Président José Manuel Barroso, dont le message tout à l'heure témoignera
de l'engagement, au plus haut niveau, des instances européennes en
faveur de la culture, de la musique et de l'opéra.

Toujours dans ce même esprit, j'avais ouvert, le 22 juin 2005, le « Forum
européen des orchestres », organisé par l'Association française des
orchestres au Parlement européen de Strasbourg. Cette manifestation avait
su mettre en lumière le rôle de nos formations symphoniques dans l'histoire
et le devenir de l'Europe.

L’opéra est par excellence un art européen. Sans même qu’on s’en rende
compte toujours, il exprime l’essence d’une culture européenne, identité si
difficile à trouver à travers la diversité de nos cultures nationales et de nos
sensibilités personnelles.

Oui, l'art lyrique exprime avec force l'héritage universaliste et humaniste de
l'Europe. Il y a plus de vingt-cinq siècles, déjà, les habitants d’Athènes
célébraient leur appartenance à une communauté, par des spectacles
convoquant tous les arts, chant, théâtre, musique et danse. De Monteverdi,
il y a quatre cents ans, à Dusapin, je vois une exceptionnelle diversité en
même temps qu'une véritable communauté et continuité, celle d'une
expression artistique permettant une formidable polyphonie de l'art et de
l'esprit. Et je ne vois guère d'autre domaine de la culture qui puisse mieux
exprimer les assonances comme les dissonances du concert européen.

Un
concert qui se résonne dans le monde entier.

Je constate également que l'art lyrique attire et inspire les créateurs
d'aujourd'hui, dans tous les pays. Oui, s'il est une expression artistique
marquée par un glorieux passé, l'opéra est aussi un art pleinement inscrit
dans son temps, toujours curieux de l'avenir, constamment ouvert sur les
avancées de la recherche et des nouvelles technologies. Bien des créateurs
venus d'autres expressions – vidéastes, plasticiens – fréquentent les
plateaux des théâtres lyriques.

Ainsi la définition de l’opéra comme un « art total » reprend-elle toute sa
vigueur et tout son sens aujourd'hui, car à nouveau, il interroge les
créateurs en dépassant les frontières, aussi bien géographiques
qu’artistiques. C’est l’art du décloisonnement, des correspondances, par
excellence. Il se joue de toutes les frontières artificielles que les hommes
s’échinent à ériger. Il aspire à l’universalité.

En un mot, l’Opéra, c’est l’Europe !

Et je tiens à l’affirmer devant vous, qui avez rejoint nombreux la pétition
lancée par Bernard Foccroulle, Directeur général du Théâtre royal de la
Monnaie, Directeur général du Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence,
musicien, compositeur, dont nous connaissons tous le profond engagement
européen. C’est lui qui est à l’origine de l’appel des 1000 pour une Europe
de la culture, relayé il y a deux ans, à Paris, à la Comédie Française, qui
avait constitué une formidable interpellation des créateurs, des artistes et
des intellectuels, adressée aux responsables politiques : il est temps de
refaire l’Europe ! il est temps de faire l’Europe de la culture.

Tout au long de mes trois ans au service de ce ministère, hanté par la
rapidité des événements, je n’ai eu cesse de travailler à ce dessein pour
répondre à votre appel.

Dans quelques semaines, le 25 mars, nous commémorerons les 50 ans du
Traité de Rome.

Je souhaite, par-delà les clivages partisans, que nous puissions oeuvrer
ensemble à la construction d’un grand espace culturel européen capable de
porter dans le monde les valeurs qui sont les nôtres depuis que le théâtre
grec a fait naître la démocratie.

Il y a quelques jours à Berlin, j’ai demandé à tous mes collègues ministres
de la culture de soutenir auprès de la présidence allemande la nécessité
d’inscrire dans la déclaration qui sera adoptée par les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne, le 25 mars prochain, un paragraphe
qui inscrive la nécessité de fonder le projet politique européen sur une
ambition culturelle ! J’ai besoin de vous. J’ai besoin que vous soyez les
relais de cette idée auprès des responsables politiques de tous les États
membres de l’Union européenne. Car une telle ambition ne se réalisera pas
en un jour. Elle demandera des années et des années pour que nous
trouvions l’équilibre nécessaire entre la force de l’identité et le respect des
diversités.

Tout au long de mes responsabilités à la tête de ce ministère, je me suis
efforcé d’agir au service du dessein européen qui est l’une de mes
convictions les plus profondes.

Je suis fier d’avoir contribué à l’adoption par l’UNESCO, à la quasi unanimité
de la communauté internationale, de la convention sur la diversité
culturelle. C’est grâce à la mobilisation et à l’unité des Européens que cette
convention a pu être adoptée dans des délais extraordinairement rapides.

Et je tiens à rendre hommage à l’action personnelle du président de la
Commission européenne, José Manuel Barroso. Avec cette convention,
nous avons désormais en Europe une charte commune pour agir dans le
domaine culturel. Il y aura, dans les affaires européennes, un avant et un
après en ce qui concerne la diversité culturelle. J’en veux pour preuve, pour
mon pays, la validation du système d’aides au cinéma que nous n’aurions
pas obtenu sans l’adhésion de la Commission européenne à la Convention
sur la diversité culturelle. Qui sait si demain, cette même convention
n’aidera pas les opéras à mieux garantir leurs aides publiques face au
risque d’une application mécanique du droit de la concurrence ?

Je suis fier également, à cette réunion de Berlin, d’avoir, avec mes
collègues hongrois, espagnol, italien, polonais et grec, obtenu la création
d’un label européen du patrimoine sur le modèle du patrimoine mondial de
l’humanité consacré par l’UNESCO. J’apposerai, en France, les premières
plaques de ce label en mars, pendant que mes collègues italien et grec le
feront sur le Capitole et sur l’Acropole ! En à peine deux ans, dans l’élan
des rencontres de l’Europe de la culture, nous aurons réussi, à plusieurs, à
créer des règles de classement communes, et à lancer une liste qui, je
l’espère, permettra, d’ici un siècle, de repérer et protéger, ensemble, sous le
regard de tous nos peuples, l’essence du patrimoine européen, qu’il
s’agisse des lieux de mémoire ou des lieux de création. Car ce label
s’adresse aussi à vous, maisons d’opéra, maisons d’hier et d’aujourd’hui !

Je suis fier enfin d’avoir participé aux débuts d’une aventure que j’espère
prometteuse, comme le fut l’union des Européens dans la conquête de
l’espace autour de la fusée Ariane. Je pense à la Bibliothèque numérique
européenne et à ce magnifique outil de démocratisation culturelle que
représente la Toile. Je souhaite que les Européens s’associent pour diffuser
en ligne tout le savoir que contiennent leurs bibliothèques publiques, et
qu’ils le fassent dans la multiplicité de leurs langues, qui reflète si bien la
diversité de leurs cultures.

Loin de moi l’esprit de satisfaction. Nous avons tant de choses encore à
faire, pour faciliter la mobilité des oeuvres et des artistes. Après le label
européen du patrimoine, j’aimerais participer à d’autres initiatives.

J’aimerais, par exemple, créer un réseau européen des librairies, sur le
modèles des salles d’art et d’essai réunies dans EuropaCinéma. Ce réseau des librairies européennes serait un label de qualité, décerné aux maisons
dont l’offre est majoritairement européenne et qui choisissent de favoriser la
traduction, un thème que vous connaissez bien puisque cette question de la
traduction – « la langue de l’Europe », selon le joli mot d’Umberto Eco – se
retrouve dans la plupart des disciplines artistiques qui recourent à la langue.

Je voudrais aussi que les Européens s’associent pour lancer ensemble un
forum mondial de la culture, une sorte de « Davos » de la culture, qui
réunirait artistes, dirigeants économiques et responsables politiques.

C’est
par une réunion de ce type que nous pourrions convaincre les sociétés
civiles européennes des enjeux économiques et stratégiques de la culture.

Je suis convaincu enfin que la circulation des oeuvres et des artistes
dépend très largement de la programmation culturelle des chaînes de
télévision. C’est pourquoi j’appelle de mes voeux la réunion, tous les ans,
sous présidence européenne, des ministres de la culture de l’Union
européenne et des responsables de l’audiovisuel public, pour réfléchir à une
meilleure programmation des événements culturels européens à la
télévision. Et je souhaite que cette réunion annuelle conduise à la création
d’un événement symbolique fort qui pourrait être une nuit de la culture
européenne, comme il existe déjà une nuit des musées. Très simplement, il
s’agirait dans mon esprit que toutes les télévisions publiques européennes
présentent la même nuit toutes sortes d’images de leurs choix,
d’événements culturels qui pourraient être organisés à travers l’Europe, à
l’occasion des journées européennes du patrimoine, dont on sait qu’elles
connaissent un immense succès auprès du public.

Vous êtes des hommes et des femmes de l’art ! Vous êtes des hommes et
des femmes d’imagination ! Prenez le pouvoir ! L’Europe de la culture ne
peut se faire sans vous.

Permettez-moi, pour terminer, de rendre hommage à la Réunion des
Opéras de France, qui a lancé l’opération « Tous à l'Opéra ! », dont
Nathalie Dessay a accepté d'être la marraine.

Ce sont ainsi 25 maisons, en France, qui ouvriront, demain, très largement
leurs portes, pour des répétitions publiques, des projections de films, des
visites, des ateliers et des dialogues avec des artistes ou des techniciens.

Tous les publics pourront, au cours de cette journée exceptionnelle,
découvrir les multiples facettes et la richesse d'un art servi par plus d'une
centaine de métiers différents. Dans notre pays, aujourd'hui, ce sont en effet
quelque 6500 professionnels (chanteurs, danseurs, musiciens, techniciens,
couturiers, éclairagistes, maquilleurs, régisseurs, administrateurs) qui
oeuvrent pour la vie et le rayonnement de l'art lyrique, sur scène, en
coulisse ou dans divers ateliers.

Je remercie chaleureusement l'association Opera Europa, la fédération
européenne des amis de l’Opéra, Fedora, le réseau éducatif européen Reseo, et l’Opéra national de Paris, qui sont les chefs d’orchestre de ces
« Journées européennes de l'opéra ».

Je serai très attentif au résultat de vos trois journées de travail et de
réflexion, qui réunissent quelque 600 représentants parmi les plus éminents
et les plus compétents du monde lyrique international.

Je tiens enfin à exprimer ma reconnaissance aux mécènes, présents eux
aussi, dont l’engagement dans le domaine lyrique est un facteur
indispensable de développement et de décloisonnement.

J'adresse un salut particulièrement cordial et chaleureux aux jeunes
« ambassadeurs de l'opéra » venus de divers pays pour exprimer leurs
idéaux et leurs attentes, leurs expériences, et peut-être leurs craintes, leurs
interrogations, au sujet de cet univers fascinant, qui est désormais le leur.

L'opéra est un langage irremplaçable pour conforter, au coeur de l'Europe
en devenir, une culture commune, une culture citoyenne, une culture
populaire d'excellence.

Je vous remercie. Je vous souhaite trois journées d’échanges fructueux, à
l’issue desquels je serai très heureux de vous accueillir, dimanche en fin
d’après-midi, dans les salons du ministère de la culture et de la
communication.

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