Imprimer cet article - Envoyer à un ami

BICENTENAIRE DU LYCEE DESCARTES

Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,

Je suis très heureux d’être présent parmi vous pour célébrer le bicentenaire de ce grand établissement, véritable mémoire de la vie tourangelle de ces deux derniers siècles.

Depuis la création, le 16 février 1807, par décret de l’empereur Napoléon Ier, de l’école secondaire communale, jusqu’à aujourd’hui, cette institution n’a pas seulement traversé l’Histoire de France. Elle en a écrit de très belles pages, également, en formant l’esprit de nos plus éminents hommes de lettres, artistes, militaires, médecins, journalistes, avocats, ou industriels, de Balzac à Yves Bonnefoy, en passant par Jean Carmet, Jacques Villeret, ou encore Patrice Leconte.

Cette Histoire, le lycée de Tours l’a également vécue dans ses murs, dans sa chair. Occupé par l’armée allemande pendant la Seconde guerre mondiale, il perdit l’un de ses professeurs, qui y enseigna pendant un an, Daniel Decourdemanche, engagé dans la Résistance, fusillé au Mont Valérien en 1942.

Le Lycée Descartes, c’est l’excellence à travers les siècles, l’exigence d’élever les esprits, les cœurs et les corps, à l’intelligence, à la liberté, à la citoyenneté.

Permettez-moi, au moment même où se clôt la XXIVe conférence des chefs d’Etat d’Afrique et de France, de rendre hommage, à mon tour, à l’un de vos anciens professeurs, qui incarna brillamment ces valeurs, ces exigences  portées haut par ce lycée, tout au long de son histoire, et dont nous avons commémoré l’année dernière le centenaire de la naissance, ici même, en présence du Président Abdou Diouf, Secrétaire général de l’Organisation Internationale de la Francophonie.

Oui, Léopold Sédar Senghor, l’illustre poète, l’éminent homme politique, et la grande voix de l’universel, fut d’abord professeur. Après l’hypokhâgne et la khâgne à Louis-le-Grand, après la Sorbonne, où il fut le premier Africain agrégé de l’Université, c’est ici même, au Lycée Descartes, qu’il commença sa carrière, enseignant aux classes de sixième le français et les langues classiques – latin et grec, de 1935 jusqu’en 1938.

M. le Directeur des archives départementales d’Indre-et-Loire a récemment retrouvé, parmi les documents dont il a la garde, un brouillon de l’évaluation par le proviseur de l’époque, que je ne résiste pas au plaisir de vous lire :
1935 : « M. Senghor
A linexpérience dun débutant, mais montre beaucoup de bonne volonté. Les élèves se sont habitués à sa couleur » !
Décembre 36 : « A profité de lexpérience acquise lannée dernière. En grand progrès » !
Décembre 37 : « Est devenu un très bon professeur, apprécié des familles, réussissant très bien » !

C’est ici que le professeur Senglor s’ouvrit, non seulement, à la subtilité de la notation administrative française, mais surtout, à ses deux grandes passions, à ses deux grands engagements, la poésie et la politique. C’est ici que débuta le chemin lumineux du poète président.

Léopold Sédar Senghor habitait alors boulevard Heurteloup, où il se consacrait à l’écriture : les premiers poèmes qui constitueront le recueil Hosties noires, publié en 1948, ont été écrits, ici, à Tours.

Tout au long de sa vie, et aujourd’hui encore, Léopold Sédar Senghor incarne le dialogue entre les cultures, les langues, les civilisations.  Il est passé avec une telle aisance d’une culture à une autre, conservant intact son amour pour son « Royaume d’enfance », cette terre d’Afrique où il est né, au sud de Dakar, tout en s’interrogeant sur la possibilité d’une « civilisation de l’universel », par métissage, qui demeure à la fois une référence et un projet pour notre temps.

Visionnaire, chantre de la Négritude, pionnier de la Francophonie, il a compris très tôt le rôle capital de la diversité culturelle et linguistique, de la richesse de la polyphonie des identités et des expressions artistiques et culturelles dans le monde d’aujourd’hui, que l’Unesco et la mobilisation de la communauté internationale, où la France et le Sénégal en particulier, ont joué tout leur rôle, feront entrer, pour la première fois dans l’histoire, le 18 mars prochain, dans le droit international. Il fut un précurseur. Il nous a ouvert le chemin.

Amoureux du français, « Soleil qui brille hors de l’hexagone », suivant ses propres mots, Léopold Sédar Senghor a rêvé que cette langue rassemble tous les peuples des cinq continents qui la parlent, en « symbiose des énergies dormantes ».

Oui, le lycée Descartes de Tours peut être fier d’avoir vu et fait éclore un esprit aussi brillant que le sien, il peut être fier de ses deux siècles d’histoire et d’excellence au service de l’éducation de générations de citoyens.

Je souhaite au lycée Descartes, avec ses équipes administratives et pédagogiques, ses professeurs, ses élèves et la communauté éducative, de poursuivre son grand destin, en restant fidèle aux valeurs qui l’animent depuis ses origines, et à cette maxime de celui dont il porte brillamment le nom : « On ne peut se passer d’une méthode pour se mettre en quête de la vérité des choses. »

Laisser une réponse